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BEATRIX MYRIAM Enseigner l’anglais en UPI : agir pour apprendre « I hear and I forget, I Listen and I remember, I do and I understand » Proverbe chinois 2CASH OPTION D SESSION 2008 0 Sommaire 1.INTRODUCTION …………………………………………………………………. p.2 2.PROBLEMATIQUE…………………………………………………………………. p.4 3.APPROCHES THEORIQUES 3.1 Qu’est-ce qu’apprendre ?....................................................................................... p.6 3.1.1.Les théories cognitivistes, point de départ de multiples approches……… p.6 3.1.2.Les travaux de Lozanov et leur développement…………………………. p.8 3.2. La théorie des intelligences muiltiples……………………………………………p.11 3.3.Total Physical Response…………………………………………………………..p.14 3.3.1.Ce que dit Asher…………………………………………………………..p.14 3.3.2.Théories complémentaires…………………………………………………p.15 3.3.3.Mises en pratiques(s)………………………………………………………p.16 3.4.Conclusion : enseigner en classe d’UPI………………………………………… p.17 4. LA MISE EN ŒUVRE DU PROJET…………………………………………………p 18 4.1.Le cadre humain…………………………………………………………………. p.18 4.1.1.La classe d’UPI……………………………………………………………p.18 4.1.2.Les élèves accueillis, compétences et difficultés………………………….p.20 4.2.Le cadre disciplinaire…………………………………………………………….p.22 4.2.1.Etablir une programmation………………………………………………..p.22 4.2.2.L’évaluation……………………………………………………………….p.25 4.3.Un exemple de séquence…………………………………………………………p.26 5.CONCLUSION………………………………………………………………………….p.30 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………..p.32 1 1.INTRODUCTION En septembre 2002 une UPI 1 s’est ouverte au collège de Bissy destinée aux enfants présentant une déficience intellectuelle et des troubles des apprentissages. Cette ouverture a été l’aboutissement d’un projet bien réfléchi et préparé par le conseil d’administration du collège. Avant même la loi de 2005 faisant obligation d’accueillir en milieu ordinaire les enfants en situation de handicap, c’était le résultat d’un choix et tout a été fait pour que cette intégration soit un succès. L’emplacement de la classe au cœur du collège répond à des exigences pratiques mais il est aussi symbolique et révélateur de cette volonté d’inclusion et de la mobilisation de tous les partenaires du collège ; ce n’est pas un lieu de relégation ou d’enfermement mais un lieu d’ouverture sur les espaces communs (CDI, salle informatique, permanence…). L’intégration n’est cependant pas uniquement un concept spatial qui consisterait à mettre la personne handicapée dans les mêmes lieux que les autres, c’est certes nécessaire mais pas suffisant. Dès la création de l’UPI, des enseignants du collège ont été volontaires pour accueillir les enfants dans leur classe en français, EPS, arts plastiques, sciences physiques et ont par la suite suivi la formation 2CASH, le documentaliste s’est également associé au groupe. L’équipe enseignante du collège est très stable et le professeur des écoles en charge de la classe avait travaillé plusieurs années au collège dans la classe de SEGPA jusqu’à sa suppression. Ces éléments ont sans doute été des facteurs favorisant, les personnes impliquées se connaissant bien et ayant l’habitude de travailler en équipe, une dynamique s’est installée, actuellement toujours effective. Le fait de ne pas être seul à affronter à une expérience pédagogique nouvelle, de pouvoir partager réflexion, expériences, doutes, réussites et échecs a été plus confortable. Dès la première année de fonctionnement de l’UPI, la question a été posée d’une intégration des élèves en cours d’anglais. Etant donné l’environnement favorable décrit ci-dessus et mes expériences passées, j’ai été tout de suite d’accord sur le principe. J’enseigne depuis 1980 et j’ai donc rencontré au cours de ma carrière des expériences variées. J’ai travaillé avec des élèves en grande difficulté dans des classes de SEGPA. J’ai accueilli dans mes cours des élèves en situation de handicap, malentendants, dyslexiques, handicapés 1 Unité pédagogique d’intégration 2 moteur, j’ai donc été amenée à réfléchir et à adapter de manière empirique mes pratiques pédagogiques pour faciliter l’apprentissage. Chercher des supports nouveaux (geste, image), essayer des adaptations différentes, cela m’a toujours intéressée. D’autre part, j’ai enseigné l’anglais à l’école primaire et j’ai bénéficié des stages de formation d’accompagnement pour aborder ce public bien différent de celui du collège ou du lycée. J’ai ainsi appris à faire évoluer ma pratique en utilisant davantage le corps, l’image, les rythmes. Ceci a d’ailleurs eu des incidences sur ma façon d’enseigner avec mes élèves de collège en développant davantage une pédagogie d’action et de communication laissant une très grande part à l’oral. De plus, dans le cadre de cette formation à l’enseignement de l’anglais en primaire, j’ai expérimenté, en tant que « sujet » suivant un cours de hollandais, la mise en pratique de la théorie de James Asher, « Total Physical Response » (TPR), qui met le corps au centre de l’apprentissage, théorie que j’exposerai dans ma troisième partie. J’ai aussi fait un stage sur le langage nonverbal et j’ai fait du théâtre. Toutes ces expériences convergent vers un centre d’intérêt exploré de façon intuitive et empirique : le rôle de tout ce qui est non-verbal dans l’apprentissage. Ma formation 2CASH m’a permis de rassembler les morceaux du puzzle, de constater qu’il existe des théories pour soutenir cette pratique empirique et de vérifier qu’il n’existe pas une seule façon d’apprendre et d’enseigner. 3 2. PROBLEMATIQUE Nous avons donc examiné avec le professeur des écoles en charge de la classe, dès la première année de fonctionnement de l’UPI, la possibilité d’intégrer des élèves en cours d’anglais en 6ème. Un certain nombre de problèmes se sont immédiatement posés : • La progression en séquences avec des séances très articulées entre elles implique d’assister à tous les cours de la classe. Etre là partiellement est impossible et ne ferait que renforcer les difficultés d’apprentissage. L’emploi du temps ne permet pas cette organisation et c’est toujours vrai cette année. Il faut tenir compte des interventions du SESSAD 2 , des autres intégrations, des horaires parfois trop tardifs en fin de journée. • Le rythme du cours est très rapide, trop rapide pour des élèves avec lesquels il faut prendre le temps. Les compétences visées sont inadaptées. • En langue il est souvent demandé de mémoriser par cœur du vocabulaire, des phrases, dialogues à la maison, de faire des exercices écrits, parfois du jour pour le lendemain. Il n’est pas possible de demander cela aux enfants de l’UPI ou il faudrait un accompagnement particulier. • Si l’oral a une place très importante, l’écrit est bien présent. • Il ne faut pas perdre de vue que dans l’apprentissage d’une langue étrangère, l’objet de l’apprentissage est la langue et que l’instrument utilisé pour mener cet apprentissage est aussi cette même langue, utilisée comme langue de communication dans la classe. Comment les élèves de l’UPI vont-ils accepter ce nouveau code de communication ? Après bien des discussions, nous envisageons une intégration pour des séances ponctuelles sur des faits de civilisation mais il n’y a pas d’apprentissage de la langue. Il faut noter qu’à ce stade, il a été décidé que l’anglais n’était pas une priorité et qu’il fallait d’abord s’assurer de la réussite de l’intégration dans des disciplines où c’était plus simple à réaliser. Je suis étonnée des réactions quand je parle du projet, dans ou en dehors du collège, certains pensent qu’il est inutile d’enseigner une langue étrangère à des enfants qui ont déjà tant de difficultés, d’autres que c’est impossible ! La notion d’éducabilité est pourtant un des principes fondateurs de la loi de 2005. Toute personne, quelle que soit la déficience dont elle est atteinte, est capable de 2 Service d’éducation spéciale et de soins à domicile. 4 progrès est d’évolution. Chaque individu possède des potentiels d’apprentissage que la médiation de l’adulte va repérer et définir : c’est « la zone proximale de développement » 3 décrite par Vygotski : la distance entre ce qu’il est capable de réussir avec l’aide de l’adulte et son niveau présent de développement. Une autre possibilité est envisagée : intégrer ponctuellement les enfants de l’UPI dans une classe de 6ème pour un travail sur la civilisation mais aussi leur faire un cours d’anglais adapté à raison d’une heure par semaine. Dans un premier temps, nous n’en avons pas les moyens horaires dans le cadre de la DHG du collège. Le projet est différé à l’année scolaire suivante. Il sera en fait mis en place en septembre 2006. En juin 2006, nous avons préparé un programme au contenu adapté à partir du référentiel de primaire, il restait à se poser les questions de pédagogie. Par rapport aux compétences visées, certaines seront plus faciles à travailler. Nous choisissons de privilégier la compréhension orale et l’expression orale en interaction. La compréhension de l’écrit et l’expression écrite seront adaptées et ne seront pas prioritaires. La question centrale qui se pose alors est la suivante : comment faire entrer en mémoire cette langue étrangère, son lexique, sa syntaxe, de telle sorte qu’on puisse la comprendre, la parler et enfin l’écrire ? Dans une classe ordinaire on apprend en utilisant essentiellement l’intelligence verbale linguistique, on écoute, on parle et on écrit pour fixer les