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Le conseil de gestion
aux exploitations agricoles
de l'Ouest du Burkina
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outil de vulgarisation
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Pour répondre aux défis économiques et agricoles
actuels, les agriculteurs ont besoin de nouvelles
technologies, d'informations et de formations adaptées.
Actuellement, la vulgarisation ne répond
que partiellement à cette attente. La méthode du conseil
de gestion, élaborée récemment au Burkina Faso,
permet de promouvoir des actions de formation
pour les paysans, tout au long de l'année et
sur des points d'actualité du calendrier agricole.
La finalité de l'opération est d'améliorer
le fonctionnement des exploitations concernées
par une meilleure allocation des ressources
et par une accélération des transferts de technologies.
es d e r n iè r e s d é c e n n ie s ,
l'a g r ic u ltu r e de l'O u e s t du
Burkina Faso a connu de pro­
fondes mutations, démontrées par le
d é v e lo p p e m e n t du c o to n n ie r et du
maïs, l'augmentation des consomma­
tions en intrants et l'expansion de la
culture attelée, ainsi que l'intégration
croissante des exploitations dans une
économ ie marchande. Cependant, la
c ris e c o t o n n i è r e q u e c o n n a î t le
Burkina depuis 1991, liée en partie à
la baisse du prix de vente de la fibre
sur le marché international du début
C
G . FAURE
CIRAD-CA, BP 5 0 3 5 ,
3 4 0 3 2 Montpellier Cedex 1, France
P. KLEENE
CIRAD-SAR, BP 5 0 3 5 ,
3 4 0 3 2 Montpellier Cedex 1, France
S. O U E D R A O G O
INERA, 0 3 BP 7 1 9 2
Ouagadougou 0 3 , Burkina
16
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
des années 90, a entraîné une d im i­
n u tio n de la p r o d u c tio n de c o to n
graine (de 190 000 tonnes en 19901991 à 151 000 en 1995-1996), une
b a is s e du r e v e n u d u p r o d u c t e u r
avant la d é va lu atio n du franc CFA,
un fort endettement des groupements
v i ll a g e o i s à l'é g a r d de la C N C A
(Caisse nationale de crédit agricole)
et de la SOFITEX (Société burkinabé
des fib r e s t e x t ile s ) (F A Y O L L E et
KA IG AM A, 1994). Elle a aussi forte­
ment freiné l'extension de la traction
a n im a le . La s ta g n a t io n a c t u e lle
du degré d 'é q u ip e m e n t des e x p lo i­
ta t io n s
( a u to u r
de
50
%)
(S C H W AR TZ, 1991), aggravée par
un manque de maîtrise des itinéraires
techniques par les paysans, est préju­
d icia ble aux résultats économiques,
jugés insuffisants par les sociétés de
développement.
C o m m e d an s b e a u c o u p d 'a u tr e s
ré g io n s d 'A f r i q u e , la p o p u la t io n
a ug m e nte et, par suite, la mise en
c u ltu r e des terres se g én éralise et
pose le problèm e d'u ne gestion des
ressources n a tu re lle s c o m p a tib le
avec une agriculture durable.
P o u r r é p o n d r e à ces d é fis , les
p aysa ns o n t b e s o in de n o u v e lle s
te c h n o lo g ie s , d 'in fo r m a tio n s et de
formations adaptées.
Renouveler les actions
de vulgarisation
agricole
Le contexte
institutionnel
L'INERA (Institut d'études et de
recherches agricoles, Burkina) et le
CIRAD (Centre de c o op ératio n
in te rn a tio n a le
en
recherche
agronomique pour le développement,
France) ont signé un contrat de recherche
en co op ératio n pour fin a lis e r une
m éthode de conseil de gestion aux
exploitations agricoles de la zone ouest
du Burkina. Cette o p é ra tion de
recherche-action a bénéficié de l'appui
du programme Formation technique
c o ntin ue , ayant pour o b je c tifs le
renforcem ent
des
compétences
techniques des paysans en développant
les documents en langue dioula. Elle a
aussi été menée en collaboration avec les
Centres de promotion agropastorale des
Hauts-Bassins et de la Boucle du
Mouhoun, chargés de la vulgarisation
agricole. Le projet de développement
rural intégré des provinces du Houet, de
la Kossi et du Mouhoun, qui cherche à
promouvoir un développement fondé
sur les initiatives locales, a supporté
financièrement cette initiative.
Une certaine stagnation dans l'a do p ­
tio n par les paysans de n o u v e lle s
technologies a été constatée par les
sociétés de développement.
De la centralisation des
programmes à une
approche plus participative
Depuis 1987, la vulgarisation agrico­
le applique le système « formation et
visite » qui ne répond que partielle­
ment aux objectifs assignés. Jusqu'en
1994, les programmes et les thèmes à
v u lg a r is e r é ta ie n t d é te r m in é s de
m anière centralisée p our de vastes
espaces géographiques et pour l'e n ­
s e m b le
des
p r o d u c te u r s .
Le « cham p école », une anim ation
autour de grands groupes de produc­
teurs, un suivi rapproché de quelques
paysans et l'organisation de visites de
cham ps de paysans c o n s titu e n t les
principaux outils du vulgarisateur de
terrain. M algré une v o lo nté récente
de fa v o r is e r la p r o g r a m m a t io n
participative — définition des thèmes
p a r les p a ys a n s — et les e ffo r ts
im p o r ta n ts p o u r la fo r m a tio n des
techniciens supérieurs et des agents
de t e r r a in , les é v o lu t io n s re s te n t
lentes.
Besoin de conseils
sur l'approvisionnement
en intrants
Le n o u v e a u s y s tè m e n a tio n a l de
vulgarisation agricole ne considère
pas l'a pp ro visio nn em e nt en intrants
comme prioritairement de son ressort ;
s e u ls les in t r a n ts f o u r n is p a r la
société c o to n n iè re (SOFITEX) sont
accessibles aux paysans. Il peut être
très difficile pour les producteurs de
se procurer des semences améliorées
( c u ltu r e s v i v r iè r e s , fo u r r a g è r e s ,
ligneux), des produits phytosan¡taires
non spécifiques au cotonnier, etc.
Evolution de la demande
des producteurs
en matière de conseil
Le niveau te c h n iq u e de n o m b re u x
p r o d u c t e u r s s 'e s t a c c ru et le u rs
demandes en conseil dépassent les
messages techniques trop normatifs
qui leurs sont souvent adressés. Les
exploitations se sont fortement diffé­
renciées : les thèmes diffusés doivent
être adaptés aux besoins spécifiques
des d ifférents types d 'e x p lo ita tio n .
Pour a m é lio re r la v u lg a ris a tio n , il
faut tenir compte :
- de l'e n v iro n n e m e n t é c o n o m iq u e
(accès aux intrants et au crédit) ;
- de l'e nv iro n n e m e n t institutionnel
afin de construire des références et
des o utils renforçant les capacités
des acteurs du développement ;
- de la d iv e r s ité des s itu a tio n s
agricoles ;
- des objectifs des paysans et de leurs
moyens.
Il est devenu nécessaire de ne plus
ra is o n n e r s e u le m e n t en term es de
th èm es te c h n iq u e s ou de filiè re s ,
mais aussi de s'intéresser au problè­
me de la gestion des e x p lo ita tio n s
pour en am éliorer les résultats éco­
n o m iq u e s . Il est d o n c essentiel de
développer une approche globale de
l'exploitation.
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
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Les expériences
antérieures :
de l'optimum
économique
vers une démarche
participative
Des paysans discutent de l'intérêt d'une
haie vive pour se prémunir des dégâts de
la divagation des animaux.
Cliché P. Kleene
En Europe, dans les années 50, des
initiatives ont été prises afin de revi­
taliser la v u lg arisatio n a grico le, en
développant des approches s'intéres­
sant à la g estio n te c h n ic o - é c o n o mique de l'exploitation. En France, le
conseil de gestion aux exploitations
agricoles familiales a été introduit par
le biais des CETA (Centre d'étude des
techniques agricoles), regroupant des
agriculteurs soucieux d'am éliorer les
perform ances de leur unité de pro ­
d u c tio n (C H O M B A R T DE LAUW E,
1 9 6 3 ) . Les e x p é r ie n c e s se s o n t
ensuite diversifiées : développement
des centres de gestion, émergence de
réseaux de fermes de référence, etc.
