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SCIENCES Clonage de mammouth, mode d’emploi Ovule de l’éléphante Infographie : Hervé Bouilly Noyau du mammouth Cellule Noyau 1. On prélève une cellule sur un mammouth laineux congelé retrouvé en Sibérie. Après plusieurs millénaires de congélation, l’ADN devient une bouillie irrécupérable pour n’importe quel clonage. Noyau originel de l’éléphante 2. Le noyau de cette cellule est extrait pour être déposé dans un ovule d’éléphante dont le noyau d’origine a été ôté. j’ai trouvés possédaient tout au plus quelques centaines de bases, alors qu’un chromosome entier en contient plusieurs dizaines de millions ! » Deuxième défi : utiliser comme mère porteuse une femelle appartenant à une autre espèce, même voisine. Cette fois, l’obstacle n’est pas infranchissable. Des chercheurs du MNHN et de l’Inra ont ainsi confié à l’utérus d’une biche élaphe l’embryon d’un faon sika. Cela a fonctionné. Alors, pourquoi pas l’éléphante comme mère porteuse d’un mammouth ? Mutations. Quoi qu’il en soit, la probabilité qu’Iritani puisse un jour dorloter un mammouthon issu d’un clonage est quasi nulle. A moins de faire appel à une autre méthode. Celle préconisée par les chercheurs de l’université de Pennsylvanie, qui ont été les premiers à publier le génome quasi Le retour de neandertal Le dernier neandertal est mort voilà trente millénaires. Quel pied de nez à la sélection naturelle si on le voyait débarquer parmi nous ! Mais est-ce concevable ? Avec le clonage, pas plus que pour le mammouth. Mais il pourrait exister une autre voie, grâce aux travaux du professeur Svante Pääbo (photo), du Max-Planck Institute, qui a reconstitué l’essentiel du génome de notre cousin disparu. Pour mener à bien son projet, le scientifique suédois a utilisé les millions de fragments retrouvés dans des morceaux d’os fossiles de neandertal. Maintenant que nous connaissons son génome, 66 | 11 août 2011 | Le Point 2030 4. Après une attente de 600 jours, on espère que l’éléphante accouchera d’un bébé mammouth laineux. 3. L’ovule contenant le noyau de mammouth est déposé dans l’utérus d’une éléphante servant de mère porteuse. complet du mammouth. Ce dernier étant très proche de celui de l’éléphant, il serait envisageable de le transformer en génome de mammouth, en provoquant quelques dizaines, voire quelques centaines, de mutations. Reste à prouver l’intérêt du retour d’une espèce éteinte voilà au moins cinq mille ans. Ne vaudraitil pas mieux consacrer les millions d’euros nécessaires à la préservation des espèces en voie de disparition ? Par ailleurs, quelle bêtise de croire qu’une espèce se résume à son ADN ! Et la culture, alors ? Surtout chez les pachydermes, où la mère consacre des années à l’éducation de son éléphanteau. Bref, un mammouth surgi du néant n’aurait pas grandchose à nous apprendre. Jamais Akira Iritani ne murmurera à l’oreille d’un mammouth, à moins que ce ne soit à celle d’un cadavre congelé dans le permafrost… § on pourrait fabriquer artificiellement des brins d’ADN. La technique est au point. Reste à transformer ces longs filaments en chromosomes fonctionnels capables de produire les protéines nécessaires à la création d’un organisme vivant. Et là, c’est une autre paire de manches : il faut associer ces brins à des protéines spécifiques, puis les replier savamment, ce que les biologistes ne savent pas faire aujourd’hui. Et sans doute pas avant longtemps. Dernier espoir : modifier les chromosomes d’un œuf humain pour les transformer en chromosomes néandertaliens. On commence à savoir faire : George Church, de Harvard, a mis au point la technique Mage (Multiplex Automated Genome Engineering), qui peut engendrer plusieurs dizaines d’altérations simultanément. S’il parvient à décupler l’efficacité de sa méthode, alors le retour d’un neandertal serait envisageable. Mais quel scientifique prendra le risque de jouer au docteur Frankenstein ? § F. L. COURTESY MAX-PLANCK INSTITUTE EVA/AFP se développe normalement dans un utérus d’éléphante. Pour tous les spécialistes interrogés par Le Point, il est impossible de dénicher des chromosomes intacts de mammouth laineux. Après plusieurs millénaires de congélation, l’ADN devient une bouillie irrécupérable pour n’importe quel clonage. « Je connais les projets d’Iritani, ils sont totalement irréalistes », confirme Régis Debruyne, paléogénéticien au Muséum national d’histoire naturelle de Paris (MNHN), qui a passé ces dernières années à étudier l’ADN des mammouths. Confirmation du professeur Michael Hofreiter, généticien à l’université de New York : « Je ne pense pas qu’il soit jamais possible d’utiliser des cellules congelées d’espèces éteintes pour en faire des clones et les ramener à la vie. » Pas de quoi décourager Iritani, qui se réfère aux travaux d’un confrère japonais, Teruhiko Wakayama, qui, en 2008, a fait naître une souris clonée en utilisant des noyaux d’une souris congelée depuis seize ans ! « Une congélation menée dans un laboratoire n’a rien à voir avec celle d’un mammouth prisonnier du permafrost ! proteste Debruyne. Dans la nature, la congélation n’est jamais immédiate et suffisamment froide. L’ADN se dégrade donc rapidement après la mort. Les plus longs brins d’ADN de mammouth que …