Download lyc é ensaucin é ma - Lycéens et apprentis au cinéma en Pays de la

Transcript
LY C É E N S
A U
C I N É M A
SOMMAIRE
SYNOPSIS, FICHE TECHNIQUE ET ARTISTIQUE
3
Mode d’emploi
3
LE RÉALISATEUR - Anthony Mann,
au risque de l’art classique
4
MANN EN BREF
4
GENÈSE - Du pulp au film
5
Documents
5
DÉCOUPAGE SÉQUENTIEL
6
Guide
7
ANALYSE DU RÉCIT - Voyages dans le temps
7
TRAITEMENT ET SIGNIFICATION
L’Ouest et ses symboles
8
Piste pédagogique 1
9
ACTEUR PERSONNAGE - James Stewart…
et les autres
10
Piste pédagogique 2
11
MISE EN SCÈNE - Logiques biaisées du paysage
12
Définition(s)
12
Piste pédagogique 3
13
ANALYSE DE SÉQUENCE - Vestiges à
Dutch Creek
14
Atelier 1
15
ANALYSE DE PLANS - Direction, la montagne
16
Atelier 2
16
FILMER… Le duel
17
Atelier 3
17
POINT TECHNIQUE - Puissances du Scope
18
Atelier 4
18
L'AFFICHE
19
Ouvertures pédagogiques
19
CRITIQUE - Atelier critique
20
AU PRÉSENT - Le western aujourd’hui
21
EN MARGE - La chanson
22
FILMOGRAPHIE
23
RÉFÉRENCES
23
LES RÉDACTEURS
Rédacteur en chef : Guy Astic, enseignant de lettres et de cinéma à l’université d’Aix-en-Provence et dans le secondaire, est corédacteur en chef de la revue Simulacres et co-dirige les éditions Rouge Profond.
Rédacteurs du dossier : Jean-Louis Leutrat, professeur à Paris III-Sorbonne Nouvelle et à Oxford (Fellow de Wadham College), est
l’auteur de nombreux livres sur le western, le cinéma général et fantastique en particulier, et la littérature. Suzanne Liandrat-Guigues,
maître de conférences à l’Université Charles de Gaulle-Lille III, a consacré des ouvrages à Godard, Hawks, Visconti et la sculpture au
cinéma.
Rédacteur pédagogique : Thierry Méranger, professeur agrégé de Lettres modernes, rédacteur aux Cahiers du cinéma, est formateur
dans le cadre de Lycéens au cinéma en région Centre, et responsable d’une option Cinéma et Audiovisuel et d’un atelier artistique.
Directeur de publication : Catherine Colonna - Propriété : CNC (12 rue de Lübeck, 75784 Paris Cedex 16, www.cnc.fr) - Directeur de collection : Jean
Douchet - Rédacteur en chef : Guy Astic - Auteur du dossier : Jean-Louis Leutrat & Suzanne Liandrat-Guigues - Rédacteur pédagogique : Thierry Méranger
- Conception et réalisation : Atelier de Production Centre Val de Loire (24 rue Renan, 37110 Château-Renault, tél. 02 47 56 08 08, fax 02 47 56 07 77,
site : www.apcvl.com).
APCVL, coordination éditoriale : Luigi Magri - Conception graphique : Dominique Bastien - Conception multimédia : Julien
Sénélas - Les textes sont la propriété du CNC - Publication septembre 2004 - Dossier maître et fiche élève sont à la disposition des personnes qui participent au dispositif sur : www.lyceensaucinema.org. L’APCVL remercie Columbia, Les
Grands Films Classiques, 20th Century Fox, Films sans Frontières, Action/Théâtre du temple, MGM, Warner, Connaissance
du cinéma, Pathé DistributionLes Cahiers du cinéma, Positif, la Bibliothèque du Film (BIFI).
2
SYNOPSIS
Mode d’emploi
Ce livret s’articule en deux volets. Le premier concerne le texte
principal, rédigé par un universitaire ou un critique de cinéma.
L'Homme
de la plaine
Constitué de parties informatives, analytiques et techniques, il
se développe suivant des rubriques variées, conçues comme
des repères précis, voués à faire le point, entre autres, sur la
genèse du film, le récit, l’acteur/personnage, des archétypes de
mise en scène, tout en proposant des approches plus formelles
telles que l’analyse de séquence et de plans. L’objectif n’est pas
d’offrir une lecture exhaustive, mais une approche cohérente
et ouvrante à l’attention de l’enseignant qui pourra en faire un
usage immédiat ou l’adapter à des orientations qui lui sont
plus personnelles.
Will Lockhart se rend à Coronado (Nouveau-Mexique) pour
livrer un chargement. Il vient de loin (de Laramie) avec un mobile précis : venger la mort de son frère. Dès son arrivée, il se
heurte à trois hommes : un vieux propriétaire terrien prospère,
en passe de devenir aveugle, son fils dégénéré et son contremaître ambitieux. Impliqué malgré lui dans des luttes foncières,
il rencontre la nièce du rancher et la rivale de celui-ci, femme
forte secrètement amoureuse de lui. Hanté par le fantôme de
son frère, il devra démêler le vrai du faux, faire la lumière sur un
trafic d’armes avec les Indiens.
Le second volet, signalé par les zones grisées et rédigé par un
professeur, relève plus des situations d’enseignement. Suivant
deux directions : des “Pistes pédagogiques” sont déduites du
texte central et le complètent ; des “Ateliers” proposent des
exercices impliquant la participation des élèves. Renvoyant de
l’un vers l’autre, un pictogramme
☞
achève de renforcer le
lien entre le livret et la Fiche Élève, toujours dans un souci
d’efficacité et de lisibilité.
Les sites ressources pour l’approche du film et son réalisateur, pour l’éducation à l’image ainsi que pour des
bases de données sur le cinéma, sont accessibles sur
www.lyceensaucinema.org. Le site propose aussi le dossier maître et la fiche élève au format pdf.
Les références des films évoqués dans ce dossier, disponibles en vidéo ou DVD, sont précisées page 23.
La copie DVD de L’Homme de la plaine est disponible à la
vente (Columbia Tristar Home Video) et auprès de
l’ADAV pour une utilisation en milieu scolaire (tél. 01 43
49 10 02).
FICHE TECHNIQUE ET ARTISTIQUE
L’Homme de la plaine / The Man from Laramie
États-Unis, 1955
Réalisation : Anthony Mann - Scénario : Philip Yordan, Frank Burt, d’après L’Homme de la plaine de Thomas T. Flynn, paru dans
le Saturday Evening Post - Image : Charles Lang - Son : George Cooper - Montage : William Lyon - Décors : James Crowe Directeur artistique : Cary Odell - Musique : George Duning - Chanson : Lester Lee-Ned Washington - Maquillage : Clay
Campbell - Assistant réalisateur : William Holland - Interprétation : James Stewart (Will Lockhart), Arthur Kennedy (Vic
Hansbro), Donald Crisp (Alec Waggoman), Alex Nicol (Dave Waggoman), Cathy O’Donnell (Barbara Waggoman), Aline
MacMahon (Kate Canaday), Jack Elam (Chris Boldt), Wallace Ford (Charley O’Leary), John War Eagle (Frank Darrah), James
Millican (Tom Quigby), Gregg Barton (Fritz), Boyd Stockman (Spud Oxton), Frank De Kova (Padre) - Production : Columbia
Pictures - Producteur : William Goetz - Durée : 104 mn - Technicolor - Format : 35mm, CinémaScope 1/2,35 - Visa n° 16 855
- Sortie américaine : juillet 1955 - Sortie française : 2 décembre 1955 - Distribution 2004 : Columbia.
3
LE RÉALISATEUR
Anthony Mann,
au risque de l’art classique
LES WESTERNS
D’ANTHONY MANN
1950 La Porte du Diable / Devil's
Doorway
Les Furies / The Furies
Winchester 73
1952 Les Affameurs / Bend of the
River
1953 L'Appât / The Naked Spur
1954 Je suis un aventurier / The Far
Country
1955 L'Homme de la plaine / The
Man from Laramie
La Charge des tuniques
bleues / The Last Frontier
1957 Du sang dans le désert / The
Tin Star
1958 L'Homme de l'Ouest / Man of
the West
1960 La Ruée vers l'Ouest /
Cimarron
La filmographie complète du réalisateur
figure à la page 23.
Anthony Mann (Emil Anton Bundmann) est né le 30 juin 1906 à San Diego
(Californie). Sa carrière est d’abord théâtrale — il monte sur une scène de
Broadway dès l’âge de quatorze ans. Il obtient un engagement au Grand Street
Playhouse New York, et joue dans Le Dibbouk et The Little Clay Card. En 1930, à
vingt-quatre ans, il devient régisseur et travaille aux côtés de Rouben Mamoulian,
David Belasco, Chester Erskine, apprenant « comment ils dirigeaient les acteurs,
comment ils transformaient les pièces, développaient des scènes, les mettaient en
place(1). » En 1934, il fonde la Stock Company dont fait partie James Stewart et
finit par attirer l’attention de David O. Selznick qui l’engage en 1938 — ce dernier
dirige sa propre compagnie de production depuis 1936.
