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J'AI ENVIE D'ÉCRIRE UN SCÉNARIO… Mots d'auteurs Roland Barthes : "Si je lis avec plaisir cette phrase, cette histoire ou ce mot, c'est qu'ils ont été écrits dans le plaisir". Jean Gruault : "Ni roman ni pièce de théâtre, le scénario n'est jamais achevé puisque son achèvement c'est le film". Michel Munz : "La valeur n'attend pas le nombre des entrées". Gilles Taurand : − "On m'a envoyé des scénarios à la gueule, j'ai recommencé 25 fois la même chose, jusqu'à la nausée. Bien souvent, j'ai pensé que j'étais nul". − "Ce qui peu à peu, avec le temps, la rage, l'obstination, devient la meilleure des récompenses, c'est la confiance en soi. C'est la chose la plus importante, le contraire d'une armure". Agnès Jaoui : "Je m'arrête de retravailler un texte au moment où je ne vois plus comment faire pour que ce soit mieux, et où je me dis que si je lisais ce texte sous la plume d'un autre, il me plairait". Danièle Thompson : − "Quand j'écris, ma préoccupation première est de ne pas ennuyer le spectateur". − Je lis et relis le roman, je prends des notes et ensuite je l'oublie complètement pour le ressortir en scénario. Mais il n'y a rien à faire, on ne peut pas suivre la narration d'un roman pour faire le scénario". Patrice Chéreau : "L'erreur, c'est de n'écrire que ce qui est utile au film : dans un scénario, il faut pouvoir fournir un morceau entier de vie au comédien, …les comportements des personnages, …ce qu'ils font entre les scènes, d'où ils viennent". Claude Chabrol : "Je ne fais pas de fiches de personnages, mais je me force à vivre un peu avec eux pendant quelques temps. … Je me demande s'ils se tapent du chocolat ou du café, est-ce qu'ils se grattent le pif en se réveillant … ?". Colo Tavernier O'Hagan : "Avant de pondre, bouge-toi, va te chercher quelqu'un avec qui tu concevras ton bébé. Sillonne les festivals, pointe-toi aux séances spéciales où le réalisateur vient discuter avec le public … C'est au travers des rencontres que se font les films. Histoire d'affinités". Michel Alexandre : − "Si un scénariste a son propre univers et son propre langage, il se doit de respecter avant tout la volonté et les choix du réalisateur pour qui il va (co)écrire". − "N'oublie jamais que tu écris une histoire non pas pour toi ou pour le réalisateur mais pour divertir et donner du plaisir aux autres". − "Rien n'est jamais acquis dans notre métier. Tu peux être le meilleur de ta catégorie le lundi et le dernier des derniers le mardi". Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". Le scénariste et son environnement Peut-on vivre du métier de scénariste ? ~ 150 films sont immatriculés chaque année par le CNC (Centre national cinématographique). Les salaires au cinéma : − Pour un premier ou un deuxième scénario : entre 15 000 et 23 000 €. − Pour un auteur chevronné : de 45 000 à 60 000 €, voir plus … selon la notoriété. Les salaires à la télévision : − Pour un unitaire : de 26 000 à 48 000 €. − Pour un épisode de série (52') : 11 000 à 22 00 €. Le pourcentage sur les exploitations secondaires (vidéo, diffusion télé, …) est aujourd'hui souvent négligeable. Place du scénariste dans son univers : Selon une étude à paraître intitulé "état des lieux : la situation des scénaristes dans le cinéma français" (sera diffusée et exploitée par l'Union-Guilde des scénaristes, la SACD et le CNC) : − Parmi les gens qui écrivent pour le cinéma, on ne connaît qu'une dizaine de scénaristes vedettes. − Il est rare de voir un même scénariste travailler 2 ou 3 fois dans l'année, et j'ai même constaté qu'un nombre important d'auteurs n'ont travaillé qu'une fois en 4 ans. − Au cinéma, les scénarios signés uniquement par un scénariste sont très rares : peu de réalisateurs acceptent de tourner un film qu'ils n'auraient pas écrit ou co-écrits. On note aussi que beaucoup de réalisateurs écrivent leurs films seuls. − Place du scénariste dans la promotion d'un film : timide, mais croissante il arrive encore que certains dossiers de presse ne mentionnent pas le nom des auteurs. Le métier de scénariste et les métiers auxquels le scénariste a affaire . Scénariste de télévision. A la télévision, contrairement au cinéma, le scénariste a plus d'importance que le réalisateur. Mais sa liberté s'arrête là où commence celle de la chaîne, c'est à dire très vite. Le scénariste de télévision est rarement le réalisateur du film. Il suscite ou répond à une "commande". Les contraintes : − Le genre de scénario : Il est communément admis que la fiction télévisée française n'aime pas trop le mélange des genres. La comédie, le policier, l'aventure et le mélodrame restent chacun sur son territoire même si le saupoudrage parcimonieux d'un genre rival est toléré. Collant au réel d'une histoire qui se doit d'être racontée de façon linéaire, le mélange des genres poserait une trop grande distance entre les personnages et ce qu'ils vivent. Le projet de la télévision est de travailler à l'intérieur d'un monde pour participer à sa compréhension et à sa retranscription. − Le format : Il n'y a pas seulement une répartition entre l'unitaire et la série. Le format détermine la façon d'aborder l'écriture et le type de narration choisie. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". La télévision a une gamme étendue : 5, 26, 52, 96 minutes, mais aussi sitcom, unitaire, minisérie, feuilleton … Chaque format a ses exigences de construction et implique un art du récit différent. − La ligne éditoriale du diffuseur : Chaque diffuseur définit ce qu'il appelle sa ligne éditoriale, c'est à dire le genre, le format, et surtout la tonalité générale des sujets qu'il souhaite développer. Ces lignes évoluent en fonction du diffuseur mais aussi en fonction du directeur de la fiction. − Le financement et la production : Les impératifs financiers ont une grande influence sur l'élaboration et la cohérence d'un projet. Liée en partie à son financement, la production impose également son cahier des charges, trop souvent malheureusement à la fin de l'écriture. Écrire pour la télévision c'est donc accepter de travailler en fonction d'objectifs déterminés et parfois très cadrés aussi bien dans le temps, les formats ou l'économie. − La bible : Dans le cadre d'une série à héros récurrent, le scénariste qui souhaite mettre en place un nouveau concept doit d'abord travailler sur une bible, c'est à dire le texte fondateur qui présente les personnages, leur cadre professionnel, familial, affectif, mais aussi les principes d'écriture (ton, rythme, équilibre entre les intrigues, valeurs, …) qui vont assurer la cohérence de chaque épisode. Ce texte évolue, en fonction des épisodes et les changements y apparaissent. Les autres métiers du scénario. − Script-doctor : Peu développée en France, cette profession vient des États-Unis. On contacte un script-doctor lorsqu'un scénario présente des problèmes que l'auteur, souvent trop immergé dans son projet, a du mal à résoudre. Quelquefois demandé par l'auteur lui- même, il est plus généralement engagé par le producteur. − Directeur littéraire : Au cinéma, le suivi de l'écriture des scénarios est une mission largement réservée au producteur. A la télévision, vu le nombre et la diversité des genres, un professionnel s'occupe exclusivement de ce suivi : c'est le directeur littéraire. Il accompagne, guide et soutient les auteurs. Il veille également au respect du cahier des charges. Il est un intermédiaire entre l'auteur et la production. − Directeur de la fiction : Il est chargé par sa chaîne d'élaborer les fictions nécessaires à sa grille de programmes. Il doit choisir un certain nombre de projets, dont il supervisera l'écriture, le tournage et le montage. Outre les obligations d'audience et les contraintes budgétaires, le directeur de la fiction est tenu de respecter l'esprit de la chaîne, sans oublier qu'il travaille pour le public. Il est également responsable des relations avec les partenaires artistiques. − L'assistant réalisateur : Collaborateur tant technique qu'artistique, le 1er assistant réalisateur est un pivot essentiel dans la construction d'un film. Il centralise les informations, coordonne le travail de tous, organise, vérifie, met en œuvre. Ses tâches : Ø Le minutage : l'une de ses premières tâches est d'effectuer un premier minutage du film, exercice qui consiste à évaluer la durée du film d'après le texte. Ø La renumérotation des séquences : l'auteur d'un scénario a bien souvent numéroté les séquences en fonction de l'action. or une action peut se dérouler sur 3 décors différents. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". Ø Ø Ø − L'assistant réalisateur procède donc à une renumérotation des séquences qui dissocie tous les lieux de tournage. Le plan de travail : il s'agit de déterminer le nombre de jours de tournage nécessaires et d'organiser au jour le jour l'intervention de chaque acteur, de chaque technicien, pendant toute la durée du tournage. Le dépouillement : il s'agit d'un document dans lequel on entre tout ce qui est nécessaire à la réalisation d'une scène, comme la liste des décors, des accessoires, les figurants, les costumes, les voitures, les armes, … Le repérage : il part à la recherche des décors naturels du film, intérieurs et extérieurs. Si les décors souhaités par l'auteur n'existe pas, il faut parfois transformer le scénario en fonction d'autres décors. La scripte : Elle est chargée de contrôler la cohérence du tournage, le bon enchaînement des séquences et des plans, sachant qu'un film n'est jamais tourné dans l'ordre chronologique du scénario. Ainsi elle surveille l'harmonie entre les mouvements de caméra, s'assurent de la continuité du jeu des comédiens, du respect des détails vestimentaires, décoratifs, … Sans oublier : le directeur de casting, l'ingénieur du son, le chef opérateur, la costumière, le monteur, … Quelques mots sur l'agent : Un peu à part dans cette liste puisqu'il ne participe pas à la construction du film, l'agent fait partie de ceux qui peuvent aider un scénario à être produit. Il permet de naviguer un peu plus aisément dans le monde complexe des productions, de mieux comprendre les méandres juridiques, et au passage de ne pas trop se faire arnaquer. C'est un interlocuteur privilégié entre les auteurs qu'il représente et les différents acteurs du monde du cinéma. Sauf arnaqueurs, s'inscrire chez un agent est gratuit. Ils se paient à la commission. Encore faut-il trouver un agent qui accepte de défendre votre cause … Quelques mots sur les lecteurs : Les lecteurs travaillent pour les maisons de production : ce sont eux qui lisent les scénarios reçus et rendent des fiches de lecture. Ils représentent le premier filtre ; la première épreuve pour le scénariste. Le parcours du combattant. Avant d'être réalisé, le cheminement d'un scénario est long : Il faut convaincre beaucoup de personnes. À la télévision (chiffres cumulés sur un an pris d'après les 5 chaînes principales en France – M6 est à part) : Lecture de 450 à 3000 projets …………….. comité de lecture (8 à 10 personnes) Lecture de 350 à 500 projets ……………… conseillers de programme (4 à 8 personnes) Choisit 50 à 200 projets …………………… directeur de la fiction (1 personne) Validation des choix définitifs …………….. directeur de la chaîne Au cinéma il n'y a pas de parcours type : chaque producteur élabore sa propre méthode de gestion et tri des projets. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". Le scénario : mode d'emploi I. QU'EST-CE QU'UN SCÉNARIO ? D'après le dictionnaire : "description d'un film, comprenant généralement des indications techniques et les dialogues". Ou : "document écrit décrivant scène par scène ce qui sera tourné". D'après Jacques FIESCHI : "le scénario n'est finalement qu'une chrysalide qui enferme un papillon de celluloïd destiné à voler un jour sans lui". A l'écriture d'un scénario, il ne faut pas perdre de vue ce que vont y chercher les professionnels qui le liront : l'acteur ses dialogues, le producteur sa rentabilité, le technicien ses informations pratiques. 4 grandes étapes de construction d'un scénario : − − − − l'histoire (quelques lignes) : bref résumé du scénario ; Le synopsis (environ 2 pages) : condensé du scénario, déroulant l'histoire dans l'ordre chronologique ; Le traitement (environ 20 pages) ; synopsis développé scène par scène (avec des extraits de dialogue éventuellement) ; La continuité dialoguée, ou scénario (environ 120 pages) : l'intégralité du scénario. NOTA : Les longueurs sont données à titre indicatif ; les règles en la matière restent souples : on peut trouver des synopsis de quelques lignes et des traitement de 80 pages. Il faut compter de 6 à 8 mois pour écrire un scénario (long métrage) définitif. II. LA CONSTRUCTION D'UN SCÉNARIO DANS SA FORME. Si votre scénario n'est pas présenté de façon professionnelle, il y a peu de chance que les lecteurs des sociétés de production le lise. 1) découpage d'un scénario. − Séquencier ou scène à scène : c'est un scénario qui ne contient pas de dialogue ou très peu. Il met en séquence les scènes développées dans le traitement. − Scène : constitue l'unité dramatique dans laquelle le protagoniste entreprend une action pour atteindre l'objectif propre à cette scène. − Séquence : c'est une subdivision de convention qui découpe une scène selon deux critères : le lieu et le temps. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". 