Download 999) Memoire Prescriptions Infirmières

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Institut de Formation en Soins Infirmiers
Du CH St-Joseph St-Luc
J. Lepercq
42bis, rue du Professeur Grignard
69 007 Lyon
Rémy Delbarre
Benjamin Beaugé
Promotion 2011 - 2014
Mémoire de fin d’études
en vue de l’obtention du Diplôme d’État Infirmier
La prescription infirmière
Restitution le 26 Mai 2014
Soutenance le 23 Juin 2014
«Les infirmières doivent être en première ligne pour affirmer que seuls les
besoins des malades doivent déterminer le type et le coût des traitements.»
-Thierry AmourouxPrésident du Conseil Départemental de l'Ordre Infirmier Paris,
à propos des Masters en sciences infirmières
2
Remerciements
"
Nous tenons à remercier Sylvie Clary, directrice de notre établissement qui a per-
mis la réalisation de ce projet, Nathalie Elmassian-Tournier et Bruno Thevenet pour leur
soutien précieux. Nous souhaitons également remercier les universitaires, Valérie Buthion
et Isabelle Prim-Allaz, pour leurs conseils avisés nous ayant permis de mener à terme ce
travail.
Par ailleurs, nous souhaitons remercier tous les professionnels ayant accepté de nous recevoir ainsi que toutes les personnes nous ayant accompagnés dans la réalisation de ce
mémoire.
3
Introduction
6
1. Méthodologie
9
2. Cadre conceptuel
11
3. État des lieux de la prescription infirmière
15
3.1. En France, bref historique
3.1.1. Formation
3.2. A l’étranger
15
18
19
3.2.1. Royaume-Uni
23
3.2.2. États-Unis
25
3.2.3. Australie
26
3.2.4. Canada
27
3.2.5. Suède
29
3.3. Comparaison pour une situation de soin (diabète)
30
3.3.1. France
30
3.3.2. Royaume-Uni
31
3.3.3. États-Unis
31
3.3.4. Australie
31
3.3.5. Canada
32
3.3.6. Suède
32
4. Les aménagements du cadre légal
33
4.1. La prescription médicale
33
4.2. Les protocoles
35
4.3. Les situations d’urgence
37
5. Les dépassements du cadre légal
38
5.1. Dépassements de tâche
39
5.2. Prescriptions orales
39
5.3. Autres
40
5.3.1. Les sur exploitations de protocoles
40
5.3.2. Les ordonnances pré remplies
40
4
6. Evolutions actuelles et à venir en France
6.1. Nouveaux statuts
41
43
6.1.1. Infirmiers praticiens (ou «de pratiques avancées»)
43
6.1.2. Infirmiers experts en hémodialyse (de pratiques avancées)
43
6.1.3. Extension du droit de prescription des Infirmiers Libéraux
44
6.1.4. Infirmier de famille
46
6.1.5. Infirmier dans une MSP
47
6.1.6. Et infirmier clinicien dans une MSP?
49
6.2. Formations
50
6.2.1. Infirmier de Pratiques Avancées
50
6.2.2. Infirmier de famille
51
6.2.3. Infirmier Clinicien en cancérologie
52
6.2.4. Hypothèse de l’organisation des formations futures
53
6.3. Evolutions du cadre légal
54
6.4. Avantages, bilan des autres pays
56
6.5. Inconvénients, conditions, contraintes et limites
58
Conclusion
62
Annexes
66
5
Introduction
"
Nous sommes depuis quelques années, dans les pays développés, à un tournant de
l’histoire marqué entre autres par le vieillissement de la population, les progrès de la médecine et par un changement en profondeur des mentalités en ce qui concerne l’accès aux
soins. La répartition des professionnels de soin tend de plus en plus vers l’inégalité selon
les territoires alors qu’en parallèle les besoins et les attentes de la population augmentent.
Nous nous sommes attachés à un modèle de segmentation des professionnels de soins qui
ne semble plus suffire à satisfaire la demande. Certains pays ont commencé à prendre un
virage dès 1960 en remodelant le paysage de leur offre de soins par la création de nouveaux acteurs ou en faisant évoluer le rôle dévolu à certains. À l’heure où les différents
gouvernements tendent à rationaliser les modalités de prise en charge autant sur l’accès
aux soins ou encore sur la qualité des prestations effectuées que sur les coûts générés aux
frais de la société, de nombreuses publications ont émergé et convergent toutes vers une
même conclusion: il faut faire évoluer les choses.
La profession d’infirmier a énormément évolué depuis l’époque de Florence Nightingale,
pionnière des soins infirmiers modernes. Depuis la création en 1907 de la première école
française d’infirmière à la Salpêtrière, ce corps de métier n’a eu de cesse de chercher sa
place dans le paysage médical, s’affranchissant tantôt de l’Église, puis cherchant bien plus
tard à s’affranchir de l’autorité hiérarchique des médecins. En effet, et il est intéressant de
garder ce détail en tête pour la suite de cet exposé, Florence Nightingale souhaitait déjà à
son époque que la profession d’infirmière ait le même niveau d’études que les médecins.
Cet affranchissement est passé par un développement progressif de champs de compétences qui sont devenus spécifiques aux infirmiers: c’est la création du concept de «rôle
propre» qui n’est apparu qu’en 1978. Il reste que les infirmiers ressentaient et ressentent
encore cette tutelle médicale qui les limite dans leur autonomie et qui conduit souvent à
des situations de soins absurdes. Afin de lever certains de ces problèmes, surtout en ce
qui concerne l’exercice libéral, il a été décidé par l’arrêté du 13 avril 2007 d’autoriser les
infirmiers à prescrire certains dispositifs médicaux. Après le «diagnostic infirmier» de Virginia Fry en 1953, c’était le début de la prescription infirmière.
En parallèle dans les autres pays, un remodelage de l’offre de soins a été opéré et de nouveaux statuts ont donc été créés afin de limiter ce phénomène de déserts médicaux et
d’assurer un meilleur accès au soin en même temps qu’un meilleur suivi du patient.
6
Ces nouvelles pratiques infirmières furent appelées «Pratiques Infirmières Avancées» par
opposition à la segmentation conventionnelle de l’exercice infirmier en rôle propre ou
rôle prescrit.
Dans le cadre de notre travail de fin d’études (TFE), nos formateurs nous ont proposé un
travail de collaboration avec l’université Lyon 2. Nous avons pour notre part été intéressés par cette collaboration car elle nous proposait une approche différente de celle abordée d’habitude par le TFE. Avec l’accord de nos formateurs, nous avons formé un groupe
de deux afin de traiter un sujet avec des points de vue parfois différents et/ou croisés. De
plus, la recherche est un champ qui nécessite toujours une collaboration et une confrontation d’idées. La question de la prescription infirmière nous a semblé être un domaine de
recherche intéressant car la profession est en pleine évolution et qu’il y a de réelles contraintes de terrain qui impliquent cette nécessité d’évolution. Après concertation et quelques recherches de documentation afin de mieux cerner le sujet, nous avons pu en dégager une problématique:
❖ La prescription dans le cadre de certaines pathologies chroniques ou bénignes; une délégation possible aux infirmiers?
Dans un premier temps, nous voudrions commencer par un bref rappel historique de la
prescription infirmière en France, puis nous parlerons du cadre médico-légal tel qu’il est
actuellement. Dans un second temps, et après avoir dressé un bon aperçu de la situation
actuelle et de la réglementation à laquelle les infirmiers sont contraints dans notre pays,
nous nous pencherons sur la législation et le statut de l’IDE (Infirmier Diplômé d’État)
en ce qui concerne la prescription dans plusieurs pays du monde. Nous nous arrêterons
un moment sur les spécialisations qui permettent aux infirmiers d’assurer le rôle de prescripteur. Nous tenterons alors d’établir des parallèles avec ce qui se fait ou ce qui pourrait
se faire en France.
Après avoir dressé un aperçu historique du cadre législatif qui entoure la prescription infirmière chez nous et à l’étranger, nous nous pencherons sur toutes les situations qui sortent de ce même cadre. Notre intérêt se portera sur les différents cas de figure dans lesquels l’infirmier peut exercer, puis nous nous pencherons sur les dépassements du cadre:
glissements de taches, prescriptions orales, etc.
7
Forts de ces apports, nous nous intéresserons donc aux évolutions actuelles de la prescription et de la profession infirmière dans notre pays, notamment en ce qui concerne les
«nouveaux métiers» ou les nouvelles formations universitaires (masters, doctorats). Viendra ensuite un point sur l’évolution possible du cadre légal de la prescription infirmière.
Nous développerons ensuite les avantages qui découleraient de l’élargissement des possibilités de prescription, pour les différents acteurs de la prise en charge du patient: médecin, patient, intervenants paramédicaux mais aussi pour les infrastructures et organismes.
En toute logique, nous aborderons bien évidemment les contraintes et les limites d’une
telle évolution. Quels soins le corps médical est capable de déléguer, et quelles responsabilités les infirmiers sont capables d’endosser? Est-ce que ces spécialisations vont mener à
différents niveaux d’infirmiers, comme c’est le cas au Royaume-Uni par exemple? À quel
prix?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons réalisé des entretiens avec des médecins et des infirmiers libéraux.
Nous conclurons par un résumé des résultats obtenus et du cheminement réalisé, et proposerons des hypothèses et des questions d’ouverture en vue, peut-être de préparer de
futurs travaux de recherche.
8
1. Méthodologie
"
Notre équipe de formateurs nous a donc proposé une démarche de mémoire diffé-
rente de celle suivie par les autres étudiants de l’école pour le TFE. Nous avons alors suivi
un séminaire avec les universitaires de Lyon 2, le 7 octobre 2013, afin de clarifier les modalités du travail demandé. Nous avons parlé des différents sujets à traiter. Le 5 novembre,
notre choix s’est arrêté sur le sujet de la prescription infirmière. Le 10 décembre, nous
avons eu une réunion afin d’arrêter la question profane. Durant toute cette période, nous
avons effectué des démarches en parallèle afin d’alimenter notre réflexion et d’orienter
notre sujet de recherche. Il nous fallait nous circonscrire à un sujet précis afin d’éviter de
nous perdre dans des recherches trop vastes. Le 20 janvier, il est ressortit de la guidance
que nous étions sur la bonne voie et que nos recherches prenaient une orientation conforme avec le travail qui était attendu de nous.
À la suite de la réunion du 18 février, nous avons décidé avec l’avis des universitaires de
réaliser des entretiens semi directifs de 30 minutes au minimum, auprès de professionnels
en zone rurale. Nous avons suggéré d’interviewer 3 médecins et 3 infirmiers libéraux, en
leur soumettant le choix d’être enregistrés, afin de respecter l’exactitude de leurs propos.
Pour ce faire, nous avons élaboré nos guides d’entretiens (cf annexe 1) en y faisant figurer
des questions ouvertes qui nous permettraient d’enrichir notre réflexion. En effet, il nous
semblait indispensable de recueillir les points de vue de professionnels directement au
contact avec les problématiques que nous voulions étudier. Avant chaque entretien, nous
prenions le temps d’expliquer aux professionnels, hors enregistrement, notre sujet de recherche ainsi que l’avancée de notre démarche afin qu’ils cernent mieux la problématique
étudiée et qu’ils nous apportent un maximum d’éléments exploitables.
Le 4 avril, à la suite de nos 6 entretiens, nous avons eu un nouveau séminaire au cours duquel les universitaires nous ont encouragé à réaliser 2 nouveaux entretiens si nous pensions ne pas être arrivés à saturation sémantique. Nous cherchions donc tout d’abord un
médecin qui aurait été contre la délégation de soins et la prescription infirmière. Ensuite
il nous aurait fallu une infirmière supplémentaire qui aurait été favorable à l’élargissement
de ce droit de prescription.
9
Difficultés rencontrées
"
Nous devions donc interviewer un médecin qui serait défavorable à la prescription
infirmière ainsi qu’aux transferts de tâches. Cependant des médecins de ce type existent
de moins en moins, surtout en campagne où il est apparu au fil de nos recherches qu’ils
avaient grandement besoin de cette collaboration. Un autre frein a été que les médecins
que nous avions contacté et qui étaient contre la prescription infirmière n’étaient pas forcément disposés à nous consacrer du temps. Enfin, l’ensemble de nos recherches agrémentées de nos entretiens nous ont confortés dans l’idée que nous étions arrivés à saturation sémantique sur ce point.
Nous avons aussi rencontré une difficulté: celle d’avoir eu du mal à garder les professionnels dans le sujet que nous traitions au cours des entretiens. Nous avions prévu de garder
des entretiens n’excédant pas 30 minutes, mais un de nos entretiens a duré 1h30 parce que
nous avions en face de nous une passionnée des Maisons de Santé Pluriprofessionnelles
qui nous a expliqué en détail le fonctionnement de celles-ci en nous exposant quels liens
on pouvait y faire avec notre travail. Les professionnels choisis ayant tous beaucoup de
choses à partager, aucun des entretiens n’a donc duré 30minutes.
Analyse et rédaction
"
Après retranscription à l’identique des propos des professionnels, nous avons donc
analysé le contenu de ces entretiens et en avons tiré de nombreuses idées et arguments
que nous trouvions justifiés de replacer dans notre travail sous la forme d’encadrés. Ces
encadrés comportent les initiales des personnes interviewées et leur propos entre guillemets. Les intervenants seront identifiés uniquement par leurs initiales afin de respecter
l’anonymat auquel le secret professionnel nous oblige. Nous avons joint à ce travail les
tableaux récapitulatifs des entretiens que nous avons menés (cf annexe 2).
Forts de ces apports et de toutes nos recherches, nous avons donc rédigé le contenu de ce
travail en y incluant des illustrations au besoin.
10
2. Cadre conceptuel
Prescription
"
La prescription est en quelque sorte un guide de soin pour les patients. Il peut être
à la fois applicable par ce dernier tout comme il peut l’être par un acteur de santé comme
les infirmiers. Elle autorise les infirmiers à réaliser des actes qui font partie de leur «rôle
prescrit». Dans le cadre de la prescription infirmière, elle permet à l’infirmier de «commander» le matériel dont il a besoin afin de réaliser des soins de qualité, sans avoir à passer par le médecin. Cela lui procure donc une plus grande autonomie et permet de libérer
du temps médical.
Le dictionnaire Larousse définit la prescription comme suit:
- Recommandation thérapeutique, éventuellement consignée sur ordonnance,
faite par le médecin.
- Document écrit dans lequel est consigné ce qui est prescrit par le médecin.
Délégation
"
La délégation désigne le fait qu’un professionnel spécialisé dans un domaine, con-
fie à un autre professionnel, la réalisation d’un acte propre au champ de compétences du
déléguant. Dans le monde de la santé, cela signifie qu’un médecin offre la possibilité à un
infirmier de réaliser un acte propre au champ de compétences du médecin, par le biais
d’un protocole par exemple. Comme dans la délégation, il y a une notion d’encadrement,
le personnel qui délègue une tâche à un autre, engage sa propre responsabilité du fait de
cette supervision. De la même manière, le personnel qui accepte la délégation engage également sa responsabilité par la réalisation de l’acte.
Transfert de tâche
"
Le transfert de tâche est assez similaire à la délégation. La grande différence réside
dans le fait que le transfert de tâche inclut la notion de transfert de responsabilité. Ainsi,
une personne qui transfert une tâche à une autre se décharge de toute responsabilité en
11
cas de problème. De le milieu médical, un médecin qui réalise un transfert de tâche par le
biais d’un protocole par exemple, n’engage pas sa responsabilité si l’infirmier qui réalise
l’acte se trompe. Il y a donc la une notion d’autonomie dans la réalisation de l’acte transféré.
Compétence
"
La compétence est un savant mélange de plusieurs savoirs. Un individu lors de sa
vie privée et professionnelle, accumule des connaissances, des savoir-faire ou encore des
comportements qui lui permettent d’acquérir une expertise dans certains domaines. Ces
savoirs, dans le cadre d’une situation précise, sont alors employés comme compétences
qui vont permettre de résoudre les questionnements ou problèmes rencontrés.