acquis. L’écrit est un support important mais on utilise beaucoup les images et parfois le corps. Dans la classe d’UPI, le passage à l’écrit est difficile et écrire prend beaucoup de temps, trop quand on dispose d’une séance de cinquante cinq minutes (plus proche en réalité de cinquante minutes) par semaine. Je me pose donc à ce sujet les questions suivantes : Est-il possible de transmettre la langue en s’appuyant, selon la terminologie d’Howard Gardner, plus sur les intelligences kinesthésique et spatiale que sur l’intelligence qui constitue un pilier de notre système éducatif : l’intelligence verbale linguistique ? Est-il possible d’atteindre des résultats significatifs en termes de compréhension, de mémorisation et de communication en donnant une large part au non verbal, à l’image, à l’action ? Un nombre important de théories semble converger vers une réponse positive. Lev Vygotski (1896-1934), Pensée et langage in Michel Perraudeau, Les méthodes cognitives. Paris, Armand Colin 1996 p 38 3 5 3. APPROCHES THEORIQUES 3.1. Qu’est-ce qu’apprendre ? Comment faire entrer en mémoire les mots, les règles, la langue ? La pédagogie dite « traditionnelle » est plutôt conçue sur une idée de maîtrise des contenus. Grâce à un guidage précis et en évitant les « fautes », l’élève accumule les notions de manière linéaire, chaque connaissance s’empilant logiquement sur la précédente. Les recherches en psychopédagogie ont fait évoluer cette vision. 3.1.1 .Les théories cognitivistes, point de départ de multiples approches pédagogiques. En observant les apprenants, les chercheurs ont trouvé plusieurs types d’explication. Piaget 4 , qui dès les années 1920, a défini, avec Wallon 5 et Bruner 6 , que le savoir était quelque chose qui ne s’accumulait pas mais se construisait, a ainsi donné une assise théorique aux partisans des méthodes actives comme Célestin Freinet. La découverte des impacts du développement psychologique de l’enfant, entre autre le concept des stades de développement de Piaget, montre que le développement de la pensée logique est lié à une succession d’étapes du stade concret vers l’abstraction. Jean Piaget a montré que l’intelligence était la faculté de s’adapter, c’est à dire à rechercher continuellement l’équilibre entre soi-même et son environnement. Cette faculté se construit à travers l’activité (sensori-motrice, verbale, mentale...) selon deux processus : - une phase d’assimilation permettant à l’individu d’intégrer des données nouvelles à ses structures internes. - une phase d’accommodation où c’est l’extérieur qui s’impose à la personne, l’amenant progressivement à modifier les conduites dont elle dispose, en en créant ainsi de nouvelles. Jean Piaget, (1896-1980), psychologue, biologiste, logicien et épistémologue suisse connu pour ses travaux en psychologie du développement et en épistémologie. 5 Henri Wallon, (1879-1962) philosophe, psychologue (courant psychosocial), neuropsychiatre, pédagogue 6 Jerome Bruner (1915- ) est un psychologue américain, dont le travail porte en particulier sur la psychologie de l'éducation 4 6 L’intelligence de l’enfant se développe de cette manière par un va-et-vient continuel entre ces deux processus. C’est ce que Piaget appelle l’équilibration. Jérome Bruner, quant à lui, s’intéresse surtout au rôle des échanges enfant/adulte dans la construction de l’intelligence. Il est d’accord avec Piaget sur la nature constructiviste de l’apprentissage, mais là où ce dernier présente l’enfant seul dans l’action, Bruner souligne le caractère capital de l’interaction avec l’adulte. Il rejoint ainsi Vygotski et sa notion de "processus d’assistance" dans le développement humain. Il met en avant plusieurs aspects de l’apprentissage. La motivation est un élément important, on n’apprend que si cela est utile. L’environnement également, c’est lui qui permet aux potentialités de l’enfant de s’épanouir dans ses relations avec les autres. Il décrit le fonctionnement cognitif de l’enfant, qui construit son savoir en cherchant des structures, par essais, erreurs, et selon trois modes de représentation parallèles, le mode énactif (le savoir est en liaison avec l’action), le mode iconique (capacité de savoir des choses par représentation mentale imagée), le mode symbolique (la traduction en mots, codes,...). Ces éléments sont chronologiques et il importe de ne pas brûler les étapes. Face à un apprentissage, certains enfants ont besoin d’épuiser un mode avant d’accéder au suivant. Il est également très important de multiplier les passages d’un mode à l’autre. Les enfants présentant une déficience intellectuelle fonctionnent sur le mode énactif essentiellement. La difficulté va être de les amener au niveau iconique et même symbolique Ces théories permettent d’envisager la scolarisation de l’élève handicapé dans une démarche alliant la nécessité d’une variété de situations pédagogiques, sous l’angle du vécu, de l’action, de l’interaction, des manipulations concrètes et d’une progression par étapes. Elles ne sont pas des méthodes pédagogiques mais elles ont généré un foisonnement de théories complémentaires impossibles à détailler dans un court mémoire et des propositions pédagogiques qui se retrouvent autour d’un groupe d’idées communes. 7 3.1.2 Les travaux de Lozanov et leur développement. Dans les années soixante, le Dr Georgi Lozanov7, médecin et psychologue bulgare, se demanda, dans le cadre de son doctorat, si les personnes ayant des capacités de mémorisation exceptionnelles étaient des individus exceptionnels, ou bien si on leur avait appris à apprendre d’une manière différente. Dans le premier cas, l’expérience n’était pas transmissible. Si par contre leurs capacités venaient de la manière dont ils apprennent, cela valait la peine de l’étudier. Il procéda donc à des séries de recherches et d’expérimentations qui débouchèrent concrètement sur une méthode d’apprentissage, la suggestopédie, qui fait appel à différentes techniques, telles la respiration et la musique. Cette méthode est extrêmement compliquée à mettre en place. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles sont apparues rapidement de nombreuses adaptations se réclamant des principes de Lozanov. Parvenus aux Etats Unis, les travaux de Lozanov se sont développés et ont évolué. Ils ont donné naissance à de nombreuses approches pédagogiques que l’on peut regrouper sous l’appellation d’ « Accelerative Learning ». Ces approches ont rajouté aux principes de Lozanov divers outils et techniques. Ont été ainsi intégrés, ensemble ou séparément selon les variantes, des outils comme la Programmation Neuro-Linguistique, la Total Physical Response, certaines théories sur le cerveau, la théorie des « intelligences multiples » de Howard Gardner, et d’autres encore. Ces variantes de l’Accelerative Learning forment un vaste ensemble de noms et d’approches, en particulier dans le monde anglo-saxon : “Cooperative learning de Kagan, Integretative Learning, Accelerated Learning, Optimal Learning, SuperLearning 2000, Whole Brain gym, Holistic Learning, Quantum Learning, Brain-Based Learning, Limitless Learning, Affective Learning, etc.” Ces approches se retrouvent autour d’un noyau d’idées fondamentales : • les capacités à apprendre d’un être humain sont bien supérieures à ce que l’on considère habituellement comme normales, l’élève n’est pas conscient de ses capacités ; • apprendre est un processus qui mobilise l’ensemble de la personne, en particulier le conscient et le subconscient (ou l’inconscient), le corps et les émotions ; 7 Georgi Lozanov (1926 - ) est un éducateur et psychologue bulgare. Il est devenu une figure importante dans le domaine de l'apprentissage accéléré pendant les années 1970. En 1966, il a fondé l'Institut de suggestion de Sofia et en est le directeur depuis ce moment. 8 • l’environnement d’apprentissage (environnement physique, émotionnel, social, mental) joue un rôle important dans la qualité de l’apprentissage ; • il est important de prendre en compte le fait que chaque personne a un mode préférentiel d’apprentissage ; • il n’y a pas d’intelligence absolue qui serve de référence (à travers des tests) pour mesurer l’intelligence d’un être humain. L’intelligence de chaque personne est formée d’un « faisceau d’intelligences » qui lui est propre (concept des Intelligences Multiples développé en particulier par Howard Gardner), il est important de prendre en compte le fait que chaque personne a un mode préférentiel d’apprentissage ; • on apprend mieux lorsque l’on est bien détendu , on apprend mieux lorsque l’on a le désir d’apprendre et lorsque l’on prend plaisir à apprendre ; • le mouvement, les arts (et tout particulièrement la musique) sont des vecteurs d’apprentissage particulièrement riches et importants ; • les émotions jouent un rôle essentiel dans tout apprentissage, comme source d’énergie et de motivation ; elles favorisent la mémoire à long terme ; • le travail en coopération facilite et enrichit tout apprentissage. Une fois qu’il a admis et intégré ces idées de base, l’enseignant choisit (ou crée) les outils qui lui semblent les mieux adaptés à la fois à ses élèves et à sa propre personnalité. Chacune des adaptations de l’ « Accelerative Learning » apporte ainsi un éclairage ou des outils spécifiques, qui l’enrichissent ou qui permettent de l’adapter à un contexte particulier, selon la matière enseignée et le public concerné. Les expérimentations de Lozanov