2) La présentation. Quelques règles de base : − Éviter de parsemer le scénario de croquis, dessins, … illustrant les scènes. Tout se fait par descriptif ; − Sur ordinateur, n'utilisez que les polices classiques (taille de caractère 12 ou 14) ; − Le texte doit être parfaitement lisible et aéré ; − Sachant qu'en moyenne 1 page = 1 minute, un scénario (long) doit comporter 100-120 pages ; − Même si en vous en êtes à la 10ème version personnelle, celle que vous allez présenter aux sociétés de production sera toujours la 1ère. 3) Les éléments du texte. − L'intitulé d'une séquence : ses quatre éléments sont le numéro de la séquence, le lieu, extérieur ou intérieur (int. ou ext.) et le moment de la journée (jour ou nuit). Les intitulés doivent être précis et homogènes. − L'intitulé du personnage : il chapeaute les dialogues qui lui sont attribués. L'intitulé correspondant à un personnage doit être le même tout au long du scénario (risque de confusion). Pour les personnages secondaires sans réelle importance, on peut soit leur donner un nom, soit se contenter par exemple de "homme 1" ou "femme 2". En lettres capitales et caractère gras. − Dialogue : c'est l'ensemble des paroles proférées par les personnages. Il est généralement aligné sous le nom du personnage. Par sa disposition typographique, en retrait vers la droite, il est aussi désigné par l'expression "la colonne de droite". Il n'est ni en italique ni en gras. On utilise les lettres capitales pour les mots que le personnage dit en criant. − Didascalie : est considéré comme didascalie tout ce qui n'est ni dialogue ni intitulés. Il s'agit donc essentiellement des descriptions. Par opposition à "la colonne de droite", et en référence à sa disposition, les didascalies ont été baptisées "colonne de gauche". Un scénario n'étant pas un roman, le style des didascalies se doit d'être simple, clair et précis. L'intention est une didascalie brève entre parenthèses, situé à côté ou en dessous de l'intitulé des personnages. C'est une précision quant à son intention lorsqu'il prononce une réplique. − Exemple de disposition d'un texte (extrait de "laissez-passer", scénario de Jean Cosmos et Bertrand Tavernier) : Intitulé de séquence …… SÉQUENCE 1 HÔTEL DU SQUARE - HALL – INT/NUIT Didascalie ……………... Un homme jeune, ébouriffé, rapide, JEAN AURENCHE, fait une entrée remarquable dans l'établissement modeste mais confortable. Il se précipite vers la réception et d'entrée interpelle MARCEL, directeur et réceptionniste … Intitulé de personnage … Dialogue ………………. AURENCHE Elle arrive, on se remue, allez hop ! vous avez pensé aux fleurs ? MARCEL J'allais les monter. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". AURENCHE Donne. Il prend le bouquet que l'autre a montré dans son papier cristal. AURENCHE Je préviens là-haut. Vous bloquez le premier étage … Il file déjà vers l'escalier, disparaît … (Intention) …………….. MARCEL (à la cantonade) Tout le monde se planque, fissa, fissa ! La voilà ! Une soubrette apparue s'éclipse, un homme qui lisait paisiblement son journal est amicalement poussé vers une porte … 4) Vous êtes prêt à envoyer votre scénario. Avant toute diffusion, il faut déposer son manuscrit : cette formalité permet de se protéger contre d'éventuels emprunts ou plagiats (dépôts auprès de la SACD, SNAC, INPI, …). Le seul dépôt n'est pas créateur de droit (d'auteur) : c'est la réalisation de l'œuvre qui crée les droits. − − − − Envoyez toujours un exemplaire du scénario imprimé et relié, même si c'est une nième demande. La note d'intention est facultative : le choix d'en faire une ou non est laisser à l'appréciation du scénariste. Si votre CV est maigre en expérience scénaristique, ne l'envoyez pas à moins qu'il ne soit demandé. Idem pour le synopsis et les fiches de personnage : gardez les pour vous si ils ne sont pas demandés. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". III. LEÇONS DE SCÉNARIO. Leçon n° 1 : LE TITRE. Un bon titre est un savant mélange d'informations et de mystères destiné à piquer la curiosité du spectateur. Il exprime en quelques mots l'essence du scénario. Il ne doit pas trahir le film par excès de prudence ni trop le révéler. 1) Les longueurs. − − − Le titre-nom (commun ou propre) : mise sur la force d'un mot ou d'un nom ("La promesse", Betty", …). Le titre développé : traditionnel et descriptif ("La chambre des officiers", Nelly et Monsieur Arnaud", …). Le titre délibérément long : ironique (titre sensationnels ("Qui veut la peau de Roger Rabbit ?") ou naturaliste ("Le bonheur est dans le pré"). 