Il travaille pour le producteur sur La Famille sans soucis (Richard Wallace, 1938), Les
Aventures de Tom Sawyer (Norman Taurog, 1938), Autant en emporte le vent
(Victor Fleming, 1939)… Il devient assistant metteur en scène pour Les Voyages de
Sullivan (1941) de Preston Sturges : « C’était un homme merveilleux et il m’a laissé beaucoup de liberté. J’ai même réalisé des scènes et il m’indiquait comment travailler et quels étaient mes défauts. » Le metteur en scène que préfère Anthony
Mann est John Ford : « En un plan, il expose plus vite qu’aucun autre l’endroit, le
contenu, le personnage. Il a la plus grande conception visuelle des choses et je
crois à la conception visuelle des choses. » Lorsque Mann débute comme metteur
en scène avec Dr. Broadway (1942), il a donc beaucoup appris en observant les
autres et en s’exerçant ici ou là. Pour parfaire sa formation, il enchaîne pendant
cinq ans une série de films bon marché, des films noirs pour la plupart, jusqu’à La
Brigade du suicide (1947), son premier film sérieux d’après lui, pour lequel il a écrit
le scénario dès le début.
Il tourne ses premiers westerns en 1950, avec, la même année, La Porte du Diable,
Les Furies et Winchester 73. Puis, ce sont huit films avec James Stewart. La période représente, pour beaucoup, le sommet de la carrière du cinéaste, grâce aussi à
la collaboration avec des scénaristes comme Borden Chase ou Philip Yordan, ou
des chefs opérateurs comme John Alton ou William Daniels. Par la suite, Anthony
Mann aborde différents genres, du film de guerre (Côte 465, 1957) au péplum (La
Chute de l’empire romain, 1964), en passant par le film musical (Sérénade, 1956),
le film historique (Le Cid, 1961), l’adaptation d’une œuvre littéraire renommée (Le
Petit Arpent du Bon Dieu, 1958), sans oublier le western avec La Charge des
tuniques bleues (1956), Du sang dans le désert (1957), L’Homme de l’Ouest (1958)
et La Ruée vers l’Ouest (1960). Dans un article, Jean-Luc Godard a salué L’Homme
de l’Ouest (“Super Mann”) pour lequel il avance la notion de « sur western ». Ses
derniers films à grand spectacle sont généralement méprisés (Les Héros de
4
Télémark, 1965…). Mann aurait dû réaliser Spartacus dont il tourne le début, mais
Kirk Douglas lui préfère Stanley Kubrick. Il meurt prématurément à Berlin-Ouest, le
29 avril 1967, sur le tournage de Maldonne pour un espion, qui sera achevé par
Laurence Harvey.
La carrière d’Anthony Mann comprend donc quarante films, dont onze westerns
réalisés entre 1950 et 1960. « C’est le genre le plus populaire et il donne plus de
liberté que les autres pour mettre en scène des passions et des actions violentes.
[…] Grâce à lui, vous possédez les plaines, le vent, le ciel, les endroits où vous
n’avez jamais été. Et puis, et cela est très important, il libère tout ce que les personnages ont au fond d’eux-mêmes. Ils redeviennent primitifs, proches des Grecs,
et il y a en eux de l’Œdipe ou de l’Antigone. » Mann tourne ces films au moment
où s’achève un certain système hollywoodien que l’on a pu qualifier de “classique”. Parallèlement, le western va entrer en crise. Lorsque Mann abandonne le
genre, Sergio Leone se prépare à l’aborder dans un esprit rien moins que classique,
déjà perceptible dans L’Homme de l’Ouest. ☞
(1) Propos recueillis par BITSCH, Charles & CHABROL, Claude, “Entretien avec Anthony
Mann”, Cahiers du cinéma, n° 69, mars 1957.
DOCUMENTS
GENÈSE
Du pulp au film
Le scénario de beaucoup de westerns trouve souvent son origine dans un
récit publié dans un pulp magazine — ainsi nommé parce que le papier était
de qualité médiocre — ou dans un slick magazine (au papier plus lisse).
Celui du film d’Anthony Mann provient d’un court texte, L’Homme de
Laramie, paru dans le Saturday Evening Post, le magazine qui publia, entre
autres, les récits de James Warner Bellah (Massacre inspira Le Massacre de
Fort Apache de John Ford). L’Homme de Laramie vit le jour en feuilleton en
1954 avant qu’il ne devienne un livre en édition de poche (Pocket Books).
L’auteur, Thomas Theodore Flynn (né en 1902), a écrit, dès 1926, plus d’une
centaine de courts romans et nouvelles, la plupart sur le thème de l’Ouest.
Il meurt en 1979 à Bâton-Rouge, laissant plusieurs recueils de ses longues
nouvelles encore édités aujourd’hui. Le film suit le roman dans ses grandes
lignes. Toutefois, T. T. Flynn conclut par un duel classique entre le héros et
le villain (le scélérat). Dans le film, Will Lockhart laisse partir Vic Hansbro
tout en sachant que les Indiens se chargeront de l’éliminer.
Les subtilités du script tiennent autant au réalisateur qu’aux scénaristes,
notamment Philip Yordan, qui vient juste d’être le scénariste de Johnny
Guitare (Nicholas Ray, 1954), avec lequel Mann a déjà travaillé (pour Le Livre
noir, 1949) et inaugure une série remarquable d’adaptations littéraires (La
Charge des tuniques bleues, 1955 ; Côte 465, 1957 ; Le Petit Arpent du Bon
Dieu, 1958). Dans l’esprit, Anthony Mann avait prévu des relations différentes entre les personnages : « Si l’on m’avait laissé entièrement libre pour
L’Homme de la plaine, Stewart n’aurait pas été un personnage venu de l’extérieur : j’en aurais fait le frère aîné du jeune homme et la violence des rapports entre les personnages du drame en aurait été accrue ; en fait, il aurait
même découvert à la fin que son père était le véritable auteur du trafic
d’armes avec les Indiens. Je crois qu’ainsi l’histoire aurait eu bien plus de
force, mais le producteur n’a pas osé.(1) » La perspective de deux frères radicalement différents, comme dans Winchester 73, aurait permis de porter le
conflit au cœur d’une contradiction majeure. C’est sans doute la raison
pour laquelle Barbara, la fille de Alec Waggoman dans la nouvelle, devient
sa nièce dans le film ; selon le projet de Mann, elle aurait été la sœur du
héros, ce qui rendait toute intrigue sentimentale impossible.
Le tournage commence le 29 septembre 1954 au Nouveau-Mexique. Bien
qu’il ait programmé six lieux différents, Mann finit par tourner dans dix-huit
endroits, tous dans un périmètre de cent miles autour de Santa Fe. L’un des
deux sites fictionnels les plus importants, le Barb Ranch, se trouvait à trente-deux miles de Sante Fe. L’autre, le Half Moon, a été construit sur le Jarrett
Ranch, site de la vieille ville minière de Bonanza (Bonanza Creek Ranch près
de La Cienega, au sud de Santa Fe, qui servira pour Cow-boy de Delmer
Daves, 1958). Des scènes ont été également tournées au village Pueblo de
Tesuque à dix miles au nord de Santa Fe (place et église). Les autres lieux de
tournage sont : Laguna del Perro, Sandia Crest, Taos. Là où ce fut nécessaire, les antennes de télévision furent démontées. Quatorze poteaux électriques furent déplacés. Après vingt-huit jours en extérieur, le tournage
s’acheva aux studios de la Columbia à Hollywood, le 16 novembre 1954.
Dans les toutes premières images de la
bande-annonce de L’Homme de la plaine,
visible dans les bonus du DVD, James
Stewart tient à la main un exemplaire du
Saturday Evening Post dans lequel figure le
texte de Thomas T. Flynn. Si ce dernier a collaboré à d’authentiques pulps (en anglais,
pulpe de bois) comme Dime Mystery ou
Dime Western Magazine, le support dans
lequel est publié son roman feuilleton se
situe entre le magazine populaire américain à
bon marché et le slick magazine. The
Saturday Evening Post était, en fait, un “fictionmagazine”. L’Homme de Laramie y parut
en huit parties, la première dans le numéro
du 2 janvier 1954, avec une illustration de
Fred Ludekens — à titre indicatif, l’hebdomadaire comptait cette semaine-là sept
articles, cinq nouvelles, deux épisodes de
roman ; la dernière partie parut le 20 février
1954. Sous les couvertures hautes en couleurs des pulps, dont l’âge d’or se situe entre
1920 et 1957, sont publiées des histoires de
tous genres avec des héros devenus universels (Tarzan, Zorro, Doc Savage, Le
Shadow…). Pour le western, la figure emblématique reste Pete “Pistol” Rice, le plus
grand cow-boy de l’Ouest, chargé du maintien de la loi dans le comté de Trinchera dans
l’Arizona (1).
(1) Cahiers du cinéma n° 69, mars 1957
(1) Pour plus de détails, lire SAINT-MARTIN, Francis,
Les Pulps. L’âge d’or de la littérature populaire
américaine, Amiens, Encrage, coll. “Travaux”,
2000.