ont d’abord eu comme sujet l’enseignement des langues étrangères, beaucoup des approches dérivées concernent également l’enseignement des langues étrangères, elles sont donc bien en lien avec notre sujet. Certaines de ces approches sont très répandues dans le monde anglo-saxon. Elles sont structurées en véritables méthodes, accompagnées de stages de formation pour les enseignants, de manuels, de supports pédagogiques divers, certaines ont donné naissance à des entreprises très lucratives. Bruno Hourst 8 décrit une utilisation américaine privée : « Lybian et Philip Cassone sont à la tête d’une entreprise très performante basée sur une approche analogue. Leurs deux champs d’action privilégiés sont l’enseignement de l’anglais à l’étranger et la promotion d’une Revue Le Français dans le monde, Apprendre les langues étrangères autrement, Hachette, Numéro spécial, Janvier 1999 8 9 méthode pour « apprendre à apprendre ». Lybian Cassone, au départ enseignante d’espagnol, s’est intéressé aux travaux de Lozanov et y a rajouté différents autres outils comme la Total Physical Response et la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner. Elle a ainsi créé une méthode très structurée d’apprentissage de l’anglais langue étrangère, et un corps de professeurs qui s’expatrient à la demande. Suivant les standards de l’ACTFL 9 , les Cassone garantissent à 85 % le niveau obtenu après un certain nombre d’heures de cours, en fonction du niveau de départ. Ce nombre d’heures est environ la moitié du nombre d’heures généralement demandées pour un apprentissage équivalent, suivant les standards de l’ACTFL. En fait, ils affichent un taux de réussite global supérieur à 90 %. Ces résultats sont régulièrement vérifiés par des organismes indépendants et reconnus. » Il décrit également une expérimentation publique portant sur les méthodes d’apprentissage à la Guggenheim School de Chicago, située dans un des quartiers les plus difficiles de la ville, avec des résultats étonnants : « En deux années, l’école passa du 16ème (dernier) au 2ème rang du classement académique. ». On a pu constater que dans l’inventaire des outils proposés, deux sont particulièrement cités : la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner et ses applications concrètes, la Total Physical Response (TPR) de James Asher. En ce qui concerne l’enseignement des langues, ces deux théories connaissent un important développement, y compris dans le cadre européen, ce qui leur confère une certaine légitimité. Un projet Comenius de l’Union Européenne pour une recherche sur l’optimalisation de l’enseignement (teaching) et de l’apprentissage (learning), le projet Neues Lernen, inclut ces deux approches qui ont donc été validées. Nous allons nous pencher sur ces deux voies qui semblent offrir des pistes intéressantes pour l’enseignement des langues en général et plus particulièrement dans le cas d’élèves présentant une déficience intellectuelle, pour lesquels des pratiques habituelles ne fonctionneront probablement pas . 9 American Council on the Teaching of a Foreign Language 10 3.2. La théorie des intelligences multiples.10 Howard Gardner est un psychologue cognitiviste américain, professeur de neurologie, professeur en sciences de l’éducation à l’université d’Harvard. Sa théorie des intelligences multiples apparaît en 1983 avec la publication aux Etats Unis de son ouvrage, « Frames of Mind : a Theory of Multiple Intelligences » 11 , elle ne commencera à diffuser dans le monde francophone qu’à partir de 1996. Howard Gardner y propose sa conception modulaire de l’intelligence et la définition de sept intelligences. Plus tard est venue s’y ajouter une huitième, une neuvième est en discussion. Tout être humain possède à sa naissance les huit intelligences qui se développent ensuite individuellement. Bruno Hourst parle « d’un bouquet de huit fleurs » donné à chaque enfant, parents et enseignants « devant faire grandir les fleurs en gardant l’harmonie du bouquet », ce qui n’est pas forcément le cas. Pour définir une intelligence, Howard Gardner utilise huit critères distincts, issus d’une synthèse de disciplines scientifiques. Sans entrer dans les détails de la psychologie cognitive, nous pouvons tenter de les résumer ainsi. Une intelligence doit pouvoir être localisée physiquement, et peut se trouver isolée, par exemple lors de dommages cérébraux. Elle doit avoir un sens dans l’histoire de l’évolution de l’humanité. L’opération ou les groupes d’opérations qu’elle commande sont repérables indépendamment des autres. Elle utilise un système symbolique distinct, objet d’apprentissage. Elle se développe en plusieurs stades au cours de la vie, jusqu’au stade d’expert, chaque intelligence devenant de plus en plus internalisée. Elle apparaît de manière extrême chez de rares individus. Elle peut généralement se mobiliser en même temps qu’une autre de nos intelligences. Elle est sans doute mesurable, bien que ce soit en réaction contre les mesures de QI que Howard Gardner a d’abord développé sa théorie. Il n’y a pas de lien direct entre la théorie scientifique et les recommandations pédagogiques qui peuvent en découler, précise Gardner. « Au nom des intelligences multiples, on peut tout faire, et n’importe quoi ». Il ne travaille pas sur les choix éducatifs ou éthiques. Il propose cependant un éventail d’applications possibles qu’il développe dans son livre L’intelligence Synthèse à partir : des livres de Bruno Hourst, A l’école des intelligences multiples, Ed. Hachette,2006 et Au bon plaisir d’apprendre InterEditions, 1997 ; et d’interviews de Howard Gardner. 11 Ed. Basic Books, New York 1983. 10 11 et l’école 12 . On trouve maintenant de nombreuses références et ressources pratiques pour la gestion de la classe (voir sites internet référencés en bibliographie). Un manuel d’enseignement du français langue étrangère vient d’être publié aux éditions Cambridge University Press. Il n’est pas question de reprendre ici dans le détail la théorie de Gardner mais simplement de voir quelles sont les pistes pédagogiques pouvant être utiles pour enseigner en classe d’UPI. Les huit intelligences de Gardner. Pistes pédagogiques pour les développer ou mieux les utiliser et les combiner. L’intelligence verbale/linguistique. Tout ce qui met en jeu la lecture, l’écriture, C’est la plus valorisée à l’école. La personne l’expression orale : les jeux de rôles, les aime lire, écrire, s’exprime volontiers et avec présentation orales, faire des topogrammes 13 , facilité. Si cette intelligence est peu varier les productions écrites, raconter et développée on est facilement en échec inventer des histoires, jouer avec les mots. Se scolaire. combine facilement avec les autres intelligences. L’intelligence musicale/rythmique. Traduire les connaissances sous des formes la personne fredonne, marque le rythme, est musicales, rythmées ; composer, apprendre sensible émotionnellement à la musique, des chansons, des poèmes ; travailler avec un invente des airs, saisit facilement les sons, les fond musical adapté à l’activité. Se combine accents d’une langue étrangère. avec l’intelligence logique/ mathématique. L’intelligence corporelle/kinesthésique. Faire des activités manuelles, faire La personne contrôle bien son corps, habileté manipuler, proposer des jeux, du théâtre, en travaux manuels, aime le sport, préférence mettre en scène, bouger, fabriquer des pour communiquer de l’information en maquettes, des jeux. La mémoire du corps est montrant, apprend mieux en bougeant, en liée à cette intelligence, toutes ces activités expérimentant, montre ses émotions par favorisent la mémoire à long terme. mouvements corporels. 12 13 Ed Retz, 1996. « mind mapping »= structurer sa pensée en utilisant des mots, des couleurs, des dessins. 12 L’intelligence visuelle/spatiale. Utiliser les arts appliqués, la géométrie ; faire La personne raisonne de façon spatiale, créer des supports et en utiliser (posters…), explique en dessinant, a le sens des couleurs utiliser et faire réaliser des photos, des et des formes, lit bien les cartes, les vidéos, proposer des mises en scène, du graphiques, a un bon sens de l’orientation, théâtre, de la danse. aime l’art. L’intelligence logique/mathématique. Présenter l’information de manière ordonnée, La personne aime résoudre des problèmes à logique, analytique. Faire des plans, des forte composante logique, est attirée par les graphiques, des tableaux. Travailler avec un sciences pures, travaille de façon rigoureuse, ordinateur. Proposer des énigmes, des ordonnée, aime les jeux de stratégie. puzzles, des problèmes logiques. L’intelligence interpersonnelle. Faire travailler en équipes, en petits groupes, La personne aime interagir avec autrui, est en coopération en interaction. ouverte aux autres, s’exprime avec facilité, est sociable, joue les médiateurs, est sensible aux messages gestuels, non verbaux. L’intelligence intrapersonnelle. Proposer des stratégies personnelles La personne connaît ses forces et ses d’apprentissage. Pratiquer des exercices de faiblesses, réfléchit, sait tirer profit d’une concentration, expérience, apprécie la solitude, relaxation, maîtrise des la émotions. méditation. L’intelligence naturaliste. Relier aussi souvent que possible le sujet La personne est sensible au monde des abordé avec la nature. Elaborer et faire des plantes, des animaux, à la géographie, aime enquêtes. Observer et classifier les éléments être dehors, se passionne fonctionnement du corps reconnaître classer et les pour humain, plantes, le de la nature. sait les animaux. Dans notre système scolaire « être intelligent » signifie essentiellement maîtriser le langage et développer des compétences logico-mathématiques. Une grande majorité des situations d’enseignement et d’évaluation scolaire est en effet basée sur la maîtrise de ces compétences. Les tests d’intelligences utilisés pour déterminer le niveau intellectuel prennent appui sur les mêmes aspects. 