Coopération
"
La coopération peut se définir comme le fait de travailler ensemble dans un but
commun. C’est donc pour un groupe de personne, le fait de se partager les tâches afin de
répartir le travail en fonction des compétences de chacun, la finalité étant la même pour
tous.
Selon E. Durkheim, «L’engagement d’une partie résulte ou de l’engagement pris par l’autre, ou d’un service déjà rendu par cette dernière. Or, cette réciprocité n’est possible que
là où il y a coopération, et celle-ci, à son tour, ne va pas sans la division du travail. Coopérer, en effet, c’est se partager une tâche commune.»1
Par ailleurs, selon l’article L4011-1 du Code de la santé publique, la coopération se définit
comme la possibilité pour les professionnels de santé, et à leur initiative, d’engager dans
une démarche de coopération, des transferts d’activités ou d’actes de soins.
1
Emile Durkheim, De la division du travail social, F.Alcan, 1893, p.132.
12
Déserts médicaux
"
Les déserts médicaux sont des zones géographiques où la quantité de médecin ou
de professionnels de soins ainsi que de structures de soins (hôpitaux, cliniques) est très
faible, par rapport à la population locale, la population drainée alentours et par rapport
aux besoins de celle-ci.
Ces zones sont souvent caractérisés par un vieillissement de la population et un faible dynamisme. La zone n'attire pas de jeunes professionnels et le peu d’anciens médecins surchargés qui partent à la retraite ne sont pas remplacés.
Il faut savoir que cette désertification résulte d’une inégalité de répartition des professionnels de soin sur le territoire et non d’un manque à proprement parler puisqu’entre
1885 et 2005, le nombre de médecin pour 100 000 habitants est passé de 275 à 340 praticiens.
Cette désertification médicale implique un cercle vicieux. En effet les médecins, soumis à
la permanence des soins, sont contraints à des horaires chargés et à des conditions de travail difficiles, les nuits et jours fériés y compris. Les jeunes médecins ne sont donc pas
motivés à s’y installer. De plus les médecins libéraux sont tous dits «de secteur 1», et ne
peuvent donc pas pratiquer de dépassements d’honoraires. Enfin pour beaucoup, ils ont
fini leurs études dans une grande ville, sont mariés et ont peut être déjà des enfants. Ils ne
veulent souvent pas partir s’installer en campagne en imposant ce changement à tous.
Pratiques avancées
"
Le conseil international des infirmiers (CII), donne en 2008 la définition suivante
de l’infirmier de pratique avancée / infirmier praticien:
«Une infirmière praticienne / en pratique infirmière avancée est une infirmière diplômée d’État ou
certifiée qui a acquis les connaissances théoriques, le savoir-faire nécessaire aux prises de décisions
complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de son métier,
pratique avancée dont les caractéristiques sont déterminées par le contexte dans lequel l’infirmière sera
autorisée à exercer. Un master est recommandé comme diplôme d’entrée »
13
Rôle propre
"
Le rôle propre d’un corps de métier comprend tous les actes et tâches qui sont
réalisables par les professionnels le composant sans accord préalable d’une autre profession. Les infirmiers, qui travaillent en collaboration avec les médecins, exercent dans le
cadre de deux rôles différents. Le «rôle propre»2 qui comprend entre autre l’éducation
thérapeutique, le diagnostic infirmier ou les surveillances de différentes sortes, et le rôle
sur prescription ou «rôle prescrit» qui consiste alors en la réalisation de ces prescriptions
avec les surveillances qui en découlent.
2
Article R4311-5 du code de la santé publique
14
3. État des lieux de la prescription infirmière
"
Avant de parler d’une évolution future du métier d’infirmier en ce qui concerne la
prescription, il nous semble utile, voire indispensable, de rappeler l’état actuel de la situation en France et à l’étranger. La prescription infirmière est en effet un concept plus ou
moins récent et qui a évolué de manière différente selon les pays afin de répondre à des
problématiques de santé souvent similaires.
En France, le métier d’infirmier évolue petit à petit, jusqu’à avoir accéder en 2007 au
droit de prescription. Cette année a marqué une avancée majeure dans cette évolution car
jusqu’à présent les IDE (Infirmier Diplômé d‘État) pourtant experts dans certains domaines, n’en restait pas moins de simples exécutants de la prescription médicale. Aujourd’hui, la dernière loi concernant la prescription infirmière remonte à 2012, elle a apporté
de légères modifications à celle de 2007.
Pour comprendre l’introduction de la prescription infirmière dans leur champ de compétences, nous dresserons un bref historique rappelant les étapes importantes qui nous ont
mené à ce que l’on connait aujourd’hui.
Nous pourrons ensuite comparer cette situation actuelle avec ce que d’autres pays ont
mis en place progressivement afin de répondre à ces questions de santé publique.
3.1. En France
"
Tout d’abord, en 2004, le code de santé publique reconnait à l'IDE dans le cadre
de son rôle propre, la réalisation, la surveillance et le renouvellement des pansements non
médicamenteux, la prévention et les soins d'escarres, les soins et surveillances d'ulcères
cutanés chroniques.3
Cela signifie qu'un IDE salarié a la compétence et la responsabilité de mettre en place les
soins de ces plaies sans avoir besoin d'une prescription médicale.
Restait le problème des IDE libéraux qui jusqu’à présent étaient obligés de consulter le
médecin pour qu’il réalise la prescription, le plus souvent celle indiquée par l’IDE. Ils
3
version officielle du 8 aout 2004: http://www.legifrance.gouv.fr
15
voulaient donc être autonomes dans ces soins et dans tous les besoins relevant du rôle
propre.
La prescription infirmière, qui n’existait pas du tout en France avant fin 2006, est née dès
lors, accompagnée de tout un dispositif légal, réglementaire et conventionnel. Ce dispositif légal s’est mis en place afin de fixer le cadre de cette prescription et les modalités pratiques.
L'article 51, de la loi N° 2006-1640 du 21 décembre 2006, paru au JO le 22 décembre 2006
a été une grande avancée. Cette loi stipulait qu’un IDE, lorsqu’il agissait sur prescription
médicale, pouvait prescrire à ses patients des dispositifs médicaux selon une liste.4
Cependant, il manquait la publication des arrêtés fixant la liste.
Suite à plusieurs discussions entre les différents acteurs concernés par la prescription infirmière, à savoir la HAS (Haute Autorité de Santé), les médecins et les syndicats infirmiers (l’ordre national infirmier étant en cours de création), un arrêté a vu le jour concernant la liste des dispositifs médicaux pouvant être prescrit par les IDE.
L’arrêté du 13 avril 2007 fixe la liste de ces dispositifs en deux parties5:
‣ Une première, fixant l’autorisation de prescrire des articles pour pansements
(compresses stériles, sparadraps), pour la réalisation de perfusion ou encore pour
le traitement de l’incontinence, n’étant pas sujet à l’obligation d'informer le médecin mais pouvant être contre indiqué par ce dernier.
‣ Une seconde peu détaillée, impliquant une obligation d’information au médecin
traitant du patient, qui fixe l’autorisation de prescrire des pansements hydrocolloïdes, à base d’alginate, des sondes naso-gastriques, et dans le cadre d’un renouvellement à l’identique, du matériel pour les lecteurs de glycémie, ainsi que des
bas de contention.
Dans un souci d’économie, l’arrêté du 20 mars 20126 qui vient compléter l’arrêté du 13
avril 2007, stipule que l’IDE a la possibilité de prescrire des dispositifs médicaux génériques équivalents à ce que proposent les listes, ainsi que la possibilité de prescrire des sets
4
http://www.legifrance.gouv.fr
5
http://www.legifrance.gouv.fr/
6http://www.ameli.fr/professionnels-de-sante/pharmaciens/exercer-au-quotidien/droit-de-prescription-des-dispositifs-
medicaux/droit-de-prescription-des-infirmiers.php
16
comportant plusieurs dispositifs répertoriés dans ces listes. Cet arrêté fixe toujours en
deux parties et avec les mêmes conditions, les dispositifs médicaux pouvant être prescrits
par les infirmiers.
La première partie est relativement identique à celle proposée par l’arrêté du 13 avril
2007, avec toutefois comme modification notable le rallongement des articles pour pansements (sets pour plaies, pansements absorbants, etc.).
La seconde est cette fois-ci plus détaillée, avec notamment le détail des types de coussin
d’aide à la prévention d’escarre, des pansements type hydrocolloïdes, alginates, etc.
Dans le cadre de renouvellement à l’identique, il y a également eu des précisions, notamment pour les orthèses élastiques de contention des membres (bas, chaussettes de contention) et dans le cas des accessoires pour lecteurs de glycémie (seringue pour autotraitement par exemple).
Le 29 aout 2008, l’article R.4311-5-1 du code de la santé publique stipule que dorénavant
le corps infirmier sera en mesure de réaliser les vaccinations antigrippales sans prescription médicale, à l’exception de la primo-injection. La liste des personnes pouvant bénéficier des injections par des infirmiers a été fixée par l’arrêté du 19 juin 2011. Cette mesure
augmente donc l’autonomie des infirmiers, sans que ce soit pour autant une réelle prescription.
La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de Simplification et d’Amélioration de la Qualité du
Droit (SAQD) stipule que:
«L’infirmière ou l’infirmier est autorisé à renouveler les prescriptions, datant de moins d’un an, de médicaments contraceptifs oraux, sauf s’ils figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la
santé, sur proposition de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, pour une durée
maximale de six mois, non renouvelable. [...]»
Cela permet donc aux infirmiers de réaliser des renouvellements d’ordonnances de pilule
contraceptive, au même titre que les pharmaciens.
17
3.1.1. Formation:
"
Aujourd’hui en France, comparé à certains de nos pays voisins, on ne peut exercer
en tant qu’infirmier qu’après l’obtention d’un diplôme unique : le Diplôme d’État. Une
fois ce diplôme obtenu, le professionnel peut se spécialiser. Il existe alors plusieurs
possibilités: 7
- Infirmière de bloc opératoire: 1500h de formation sur 18 mois. En cours de reconnaissance bac+5
- Infirmière puéricultrice: 1500h de formation qui peuvent s’organiser sur 12, 24 ou
27 mois. En cours de reconnaissance bac+5.
- Infirmière anesthésiste: 24 mois de formation, donc bac+5: Validation de 120
ECTS. En cours d’intégration au cursus LMD, donc de reconnaissance du niveau
Master.
- Master sciences cliniques infirmières (université Aix Marseille) axé sur la cancérologie, la gérontologie, ou les parcours complexes de soins
- Master Sciences cliniques en soins infirmiers (université Versailles Saint-Quentin-enYvelines) axé sur la santé mentale, les soins palliatifs, la douleur et les maladies
chroniques.
Les professions intermédiaires ayant le droit de prescrire ont pu trouver toute leur légitimité dans les systèmes de santé des pays voisins. Ils sont majoritairement de niveau
bac+5, donc master. Elles représentent pour les infirmiers, une opportunité de carrière
dans la santé, mais également la possibilité de prendre en charge de façon plus autonome
des patients chroniques. Si ces professions intermédiaires ont pu se rendre indispensables
chez nos voisins, elles pourraient répondre à des problématiques similaires qui se posent
chez nous.
7
http://www.cripp-idf.fr/fr/evolution_et_salaire_1_2_3_4_5_6_7_8
18
3.2. À l'étranger
"
La prescription non médicale s'est imposée tout d'abord aux Etats-unis, il y a de
cela une cinquantaine d’années. Dès lors, et dans le monde entier, elle n'a cessé de remettre en question l'organisation des soins, nos systèmes de santé ainsi que les cadres
médico-légaux associés. Dans chaque pays où elle est progressivement évoquée, elle arrive alors dans un contexte tendu et tente de répondre à des besoins ou problèmes spécifiques.
En Suède ou en Nouvelle-Zélande par exemple, il y avait une nécessité d'améliorer les
services offerts à certains groupes nécessitant des soins de santé réguliers tels que les
personnes âgées. L'amélioration de la qualité de vie et le vieillissement de la population,
à fortiori avec le "papy boom", vient en effet imposer des changements de paradigmes
qui nécessitent un remodelage du système de prescription afin de combler le manque de
médecins pour une tranche de la population en augmentation constante.
Au Canada ou en Australie, il y avait alors une pénurie de personnel médical dans les
régions isolées. Ce sont les « déserts médicaux » que nous connaissons bien chez nous.
Au Royaume-Uni, c'est un peu l'ensemble de ces raisons qui étaient évoquées, avec la
nécessité d'utiliser de façon plus efficace les compétences des acteurs de santé locaux
tels que les infirmiers.
Le tableau ci-dessous reprend les dates d’introduction de la prescription infirmière dans
différents pays (Table 2, Year of introduction of nurse prescribing).
Chaque pays ayant son contexte propre, ceux-ci ont toutefois eu des objectifs communs
qui ont contribué à la maturation de cette pratique nouvelle qu'est la prescription non
médicale. Ces objectifs sont les suivants :
➡Rendre plus facile l’accès aux traitements
➡Réduire les délais dans l’adaptation des traitements
➡Utiliser de façon plus efficace les compétences des infirmiers spécialisés, par
exemple dans le traitement des maladies chroniques telles que : asthme, diabète,
certains cancers ou maladies cardiovasculaires.
➡Lutter contre la désertification médicale, surtout dans certaines zones rurales.
19
Prescription médicamenteuse par les infirmiers dans les pays d’Europe de l’ouest et anglo-saxons:
examen méthodique de la littérature
Marieke Kroezen1*, Liset van Dijk1, Peter P Groenewegen1,2 et Anneke L Francke1,3
"
Aujourd’hui, la pénurie de médecins dans certaines zones géographiques, associé à
la diminution du nombre de médecins exerçant, rend de plus en plus nécessaire la formation d’un nouveau statut pour les professions paramédicales, celui de profession de santé
intermédiaire 8. Ce constat a été réalisé à la suite de plusieurs études, dans le but notamment de rendre plus facile l’accès aux soins primaires et ainsi éviter des passages coûteux
dans les hôpitaux. Etant donné le retard que la France a accumulé dans ce domaine, les
autorités se sont donc penchées sur ce que nos voisins ont réalisé en matière de soins
primaires. Des expériences menées dans différents pays comme le Royaume-Uni, la Finlande, l’Australie ou encore les Etats-Unis, montrent que le développement des professions d’auxiliaires médicaux et particulièrement la profession d’infirmière de pratiques
avancées, se révèle être bénéfique tant sur le gain de temps médical que sur la satisfaction
des patients.
En ce qui concerne le droit de prescription, là encore les pays cités précédemment ont pu
réaliser des modifications sur les rôles confiés à l’infirmier de pratiques avancés.
Un travail de l’OECD (Organisation de Coopération et de Développement Economique)
réalisé en 20109 montre que depuis l’année où les Etats-Unis ont introduit le droit de
prescription de médicament de façon autonome pour les infirmiers, beaucoup de pays
comme le Royaume-uni, l’Australie, le Canada ou encore plus récemment l’Irlande, ont à
leur tour accordé ce droit aux infirmiers selon différentes conditions (voir tableau 2.3 si
dessous).
8
Laurent Henart, Yvon Berland, Danielle Cadet, «Rapport relatif aux métiers en santé de niveau intermédiaire», Janvier
2011, p.9
9
Marie-Laure Delamaire et Gaetan Lafortune, «Les pratiques infirmières avancées : Une description et évaluation des
expériences dans 12 pays développés», OECD document de travail sur la santé n°54, p.37
20
Pour améliorer la prise en charge des soins primaires, les Etats-Unis, pionniers dans ce
domaine ont permis aux infirmiers qualifiés d’ouvrir des centres privés: les Retail Clinics
(ou Convenient Care Clinics) 10. Ceux-ci simplifient l’accès à certains soins primaires dont
90 % concernent des motifs de faible gravité comme les maux de gorge, la toux, les vaccinations, etc. Il en ressort que l’impact sanitaire de ces structures est positif puisque les
patients en bénéficiant sont dans l’ensemble satisfaits. En effet, la localisation de ces centres, généralement dans des endroits fréquentés et facilitant l’accès aux soins, permet aux
patients de faire réaliser plus facilement leurs examens tels que les prises de sang, analyses
d’urine ou contrôles de la tension artérielle. Le suivi et le dépistage sont donc améliorés
et les actions de prévention s’en trouve ainsi facilités.