Ces m éthodes c h e rc h e n t essentiel­
le m e n t à o p tim is e r les facteurs de
p roduction au sein d 'u ne économ ie
marchande.
En m ilie u tro p ic a l, les expériences
ont été moins nombreuses, même si
les réflexions sur l'a m é lio ra tio n des
systèmes de v u lg a ris a tio n o n t t o u ­
jours suscité beaucoup d'intérêt. Au
Venezuela, le concept des fermes de
référence développé en France a été
appliqué. A partir d'un suivi régulier
d 'un réseau d'exploitations agricoles,
des r é fé r e n c e s t e c h n i c o - é c o n o m iq ue s sont é tab lie s. Les résultats
o b te n u s par les p ro d u c te u r s sont
analysés et servent de support d 'a n i­
m ation auprès d'autres e xplo ita n ts
(BO N N AL, 1994). Au Sénégal, dans
les années 70, certaines méthodes de
transfert de technologies (suivi d 'e x ­
ploitations, typologie, conseil ind ivi­
duel...) ont été testées dans les unités
expé rim en tale s et o n t a bo uti ã des
approches liées à la recherche- déve­
loppement (BENOIT-CATTIN, 1986).
Au M a li, un conseil de gestion aux
e x p l o i t a t i o n s , é la b o r é d a n s les
années 80, est to u jo u rs en vig u e u r
18
A griculture et développem ent ■
n° 11 - Septembre 1996
dans une trentaine de villages de la
zone coton niè re (KLEENE, 1988). Il
s'agit d 'u n e dém arche p a rticip ative
qui fait le constat que les décisions
des producteurs relèvent de stratégies
où les d om aines sociaux et é c o n o ­
miques sont étroitement imbriqués.
Dans l'Ouest du Burkina, la structure
et le f o n c t io n n e m e n t des e x p l o i ­
ta tio n s a g r ic o le s o n t été précisés
(BELEM , 1 9 8 5 ; FAU R E, 1 9 9 4 ;
O U E D R A O G O , 1 9 9 5 ; ) et de
nombreuses innovations techniques
id e n t if ié e s p ar la r e c h e r c h e s o nt
a p p r o p r i a b le s p a r les p a y s a n s :
variétés de riz p lu v ia l, haies vives,
étable fumière, lutte anti-érosive, etc.
Depuis 1992, est expérim entée une
méthode de conseil de gestion à des
exploitations, com prenant au moins
une personne scolarisée en français
ou u n e p e r s o n n e a lp h a b é tis é e
en d io ula , p rin c ip a le langue verna­
culaire de la zone.
Une méthode
pour améliorer
les performances
des exploitations
Le conseil de gestion a été défini de
la façon suivante (KLEENE, 1989) :
« le c o n s e il de g e s tio n est une
m é th o d e q u i p re n d en c o m p te
l'e n s e m b le de la s itu a tio n d 'u n e
exploitation et cherche, en dialogue
avec le paysa n, un c h e m in e m e n t
d 'a m é lio ra tio n q u i s'étend souvent
sur p lu s ie u rs années ». A in s i,
l ' o b j e c t i f de la r e c h e r c h e est
d'élaborer une méthode d'animation
en a p p u i
à la g e s tio n des
e x p lo ita tio n s agricoles, en réponse
a u x b e s o in s de d if f é r e n t s ty p e s
d 'e x p lo ita tio n et s'insérant dans le
système de vulgarisation existant.
Comme dans la méthode « formation
et visite » (Training and Visit), il s'agit
de p r o m o u v o i r des a c tio n s de
fo rm a tio n
pour
les
p aysans
(extension education), dispensée tout
au long de l'année et sur des points
d'actualité du calendrier agricole.
gestion des exploitations
La f i n a l i t é de l 'o p é r a t i o n est
d 'a m é lio re r le fo n c tio n n e m e n t des
e x p lo ita tio n s conce rn ée s, par une
meilleure allocation des ressources —
gestion du travail, des équipements,
des investissements, de la trésorerie,
des stocks a lim en taires, des stocks
d 'i n t r a n t s , e t c . — e t p a r u ne
a c c é l é r a t io n des tr a n s fe rts de
technologies.
Une démarche
participative et souple
Les principes p éd a go giqu e s
La méthode de conseil de gestion suit
une démarche pédagogique : l'étude
globale de l'exploitation et l'analyse
te c h n ic o -é c o n o m iq u e des activités
sont faites de façon participative avec
les paysans et l'introduction de tech­
nologies nouvelles est réalisée selon
leur lib re c h o ix et en fo n c tio n des
besoins dégagés lors de l'a na lyse.
Com pte tenu du degré d 'instruction
------ Routes
Flydrographie
— - Limite de province
D'IVOIRE
Berma
O
Chef lieu de province
•
Village 1er niveau (INERA)
■
Village 2 e niveau
(PDRI/HKM)
♦
Village CRPA
Nouna
Biron M arkal
KOSSI
5 0 km
__ i
Dedougob^
r Koro
Pouanl y
Faramam
Kouroumani
KENEDOUGOUv
♦/
JUO '
"» Samckuy
* Yankasso >
Mouhounta
jx i
/^MOUHOUnV A
y —
Bala
Poura
I
>
V’
^ Kounseni
Sourkoudougou
Karanakasso*
Djiguera
Bobo Dioulas!
Yegueresso
idogosso
Sebedougou
I
\
Gombeledougou
Soumousso
N ianaba
V HOUET
A u d é m a r ra g e du p r o je t de
r e c h e r c h e , u n e é q u ip e m ix t e
d 'a g e n ts du d é v e lo p p e m e n t et de
chercheurs a d éfin i la dém arche et
les o u tils . C eux-ci o nt été testés et
améliorés lors de séances de conseil
de gestion dans quelques villages.
Les villages (sites de recherche) sont
c h o is is en r e la t io n a v e c les
structures de déve lo pp em e nt et en
fonction de plusieurs critères :
- présence d'au moins 15 à 20 per­
sonnes alphabétisées ou scolarisées.
O n d é n o m b r e un m in i m u m de
10 actifs ayant cette formation dans
60 % des villages de la zone d'étude ;
- une bonne cohésion au sein du
village et un groupem ent villageois
fonctionnel ;
- une accessibilité correcte en toutes
saisons ;
- un encadrement dynamique.
Les villages concernés
Banwall ■
sari
Koundougou
/ V
Kourouma ♦
scolaire en m ilieu rural, la méthode
s'appuie d'une part sur un petit grou­
pe de personnes lettrées présentes
dans chaque v illa g e et d 'a u tre part
sur une présentation entièrement en
la n g u e n a t i o n a le d i o u l a p o u r
atteindre le plus grand nombre. Pour
mettre au p o in t cette m éthode, une
méthodologie de recherche-action a
été développée, fondée sur les acquis
de la recherche agricole systémique,
de la vulgarisation a gricole dans la
région et de l'alphabétisation de base
et fo n c tio n n e lle d'adultes en m ilieu
rural.
BOUGOURII
GHANA
Figure 1. Localisation des actions de recherche-développement en conseil de gestion
conduites par l'INERA, le CIRAD, le PDRI-HKM et les CRPA dans l'ouest du Burkina.
En 1993, les actions ont débuté dans
les villages de Daboura, Pouankuy et
Soumousso qui ont bénéficié encore
du soutien de la recherche en 1994
et en 1995 (figure 1). Environ 45 pay­
sans o n t p a rtic ip é ré g u liè re m e n t à
l'expérience.
En terme de recherche, il est égale­
m ent indispensable de v é rifie r que
cette nouvelle approche de la vulga­
r is a tio n est c o m p a t i b le a v e c les
moyens don t dispose le déve lo pp e ­
ment. En 1994, la méthode a été tes­
tée dans 32 autres villages, avec un
suivi succint de la recherche, qui a
assuré la formation initiale des agents
de terrain et a particip é à quelques
sé a n c e s de c o n s e il de g e s tio n .