2) Les genres. Outre les titres qui désignent le héros du film ou le résumé de l'action, on peut utiliser des titres métaphores : il s'agit par exemple de choisir un objet qui désigne un élément important du récit, mais résume également les enjeux dramaturgiques et la signification définitive du film et parfois même du style ("Le tableau noir", "La piscine", …). Il convient d'éviter les formules pompeuses et les métaphores incompréhensibles. Le titre métaphore peut aussi ne refléter que l'atmosphère du film (titre mystérieux - "Blue velvet", …). Le titre résumé : consiste en un résumé de l'action du film, afin que le spectateur connaisse à l'avance les enjeux majeurs du scénario ("La conquête de l'Ouest", "la grande évasion", "Il faut sauver le soldat Ryan", ..). Le titre- nom : à la fois longueur et genre, ce titre renvoie au personnage principal du récit (ou à un groupe), à son époque ou à son lieu de déroulement ("Pearl Harbor", "Les tricheurs", "Octobre", …). Le lieu peut renvoyer une date qui s'y rattache et vice-versa. Dans tous les cas, il s'agit de mobiliser l'attention du spectateur. Concernant les adaptations d'œuvres, certains préfèrent rebaptiser le titre de l'œuvre originale, pour qu'il soit plus évocateur et plus visuel (peut correspondre à un changement d'époque ou d'atmosphère). Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". Leçon n° 2 : LE DÉBUT DU SCÉNARIO. Un scénario doit capter l'attention dès le début. Pour cela, trois objectifs à atteindre : attirer le lecteur dans l'histoire, introduire le héros et donner le ton du film. 1) Les 3 objectifs. Ø Attirer le lecteur (et le futur spectateur) dans l'histoire : la principale erreur est de donner trop d'information dès le début. Il faut commencer par planter le décor, avec quelques détails qui vont créer des images fortes dans la tête du lecteur. Sans images, le lecteur/spectateur ne se sent pas concerné par l'histoire et il n'y rentre pas. Trop de détails finissent par lasser et ennuyer. Les détails ne sont pas choisis au hasard : ils montrent l'univers des personnages, révèlent une partie de leur personnalité. Une fois le lecteur/spectateur installé dans le décor, il faut l'amener là où l'action va se dérouler. Ø Introduire le héros et les personnages : on peut maintena nt rencontrer les personnages. Il faut les présenter un par un. Le personnage principal est souvent, mais pas forcément, présenté en premier. Le lecteur/spectateur doit très vite d'identifier au héros. Il doit devenir le personnage, pas simplement l'observer. ce principe est très important puisqu'on se sert du héros pour faire passer des émotions : il faut que le lecteur/spectateur se sente concerné, désolé, inquiet pour le héros (celui- ci est une victime qui se révolte, il nous fait rire, …). Pour présenter un personnage, on peut utiliser des gens qui parlent de lui, le héros qui parle de lui- même en se confiant à quelqu'un, montrer ses affaires, ses manies, sa posture, … tout ce qui peut aider à avoir la sensation de bien connaître le héros. Ø Donner le ton du film : le style de prose que l'on emploie pour écrire didascalies et dialogues doit établir l'ambiance du film. Le ton d'une comédie est léger et distrayant, les films d'action ont un rythme plus rapide, qui doit déjà se ressentir dans l'écriture. 2) Les 5 types d'ouverture. Ø L'action du héros : le film commence par une scène d'action le concernant (souvent le cas des héros justiciers purs et durs - films de Stallone et Cie). Ø En dehors de l'action : à l'inverse on montre d'abord les méchants, puis par exemple la vie quotidienne du héros avant qu'un événement le plonge (parfois malgré lui) dans l'action. dans ce cas le héros ne l'est pas au début du film mais le devient. Ø Le prologue : certains scénarios s'ouvrent avec un événement qui concerne l'action mais arrive avant l'histoire principale du film (donne en principe aux actions du personnage une plus forte crédibilité). Ø Le flash-back : cette technique amène le spectateur en amont dans la vie du personnage principal, afin de les faire entrer émotionnellement dans l'histoire. Ø Le héros de tous les jours : technique la lus courante mais aussi la plus variée. On met en évidence le personnage devant les problèmes de la vie quotidienne et les émotions que cela entraîne. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". Leçon n° 3 : LES OBJECTIFS ET ENJEUX. Un film est constitué d'un réseau d'objectifs de tous les personnages. On compte trois niveaux hiérarchiques d'objectifs : − Le plus important est l'objectif dramatique, qui court sur toute la durée du film ; − Les sous-objectifs ; − Les objectifs locaux qui concernent les scènes isolées. Un scénario n'est pas qu'une suite chronologique d'événements : les personnages ont des objectifs, et leur motivation (à mettre en évidence pour rendre l'histoire crédible) va les obliger à continuer à agir malgré les multiples obstacles qu'il rencontre. Sans motivation, les personnages n'ont aucune raison de tout mettre en œuvre pour atteindre leurs objectifs. Et la motivation doit être à la hauteur des obstacles rencontrés. Différenciation entre enjeu et objectifs : l'enjeu est global et final, alors que les objectifs (il y en a souvent plusieurs) sont des étapes intermédiaires indispensables pour réaliser l'enjeu. les personnages doivent atteindre tout à tour leurs objectifs pour réaliser l'enjeu. L'enjeu est fixe, alors que les objectifs peuvent évoluer. Ainsi si le héros a comme objectif principal de réaliser un profit, alors que l'enjeu est découvrir que l'argent ne fait pas le bonheur, il devra abandonner son objectif pour que l'objectif ne rentre pas en conflit avec l'enjeu. l'enjeu représente alors le chemin à parcourir qui permet au personnage d'évoluer, voir de se transformer pour enfin se réaliser (un héros méchant qui devient gentil, …). Si l'objectif offre à l'action son unité dramatique, l'enjeu apporte la valeur ajoutée de l'unité thématique. C'est lui qui va donner du sens au film et une réelle dimension. Exemple avec les films de James Bond : James Bond a toujours comme enjeu de mettre hors d'état de nuire un méchant (qui a lui- même en parallèle son propre enjeu et objectifs). Pour cela il a des objectifs intermédiaires : désamorcer une bombe, trouver le repère du méchant, déjouer un guet-apens, … Les obstacles (externes ou internes au protagoniste) qui s'opposent à la réalisation de l'enjeu ne sont pas exclusivement d'ordre matériel ou issu de personnages physiques, mais se rapportent à des notions abstraites, comme la liberté, l'amour, la haine, le fascisme, … et font appels à des motivations inconscientes, refoulées ou soigneusement dissimulées … Il y a deux façons de défendre ses idées à travers un film : soit les personnages défendent les mêmes idées que l'auteur, et l'enjeu des personnages est identique à celui du film, soit les personnages agissent à l'inverse de ces idées, et l'enjeu du film est différent de l'enjeu des personnages. Dans ce cas le scénario s'attache à montrer que les personnages sont dans l'erreur. c'est alors que peut se révéler toute la richesse dramatique que peut donner le croisement des objectifs et des enjeux dans le respect de la moralité. Quand l'objectif vient en opposition à l'enjeu, il y a conflit interne au film, ce qui représente des obstacles d'une extraordinaire richesse dramatique (exemple d'une personne à la rue, qui aimerait s'en sortir - enjeu - mais qui par manque de confiance, culpabilité, … agit toujours de façon à rester dans cette vie - obstacles psychologiques et matériels. Elle s'y enferme à un moment où elle aurait encore la possibilité de s'en sortir). A cette notion d'objectif il faut rajouter quelques notions qui s'y rattachent : − Incident déclencheur : implique un changement, radical ou subtil, de l'objectif du protagoniste. − Nœud dramatique : tout scénario est une succession de nœuds dramatiques, qui impliquent une altération, radicale ou subtile, de la progression du protagoniste dans l'action. il s'agit d'un enchaînement d'actions/réactions. Le premier d'entre eux est l'incident déclencheur. − Moyen : ce n'est ni plus ni moins que la caisse à outil de votre personnage pour atteindre son objectif. Les moyens utilisés se doivent d'être cohérents par rapport à une situation donnée et surtout au personnage, le nec plus ultra étant d'utiliser ses spécificités. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". Leçon n° 4 : LES PERSONNAGES. Les personnages d'un scénario doivent donc être caractérisés, c'est à dire leur inventer un caractère et mettre en scène leurs personnalités. Les actions, réactions et façons de parler des personnages doivent être cohérentes avec leurs personnalités. Leur connaissances est progressive : on apprend à les connaître au fur et à mesure que l'historie se déroule, selon un dosage adéquat et servants aux objectifs du scénariste (suspense, fausse piste, double personnalité, …) : bribes, certitudes, fauxsemblants. On connaît la vraie nature d'un être humain à ses actions. Il convient donc dans un scénario de multiplier les situations qui permettront au personnage de révéler la complexité de son être (pour peu que les situations apportent quelque chose au film). Avant de commencer la rédaction d'un scénario, le scénariste invente pour son personnage une