Jusqu’à présent, en France, la prise en charge des pathologies chroniques était focalisée
sur le traitement des symptômes et des complications. Ces tâches étant exclusivement
réservées à la profession médicale, les infirmiers réalisent l’éducation thérapeutique et
prodiguent des conseils aux patients.
A l’étranger, en plus de réaliser ce que font les IDE Français, certains infirmiers se sont
vus confier la responsabilité de réaliser l’analyse des examens de contrôle et le réajustement des thérapeutiques, libérant ainsi du temps médical pour les missions curatives.
Cette organisation permet d’exploiter de façon optimale les compétences de chaque acteur de santé.
10
Élise Anger et Virginie Gimbert, avec la collaboration de Mathilde Reynaudi et de Sylvain Lemoine, «Quelles opportunités pour l’offre de soins de demain ? Les coopérations entre professionnels de santé», La note d’analyse n°254, Centre
d’analyse stratégique, décembre 2011.
21
22
3.2.1. Royaume-Uni
"
Les infirmiers diplômés d'état au Royaume-uni s'appellent « Registred Nurses » car
elles sont enregistrées auprès de la NHS, l'équivalent grossièrement, de la Sécurité sociale en France.
Ces infirmiers ne sont pas autorisés à prescrire sans une formation complémentaire
théorique et pratique. Un autre statut d'infirmier existe au Royaume-Uni: les « Nurse
practitioner » qui font partie des « Advance practice Nurse », infirmiers de pratique
avancée. Ce statut correspond à un infirmier qui aurait acquis soit un Master en Sciences Infirmières, soit un Doctorat en Pratiques Infirmières et qui se serait spécialisé dans
un champs particulier des soins infirmiers, tels que la gériatrie, la pédiatrie, ou les soins
en néonatalogie.11
En plus de pouvoir prescrire, ces Nurse Practitioners sont aussi capables de diagnostiquer des pathologies, fournir aux patients des plans de soins, agir directement auprès de
leurs patients comme un « primary health care provider » (fournisseur primaire de soins
de santé) au même titre que le GP (médecin généraliste) et travailler de façon bien plus
indépendante dans leur profession que les Registred Nurses.
Les tâches des Registred Nurses sont de prendre en compte les symptômes de leurs patients ainsi que leur historique médical, surveiller leur rétablissement, identifier les
blessures ou maladies auxquels les patients peuvent faire face. C'est aussi de manipuler
tous types de traitements dont le patient aurait besoin, assister le pôle médical dans les
traitements spécifiques, aider les patients en soins de suite et de réadaptation, et travailler de pair avec d'autres spécialistes de santé afin que le patient reçoive les meilleurs
soins et le meilleur suivi médical possible.
Il faut noter que si les Registered Nurse sont capables de consigner les constantes et
symptômes des patients ou administrer des traitements, ils ne sont pas autorisés à diagnostiquer ces symptômes, prescrire ou proposer des plans de traitement pour le patient.
Ils sont là pour assister le pôle médical dans le processus de guérison du patient et assurer le fait que les patients reçoivent les soins médicaux et l'attention dont ils ont besoin.
D'autres spécialistes de santé sont autorisés à prescrire, dont les dentistes les praticiens
médicaux, les opticiens ou encore les vétérinaires.
11
http://www.aanpe.org/AdvancedNursingPractice/tabid/721/language/en-US/Default.aspx
23
Contrairement aux traitements soumis à prescription médicale, les médicaments sans
ordonnance (over-the-counter) ne nécessitent pas légalement de prescription médicale
pour être vendus. Cependant, quelques médicaments sans ordonnance ne peuvent être
achetés qu'après que le pharmacien ait évalué l'état de santé de l'individu, et seulement
si celui-ci pense que le traitement sera bénéfique pour sa maladie ou ses symptômes.
La prescription non médicale au Royaume-Uni est différenciée en deux « types » de
prescription: la prescription indépendante et la prescription supplémentaire. Le ministère de la Santé britannique définit alors la prescription indépendante comme un « processus par lequel l’infirmier autorisé à prescrire des thérapeutiques a la responsabilité de
mener l’évaluation clinique, d’établir un diagnostic, d’effectuer la gestion clinique et de
prescrire des médicaments le cas échéant. ». Les acteurs de soin autorisés peuvent alors
prescrire les thérapeutiques qui figurent sur une liste restreinte de médicaments.
La prescription supplémentaire nécessite elle un accord entre médecin (prescripteur
indépendant) et l’infirmier ou autre prestataire de soins. C’est un partenariat entre médecin, prescripteur supplémentaire (infirmier par exemple) et patient. Ces trois acteurs
décident ensembles d’un programme de gestion clinique.
Avant 2006, la liste des médicaments autorisés à la prescription infirmière était très restreinte, ce qui amenait souvent les infirmiers à utiliser la prescription supplémentaire.
La réforme d’avril 2006 a été une énorme avancée lorsque le ministère de la Santé britannique autorise les infirmiers qui effectuent ces prescriptions supplémentaires, à
prescrire de façon indépendante et ce pour n’importe quelle pathologie, sur la base
d’une très grande liste de médicaments. Bien sûr, la prescription de certains médicaments dits « contrôlés » comme les stupéfiants n’entrent pas dans cette liste, et les professionnels de soin ne peuvent prescrire que dans leur domaine de compétence.
Bénéfices: Au Royaume-Uni, la prescription non médicale s'est vite imposée et a eu des
effets très bénéfiques pour les personnes atteintes de diabète par exemple, notamment
grâce à une diminution des délais dans la délivrance du traitement, une adaptation plus
rapide de celui-ci, une diminution des erreurs de prescription et une implication plus
active des personnes atteintes de la maladie dans le suivi de leur traitement.
24
3.2.2. États-Unis
"
Aux Etats-Unis, en réponses aux nouvelles contraintes expliquées précédemment,
un statut d’infirmier de pratique avancée (Advanced Practice Nurse) a été créé. Il correspond aussi a un niveau Master ou Doctorat en sciences infirmières. Ces pratiques
avancées sont de quatre types:12
• Sage femme (Certified Nurse Midwife)
• Infirmière anesthésiste (Certified Registered Nurse Anesthesist)
• Infirmière praticienne (Nurse Practitioner)
• Infirmière clinicienne spécialisée (Clinical Nurse Specialist)
L’infirmière praticienne, ou NP, a le droit de prescription et d'interprétation des résultats biologiques, dans le domaine de sa spécialisation (gériatrie, psychiatrie, oncologie,
etc). Elle travaille souvent en collaboration avec des médecins, mais elle peut aussi
exercer en totale autonomie. Elle va notamment pouvoir s’associer a un cabinet médical
afin de réaliser des consultations, par exemple pour un suivi de pathologie chronique ou
un suivi gynécologique (éducation, prescription de contraceptifs). Elle peut aussi être
référente en cicatrisation, pour le traitement d’escarre ou encore pour la prise en charge
de la douleur au sein d’un hôpital.
Elle va pouvoir prescrire de façon autonome et sans limitation de traitements, de dispositifs médicaux ou autre accessoires aidant à la prise en charge d’une pathologie et des
soins médicaux ou paramédicaux. Cette prescription indépendante ne nécessite pas la
collaboration ni l’aval d’un médecin.
Cependant, le cadre légal entourant la prescription de ces Nurse Practitioner varie parfois sensiblement d’un état à l’autre, rendant ce « cadre théorique » plus ou moins facilement applicable. En Californie ou en Alabama par exemple, les NP sont dépendants
d’une participation médicale pour le diagnostic et le traitement d’une pathologie et
pour prescrire. A l’inverse, dans les états de Washington, Rhode Island ou dans le Dakota du Nord, ils sont autorisés à diagnostiquer, traiter et prescrire sans aucun avis médical. En totalité, 24 états imposent la participation d’un médecin pour le diagnostic et le
traitement d’une pathologie, et 32 états l’imposent pour la prescription. Cette « partici-
12
https://web.archive.org/web/20110720012312/http://www.aacn.nche.edu/publications/positions/cerreg.htm
25
pation » peut varier de la collaboration à la supervision en passant par l’autorisation, la
délégation ou encore la direction.
Bénéfices: Une étude publiée en 2000 dans le Journal of American Medicine Association
s’est intéressée à comparer la prise en charge primaire des patients par un médecin d’un
côté et par une Nurse Practitioner de l’autre. À cette étude ont participé 1316 patients,
dont les soins ont été confiés au hasard à un médecin ou à une infirmière praticienne.
Le résultat sont alors sans appel: aucune différence significative n’a été relevé entre
l’état de santé des patients et la qualité de la prise en charge. (généraliste vs infirmière
praticienne).13
3.2.3. Australie
"
L’Australie a suivi l’exemple de l’Amérique, du Canada et du Royaume-Uni après
quelques décennies d’observation. Les facteurs étaient alors les mêmes: manque de
«GP» (médecin généraliste), coût élevé de la consultation, problème de suivi des affections de longue durée. Cette entrée en vigueur de ce nouveau statut s’est fait avec beaucoup de précautions et a nécessité de nombreux tests, études et observations. Ce n’est
donc que depuis le 1er Septembre 2010 que les Nurse Practitioners (NP) peuvent s’inscrire en tant que «PBS prescribers», et devenir ainsi «Authorised Nurse practitioners»,
afin de prescrire des médicaments dans le champ de leur spécialité. Ces prescriptions se
font sur une liste de médicaments subventionnés par l’état.
Le programme PBS a été créé en 1948 dans le cadre d’un plan de grande envergure du
gouvernement Australien afin de créer un équivalent au NHS (National Health Service)
Britannique. A l’origine, cette liste comportait environ 140 médicaments pour le traitement ou la prévention de pathologies qui étaient gratuits jusqu’en 1960, puis dont les
coûts ont été ajustés selon les spécialités.
La liste des médicaments que les NP enregistrées en tant que PBS prescribers sont autorisées à prescrire est indiquée sur le site du gouvernement par une mention «NP» a
côté de ces derniers. 14
13
http://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=192259
14
http://www.pbs.gov.au/browse/nurse
http://acnp.org.au
26
Certaines spécialités comportent une mention CTO: celles-ci sont autorisées à la prescription par les NP seulement dans le cas d’une thérapie au long cours, comme renouvellement. Pour ces spécialités, la prescription initiale doit être effectuée par un médecin.
Enfin, la liste des traitements autorisés à la prescription des NP peut différer d’un état
ou d’un territoire à l’autre, et c’est au praticien de s’assurer qu’il a le droit de prescrire
telle spécialité dans telle région.
Tout comme leurs homologues américains ou britanniques, les NP peuvent avoir selon
leur lieu et mode d’exercice d’autres compétences telles que le diagnostic de pathologies, l’accueil et l’orientation des patients ou des actions d’éducation thérapeutique ou
de promotion de la santé.
3.2.4. Canada
"
Au Canada, la législation concernant la prescription infirmière varie beaucoup en
fonction des provinces. Il existe toutefois deux rôles reconnus en soins infirmiers avancés : l’Infirmière Praticienne et l’Infirmière Clinicienne Spécialisée.
L’Infirmière Praticienne existe depuis les années 1960 au Canada. Elle s’est vite imposée
comme une nécessité, surtout dans les régions éloignées et rurales où les médecins venaient à manquer. En effet, si la densité de population en France est de 102,6 habitants
par km2, elle est de 3,5 habitants par km2 au Canada. Il y a un réel besoin de professionnel de santé de proximité, habilité aux tâches autrefois réservées au corps médical.
D’autres raisons communes sont aussi mises en avant telles que le vieillissement de la
population et l’augmentation des maladies chroniques et des pathologies multiples.
Au Québec, une loi de 2002 modifie le «Code des professions et d’autres dispositions
législatives dans le domaine de la santé» actualise un statut spécifique: l’Infirmière de
Pratique Spécialisée (IPS)15 . C’est une infirmière ayant une solide expérience dans un
domaine de spécialité et ayant suivi une formation de deuxième cycle en sciences infirmières et en sciences médicales.
En plus de son champs d’action, l’IPS peut:
15
http://www.oiiq.org/pratique-infirmiere/specialites/infirmiere-praticienne-specialisee-au-quebec/role-et-modalite
27
➡Prescrire des médicaments et autres substances.
➡Prescrire des examens diagnostiques.
➡Prescrire des traitements médicaux.
➡Utiliser des techniques diagnostiques invasives ou qui présentent des risques
de blessure.
➡Utiliser des techniques ou appliquer des traitements médicaux invasifs ou
qui présentent un risque de blessure.
Afin d’être autorisée à exercer ces 5 activités médicales, l’infirmier doit obtenir de
l’OIIQ (Ordre des Infirmiers et Infirmières du Québec) un certificat de spécialiste. En
effet, les spécialités d’IPS sont au nombre de 4:
- Cardiologie: exerçant en clinique ambulatoire ou en centre hospitalier, son
rôle est d’intervenir auprès du patient et de sa famille au cours des différentes étapes pré et post opératoires de la chirurgie cardiaque.
- Néonatalogie: son rôle est d’administrer des soins et traitements aux nouveaux-nés en service de soins intensifs ou en service de soins intermédiaires.
- Néphrologie: son rôle est de prendre en charge les patients en prédialyse, hémodialyse, dialyse péritonéale ou en greffe rénale.
- Soins de première ligne: elle contribue à combler les manques de médecins dans
les régions rurales en recevant des patients dans des dispensaires ou installations spécialisées pour des problèmes de santé courants. Elle s’occupe aussi
du suivi de patients souffrant d’affections de longue durée, ou encore du suivi
des grossesses. Cette infirmière spécialisée exerce donc auprès d’une clientèle de tout âges: enfants, adolescents, adultes, personnes âgées ou femme
enceinte.
Une 5ème spécialité est toutefois à l’étude: la santé mentale.
Bénéfices: Meilleur accès à des soins rentables et de qualité (AIIC, 2003; CNS 2001,
Goss Gilroy 2001, Schreiber et al 2003), meilleur suivi et continuité des soins (Dougherty et al, 2000; Van Soren et Micevski, 2001), diminution de la durée du séjour hospitalier (Paul, 2000) et diminution des réadmissions (Topp, Tucker et Weber, 1998),
28
augmentation de la satisfaction de la clientèle (CNS, 2001; IBM, 2003; Schreiber et al,
2003).16
3.2.5. Suède
"
En Suède, et ce depuis 1994, les infirmières sont autorisées à prescrire des
médicaments.17 Toutefois, cette prescription n’est possible qu’après une spécialisation.
Dans ce pays, la formation pour être infirmier est assez comparable à ce que l’on peut
trouver en France. En effet, celle-ci se fait en 3 ans, avec une moitié de formation clinique et une autre moitié de formation théorique. Au bout des 3 ans, le Conseil National
de la Santé et de la Protection Sociale de Suède délivre une Licence en Soins Infirmiers.
Après l’obtention de ces 180 crédits, il est possible de se spécialiser dans certains
champs de compétences tels que santé publique, pédiatrie, gériatrie, oncologie, etc.
Pour l’infirmière de santé publique par exemple, il est demandé une expérience en service de 24 mois en tant qu’infirmier, et la spécialisation dure 12 mois et demi dont 1640
heures de théorie et 360 heures d’enseignements cliniques.
En Suède, seules les infirmières de santé publique (District Nurse) et les infirmières
exerçant auprès des personnes âgées sont autorisées à prescrire. Les cours relatifs à la
prescription font donc partie du programme de Soins de Santé Primaires que ces personnes suivent. Ce droit de prescription dit « autonome » reste toutefois limité à une
liste de 60 pathologies.