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
gestion des exploitations
g ro up e restreint, mais ces p ro d u c ­
teurs acceptent d'assurer la diffusion
d'inform ations et d'innovations tech­
niques dans leur voisinage. L'objectif
final est bien d'atteindre une plus large
fraction des agriculteurs du village.
Un groupe de personnes participe
à une visite d'un champ de riz.
Cliché C . Fovet-Rabot
La vulgarisation, par l'interm édiaire
du P ro je t de d é v e lo p p e m e n t rural
intégré du Houet, de la Kossi et du
M o u h o u n ( P D R I - H K M ) et des
C e n tre s r é g io n a u x de p r o m o t io n
agro-pastorale, a été fortement im p li­
quée dans ces o p é ra tio n s , q u i o n t
intéressé environ 440 paysans.
Une é valuation régulière des résul­
ta ts a été e ffe c tu é e g râ c e à des
mesures d 'im p act du conseil de ges­
t i o n sur le f o n c t io n n e m e n t des
exploitations concernées, grâce à des
enquêtes d 'o p in io n auprès des pay­
sans et des agents de vulgarisation,
s u r l ' i n t é r ê t et l 'e f f i c a c i t é de
l 'a p p r o c h e , et p a r des m is s io n s
d 'e x p e r ts e x té r ie u rs au p r o je t de
recherche (R A Y M O N D et KABORE,
1995).
La connaissance
du fonctionnement
des exploitations :
un préalable nécessaire
Le conseil de gestion s'adresse à des
personnes volontaires constituées en
groupes de 10 à 20 personnes, qui se
re n c o n tre n t tous les 1 5 jo u rs . Ces
premiers interlo cuteu rs fo rm e n t un
2 0
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
La prem ière phase c oncerne l'a n a ­
lyse du fonctionnem ent des exploita­
tio n s . A ce stade, il est im p o r ta n t
d 'i n t r o d u i r e des n o tio n s s im p le s
d 'économ ie de la production, néces­
saires pour élaborer des diagnostics
d'exploitation avec les participants et
p o u r a b o u tir à des c o n s e ils . Il est
in d i s p e n s a b le q u e l 'a n i m a t e u r
consacre un temps im p o rta n t p our
e x p liq u e r en te rm e s c o n c re ts des
concepts, qui font appel à un degré
d 'a b s tr a c t io n i n h a b itu e l p o u r les
paysans. Sur le terrain, une telle ana­
lyse des exploitations n'est possible
que si les a nim ateurs disposent de
connaissances solides sur la variabi­
lité des situations q u 'ils ren c o n tre ­
r o n t. Des d o n n é e s o b je c t iv e s
d 'e n q u ê te s sur les e x p l o i t a t i o n s
agricoles sont donc indispensables,
co m m e références, p our l'in te rp ré ­
tation des diagnostics.
A fin d 'o b te n ir ces inform ations, les
données, issues des cahiers remplis
par les paysans lors des séances de
conseil de gestion, ont été analysées.
En fin de campagne, des observateurs
de la recherche ont aidé les paysans
de D a b o u r a , de P o u a n k u y et de
Soumousso à achever le remplissage
des fiches et ont vérifié la cohérence
des données obtenues (tableau 1).
Les principales données retranscrites
( p r é s e r v a n t l 'a n o n y m a t ) o n t été
dépouillées comm e une enquête par
un service central. A un faible coût
en te m p s et en a rg e n t et a v ec un
degré de précision satisfaisant, on en
a déduit des typologies d'exploitation
et des références te c h n ic o -é c o n o m iq u e s u tilis a b le s . Des e n q uê tes
c o m p lé m e n ta ir e s o n t été m enées
p our situer les résultats obtenus au
co u rs de la p re m iè re e n q u ê te par
ra p p o rt à l'e n s e m b le des e x p lo ita ­
tions du village.
Les don né es c o lle c té e s , ainsi que
c e lle s r e c u e illie s par l'a n im a te u r
d a n s des fic h e s s p é c ifiq u e s ,
permettent le suivi et l'évaluation des
gestion des exploitations
opérations de conseil de gestion par
l'a n im a te u r et par les structures de
recherche et de d éveloppem ent qui
pilotent le projet.
Une liaison forte
entre analyse et pratique
A la suite des expériences antérieures
(Sénégal, Mali) et des observations de
terrain, une approche du conseil de
g e s tio n a é té b â tie s u iv a n t u ne
p r o g r a m m a tio n b im e n s u e lle des
séances de co nse il de gestion, qui
permet au cours de chacune d'elles,
d'abo rd er des aspects de diagnostic
et d 'a n a ly s e r les e n s e ig n e m e n ts
p r a tiq u e s q u e l 'o n p e u t en t i r e r
(inno-vations techniques, m eilleure
gestion de la force de travail...).
Une place très importante est réser­
vée aux actions techniques, lors de
discussions en salle et par la mise en
place d'innovations sur le terrain. Les
visites de terrain par le groupe, dans
ou hors du v illa g e , o c c u p e n t une
place p rivilé gié e pour d é c o u v rir de
n o u v e lle s t e c h n o l o g i e s , p o u r
alim enter les discussions en salle et
p o u r é v a lu e r c o n c r è t e m e n t les
résultats.
Si le produit final de cette recherche
se p ré sen te c o m m e une m é th o d e
structurée, intég ra nt une p ro g ra m ­
mation stricte de mise en œuvre, la
m é th o d e d o it g arde r un ca ra ctère
participatif et flexible. Etant donné la
variabilité des situations agricoles, le
co nse il de gestion ne d o it pas être
u ne d é m a r c h e fig é e , m a is d o i t
au c o n t r a ir e a d m e ttr e des a d a p ­
ta tio n s , des m o d if ic a t i o n s et des
compléments.
Tableau 1. Description des exploitations en conseil de gestion dans les villages de Daboura, Pouankuy et Soumousso.
Données issues des carnets remplis par les participants, campagne 1993-1994 (classification automatique ascendante
hiérarchique).
Variable
Nombre d'exploitations
Nombre de bœufs de trait
Population active
Classe 1
Classe 2
18
14
2,2
5,4
1/1
3,5
Classe 3
11
Classe 4
Classe 5
Moyenne
7
4,7
54
2,3
6,9
1,7
5,5
14,0
4
6,0
18,6
Productions agricoles
Surface totale (ha)
Surface par actif (ha)
Surface par bœuf de trait (ha)
Surface jachère / surface totale (%)
Surface cotonnier/surface cultivée (%)
Surface maïs / surface cultivée (%)
Dose engrais (kg/ha)
Rendement coton (kg/ha)
Rendement maïs (kg/ha)
6,7
13,0
21,9
1,1
84
1
26
56
1 366
4,4
0,9
1,9
40
22
38
95
1 180
2 229
1,2
3,7
66
39
19
111
1 326
1 032
1,1
2,7
52
22
21
91
1 178
1 515
1,2
3,7
1
44
21
106
1 485
1 437
6,8
1,0
2,3
59
20
27
85
855
1 546
0,5
4,7
0,1
12,6
1,1
4,1
13,1
18,6
15,5
32,0
3,3
10,4
80,6
12,3
0,67
690
355,8
62,7
0,26
174
185,3
15,3
0,39
987
2,9
0,8
Cheptel
Nombre de bœufs hors trait
Nombre de têtes de petit bétail
Données économiques
Trésorerie (kF CFA)
Trésorerie / actif (kF CFA)
Dépense / recette
Céréales disponibles par personne (kg)
-1,7
-1,2
1,33
359
1 617,0
90,6
0,24
764
236,6
24,3
0,74
648
On note des situations très diverses parmi les participants aux séances de conseil de gestion. Ainsi, il est possible de distinguer :
- des exploitations avec une trésorerie largement déficitaire et un excédent céréalier favorable (classe 1) ;
- des exploitations avec une forte trésorerie par actif (forte surface en coton, bon rendement) mais un déficit céréalier (classe 3) ;
- des exploitations avec une forte trésorerie par actif et un excédent céréalier confortable (classe 5) liés à une forte surface en
cotonnier et à de bons rendements tant sur maïs que sur coton ;
- des exploitations ayant produit beaucoup de céréales, peu de coton et se retrouvant avec une faible trésorerie (classes 2 et 4).