13 La théorie de Gardner propose au contraire une vision plurielle de l’intelligence. Elle est particulièrement intéressante en ce qui concerne les enfants en situation de handicap. Sur le plan philosophique et éthique, elle implique la reconnaissance et le respect de la différence. Au sens large, enseigner en tenant compte des intelligences multiples c’est respecter les différences entre les gens, les multiples façons d’apprendre, les multiples modalités d’évaluation, les multiples productions de nos élèves. L’éducation dans l’esprit de ce modèle est centrée sur l’individu. Tous et chacun devraient recevoir une éducation qui maximise leur potentiel intellectuel. 3.3 Total physical response (TPR) 14 Cette méthode, mise au point par James Asher est une méthode d’apprentissage d’une langue étrangère basée sur une approche multi-sensorielle où le geste a une place fondamentale. Il nous dit que les enfants doivent apprendre d’après ce qu’ils voient, entendent et font (la combinaison d’ancrages mémoriels de vision, d’écoute et de gestes). 3.3.1. Ce que dit Asher. Partant du constat que les conditions ordinaires de la classe sont stressantes et sont un frein à l’apprentissage, il cherche de nouvelles stratégies. Il se base sur l’observation d’enfants apprenant leur langue maternelle et fait les constats suivants : • la compréhension orale précède la parole, • la compréhension orale imprime des schémas qui permettent de passer à la parole, • il existe chez le jeune enfant une relation étroite entre le langage et le corps : il internalise prioritairement des items en relation avec le corps et le mouvement, • la compréhension orale fait que l’enfant devient prêt pour la parole. Il émet l’hypothèse que le cerveau et le système nerveux sont programmés biologiquement pour acquérir le langage, qu’il faut écouter avant de parler et synchroniser le langage et le corps. Il conduit de nombreuses expériences dans les années soixante, de la maternelle à l’université, avec diverses langues et met progressivement au point une méthode. Chaque mot ou expression est associé à un geste (chaque enseignant choisit le geste le plus pertinent pour expliciter un terme, il n’existe pas de gestes tout faits). L’enseignant montre d’abord aux J. Asher (américain,professeur de psychologie à san Jose State university), Learning another language through actions, Total Physical Response, sky oaks Productions, Inc, 1ère édition 1977. 14 14 élèves un geste et dit le mot correspondant en le faisant seul devant eux. Puis, l’enseignant propose aux élèves de démonter leur compréhension par l’action physique seule : il énonce l’expression à haute voix et les enfants font le geste. Cette phase est très importante pour l’internalisation des connaissances : avant toute parole, ils devront faire le geste seul .Puis la parole vient s’associer au geste : en même temps que l’enfant fait le geste il dit à quoi cela correspond. Il n’est pas urgent de passer à la parole, Asher donne l’exemple d’élèves apprenant l’allemand, restant muets plusieurs semaines et avec de très bons résultats ! Dans un second temps, il est important d’intérioriser la relation entre le geste et le message ; c’est à dire que les élèves devront donner des ordres à leurs pairs qui devront s’exécuter. A la suite de ce travail vient l’étape de la visualisation du mot sur des cartes « flashcards », le mot pouvant être écrit ou dessiné. L’enseignant montre très rapidement la carte aux élèves qui répondent en faisant le geste correspondant ou en disant le terme associé à l’image. On retrouve le cheminement du mode énactif au mode symbolique. Asher insiste sur trois principes : • la compréhension doit être développée par le mouvement et le corps, • comprendre le langage parlé doit être développé avant de passer à la parole, ce passage ne doit pas être forcé, il se fait quand l’apprenant est prêt, • l’emploi de l’impératif est une aide puissante. Pourquoi ça marche ? Parce que selon Asher, cette méthode reproduit en accéléré les étapes suivies par le jeune enfant dans l’acquisition de sa langue maternelle. 3.3.2. Théories complémentaires. 15 La psychologie de geste a été largement étudiée et certaines recherches confortent les observations de Asher en particulier sur l’importance du geste dans le processus de mémorisation. Une étude a été faite sur l’influence des gestes sur la mémorisation de messages verbaux, elle montre que le rappel d’une liste de verbes est amélioré lorsque la présentation de cette liste s’est accompagnée de gestes descriptifs plutôt que d’autres gestes. La mémorisation d’une histoire est facilitée par la gestualité descriptive qui en accompagne l’exposé. Le geste descriptif apporterait une aide à la mémorisation en fournissant une information quantitativement et qualitativement plus riche que la seule information verbale et 15 Voir Feyereisen et De Lannoy, la psychologie du geste, Mardaga, 1985. 15 en facilitant l’intégration du message au contexte. Ces études révèlent donc une influence des signaux gestuels sur la compréhension et sur la mémorisation de messages verbaux. Le geste pourrait exercer une influence structurante sur la mémorisation ou la production verbale. Les gestes paraissent entretenir une relation privilégiée avec les comportements verbaux. Tout d’abord de nombreux mouvements ne se manifestent qu’en association avec une activité verbale. Par ailleurs les gestes peuvent dans certaines circonstances, transmettre une information analogue à celle du message verbal (description d’objet ou d’action, indication d’ordre spatial, etc..), ils pourraient donc dépendre de variables de même type que celles contrôlant l’activité verbale. On a même été jusqu'à supposer, sur la base de données paléontologiques indiquant un développement tardif de l’appareil vocal chez les hominiens, que le langage verbal aurait une origine gestuelle. A l’école maternelle, le rôle du corps et de la gestuelle est essentiel vis à vis de l’acquisition du langage. Il y a un langage du corps avec un code non verbal. L’enfant qui n’a pas accès au langage peut se faire comprendre. C’est l’adulte qui met les mots sur ce langage non verbal, la formulation et la reformulation sont essentielles pour que l’enfant accède au langage oral. En ce qui concerne la gestuelle chez l’enfant : son rôle est de vivre les situations pour les comprendre. Par exemple, structurer l’espace passe par la compréhension de la situation de son propre corps dans l’espace, l’enfant doit vivre les situations avant d’accéder à leurs représentations. Lorsque l’enfant répète des comptines accompagnées de gestes, lorsqu’il manipule (en sciences par exemple), lorsqu’il appréhende l’espace dans des situations variées en EPS, il construit des représentations par mémorisation des gestes effectués, de l’empreinte de son corps dans l’espace. Il va donc élaborer des modèles à partir des situations vécues qui vont lui permettre de construire son langage. 3.3.3. Mise en pratique(s). Asher affirme que sa méthode permet d’enseigner la majeure partie des structures grammaticales et du vocabulaire d’une langue. Elle a été largement diffusée à partir des années soixante-dix et on trouve facilement sur le site internet TPR tout un matériel pédagogique (livres, vidéos, jeux, flashcards…), le développement a donc été aussi commercial. Blaine Ray, professeur d’espagnol a complété la méthode de base en lui joignant comme matériel des histoires racontées aux enfants et mémorisées selon la technique de Asher. Cette méthode a inspiré beaucoup d’auteurs de manuels à l’usage des enseignants de langue et particulièrement d’anglais. On les trouve surtout chez les éditeurs anglo-saxons et 16 essentiellement à destination des classes primaires, ils proposent des activités tout à fait intéressantes et utilisables avec des élèves d’UPI. Parmi ceux que je connais et que j’ai utilisés, certains manuels sont basés uniquement sur la TPR comme par exemple Do and Understand, 50 action stories for young learners 16 , d’autres seulement en partie comme Primary communication box. 17 On peut par ailleurs remarquer que les manuels utilisés dans le secondaire en France proposent des activités pédagogiques qui relèvent plus ou moins explicitement de cette technique pédagogique. J’ai expérimenté cette pratique de nombreuse fois dans des classes « ordinaires » pour des activités ponctuelles dans une séance. Certains thèmes ou supports s’y prêtent particulièrement : acquisition du lexique du corps, des déplacements dans l’espace, histoires, chansons…), j’ai été frappée à chaque fois par la rapidité d’acquisition et l’efficacité de la mémorisation. J’ai également vécu l’expérience en tant qu’apprenant. Dans le cadre d’un stage de formation pour enseigner l’anglais en primaire, une démonstration de la technique nous a été faite sans que nous soyons prévenus ou que nous ayons eu des informations sur la méthode. J’ai été ainsi mise dans la position d’un élève apprenant le hollandais avec un enseignant ne parlant jamais français. Là aussi, l’expérience a été étonnante, en deux heures, en bougeant beaucoup et sans lassitude, nous avons appris une comptine en hollandais et toute une série d’ordres. Je ne pense pas que la méthode de Asher soit une solution magique pour enseigner les langues mais elle est une technique efficace à utiliser en complément, sans doute plus encore avec des élèves scolarisés en UPI, ce qui sera à vérifier. 