16
Lignes directrices OIIQ-CMQ sur les modalités de la pratique de l’infirmière praticienne spécialisée (mars 2006)
Suzanne Durand, «L’infirmière praticienne spécialisée: une pratique infirmière avancée en émergence au Québec»,
OIIQ, p.6-7
17
http://www.irdes.fr/Publications/Qes/Qes95.pdf
29
3.3. Comparaison d’une situation de soin
"
Mme X se réveille ce matin. Comme à son habitude, elle surveille sa glycémie ca-
pillaire en utilisant sa dernière lancette pour piquer son doigt. Son ordonnance pour ce
produit n’est pas renouvelable. Elle constate en reportant les résultats dans son carnet de
suivi que sa glycémie est en constante augmentation depuis quelques jours, et ce malgré
une bonne observance de son traitement.
3.3.1. France
"
Dans notre pays, Mme X rapporte ce problème soit à un infirmier libéral, soit à un
médecin généraliste.
Pour ce qui est du problème de lancette épuisé, l’infirmier libéral est en mesure de reconduire son ordonnance pour ce produit. Depuis 2007, il a acquis le droit de renouvellement
de prescription sous réserve de remplir certaines conditions.
- Agir dans la durée d’une prescription médicale d’une série d’acte infirmier.
- Agir dans le cadre de sa compétence
- Qu’il n’existe pas d’indications contraires du médecin
Pour certains dispositifs médicaux, tels que les accessoires pour lecteur de glycémie, aiguilles pour stylos, mais aussi des bas de contention ou matelas anti escarre, l’infirmier est
donc autorisé dans ce cadre à renouveler à l’identique cette prescription.
Elle peut aussi aller chez son médecin traitant qui lui rédigera une nouvelle ordonnance.
Concernant le problème de glycémie qui augmente, Mme X est obligé d’aller voir un médecin pour une réadaptation du traitement: changement de molécule, de posologie, de
forme galénique. Il peut aussi prescrire des prélèvements sanguins ou demandé des tests
plus spécifiques en vue d’une analyse approfondie.
Concernant l’hygiène de vie, l’infirmier comme le médecin peuvent prodiguer des conseils
diététiques et/ou l’orienter vers une diététicienne.
30
3.3.2. Royaume-Uni
"
Pour les problèmes de lancettes et de glycémie, Mme X pourra aller voir un méde-
cin généraliste ou une Nurse Practitioner (infirmière praticienne). Dans le cadre de la
prescription indépendante, cette dernière est en mesure de diagnostiquer et de prescrire
des médicaments régies par une liste restreinte de médicament, publiée par le ministère
de la santé Britannique. Dans ce cadre là, l’infirmière est aussi compétente que le médecin généraliste et elle permet de faciliter l’accès aux soins en étant une actrice de santé
local.
Dans un autre contexte, celui de la prescription supplémentaire, l’infirmière, le médecin
et Mme X peuvent, après avoir passé un accord de programme de gestion clinique, autorisé le prescripteur supplémentaire (l’infirmière) à prescrire certains médicaments normalement réservé à la prescription médicale.
3.3.3. États-Unis
"
Pour les problèmes de lancettes et de glycémie, en fonction de l’État dans lequel
habite Mme X, elle pourra aller dans un cabinet médical (qui comprend médecin et infirmière) afin de se faire voir en consultation par une infirmière praticienne spécialisée en
diabétologie qui lui rédigera son renouvellement d’ordonnance et qui, si elle a un doute
concernant le problème de Mme X, pourra aller chercher le médecin.
Elle pourra, toujours en fonction de l’État dans lequel elle se trouve, aller directement
dans un cabinet infirmier, où elle rencontrera une infirmière praticienne qui pourra, en
regard de ses compétences et des lois de l’état, prescrire des dispositifs médicaux ainsi
que des traitements pour les pathologies chroniques comme le diabète.
3.3.5. Australie
"
En Australie, Mme X pourra consulter une infirmière praticienne «nurse practitio-
ner» qui est inscrite en tant que « PBS prescribers».
31
Cette infirmière pourra la recevoir en consultation et lui prescrire son matériel pour la
lecture de glycémie capillaire, ainsi que des bilans de contrôle ou encore des médicaments
afin de régulariser son diabète.
Elle pourrait également aller consulter chez un médecin généraliste, qui effectuerait les
même contrôles et prescriptions, mais cela lui coûterait plus cher.
3.3.4. Canada
"
Dans ce pays, la législation concernant la prescription infirmière diffère selon les
différentes régions. Au Québec par exemple, les infirmiers ne peuvent prescrire que si elles ont le statut d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS). Dans ce cas, Mme X pourra
directement aller voir son infirmier qui sera en mesure de lui prescrire les médicaments,
analyse et matériel en lien avec son diabète.
Elle pourra également se rendre chez le médecin qui assurera, dans ce cas, les mêmes
fonctions que l’IPS.
3.3.6. Suède
"
En Suède, vu la faible quantité de médecin généraliste, les acteurs de santé se re-
groupent dans ces centres de soins de proximité. Dans ces centres, il y a tout type de professions, y compris des infirmières de santé publique. Mme X, qui s’inquiète entre autre
de ne pas avoir une glycémie stable, pourra aller dans un de ces centres de soins afin d’y
rencontrer une infirmière qui jugera son état clinique. Si elle juge que son état n’est pas
urgent, elle peut la recevoir en consultation afin de lui faire plusieurs examen de contrôle,
mais également lui prescrire des médicaments pour réguler son diabète et le matériel nécessaire à la lecture de la glycémie.
Si elle juge que l’état de Mme X dépasse ses compétences, elle peut faire appel au médecin généraliste du centre de soins. En revanche, si elle considère que son état est grave,
elle sera envoyé à l’hôpital de région où se trouvent les spécialistes.
32
4. Les aménagements du cadre
"
La profession infirmière, même lorsqu’elle aspire à gagner en autonomie pour ap-
porter un élément de réponse aux contraintes de santé actuelles, nécessite tout comme
chaque profession, un cadre qui a été étudié dans la partie précédente. Ce cadre repose
en partie, sur une segmentation des professionnels de soin en catégories, bénéficiant de
plus ou moins de privilèges, et de plus ou moins de droits.
L’infirmier dispose de deux «rôles» inscrits dans son référentiel d’activités. Le rôle propre
et le rôle prescrit.
La réalisation des actes dits «prescrits» par les infirmiers comporte donc normalement
uniquement ces trois cas de figure :
- L’acte a été prescrit
- Un protocole de service est signé par le médecin, autorisant les infirmiers à réaliser les actes dans certains cas.
- C’est un cas d’urgence ou il n’y a pas de médecin à proximité : l’infirmier est responsable s’il ne prend pas cette initiative
4.1. La prescription médicale
"
La pratique quotidienne de l'infirmier, en dehors de son «rôle propre» repose le
plus souvent sur une prescription médicale. Selon l'article R.4311-7 du CSP, celle-ci doit
être sauf urgence, « écrite, qualitative et quantitative, datée et signée ». En principe, l’infirmier ne peut pas rédiger lui-même une prescription, exception faite dans certains cas
de quelques produits non médicamenteux.
L'article R.5132-3 du CSP qui déclare : « la prescription de médicaments ou produits « destinés à la médecine humaine » mentionnés à la présente section est rédigée, après examen
du malade, sur une ordonnance et indique lisiblement :
• 1) le nom, la qualité et, le cas échéant, la qualification, le titre, ou la spécialité du
prescripteur telle que définie à l'article R.5121-91, son identifiant lorsqu'il existe,
son adresse, sa signature, la date à laquelle l'ordonnance a été rédigée, et pour les
33
médicaments à prescription hospitalière ou pour les médicaments à prescription
initiale hospitalière, le nom de l'établissement ou du service de santé.
• 2) La dénomination du médicament ou du produit prescrit, ou le principe actif
du médicament désigné par sa dénomination, la posologie et le mode d'emploi, et,
s'il s'agit d'une préparation, la formule détaillée.
• 3) La durée de traitement ou, lorsque la prescription comporte la dénomination
du médicament au sens de l'article R.5121-2, le nombre d'unités de conditionnement et, le cas échéant, le nombre de renouvellements de la prescription. [...] ».
Le CSP établit une liste dans les articles R.4311-7 et suivants, de tous les soins que peut
effectuer l'infirmier à partir d'une prescription médicale.
L'article R.4312-29 du CSP ajoute que « l'infirmier ou l’infirmière applique et respecte la
prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur, ainsi que les
protocoles thérapeutiques et de soins d'urgence que celui-ci à déterminés. ».
Dans ce cas aussi, l'infirmier peut voir sa responsabilité engagée s'il effectue un soin
d'après une prescription qu'il considère comme incomplète ou erronée, sans avoir pris
contact avec le médecin et que cela entraîne un dommage au patient.
l'article 34 de la loi du 13 août 2004 sur l'assurance maladie rend possible l'utilisation de
prescriptions médicales provenant d'un courriel, il déclare : « une ordonnance comportant
des prescriptions de soins ou de médicaments peut être formulée par courriel dés lors que
son auteur peut être dûment identifié, qu'elle a été établie, transmise et conservée dans
des conditions propres à garantir son intégrité et sa confidentialité, et à condition qu'un
examen clinique du patient ait été réalisé préalablement, sauf à titre exceptionnel en cas
d'urgence ».
Il arrive parfois que la prescription médicale ne suffise pas. C’est notamment le cas des
services où la prescription doit être quotidienne et dépend de valeurs biologiques que les
infirmiers peuvent relever. Par exemple, la glycémie capillaire et l’adaptation de la dose
d’insuline dans le cas du diabète. Afin de répondre à une problématique bien réelle et à
laquelle les corps médicaux et paramédicaux ne trouvent pas toujours de réponse adaptée,
il a été mis en place des protocoles de soins. Il y a donc des tentatives d’aménagement du
cadre afin de répondre à ces problématiques de manque de temps et de personnel, mais il
subsiste en parallèle des pratiques qui sortent du cadre légal.
34
4.2. Les protocoles
"
Le protocole de soins infirmiers est un document réalisé à l’initiative d’une autori-
té médicale ou institutionnelle, qui va servir de ligne directive pour la conduite à tenir
dans certaines situations précises.
L’infirmier en effet, en plus de son rôle propre qu’il assume en autonomie et avec le concours des aides-soignants, dispose d’un rôle dit «prescrit». Le Code de Santé Publique
dans ses articles R.4311-7 et R.4311-9 liste les actes que l’infirmier peut réaliser dans le cadre de son rôle prescrit:
❖Article R. 4311-7:
«L'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d'une
prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée,
soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et
signé par un médecin : [...]»
Cette organisation est mise en place pour automatiser certaines situations qui se renouvelles régulièrement dans un service, et qui ne nécessitent pas l’aval d’un médecin. C’est
notamment le cas des injections d’insuline chez des patients diabétiques.
Voici un exemple de protocole d’insulinothérapie concernant les administrations d’insuline rapide avant un repas. Cette proposition de protocole est rédigée par l'Observatoire du
Médicament, des Dispositifs médicaux et de l'Innovation Thérapeutique de Haute-Normandie
(OMéDIT).
35
"
En France, et ce depuis la loi Bachelot (Hôpital Patient Santé Territoire), les actes
protocolisés ont été étendus. 18
L’article 51 de la loi HPST 19 permet aux différents acteurs de santé la mise en place de
transferts d’actes ou d’activités de soins. Il est désormais possible de réaliser des protocoles de collaboration, permettant aux infirmiers de réaliser des actes jusqu’alors réservé aux
médecins. Cette loi à été réalisée pour permettre d’encadrer certains actes médicaux réalisés par les infirmiers et libérer du temps médical.
Ces protocoles de coopération sont transmis à l’ARS, puis si elle les valide, sont transmis
à la HAS.
En île de France le 28.12.12, Claude EVIN, le Directeur Général de l’ARS IDF a autorisé
un protocole permettant une « Consultation infirmière de suivi des patients traités par
anticancéreux oraux à domicile, délégation médicale d’activité de prescription ». 20
Voici quelques exemples de compétences déléguées dans le cadre de ce protocole:
- Prescription d’examens biologiques et radiologiques selon des critères stricts.
- Prescription de certains médicaments à but symptomatique pour traiter les effets indésirables des traitements anticancéreux (la prescription de médicaments ne
concerne pas les anticancéreux eux mêmes): antiémétiques; anxiolytiques; antibiotiques de la classe des cyclines, anti-diarrhéiques, topiques cutanés.
- Décision de renouvellement de la chimiothérapie orale selon la recommandation du
protocole spécifique, après appréciation clinique et interprétation de comptes rendus
d’examens paracliniques.»
"
Une autre initiative a vu le jour, à l’institut Paoli Calmettes de Marseille où l’ARS à
validé le protocole stipulant que les infirmières peuvent réaliser un acte jusqu’alors médical : le myélogramme (ponction de moelle en vue d’analyse biologique).
18
http://www.sante.gouv.fr/la-cooperation-entre-les-professionnels-de-sante.html
19 Article
51, Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires
20
«Consultation infirmière de suivi des patients traités par anticancéreux oraux à domicile, délégation médicale
d’activité de prescription», ARS IDF, Hôpital Saint-Antoine.
36
4.3. Les situations d’urgence
"
En ce qui concerne la réalisation d’actes en cas d’urgence, l’article R.4311-14 du
Code de Santé Publique (CSP) stipule que :
❖ Article R.4311-14:
« En l’absence d’un médecin, l’infirmier ou l’infirmière est habilité, après avoir reconnu une
situation comme relevant de l’urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en oeuvre des
protocoles de soins d’urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable.
Dans ce cas, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes conservatoires nécessaires jusqu’à
l’intervention d’un médecin. Ces actes doivent obligatoirement faire l’objet de sa part d’un
compte rendu écrit, daté, signé, remis au médecin et annexé au dossier du patient. En cas d’urgence et en dehors de la mise en oeuvre du protocole, l’infirmier ou l’infirmière décide des gestes
à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Il prend toutes mesures en son
pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état. »
Ces situations doivent toutefois rester exceptionnelles. En service, il arrive souvent que
les infirmiers réalisent des actes qu’ils veulent considérer comme urgent, en attendant que
le médecin prescrive ensuite l’acte quand il sera présent. En exercice libéral, l’infirmier
qui se trouve généralement seul lors d’une telle situation doit, comme sus-cité, décider
des gestes à mettre en œuvre et en attendant l’arrivée d’un médecin.
37
5. Les dépassements du cadre
"
Voila les 3 cas pour lesquels le cadre légal autorise donc la réalisation d’actes dits
«prescrits» par les infirmiers : prescription médicale, protocole et urgence.
Seulement, il arrive très souvent que ce cadre ne suffise pas ou qu’il soit trop restrictif
pour des raisons diverses, engendrées notamment par l’évolution de notre démographie,
et de la prédominance des maladies chroniques telles que les cancers, le diabète, les
pneumopathies ou encore les maladies rhumatismales. En outre, la désertification médicale dans certaines zones rurales est aussi un facteur de tension, tout comme les services
surchargés tel que le service des urgences.
Une étude de 2012 réalisée par un étudiant en Master 2 de droit de la santé et de la protection sociale21 s’est intéressée aux glissements de compétences dans le cadre des pratiques professionnelles des infirmiers, et plus particulièrement dans le domaine de leur rôle
prescrit, hors cas d’urgence. Pour ce faire, il a réalisé des questionnaires et a pu fonder
son analyse sur 108 professionnels. La cohorte participant à cette étude était issue à 30%
du secteur public et 70% du secteur privé, dans des services variés tels que: chirurgie,
médecine, pédiatrie, gériatrie, urgences.
Il en est ressorti que 37% des infirmiers interrogés ont déclaré effectuer un soin du rôle
prescrit sans prescription médicale orale ou écrite, et ce plusieurs fois par semaine. Ils ne
sont que 13% à déclarer ne jamais faire de soins prescrit sans prescription en bonne et due
forme. Les actes concernés étaient le plus souvent: distribution de médicaments, ponctions veineuses ou artérielles, préparation et pose de perfusion médicamenteuse ou encore mise du patient sous oxygénothérapie.
