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AERO-CLUB DU CE AIRBUS-FRANCE TOULOUSE
CISOA-Commission Interne pour la Sécurité des Opérations Aériennes
03/2013
Conseil Sécurité du mois
Rédacteurs : Louis-Patrice Bugeat / Jacques Loury
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révision du 04 juin 2013
Gestion du carburant en vol : usage de réservoirs
multiples, faut-il assécher ?
L’idée de poser une telle question dans l’intitulé d’un conseil sécurité a germé lors de diverses
discussions entre pilotes, instructeurs et mécaniciens sur ce sujet, discussions dont il ressort
des réponses variées selon les situations vécues et les modèles d’avion et plus particulièrement
selon les caractéristiques de leur circuit d’alimentation en carburant.
Ce conseil propose un éclairage sur les enjeux de la gestion du carburant et les événements
redoutés en vol, avec des témoignages, ainsi que sur divers principes1 et aspects opérationnels
tels que l’autonomie, le puisage des réservoirs, l’alarme « essence bas niveau », etc.
Le lecteur y trouvera la justification de ces principes et celle des actions de sécurité afférentes
qui en grande partie figurent dans le manuel de vol d’un avion et sont généralement reprises et
le cas échéant complétées par l’exploitant dans une « check-list » ou dans un guide.
ENJEUX DE LA GESTION DU CARBURANT ET EVENEMENTS REDOUTES EN VOL
Avant le départ en vol, l’enjeu est de remplir les réservoirs au niveau maximum compatible avec
les limites de masse et de centrage pour bénéficier de la plus grande autonomie possible.
Pendant le vol, il est d’alimenter le moteur afin qu’à tout instant il puisse développer de la
puissance, en préservant l’équilibrage de l’avion autour de ses axes.
Les deux principaux événements redoutés en vol sont :
1. l’épuisement du carburant utilisable ;
2. l’arrêt du moteur alors que les réservoirs ne sont pas vides.
Si leurs causes peuvent être multiples, quelques-unes seront éliminées en préparant avec le
plus grand soin le projet de vol et l’avion utilisé et en appliquant pendant le vol les procédures
normales. Quant aux autres causes, la vigilance, la prudence et l’application des procédures
d’urgence permettront de faire face aux situations. Pour cela il est essentiel de :
 connaître les caractéristiques et les performances de l’avion (circuit carburant, vitesse,
consommation, etc.) ;
 déterminer précisément l’autonomie initiale, selon la quantité embarquée de carburant et sa
partie inutilisable ;
 connaître à tout moment l’autonomie résiduelle, selon le temps de vol écoulé ;
 puiser dans les réservoirs de manière appropriée tout en surveillant le circuit carburant
(niveaux, débit, pression et alarmes associées).
TEMOIGNAGES
Une résolution qui tient !
J’ai eu, pendant les 10 premières années de ma vie de pilote, l’habitude d’assécher les réservoirs en
avion léger pour toutes sortes de plus ou moins bonnes raisons. Ceci jusqu’aux événements suivants :
Ayant volé la veille sur le même avion (Rallye 180) où j’avais asséché un réservoir, j’ai voulu ce jour-là
changer de réservoir dès l’alarme « bas niveau », car j’allais traverser le golfe de Fos et ne voulais pas,
dans ces conditions, aller jusqu’à l’assèchement. Bien m’en a pris : le robinet-sélecteur était bloqué !
Heureusement sur une trajectoire proche du terrain d’Istres, je m’y suis « jeté » alors que ma destination
était un peu plus loin à Berre la Fare.
Le mécanicien a trouvé un morceau de trombone qui s’était logé dans la mécanique du robinetsélecteur, apparemment depuis longtemps vu son état de corrosion, et qui juste ce jour-là s’est mis en
position de la bloquer.
1
Bonnes pratiques et actions définies selon l’état de l’art et les leçons apprises (REX) ainsi qu’après une analyse de risques.
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Gestion du carburant en vol : usage de réservoirs multiples,
faut-il assécher ?