3.4 Conclusions : enseigner en classe d’UPI. Enseigner en UPI c’est enseigner autrement. L’enseignant doit s’appuyer encore plus fortement sur des choix éthiques qui peuvent se décliner en deux principes : 16 17 G. Gerngross et H. Puchta, ed Longman C. Nixon et M. Tomlinson, ed Cambridge University Press. 17 • le principe d’éducabilité : « le handicap n’est pas fixe, il peut évoluer en fonction des modifications de l’environnement, du développement mental et des évolutions adaptatives de l’enfant » 18 . • Le principe de non réciprocité : « …proposer avec toute la force de son âme ce que nous croyons être le mieux et consentir à ce que l’enfant se dérobe, nous agresse, nous ignore » 19 .Admettre ce principe est fondamental pour éviter découragement ou frustration. Il doit aussi être en constante recherche du « faire autrement » pour développer des aptitudes nouvelles chez les élèves par des pratiques et des supports de compensation, de contournement, de remédiation. Les contenus disciplinaires doivent être développés autrement pour favoriser la curiosité, l’envie d’apprendre, le plaisir et le bien-être. Ce sont ces choix pédagogiques, guidés par les réflexions théoriques qui viennent d’être exposées, qui vont être présentés dans la partie suivante. 4. LA MISE EN ŒUVRE DU PROJET 4.1 Le cadre humain 4.1.1 la classe d’UPI. 20 L’UPI du collège de Bissy a ouvert à la rentrée 2002. C’est une UPI qui accueille des élèves avec des troubles cognitifs importants. Le conseil d’administration et les enseignants du collège s’étaient auparavant posés de nombreuses questions sur la faisabilité du projet et sur les conditions les meilleures pour sa réussite. Cette ouverture avait été préparée par des réunions d’information, des visites d’UPI existantes par l’équipe éducative, les membres de l’administration et les instances représentatives du collège. C’est donc le résultat d’un choix Scolariser l’élève handicapé, J.M.Louis et F.Ramond, Ed Dunod,2006. Le choix d’éduquer, P.Meirieu, Ed ESF,2004. 20 Voir www.ac-grenoble.fr/collège/bissy, le site du collège, les élèves de l’UPI contribuent à présenter leur classe et témoignent. 18 19 18 collectif et d’une démarche volontaire à laquelle j’ai participé en tant qu’enseignante et que membre du conseil d’administration. L’implantation géographique dans le bâtiment a été très réfléchie et l’UPI se trouve au centre du collège, au premier étage, au milieu des classes ordinaires, à proximité immédiate du CDI et des salles d’informatique. Le personnel d’encadrement de la classe est très stable. Le professeur des écoles qui a procédé à l’ouverture de la classe est toujours en poste. Une AVSco 21 a été nommée en octobre 2003 et est également toujours là. Elle a un statut d’assistante d’éducation. Elle participe à l’accompagnement des élèves en intégration en cours ordinaires (aide humaine, technique), à la liaison des cours ordinaires pour la mise en place d’un étayage en classe U.P.I., à l’ensemble des projets du collège (site, atelier informatique, organisation des voyages, sorties, sécurité routière) dans lesquels les élèves UPI ont aussi leur place. Pour l’année 2007-2008, l’effectif de la classe est officiellement de sept élèves mais cinq élèves sont régulièrement présents, trois garçons et deux filles, qui sont nés entre 1993 et 1995, ce sont ces cinq élèves qui suivent le cours d’anglais. Trois étaient déjà à l’UPI l’année précédente, deux élèves arrivent de CLIS 22 . Tous ont eu une notification de la MDPH 23 . Sur le plan scolaire, dans l'ensemble ils disposent de connaissances et de savoir-faire qu'ils réussissent à mobiliser malgré des troubles importants de concentration, de cognition. En prenant appui sur les évaluations CE1 et CM2, on estime que le niveau scolaire varie entre la fin CE1 et la 6e. Sur le plan cognitif, les problématiques ne sont pas les mêmes : certaines sont liées à la prise d'information ou à des problèmes de lecture (déchiffrage et compréhension), d'autres à la mise en place des stratégies et enfin à des difficultés dans le rendre compte (difficultés à dire ou à écrire). Chaque élève a sa problématique expliquée dans son P.P.S. 24 et il a besoin d'une aide spécifique au niveau du blocage pointé pour accéder aux activités d'apprentissage. Sur le plan moteur, les élèves sont autonomes pour les activités de la vie courante. En E.P.S. un élève est dispensé pour certains cycles, l'un a des problèmes de coordination motrice, il n’est pas dispensé mais bénéficie de l’aide de l'AVS, un autre a des problèmes moteurs empêchant la pratique sportive dans certains cycles. L’ensemble de ces informations est pris en compte 21 22 23 24 Auxiliaire de vie scolaire collective Classe d’intégration scolaire intégrée dans une école primaire avec un enseignant spécialisé. Maison départementale des personnes handicapées. Projet personnalisé de scolarisation. 19 dans la préparation des séquences d‘enseignement. Dans l’établissement, les difficultés des élèves d'U.P.I. sont prises en compte par l'ensemble de la communauté éducative. Les élèves de l'U.P.I. trouvent toujours un appui auprès de tous. Ils sont donc autonomes dans un collège rassurant, ils déjeunent au self, partagent la cour sans problèmes avec les autres élèves du collège, ont accès librement à l'informatique et au C.D.I. En dehors du travail en classe effectué avec l’enseignante spécialisée, les élèves sont intégrés individuellement ou collectivement dans des cours et avec des enseignants du collège. Chaque élève suit ainsi : deux heures en E.P.S., une heure en musique, une heure en arts plastiques, une heure en français pour une activité de lecture partagée et de théâtre et une heure en anglais. L’AVS accompagne certaines intégrations. D’autre part, un élève suit à raison de quatre heures par semaine une formation pré-professionnelle à l’EREA 25 de Bissy avec un accompagnement de l’AVS). Aucun élève ne bénéficie cette année de soins du SESSAD. 26 4.1.2 Les élèves accueillis dans la classe, compétences et difficultés. (Pour respecter l’anonymat des élèves et de leurs familles les prénoms ont été modifiés). La lecture des PPS, les discussions avec le professeur des écoles et l’AVS font apparaître pour chacun les compétences sur lesquelles s’appuyer, les difficultés à prendre en compte et les objectifs visés en terme d’amélioration. En anglais, parallèlement à leurs difficultés propres, tous vont se confronter à cette difficulté particulière de cette discipline où la langue est l’objet de l’apprentissage et en même temps l’outil de l’apprentissage et de la communication puisque la majeure partie du cours se fait en anglais. C’est une situation particulièrement déstabilisante pour les élèves de l’UPI qui pourrait créer une frustration excessive et aboutir à ce que Serge Boimare appelle « la peur d’apprendre » 27 , ce sera un point important à prendre en compte dans la construction des séances. • Thibaut est en 6ème UPI, il est né en 1995 et suivait l’année dernière une CLIS. Il n’avait pas fait d’anglais. D’un point de vue social, il s’est bien adapté à sa classe et au collège. L’UPI semble convenir à ses besoins. Les intégrations sont bien vécues. Dans son PPS, sont signalés un manque de confiance en soi et un manque d’autonomie. En classe d’anglais, les difficultés à travailler signalées dans le PPS se 25 26 27 Etablissement régional d’enseignement adapté. Service d’éducation et de soins personnalisés à domicile. Serge Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, ESF Paris, 2004. 