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
gestion des exploitations
Les outils de conseil
de gestion
Le carnet individuel
de conseil de gestion
Lors des séances de conseil de ges­
t i o n d an s u n e s a lle du v i ll a g e ,
chaq ue paysan v o lo n ta ire et adhé­
re n t r e m p lit un c a h ie r i n d iv id u e l
p o u r é ta b lir un d ia g n o s tic de son
e x p l o i t a t i o n (fig u re s 2, 3, 4). Ce
-------
Village
Exploitation '7 W î -------
-----Année
1. Structure de la famille (actifs/non actifs)
M énage N °
/
Prénoms
Actifs
'TKatAiecc
t
Prénoms
Actifs
Prénoms
t
s4Muttàta
Actifs
Prénoms
Actifs
0.5 OcirtUVl
0,5
/tCdauCzife
Total
t
t
actifs
Nombre total de bouches à i
0.5
f
rir :
r
Nom bre total actifs (champs)
-
3.5
Bergers
Total
3.5
2. Equipement
Année de passage en culture attelée : 19%9
Nom bre de bœufs dressés
2
Nombre de charettes tombereau
Nom bre de bœufs non dressés
Petit plateau
Nombre d'ânes
Grand plateau
Matériel type
Année d'acquisition
Charrue 1
Etat : bon,
moyen,usé
Matériel
T hé
Butteur
Appareil
de
traitement
Charrue 2
Charrue
asinienne
Sarcleur triangle
Type
Année d'acquisition
Etat : bon,
moyen, usé
tW !
ULV
Cosmos
'Tîtoqert-
Houe manga
La question de la structure familiale de l'exploitation est abordée. Le nombre de personnes à nourrir
est précisé et donc on peut préparer les futures discussions sur les stocks alimentaires nécessaires
pour faire la soudure entre les deux récoltes. De longues réflexions sont suscitées sur la notion d'actif
agricole. Le nombre d'actifs est rapproché de la surface cultivée et ainsi une discussion sur
l'intensification ou l'extensification des pratiques agricoles peut s'engager. L'inventaire de
l'équipement et des animaux de traits est fait avec une appréciation de leur état.
Figure 2. Carnet de conseil de gestion : structure de l'exploitation et équipements.
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
Dynamique de groupe
participative
0.5
2
t
/
Un planning des séances de conseil
de g e s tio n p r é v o it de tr a ite r l 'e n ­
semble de ces thèmes et de discuter
des actions concrètes sur une année.
Le niveau scolaire, à la fois modeste
et très variable des participants, o b li­
ge à une progression lente dans le
remplissage du carnet ; en respectant
ce ry th m e , une large fr a c tio n des
paysans est capable de re m p lir des
tableaux assez complexes.
Enfants (< 15 ans)
Autres hommes (> 15 ans) Femmes (> 15 ans)
Chefs de ménage
carnet, rédigé en dioula et en français,
aborde la structure de l'exploitation,
les p r o d u c tio n s v é g é ta le s et a n i ­
m ales, l'a n a ly s e te c h n ic o - é c o n o m iq u e des résultats par c u ltu r e et
l'a n a lys e des résultats de l 'e x p l o i ­
tation — productions alimentaires et
trésorerie. Le carnet se te rm in e par
un plan de campagne prévisionnel.
Si le remplissage du carnet est in d ivi­
d u e l, la r é f le x io n est c o ll e c t i v e .
L'a pp ro che d éve lo pp ée ne prétend
pas déboucher sur un conseil ind ivi­
dualisé, séduisant dans sa c o n c e p ­
tion, mais financièrement impossible
à étendre à un nombre significatif de
paysans. Il s'agit d'une animation de
groupe, au cours de laquelle l'a g ri­
cu lte u r, grâce aux données c o lle c ­
tées sur son e x ploita tion et aux dis­
c u s s io n s sur des cas c o n c r e ts
observés dans le villa g e , forge son
opinion et imagine un projet person­
nel de développement de son exploi­
tation.
Ainsi, pour une fiche donnée du car­
net, deux ou trois cas différents sont
choisis parmi les participants, reco­
piés et traités au tableau noir pour le
g ro u p e . C ela p e rm e t à c h a c u n de
m ie u x r e m p lir la fic h e , m ais éga­
lement d'engager une discussion sur
les cas e x p o s é s , i m p l i q u a n t un
é c h a n g e e n tr e l 'a n i m a t e u r et le
g ro u p e . L 'a n im a te u r a p p o r te des
inform a tion s techniques ou écono­
m iques, que les a g ric u lte u rs c h e r­
c h e n t à a p p li q u e r a u x s itu a tio n s
choisies. Le d ia gnostic n'est pas le
fruit du seul animateur mais de tous.
En ce sens, il n'est pas indispensable
gestion des exploitations
Svup&fr
/tnacÁ lde
Total
3.1. Situation de la campagne en cours (écoulée) année 1994 / 1995
Production (kg)
Rendement (kg/h a)
Cultures
Superficie (ha)
3. Production végétale
NPK
Nbre
de
sacs
Urée
k g /h a
Nbre
de
sacs
%
Fumure orgnanique
kg /h a
Natures
Charette Quantité
nombre
t/ha
A ttelé/
manuel
Type
0 ,5
2 6X0 t 3 4 0
t
>00
50
'putHien.
2
0 .5
2.0
t 420 2 240
-
-
-
-
-
-
-
t.O
t 050
/0 5 0
2
to o
t
50
-
-
-
240
2 )0
-
-
-
-
-
-
-
'Wt<x*uiei ty ia tta ye
Total
3
Total
0,25
3 .7 5
tt/4
Total
Superficie
(ha)
Produit
(nom)
0 .5
“PnttHAyuzm.
"TOtavi
A tte lé
Semis
1er
Buttage
dates : sarclage dates :
début et dates : début et
fin
début et
fin
fin
2 0 /0 6
5 /0 7
3 1 /0 7
'TfCuttuei tyvattaye
n /0 6
2 2 /0 7
-
A tte lé
2 5 /0 6
> 2 /07
5 /0 2
2 2 /0 6
1 1 /0 7
-
2
3.1. Herbicidage
Cultures
Préparation du sol
3.3. Traitements insecticic es
Quantité
totale (litre)
>.5
Quantité
(litres/ha)
3 .0
Cultures Superficie
(ha)
¿.OtM
t.O
Produit
(nom)
(Zyfieim étnitte
Nombre de
Quantité
traitements totale (litres)
4
2
Quantité
(litres/ha)
2
Le suivi des cultures est effectué à partir de ce questionnaire. Les échanges portent sur l'explication de notions relativement abstraites pour les agriculteurs :
le rendement, la dose d'engrais. Ensuite, des questions techniques sont posées : à quelle date doit-on semer chaque culture ? Quelle préparation du sol
peut-on envisager ? Comment peut-on gérer le calendrier des travaux ?
Figure 3. Carnet de conseil de gestion : suivi des productions végétales.
q ue c h a q u e p a r tic ip a n t rem plisse
correctem ent le carnet, pour que la
m éthode apporte des résultats inté­
ressants. Dans la très grande m ajori­
té des villages, m oins de 50 % des
p a rtic ip a n ts a rriv e à c o m p lé te r le
carnet correctement, sans aide exté­
rieure. Cela ne n u it pas à la d y n a ­
mique des groupes, ce que prouve la
mise en place d 'a c tio n s concrètes
p ar une larg e m a jo r it é d ' e x p l o i ­
tations.
Séance de conseil de gestion, analyse
des différentes exploitations représentées.
Les paysans de chaque groupe repré­
sentent des situations très diverses,
enrichissantes pour la réflexion d 'e n ­
semble. C ependant, cette diversité
c o n s t it u e p a r fo is un h a n d ic a p ,
lorsque sont abordées des questions
spécifiques à un type d'exploitation,
p ro v o q u a n t un désintérêt passager
de la part des paysans non co nce r­
nés. L'animateur apprend à gérer ces
s itu a tio n s en a b o rd a n t des sujets
variés au cours des séances. Les qua­
lités de l'a n im a te u r sont d 'a ille u rs
déterminantes pour la réussite de la
mise en œuvre de la méthode. Il est
nécessaire d'identifier des personnes
ayant un sens aigu du dialogue : une
telle difficulté n'est pas mineure.
