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« André Larose : portrait de l’homme en lecteur »
Marie-Claire Girard
Entre les lignes : le plaisir de lire au Québec, vol. 1, n° 3, 2005, p. 52-53.
Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :
http://id.erudit.org/iderudit/10685ac
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André Larose
Portrait de l'homme en lecteur
Les gens q u i l i s e n t ont t o u j o u r s q u e l q u e chose à d i r e . C'est là le credo d ' A n d r é Larose,
o r t h o p é d a g o g u e de R e p e n t i g n y , en b a n l i e u e de M o n t r é a l .
MARIE-CLAIRE GIRARD
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« La lecture a toujours fait partie de ment des séparations. Et quand relations de couples, Kundera se
ma vie, que je qualifie d'ailleurs j'ai appris que ma fille souffrait de situe dans une ligue à part. « Il m'a
d'existence en épisodes, explique fibrose kystique. C'est ce qui m'a permis de voir et de mieux comAndré Larose. J'ai été élevé dans permis de ne pas craquer, d'éviter prendre bien des choses», expliune famille où il y avait toujours les médicaments et les somni- que André Larose. Et au chapitre
des romans qui procurent la même
quelque chose à lire.» Pas éton- fères. »
nant qu'à l'école, il aimât particu- Aujourd'hui, il aime relire les livres, satisfaction même après plusieurs
lièrement les périodes obligatoires comme on écoute un disque plu- lectures, c'est Jules et Jim d'Henride lecture, les seuls moments où sieurs fois. Et lire toute l'œuvre Pierre Roche qui remporte la
il pouvait s'adonner à sa passion d'un écrivain, histoire de mieux palme, ce roman désinvolte qui
dans le silence. Un jour de juin cerner l'auteur. « Lire permet de de- raconte un triangle amoureux avec
caniculaire, il s'est évanoui dans viner la vie d'un écrivain, estime- des accents de fausse gaieté,
une bibliothèque. « Parce qu'il fai- t-il, mais aussi quelle vie il ou elle transposé au cinéma par François
sait chaud, oui, se souvient-il, aurait aimé avoir. J'aime aussi lire Truffaut.
mais aussi parce que j'ai été saisi ce que lisent mes enfants, poursuit Mais le lecteur a aussi ses mode vertige devant tout ce qui s'of- Larose, même si je ne m'attends ments de déception. Si Maupasfrait à moi, tout en ayant la certitude diffuse que ce serait possible
de tout connaître ! »
«La lecture m'a souvent sauvé, surtout au moment
L'été, c'est le bord de la rivière, à
L'Assomption, où il habite, qui des séparations. Et quand j'ai appris que ma fille souffrait de
accueille ses heures de lecture. À
fibrose kystique. C'est ce qui m'a permis de ne pas craquer,
la maison, c'est son lit, où il passe
chaque soir quelques heures à lire. d'éviter les médicaments et les somnifères.»
Mais il y a aussi le bain, lieu privilégié, dans l'eau duquel il a d'ailleurs échappé un certain nombre
pas à ce que ces lectures me ser- sant, lu à 15 ans et relu à l'âge
de livres. Depuis, il s'est fabriqué
vent de mode d'emploi pour mieux mûr, s'avère toujours une valeur
une tablette spéciale pour éviter
les comprendre ou les élever. »
sûre, les livres de Jacques Godles malheurs!
bout, à la relecture, «ont mal vieilli», et ceux de Félix Leclerc lui
MIROIR
Comme tout lecteur, André Larose semblent «inégaux». «Pour moi,
INSTRUMENT DE VIE
« La lecture me garde éveillé et me a ses préférences. Parmi les au- la relecture, c'est comme un miroir
nourrit, explique André Larose, au teurs qu'il apprécie particulière- qui me permet de voir où je suis
même titre que la musique.» Il ment, il y a Jacques Poulin, qui est rendu en tant que lecteur. »
cultive d'ailleurs des relations spé- « venu le chercher » avec sa façon
ciales avec les gens qui lui font unique de raconter. Et Philippe DES ROMANS ET DE
faire des découvertes et avec qui Djian, qu'il a entrepris de relire, LA VRAIE VIE
il organise des week-ends de lec- histoire de mesurer si la séduction Contrairement à bien des lecteurs,
ture. « La lecture m'a souvent sau- d'il y a 20 ans opérait toujours. André Larose préfère ne pas lire
vé, confesse-t-il, surtout au mo- Pour ce qui est de l'analyse des ou écouter d'entrevues avec les
LECTEUR A
L'HONNEUR
CINQ AUTEURS AVEC
QUI ANDRÉ LAROSE
PARTAGERAIT
SA SOLITUDE SUR
UNE ÎLE DÉSERTE :
Guy de Maupassant :
Le Horla, Pocket,
2004
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Philippe Delerm :
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dimanche, Gallimard
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écrivains qu'il estime. La lecture,
pour lui, est une série de rencontres, similaires à celles qui
préludent à une nouvelle amitié :
il faut du temps pour comprendre
l'autre. Par contre, il aime beaucoup recevoir un livre choisi et
dédicacé expressément pour lui.
Il représente le cadeau ultime, le
geste de quelqu'un qui a pensé à
lui d'une façon toute spéciale.
Comme sa vie a été marquée par
de multiples déménagements,
il «voyage» léger maintenant,
s'étant départi de beaucoup de
livres, et ne gardant que les plus
précieux. « Nos livres sont comme nos albums de photos », croit
André Larose. C'est d'ailleurs
dans sa chambre à coucher que
se trouve sa bibliothèque. Telles
nos photos de famille, on ne les
montre pas à n'importe qui. Ses
livres sont des objets de valeur,
qu'il respecte au plus haut point.
Ainsi, il hésite à les annoter, préférant utiliser des petits bouts de
papier en guise de marque-page.
Lorsqu'une phrase ou un extrait
le frappent particulièrement, il
les transcrira un peu plus tard
dans un cahier spécial.
DES GOÛTS ET DES
COULEURS
«Je préfère le roman et la nouvelle à la poésie ou à l'essai,
raconte André Larose. J'aime lire
pour me renseigner, avant un
voyage, par exemple. Mais tous
les livres que j'ai lus ont eu un
impact sur moi. Je lis au moins
un livre par semaine, et j'avoue
être très " p ê l e - m ê l e " . Ces
temps-ci, c'est la collection
Romanichel, chez XYZ éditeur,
qui m'accompagne. En fervent
défenseur de la littérature québécoise, j'en apprécie la diversité et la qualité. »
Avec le goût de lire, le goût d'écrire ne lui est-il jamais venu?
« Forcément, répond notre lecteur. Mais pas le goût d'être lu.
Sauf dans des correspondances
soigneusement entretenues au
cours des années. » •
Lewis Carroll : Alice au
pays des merveilles,
Grùnd, 2004
De l'autre
côcc
ilu miroir
Henri-Pierre Roche :
Jules et Jim,
Gallimard
Et un livre choisi
au hasard, pour
découvrir...
ENTRE LES LIGNES ::: PRINTEMPS 2005 I 53