5
Découpage séquentiel
N = fermeture au noir ; E = fondu enchaîné ;
C = cut ; E = fondu enchaîné à fonction
démarcative faible
1) Générique [C01] Cartons sur le dessin d’un fil
de fer barbelé. Chanson en off. N
2) 1mn27s. [C02] Dans le décor désertique de
Dutch Creek, trois chariots conduits par Will
Lockhart. Le convoi s’arrête près de restes calcinés, traces de soldats de la cavalerie massacrés
parmi lesquels le frère de Will. E
3) 4mn47s. Coronado. Arrivée des chariots
[C03]. Will entre dans le magasin Waggoman. Le
patron est une jeune femme (Barbara). Ils prennent le thé. En partant, Will examine un fusil qui
l’intrigue. E
4) 10mn07s. La fin du jour. Will rejoint Barbara
qui sort de l’église. Il lui demande comment ne
pas repartir à vide. Elle lui indique l’existence de
gisements de sel. N
5) 12mn03s. Les salines. Will et ses hommes remplissent les chariots. [C04] Les hommes d’Alec
Waggoman conduits par Dave, le fils, les interrompent. Dave immobilise Will par un lasso, le fait
traîner sur le sol, abat les mules et brûle les chariots. Vic, le contremaître du ranch, s’oppose à
Dave. E Will paye ses hommes et reste avec le
vieux Charley qui part se renseigner chez les
Apaches. E
6) 18mn43s. Coronado, la nuit tombante. Arrivée
de Will qui se rend au magasin. Barbara lui
apprend qu’elle est la cousine de Dave et que son
père a travaillé pour Alec. N
7) 21mn44s. [C05] Un troupeau entre dans la
ville. Will apercevant Dave, une lutte s’ensuit. Vic
intervient. Dave s’apprête à tirer dans le dos de
Will. Kate Canaday l’en empêche. [C06] Entre en
scène Alec qui propose à Will de le rembourser
des dommages subis. Kate invite Will à venir à son
ranch. Un spectateur, Chris Boldt, met en garde
Will. C
8) 26mn50s. [C07] Vic se rend dans le magasin
de Barbara qui est sa fiancée. Elle ne croit pas à la
promesse d’Alec de faire de Vic son héritier à part
égale avec Dave. E
17) 55mn43s. Ranch de la Demi-Lune. Will part
récupérer le bétail de Kate qui s’est mêlé aux
bêtes de Waggoman. E
18) 56mn11s. Dave et Vic surveillent les troupeaux. [C19] Dave, apercevant Will, décide de
l’attaquer. E Dave est blessé à la main. [C20] Ses
hommes immobilisent Will pendant que Dave lui
tire à bout portant dans la main droite. C
9) 28mn34s. [C08] Ranch de la Demi-Lune. Kate
propose à Will d’être son contremaître. Il refuse et
lui emprunte un cheval. N
10) 30mn15s. Ranch Barb. Will s’entretient avec
Vic. [C09] Alec offre à Will un dédommagement.
Alec vieillit et perd la vue. [C10] Il a une explication avec Vic. E
19) 1h01mn47s. Dave se dirige vers un sommet
[C21] où est dissimulé un chariot plein de caisses
de fusils. Il s’apprête à faire des signaux de fumée.
Vic survient et le tue. E
11) 36mn47s. Paysage désertique. Will rencontre
Charley de retour de chez les Apaches qui attendent une livraison de fusils. E
20) 1h06mn40s. Ranch de la Demi-Lune. Kate
aidée de Barbara soigne la main de Will. Elle
raconte qu’elle a été fiancée à Alec. Barbara exprime la confusion dans laquelle elle se trouve. E
12) 39mn34s. [C11] Will surprend Chris Boldt
qui le suivait et qui prétend vouloir lui vendre des
informations. Will refuse. E
21) 1h10mn30s. Ranch Barb. Vic ramène le corps
de Dave. Les hommes accusent Will. N
13) 41mn10s. [C12] Coronado. Le shérif demande à Will de quitter la ville. N
22) 1h12mn30s. [C22] Ranch de la Demi-Lune.
Le shérif annonce la mort de Dave et l’accusation
portée contre Will. E
14) 42mn12s. [C13] Coronado. Le soir, fête de
mariage chez les Indiens Pueblo. Will seul dans la
rue est agressé par Chris un couteau à la main. Il
le met en fuite [C14] puis rejoint la fête où il
retrouve Barbara. Il comprend qu’elle est fiancée à
Vic. Il s’en retourne. [C15] Le shérif l’arrête car on
a trouvé Chris mort. N
23) 1h13mn58s. Ranch Barb. Alec et ses hommes
partent pour l’enterrement de Dave. E. Sortie de
l’église. Kate exprime ses regrets à Alec. Ce dernier part seul se venger. E
24) 1h15mn38s. [C23] Ranch de la Demi-Lune.
Alec arrive à cheval tire sur Will au jugé. Will lui
explique qu’il n’est pas l’homme de son rêve et
qu’il n’a pas tué Dave. N
15) 47mn03s. [C16] Will en prison. Alec, qui
voudrait savoir la raison de sa venue, lui confie un
rêve qui l’obsède. [C17] Kate a obtenu la liberté
provisoire de Will à condition qu’il travaille pour
elle. E
25) 1h17mn10s. [C24] Ranch Barb. Alec à son
bureau fait remarquer à Vic que les comptes sont
faux : un chariot de fils de fer n’est jamais arrivé.
Alec part à la recherche d’une cachette possible. E
16) 51mn10s. Ranch Barb. Dans son bureau, Alec
parle en vain des comptes du ranch à Dave. Vic
leur annonce que Kate a engagé Will. Dave veut
agir immédiatement. Alec s’y oppose. [C18] Il
confie à Vic qu’il devient aveugle et lui demande
de veiller sur Dave. E
26) 1h19mn13s. Au milieu du désert, Will retrouve Charley qui a repéré des traces de roues d’un
chariot chargé se dirigeant vers la montagne. E
6
27) 1h20mn39s. [C25] Alec et Vic à cheval dans
un paysage rocheux. Alec a deviné où se trouvait
le chariot. Vic, en tentant de l’arrêter le fait tomber de cheval. C
28) 1h 22min 40s. Will et Charley arrivent sur les
lieux. E Will découvre Alec blessé. E
29) 1h24mn01s. [C26] Ranch de la Demi-Lune.
Kate, Barbara et Will attendent qu’Alec reprenne
connaissance. Survient Vic qui croit Alec mort.
Will le détrompe. N
30) 1h27mn55s. [C27] Le temps a passé. Alec
confie à Will que l’homme de son rêve et celui
qu’il recherche est Vic. Ce dernier s’est enfui. C
31) 1h30mn45s. Au petit matin, Will chevauche
dans un paysage nocturne de crêtes. E (successifs). Au lever du jour, il trouve le chariot dissimulé. [C28] Vic fait des signaux pour avertir les
Apaches. Les Indiens approchant, Will oblige Vic à
faire basculer le chariot dans le vide puis le laisse
partir. E. Vic est abattu par les Indiens. E
32) 1h36mn29s. Ranch Barb. Will prend congé.
Kate annonce son mariage prochain avec Alec. Il
invite Barbara à venir à Laramie. Début de la chanson. N
33) 1h37mn37s. Générique de fin sur le dessin
initial du barbelé.
Le minutage ci-dessus est celui d’un DVD ; la vitesse de défilement étant de 25 images par seconde
(au lieu de 24), la durée totale indiquée ici est
inférieure à la durée réelle du film (1 heure 44
minutes). Le découpage séquentiel est différent
du chapitrage du DVD, indiqué ici en gris.
Guide
Le découpage séquentiel est l’un des outils
dont dispose l’analyse du film. La descrip-
A N A LY S E D U R É C I T
Voyages dans le temps
tion précise et minutée de toutes les
séquences — définies comme unités narratives — permet un regard synthétique
sur une structure perçue intuitivement.
L’étude des variations spatio-temporelles
permet ainsi de mettre en perspective les
caractéristiques essentielles du récit et
d’en faire émerger les motifs récurrents.
L’Homme de la plaine, contrairement aux
œuvres qui suggèrent une progression
linéaire, joue du fractionnement. Émiettement temporel, d’abord, qui peut être
observé à travers un relevé des signes de
ponctuation forte dont on s’attachera à
préciser les différentes valeurs (voir cicontre). Discontinuité spatiale, ensuite, à
travers le repérage des quatre types de
lieux qui alternent et s’opposent (sites
désertiques et milieu “urbain”, ranches
Barb et Half Moon) en témoignant à
chaque fois de la tentation contradictoire
de l’exploration et du départ. Rien d’étonnant, donc, à constater que l’intrigue du
film ne cesse de redire la perte de l’unité,
à l’instar d’un Alec Waggoman qui devra
se résigner au morcellement de sa propriété, précipité conjointement par l’avènement des fence raisers (poseurs de clôtures) et la défection de ses héritiers.