20 retrouvent nettement, amplifiées sans doute par la déstabilisation occasionnée par la nouveauté de la matière et l’utilisation de ce nouveau code de communication qu’est l’anglais. Il a besoin d’être sollicité, de vérifier les consignes, d’avoir un temps de réflexion et de se voir proposer des activités bien décomposées. Il recherche de l’aide auprès des autres. Au début de l’année, à chaque sollicitation de ma part, Thibaut se recroquevillait sur sa chaise, rentrait sa tête dans ses épaules et aurait bien voulu disparaître sous sa table. Il a évolué de façon positive, malgré ses difficultés, il est volontaire, il est capable de réinvestir les notions vues et son sourire semble indiquer qu’il est content d’être là. • Quentin est aussi en 6ème UPI, il est né en 1995, lui non plus n’avait jamais fait d’anglais. Il s’est bien adapté au collège. Il est suivi par une orthophoniste depuis la maternelle. Il a un bon niveau de compréhension des consignes mais la mise en place de stratégies dans le travail est plus difficile. Il a besoin de travailler par étape, anticipe peu et verbalise pour vérifier qu’il a compris. Il faut le rassurer pour qu’il garde son autonomie. En début d’année, il lui arrivait de se bloquer devant une difficulté, il se fatiguait très rapidement. On peut constater une nette amélioration, il a récemment demandé spontanément à recommencer quelque chose qu’il n’avait pas réussi. • Doriane est née en 1995 et se trouve donc aussi scolarisée au niveau 6ème UPI. Elle était déjà au collège l’année dernière et a suivi les cours d’anglais. Elle a des capacités pour apprendre mais son comportement peut présenter des problèmes, au point que certaines intégrations ont dû être suspendues. L’équipe de suivi de scolarisation a proposé une scolarité en IME 28 qui a été refusée par les parents. Elle bénéficie d’un suivi psychologique et de séances d’orthophonie. Elle se laisse vite envahir par ses émotions et a besoin d’un cadre rassurant, d’être accompagnée dans ses apprentissages, contenue dans ses réactions. Elle ne se lance pas seule dans une nouvelle tâche, alors qu’elle en est capable, elle n’aime pas la difficulté, les contraintes. Elle a besoin d’une relation duelle, privilégiée avec l’enseignant pour progresser, de beaucoup d’encouragements. Si elle n’obtient pas cette relation particulière, la frustration peut l’amener à refuser parfois de faire ou de finir un travail. Son écriture est lente à cause de problèmes visuels. Alors que la présence avec elle de l’AVS est nécessaire en intégration, Doriane n’en a jamais eu besoin en anglais, 28 Institut Médico Educatif 21 certainement à cause de la taille réduite du groupe. Malgré les difficultés décrites cidessus, elle manifeste un réel intérêt pour l’apprentissage, s’implique bien à l’oral, elle m’étonne souvent par le vocabulaire qu’elle a mémorisé et son souci de se faire comprendre. Le cours d’anglais semble être pour elle un moment de plaisir. • Coralie est née en 1994, c’est sa deuxième année au collège, elle est en 5ème UPI, la poursuite de sa scolarité dans ce cadre est bien adaptée à ses besoins. Elle a déjà suivi le cours d’anglais l’année dernière. Elle bénéficie de séances d’orthophonie. Elle est à l’aise dans le collège et les intégrations lui sont très profitables. Elle se saisit bien des informations données mais rencontre des difficultés d’expression écrite et orale. En anglais elle se montre intéressée et volontaire. • Benoît, né en 1993, est dans la classe d’UPI pour la troisième année, il est en 4ème. Depuis qu’il est au collège il a beaucoup évolué. Il a de bonnes capacités cognitives, comprend bien les consignes, a de bonnes connaissances générales et du vocabulaire. Ses difficultés se manifestaient par le refus des relations avec les autres, le refus de l’erreur, de situations pouvant le mettre en échec, ce qui le conduisait à des crises d’angoisse. L’évolution est très importante sur ces points, même s’il doit encore progresser. Il s’est montré d’emblée très réceptif à l’anglais mais il accepte maintenant de se tromper, est disponible aux apprentissages. Il participe volontiers aux activités en groupe ou par deux, aide volontiers les autres. 4.2 Le cadre disciplinaire. En ce qui concerne l’enseignement de l’anglais, il n’existe pas de textes officiels définissant de façon spécifique les objectifs d’apprentissage et les compétences à travailler dans le cadre d’une classe d’UPI. Nous avons décidé, en concertation avec le PE, de construire un didacticiel en nous appuyant sur « les programmes de langues étrangères pour l’école primaire » 29 et sur le document « passerelle » langues vivantes, cycle 3 / 6ème, anglais 30 . 29 30 B.O. hors série n°8, 30 août 2007. Académie de Grenoble, département de la Savoie, dispositif LVE Savoie 2007. 22 4.2.1 Etablir une programmation en s’inscrivant dans le plan de rénovation des langues et le cadre européen. Nous devons nous inscrire dans le plan de rénovation de l’enseignement des langues. Le niveau ciblé est le niveau A1 du CECRL 31 en 3ème UPI. Nous décidons, au vu des bilans d’évaluation des capacités des élèves, de viser essentiellement cette année les objectifs définis pour le cycle 2 (CE1), en ajoutant des objectifs de cycle 3 chaque fois que cela semble possible. Les recommandations nous semblent bien adaptées aux élèves d’UPI : « Dans un premier temps, c’est en exposant l’élève à la langue orale et en privilégiant la communication orale, qu’on établira les bases d’un apprentissage […] L’écrit est pratiquement absent des tableaux proposés pour le cycle 2 : avant d’envisager un passage à l’écrit, l’élève doit s’être approprié les formes orales, à la fois en situation de compréhension et de production » 32 . On retrouve bien les cinq compétences à travailler et à évaluer : compréhension de l’oral (écouter), expression orale en interaction (prendre part à une conversation), expression orale en continu (parler de quelqu’un par exemple), compréhension de l’écrit (lire), production écrite, mais tout ce qui concerne l’oral sera privilégié. Cette place prépondérante de l’oral correspond bien aux idées développées dans ma partie théorique de même que la préconisation d’une approche actionnelle de l’enseignement de la langue. Dans cette perspective actionnelle, les stratégies d’apprentissage mettent en place un scénario pédagogique au cours duquel l’élève effectue des tâches langagières et communicatives dans la langue étudiée qui vont lui permettre de réaliser une « tâche finale » en fin de séquence. Cette tâche finale doit se rapprocher le plus possible d’une situation concrète de la vie réelle. Cette approche permet de donner du sens à l’enseignement des langues vivantes en plaçant l’élève en position d’acteur social dans un environnement donné en fonction d’un problème à résoudre. Le résultat est observable et donc évaluable (CECRL). Nous avons établi un projet en septembre 2007 puis nous l’avons actualisé en janvier 2008. En voici les points importants : • L’organisation : compte tenu des moyens horaires disponibles, les élèves bénéficieront d’une séance par semaine à compter du 24 septembre tous les mardis de 11h20 à 12h15. L'AVSco (qui est titulaire d'une licence d'anglais) pourra être présente, si nécessaire, pour un élève qui peut présenter des troubles pendant les cours, et aussi 31 32 Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues. B.O N°8 op.cité. 23 pour la liaison du cours et de la classe d’UPI en faisant de l’étayage dans la semaine ou en aidant à l’apprentissage d’une leçon. • Les objectifs : développer chez l'élève la curiosité, l’écoute, l’attention, la capacité de mémorisation, la confiance en soi dans l'utilisation d'une autre langue ; donner les clefs pour comprendre le vocabulaire fonctionnel anglais dans le monde environnant ; découvrir une autre civilisation européenne ; aiguiser l’acuité auditive par l’utilisation de nouveaux sons ; aider l’élève dans sa formation pré-professionnelle (pour ceux qui passeront un CAP). Les activités orales seront privilégiées et, pour ceux qui en sont capables, la mémorisation de mots et structures simples à l’écrit. • Programmation 2007 / 2008 (établie avec le document « passerelle ») a) Fonctions langagières : Se présenter (nom, téléphone, I’m… My name is …My phone number is… I’ve got… nationalité, famille) Demander des informations à What’s your name ? What’s your phone number ? How quelqu’un sur lui- même (nom, are you ? Have you got ? Do you like…? What’s your téléphone, état général, ses favourite…? possessions, ce qu’il aime) Exprimer un état general, des I’m + vocabulaire « feelings » sentiments Parler de ses goûts I like, I don’t like, I love, I hate, I prefer Dire ce que l’on possède ou non I have got, I haven’t got Dire ce que l’on veut I want+det+nom Donner un ordre simple Stop, be quiet, look… Relations sociales (saluer, Hello, good morning…see you, good bye, sorry, thank remercier, s’excuser, souhaiter, you, happy birthday…great, super, excellent, well done. encourager) Présenter une personne, un This is… What is it ? Is it… ? 24 animal, une chose et demander des informations sur Décrire (couleur, taille, parties What colour is it ?+couleurs, I’ve got long brown hair… du corps) Les nombres 1 to 20 / 1 to 100 La météo What’s the weather like? It’s sunny, cloudy, raining, snowing. b) Contenu lexical : nous avons retenu les champs lexicaux suivants : les salutations et autres usages de civilités, la classe, les nombres, les couleurs, les sentiments et les sensations, les animaux, le corps, la nourriture, la famille, la météo, la description, les pays. c) Contenu culturel : les pays anglophones (situation géographique, spécificités, drapeaux, nationalités), les fêtes (birthday, halloween, Christmas), les modes de vie (les repas, une école anglaise). 