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Je me suis donc juré depuis lors de ne plus assécher de réservoir (sauf besoin impératif si pas d’autre
solution), quitte à «perdre» quelques litres de carburant en changeant de réservoir à l’apparition de
l’alarme « bas niveau ». D’ailleurs en 2007 j’ai appliqué cela en me déroutant avec le TB20 VE à 40 mn
de Toulouse-Lasbordes, pour avitailler après un long vol face à un vent plus fort que prévu, alors qu’en
asséchant un réservoir j’avais largement le carburant requis pour finir le vol dans les règles sur l’autre
réservoir. Mes passagers (dont un pilote militaire) m’ont trouvé trop prudent, mais j’ai tenu bon sur ma
résolution prise 20 ans avant !
Au sujet du Gardan … Lors de ma visite prévol, il m’arrive fréquemment de constater que le réservoir
« arrière » a été vidé complètement de son contenu par l’utilisateur précédent (y compris pour des vols
d’instruction). Je souhaite donc attirer votre attention sur la consigne de navigabilité F-1967-040-012 (A)
relative à la Circulation d’essence, où en page n°2 il est écrit « - conserver dans le réservoir « arrière »
25 Litres d’essence à utiliser pour la fin du voyage et l’atterrissage lorsque la consommation estimée
pour le vol est supérieure à la quantité contenue au décollage dans chacun des réservoirs « avant »...
PRINCIPES ET ACTIONS DE SECURITE EN GESTION DU CARBURANT
1er principe : les litres d’essence utilisables représentent une « durée de vol » à moteur,
i.e. une « autonomie », au-delà de laquelle l’avion évoluera en vol plané !
Emport de carburant
Lors de la préparation du vol, la quantité minimum réglementaire d’emport de carburant2 est
calculée puis les quantités forfaitaires pour les procédures de départ, la montée à l’altitude de
croisière et pour l’arrivée sont ajoutées ainsi que la quantité inutilisable de chaque réservoir et
le cas échéant une réserve opérationnelle complémentaire.
La quantité minimum de carburant ainsi établie est comparée à celle qui peut effectivement être
embarquée compte tenu du reste du chargement (cf. bilans Carburant et Masse & Centrage) en
adaptant le trajet, le cas échéant, afin qu’il comporte des aérodromes où il y aura une possibilité
d’avitaillement.
L’impact du délestage sur le centrage est également analysé avec attention car, selon la
position avant ou arrière des réservoirs, il peut imposer de puiser en priorité dans l’un ou l’autre.
En vol local ou en voyage, le seul carburant utilisable pour le moteur
se trouve dans les réservoirs de l’avion !
Heure Limite pour Atterrir [HLA]
En avion ce n’est jamais une situation d’avenir que de transformer le « vol motorisé » en un
« vol plané ». Le retour au sol est parfois plus délicat qu’espéré, malgré la qualité de la
formation reçue et le niveau d’entraînement maintenu !
Par conséquent, si peu avant la fin de l’autonomie, voire peu avant la nuit aéronautique, l’avion
n’a pas encore atterri sur l’aérodrome de destination ou de déroutement, une interruption
volontaire du vol (IVV) s’impose.
Cette prise de décision est facilitée en déterminant à l’avance l’instant où il conviendra de la
débuter pour éviter d’être confronté à une perte totale et soudaine de la traction de l’hélice,
situation toujours stressante et bien plus risquée qu’un atterrissage bien conduit, au moteur !
En d’autres termes il s’agit d’établir l’Heure Limite pour Atterrir [HLA] sur la base de l’autonomie
initiale, de la consommation spécifique, de l’Heure Bloc Départ [HBD] et de la réglementation3 :
HLA = HBD + Autonomie – 15 minutes
Actions : relever l’Heure Bloc Départ [HBD] puis établir l’Heure Limite pour Atterrir [HLA] et les
noter sur le journal de bord.
2
Cf. Guide VFR : Arrêté du 24 juillet 1991 modifié relatif aux conditions d’utilisation des aéronefs civils en aviation générale
(extraits) page 7 §3.1 AVITAILLEMENT, RESERVES DE CARBURANT ET LUBRIFIANT)
3
Cf. Guide VFR page 8 §3.1.5
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ème
2
principe : la consommation spécifique à la puissance de croisière et les
caractéristiques du « circuit carburant » sont définies dans le manuel de vol !