Il nous parait utile de rappeler que les articles L4161-1 à L4161-6 du CSP stipulent qu’un
exercice illégal de la médecine est caractérisé: « dès lors qu'une personne pose un diagnostic ou
traite une maladie, habituellement ou par direction suivie, sans avoir le diplôme requis pour être médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme ». Ainsi toute personne se retrouvant dans cette situation peut être poursuivi pour exercice illégal de la médecine. Elle pourra être puni de
deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.
21
Lautard Vincent, «Glissements de compétences entre infirmiers et médecins: une insécurité juridique permanente», 2012, p26-28.
38
5.1. Dépassements de tâches
Le dépassement de tache est directement en lien LO: «Alors pour l’ECBU dans les
avec le décret de compétence de l’infirmier. Dès lors que le Ehpad par exemple, elles le font déjà
professionnel réalise des actes de soins qui sortent du cadre
légal qui entoure sa profession, il risque des sanctions léga-
sans nous demander notre avis.»
RL: «Ça se fait déjà, mais de manière informelle [...] lorsque j’y vais
les. C’est par exemple le cas des examens biologiques réali- ou qu’on me téléphone, on me dit: «
sés sans prescription tels que l’examen cytobactériologique j’ai fait un ECBU ou un prélèveurinaire (ECBU). C’est aussi le cas des retraits de drains ment sanguin, je vous fait parvenir
thoraciques ou médiastinaux ou encore de sondes d’intuba- les résultats en attendant, puis-je
tions pratiqués par des infirmiers. En libéral, les principaux
dépassements de tâches correspondent à des prélèvements
commencer avant que vous arriviez? etc...» Ca c’est un travail
d’équipe, un travail en commun.»
pour examens biologiques.
5.2. Prescriptions orales
"
Les «prescriptions orales», bien que très fréquentes en service et en exercice libé-
ral, ne sont donc pas légales. Les textes de loi régissant la pratique infirmière sont explicites, en dehors de cas d’urgence seule la prescription écrite est admise.
S’il arrive quoi que ce soit qui pourrait nuire aux patients ou aux soignants, ou provoquer
un quelconque dommage corporel, l’infirmier qui a réalisé l’acte pourra être tenu pour
seul responsable, car aucun élément de traçabilité ne pourra prouver le contraire.
Dans l’étude précédemment évoquée de Vincent Lautard22 , étudiant en Master 2 de
droit, 50% des infirmiers avouent réaliser des soins du rôle prescrit suite à une «prescription orale» du médecin et ce plusieurs fois par semaine. Aucun des infirmiers ayant
répondu à cette enquête n’a pu déclarer n’avoir jamais exécuté d’acte du rôle prescrit
suite à une prescription orale. Tous les infirmiers de la cohorte (108) ont donc été confrontés à cette situation au moins une fois dans leur carrière.
22
Lautard Vincent, «Glissements de compétences entre infirmiers et médecins: une insécurité juridique permanente», 2012, p26-28.
39
Une autre étude de la CFDT santé de 2012 sur les conditions GB : «La prescription téléphoni-
que oui bien sûr et il n’y a pas de
de travail dans la fonction publique hospitalière constate réévaluation de la prescription.
En gros on appelle, le médecin
même que 54% des soignants interrogés disent recevoir des nous dit faites comme ça. Mais on
prescriptions téléphoniques ou orale.
a pas de papier qui nous prouve
que l’on travail sous prescription.»
5.3. Autres
5.3.1. Les surexploitations de protocoles
"
Dans le contexte sanitaire actuel, beaucoup d’hôpitaux sont surchargés et ce
même en ville, et quand les médecins ne sont pas assez nombreux ou débordés, il arrive
que les infirmiers surexploitent un protocole ou réalisent des soins qui font partie d’un
protocole informel.
C’est notamment le cas quand un médecin prescrit toujours la même chose en réponse à
un signe clinique bien identifiable. Certains infirmiers en service mais également en libéral, habitués des pratiques du médecin, n’attendent pas la prescription de ce dernier pour
commencer les soins.
5.3.2. Les ordonnances pré remplies
"
Nos expériences en stage et les professionnels que l’on a pu rencontrer nous ont
montré que dans certains services, on pouvait voir des médecins signer des ordonnances
à l’avance pour une série de traitements. Les infirmiers du service avaient alors juste à
récupérer et remplir les ordonnances au nom du patient pour avoir leurs produits. Dans
d’autres cas, c’est l’infirmier qui rempli l’ordonnance et commence les soins en attendant
que le médecin la signe ou la valide par informatique.
40
6. Évolutions actuelles et à venir
"
Les nombreuses contraintes de santé mentionnées plus tôt ont posé depuis quel-
ques années en France la question nécessaire des nouveaux métiers en santé. Des propositions ont ainsi été rapportées au gouvernement en janvier 2011 par deux Conseillers Généraux des Établissements de Santé (CGES)23. Dans ce rapport, les auteurs nous font part
du consensus qu’il existe sur la nécessité de créer des métiers en santé de niveau intermédiaire. Ils ajoutent toutefois que cette mise en place doit respecter un cadre scrupuleux
afin:
«- d’éviter de reproduire, avec les nouveaux métiers en santé, les travers unanimement constatés
avec le métier de médecin dont certaines activités ne correspondent pas à une formation de niveau bac + 9 ou bac +11,
- d’écarter le risque de prolifération des métiers de la santé et de complexifier un peu plus un
paysage qui l’est déjà,
- de ne pas multiplier outre mesure les intervenants auprès du patient (y compris à domicile), à
un moment où la fluidité de la prise en charge est plus que jamais nécessaire,
- de s’inscrire dans une dynamique de complémentarité et non de concurrence entre les métiers.»
Ce rapport a pour vocation d’esquisser ce à quoi pourraient ressembler les nouveaux professionnels de santé ainsi que de montrer les impératifs qui seraient nécessaires pour le
développement de ces nouveaux métiers. C’est la que se pose la question du champs d’action de ces professionnels. Par exemple, les auteurs précisent que ceux-ci doivent être
construits sur le socle des métiers paramédicaux tels qu’on les connait aujourd’hui. Pour
le cas des infirmiers, ces métiers prendraient ainsi la forme d’une spécialisation après acquisition de la formation initiale. Une condition essentielle serait aussi que ces métiers
n’empiètent pas sur le champs d’action d’autres professionnels de santé existants.
Une question peut en découler: peut-on utiliser le cadre réglementaire actuel pour faire
plus de choses, ou est-il nécessaire de le modifier? Il s’avère que ce nouveau champs de
compétences implique inévitablement un champs de responsabilités et un mode d’exercice professionnel bien définis, donc un travail important sur l’évolution du cadre légal.
23
Laurent Henart, Yvon Berland, Danielle Cadet, «Rapport relatif aux métiers en santé de niveau intermédiaire», Janvier 2011, p.7-8-9.
41
"
Le référentiel infirmier organise actuellement le champs d’activités de l’infirmier
en 10 compétences:
1.
Évaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier.
2.
Concevoir et conduire un projet de soins infirmiers.
3.
Accompagner une personne dans la réalisation de ses soins quotidiens.
4.
Mettre en oeuvre des actions à visée diagnostique et thérapeutique.
5.
Initier et mettre en oeuvre des soins éducatifs et préventifs.
6.
Communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins.
7.
Analyser la qualité des soins et améliorer sa pratique professionnelle.
8.
Rechercher et traiter des données professionnelles et scientifiques.
9.
Organiser et coordonner des interventions soignantes.
10. Informer et former des professionnels et des personnes en formation.
"
Les évolutions actuelles et à venir devront donc tenir compte de ce référentiel en le
faisant évoluer afin d’intégrer de nouvelles compétences.
42
6.1. Nouveaux statuts
6.1.1. Infirmiers praticiens (ou «de pratiques avancées»)
"
Comme dit précédemment lors de l’élaboration des concepts, le conseil interna-
tional des infirmiers (CII), en a donné la définition suivante:
«Une infirmière praticienne / en pratique infirmière avancée est une infirmière diplômée
d’État ou certifiée qui a acquis les connaissances théoriques, le savoir-faire nécessaire aux
prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la
pratique avancée de son métier, pratique avancée dont les caractéristiques sont déterminées par le contexte dans lequel l’infirmière sera autorisée à exercer. Un master est recommandé comme diplôme d’entrée »
"
En France, et selon la définition ci-dessus, l’infirmier de pratique avancée devrait
aborder les situations de soins des patients et de leur entourage sur une perspective infirmière et dispenser des soins infirmiers experts dans un domaine spécifique. La grande
avancée serait la possibilité de réaliser, dans le cadre de ses nouvelles responsabilités, des
diagnostics et des prescriptions selon des modalités de supervision médicale (protocole,
prescription anticipée, etc). L'infirmier de pratiques avancées serait un infirmier diplômé
d'état qui a validé une formation universitaire de niveau master alliant sciences médicales
et sciences infirmières.
6.1.2. Infirmier expert en hémodialyse (de pratiques avancées)
"
Les professeur Berland et docteur Bourgueil se sont intéressés dans une étude de
2005 sur le transfert de taches médicales vers les infirmiers 24. Des infirmières d’hémodialyse ont reçu une formation de 4 séances théoriques de 3 heures et plusieurs séances pratiques afin d’acquérir une expertise et de prendre en charge certaines taches médicales.
Parmi ces taches: les renouvellements de prescriptions, consultations, examen clinique du
patient et de sa fistule, etc. Il existait deux cas de figure pour la prescription: le renouvellement d’ordonnances ou la prescription de nouveaux traitements. Pour le renouvellement d’ordonnances, cela concernait les prescriptions d’anti-hypertenseurs, de statines,
Yvon Berland, Yann Bourgueil, «Cinq expérimentations de coopération et de délégation de tâches entre professions
de santé», juin 2006, p.8 - 24.
24
43
de benzodiazépine ou encore d’inhibiteurs de la pompe à proton. Les infirmières expertes
pouvaient donc aussi prescrire de façon autonome mais protocolisée: des traitements
contre la constipation, des anesthésiques locaux ou des pansements de plaies.
Ils ont constaté via l’analyse d’indicateurs de qualité que sur cette nouvelle prise en
charge, la sécurité des patients et la qualité des soins était au moins aussi bonne qu’elle
l’était avec une prise en charge purement médicale. Il a même été relevé une amélioration
par rapport à certains des critères. En ce qui concerne le temps libéré, les auteurs de
l’étude estiment que 5 heures de temps médical a été économisé sur une semaine en salle
de dialyse. Ce temps a pu être redistribué vers le service de néphrologie. La satisfaction
du personnel a été jugée globalement positive ainsi que celle des patients, même si cette
dernière n’a pas bénéficié d’assez de budget pour être correctement évaluée.
La conclusion de cette expérimentation a été que la coopération et le transfert de taches
entre les professionnels de santé s’est avérée possible tout en gardant un niveau de sécurité satisfaisant pour les patients. Cette étude a permis de développer des axes de réflexion
quant à la création de nouveaux métier dans le cadre de l’universitarisation des études
d’infirmier.
6.1.3. Extension du droit de prescription des Infirmiers Libéraux
"
Le syndicat d’infirmiers FNI a soumis plusieurs propositions25 au début de l’année
2014 allant dans le sens d’un élargissement des droits des infirmiers, surtout en ce qui
concerne la prescription. Certaines de ces propositions concernent les infirmiers en général :
- Proposition 10: Lutte contre la douleur: amener le corps médical a beaucoup plus
déléguer aux infirmiers en ce qui concerne le traitement de la douleur.
- Proposition 22: Autoriser la prescription par les IDEL (Infirmier Diplômé d‘État
Libéral) de lits médicalisés. En effet les IDEL peuvent d’ores et déjà prescrire les
cerceaux pour lits de malades, les mats à perfusion et le matelas. L’extension de
ce droit de prescription permettrait d’éviter des consultations inutiles, donc un
gain en temps et en coût de prise en charge.
25
http://www.fni.fr/60-idees-pour-ameliorer-la-qualite-des-soins/
44
- Proposition 23: Autoriser aux IDEL la prescription et la pratique des bilans sanguins pour le suivi des insulinodépendants à leur charge. En effet et selon les recommandations de la HAS, un patient insulinodépendant doit faire vérifier son
hémoglobine glyquée tous les 3 mois et doit faire pratiquer un bilan lipidique
tous les ans. Confier ces taches aux infirmiers qui les suivent pourrait améliorer
le suivi et simplifier la prise en charge de leur pathologie.
- Proposition 24 et 25: Autoriser aux IDEL la prescription des examens biologiques
lors de suspicion de déshydratation et/ou dénutrition et autoriser la prescription
des compléments alimentaires le cas échéant.
- Proposition 38: Inscrire dans la loi le concept d’infirmière de famille (infirmière traitante).
SM: «En réalité on [...] fait déjà [des actes pres-
NL: «[...] pour les prescriptions d’anticoagulant, on
crits], alors on ne fait pas la prescription, mais on
ferait nos prescriptions comme on voudrait»
réalise l’acte et après on le dit au médecin. On
AR: «C’est vrai que la périodicité des prises de sang
prend les initiatives quoi. Mais ça se fait parce
on pourrait arriver à le jauger je pense.»
qu’on a une bonne entente avec les médecins. Pour
SM: «Le dosage aussi, je pense que parfois on dose
gagner du temps. Les ECBU c’est pareil, on pour-
mieux que les médecins. Comme on les voit tous les
rait les prescrire.»
jours [les patients], on arrive mieux à adapter, et on
a moins de haut et de bas.»
"
Les entretiens réalisés nous montre bien que la profession d’infirmier libéral à un
besoin de changement. En effet, on retrouve dans certains points, la volonté de vouloir
prendre en charge les patients de manière plus efficace et plus rapidement. Cependant
ces évolutions ne seront applicables qu’en dépit d’une adaptation ou d’une modification
du cadre légal actuel.
45
6.1.4. Infirmier de famille
"
Dans le cadre du programme Santé 21 de l’OMS26, qui établit la politique cadre de
santé publique pour l’Europe, il est fait mention d’un nouveau statut possible: celui d’Infirmier Familial ou Infirmier De Famille (IDF), qui n’existe pas encore en France.
Sur les 21 points de ce programme, 20 d’entre eux concerne directement les missions de
ce nouveau statut d’infirmier. Par exemple:
‣ Veiller à la santé des jeunes et
des personnes âgées
‣ Faire reculer les maladies
transmissibles et non transmissibles
‣ Améliorer la santé mentale
‣ Recherche et utilisation des
connaissances pour la santé
‣ Recruter des partenaires pour
la santé
Parmi ces missions, on pourra imaginer une évolution possible vers
des droits de prescription étendus : prescription d’antalgiques,
prescription et administration de vaccins (le vaccin anti grippal
SP: «Parce qu’il y en a qui
reviennent régulièrement
pouvant déjà être prescrit par les infirmiers libéraux), prescription pour leur renouvellement
de thérapeutiques en vente libre telles que des médicaments ho- d’ordonnance de somnifère
méopathiques anxiolytiques mineurs (valériane) ou somnifères. La par exemple. Ça je pense
recherche et l’utilisation des connaissances pour la santé pourra que vous pouvez le faire
amener l’infirmier à participer à des travaux de recherches afin de
également.»
transposer les compétences acquises dans des activités de diagnostic ou de pré-diagnostic auprès du patient.
26
Santé 21: La politique cadre de la Santé pour tous, pour la Région européenne de l’OMS, OMS Bureau régional de
l’Europe, 1999
46
Ce rapport datant de 2000 disait déjà que les infirmières devaient acquérir plus de connaissances sur la prise en charge globale des maladies chroniques ainsi que sur leurs éventuelles complications afin de pouvoir réagir de façon optimale. La réforme de 2009 va ensuite dans ce sens avec l’universitarisation des études d’infirmier et l’intégration au cursus
LMD (Licence, Master, Doctorat) qui a orienté les études sur un programme d’avantage
axé sur la recherche.