4.2.2 L’évaluation. Scolariser l’élève handicapé c’est le faire entrer dans les apprentissages, c’est mettre en place les pratiques pédagogiques qui lui permettront de suivre à son rythme la même scolarité que les autres élèves tout au long ou en partie du cursus scolaire. Mais c’est aussi inscrire sa scolarité dans une perspective d’insertion professionnelle, en référence à des programmes et donc de procéder aux évaluations et contrôles des acquis. Le CECRL nous rappelle qu’enseigner c’est faire progresser, que réussir, c’est réussir une tâche, et que l’évaluation doit être positive. Les critères d’évaluation seront différents de ceux d’une classe ordinaire, ils seront adaptés. « Prendre en compte le travail de l’élève handicapé, c’est, loin du seul résultat final, prendre en compte l’investissement, les efforts qu’il y a mis, le temps qu’il y a consacré, l’énergie qui aura été déployée, bien en deçà parfois des performances réalisées et attendues en terme de notation » 33 . Le CECRL indique aussi qu’évaluer c’est « donner de la valeur ». Tout résultat, même infime, qui sera parfois 33 Scolariser l’élève handicapé, op. cité 25 témoignage d’un immense effort et d’un progrès, sera valorisé. Les évaluations sont de plusieurs types : • Les observations de séances : une fiche d’observation a été établie pour pouvoir noter rapidement les remarques concernant le savoir être et le savoir faire de l’élève pendant une séance. Cela permet de mesurer son évolution, de prendre en compte une difficulté éventuelle, d’en garder la trace, de voir si elle est ponctuelle ou non, de chercher une solution, de prendre le temps de réfléchir aux interactions dans le groupe. Elle n’est pas remplie à chaque séance mais toutes les quatre séances environ et en cas de séance problématique (voir un exemple en annexe). • Les évaluations portant sur les activités langagières. Des évaluations formatives sont faites en cours de séquence pour vérifier les acquis et déterminer si des activités de renforcement sont nécessaires. Ce sont des activités simples comme par exemple de colorier un dessin en suivant des indications orales pour vérifier que le lexique des couleurs est acquis en compréhension orale. Des évaluations sommatives sont faites en fin de séquence, elles correspondent à l’évaluation de la tâche finale et visent des activités langagières précises (voir la séquence 4 décrite dans la partie suivante). • Des auto-évaluations sont faites, sur un point précis ou de façon plus globale, pour dire ce qu’on est capable de faire mais aussi comment on se sent en cours d’anglais, ce qu’on aime ou moins, ce qui est difficile ou facile (voir en annexe). Une fiche de suivi des acquis à compléter par l’élève est collée dans le cahier. D’autre part, le collège se trouve parmi les établissements choisis pour expérimenter cette année le livret de connaissances et de compétences. Il a été décidé que l’UPI prendrait part à l’expérimentation. Le « pilier »2 du livret (pratique d’une LVE) sera complété en s’appuyant sur le document d’auto-évaluation (élève) et le bilan de compétences (enseignant) du document passerelle langues vivantes. Ces documents seront photocopiés et complétés pour tous les élèves de l’UPI. Enfin, comme pour tous les élèves du collège, un conseil de classe a lieu chaque fin de trimestre et un bulletin trimestriel est établi. Aucune note ne figure pour l’anglais mais une appréciation qui souligne l’investissement et les progrès. 26 4.3 Un exemple de séquence. Les adaptations faites dans le contenu et dans l’évaluation ont déjà été exposées. Il faut aussi trouver et mettre en place des adaptations en ce qui concerne les supports, les consignes, la gestion du temps, les pratiques pédagogiques. L’écrit est peu utilisé, il l’est essentiellement sous forme de textes à trous ou de d’associations de mots et d’images. Les flash-cards, images, pictogrammes, puzzles de phrases interviennent souvent. Les consignes sont décomposées. Les activités sont variées. La gestion du temps est différente, et une des difficultés est d’accepter de progresser lentement, de bien mesurer en fin de séance ce qui a été fait, aussi petit que ce soit, pour ne pas rester parfois sur l’impression de n’avoir pas avancé. Il est nécessaire de progresser en spirale, c'est-à-dire de repasser par ce qui a été fait, de répéter les tâches. Dans la mise en place des activités d’apprentissage, tout ce qui relève du sensoriel, du ludique, de l’action est favorisé. Exemple de séquence : séquence 4 : play with animals, quatre séances prévues. • Tâche finale visée : que chaque élève fabrique un jeu en papier qu’il pourra continuer à utiliser (une cocotte en papier, voir annexe). L’évaluation de la séquence se fera à partir de la réalisation de la tâche finale. • Objectifs linguistiques : Lexicaux : rebrassage des nombres et des couleurs, lexique des animaux, enrichissement des ordres utiles dans la conduite des activités de la classe (plier, couper, coller…). Grammaticaux : rebrassage de : I am, you are, are you ? Introduction de :what is it? It is, Is it ? Réponses courtes. • Objectif culturel : les cris des animaux, différents en anglais. Séance Objectifs Activités S1 1. Mimer les animaux, ajouter le cri TPR de l’animal. Demander aux élèves d’imiter. But : associer l’animal à un geste précis et à un son. EO 34 2. Recommencer en associant le nom CO de l’animal en anglais. Look at me ! Listen ! I am …Now you! You are an Lexique des animaux de la ferme : mouton, chat, chien, canard, vache, chèvre, âne. Rebrassage : I am, you are, are you, Supports Activités langagières : Eo=expression orale, EOi=expression orale en interaction, CO= compréhension de l’oral, CE= compréhension de l’écrit, EE = expression écrite 34 27 animal, mime, tell me! 3. Chaque élève mime un animal que les autres doivent identifier. You are…ou are you… ? 4. Distribution feuille avec images animaux, collage cahier. Vérification de la compréhension: put your finger on… Feuille photocopiée 5. Concert des animaux pour finir la séance + discussion en français sur la différence des cris(anglais/français). S2 S3 Rebrassage lexical. 1. Réactivation du vocabulaire avec Introduction : what des flash cards. Question what is is it ? It is / it’s it ? posée plusieurs fois, réponse à obtenir it is…Faire utiliser la question par les élèves, now you, ask the question ! 2. Trace écrite sur la feuille collée dans le cahier : What is it ? It’s a Is it…? Yes, it is/ no, donkey. Relier le mot à l’image. it isn’t. Montrer chaque image, poser la question, une fois la réponse Discrimination : obtenue, écrire le mot au tableau, le reconnaissance de faire copier à côté de l’animal. mots/sons dans un 3. Group work : distribution des ensemble. flash cards, donner un exemple, montrer carte chien, is it a cat ? no, it isn’t What is it ? it’s a dog. Faire pratiquer en interaction. 4. Ecoute du chant “old Mac Donald”, consigne : lever la main quand on reconnaît le nom d’un animal. Rebrassage des 1. Montrer un lion. Is it a cat ? no, it structures isn’t, it’s a lion. Faire répéter. grammaticales de S1 Introduire les autres mots en et S2 commençant par les transparents. A Introduction lexique chaque mot, associer un geste des animaux représentant l’animal, faire le geste sauvages en montrant l’image, élèves CO EO Flash cards EE Cahier+feuille Collée S1 EOi Flash cards CO Cassette chant CO Flash cards EO TPR 28 S4 proposent des gestes, faire faire plusieurs fois puis faire en disant le nom de l’animal. 2. Poser les cartes retournées, faire tirer une carte, faire le geste correspondant à l’animal, les autres font une phrase : it’s…you are… 3. Trace écrite : relier mot/image. Fabrication du jeu. 1. Can you count 1 to 20 or … Rebrassage de What’s your favourite number ? vocabulaire et de la What’s your favourite animal ? question what’s your What’s your favourite colour? favourite… ? 2. Mise en place du materiel: take your scissors, take your colours, some glue, here’s a sheet of paper and a paper with animals on. Verbes activités de la 3. Introduire les verbes utiles à classe l’impératif : fold, cut, stick, colour. Associer plusieurs fois au geste. 4. Faire la cocotte étape par étape ensemble, pliage, coloriage, collage des images. Chaque élève choisit ses couleurs et ses images. 5. Jouer. (en pairwork) A : What’s your favourite number ? B: donne un nombre A : 1, 2, 3… What’s your favourite colour ? B : choisit une couleur. A : regarde l’animal caché sous la couleur : you are a… Flash cards Photocopie CE CO EO 1 feuille A4 blanche 1 feuille avec images animaux réduites TPR EOi Dans cette séquence, les canaux sensoriels auditif, visuel et kinesthésique ont été utilisés pour optimiser l’entrée dans les différentes activités et l’assimilation de nouveaux apprentissages. Le geste paraît être un support important, il permet à l’élève de se raccrocher à quelque chose de connu, permet d’apprendre sans passer par la traduction, de joindre directement le geste ou l’image à un mot anglais. Les élèves sont dans le faire ou le mime d’action, ils sont dans le ludique ce qui favorise l’attention et l’entrée dans la tâche. Parfois, le geste reste très présent, peut-être un peu trop même si bien qu’un élève va continuer à associer systématiquement le mot et le geste alors qu’il a assimilé le mot. A la fin de cette séquence, c’est dans la 29 concentration et le plaisir du jeu qu’ils ont cessé « d’être » des chats ou des singes pour simplement dire. Dans d’autres circonstances, le geste est le moyen de faire retrouver dans la mémoire un mot ou une phrase oubliés. Les élèves ont été actifs et ont aimé jouer avec leurs jeux. La semaine suivante, ils m’ont dit avoir joué dans la cour et à la maison. Cette séquence a été évaluée à partir de la séance 4, réalisation de la tâche finale (voir en annexe). 