biographie complète (passé, présent et devenir). Une fois caractérisée un personnage, il faut mettre en scène dans le scénario son aspect psychologique, ses pensées, ses pulsions, passions, désirs, sans compter tout ce qui est du domaine de l'inconscient (notamment pour mettre en évidence des obstacles d'ordre psychologique - blocage). Les caractères sont évolutifs, au travers des actions et obstacles rencontrés. Dans un bon scénario, le héros ne manque pas d'épreuves et il est même du devoir du scénariste de les accumuler. Leçon n° 5 : LE DECOUPAGE DRAMATIQUE D'UN SCÉNARIO Le découpage dramatique d'un film se fait en 3 actes : − − − Le premier expose les personnages, la situation, l'environnement, … jusqu'à l'arrivée de l'incident déclencheur et la déclaration d'objectif du protagoniste. Le deuxième acte développe ce qu'accomplit le protagoniste pour atteindre son objectif et dépasser les obstacles qui se dressent sur sa route. Le troisième acte conclut : quelles leçons a tirées le protagoniste ? a-t-il atteint son objectif ? le troisième acte se singularise par son extrême brièveté : l'objectif a été atteint. David Siegel (scénariste) pousse plus loin ce découpage et propose un découpage en 9 actes : 0 - L'avant histoire, d'où émergeront le conflit et les motivations de chacun. L'acte 0 ne figure pas en tant que tel dans le scénario, mais il en contient les germes. 1 - Ouvrir avec une image. C'est la rampe de lancement du film, qui permet de situer l'action et ce qui la sous-entend. 2 - Quelque chose se passe mal. Un incident mystérieux, tragique, comique ou cruel éclate. 3 - La rencontre avec le héros. Présentation du personnage principal. 4 - L'engagement. On découvre la motivation du héros, ce qui va le pousser ou l'attirer vers son destin. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". 5 - De mauvais choix pour un mauvais objectif. Les conflits et les obstacles sont de plus en plus nombreux. Le héros peine à y faire face. Il doit changer sa stratégie voir carrément ses objectifs. 6 - Le renversement. Le héros, de lui- même ou par l'intervention d'un tiers (qui lui apprend quelque chose par exemple), change son comportement ou ses objectifs. 7 - Tout pour le nouvel objectif. Cette fois le héros n'est pas loin de l'objectif final. Et désormais il est parfaitement sûr de lui et de sa réussite. Rien ne pourra remettre en cause sa détermination. Il y a souvent dans cette phase un face à face entre le héros et l'antagoniste. 8 - Emballé c'est peser. Dernières scènes (voir la dernière) : le héros a gagné … on doit avoir ici un sentiment d'accomplissement tout en nous délivrant le sens du film. Leçon n° 6 : LES TECHNIQUES DRAMATURGIQUES DE BASE. 1) Le flash-back. Le flash-back interrompt la chronologie d'une histoire. Il permet de revenir en arrière, pour raconter un événement antérieur. On distingue 3 types de flash-back : − Flash-back d'exposition. Il est ponctuel et à n'importe quel moment du film. C'est le plus répandu. Il peut être très constructif. Il permet de caractériser un personnage, d'exposer une situation, d'établir des liens et de donner des informations nécessaires à la poursuite de l'intrigue. il convient de lier le plus possible au présent, afin de ne pas casser le rythme du film et de conserver l'attention du spectateur. − Flash-back général Le film entier est un flash-back. Dans ce cas le film commence par une ou quelques scènes du présent, puis se plonge dans le passé. Quelques brefs retours au présent peuvent être réalisés. − Flash-back final Tout au long du film, des éléments restent inexpliqués pour le spectateur. En scène finale (ou pas très loin), un ou plusieurs flash-back viennent lui donner les éléments manquants. Ce flash-back est délicat à utiliser : il ne doit pas desservir la compréhension du film. D'une manière générale, les flash-back à répétition au cours d'un film dispersent le public. Casser régulièrement l'action sans justification narrative puissante risque de faire décrocher le spectateur (NDLA : sensation d'enchaînement "bordélique" des scènes). 2) L'ellipse. Quand un auteur omet de nous donner certaines informations, il crée une ellipse. Celle-ci peut être temporelle, narrative, ou les deux à la fois. Elles permettent d'alléger le film et de lui donner du rythme. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". Dans une ellipse temporelle, le temps filmique ne correspond plus au temps réel. L'auteur accélère volontairement le temps en retirant du récit ce qui est inutile. Cette ellipse a souvent lieu entre deux séquences (souvent accompagnée d'un changement de lieu). L'ellipse narrative permet au spectateur d'imaginer les éléments qui lui manquent, de faire le lien entre deux événements sans avoir reçu toutes les informations. Très utile pour alléger un récit de toutes ses évidences. La paralipse : un personnage détient une information, le spectateur sait qu'il la détient mais en ignore la teneur. 3) Le suspense. Il y a suspense lorsque le spectateur a identifié le danger que court le personnage mais ignore encore s'il va s'en sortir et comment. Il faut informer le spectateur d'un certain nombre de choses pour créer le suspense. Il conviendra de doser les informations et de les donner plutôt crescendo. Si le spectateur sait tout par avance, il n'y a ni tension dramatique ni suspense. 4) Le deus ex machina. Littéralement : un dieu descendu par une machine. Il fait partie des choses à éviter dans un scénario : le deux ex machina est un arrangement de scénariste, une facilité. L'auteur crée une surprise artificielle pour se sortir d'embarras sans se donner la peine de chercher une solution plausible. Si les obstacles doivent être forts, il faut veiller à ce qu'ils ne soient pas insurmontables. Toutes les aides invraisemblables et artificielles sont des deux ex machina. A l'opposé, tous les obstacles gratuits sont des diabolicus ex machina. Le spectateur sait qu'il regarde une fiction mais ne veut surtout pas qu'on lui rappelle. C'est le sentiment de vivre une histoire réelle qui provoque l'identification aux personnages. 5) La fausse piste. Pour qu'une fausse piste soit efficace, il faut qu'un personnage mène des actions qui éloignent de la vérité, et que l'attention du spectateur se focalise sur elles. Il s'agit pour le scénariste de manipuler le spectateur, avant de créer une surprise. La fausse piste se crée par des événements, mais aussi par une caractérisation mensongère d'un ou plusieurs personnages. Elle doit cacher une vraie histoire, et non un vide : la fausse piste n'est pas gratuite. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi". 6) La surprise. Lorsque l'auteur donne au spectateur une information à laquelle il ne s'attend pas, il le surprend. La surprise est souvent l'issue d'une fausse piste ou d'un suspense. S'il s'agit d'une forte surprise, on l'appelle "coup de théâtre". Le spectateur a trois positions possibles face à une surprise : − Il est surpris par le protagoniste qui en sait plus que nous ; − Il partage la surprise avec le protagoniste, qui n'en sait pas plus que nous ; − Il constate, en apprenant la vérité, qu'il a fait une erreur de jugement. L'utilisation d'une surprise par une auteur peut avoir plusieurs buts : − Installer une ironie dramatique (donner au public une information que ne possède pas le personnage) ; − Apporter un revirement à l'histoire par un coup de théâtre ; − Révéler la vérité. Il convient de ne pas créer une surprise tardive avec un événement dont la connaissance serait utile à la compréhension de l'histoire (cas du flash-back final, à utiliser dans des conditions particulières). Leçon n° 7 : LE CINÉMA LITTÉRAIRE. Adapter une œuvre écrite à l'écran est un exercice périlleux, avec technique particulière. Il faut d'abord bien choisir l'œuvre. Adapter une œuvre connue est plus risquée et difficile, les freins à s'écarter de l'œuvre seront plus nombreux. Alors qu'avec une œuvre moins connue le scénariste pourra plus facilement s'écarter de l'histoire, voir de l'esprit de cette œuvre. Il n'est cependant pas rare de voir une grande œuvre adaptée et transposée à une autre époque ou à un autre milieu social. En outre, une œuvre courte, voir une nouvelle, sera préférable car la richesse des longs romans obligera à faire de nombreuses coupures et choix pour l'adaptation, source facile d'erreurs. il n'existe pas d'œuvre inadaptables, mais certaines sont plus faciles que d'autres … Une adaptation n'est jamais complètement fidèle et ne doit pas chercher à l'être. le scénariste devient un traducteur qui fait passer l'œuvre d'un langage à un autre, en puisant abondamment dans les ressources de son propre imaginaire, dans l'empreinte que lui a laissé le livre (cf. 2ème phrase de Danièle Thompson dans les mots d'auteurs). Une adaptation n'est pas une note de synthèse : si le découpage technique du film peut être utile, il est insuffisant. Il ne faut pas hésiter à laisser passer du temps entre la lecture de l'œuvre et l'écriture du scénario. Il faut réussir à réinventer l'œuvre. Synthèse hors-série n° 1 Synopsis "Scénario, mode d'emploi".