La diffusion des nouvelles
techniques
Ces différents diagnostics, en salle et
au c h a m p , c o n d u i s e n t à une
r é f le x io n sur l ' a m é l i o r a t i o n des
résultats techniques et financiers de
l'exploitation.
Le point de vue de l'agriculteur
L 'id e n tific a tio n et la mise en place
de nouvelles techniques — choisies
parmi un panel d'innovations — est
un des volets qui intéresse le plus les
paysans. Cet ensemble d'innovations
est le f r u i t d 'u n e d é m a r c h e
r e c h e rc h e -d é v e lo p p e m e n t m enée
c o n jo in te m e n t par la recherche, le
d é v e lo p p e m e n t et les p ay sa n s
participant à l'expérience. Certaines
te c h n o lo g ie s o n t été adaptées aux
c o n d itio n s de l'O u e s t du Burkina :
haies vives d 'é p in e u x , lutte étagée
ciblée sur cotonnier, etc.
C lic h é P. Kleene
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1 996
23
gestion des exploitations
De nombreuses techniques présen­
tées ne s o n t pas n o u v e lle s et les
c o n d itio n s de leur a p p lic a tio n o n t
d é jà
Nom de la culture
Production
0 Superficie : .. — ha
é té
d é f in ie s
p a r d 'a u tr e s
/ 3 4 0 6g.
1er choix : --------kg
2e choix :
------- kg
Calcul de la marge brute
Montant
F CFA
Produits
/ 340
kg x 3 0
F
kg x
F
Montant
F CFA
Charges
40 200
NPK
1
sac x
5 500
F
5 500
Urée
^4
sac x
5 500
F
1 375
4 0 ZOO
Total charges
- Total charges
14 145
M arge brute
par ha
25 055
= M arg e brute
Pluviométrie :
Un exercice com plexe
pour l'animateur
7 270
"Ptenilcide 2 io ît& i X 3 6 3 5
Total produits
14 145
25 055 F
0 5 ha
5 0 tt0
F /h a
7^3
Type de sol :
Répartition : Bonne
Erosion : Forte (Moyenne) Faible
Niveau de fertilité : Bon ( Moyen) Mauvais
^oyenn tP ) Mauvaise
Actions à entreprendre
Résultats
Références
Augmenter Consolider Diminuer
2 6 X 0 kg /h a
Rendement /h a
M arge brute /h a
kg /h a
X
F /h a
S3 000
F /h a
X
0
T /h a
5
T /h a
CD
Engrais NPK
1 0 0 kg /h a
Engrais Urée
2 5 kg /h a
Herbicides
3 500
5 0 110
Fumure organique
4
1 5 0 kg /h a
50
L/ha
X
X
kg /h a
/Itie u uù u i
L/ha
N om bre de traitements
Nombre sarclo-binage
Labour :(Bon) Moyen
*
2
\
Date de semis : Bonne ( Moyenne) Mauvaise
Autres propositions :
Travail du sol sec :(ouT)
non
X
\
Raison :
Mauvais
Raison :
“R e to n d . fU u te à ,
Superficie : ------ — !— ha
Rendement :
Aménagement anti-érosif : oui
(non)
^
kg
Cette analyse est celle qui engendre les discussions les plus vives. A partir d'un calcul de marges brutes,
l'intérêt économique de différentes cultures est comparé : par exemple, avec les prix pratiqués dans le
village, est-il plus intéressant de cultiver le maïs ou le cotonnier ? Pour une même culture, il est possible
de comparer les résultats, de discuter de la pertinence d'un itinéraire technique par rapport à un autre.
De ces discussions, résultent des actions à entreprendre et des objectifs à atteindre pour l'année suivante.
Figure 4. Carnet de conseil de gestion : analyse technico-économique des résultats par
culture.
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
structures ou projets : étable fumière,
stockage des résidus de récolte, cor­
dons p ie rre u x ... En rev a nc h e, e lle
s o n t p ro p o s é e s et d is c u té e s avec
l'agriculteur d'une manière nouvelle ;
elles sont resituées dans le système
com plexe de quelques exploitations
du village, en termes techniques et
économ iques. Ainsi, quand la n ou ­
v e lle te c h n iq u e est a doptée par le
paysan, elle devient une réelle inno­
vation.
U ne des q u e s tio n s q ue pose l 'a p ­
p ro c h e du c o n s e il de g estio n, q u i
part de l'analyse de cas particuliers
pour déboucher sur une réflexion de
groupe, est la manière dont est réali­
sée l'adéquation entre le type d 'e x ­
p l o i t a t i o n a u q u e l on s 'a d re s s e
et la d é fin it io n de l'e n s e m b le des
p ro p o s itio n s te chn iqu es ou é c o n o ­
m iq u e s q u ' i l est s o u h a it a b le de
développer pour lever les contraintes
spécifiques. Pour des raisons opéra­
tio n n e lle s (c o û t en tem ps, n ive au
hétérogène des animateurs) et parce
q u 'il est tr o p risq ué de d é d u ire la
stratégie du paysan à la simple analy­
se des données du carnet, il n'est pas
demandé à l'animateur d'établir pour
c h a q u e e x p l o it a t io n une r e la tio n
claire entre le système d'inform ation
(les données collectées), le système
o pé ra nt (les pratiques actuelles du
producteur) et le système de décision
au sein de l'exploitation (les innova­
tions ou améliorations à apporter au
système de production). Chaque pay­
san, après s'être forgé une o p in io n
personnelle, définit ses objectifs qu'il
peut exposer au groupe, s'il le sou­
haite.
Il est certain que des progrès peuvent
ê tre ré a lis é e s . D a n s un a v e n ir
proche, il est prévu que l'anim ateur
p u is s e b â t ir u n e t y p o l o g i e des
e x p l o i t a t i o n s p ré s e n te s d an s le
groupe, en étant aidé par des outils
pédagogiques p our l'é tablissem ent
de classification. Ainsi, l'anim ateur
p o u r r a d é v e lo p p e r des c o n s e ils
s p é c if iq u e s
pour
d if fé r e n te s
catégories de paysans.
gestion des exploitations
L'extension
des résultats
Le tableau 2 d on n e une estim ation
des actions techniques réalisées par
les paysans.
Séance de conseil de gestion :
remplissage du carnet
d'analyse de l'exploitation.
C lic h é P. Kleene
De n om b reu ses rech e rch e s o n t
dém ontré q u 'u n taux de 30 % d 'e x ­
plo itatio ns touchées par les actions
de vulgarisation agricole est un bon
score (RÕLING, 1988). Le nombre de
p a rtic ip a n ts rég uliers aux séances
re p ré s e n te 5 à 10 % du to ta l des
exploitations des villages concernés
par
l 'o p é r a t i o n
c o n s e il
de
g e s tio n . Il est d o n c nécessaire de
to u c h e r une plus large frange d 'e x ­
p l o i t a t i o n s . O r , les p a y s a n s en
conseil de gestion — souvent alpha­
bétisés — peuvent jo u e r un rôle de
relais à l'égard des autres paysans de
leur village. Plusieurs voies o n t été
prospectées.
Les visites commentées
Les p r o d u c t e u r s , p a r t i c i p a n t au
co ns e il de gestion et ayant mis en
Tableau 2. Estimation des réalisations techniques entreprises par des paysans
participant au conseil de gestion.
Réalisations techniques
Nombre de villages concernés
Nombre de paysans participant au conseil de gestion
1993
1994
3
45
32
440
8
2
8
12
2
32
5
33
24
55
22
36
7
31
19
19
-
250
36
43
68
30
20
2
3
2
30
20
15
60
5
8
150
115
Aménagement des exploitations
Pépinière individuelle
Défriche contrôlée
Cordons pierreux
Bande d'Andropogon gayanus ou de ligneux
Haies vives impénétrables
Plantation d'arbre (bosquet, etc.)