L’une des questions que pose L’Homme de la plaine est évidemment celle de
la temporalité. L’action se déroule au moins en dix jours, mais ce chiffre peut
être supérieur : Will se rend-il au ranch Barb le même jour que celui où Kate
l’invite chez elle (séquences 7 et 9) ? La fête indienne située entre deux fermetures au noir est-elle ou non dans le prolongement de la journée où Chris
suit Will (séquences 12 et 14) ? Même hésitation pour le moment où le shérif vient annoncer la mort de Dave (séquence 22). Ce qui est vrai de la temporalité du récit l’est aussi du contexte historique mal défini en raison d’indices trompeurs. Le fil barbelé existe aux États-Unis à partir de 1874. Or le
ranch Waggoman ne comporte aucune clôture — ce que confirme l’épisode
du bétail errant de Kate (séquence 17). Le fusil à répétition qui est dans le
magasin de Barbara (séquence 3) et ceux qui ont été vendus aux Indiens
sont-ils des Winchester alors que le nom n’est pas prononcé – la référence à
Winchester 73 semble l’indiquer et les fusils à répétition Winchester existent
depuis 1858 ?
Les découpes temporelles au cinéma n’obéissent pas aux mêmes lois que la
narration verbale. Outre la variation d’éclairage qui permet d’interpréter le
passage du jour à la nuit, les signes de démarcation sont à chercher au
niveau du montage dans l’utilisation de procédures spécifiques comme le
fondu enchaîné ou la fermeture au noir dont Anthony Mann use volontiers
à côté du simple cut. On compte neuf fermetures au noir qui sont des indications fortes et vingt-six fondus enchaînés dont le statut varie. Les deux procédés traversent la succession temporelle sans lui obéir nécessairement.
La fermeture au noir favorise l’instauration d’unités structurales. Au début
du film (après une fermeture au noir), lorsque Will arrête son chariot près du
lieu du massacre passé, il veut camper pour la nuit ; Charley propose du café
et un repas. À l’arrivée à Coronado (après un fondu enchaîné), Barbara lui
offre de prendre le thé (séquence 3) ; une journée (au moins) s’est donc
écoulée. À la fin du jour, le même probablement (après un fondu enchaîné),
il rejoint Barbara qui sort de l’église (séquence 4). Leur échange est suivi
d’une fermeture au noir qui précède la séquence des salines. Ainsi l’unité
7
dramatique que signale l’encadrement par les fermetures au noir n’est pas
nécessairement d’ordre temporel. Un propos d’Alec le dit autrement : « Tout
ce qui est à trois journées de cheval m’appartient. » Ce à quoi Will rétorque :
« Le territoire apache est à une journée ; est-il aussi à vous ? » Se dessine,
alors, la possibilité que la temporalité ne change rien à l’affaire. Un exemple
différent se situe vers la fin du film lorsque Alec est soigné au ranch de Kate
(séquence 29). Vic est anxieux. L’attente est pesante. Elle est coupée par une
fermeture au noir, à la suite de laquelle Will se rend auprès du blessé.
Lorsqu’il part, bride abattue, à la poursuite de Vic, il n’y a plus que cut ou
fondus enchaînés assurant l’homogénéité dramatique jusqu’à la fin du film,
et orchestrant de façon implicite la succession des faits (séquence 31).
L’emploi des fondus est complexe au cinéma. Malgré le poids du passé dans
les dialogues de L’Homme de la plaine, ils n’introduisent aucun flash-back.
Les fondus enchaînés correspondent majoritairement à une ellipse temporelle liée (ou non) à un changement spatial. Alors que les déplacements sont
rarement filmés (on voit plutôt leur terme et leur conséquence), la chevauchée finale de Will dans un paysage nocturne est évoquée avec force fondus
enchaînés. Le fondu peut avoir une valeur de simultanéité comme lorsque,
après le départ de Will, Alec parle de sa prochaine cécité à Vic et qu’on
enchaîne avec Will rencontrant Charley de retour du territoire indien
(séquences 10 et 11). Parfois, il ne correspond guère à l’usage : Dave fonce
à cheval en direction de Will, et un fondu enchaîné précède les premiers
coups de revolver et la riposte de Will (séquence 24). Pareil fondu enchaîné
qui ne s’impose pas, se vérifie ailleurs, quand Will arrivant sur le site rocheux
où est caché le chariot de fusils découvre Alec blessé (séquence 28). Dans ce
cas, le fondu implique une valeur émotionnelle ajoutée. Étant donné qu’un
simple changement de plan (assorti d’un cut) suffit à exprimer les variations
spatio-temporelles du récit au milieu des années 1950, l’utilisation du fondu
enchaîné ou de la fermeture au noir apparaît remarquable et souligne la
volonté de Mann de travailler au rythme de l’histoire, à un tempo moins lié
aux actions elles-mêmes qu’à leurs résonances intimes.
T RA I T E M E N T E T S I G N I F I C AT I O N
L’Ouest et ses symboles
L’intrigue principale est claire : il s’agit de la vengeance d’un frère par
son aîné. Will Lockhart, qui est en réalité capitaine cavalerie à Fort
Laramie, traverse le Colorado, parvient à Coronado au NouveauMexique, sous l’apparence d’un convoyeur de marchandises pour
découvrir le responsable de cette mort. Il y a donc dissimulation, ce
qui le plus souvent dans un western caractérise le méchant (villain),
car le héros ou le justicier ne s’avance pas masqué. Mais la donne
peut changer, comme dans L’Ange des maudits (1952) de Fritz Lang,
où le personnage de Vern (Arthur Kennedy) dissimule ses intentions
de vengeance et s’introduit dans le ranch dirigé par Altar (Marlene
Dietrich). À cette dissimulation s’ajoute le principe de recouvrement
inscrit dans un film qui croise plusieurs ramifications du western.
Le sujet de L’Homme de la plaine appartient au “cycle du bétail”,
lequel comprend différents thèmes, depuis le convoi du troupeau sur
des pistes fameuses (cattle drive ou cattle trail) ou l’essor des villes
qui rassemblent le bétail (cattle towns), comme Dodge City, Abilene,
Wichita, en vue de son transport en train vers Chicago, jusqu’au récit
des luttes entre grands propriétaires (cattle barons). En réalité, l’enquête sur la mort du frère de Will relève du “cycle de l’armée et de
la cavalerie” affrontées aux Indiens, recouvert par celui des cattle
barons du Nouveau-Mexique — Anthony Mann a traité plusieurs
superpositions de cette sorte, notamment le couple mineurs/cultivateurs dans Les Affameurs (1952). Cette ramification thématique
transparaît dans l’usage subtile de la référence au “barb” dans le
film. En anglais, le terme désigne un dardillon ou une barbelure ; il
s’applique à l’aile métallique d’un hameçon, d’une flèche, ou d’un
éperon. Par extension, le terme évoque un picot de fil de fer barbelé. En observant l’emblème suspendu à l’entrée du ranch, on reconnaît la pointe d’une flèche ou d’un harpon. Pourtant le picot du barbelé, comme dans le générique, n’est pas loin, l’intrigue suggérant
aussi, historiquement, le changement de la vie des cow-boys.
L’abréviation “Barb” du ranch recouvre également le prénom de
Barbara, la nièce d’Alec dont le père a été trahi autrefois. Fiancée du
contremaître Vic et cousine de Dave, ses attaches avec le ranch sont
épineuses et douloureuses, bien à l’image du barb griffu. Plus généralement, sa mention court à travers cette histoire de souffrance telle
une cicatrice intérieure — un traitement voisin de de la marque du
ranch dans La Rivière rouge (1948) d’Howard Hawks. Le générique
associe le dessin du fil barbelé au titre original, L’Homme de Laramie,
8
en un raccourci explicite mêlé à des couleurs en lavis qui reparaissent
au moment de la course finale de Will dans le paysage nocturne. Le
passé de Kate, l’ex-fiancée d’Alec trace une autre voie à la douleur.
Que le barb désigne autre chose (au-delà de la dissimulation nécessaire au trafic d’armes) se vérifie au moment où Dave ouvre les
caisses de fusils qui portent l’indication wire (le fil de fer) associée au
nom d’Alec Waggoman (séquence 19). L’horizon que dessine la
souffrance dans son rapport avec le fil barbelé invite à reconsidérer
les blessures qui traversent le film : les mains sont les premières victimes. Le fait de foncer sans voir est un thème des westerns sur le fil
barbelé qui peut provoquer des plaies offensantes (Kirk Douglas les
dissimule dans L’Homme qui n’a pas d’étoile de King Vidor, 1955).
Ainsi, les stries dessinées par les rênes sur le corps de Will descendant du chariot, au début du film, sont à l’image des balafres singulières engendrées par le barbelé. Mais les cicatrices de Will sont,
avant tout, intérieures, tant la mort de son frère que la solitude dont
parle Charley.