Consommation spécifique et puissance de croisière
Affirmer que la consommation diffère d’un modèle d’avion à l’autre peut paraître superflu mais
par exemple, sur Robin DR400 l’erreur est fréquente quant à la puissance du moteur et sa
consommation spécifique selon les modèles (DR400-120, DR400-140B, DR400-160) et par
conséquent biaise le résultat du calcul de l’autonomie !
La maîtrise de l’autonomie est vitale !
Circuit carburant
Dans la flotte ACAT, le nombre de réservoir(s) indépendant(s), c’est-à-dire reliés à l’aval du
circuit carburant via un robinet-sélecteur et l’alarme « essence bas niveau » permettent de
caractériser divers types de circuit carburant.
Avions
Robin DR 400-120
Diamond DA 20
Robin DR 400-140B
Robin DR 400-160
Socata TB10-TB20
Mudry CAP 10 B
Gardan GY 80
Réservoir(s) indépendant(s)
unique
multiples
1 réservoir
1 réservoir
1 réservoir principal
+ 1 supplémentaire se
déversant dans le principal
3 : 1 principal + 2 réservoirs
d’aile de même capacité
2 réservoirs d’aile
2 : un à l’avant, l’autre à l’arrière
2 : l’un composé de 2 réservoirs
d’aile communicants, l’autre à
l’arrière
Alarme essence
bas niveau
oui
non
oui
oui
oui
oui
non
Réservoirs, graduation et précision des jauges
La capacité maximum et la quantité inutilisable pour chaque réservoir sont deux
caractéristiques indispensables à connaître.
L’indication des jauges n’est pas systématiquement graduée en litres ou gallons d’essence
mais en portions d’un volume (1/4, 1/2, 3/4, 4/4). Attention aux erreurs d’interprétation de
l’indication, selon la capacité du réservoir, notamment sur DR 400 et TB et l’unité de mesure !
Lorsqu’un réservoir n’est pas plein, la vérification visuelle du niveau de remplissage n’est pas
toujours possible (cf. réservoirs principal et supplémentaire sur DR400).
La précision des jauges est souvent médiocre et influencée par l’assiette : il convient donc de
ne pas se fier à la seule indication des jauges pour mesurer précisément la quantité de
carburant présente dans le(s) réservoir(s).
A la jauge d'essence jamais ne fait confiance !
Actions : quand c’est possible remplir complètement le(s) réservoir(s) et noter clairement sur le
carnet de routeles quantités avitaillées, dans la colonne appropriée.
Cf. Conseil Sécurité 02/2013
Bidons pleins, cœur léger !
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Circulation du carburant
La connaissance du maniement des robinets des divers réservoirs, qu’ils soient indépendants
ou qu’ils communiquent entre eux, ainsi que des éventuelles contraintes d’utilisation à certains
niveaux de remplissage (risque connu de désamorçage en évolutions) est primordiale.
Système d’alarme « essence bas niveau », quantité utilisable à l’apparition de l’alarme
3ème principe : l’alarme « essence bas niveau » est le signal précurseur d’une diminution
de la pression d’essence et de l’apparition de l’alarme « pression d’essence » puis,
quelques instants plus tard, d’une perte totale de la puissance !
Point d’attention : un voyant d’alarme [et/ou le capteur qui la déclenche] ainsi que les
indicateurs de niveau (jauges) peuvent défaillir à tout instant, malgré les vérifications faites au
départ (test « voyants », comparaison « niveau lu à la jauge - niveau vu dans le réservoir »).
A l’apparition de l’alarme « essence bas niveau », il convient de procéder, selon le cas :
1. au déversement du réservoir supplémentaire dans le principal (DR400-140B) ;
2. au changement de réservoir pour puiser dans un « plus plein » (ou « moins vide » !) ;
3. à l’atterrissage !
Actions : o activer la « pompe électrique » ;
o relever l’heure d’apparition de l’alarme ;
o surveiller la pression d’essence ;
o établir l’Heure Limite pour Atterrir [HLA] (1er principe) s’il s’avérait impossible
(cf. 7ème et 8ème principes) de déverser (cas 1) ou de changer (cas 2).