Intégration agriculture-élevage
Stockage de résidus de récolte
Sole de fourrage pérenne (Stylosanthes)
Sole de fourrage annuel (maïs + dolique, sorgho fourrager)
Etables et fosses fumières
Complémentation des bœufs de trait (aliment concentré)
Complémentation des vaches allaitantes (idem)
p la c e des in n o v a tio n s , o rg a n is e n t
a v e c l 'a p p u i de l ' a n i m a t e u r des
visites commentées à l'intention des
autres paysans du villa ge ou même
des villages voisins. Les agriculteurs
c o m m e n te n t leurs propres réalisa­
tio n s . Le c o n s e ille r c o m p lè te les
in f o r m a t i o n s p o u r r e la n c e r les
débats. En moyenne, 4 visites c o m ­
mentées par village et par an ont pré­
senté des réa lis a tion s récentes. La
participation du p u b lic à ces visites
est i m p o r t a n t e , a t t e ig n a n t 2 0 à
50 personnes.
Les séances élargies
de conseil de gestion
Des séances de co nse il de gestion
élargies à des notables de quartier et
à d'autres leaders d 'o p in io n permet­
tent de faire connaître à l'ensemble
du village les travaux du groupe, de
m ie u x c e r n e r les b e s o in s d 'u n
ensemble plus vaste de paysans et de
définir les modalités de diffusion des
innovations techniques. Ces séances
d o n n e n t égalem ent une reconnais­
sance sociale aux jeunes paysans en
conseil de gestion. Elles constituent
aussi un v é h ic u le de l'in fo r m a tio n
technique et économique, nécessaire
à la promotion d'innovations.
Les paysans animateurs
Un c e rta in n o m b re de paysans en
conseil de gestion acceptent égale­
m ent de jo u e r un rôle d 'a n im a tio n
pour les paysans de leur quartier qui
s o uh aite ra ie n t d é v e lo p p e r certains
thèmes dans leurs e xploita tion s. Ils
p a rtic ip e n t à la diffusion de l'in fo r ­
mation en s'appuyant sur des fiches
techniques écrites en langue verna­
culaire ou recensent des besoins en
intrants pour le service de vulgarisa­
t i o n . Les sé a n c e s de c o n s e il de
gestion perm e tte nt de ré flé c h ir sur
l'o r g a n is a tio n à a d o p te r, s o u v e n t
différente selon les villages.
Intensification et diversification
Travail du sol en sec
Utilisation de fumier
Utilisation d'un semoir mécanique
Sarclage au mono-bœuf (maïs, riz)
Lutte étagée ciblée sur cotonnier
Riz pluvial
Expérience à Soumousso
En 1994, après une année d 'e x p é ­
r ie n c e a v e c 10 p a y s a n s de S o u ­
mousso, en relation avec la SOFITEX,
il a été décidé d'étendre la pratique
de la lutte étagée c ib lé e à tous les
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
25
gestion des exploitations
p ro d u c te u r s de c o to n du v illa g e .
Des paysans animateurs ont assuré la
f o r m a t i o n et le s u iv i des a u tre s
paysans.
Il est ressorti qu'un e telle approche
p o u v a i t ê tre e f f ic a c e d a n s les
conditions suivantes :
- le paysan animateur est reconnu et
n o m m é par un g ro up e hom og èn e
socialement ;
- l 'a c t i v i t é de f o r m a t i o n est
compatible avec celles du formateur ;
- le g r o u p e c i b l e est de t a i l l e
modeste ;
Discussion au champ
des innovations proposées.
- les champs suivis sont relativement
proches les uns des autres.
C lic h é P. Kleene
Afin de renforcer les activités de for­
mation des producteurs par les p ro ­
ducteurs, une séance de formation a
regroupé, début 1995, une trentaine
de paysans animateurs d'une dizaine
de villages.
Animation pour le plus
grand nombre
Il reste q u 'u n e ffo rt im p o r ta n t de
recherche d o it être encore consenti
p o u r a m é lio re r les p ro p o s itio n s et
d é v e lo p p e r des o u tils d 'a n im a tio n
p our des paysans non alphabétisés.
Une meilleure caractérisation sociolo g i q u e du r ô le e t du p r o f i l des
paysans a nim a te u rs est é ga le m e n t
indispensable.
Les perspectives
Cette a p p ro c h e de l'a n im a tio n en
m ilieu rural, fondée sur le conseil de
gestion à travers des paysans alpha­
bétisés, sem ble bien adaptée p o u r
améliorer la gestion des systèmes de
p r o d u c t i o n , au f o n c t i o n n e m e n t
souvent co m p le x e , en intégrant les
préoccupations du maintien de la fer­
tilité des sols et de d u ra b ilité de la
production agricole.
Un ensemble d'outils
disponibles
A l'h eu re actuelle, un ensemble de
produits est disponible et peut favori­
ser les opérations de développement
du conseil de gestion aux e x p lo ita ­
tio n s (ta b le a u 3). Les résu ltats de
recherche d oivent être approfondis,
en particulier en ce qui concerne la
capacité de la méthode à toucher des
paysans non alphabétisés, la possibi­
lité des paysans animateurs à obtenir
des résultats significatifs, l'adaptation
de la méthode à des productions spé­
cialisées com m e l'élevage, le maraî­
chage, etc. Néanmoins, à la suite des
premiers résultats, il paraît possible
d'étendre l'expérience à un nombre
im p o rta n t de v illa ge s dans la zone
c o to n n iè re . Cette étape est é g a le ­
m e n t n é c e s s a ire p o u r v a li d e r la
méthode à une échelle significative.
Des options différentes
pour promouvoir le conseil
Tableau 3. Documents sur le conseil de gestion à l'intention des paysans,
des conseillers et des projets.
2 6
Document
Destinataire
Observations
• Carnet de conseil de gestion
• Modules de formation
sur les actions techniques
• Guide de l'animateur
en conseil de gestion
• Manuel d'utilisation du carnet
de conseil de gestion
• Fiches de suivi-évaluation
des actions techniques
• Fiches et notes techniques
• Module de formation
des animateurs
Paysans
Paysans
en français et en dioula
12 modules en français
et en dioula
A griculture et développement ■
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Projet
n° 11 - Septembre 1996
10 fiches et notes diverses
En cours
de gestion
L'approche par le conseil de gestion,
vien t en co m p lé m en t des méthodes
proposées actuellement par le systè­
me national de vulgarisation, qui se
p ré o c c u p e é g a le m e n t de stratégie
pour le développement, des relations
entre les institutions agricoles et de
l'o rg a n is a tio n a d m in is tra tiv e d 'u n
service de vulgarisation. Dans cette
optique, le groupe d'agriculteurs en
conseil de gestion deviendrait un des
groupes suivis par le vulgarisateur,
actuellement souvent déterminés par
la proxim ité géographique. De plus,
de
n o m b re u x
é lé m e n ts s o n t
gestion des exploitations
c o m m u n s aux deux a pp roches : la
fo rm a tio n progressive étalée sur la
campagne agricole, l'introduction de
n o u v e lle s t e c h n o l o g i e s p a r les
paysans, l'im p a c t des visites sur la
d if fu s io n des in n o v a tio n s par des
échanges entre paysans, etc.
De part sa conception, le conseil de
gestion a c corde plus d 'im p o rta n c e
a u x m é th o d e s p a r t i c ip a t iv e s , les
thèmes sont plus fortem ent déterm i­
nés par les paysans e ux-m ê m e s et
surtout une approche globale de l'ex­
ploitation est mise en avant en p rivi­
lé g ia n t l 'i n t r o d u c t i o n de n o tio n s
d'é conom ie dans l'analyse des situa­
tio ns. La p la ce réservée à la lo g is ­
tiq u e est abse nte dans le système
« fo rm a tion et visite ». Une analyse
c o m p a r é e des a p p r o c h e s est
effectuée (tableau 4).
Mais il est également possible d 'im a ­
g in e r un c o n s e il de g e s tio n q u i
devien drait un o u til d 'a n im a tio n au
service de la profession agricole. Les
c o n s e ille rs p o u rr a ie n t d e v e n ir des
salariés d 'o rg a n is a tio n s paysannes
s o u c ie u s e s de d é v e lo p p e r des
services liés à la formation et l'in fo r­
mation de ses membres.