Un autre objet typique est utilisé de façon originale par Mann : le
fusil. Il s’y est intéressé dès ses premiers westerns en 1950, avec
Winchester 73. L’arme que remarque Will dans le magasin de
Barbara (séquence 3) est un fusil à répétition, sans doute un spécimen de Winchester — le modèle existe depuis 1858, a été perfectionné en 1866 avant que le fameux modèle de 1873 n’assure définitivement la réputation de la marque. Will sait que son frère a été
tué par des Apaches qui possédaient des fusils. Le bref échange qu’il
a avec l’Indien Pueblo présent dans le magasin, ajoute à la troublante présence de ce fusil. L’Indien lui-même est moins amical que ceux
de la fête de mariage et sa qualité de Pueblo (peuple pacifique à la
différence des Apaches) est obscurcie. De son côté, Kate Canaday
est, dès sa première apparition, associée à la notion de femme à la
carabine puisqu’elle tient en respect Dave pendant la lutte de Will et
de Vic (séquence 7). Elle rappelle nombre de femmes de l’Ouest,
depuis les simples pionnières qui eurent à faire feu jusqu’à celles qui
se distinguèrent telles Calamity Jane et Annie Oakley qui apparut
dans le spectacle de Buffalo Bill. Mais surtout, le fusil permet à Mann
d’introduire le rêve obsédant d’un homme portant une carabine
qu’Alec Waggoman prend d’abord pour Will, celui qui vient de loin
et à qui l’on fait endosser le meurtre de son fils. Il en fait la confidence à Will dans la pénombre de la prison (séquence 15). Ce rêve
participe de la stratégie de recouvrement puisqu’il dissimule Vic à la
vue d’Alec qui d’ailleurs est menacé de devenir aveugle — le sens
physique recouvre, en somme, le sens moral de l’expression. Si Will
peut lancer à Alec, après que ce dernier a cherché à le tuer (séquence 24), « Je ne suis pas l’homme de votre rêve », il peut à un autre
moment dire que la chute d’Alec était provoquée car le cheval, lui,
n’était pas aveugle (séquence 28). Sortir Alec de son aveuglement
(au sens figuré) est la tâche du film mais, comme semble le dire la
morale de la fin, il en reste toujours quelque chose puisque Alec a
définitivement perdu la vue. Cet aveuglement porte aussi bien sur la
méconnaissance de son fils ou de son contremaître que sur ce qui l’a
conduit à épouser la mère de Dave dans le mépris de la passion de
Kate à son endroit. La réparation qui s’annonce avec le mariage de
Kate et d’Alec ne peut effacer les anciennes blessures.
Il n’est pas impossible de voir une sorte de continuité entre le fusil et
le barbelé, l’un à découvert, l’autre sous-jacent. Une fois encore, il y
a une opération de recouvrement, concrétisée par la substitution de
la commande de fil barbelé en un chargement de fusils. Le fusil (de
même que le revolver) est l’expression visible des blessures sous-tendues par le barbelé. Il se tire de son étui et se brandit aux yeux de
tous, il se tient à bout portant, ostensiblement dirigé vers sa cible.
Même les Indiens n’agissent pas autrement avec Vic et l’abattent de
plein fouet. L’un est donc en mesure d’exhiber ce que l’autre tient
caché pour mieux figurer l’idée de cicatrice. La violence de l’un n’a
rien à envier à celle de l’autre. On comprend, dès lors, que d’aveuglement en dissimulation, Mann a fait jouer les ressorts du genre
selon une stratégie générale du recouvrement qui manifeste une
parfaite assimilation et un sens du dépassement des stéréotypes du
western.
PISTE PÉDAGOGIQUE 1
À partir des trois premières séquences du film, le repérage de trois symboles de la conquête de l’Ouest permet d’aborder la notion de genre
et de préciser les caractéristiques historiques du western. Générique (séquence 1) : mise en évidence du motif du fil barbelé (barbwire) en
une image qui évoque la séparation, la cicatrice et la suture tout en renvoyant historiquement à la fin de l’ère des grands propriétaires.
Séquence 2 : introduction du traditionnel chariot (wag[g]on), emblème des pionniers dont il faudra rappeler le rôle moteur dans l’intrigue
(épisode des salines, affrontement final) et le statut d’objet convoité par les quatre protagonistes. Séquence 3 : valorisation du fusil à répétition (repeating rifle), arme et motif du crime originel, qui lie d’emblée la thématique de la violence à celle de l’argent. On remarquera
enfin que la séquence 19, qui donne la clef de l’intrigue en dévoilant la dissimulation, lie indissolublement les trois objets. Autre approche
possible via l’onomastique : le nom de l’héroïne et celui du ranch renvoient indirectement aux barbelés tandis que le patronyme Waggoman
fait d’Alec le survivant d’une époque révolue.
9
ACTEURS/PERSONNAGES
James Stewart… et les autres
On a beaucoup parlé des rôles de James Stewart dans les films
d’Anthony Mann et l’on a glosé sur le héros mannien. Par exemple,
Raymond Bellour, qui a écrit que tout « s’organise à partir de l’acteur
principal, sur qui l’œuvre repose en sa totalité. […] Les autres acteurs, si
important soit leur rôle, ne comptent pour ainsi dire pas : le héros est
l’équation du récit et de la mise en scène. Ainsi son physique, son jeu,
son style d’être, importent-ils avant toute autre chose. » Il parle aussi de
« ce personnage qu’avec Borden Chase [A. Mann] arracha à la comédie
et façonna littéralement pour le précipiter dans l’Ouest (1). » Cependant,
il convient de rappeler certains faits : Borden Chase n’est pas le seul collaborateur de Mann et il n’est pas le scénariste de L’Homme de la plaine ; le premier western dans lequel Stewart apparaît date de 1939
(Femme ou démon de George Marshall) ; la même année que
Winchester 73, Stewart interprète le rôle principal de La Flèche brisée
(Delmer Daves, 1950) qui n’est pas si éloigné des rôles que Mann lui propose ; Stewart a joué dans des films de bien d’autres réalisateurs, dont
La Corde (1948) d’Hitchcock, qui n’est pas précisément une comédie.
Luc Moullet adopte une position opposée à celle de Bellour lorsqu’il écrit
que, dans les westerns de Mann avec Stewart, « l’aventure, l’action, le
décor surtout, l’emportent sur le protagoniste, assez semblable d’ailleurs
à celui de beaucoup d’autres westerns (2). » Il ajoute : « Il y a à peine
besoin de l’acteur pour tourner. » En outre, Moullet voyant en Stewart
un acteur qui joue principalement avec ses mains, il lui est difficile de
faire fond sur L’Homme de la plaine dès lors que la main du personnage
est réduite à l’inactivité par un excité de la gâchette. Troisième point de
vue, celui de Jonathan Coe qui note que le personnage de Stewart dans
L’Homme de la plaine est différent de celui imaginé par Borden Chase.
Il serait « plus humain et social », il ne serait plus « obsédé par sa vengeance » et lorsque Will Lockhart laisse partir Vic à la fin il s’agirait d’un
« finale fort et loyal (3) ». Comme quoi, les points de vue sur les acteurs
et leurs personnages sont sujets à variations.
Philip Yordan, le scénariste — autre « auteur » potentiel — a fait une
déclaration semblable à l’un des propos de A. Mann : il voulait « retrouver la pureté du héros des tragédies antiques » ; « Un homme arrive qui
vient on ne sait d’où, qui va on ne sait où, qui est déchiré par les Furies
et qui cherche désespérément la paix intérieure. » « Nous avons renforcé la vulnérabilité physique [du personnage] afin d’éviter de tomber dans
le manichéisme dangereux du Héros qui, se croyant infaillible et puissant, se permet de juger les gens qui l’entourent et de s’arroger droit de
vie et de mort. »
Si l’acteur principal de L’Homme de la plaine attire l’attention, il serait
injuste d’ignorer les hommes et les femmes qui apparaissent à ses côtés.
Un film de genre, en l’occurrence le western, repose sur un vivier d’acteurs secondaires qui assurent le “milieu” nécessaire. Le film de Mann
ne déroge pas à la règle. Il rassemble quelques habitués du genre :
Arthur Kennedy (L’Ange des maudits, 1952 ; Le Bandit, 1954) qui s’est
déjà trouvé face à James Stewart dans un film de Mann (Les Affameurs),
Jack Elam (sempiternel “villain” au regard louche), Frank De Kova (spécialisé dans les rôles de Mexicains et d’Indiens), James Millican ou John
War Eagle. Si Mann exploite le vivier, en revanche il prend ses distances
à l’égard de certaines conventions. Wallace Ford, qui travaille à
Hollywood depuis 1930 et qui, depuis 1948, apparaît dans des westerns
FILMOGRAPHIES SÉLECTIVES
Donald Crisp : 1915, Naissance d’une nation (The Birth of a Nation, D. W. Griffith) - 1916, Intolérance (Intolerance, Love’s Struggle Through The
Ages, D. W. Griffith) - 1936, La Charge de la brigade légère (The Charge of the Light Brigade, M. Curtiz) - 1941, Docteur Jekyll et Mister Hyde (Dr.
Jekyll and Mr Hyde, V. Fleming) - 1941, Qu’elle était verte ma vallée (How Green Was my Valley, J. Ford) - 1954, Prince Vaillant (Prince Valiant, H.