Point d’attention : à l’apparition de l’alarme « pression d’essence » survenant après celle de
l’alarme « essence bas niveau » la perte totale de puissance d’un moteur à injection est quasi
immédiate. Dans le cas d’un moteur à carburateur elle intervient une dizaine de secondes plus
tard, durée nécessaire pour épuiser la cuve du carburateur !
L’alarme « essence bas niveau » indique que le niveau a atteint la quantité de carburant définie
pour le réglage du seuil d’alarme. Quand le puisage s’effectue sur le réservoir en alarme, cette
quantité représente la « durée de vol résiduelle » avant la perte totale de puissance. Il convient
de connaître cette durée, en prenant soin de la calculer pour la consommation spécifique à la
puissance de croisière.
Action : traduire en « durée de vol résiduelle » la quantité utilisable à (l’apparition de) l’alarme
« essence bas niveau ».
Caractéristiques du système d’alarme
Quantité utilisable5
« bas niveau » et autres particularités
à l’alarme
Réservoir principal (110 L)
15 à 17 L
Alarme fonctionnant uniquement sur le réservoir
Réservoir d’aile (40 L)
sélecté
6à7L
(DR400-160 F-GUYA)
Déversement dans le « principal » effectif lorsque le
Supplémentaire (50 L)
niveau de ce dernier est à la moitié
Pas d’alarme
(DR400-140B)
Durée du déversement selon quantité : non spécifiée
Pas de distinction entre les deux réservoirs
TB 10
22 L
Se référer aux jauges pour savoir si l’alarme
TB 20
20 L
concerne un seul réservoir et lequel ? ou les deux
15 L (clignotante) Alarme fonctionnant indépendamment de la position
Cap 10 B
10 L (continue)6 du robinet-sélecteur
DR4004
4
Cf. Manuel d’entretien, page 9.9, Tableau 9.1 REGLAGE JAUGEURS ET ALERTE BAS NIVEAU D’ESSENCE
Valeur de réglage du seuil d’alarme diminuée de la quantité inutilisable
6
Quantité inutilisable non mentionnée dans le manuel de vol
5
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Autonomie initiale et autonomie résiduelle
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4ème principe : l’exactitude de l’autonomie initiale, l’estimation du carburant déjà
consommé et la façon de puiser dans le(s) réservoir(s) conditionnent la connaissance à
tout instant de l’autonomie résiduelle.
Exactitude de l’autonomie initiale
Divers biais sur les valeurs de référence peuvent affecter le calcul de l’autonomie initiale :
consommation spécifique (cf. 2ème principe) : valeur inadéquate, celle à considérer étant
bien entendu fonction du choix de la puissance de croisière (75% ou 65%) ;
quantité embarquée de carburant : valeur erronée, par exemple en se fiant uniquement aux
jauges (cf. 2ème principe - Graduation et précision des jauges) ;
Actions : relever la consommation spécifique dans le manuel de vol et vérifier sur le carnet de
route les dernières quantités avitaillées.
Estimation du carburant déjà consommé
5ème principe : en croisière, la détection d’une consommation anormale est facilitée par la
lecture des jauges et sa comparaison avec l’estimation du carburant déjà consommé.
L’estimation du carburant déjà consommé résulte du calcul suivant :
Quantité embarquée - (Durée de vol depuis Heure Bloc Départ x Consommation spécifique).
Des omissions ou des erreurs sont fréquentes dans les relevés d’heures ou de niveaux et dans
les calculs, plus spécialement dans le cas de « réservoirs indépendants » utilisés en alternance
(heures de début et de fin du puisage dans chaque réservoir).
Actions : relever avec soin les niveaux initiaux lus sur les jauges et l’Heure Bloc Départ, faire
un suivi attentif et précis du puisage.
Façon de puiser dans le(s) réservoir(s)
6ème principe : pour utiliser le contenu d’un réservoir, son robinet est « ouvert » !