Tableau 4. Apports du conseil de gestion à la méthode « formation et visite ».
Caractéristique
Système national
de vulgarisation
Formation
Des agents par des chercheurs
Fréquence
Lieu
Conseil de gestion
Essentielle
Essentielle
• d'abord les TS
puis en cascade
• 1 jour, une fois par mois
• En salle
• Tous les agents
« Horizontalement »
• 2 fois par an, 1 semaine
• En salle et sur le terrain
• Suivi permanent par équipe
incluant des chercheurs
• De façon participative entre
conseiller et le
groupe conseil de gestion,
ensuite entre paysansanimateurs
et groupes de proximité
• Ecrit et oral
• Thèmes décidés à partir d'une
réflexion commune
• Tous les 15 jours
• Paysans alphabétisés
Des paysans
• Des vulgarisateurs aux paysans
puis de façon participative
dans les groupes de contact
Oral/écrit
Choix des thèmes
• Oral
• Thèmes retenus après enquête
auprès des paysans
• Tous les 15 jours
• Paysans « contact » choisis
par l'agent extension dans
les groupes de contact
par les paysans déjà formés
• Champs écoles collectifs
Fréquence
Croupe cible choix des paysans
Démonstrations
Adhésion volontaire, extension
aux groupes de proximité
avec le paysan-anim ateur
• Champs
des participants
au conseil de gestion
Visites
Essentielles
Essentielles
lntra-vi liage
• A ux champs écoles
• A ux champs des participants
Inter-village
• Rare
• Essentiel avant introduction
Nombre de de thèmes
• Limité à 1 ou 2
• Plusieurs en fonction du groupe
N ature des thèmes
• Essentiellement cultures
• Gestion de l'exploitation,
de nouveaux thèmes
cultures, élevage,
am énagem ent de l'espace
Logistique
Fourniture d'intrants
Absente dans « formation
et visite »
Limitée mais essentielle
• M ain te n u , lim ité par les CRPA
• Supposé assuré par les
• Intermédiation
• Appui à un approvisionnem ent
opérateurs économ iques
organisé localem ent par groupes
de paysans
•
C ollecte de la production
Par CRPA
: certaines
semences
• Appui
direct lim ité selon
parfois des engrais
modalités à fixer
• Absent
• Intermédiation et recherche de
solutions locales
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
gestion des exploitations
Exemples d'extensions et de diffusion
de nouvelles techniques
L'aménagement des exploitations
L'intégration agriculture-élevage
Motivations des paysans
Dans la zone ouest du Burkina, l'intégration de l'agriculture
et de l'élevage se développe. En témoignent l'essor de la
culture attelée et l'accroissement du cheptel dont la garde
n'est plus confiée à des Peuls. Mais cette évolution se heurte
à la régression des pâturages suite à une extension des terres
cultivées, à la gestion incontrôlée des feux de brousse qui
détruisent le disponible fourrager en fin d'hivernage et à l'in­
disponibilité en produits agro-industriels pour assurer une
co m p lé m e n ta tio n des anim aux en période de d é fic it
alimentaire. La conséquence de cette situation est le mauvais
état physique des anim aux, et des bœufs de tra it en
particulier, en fin de saison sèche. De plus, la production de
fumier est actuellement très faible, limitant les possibilités
d 'in te n s ific a tio n de l'a g ric u ltu re . La gamme des
innovations qui intéresse les paysans en traction animale ou
disposant d'un petit cheptel est très étendue.
Les raisons qui motivent les paysans à aménager leurs terres
sont diverses :
- en premier lieu, l'extension des champs cultivés, à la suite
de l'a u g m e n ta tio n de la p o p u la tio n , engendre des
phénomènes d'érosion particulièrement marqués sur les sols
fragiles ;
- la régression des zones disponibles pour les pâturages
provoque une augmentation des dégâts causés par les bœufs
sur les cultures. Les paysans concernés souhaitent donc
trouver des solutions à ce grave problème ;
- l'accroissement de la population migrante incite les
populations autochtones, mais aussi parfois allochtones, à
planter des arbres pour signifier un droit d'appropriation sur
l'espace qu'ils occupent.
Innovations retenues
Le stockage des résidus
Aussi, les innovations qui retiennent l'attention des paysans
sont forcément variées.
Les premières interventions concernent le stockage des
résidus de récolte (tiges de maïs, de sorgho ou fanes de
légumineuses) pour alimenter quelques têtes de bétail lors
des mois de février, mars et avril. Mais certains paysans sont
intéressés pour produire un fourrage de meilleure qualité en
associant de la d o liq u e dans une p arcelle de maïs :
le grain sera alors récolté pour la consommation humaine et
les tiges, mélangées à la légumineuse, serviront à nourrir les
animaux.
Pour lutter contre l'érosion, les cordons pierreux peuvent être
préconisés quand des cailloux sont disponibles à proximité.
Mais la technique la plus appréciée, en cas d'érosion
modérée, est l'installatio n dans les champs de bandes
étroites, parallèles aux courbes de niveau, d'une graminée
sauvage, Andropogon gayanus. Dans les zones les plus
densément peuplées, les paysans fo n t de nom breux
kilomètres pour s'en procurer afin de refaire le toit de leurs
cases. Bien sûr, il est également possible de fixer ces bandes
anti-érosives avec d'autres végétaux comme le Jatropha
curcas, des arbres épineux ou des arbres fruitiers. Fin 1994,
une vingtaine de paysans des villages de Daboura, Kourouma
et Soumousso ont installé dans des champs présentant de
petites ravines d'érosion, près de 15 kilomètres de bandes
anti-érosives.
Pour se prémunir contre la divagation du bétail, les paysans
plantent volontiers des haies vives impénétrables. Pour cela,
les espèces d'arbres les plus appréciées sont Acacia nilotica,
Acacia seyal, Bauhinia rufescens et Ziziphus mauritiana. Mais
pour que les arbres forment une belle haie, il est nécessaire
d'attendre entre 2 et 3 ans. Ces haies proviennent de plants
obtenus dans des pépinières chez les paysans volontaires.
La conduite des pépinières est généralement inconnue des
producteurs : aussi l'effort de formation est primordial.
Il n'est pas rare que les paysans choisissent simplement de
planter des arbres le long de leurs champs afin de matérialiser
leur présence ou pour obtenir du bois d'œuvre avec des
essences comme Cassia siamea, Eucalyptus camaldulensis,
Azadirachta indica ou Anacardium occidentale. Début 1995,
près de 30 000 arbres ont été plantés par une trentaine de
paysans des villages de Daboura, Kourouma et Soumousso et
ils ont résisté à une saison sèche au moins.
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
Installation d'une culture fourragère
L'installation d'une culture fourragère pure est plus rare et
n'intéresse généralement que les éleveurs importants. Il est
alors possible de semer de la dolique, du stylosanthes ou
du sorgho fourrager. Mais jusqu'à la récolte, il faut veiller à
protéger la parcelle des dégâts causés par les animaux et du
feu. Il faut également penser à produire des graines pour
renouveler la parcelle. Les séances de conseil de gestion en
salle sont des occasions propices pour discuter de la gestion
des systèmes fourragers.
Production de fumier
Pour stocker la récolte de fourrage, le paysan doit construire
un hangar qui servira égalem ent d 'a b ri pour les
animaux. Les bêtes passent alors la nuit dans cette étable,
reçoivent une petite ration de fourrage et produisent du
fumier. Ce fumier est parfois stocké en fosse fumière pour
achever sa décomposition pendant la saison des pluies
suivante et pour assurer une é lim in a tio n des graines
d'adventices. Il est bien évident que ces innovations engen­
drent un accroissement notable de la charge en travail des
paysans volontaires. En salle, les discussions avec les
producteurs portent beaucoup sur cette question, en
cherchant à mettre en relation les avantages attendus et les
coûts générés.
gestion des exploitations
L'intensification et la diversification
Promouvoir une agriculture durable, c'est aussi s'assurer du
développement d'une agriculture qui génère des revenus
attractifs pour les producteurs. Aussi, de nombreuses actions
touchent à l'intensification des systèmes de production.