Hathaway). Wallace Ford : 1932, Freaks (T. Browning, 1932) - 1945, La Maison du Docteur Edwards (Spellbound, A. Hitchcock) - 1947, La Brigade
du suicide (T-Men, A. Mann) - 1950, Les Furies (The Furies, A. Mann) - 1955, Wichita (J. Tourneur) - 1959, L’Homme aux colts d’or (Warlock, E.
Dmytryk). Arthur Kennedy : 1941, La Grande évasion (High Sierra, R. Walsh) - 1949, La Tigresse (Too Late for Tears, B. Haskin) - 1952, L’Ange
des maudits (Rancho Notorious, F. Lang) - 1952, Les Affameurs (Bend of the River, A. Mann) - 1954, Le Bandit (The Naked Dawn, E. G. Ulmer) 1962, Lawrence d’Arabie (Lawrence of Arabia, D. Lean). Cathy O’Donnell : 1948, Les Amants de la nuit (They Live by Night, N. Ray) - 1950,
L’Histoire des Miniver (The Miniver Story, H. C. Potter) - 1951, Histoire de détective (Detective Story, W. Wyler) - 1959, Ben Hur (W. Wyler).
10
(il a aussi déjà collaboré deux fois avec Anthony Mann, pour La Brigade du suicide et Les Furies), joue le rôle vraiment secondaire mais quasi obligé du compagnon du héros (le “sidekick”), plus âgé et dont la fonction de faire-valoir est
ramenée par Mann à celle d’informateur occasionnel. Il est si peu important que
l’on n’entend plus parler de lui à la fin du film. Que l’on compare son rôle à celui
de Walter Brennan dans Rio Bravo (1959), et l’on mesure l’écart dans le traitement du personnage entre Hawks et Mann. Néanmoins c’est à cet improbable
sang-mêlé que revient de prononcer la phrase emblématique : « Nous n’avons
pas échangé dix mots pendant le voyage, M. Lockhart, et pourtant j’ai l’impression de bien vous connaître. »
Deux acteurs de L’Homme de la plaine ne sont pas des acteurs de genre. Le rôle
de Barbara est tenu par Cathy O’Donnell, connue surtout pour son personnage
dans Les Amants de la nuit (Nicholas Ray, 1948). De la famille Waggoman elle est
la seule intéressante dit Kate (qui oublie provisoirement Alec) et elle représente
surtout une promesse, ce qui lui donne le privilège de se voir assigner un rendezvous à la fin, assez semblable à celui qu’Henry Fonda propose à Cathy Downs à
l’issue de La Poursuite infernale (John Ford, 1946). Donald Crisp, grand acteur du
muet, chez Griffith notamment, puis du parlant — en 1941 on le voit dans
Docteur Jekyll et Mr Hyde de Victor Fleming et dans Qu’elle était verte ma vallée
de John Ford, rôle pour lequel il a obtenu un oscar —, réalisateur à ses heures,
donne la réplique à James Stewart. Il incarne depuis quelque temps déjà (l’âge
aidant) une figure de composition, celle du patriarche rigide : son personnage
dans L’Homme de la plaine est hanté par un mauvais rêve, celui de Stewart est
obsédé par une scène traumatique. Ils constituent, de ce point de vue, une figure de double dans un film qui en comporte d’autres (Will/Vic ; Vic/Dave ; Kate/la
femme de Alec).
(1) Bellour, Raymond dir.), Le Western, Approches. Mythologies. Auteurs. Acteurs.
Filmographies, Gallimard, coll. “Tel”, 1993, p. 271.
(2) Moullet, Luc, Politique des acteurs (Gary Cooper, John Wayne, Cary Grant, James
Stewart), Cahiers du cinéma, 1993.
(3) COE, Jonathan, James Stewart. Une biographie de l’Amérique, Cahiers du cinéma, 2004.
Concernant James Stewart, la rubrique “Acteur/Personnage” (“James Stewart, éloge de
l’instabilité”) lui a été consacrée dans le dossier Lycéens au cinéma, L’Appât, Anthony Mann,
Philippe Ortoli & Thierry Méranger, CNC, 2003, www.lyceensaucinema.org.
Page 10, de haut en bas : Indiscrétions, La Flèche brisée, L’Ange des maudits. Cidessus : à gauche de haut en bas Les Meilleures Années de notre vie, Les Amants
de la nuit ; à droite de haut en bas : L’Ombre d’un doute, Qu’elle était verte ma
vallée.
PISTE PÉDAGOGIQUE 2
La bande annonce originale, bonus de l’édition DVD du film, permet de mesurer ce que représente James Stewart pour le spectateur américain de 1955. « The Man who was magnificent in The Glenn Miller Story / The Man who was unforgettable in Rear Window / The Man who
was terrific in Strategic Air Command / James Stewart now tops all past triumphs as The Man from Laramie / He came a thousand miles
through teeming dangers to kill a man he’d never seen ! » Une recherche fondée sur ces titres fait évaluer la diversité des rôles tenus aprèsguerre par l’acteur, à partir du repérage des genres et des réalisateurs concernés (Mann et Hitchcock). C’est un héros triomphant que l’on
vend désormais au public, comme s’il fallait faire oublier le boy next door, américain moyen des films dirigés par Frank Capra (comme M.
Smith au Sénat ou La Vie est belle) dont la vulnérabilité caractérisera pourtant jusqu’au bout les rôles de l’acteur. La comparaison des titres
du trailer avec ceux de la filmographie souligne aussi le dédain des quatre westerns tournés auparavant avec Mann.
11
MISE EN SCÈNE
Logiques biaisées du paysage
La mise en scène instaure un rapport entre le scénario (ou le
contenu narratif) et les images (visuelles et sonores) du film.
Son action ou son influence se repère à des choix qui se déduisent notamment de certaines accentuations significatives ou
de la perception d’écarts notables qui peuvent être interrogés.
Ainsi, cette histoire se nourrissant de thèmes venus des westerns du
“cycle du bétail” n’y satisfait guère quant au régime de l’image. Cet
aspect dissimule un autre cycle narratif, celui de la cavalerie, et cette
dissimulation sert les intérêts du personnage principal. Il n’en
demeure pas moins que le choix de ce mode de recouvrement peut
ouvrir une autre perspective, notamment parce que l’orchestration
spatiale de L’Homme de la plaine s’avère, en partie, étonnante.
Certains des effets produits par la mise en scène sont de l’ordre de
la discordance, voire de l’invraisemblance. Comme l’absence de tout
barbelé sur le territoire du ranch Barb au point que les bêtes de Kate
Canaday peuvent s’être mélangées à celles de Alec Waggoman. Le
bétail est loin d’occuper dans L’Homme de la plaine une place importante à la différence de nombreux films qui s’attachent à décrire les
épisodes du travail des cow-boys où chevaux et bêtes à cornes voisinent dans la prairie ou sur les pistes. Mann suggère sans y insister
l’existence de bétail aux alentours des deux ranchs ; les corrals sont
vides. Il faut la séquence où Dave vient en ville pour que l’on voie en
plongée un troupeau traversant la place de Coronado, mais il disparaît au moment de la rixe opposant Will à Dave pour resurgir comme
toile de fond du combat avec Vic (séquence 7). La deuxième mention d’un bétail dans l’image correspond au moment de la recherche
des bêtes égarées de Kate : on voit en plongée et dans le lointain des
silhouettes d’animaux. Au cours de l’affrontement qui suit, comme à
d’autres moments-clés du film, se compose une sorte de théâtre fait
du cercle des cow-boys qui entourent les protagonistes (séquence
17). Dans les deux occurrences, la vue en plongée crée une distance
et relègue l’effet de réel constitué par le bétail aux marges du cadre.
Il est clair qu’Anthony Mann a jugé inutile de mobiliser un troupeau
pour les besoins du film contrairement, par exemple, à Howard
Hawks dans La Rivière rouge (1948). On en déduit que l’histoire des
ranchs et du bétail n’est qu’un prétexte narratif qui n’intéresse pas
la mise en scène. En même temps, les contradictions ne manquent
pas. Will est un capitaine de cavalerie venant de Fort Laramie. Qu’il
s’habille en cow-boy pour donner le change participe de sa vengeance, mais que, une fois arrivé au ranch de la Demi-Lune, il soit en
mesure de partir seul rassembler le bétail égaré de Kate, est plus
surprenant.
D’autre part, le cinéaste privilégie l’aspect rocheux du paysage qui ne
soutient guère la possibilité que ce territoire soit consacré à l’élevage. Seuls les abords de la maison de Kate laissent paraître un peu de
végétation au bord d’une pièce d’eau. Partout ailleurs, on est frappé
par la présence répétée de sites escarpés sinon désolés semblables à
cet endroit où affleure le sel (séquence 5) : le cirque de falaises où
DÉFINITION(S)
La mise en scène est une notion complexe, plus stratifiée qu’elle n’y paraît. Elle croise trois significations au moins. La première tient à l’origine théâtrale de
l’expression : mise en scène y signifie une manière d’orchestrer les entrées et sorties des acteurs, d’établir les déplacements physiques dans l’espace (au
théâtre, la scène, voire la salle ; au cinéma, le champ). Par spécification générique, la deuxième s’applique au cinéma seul : la mise en scène qualifierait l’écriture et le langage propres au Septième Art. La troisième, enfin, concerne directement les réalisateurs : elle désigne les moyens par lesquels le cinéaste appose sa signature, fait montre de singularité. Le western est l’un des genres propices à l’inscription d’un paysage “grandeur nature”. Dans L’Homme de la plaine, l’attention prêtée à la mise en espace sert la dynamique duelle de l’aveuglement et de la révélation. Dès lors, les éléments du décor et les cadrages ne
se réduisent pas à des fonctions descriptives et ne soutiennent pas uniquement la vraisemblance des lieux et de l’histoire. Ils relèvent également, et surtout,
du régime symbolique, avec une survalorisation des détails : le sel que ne peuvent pas prélever Will et ses hommes, nappe blanche et amère sur un paysage déserté, rappelle les vestiges de la cavalerie dans le décor de Dutch Creek. La même désolation s’exprime là, comme pour symboliser le chemin dévoyé
qu’emprunte désormais l’Ouest américain.