5. Conclusion Il convient de revenir sur les interrogations de départ et les hypothèses avancées. La question centrale portait sur le « comment » faire entrer en mémoire la langue étrangère, la faire percevoir et utiliser comme un véritable moyen de communication. L’hypothèse de travail était de privilégier l’action, les intelligences kinesthésique et spatiale, de donner une large part au non verbal. Il n’est pas possible de parler de véritable expérimentation et donc, plus que des réponses, il est possible de rendre compte d’observations. Des acquis sont là, modestes mais mesurables. L’anglais est utilisé comme langue de communication. Les théories avancées par les cognitivistes sont vérifiables dans la classe. La motivation est un élément moteur, il faut la soutenir par des activités variées. La progression se fait principalement dans les activités en interaction. Les enfants présentant une déficience intellectuelle fonctionnent essentiellement sur le mode énactif, il faut utiliser les outils relatifs à ce mode et ne pas vouloir passer trop vite aux niveaux iconique et symbolique. On peut effectivement constater que tout ce qui relève de l’action comme le TPR, les jeux et jeux de rôle favorisent l’ancrage des apprentissages ainsi que les supports concrets et visuels. Images, flash cards, cartes outils pour construire des phrases, couleurs, sont très efficaces et doivent être utilisés longtemps pour que la mémorisation se fasse. Les rythmes sonores semblent également jouer un rôle important. Enseigner l’anglais à des enfants présentant des troubles cognitifs importants apparaît donc réalisable avec des adaptations. Au delà des acquis disciplinaires, leur participation au cours d’anglais a amené des progrès manifestes, une évolution des comportements. Tous ont pris confiance en eux, les nombreuses activités en interaction ont aidé certains à aller vers les autres et à mieux les accepter, la communication est meilleure, des stratégies d’aide se sont mises en place, leur capacité d’inférence a été 30 développée. Un autre critère de réussite, c’est le plaisir qu’ils montrent à être là, à entrer dans les activités, à venir me parler anglais quand ils me croisent dans le collège. Certains se demandent si l’apprentissage d’une langue étrangère est justifié pour ces élèves et si ce n’est pas une surcharge inutile voire néfaste. Certes, ils ne deviendront pas interprètes, mais il est important de les mettre au contact de la culture de leur tranche d’age et de leur offrir une ouverture au monde qui les entoure. L’enseignement d’une langue étrangère fait partie intégrante de la culture scolaire à laquelle ils ont droit, acquérir des compétences dans ce domaine leur permettra de mieux comprendre un univers où l’anglais et la culture anglosaxonne sont très présents (musique, informatique, vie quotidienne). Cet apprentissage leur permet aussi d’appartenir pleinement à la communauté du collège, ils ont accès aux mêmes matières que les autres, avec le même enseignant et dans la même salle de cours. Cependant, malgré ces constatations positives, il serait nécessaire d’améliorer certains points. Une des questions de départ était aussi l’organisation horaire. Il me semble que le rythme horaire que nous avons adopté n’est pas le plus favorable aux apprentissages. Les élèves d’UPI auront vint-sept heures de cours cette année, c’est ce que reçoit un élève de 6ème en sept semaines, sachant qu’un élève d’UPI est plus lent, il convient de rester modeste dans ses objectifs didactiques. Il n’est pas question de proposer quatre heures par semaine mais une heure entière me semble inadaptée, surtout en fin de matinée, au bout de 45 minutes, tout devient plus difficile. Le rythme de deux fois 45 minutes serait plus adapté en durée et en fréquence. Cela dépendra des moyens horaires de l’établissement. D’autre part, il faut trouver des occasions d’intégration ponctuelle en classe ordinaire, ce serait possible sur des faits de civilisation. L’évolution prévue du dispositif UPI l’année prochaine, de l’intégration vers l’inclusion, devrait faciliter les choses. Tout ce que nous avons partagé a été enrichissant, sur le plan personnel et professionnel. Leur curiosité, leur envie et leur joie de découvrir et de réussir sont très stimulantes. Travailler avec eux est un plaisir et m’a donné une occasion de réfléchir à ma pratique pédagogique, cette réflexion m’est très utile et m’a amené à reconsidérer certaines de mes stratégies pédagogiques en classe ordinaire, particulièrement avec les élèves en difficulté . 31 BIBLIOGRAPHIE Textes de référence. • Françoise Lefèvre, Le petit prince cannibale, roman, Ed J’ai lu, 2001. • Philipe Meirieu, l’école mode d’emploi, des méthodes actives à la pédagogie différenciée, Ed ESF, 1990 et Le choix d’éduquer, Ed ESF, 2004. • Michel Perraudeau, Les méthodes cognitives. Paris, Armand Colin 1996. • Serge Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, ESF Paris, 2004. • J.M.Louis et F.Ramond, Scolariser l’élève handicapé, Ed Dunod, 2006. • PA Doudin et L Lafortune, Intervenir auprès d’élèves ayant des besoins particuliers, coll.Education-intervention, presse de l’université du Québec, 2004. • Jean Berbaum, Développer la capacité d’apprendre, Ed ESF, 1995. • Nicole de Grandmont, Pédagogie du jeu, Les éditions logiques, 1995. • Alain Lieury, Mémoire et réussite scolaire, ED Dunod, 2002 (1ère édition 1991). • Christophe André et François Lelord, L’estime de soi, Ed Odile Jacob, 1999. • Bernadette Rogé, Autisme, comprendre pour agir, Ed Dunod, 2003. • Jean-Charles Juhel, La déficience intellectuelle, connaître, comprendre, intervenir, Les presses de l’université de Laval, 1997. • J. Asher, Learning another language through actions, Total Physical Response, Sky oaks Productions, Inc, 2003 (1ère édition 1977). • Bruno Hourst, A l’école des intelligences multiples, Ed. Hachette, 2006 et Au bon plaisir d’apprendre InterEditions, 1997. • Revue Le Français dans le monde, Apprendre les langues étrangères autrement, Hachette, Numéro spécial, Janvier 1999. • Revue RESEAU’lution n°6, Désir d’apprendre, 2000, revue gratuite du Réseau d’aides spécialisées aux enfants en difficulté. 32 Textes officiels. • B.O. n°7 avril 2007 Programmes de l’enseignement de langues vivantes au collège, préambule commun. • B.O. hors série n°8, 30 août 2007. Programmes de langues étrangères pour l’école primaire, anglais. • Document passerelle langues vivantes Cycle 3 / 6ème, anglais (dispositif LVE Savoie 2007). Quelques sites internet. • http://www.education.gouv.fr/cid207/la-scolarisation-des-eleves-handicapes • http://crisalis.free (site de l’association crisalis) • http://agora.qc.ca/thematiques/inaptitude.nfs/Dossiers/Deficience_intellectuelle • http://www.tpr.world.com • http://www.mieuxapprendre.com (les intelligences multiples, site créé par B Hourst en 2007). • http://www.cslaurentides.qc.ca (intelligences multiples, aspects pratiques) • http://www.newhorizons.org • www.ac-grenoble.fr/collège/bissy (le site du collège auquel les élèves de l’UPI contribuent). 33 ANNEXES 1. Fiche d’observation d’une séance. 2. Photocopie du jeu décrit séquence 4. 3. Fiche d’évaluation tâche finale séquence 4. 4. Fiche d’évaluation d’un jeu de rôle. 5. Fiche d’auto-évaluation « have got ». 6. Exemple de fiche de pair work. 7. Exemples de tâche finale (vocabulaire du corps, un élève écrit un message en demandant à un autre de réaliser un dessin avec des demandes précises, le dessin est réalisé). 8. Bilans de fin d’année (juin 2007). 34 Séquence 4, séance 4 : réalisation d’un jeu 35 Fiche d’observation pendant les activités. Séance du : objectifs : Caroline Donna Benjamin Kevin Thierry De manière générale Sociable, calme, content difficile, opposant Actif, expressif effacé, inhibé Instable, anxieux, dépendant Face à la consigne Attentif, dynamique, reformule, agit Passif, n’écoute pas Commence sans écouter 36 Demande des explications Face aux difficultés Se concentre, se mobilise Abandonne, refuse Se dévalorise Demande l’aide d’un élève Demande l’aide de l’adulte En fin de séance Le travail demandé a été réalisé La participation orale a été… Mémorisation nouvelles structures Ce qui est écrit au tableau est copié Le cahier est tenu correctement Fiche de suivi d’intégration d’un élève U.P.I. Collège Bissy Date : …/…/… Nom : ………………………. Prénom : …………………….. Classe d’accueil : ………………… Professeur partenaire du projet : …………………. Jours et horaires : ………………………… Entourer ce qui correspond à la situation de l’élève accueilli 37 z z z z z z z Intégration : c Par projet c Intégrale c Avec présence d’un adulte supplémentaire Participation orale aux cours c active c non active c sous la sollicitation Réalisation du travail demandé c totale c partielle c néant Compréhension des consignes, du cours c toujours c jamais c parfois Ecrit, recopie les cours du tableau c parfois c jamais c toujours c partiellement Tenue du cahier ou classeur c bonne c moyenne c néant Aide d’un élève 38 z z z z z z z nécessaire parfois jamais Aide de l’adulte nécessaire parfois jamais 9. Evaluation normative par rapport à la classe d’accueil appartient au groupe les plus efficients appartient au groupe des moyens appartient au groupe des élèves en difficultés pas d’évaluation possible, raison : …………………………… 10.L’intégration et l’élève accueilli. Elle profite à l’élève • oui • non, pourquoi ? …………………………………………………….. 11.L’intégration et la classe • ne perturbe pas le travail dans la classe d’accueil • modifie l’ambiance de la classe c d’un point de vue positif c d’un point de vue négatif 12.L’intégration et le professeur partenaire z z Me donne du travail supplémentaire Ne modifie pas mon travail 39 13.Conseils pour la suite : z z z z L’intégration L’intégration L’intégration L’intégration peut-être totale peut se continuer suivant les projets doit se faire à l’aide d’un adulte doit s’arrêter 12. Commentaires, avis, autres : ------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------------------------- 40