Cette intensification passe par le développem ent de la
tractio n anim ale qui permet une m eille ure gestion du
calendrier cultural, un accroissement de la productivité
du travail induisant une augmentation du revenu monétaire.
Les exploitations concernées peuvent ainsi plus aisément
acquérir des facteurs de production.
Stimuler l'équipement
En 1993, dans le village de Soumousso, une réflexion a été
conduite, pour aider des paysans volontaires à s'équiper, en
raisonnant leur endettement en fonction de leurs besoins
et de leurs capacités financières actuelles et futures. De cette
manière, le groupement villageois a été mieux à même
de négocier, pour le compte de 15 producteurs, un crédit
d'équipement auprès de la Caisse nationale de crédit agricole.
Am éliorer le travail du sol
Quelques paysans en culture attelée, soucieux de préparer
précocement leur campagne agricole, sont intéressés par des
techniques de travail du sol en sec, qui permettent une
meilleure infiltration dans le sol des premières pluies. Ils peu­
vent alors semer plus tôt certaines cultures (maïs, cotonnier).
Cette opération demande que les bœufs soient en bon état à
cette période de l'année et, donc, aient bénéficié d'une
alimentation complémentaire.
Nouveau programme de protection du cotonnier
Un travail important a été également mené, en relation avec la
Société burkinabé des fibres textiles et le programme coton de
l'INERA, pour proposer un nouveau programme de protection
phytosanitaire du cotonnier, la lutte étagée ciblée. Il s'agit de
c o m b in e r des traitem ents insecticides systématiques
sur cotonnier tous les 15 jours, mais à dose réduite, avec des
traitements supplémentaires, non obligatoires, fonction de la
nature et de l'intensité du parasitisme. Cette technique, qui
doit être maîtrisée par chaque paysan volontaire, implique
un e ffo rt de fo rm a tio n im portant. Si elle est c o nd uite
convenablement, elle entraîne des économies substantielles et
assure une meilleure protection des cotonniers.
Diversification des cultures
La d iv e rs ific a tio n des cultures est une nécessité pour
les paysans soucieux de répartir les risques encourus.
L'introduction de variétés de riz pluvial, mises au point par
le programme riz de l'INERA, mais peu ou pas diffusées,
constitue une opportunité fort appréciée. La dévaluation a
accéléré l'intérêt de paysans disposant de terres en bas de
pente pour cette nouvelle culture qui exige toutefois des soins
relativement intensifs. Les paysans sont donc demandeurs de
conseils dans ce domaine.
Démonstration d'une étable-fosse fumière construite
pour l'un des participants du groupe conseil de gestion à Pauankuy.
Cliché P. Kleene
A griculture et développement ■
n° 11 - Septembre 1996
gestion des exploitations
Résumé... Abstract... Resumen
G. FAURE, P. KLEENE, S. 0UEDRA0G0 — Le conseil
analysis is carried out using surveys employing groups of
de gestion aux exploitations agricoles de
10-20 volunteers. The farmers complete forms (written in
l'Ouest du Burkina Faso, outil de vulgarisation.
French and Oioula) providing information on the farm,
La méthode de conseil de gestion, élaborée récemment
hold group discussions on possible technical innovations
au Burkina Faso, permet de promouvoir des actions de
to in tro du ce , and p a rticip a te in fie ld visits. Some
formation pour les paysans, tout au long de l'année et
subsequently become anim ators in th eir village. As
sur des points d 'actualité du calendrier agricole. Le
conceived in Burkina, management advice, an aid to
système « formation et visite » de vulgarisation n'est que
animation between adviser and farmers, gives greater
partiellement adapté aux demandes des agriculteurs, les
importance to participatory methods — with a small
propositions techniques étant encore trop normatives ou
group of literate farmers and documents written in the
peu adaptées à la diversité des situations. Le conseil de
national Dioula language — and is complementary to
gestion est une méthode qui prend en compte l'ensemble
national extension methods. This method has recently
de la situation d'une exploitation et cherche en dialogue
been applied in about 40 villages and could be extended
avec le paysan, un cheminement d'am élioration sur
to numerous other villages in the cotton growing region.
plusieurs années. Une méthodologie de recherche-action
a été déve lop p ée par une équipe d 'a g e n ts de
développement et de chercheurs, fondée sur les acquis de
Keywords : cotton, managem ent advice, production
system, extension, rural animation, Burkina.
la recherche, de la vulgarisation et de l'alphabétisation
en milieu rural. L'analyse des exploitations est réalisée
en se ré fé ra n t à des e nquêtes. Cette m éthode
d'animation s'adresse à des volontaires, constituant des
G. FAURE, P. KLEENE, S. OUEDRAOGO — El consejo
groupes de 10 à 20 personnes. Les paysans complètent le
de gestion de las exploitaciones agrícolas del
carnet rédigé en français ou en dioula renseignant sur
Oeste de Burkina, una herramienta de
l'e x p lo ita tio n , discutent en groupe des innovations
vulgarización.
techniques possibles à introduire, participent à des visites
de terrain ; certains deviennent par la suite animateurs
dans leur village. De par sa conception au Burkina, le
conseil de gestion, outil d'animation entre un conseiller et
les paysans, accorde plus d'importance aux méthodes
participatives — avec un petit groupe de lettrés et des
documents rédigés en langue nationale dioula — et
vie n t en com plém ent des méthodes n ationales de
vulgarisation. Cette démarche a concerné récemment une
qua ra nta in e de villages et peut être étendue à de
nombreux villages de la zone cotonnière.
Mediante el método del consejo de gestión, elaborado
recientemente en Burkina, se trata de promover acciones
de formación de los campesinos, durante todo el año,
respecto a puntos de actualidad del calendario agrícola.
El sistema "formación y visita" de vulgarización ya no se
adapta a las demandas de los agricultores y, por otro
lado, la d eterm inación de los temas es demasiado
centralizada. El consejo de gestión es un método que
toma en cuenta la situación global de una exploitación y
busca, en diálogo con los campesinos, una via de mejora
para varios años. Un equipo de personal de desarrollo e
Mots-clés : cotonnier, conseil de gestion, système de
investigaciones ha desarrollado una metodologia de
production, vulgarisation, animation rurale, Burkina.
in vestiga ció na cció n basada en los logros de la
investigación, la vulgarización y la alfabetización en
medio rural. El análisis de las exploitaciones se realiza
refiriéndose a encuestas. Este método de instrucción está
destinado a voluntarios que constituyen grupos de entre
G. FAURE, P. KLEENE, S. OUEDRAOGO — Farm
10 y 20 personas. Los campesinos completan fichas
management Group Counselling in West
(redactadas en francés y en diula) con datos sobre su
Burkina, an extension tool.
exploitación, discuten en grupo de las innovaciones
The method of management advice, developed recently
técnicas que se pueden introducir, participan en visitas en
in Burkina, involves promotion of training activities for
el terreno y algunos llegan a ser después instructores en
the farmers throughout the year and on points of topical
sus pueblos. Debido a su concepción en Burkina, el
interest in the agricultural calendar. The «Training and
consejo de gestión, que es una herramienta de instrucción
Visit» system of extension is no longer suited to farmers'
e n tre un consejero y los cam pesinos, o to rg a más
requirements. Moreover, choice of the subjects covered
importancia a los métodos participativos (con un pequeño
rem ains overcentralised. Farm M anagem ent Group
grupo de alfabetización y documentos redactados en la
Counselling is a method that takes account of the whole
lengua nacional d iula ) y complementa los métodos
situation of a farm and seeks progressive improvement
nacionales de vulgarización. Este procedimiento se aplicó
over several years, in dialogue with the fa rm e r. A
re cie ntem en te a unos cu arenta pueblos y puede
methodology of action-research has been developed by a
extenderse a numerosos pueblos de la zona algodonera.
team of development agents and researchers, based on
the results of research, and on extension and literacy
campaigns in the rural environment. Farm household
A griculture et développement ■
Palabras clave : algodonero, consejo de gestión, sistema
de producción, vulgarización, instrucción rural, Burkina.
n° 11 - Septembre 1996
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