12
est mort le jeune frère, le roc surplombant où est dissimulé le chariot
d’armes, sans oublier les terres pierreuses et semi-désertiques qu’il
faut parcourir pour se rendre chez Alec ou atteindre Coronado. Le
duel au pistolet entre Dave et Will (séquence 18) n’a pas lieu dans la
prairie où se trouve le bétail mais au milieu de blocs de rochers qui,
certes offrent un abri, mais soulignent encore un choix précis et
récurrent dans la mise en scène. En effet, chaque séquence du film
est amenée à partir d’un point de vue qui suppose la proximité d’un
entablement rocheux et l’on s’étonne toujours de voir ces cow-boys
montant et descendant des pentes, faisant piétiner ou courir leurs
chevaux parmi la pierraille ou le désert.
Anthony Mann a confié son intérêt pour le paysage : « C’est par la
juxtaposition de la nature, des montagnes, des rivières, de la poussière que le drame s’intensifie » déclare-t-il dans un entretien à
Positif (n° 94, avril 1968). Cet intérêt est également relevé par plusieurs critiques des Cahiers du cinéma (n° 69, mars 1957) auxquels il
répond : « Je n’aime pas tourner en studio. J’aime aller en extérieurs
pour deux raisons. 1) Lorsque vous voyez le paysage, il peut vous
venir une foule d’idées auxquelles vous n’auriez jamais songé sur un
plateau […]. 2) Les acteurs atteignent à bien plus de vérité en extérieurs […]. Si l’acteur doit jouer au sommet d’une montagne, au
bord d’un fleuve, ou dans une forêt, il y a le vent, la poussière, la
neige, le craquement des branches qui l’interrompent, qui l’obligent
à se donner plus. »
On s’avise alors que tout site rocheux, dans le film, est un lieu (plus
ou moins actualisé dans l’image) qui contient en réserve le drame.
Au début, l’emplacement du massacre est à deviner à partir du
regard insistant que Will adresse à la montagne depuis son siège sur
le chariot avant de s’enfoncer dans le vallon où il découvre les vestiges de l’attaque indienne. Cette mise en scène annonce la découverte à venir de la cachette de l’autre chariot dans un coin de montagne (séquence 19). Mais tant que celle-ci n’a pas été décelée dans
le paysage, qu’on n’a pas pénétré le secret du trafic d’armes, la mise
en scène procède à rebours du mouvement par lequel on a découvert le cirque de l’ancien crime : au lieu d’avancer vers ce site, on lui
tourne le dos. C’est pourquoi les pans rocheux restent hors champ,
en bord cadre ou en amorce tandis que chaque séquence amenant
un nouvel événement douloureux (les salines, le duel entre Will et
Dave, la recherche du chariot disparu par Alec et Vic…) semble naître
d’une même configuration spatiale. Ce qui reste suggéré est un
point élevé dans un ensemble rocheux d’où divers cavaliers dégringolent la pente pierreuse ou auquel ils retournent. Ce parti pris de
réalisation préfigure la découverte du foyer d’où sont partis les fusils
à répétition, objet du trafic et origine du massacre passé et de ceux
à venir. Il suffit d’observer comment le lieu qui recèle le chariot de
fusils est toujours filmé de la même manière et suivant le même
angle de vue soulignant l’escalade vertigineuse qu’il faut entreprendre pour s’y rendre. Ainsi le mal enfoui dans ce territoire rocheux
est figuré comme ce qui se déverse d’en haut, littéralement, sur les
personnages. Au finale, le chariot de fusils projeté dans le vide, grâce
à l’action de Will et de Vic sous la menace, met un terme à ce pouvoir dominateur (séquence 31).
À partir de cette constatation, il faut faire l’hypothèse que si le ranch
Barb est présenté comme un lieu aride, c’est qu’il participe (ou a participé) de la propagation du mal. Dès lors, on comprend mieux une
contradiction du scénario : il n’est guère explicable que le vieux
Charley — même si pour la circonstance il joue le rôle de scout ou
d’éclaireur dévolu dans l’armée à ceux qui ont une appartenance
indienne – soit le seul à découvrir les traces du chariot caché
(séquence 26) tandis qu’Alec qui connaît à fond la région, selon ses
propres dires, se contente de regarder en l’air pour déceler une
cachette possible. En revanche, par ce moyen, la mise en scène met
l’accent sur un clivage essentiel : Alec est (ou a été) du côté des pouvoirs de la montagne rocheuse. Par contraste et symboliquement, le
ranch verdoyant de la Demi-Lune ainsi que l’homme qui vient de loin
(from Laramie, Wyoming, selon le titre original) ou de la plaine (selon
le titre français) sont étrangers à cette configuration rocheuse.
PISTE PÉDAGOGIQUE 3
Pour un homme de la plaine, le danger vient logiquement de la hauteur. Il est facile de dénombrer les séquences où les agresseurs surplombent leurs victimes. Collines et pitons rocheux font ainsi de Dutch Creek, des salines (Salt Flats) ou de la prairie – là où les troupeaux
se confondent – des lieux particulièrement exposés. Une étude similaire peut être menée à partir du milieu urbain où le héros n’est pas
davantage protégé : pour Will, la menace vient d’un escalier (séquence 3) aussi bien que d’un toit (séquence 14). C’est dire à quel point
tout promontoire peut devenir lieu de surveillance et de dissimulation. Mais aussi combien faire perdre l’équilibre à l’adversaire et le mettre
à terre pour lui faire mordre la poussière, situation récurrente dans le film, est la meilleure façon de se débarrasser d’un gêneur. Ultime
manifestation des dangers de la verticalité : la grande taille du héros qui peine à passer les portes sans en heurter les linteaux… et à se
conformer aux proportions du Cinémascope. ☞
13
A N A LY S E D E S É Q U E N C E
Vestiges à Dutch Creek
Cette deuxième séquence commence, après
une fermeture au noir, à 1 minute 27 secondes
pour une durée de 3 minutes 20 secondes. Le
générique s’est déroulé sur le dessin d’un fil
de fer barbelé traversant en diagonale l’espace du cadre. La mise en scène est chargée de
nous révéler à l’aide de dix-sept plans que le
jeune frère de Will Lockhart a été tué
quelques mois auparavant au cours d’une
embuscade apache contre la cavalerie. L’on
comprend aussitôt pourquoi l’image du générique pouvait aussi bien passer pour celle
d’une cicatrice. Toutefois, les images de cette
séquence vont au-delà de cette information.
Plans 1-3 : Le motif du chariot
Comme beaucoup de westerns (qu’ils soient placés sous le signe de la marche des pionniers ou
qu’ils entrent dans le cycle du bétail comme celuici), le film commence par un voyage. Dans un paysage semi-désertique, surgit par le bord cadre
gauche un chariot tiré par trois couples de mules
suivi d’un second puis d’un troisième. Les chariots
sont lourdement chargés, l’avancée est lente sous
le soleil. La trajectoire latéralement définie va de la
gauche vers la droite comme le souligne l’emploi
du plan fixe. Au plan suivant, un mouvement
panoramique d’accompagnement isole l’un des
chariots qui avance de trois quarts face de la
gauche vers la droite. Sur le siège sont assis un vieil
homme, Charley (Wallace Ford), portant un fusil et
un plus jeune conducteur Will (James Stewart). Au
terme du mouvement panoramique insistant sur la
permanence de la trajectoire, le chariot s’éloigne
de dos vers la profondeur du champ où l’on reconnaît le même paysage semi-désertique du plan 1.