SM: «Tout ce qui est de la «bobologie»
SM: «[...] quand on voit les carnets de vaccinations plus
quoi, genre rhinopharyngites, des
à jour, pour le DTP, etc, nous qui les voyons régulière-
trucs comme ça, nous on serait certai-
ment ça serait plus simple si on pouvait les prescrire,
nement aptes à le faire [diagnostique
oui.»
et prescription], mais est-ce que les
AR: «[...] on pourrait remettre en route la vaccination
gens seraient prêts à accepter que ce
pour gagner du temps.»
soit nous et pas le médecin?»
SM: «Et ça, beaucoup de gens nous le demandent, ils ne
comprennent pas pourquoi on ne peut pas le faire.»
6.1.5. Infirmier dans une MSP
"
La première définition de la maison de santé apparait en 2008 dans l’article 44 de
la loi de financement de la sécurité sociale. Elle est alors définie comme tel:
«Elles assurent des activités de soins sans hébergement et peuvent AR: « Enfin voila, l’attente qu’on
participer à des actions de santé publique, des actions de prévention en a c’est de pouvoir travailler enet d’éducation pour la santé et à des actions sociales. Les maisons de
santé sont constituées entre des professionnels de santé et peuvent
associer des personnels médico-sociaux.»
core plus en collaboration avec eux.
Et pouvoir se retrouver pour parler des patients, faire des synthèses
de cas [...] ça sera plus facile pour
échanger là dessus si on est les uns à
côtés des autres.»
La maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) est donc une forme assez récente d’organisation du travail des professionnels du soin. Pour tout regroupement pluriprofessionnel,
et selon l’article L.6323-3 du code de la santé publique, les structures comme les maisons,
pôles ou centres de santé doivent soumettre un projet de santé à l’ARS. Ces maisons
commençaient timidement à se développer, mais ont repris un second souffle suite à la loi
«HPST» n°2009-879 du 21 juillet 2009. La stratégie régionale de santé que l’ARS a déve47
loppé dans le cadre du projet régional de santé a facilité l’apparition et le développement
de ces structures qui répondent à des problématiques déjà évoquées plus tôt.
• La structure pluriprofessionnelle doit comporter au LO: «L’équipe de soins primaire [...]
moins deux médecins et un professionnel paramédical il faut que ce soit des professionnels
qui peut être un infirmier ou un kinésithérapeute.
de santé qui ont l’habitude de travailler ensemble [...] il faut qu’il y
• Elle organise le travail et gère la rémunération entre les ait un dossier commun partagé,
différents professionnels
donc des évolutions de la loi par
rapport au secret médical.»
• Elle s’engage à former et encadrer les étudiants dont les
professions sont représentées au sein de la MSP: externes, internes, étudiants infirmiers, etc...
• Elle met en place un système sécurisé de partage d’informations (qu’il soit informatisé ou non) afin que l’en-
LO: «Il faut que chacun dans une
maison de santé reçoive des stagiaires. Que ce soient les secrétaires, les
infirmiers, les kinés, les médecins.
[...] on reçoit des gens en formation
initiale pour que dès le départ on ait
semble des professionnels de soin ait accès aux informa- l’idée de travailler ensembles.»
tions relatives au patients dont ils ont la charge.
Pour pouvoir ouvrir ses portes et recevoir des financements de l’ARS, une MSP doit toutefois répondre à certaines exigences 27 :
Elle s’engage entre autre, dans des partenariats avec des structures et des partenaires locaux pour améliorer la prise en charge du patient. De plus, elle a aussi vocation à réaliser
des actions de prévention et d’éducation thérapeutique.
Comme la MSP valorise la collaboration entre infirmiers et médecins, il arrive que les patients soient reçus par l’infirmière en pré-consultation pour ensuite passer dans le bureau
du médecin. On peut imaginer que dans une telle structure, des délégations de taches
soient possibles. En effet, des patients souffrant d’affections «bénignes» pourraient être
vus et pris en charge par l’infirmier, afin de libérer du temps médical.
#
27
http://www.ars.rhonealpes.sante.fr
48
6.1.6. Et infirmier clinicien dans une MSP?
"
L’infirmier clinicien de soins primaires est un infirmier ayant suivi une spécialisa-
tion de niveau master. Ce n’est pas un statut qui existe en France actuellement. Il serait
en mesure de travailler dans les maisons de santé et en collaboration avec le médecin généraliste en le déchargeant par exemple des prises en charge des pathologies chroniques.
Il pourrait intervenir dans deux champs de spécialisation: la délivrance des soins de première ligne et la prise en charge des pathologies chroniques28.
L’infirmier clinicien tiendrait donc un rôle important dans
l’accueil et l’orientation de la personne dès l’entrée dans la SP (médecin): «Vous pourriez recemaison de soins. Il participerait donc à libérer du temps voir le patient pour voir si c’est urmédical en prenant à sa charge la résolution de problèmes gent ou non et faire l’interrogatoire,
de santé «bénins» ou courants des patients. Il aurait aussi la BU, et si c’est positif donner un
un rôle important dans la prévention, la promotion de la
santé et l’éducation du patient. Il aurait alors une fonction
antibiotique par exemple.
[...] peut être qu’il faudrait que ce soit
un infirmier qui «régule» au télé-
clé d’accueil dans le parcours de santé du patient, dans le- phone et éventuellement qui fasse le
quel le médecin garderait toutefois son statut de référent. tri entre ce qui va passer ou s’il faut
Au besoin, l’infirmier pourrait donc à tout moment orien- consulter.»
ter le patient vers le médecin s’il estime que la complexité
du cas dépasse ses compétences. Dans ces conditions, l’infirmier pourrait assurer à la fois la qualité et la continuité
des soins.
Du fait des responsabilités accrues, tous ces nouveaux sta- GB: «Nous faisons déjà pas mal d’actuts impliquent donc de nouvelles formations après le Di- tes médicaux, sur prescription. Après,
plôme d’État. Elles aideront les infirmier à compléter le il n’y a aucun acte qui me ferait peur,
champ de compétences qui leur est propres. Les infirmiers
que nous avons interviewé sont très demandeurs de ces
mais il serait indispensable de passer
par la formation pour comprendre, et
particulièrement les risques de com-
nouvelles formations, dans l’objectif d’assurer une prise en plications. Cela passe par la formacharge de la meilleure qualité possible.
tion théorique et pratique.»
28
Élise Anger et Virginie Gimbert, avec la collaboration de Mathilde Reynaudi et de Sylvain Lemoine, «Quelles opportunités pour l’offre de soins de demain ? Les coopérations entre professionnels de santé», La note d’analyse n°254, Centre d’analyse stratégique, décembre 2011.
49
6.2. Formations
6.2.1. Infirmier de Pratiques Avancées
"
Cette formation est un master en sciences cliniques infirmières, proposé par
l’EHESP, en partenariat avec l’Université de Marseille Méditerranée. Il amène deux nouveaux statuts: l’Infirmière Coordinatrice de Parcours Complexe de Soins, et l’Infirmière de
Pratiques Avancées. Ce dernier statut est celui qui nous intéresse car il contient deux spécialisations possibles -gérontologie et cancérologie- et qu’il reprend et fait évoluer le référentiel de compétences de l’infirmier. En voici quelques exemples29 :
Compétence IDE
Compétence IPA
1) Evaluer une
situation clinique
et établir un
diagnostic dans
le domaine infirmier
1) Evaluer une
situation clinique
et établir un diagnostic dans le
champ de compétences ouvert à
l’IPA
•
Réaliser un examen clinique approfondi qui complète une anamnèse
centrée sur le vécu subjectif du patient
•
Compléter l’examen clinique par les examens para cliniques qu’elle juge
nécessaires au regard du champ de compétences ouvert à sa fonction
•
Sélectionner et utiliser des techniques d'évaluation de l'état clinique de
la personne au regard du champ de compétences ouvert à sa fonction
(examen au spéculum, examen à l’otoscope, ...)
4) Mettre en œuvre des actions à
visée diagnostique
et thérapeutiques
dans le champ de
compétences ouvert à l’IPA
•
Prescrire des interventions thérapeutiques au regard du champ de compétences ouvert à l’IPA
•
Orienter la personne vers le professionnel de santé ou la structure appropriée aux besoins qu’elle présente
•
Prescrire les examens de dépistage jugés nécessaires au terme du raisonnement clinique en accord avec le champ de compétences ouvert à l’IPA
•
Réaliser les examens de dépistage figurant dans le champ de compétences
ouvert à l’IPA
4) Mettre en
œuvre des actions
à visée diagnostiques et thérapeutiques
29
Nouvelles Activités
5) Initier et mettre en œuvre des
soins éducatifs et
préventifs
5) Initier et mettre
en œuvre des soins
éducatifs, préventifs et de dépistage
dans le champ de
compétences ouvert à l'IPA
•
Adapter si besoin le traitement de la personne au regard de ses caractéristiques singulières, en respect des protocoles médicaux validés, afin d’arriver un une meilleure observance
9) Organiser et
coordonner les
interventions
soignantes
9) Organiser et
coordonner les
interventions
soignantes
•
Intervenir selon un processus de consultation
•
Assurer la gestion d’une file active de patients
Référentiel de compétences de l’Infirmier de Pratiques Avancées de l’EHESP
50
6.2.2. Infirmier de Famille
"
L’OMS a proposé en 2000 une ébauche de plan de formation pour les infirmiers de
famille, sous la forme d’un DU (diplôme universitaire) et qui se décomposerait en 7 modules d’apprentissage pour une durée totale de formation de 40 semaines.
"
Module
1
Cours de formation à l’exercice de la fonction d’infirmière de famille, module de
présentation, concepts, pratique et théorie
2
semaines
Module
2
Dispense de soins (partie 1): le travail auprès des familles
10
semaines
Module
3
La prise de décision
4
semaines
Module
4
Gestion de l’information et recherche
6
semaines
Module
5
Dispense de soins (partie 2): l’infirmière de famille - le travail dans l’environnement local
10
semaines
Module
6
Gestion des ressources
4
semaines
Module
7
Rôle d’animateur local et collaboration au sein d’une équipe pluridisciplinaire
4
semaines
À l’heure actuelle, cette formation n’a pas vu le jour en France. Cependant, il pour-
rait être intéressant de reprendre et d’améliorer ce plan pour développer une nouvelle
formation de niveau master afin d’y intégrer des droits élargis de prescription et/ou de
collaboration avec le corps médical.
En plus de ce droit de prescription, une formation au diagnostic ou au prédiagnostic
pourrait être intégrée comme c’est le cas pour l’infirmier de pratiques avancées. En effet,
l’infirmier de famille, au contact direct de la population qu’il prend en charge pourrait
plus facilement agir sur certains problèmes de santé, y compris ceux en lien avec des pathologies chroniques ou aiguës.
51
6.2.3. Infirmier Clinicien en cancérologie
#
Dans le cadre du 3ème plan cancer 2014-2019, François Hollande a détaillé le 4 fé-
vrier quatre axes principaux. Le 4ème objectif du premier axe consistant à «guérir plus de
personnes malades», concerne directement les infirmier puisqu’il vise à créer un nouveau
statut: celui d’infirmier clinicien. Cette formation qui sera ouverte dès la rentrée 2016 et
qui sera sanctionné par un grade de master, ne vise pas à concurrencer ou remplacer les 2
masters qui existent déjà. Elle vise à former des experts en cancérologie qui pourront libérer du temps médical en assurant des soins de qualité dans la prise en charge globale du
patient. Comme cette proposition apparaît dans le cadre du plan cancer, le gouvernement
précise que ce nouveau statut d’infirmier clinicien sera développé prioritairement en cancérologie. On peut donc penser qu’il sera peu à peu étendu à d’autres spécialités.
La «grande» nouveauté dans le domaine de la cancérologie est que ces infirmiers cliniciens
pourront prescrire, sous certaines conditions et encore selon un protocole validé par un
médecin, des examens de suivi des traitements, des traitements complémentaires ou de
support. Ils seront aussi en mesure d’adapter ou de reconduire certains traitements spécifiques. Il y a donc une reconnaissance de la possibilité aux infirmier de réaliser des pratiques avancées.
#
52
6.2.4. Hypothèse de l’organisation des formations futures
"
Ce tableau, basé sur un tableau similaire de l’ARS, montre de façon simplifiée,
d’une part les formations existantes qui sont actuellement ouvertes et d’autre part les différentes formations qui pourraient voir le jour. Nous constatons que pour le moment, les
nouveaux statuts seraient tous sanctionnés par un diplôme de niveau master ou doctorat
pour la recherche. Les nouvelles professions sont donc toutes issues de la formation infirmière, mais il se pose la question de créer de nouvelles professions niveau licence qui
permettraient de déboucher sur ces mêmes métiers.
53
6.3. Évolutions du cadre légal
"
Ainsi nous avons vu que des nouvelles professions sont en cours de création assor-
ties à de nouvelles responsabilités. Celles-ci doivent être encadrées sur le plan légal afin
de permettre un exercice en toute sécurité.
Après avoir récapitulé ce qui se fait dans le cadre légal actuel, il nous semblait intéressant
de développer ce qui pourrait être l’évolution de celui-ci dans les années à venir.
Des chercheurs ont ainsi évoqué cette nécessité de changement. Ainsi, selon Philippe Silberzahn, on peut distinguer 3 stades dans la médecine 30. Le premier est le stade intuitif,
lors de la découverte d’une pathologie avec les recherches qui y sont associées. Le second
est le stade empirique lorsque les recherches ont permis d’identifier les médicaments efficace contre une maladie mais sans forcément connaître exactement le fonctionnement.
Enfin, le troisième stade est celui de la précision, lorsque la pathologie est clairement
identifiée et que les mécanismes d’action sont bien connus afin de développer un médicament efficace.
Les évolutions apportées à la médecine par l’accumulation de connaissances ainsi que par
le développement des technologies médicales, permettent avec le temps de faire basculer
la médecine intuitive vers une médecine de précision. Ces évolutions entraînent donc
plusieurs modifications.
Une de ces modifications est d’avoir rendu les traitements plus simples d’accès mais également plus compréhensible. En effet des affections qui nécessitaient l’intervention des
médecins spécialistes au stade de la médecine intuitive peuvent être prises en charge par
d’autres acteurs de santé au stade empirique. C’est pourquoi, lors d’un retour à domicile,
le médecin spécialiste adresse ses remarques et ses conseils au médecin généraliste. Enfin,
arrive le stade de précision. Actuellement, c’est à ce stade que le corps infirmier peut intervenir afin de prendre en charge un patient avec une pathologie stable. Parfois, ce sont
les patients eux-mêmes qui peuvent se prendre en charge, c’est le cas notamment avec
l’auto prise en charge de l’insuline.
Si l’on reste dans ce courant de pensée, nous pouvons imaginer qu’avec le développement
de la recherche en sciences infirmières, les professionnels de santé que sont les infirmiers
30
Silberzahn Philippe, « Réforme du système de santé : la prescription de l'innovateur »,Annales des Mines - Gérer et
comprendre, 2010/4 N° 102, p.94
54
pourront eux aussi intervenir dans ce qui est appelé le stade de la médecine empirique,
voire intuitive sur le plus long terme s’il y a un développement des études au niveau du
doctorat.
Le code de la santé publique stipule dans l’article L. 4311-1 :
"
« Est considérée comme exerçant la profession d'infirmière ou d'infirmier toute personne qui
donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle
propre qui lui est dévolu. [...]»
De plus, l’article R. 4311-3:
➡ Définit le rôle autonome comme:
"
« Des soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser par-
tiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de
personnes »
➡ Et le champ d’initiative comme:
"
« Dans ce cadre, l'infirmier ou l'infirmière a compétence pour prendre les initiatives et ac-
complir les soins qu'il juge nécessaires conformément aux dispositions des articles R. 4311-5, R. 4311-51 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs
de soins, met en oeuvre les actions appropriées et les évalue.»