C’est une évidence mais nul n’est à l’abri d’une erreur de manœuvre du robinet. Il convient
donc d’être appliqué en le manœuvrant et de vérifier sa position !
Circuit carburant avec réservoir indépendant unique
 Un seul réservoir : le puisage jusqu’à l’assèchement n’est pas envisageable !
 Un réservoir principal + un réservoir supplémentaire se déversant dans le principal :
l’assèchement du réservoir supplémentaire est une procédure normale !
Assécher le réservoir supplémentaire prend du temps et nul n’est à l’abri d’une rupture de la
commande de déversement (robinet d’ouverture du réservoir) : il est donc sage de ne pas
attendre l’épuisement du réservoir principal pour la tirer !
Action : initier le déversement quand la consommation sur le réservoir principal a libéré un
volume suffisant pour accueillir le carburant du réservoir supplémentaire, ou immédiatement
en cas d’apparition de l’alarme « essence bas niveau ».
Circuit carburant avec réservoirs indépendants multiples
7ème principe : en vol, pas de puisage dans un réservoir qui n’a pas été essayé ou dont le
niveau n’a pas été vérifié et relevé.
La circulation de carburant peut se réduire ou s’interrompre à cause d’une obturation de la mise
à l’air libre du réservoir, du pincement d’un tuyau ou parce qu’un robinet s’est bloqué ou pire
parce que ce réservoir est vide !
Si le réservoir n’a pas été rempli complètement au départ, la mesure de la quantité de carburant
dans le réservoir au moyen de la jauge est « imprécise » (cf. 2ème principe).
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Actions :
o
o
o
o
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relever le niveau des réservoirs au départ et le noter sur le journal de bord ;
manœuvrer les robinets lors de la visite prévol sur toutes ses positions et lors
du roulage sur tous les « réservoirs indépendants », en vérifiant le maintien de
la pression d’essence, la pompe électrique étant désactivée ;
effectuer les « essais moteur » sur le réservoir qui sera utilisé pour décoller ;
avant de changer de réservoir en vol, activer la pompe électrique et après le
changement surveiller le maintien de la pression d’essence.
8ème principe : en croisière, un nombre de manœuvres du robinet-sélecteur limité au
strict minimum diminue la charge de travail et le risque d’une interruption de la
circulation du carburant et d’une évaluation incertaine de la quantité résiduelle
Dans le cas de réservoirs d’aile indépendants, l’alternance du puisage, qui implique de
manœuvrer le robinet-sélecteur, est une procédure normale de maintien de l’équilibrage en
roulis (cf. Manuel de vol) pour empêcher un inconfort voire une difficulté de contrôle aux
ailerons.
Elle peut également être définie pour « l’équilibrage en tangage » dans le cas de réservoirs
indépendants situés à l’arrière et à l’avant afin de limiter l’effort sur la commande de profondeur
voire d’éviter une perte de contrôle.
Bien que rare, un blocage inopiné du robinet-sélecteur peut empêcher l’alternance ou
interrompre le puisage s’il se bloque sur la position « fermé ».
Evaluation de la quantité résiduelle utilisable
Lorsque le circuit comporte une alarme « essence bas niveau », l’incertitude de l’évaluation de
la quantité résiduelle utilisable en réservoirs peut être réduite :
1. en changeant de réservoir dès l’apparition de l’alarme.
Dans ce cas si le robinet se bloque, le pilote dispose sur le réservoir en alarme d’une
« durée de vol résiduelle » connue, qu’il utilisera pour l’interruption volontaire du vol !
2. en asséchant le réservoir en alarme puis en changeant pour un autre lorsque la pression
d’essence commence à faiblir mais avant que l’alarme « pression d’essence »
apparaisse, le moteur étant ainsi toujours alimenté en carburant !
Dans ce cas si le robinet se bloque, le pilote n’aura plus qu’à dérouler la procédure
d’urgence « en cas de panne moteur » !
9ème principe : tout changement de réservoir s’effectue en vol de palier rectiligne
symétrique et si possible hors d’une zone de turbulences pour réduire le risque d’une
interruption momentanée de la circulation du carburant (désamorçage).
Un désamorçage entraîne une chute de la pression d’essence, souvent brève mais pouvant
parfois se prolonger jusqu’à provoquer une perte partielle ou totale de la puissance.
Les désamorçages sont plus fréquents :
 quand les niveaux sont faibles ;
 en dérapage (dissymétrie accentuée) ;
 à forte assiette (à piquer ou à cabrer).
Point d’attention : il est courant de trouver dans les procédures ou les check-lists l’expression
« réservoir le plus plein ». S’il n’y a pas d’ambiguïté quant à sa signification dans le cas de
réservoirs de même capacité, lorsque les réservoirs sont de capacité différente, la signification
est « réservoir au taux de remplissage le plus grand » ! Cette pratique a pour but de réduire le
risque de désamorçage lors de phases du vol où une perte de puissance serait critique.
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faut-il assécher ?
Actions : quand la pression d’essence commence à faiblir :
o activer la pompe électrique [si elle n’est pas déjà sur ON]
o mettre la mixture sur « plein riche » [facilite le redémarrage]
o réduire légèrement la puissance [diminue la consommation instantanée]
o piquer légèrement l’assiette [reprise plus rapide par vent relatif plus fort sur l’hélice].
Point d’attention : la contamination du carburant (présence d’eau ou d’impuretés, en plus ou
moins grande quantité) provoque le même effet qu’un désamorçage.
Actions : lors de la visite prévol purger les réservoirs et vérifier l’absence de fuite à la valve.
Autre point d’attention : sur les DR400 et le TB10, en cas de perte partielle ou totale de
puissance, le moteur étant encore chaud, il est inutile, voire déconseillé, de faire des injections
à la manette de gaz. L’hélice tournant en moulinet, la pompe mécanique est en fonctionnement,
le moteur repartira dès qu’il sera alimenté depuis un réservoir contenant du carburant en
quantité suffisante, même en cas d’oubli de la pompe électrique (sauf si la pompe mécanique
est défectueuse) !
10ème principe : le puisage du carburant est organisé pour qu’en fin d'autonomie le
moteur soit alimenté depuis un seul réservoir.
Le fait de se trouver en fin d'autonomie est une caractéristique de la situation suivante :
la quantité minimum réglementaire est embarquée dans les réservoirs ;
le vol ne s'est pas passé comme prévu : un vent défavorable, une erreur de navigation, un
déroutement, une fuite de carburant, une consommation inattendue voire un égarement font
que la réserve réglementaire est entamée et l’Heure Limite pour Atterrir [HLA] est proche !
Si le carburant résiduel est réparti entre plusieurs réservoirs et que leur niveau est faible, deux
conséquences fâcheuses viendront compliquer une situation déjà très délicate, à savoir le
désamorçage fréquent du circuit (cf. 9ème principe) et les arrêts successifs du moteur, au fur et à
mesure de l’épuisement des réservoirs.
Le plus petit élément du chargement est un grand réservoir plein !
CONCLUSION
Les seules exigences et procédures « règlementaires » relatives à la gestion du carburant sont
spécifiées dans l’Arrêté du 24 juillet 1991 modifié et dans les manuels de vol.
Si l’alternance du puisage est une procédure normale, les conséquences évoquées au 10ème
principe suggèrent d’assécher le(s) réservoir(s) indépendant(s) le(s) « moins plein(s) » pour en
garder un seul « moins vide », ceci impliquant de manœuvrer le robinet-sélecteur avec les
risques associés (cf. 8ème et 9ème principes).
Changer de réservoir est une opération critique : elle doit par conséquent être effectuée avec
un maximum de précautions, en s’étant préparé à terminer le vol en planant !
L’assèchement est tout aussi critique, voire plus s’il est pratiqué en toute fin d’autonomie.
Conscient d’une telle criticité, un pilote ne devrait y recourir qu’au seul titre d’une procédure de
sauvegarde d’un vol qui ne s’est pas passé comme prévu.
Dans la planification et l’exécution d’un vol,
il vaut mieux augmenter ses marges
en prévoyant une escale supplémentaire
et en acceptant de « perdre » un peu d’autonomie
plutôt qu’augmenter son stress en regrettant de ne pas l’avoir fait !