Nous pouvons donc constater que certains articles du code de santé publique restent assez ouvert et présentent des possibilités de modifications. Cela a d’ailleurs été le cas pour
l’intégration au champ de compétences infirmier, de la vaccination antigrippale. En effet,
il a été créé par décret en 2008, à la suite de l’article R.4311-5 l’article R.4311-5-1 pour rendre cet acte légal. Pour intégrer les nouvelles responsabilités des nouveaux statuts d’infirmiers, nous pouvons imaginer deux possibilités:
- La première serait la rédaction d’un nouvel article de loi intégré au CSP qui stipulerait le champ de compétence de ces nouveaux infirmiers avec l’élaboration de
leur rôle qui serait propre ou du rôle en collaboration.
- La seconde qui serait possible, ferait l’objet d’une intégration de ces nouvelles
responsabilités et compétences dans un article de loi, par le biais d’un décret
comme cela a pu être le cas pour l’article R.4311-5-1.
55
6.4. Avantages, bilan des autres pays
"
En 2008 et 2009 Bonnie Sibbald 31 a dirigée dans des revues internationales, des
évaluations sur les rôles avancés infirmiers à l’étranger (Canada, Etats-unis, Royaume-uni,
Finlande...) dans le domaine des soins primaires ainsi que sur la gestion des maladies
chroniques.
Les conclusions générales tirées de sa revue 2008 étaient que :
‣Les infirmières en pratiques avancées fournissaient des soins de même qualité à ceux
pratiqués par les médecins généralistes, dans les domaines de la prévention, du suivi des
patients chroniques et du premier contact avec les personnes souffrant d’une maladie bénigne.
‣Les infirmières en pratiques avancées fournissent en général plus d’informations et de
conseils aux patients concernant leur pathologie, ce qui entraîne une satisfaction des personnes soignées.
‣Des gains d’efficacité dans la prestation des services peuvent être obtenus si les médecins se focalisent sur des problèmes de santé plus complexes.
‣Le développement des pratiques avancées ne semblent pas impacter les coûts outre mesure. En effet, les salaires versés à ces infirmiers, moins important que celui des médecins,
sont compensés par des temps de consultations plus longs et parfois plus de prescriptions
d’examens paracliniques.
La revue de 2009 concernait la gestion des pathologies chroniques par les infirmiers en
pratiques avancées et plus spécifiquement leurs impacts. Elle en conclut que :
‣Les infirmières en pratiques avancées qui réalisent des tâches auparavant réservés aux
médecins, permettent de libérer du temps médical. Elles peuvent également réaliser ces
tâches avec un même niveau de qualité, voire parfois supérieur du fait du temps de consultation allongé.
‣Concernant les coûts, les infirmiers de pratiques avancées semblent ne pas coûter plus
cher dans le cadre d’une substitution de tâche. En revanche, le coût semble plus important lorsqu’il y a un ajout de nouvelle tâche complémentaire.
31
Marie-Laure Delamaire et Gaetan Lafortune, «Les pratiques infirmières avancées : Une description et évaluation des
expériences dans 12 pays développés», OECD document de travail sur la santé n°54, p.41
56
"
Un autre bénéfice peut être celui de la rapidité de la prise en charge par le person-
nel paramédical. Au Royaume-Uni par exemple, il a été démontré le bienfait de la prescription paramédicale32 , notamment dans le cas du patient diabétique. En effet, ce dernier peut, grâce à cette façon de fonctionner, ce rendre chez l’infirmier et par le biais
d’une consultation faire état de ses problèmes. Cela a pour effet de réduire les retards
dans les prises médicamenteuses, mais permet également une adaptation plus rapide et
donc une meilleur efficacité des traitements. Enfin, réduire le nombre d’interlocuteur
permet de limiter les erreurs dans les prescriptions et permet d’instaurer plus facilement
une relation de confiance avec le patient. Il nous a d’ailleurs été fait part au court de nos
entretiens, de ce désir de prescription pour ce motif en particulier. Les infirmiers mettaient en avant que pour certains points, ils estimaient être mieux placés que le médecin
généraliste pour prescrire, du fait de leur proximité avec le patient.
GB : [...] cela nous éviterait de perdre du
NL: «[...] pour les prescriptions d’anticoagulant, on
temps à appeler un médecin, sachant qu’on
ferait nos prescriptions comme on voudrait»
connait presque la réponse, si réponse il y a, car
SM: «Le dosage aussi, je pense que parfois on dose mieux
parfois on tombe sur des personnes qui nous
que les médecins. Comme on les voit tous les jours, on
disent «faites au mieux.».»
arrive mieux à adapter, et on a moins de haut et de bas.»
"
Enfin, il semble utile de préciser que pour beaucoup d’infirmier, la question de
l’amélioration des prises en charges des patients reste un souci principal. C’est pourquoi
l’Ordre National Infirmier a publié le 11 avril 2012 dans un communiqué de presse33 , les
résultats d’une étude menée auprès de 21244 professionnels de milieu différent, sur la
qualité et la sécurité des soins à l’hôpital. Comme l’illustre le tableau ci-dessous, cette
étude montre que parmi les professionnels interrogés, et quelque soit leur milieu, ils sont
en moyenne 78,4% a vouloir obtenir le droit de prescription pour des antalgiques en
vente libre en pharmacie. Elle montre également qu’en moyenne, 82% de la cohorte est
pour le développement de la prescription infirmière (dont 85% sont des infirmiers libéraux).
32
June James, Vue d’ensemble de la prescription non médicale: passé, présent et futur, Diabetes Voices Volume 51, N°4,
Décembre 2006, p.29
33
Les Infirmiers alertent les pouvoirs publics et les candidats à l’élection présidentielle sur la qualité et la sécurité des
soins à l’hôpital, Ordre National Infirmier, 11 avril 2012, p.3
57
6.5. Inconvénients, Conditions, Contraintes et Limites
"
Après avoir vu un aperçu des différents avantages que pouvait amener la prescrip-
tion infirmière, il nous semblait intéressant de nous pencher sur le revers de la médaille.
Bien que les bénéfices de cette pratique aient été plus que démontrés, il reste toutefois
quelques points à éclaircir.
Toutefois, avant de développer ces critères, il nous semble important de préciser qu’il
n’existe à ce jour pas ou très peu d’études mettant en avant les points négatifs inhérent
aux pratiques infirmières avancées et par conséquent à la prescription infirmière.
La première des choses est la quantité de prescription réalisée par les infirmiers prescripteurs. Même si aucune étude ne montre clairement la quantité des prescriptions réalisée
par les primo-prescripteurs, un rapport de 200634 écrit par le Professeur Yvon Berland et
le Docteur Yann Bourgueil sur des expérimentations réalisées en 2005, montre que dans
l’ensemble, les infirmiers qui avaient reçu la compétence de prescription avaient tendance
à prescrire plus que les médecins. Il est important de signaler que ces infirmiers étaient
tous dans le service depuis au moins 5 ans et avaient reçu une simple formation de 12h
accompagné de quelques séances pratiques avec les médecins. La peur de réaliser un
mauvais diagnostic pourrait justifier ces chiffres.
Un autre point qu’il est important de soulever est la déléga-
AR: « Si on pouvait faire glis-
tion de tâches infirmières vers un autre corps de métier. Ce
ser les toilettes aux aides soi-
constat nous a été fait lors de nos entretiens, où les profes-
gnants... Parce que si ils [les
sionnels ont clairement insisté sur le fait de déléguer des tâ-
médecins] nous font glisser des
ches si ils étaient amenés à en endosser des nouvelles. Le soin
qui serait amené à être délégué selon eux, serait la toilette qui
glisserait entièrement vers des aides soignants à domicile.
choses et que nous nous ne pouvons pas déléguer à d ’autres
personnes, ça va être compliqué.»
Yvon Berland, Yann Bourgueil, Cinq expérimentations de coopération et de délégation de tâches entre professions
de santé, juin 2006
34
58
Un autre point récurrent dans le discours des pro- GB: «En tant qu’infirmier libéral, nous avons
fessionnels est celui des formations. L’endossement de nouvelles responsabilités nécessite
déjà un droit de prescription limitée [...]. Il y a
pas longtemps, on nous a pondu un texte stipulant
que nous avions le droit de renouveler la pilule
d’avoir des formations adéquates afin d’exercer en contraceptive. Moi aujourd’hui on me dit: «Poutoute sécurité. Ci-contre: une citation issue de vez vous me renouveler ma prescription?» Honl’un de nos entretiens.
nêtement, je me sens en danger.»
Enfin, et à l’unanimité, les professionnels ont tous AR: « [Il faut] que l’on soit suffisamment repointé le besoin d’une revalorisation financière, connus au niveau légal, être couverte. C’est la
du fait des responsabilités qui seraient accrues.
première des choses. Après il y a aussi le côté
financier à prendre en compte, je ne sais pas
comment ça pourrait être estimé. On ne va pas
faire une consultation sans répercussion derrière
quoi.»
Nos recherches nous ont poussé à un constat, celui que notre pays avait pris beaucoup de
retard dans le développement des pratiques infirmières avancées. En effet, lors du 6ème
congrès des pratiques avancées, à l’instar du Népal et de Hong Kong, la France faisait partie des pays les plus en retard sur ce point. 35 Nous nous sommes donc posés plusieurs fois
la question des éventuels freins qui pouvaient exister.
• Du côté des médecins
"
Le corps médical représente un grand pouvoir décisionnel en France comme
ailleurs. Ce point amène donc plusieurs freins. Premièrement le corps médical reste attaché à cette exclusivité de la prescription. Il faut savoir pour comprendre ce point de vue
qu’il y a une différence conséquente, en matière d’années d’études entre les professions
médicales et paramédicales. De plus l’instauration du numérus clausus aux études de médecine participe également à maintenir ce côté élitiste.
De par l’historique de la profession médicale, on remarque aussi que ceux-ci ont toujours
occupé une place importante au sein de la société. La profession infirmière est quant à
elle longtemps restée dans l’ombre du corps médical en assistant et en exécutant. Certains médecins peuvent alors croire que l’on essaye de leur voler leur travail.
35
http://www.ceepame.com/sites/default/files/cr_6eme_congres_pratiques_avancees_brisbane.pdf
59
"
Car c’est aussi un des freins au développement de
SP: «...plus on travaille lentement,
la prescription infirmière, soulevé lors d’un de nos entre-
moins on gagne d’argent. Il y a aussi le
tiens: l’aspect financier, pour les médecins généralistes
côté financier qu’il ne faut pas oublier.
qui restent des professionnels libéraux. En effet, ceux-ci
Et justement sur les petites urgences,
seraient nombreux à penser que le fait de confier la
enfin ce que j’appelle les conneries, on
peut se rattraper quoi.»
prescription de certains soins ou de certaines thérapeutiques aux infirmier représenterait un manque à gagner.
Ces mêmes médecins confient toutefois avoir un carnet
de rendez-vous toujours plein et même refuser réguliè-
SP: «Et le risque aussi, on voit la surcharge de travail mais le risque, il y en
a qui se disent, si on fait mon boulot je
ne gagnerais plus d’argent.»
rement des patients, qu’ils réorientent ailleurs.
• Du côté des infirmiers
"
Paradoxalement, le manque d’unicité de la profession infirmière est aussi un frein
majeur. En effet, force est de constater que la création de l’ordre infirmier datant de
2006, ne rassemble pas autant que dans les autres pays et provoque même la création
d’un Contre Ordre Des Infirmier (CODI). Il est étonnant de voir aussi que depuis plusieurs dizaines d’années, les infirmier tendent à prendre deux types d’orientation. Avec le
développement des diagnostics infirmier puis l’universitarisation bien plus récente de la
formation, certains d’entre eux tendent à vouloir acquérir plus de responsabilités et ainsi
faire évoluer leur profession, alors que d’autres ne le souhaitent pas forcément. Il manque
donc une volonté commune qui unirait la profession et qui pourrait représenter une force
importante puisque nous étions presque 600 000 au premier janvier 2013.36
Un dernier frein du côté infirmier: la peur de l’inconnu. En effet, la prescription infirmière actuellement en vigueur ne concerne que des dispositifs médicaux basiques pour
lesquels une erreur ne porterait pas forcément un garve préjudice pour le patient. D’où la
nécessité, comme dit plus haut, de la formation. Seul l’avenir nous dira dans quel sens
celle-ci évoluera.
36
Daniel SICART, «Les professions de Santé au 1er janvier 2013», DREES, série statistiques n°183, Août 2013, p36-39
60
• Du côté politique
En ce qui concerne les pouvoirs publics au niveau local, régional ou national, il y a aussi des barrages, comme il
nous a été confié au cours d’un de nos entretiens. Les diffé-
LO: «...on le sait aujourd’hui, c’est
rentes propositions des gouvernements tendent à amener
que ça fonctionne quand il y a des
un changement progressif des mentalités. Cette évolution
professionnels de santé motivés, des
de pensée rejoint l’évolution de la médecine moderne, plus
élus et l’ARS. L’ARS et les profes-
mûre, qui tend à se réorienter sur la prévention plutôt que
sionnels, c’est bon, on fonctionne
sur le curatif
ensemble, le problème ici c’est nos
élus qui ne soutiennent pas le pro-
La création de nouveaux métier était en effet vue par le
jet.»
passé comme un coût important plutôt que comme une
économie pour la société sur le long terme.
CJ: «Parce que derrière il y a des freins et les freins, c’est par la qu’il faut commencer. [...]
Je me rends compte que ça ne viendra pas d’en haut, ça ne viendra pas des syndicats, ça ne
viendra pas de l’URPS, ça viendra pas non plus de nos politiques, ça viendra du terrain.»
61
Conclusion
"
Nous avons pu voir au cours de notre travail, que la démographie ainsi que les
besoins de la population avaient beaucoup évolué depuis quelques dizaines d’années, entrainant de nouvelles contraintes socio-économiques et de santé publique. Une des pistes
qui a été suivie notamment par nos voisins est celle de la prescription infirmière.
Nous nous sommes aperçu que celle-ci existait déjà dans beaucoup de pays étranger, notamment sur le continent nord Américain et en Europe avec entre autre le Royaume-uni
ou la Suède. Ce droit de prescription, entrant dans le cadre de ce qu’on appelle en France
les nouveaux métiers en soins infirmiers, a été instauré afin de résoudre des problématiques de santé qui étaient similaires dans tous ces pays. Celles-ci sont généralement liées à
la désertification médicale des zones rurales, au vieillissement de la population, à l’augmentation du nombre de pathologies chroniques ainsi qu’aux coûts élevés que celles-ci
engendrent.
Nous avons vu que différentes solutions, tels que les protocoles de collaboration, avaient
été proposées et appliquées en France afin de résoudre ces problématiques, dont les dépassements de taches et autres pratiques sortant du cadre légal sont des symptômes
criants.
Depuis 2006, les infirmiers Diplômés d’État se sont vus confier un droit de prescription
limité, permettant ainsi d’augmenter leur autonomie, de libérer du temps de consultation
médicale et ainsi de réduire des dépenses inutiles.
Face au constat que la France avait un gros retard sur la question des pratiques avancées
en soins infirmiers, nous sommes allés au contact de médecins et d’infirmiers sur le terrain afin de mieux cerner leurs points de vue sur les motivations, les freins et les évolutions possibles quant à ce droit de prescription. Dans l’ensemble, les professionnels interrogés ont été plutôt favorables à un élargissement de la prescription infirmière, mais en
insistant sur la nécessité d’une formation complémentaire qui leur permettrait d’exercer
en toute sécurité, et donc en toute sérénité.
62
"
Ces formations commencent à voir le jour, nous l’avons vu à Marseille ou à St-
Quentin-En-Yvelines, où des Masters en pratiques avancées pourraient à l’avenir contribuer à métamorphoser en profondeur le paysage de l’offre de soin en France. Nous avons
aussi pu voir que d’autres types de statuts ou de formations pourraient être à l’étude et
contribueraient à apporter un élément de réponse. Ces formations mènent ou mèneraient
donc à la création de nouveaux métiers qui permettraient d’améliorer la prise en charge,
l’accès aux soins ainsi que de réduire les dépenses de santé.
Fort de tous nos apports sur les points de législation encadrant la pratique de notre métier actuellement, il nous est apparu d’une évidente nécessité qu’un tel changement du
paysage de l’offre de soin devait s’accompagner d’une évolution majeure du cadre légal.
Tous les professionnels s’accordent à dire que ce changement est indispensable et qu’il
apporterait beaucoup d’avantages, mais nous nous sommes aperçu que quelques freins
persistaient.
C’est sur ces freins que nous devons travailler car en tant que futurs diplômés, nous
sommes directement concernés par ce problème. En effet, notre formation nous pousse à
nous questionner sur nos pratiques, à avoir la meilleure prise en charge globale possible,
et aussi à évoluer et faire évoluer notre métier. La prescription infirmière dans le cadre
des pratiques avancées aurait tout à fait sa place dans cet ensemble car elle va dans le sens
du développement de ces compétences.
Dans le cadre de futures recherches, nous pourrions nous intéresser aux délégations possibles des infirmiers à d’autres corps de métier, afin de pouvoir assumer ce rôle de prescripteur. De plus, nous nous sommes concentrés au cours de nos entretiens sur l’exercice
libéral en zones rurales. Il aurait également été intéressant de recueillir le point de vue de
médecins et d’infirmiers spécialisés dans un domaine spécifique, tel que l’hémodialyse, la
cardiologie ou encore l’oncologie qui est un enjeu principal de la prochaine décénie.
63
Bibliographie
• Emile Durkheim, De la division du travail social, F.Alcan, 1893.
• Laurent Henart, Yvon Berland, Danielle Cadet, «Rapport relatif aux métiers en santé de niveau intermédiaire», Janvier 2011.
• Marie-Laure Delamaire et Gaetan Lafortune, «Les pratiques infirmières avancées : Une description et évaluation des
expériences dans 12 pays développés», OECD document de travail sur la santé n°54.
• Élise Anger et Virginie Gimbert, avec la collaboration de Mathilde Reynaudi et de Sylvain Lemoine, «Quelles opportunités pour l’offre de soins de demain ? Les coopérations entre professionnels de santé», La note d’analyse n°254,
Centre d’analyse stratégique, décembre 2011.
• Lignes directrices OIIQ-CMQ sur les modalités de la pratique de l’infirmière praticienne spécialisée (mars 2006)
Suzanne Durand, «L’infirmière praticienne spécialisée: une pratique infirmière avancée en émergence au Québec»,
OIIQ.
• «Consultation infirmière de suivi des patients traités par anticancéreux oraux à domicile, délégation médicale
d’activité de prescription», ARS IDF, Hôpital Saint-Antoine.
• Lautard Vincent, «Glissements de compétences entre infirmiers et médecins: une insécurité juridique permanente», 2012.
• Yvon Berland, Yann Bourgueil, «Cinq expérimentations de coopération et de délégation de tâches entre professions
de santé», juin 2006.
• Santé 21: La politique cadre de la Santé pour tous, pour la Région européenne de l’OMS, OMS Bureau régional de
l’Europe, 1999.
• Silberzahn Philippe, « Réforme du système de santé : la prescription de l'innovateur »,Annales des Mines - Gérer et
comprendre, 2010/4 N° 102.
• June James, Vue d’ensemble de la prescription non médicale: passé, présent et futur, Diabetes Voices Volume 51, N°4,
Décembre 2006.
• Les Infirmiers alertent les pouvoirs publics et les candidats à l’élection présidentielle sur la qualité et la sécurité des
soins à l’hôpital, Ordre National Infirmier, 11 avril 2012.
• Daniel SICART, «Les professions de Santé au 1er janvier 2013», DREES, série statistiques n°183, Août 2013.
64
Sitographie
• version officielle du 8 aout 2004: http://www.legifrance.gouv.fr
• http://www.legifrance.gouv.fr
• http://www.aanpe.org/AdvancedNursingPractice/tabid/721/language/en-US/Default.aspx
• https://web.archive.org/web/20110720012312/http://www.aacn.nche.edu/publications/positions/cerreg.htm
• http://www.irdes.fr/Publications/Qes/Qes95.pdf
• http://www.ameli.fr/professionnels-de-sante/pharmaciens/exercer-au-quotidien/droit-de-prescription-des-dispositifsmedicaux/droit-de-prescription-des-infirmiers.php
• http://www.cripp-idf.fr/fr/evolution_et_salaire_1_2_3_4_5_6_7_8
• http://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=192259
• http://www.pbs.gov.au/browse/nurse
• http://acnp.org.au
• http://www.oiiq.org/pratique-infirmiere/specialites/infirmiere-praticienne-specialisee-au-quebec/role-et-modalite
• http://www.sante.gouv.fr/la-cooperation-entre-les-professionnels-de-sante.html
• http://www.fni.fr/60-idees-pour-ameliorer-la-qualite-des-soins/
• http://www.ars.rhonealpes.sante.fr
• http://www.ceepame.com/sites/default/files/cr_6eme_congres_pratiques_avancees_brisbane.pdf
Autres sources
• Article R4311-5 du code de la santé publique
• Article 51, Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires
• Référentiel de compétences de l’Infirmier de Pratiques Avancées de l’EHESP
65
Annexes
66
Annexe 1
GUIDE D’ENTRETIEN
Rémy Delbarre
Benjamin Beaugé
À destination des médecins
• 1) Décrivez votre activité (structure, patients, collaborateurs, horaires, etc)
• 2) Vous arrive-t-il d’avoir parfois des difficultés dans la gestion du flux de patients
que vous recevez? Vous est-il arrivé de souhaiter pouvoir consacrer plus de temps à
des cas intéressants ou qui mobiliseraient chez vous des compétences plus pointues?
• 3) Selon vous, comment pourrait-on améliorer cette situation? (déserts médicaux)
• 4) Pouvez-vous nous donner des exemples de collaboration possible? Et avec l’infirmier?
• 5) Que pensez-vous de la délégation de certains actes médicaux aux infirmiers? Seriez-vous d’accord pour déléguer certaines taches médicales aux infirmiers?
• Si oui, quels en seraient les bénéfices?
• Si non, pour quelles raisons?
• 6) Est-il souhaitable pour vous que des infirmiers ayant suivit une formation supplémentaire (master) soient autorisés à diagnostiquer et à prescrire, dans le champ
de leur spécialisation?
• 7) Dans le cadre des pathologies chroniques ou non que vous rencontrez au quotidien, quels types d’actes médicaux seriez-vous prêt à déléguer au corps infirmier?
• 9) Pour quel type de thérapeutique, médicaments, examen, ... seriez-vous prêt à
laisser les infirmiers prescrire? Sous quelle forme? Sous quelles conditions?
• 8) Que pensez-vous des consultations infirmières pour les pathologies «simples» ou
chroniques stabilisées telles que le diabète?
67
GUIDE D’ENTRETIEN
Rémy Delbarre
Benjamin Beaugé
À destination des infirmiers
• 1) Décrivez votre activité? (structure, patients, collaborateurs, horaires, etc)?
• 2) Que pensez-vous de la répartition des médecins dans votre zone? Et dans des
zones plus rurales?
• 3) Pouvez-vous nous donner des exemples de collaboration avec le médecin dans
votre activité? Comment cela se passe-t-il? Vous arrive-t-il de rencontrer des difficultés dans ce cadre? Exemples?
• 4) Que pensez-vous de la délégation de certains actes médicaux aux infirmiers(ères)? Seriez-vous d’accord pour effectuer certaines taches auparavant médicales?
• Si oui, lesquelles? Quels en seraient les bénéfices?
• Si non, pour quelles raisons?
• 5) Vous sentiriez-vous prête à assumer ces taches supplémentaires? Seriez-vous
prêt(e) à suivre une formation supplémentaire (type master) afin de pouvoir diagnostiquer et/ou prescrire dans un certaine spécialité.
• 6) Que pensez-vous des consultations uniquement infirmières pour les pathologies
«simples» ou chroniques stabilisées telles que le diabète?
• 7) Quelles seraient vos conditions pour accepter ces nouvelles responsabilités?
Rémunération? Délégation? etc...
68
Annexe 2 (tableau récapitulatif entretiens)
Entretiens
Grandes Lignes
Entretien
Pathologies rencontrées/traitements: Diabète, AVK + surveillance INR, anti-
AR
coagulant, polyarthrite, soins d’hygiène...
SM
Réorientation de patient: Vers le SIAD pour soins de nursing si trop de
NL
travail, sinon pas de refus de prise en charge (agrandissement du cabinet).
Difficultés actuelles : Pas de temps médical libre pour répondre à leurs
questions. Réalisation d’actes sur rôle prescrit avant prescription puis le
dire au médecin = Prise d’initiative sur expertise clinique, manque de
crédibilité auprès des patients + toujours besoins d’un accord médecin
(changement des mentalités difficile), pour les vaccins il y a une réelle
demande de la part des patients pour que les IDE puissent les faire.
Collaboration MSP (maison santé pluriprofessionnelle) : Relation facilité avec
médecin au quotidien, gain de temps pour les décisions (exemple d’un
pansement pour lequel il faut prescrire un médicament ou un prélèvement biologique, ou encore pour relater l’efficacité ou non d’un traitement en place)
Aménagement prévu : permanence au cabinet, pour limiter le temps perdu
dans les transports et pour inciter les patients à bouger.
Souhait de prescription/actes : ECBU, prélèvements, gestes d’urgences (sutures), consultation IDE + diagnostic angine rhinopharyngite etc (sous
réserve d’un accord des médecins et d’un changement des mentalités),
anticoagulant (AVK + surv INR), surveillance diabétique (HbA1c tous
les 3mois), vaccin
Problèmes soulevés : Cadre légal, manque de formation, médecins réticents, salaire à réévaluer, délégation à AS des soins de nursing.
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Entretiens
Grandes Lignes
Entretien
Difficultés actuelles: Pas de reconnaissance des spécialisations (DU), au-
CJ
cune remonter du terrain pour les organismes (ARS) du coup pas de
chiffres, pas de reconnaissance de notre corps de métier, nous ne sommes pas des exécutants, manque d’investissement de la part de certains
IDE (ambivalence de la profession), les syndicats qui limite le champs
d’action des IDE, changement des mentalités (infirmier exécutant passe
prescripteur), peu de cours en IFSI sur la prescription infirmière
Prescription IDE: se l’approprier avant de vouloir prescrire autre chose
Amélioration possible: que les IDE réalisent eux même les outils reflétant
notre activité, augmenter le panel de formations et les faire connaître
Entretien
GB
Types de patients : Chroniques (soins d’hygiène, distributions médicaments...), SC, IM, Pansements en tout genre.
Difficultés actuelles : difficultés de contact avec médecins, pas du tout de
crédibilité auprès des patients et des médecins, prescription téléphonique (changement de posologie sur EI puis communiqué au médecin qui
dit ok continuez comme ça = Expertise clinique), aucune reconnaissance
des diagnostics IDE, aucune formation sur certaines prescriptions déjà
autorisées (pilule), consultation infirmière non valorisé pourtant faite.
Avantage prescription: gain de temps dans la prise en charge (des médecins disent: faites au mieux), plus de crédibilité.
Souhait de prescription/actes : Rien en particulier, prêt à tout faire sous réserve de formation, antibiotiques, diagnostics de certaines pathologies
bénignes, Examen biologiques, prélèvements.
Problèmes soulevés : FORMATION ++, réévaluation des salaires, délégation des soins de nursing
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Entretiens
Grandes Lignes
Entretien
Difficultés rencontrés: Renvoi de patient vers d’autres cabinets ou aux ur-
SP
gences, refus de patient.
Délégation de tâches:, prélèvement pour angine, suivi AVK, éducation thérapeutique, diagnostic infection urinaire + prescription antibiotique en
lien.
Ce qui reste médical: Les pathologies bénignes permettent de gagner plus
d’argent, pas d’alternance consultation infirmière médecin pour diabète,
pas de consultation infirmière sans que le médecin puisse donner son
avis, pas de diagnostic pour les infirmiers.
Solution probable: Mettre un IDE régulateur au téléphone qui juge si une
consultation serait utile ou non. Formation pour orienter le patient.
Infirmier master : formation oui, mais sans possibilité de diagnostic IDE.
Entretien
RL
Difficultés rencontrés: 100h de travail par semaine (15-16h/jour), manque de
médecins généraliste, refus de patient car trop de monde, les gens ne
viennent plus pour se faire soigner d’un rhume ou d’une petite angine
car ils attendent longtemps, manque de spécialistes (psychiatre par
exemple).
Solution trouvées: Infirmiers de psychiatrie qui font des consultations
spécialisées, installation de maison de santé pluriprofessionnelle
délégation de tâches: Pour (moins en moins de médecins et travail pour un
but commun), affirme que les actes médicaux fait par les IDE sans prescriptions se font déjà (ECBU, prise de sang, hydratation, AVK + INR,
surveillance patient diabétique).
Infirmier master: OK mais concernant le diagnostic, il voit plus un travail
de groupe (comme cela peut se faire pour les RCP en oncologie). Sur les
plaies, ok pour lancer des traitements en tenant au courant le médecin +
le chirurgien.
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Entretiens
Grandes Lignes
Entretien
Difficultés rencontrés: 1800 habitants / médecin généraliste, trop recours
LO
aux urgences dans un cadre urbain, mauvaise répartition des médecins
généralistes, difficulté du travail en équipe en libéral, élu difficile à convaincre pour création MSP, peu de mouvements pour faire bouger les
choses, changement des mentalités difficile, paiement à l’acte complique
les évolutions, Nécessité d’évolution du cadre légal
Solution trouvées: Maison de santé pluriprofessionnelle, infirmière
ASALE, harmoniser les discours, mieux former les futurs professionnels
de santé, création d’un infirmier en soins primaire envisageable, ne pas
imposer les équipes de travail et insister sur les formations de travail en
équipe.
délégation de tâches: Education thérapeutique, bilan de contrôle pour pathologie chronique (diabète par exemple), dans les prises en charge de la
douleurs, examen biologique,
Infirmier master: Pour, mais attention à des diagnostic hâtifs. Nécessité
de formation supplémentaire.
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RÉSUMÉ
En France et à l’étranger, les coûts liés aux problématiques de santé sont de plus en plus
importants. De plus, les changements démographiques et la répartition inégale de l’offre
de soin ont engendré des difficultés d’accès aux soins. Afin de remédier à ces problèmes,
certains pays ont alors décidé de faire évoluer la profession infirmière en développant les
Pratiques Avancées, et en octroyant le droit de prescription à ce corps de métier.
La France a alors décidé de suivre ce que ses voisins avaient entamé quelques dizaines
d’années plus tôt. Un droit de prescription limité a alors été accordé aux infirmiers pour
une liste de matériel médical. Il a aussi été décidé d’«universitariser» la formation initiale
infirmière pour permettre la mise en place de Masters en Pratiques Avancées.
Ce travail s'intéresse donc à l’élargissement du droit de prescription des infirmiers en général, et des libéraux situés en zones déficitaires en particulier. Plusieurs aspects de cette
évolution seront traités tels que les formations, le cadre légal, les avantages, les conditions
et les freins à un tel changement.
Mots Clés: Santé, Infirmier, Prescription, Pratiques Avancées, Formation
ABSTRACT
In France and abroad, health issues’ cost are increasingly important. Moreover, demographic changes and uneven distribution of health care supply have led to difficulties in
accessing care. To settle these issues, some countries then decided to evolve nursing by
developing Advanced Practice, and by granting the right of prescribing to nurses.
France then decided to follow what its neighbors had begun several decades earlier. A limited right of prescription was then granted to nurses for a list of medical equipment. It
was also decided to make the initial nurse training more «university-like» to enable the
development of Masters of Advance Practice Nursing.
This work is therefore concerned with the extension of the right of prescription for nurses in general, and visiting nurses located in medical deserts in particular. Several aspects
of this evolution will be treated such as training, legal framework, benefits, terms and
obstacles to such a change.
Keywords: Health, Nurse, Prescription, Advance Practice, Education
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