Au plan 3, apparaît à nouveau la succession des
chariots vue en plan fixe et en contre-plongée
poursuivant sa route selon la même direction
gauche-droite. L’insistance est donc mise sur le
sens du déplacement grâce à la suite de plans :
fixe-panoramique-fixe.
mique vers la droite, les débris calcinés d’un chariot gisant dans un vallon. Au plan 8 qui semble
une reprise de 6, le décor a changé derrière lui : il
se détache maintenant sur un fond de ciel, en
légère contre-plongée, pour souligner que la vue
de ces débris l’a modifié. En 9 (comme à la fin de
5), Will s’éloigne de dos et s’enfonce dans le vallon du massacre. Il s’arrête et se tourne vers la
droite. Raccord regard sur le plan 10 qui fait
découvrir en un plan serré quelques objets sur le
sol dont l’inscription “Cavalerie”, les restes d’un
uniforme, un chapeau de cavalier… La main de
Will entre alors dans le champ pour ramasser le
chapeau et la caméra suit son mouvement qui
ramène la coiffure noircie sous le regard de Will
dont le visage revêtu d’un chapeau clair est maintenant vu en plan rapproché. On remarque ainsi la
présence du décor de falaises blanches, notamment un éperon rocheux qui double de sa silhouette claire la présence de l’homme obscurcie
par le contre-jour. Il lève les yeux et, à la fin de 10,
ébauche un mouvement vers la gauche interrompu par la coupe du plan. Le plan 11 est d’une
grande beauté. Un panoramique vers la gauche
qui répond au mouvement ébauché par Will permet de parcourir les vestiges du massacre dans le
vallon puis le cirque montagneux. Au moment où
la caméra atteint le piton rocheux, on découvre
avec surprise Will présent dans le cadre que l’on
pensait correspondre au contrechamp de son
regard. Il est à la verticale du piton, comme à la fin
de 10, mais de dos, comme si le mouvement ébauché avait bel et bien abouti à ce que Will tourne
sur lui-même. Toutefois, le montage a effacé le
statut logique du plan pour mieux libérer l’émotion du moment qui se résout dans cet effet de
vertige face au passé. Will poursuit le mouvement
Plans 4-12 : Une enclave du passé
Le plan 4 fait rupture par rapport à cet axe de progression puisque le chariot conduit par Will entre
dans le champ par la droite suivi par un panoramique en plongée droite-gauche. Il s’arrête tandis
que Will annonce qu’ils camperont ici pour la nuit
malgré l’objection de son vieux compagnon.
Pendant cet échange, Will n’a pas cessé de regarder la montagne sur sa droite, tournant le dos à la
caméra. Il entreprend de descendre de son siège
(plan 5) et, les rênes étant entre les mains du vieux
et visiblement maintenues dans le champ, son
corps passe ostensiblement derrière les multiples
lanières qui occupent l’avant-plan du cadre. Cette
composition vient conforter l’impression produite
par le retournement de la progression des chariots.
Si celui-ci soulignait le passage à un autre ordre de
figuration et suggérait l’idée d’un retour en arrière
(Anthony Mann produit ce même effet dès les
images du générique de L’Homme de l’Ouest en
inversant l’ordre de la marche du cavalier incarné
par Gary Cooper), les rênes entourant la silhouette de Will tissent les liens qui le tiennent prisonnier
du passé tandis qu’il s’éloigne de dos vers la montagne. C’est au plan 6 que nous voyons vraiment
le visage du personnage de Will en plan rapproché
de trois quarts face. Ce signe fort donné par le
cadrage lie la présentation du héros au regard qu’il
porte alors et qui, par conséquent, le définit. Par
un montage en deux plans (6-7) faisant champcontrechamp, il découvre, à la faveur d’un panora-
14
de la tête et au plan 12, dans un raccord parfait,
on le retrouve de trois quarts face à l’aplomb du
piton rocheux, comme à la fin de 10 mais dans un
plan plus serré. Dès lors, nous partageons l’émotion du personnage visiblement au bord des
larmes. Le plan 12 s’achève sur un regard hors
champ quasi frontal de Will, ce qui rompt avec l’atmosphère antérieure.
Plans 13-17 : Un cirque rocheux
L’entrée en scène du vieux compagnon de route,
Charley, réintroduit le temps présent. Les plans 1415 traités en champ-contrechamp, correspondent
à un dialogue classique des deux personnages vus
en plans américains où l’on apprend les informations utiles après coup. Après un échange plein
d’affection bourrue, la sortie de Charley par la
gauche du cadre, laisse Will à nouveau seul (fin de
15). Le recours dans le plan 16 à une vue en plongée sur Charley disparaissant au milieu du site,
accentue l’importance d’un tel paysage. La menace de mort est présente comme le révèle le chapeau noirci qui réapparaît entre les mains de Will
et qu’il repose à la fin du plan 17 dans un mouvement à rebours de celui effectué en 10. Ainsi, la
mise en scène renonçant au pittoresque du convoi,
privilégie le motif du chariot solitaire, se redoublant dans celui du frère mort et anticipant sur le
chariot d’armes. Elle souligne, par les panoramiques notamment, le rôle joué par le paysage qui
recèle outre ce vallon solitaire une autre enclave
rocheuse utilisée par Dave et Vic pour cacher les
caisses de fusils. Au terme de cette ouverture, on
comprend mieux que ce film soit si abondant en
rochers et falaises car ils tiennent en réserve le
drame passé et à venir.
1
7
13
ATELIER 1
2
8
14
3
9
15
4
10
16
5
11
17
6
12
L’analyse d’une séquence inaugurale est
lourde d’enjeux. Premier bilan de cette
exposition à partir de questions simples.
Sur quoi repose l’unité du passage ?
Quelles informations sont transmises ? Un
personnage est-il privilégié ? Par quels
moyens ? D’autres éléments sont tirés
d’un nouveau visionnage : nombre et
durée respective des plans, musique, transcription des dialogues.
Ainsi, tout (ou presque) est dit sur le héros,
grâce à Charley : nature secrète révélée
par le nom (phonétiquement, Lockhart
renvoie en anglais à la métonymie du cœur
verrouillé), perte qui accable (« Standing
here thinking about him won’t bring him
back »), impossible accomplissement de la
vengeance (« Hate is unbecoming in a
man like you »).
La séquence invite aussi à aborder l’art de
Mann, souvent réduit à un classicisme supposé, sous l’angle de la rupture.
Consigne : relever les raccords problématiques et donner un sens aux choix de
montage. Ainsi l’enchaînement des plans
3 et 4 qui, pour un même mouvement,
juxtapose une sortie et une entrée de
champ du même côté. Plus étonnant
encore, le passage du plan 10 au suivant.
Quand le panoramique amorcé semble
correspondre à la subjectivité du traditionnel raccord regard, la fin du plan 11 fait de
Will, cible potentielle, l’objet menacé de la
visée. Même principe ensuite : son regard
(plan 12) se porte sur Charley (plan 13),
qui le rejoint dans le même plan.
15
ATELIER 2
Plusieurs éléments confèrent au deuxième
plan choisi des caractéristiques particulières. On peut d’abord relever sa durée
inhabituelle — un peu plus de deux
minutes ; puis son identité avec la séquence (la 25e selon le découpage du film) dont
il constitue l’unique segment. La notion de
plan séquence peut ainsi être abordée —
un autre, moins significatif (séquence 17) a
mis en scène Will et Kate Canaday. Ce
parti pris stylistique souligne la théâtralité,
aisément repérable, des enjeux du passage. Importance (entre deux plans muets)
d’un dialogue qui juxtapose les soupçons
d’Alec et les tactiques d’évitement de Vic.
Rôle déterminant de la lumière (présence
d’ombres évoquant le frère assassiné).
Fonction symbolique du décor (fusils) et
des ouvertures béantes (porte et fenêtre)
qui, tout en suggérant la transition vers les
extérieurs des plans voisins, renvoient aux
motivations des personnages (Vic veut
empêcher Alec de sortir). Choix du two
shot (plan à deux) au détriment du traditionnel champ/contrechamp dont la valeur
adversative sera réservée à de véritables
duels.
A N A LY S E D E P L A N S
Direction, la montagne
1
2
Alec se rend au ranch de la Demi-Lune dans l’intention de tuer Will qui met
fin aux coups de feu en faisant se cabrer le cheval d’Alec. Alec tombé à terre,
Will le saisit par le bras en lui expliquant qu’il n’est pas l’homme de son rêve.
Alec se dégage. Will ramasse son fusil et aide Alec à se remettre en selle.
Arrive alors la fin de la séquence 24. Trois plans font passer de la fin du duel
avorté, à l’intérieur du bureau d’Alec au Ranch Barb (séquence 25 qui ne
compte qu’un plan) et, enfin, à une scène d’extérieur où apparaît Will sur
son cheval (séquence 26).
Plan 1 (1h17mn8s). Alec s’éloigne dans la profondeur de champ au galop
de son cheval blanc tandis que Will immobile occupe l’avant plan droit, de
dos. On remarque que le fusil qu’il tient sur son avant-bras droit dessine une
diagonale visible dans l’espace horizontal que forme l’extérieur du ranch de
Kate. La pointe de cette diagonale désigne brièvement la montagne que l’on
voit au loin. Entre le plan précédent et celui-ci, il y a un faux raccord puisque
le fusil n’est pas tenu par la même main (la main gauche de Will lui servant
à retenir la bride du cheval d’Alec). Ainsi la diagonale peut faire partie de la
réponse à la question : qui est l’homme du rêve ? Il faudrait chercher du côté
de la montagne. Une fermeture au noir amène au plan suivant. Elle correspond à un changement temporel (Alec est habillé différemment) et spatial
(l’intérieur du Ranch Barb).
Plan 2 (1h17mn20s). C’est la seconde fois qu’Alec vérifie les comptes (voir
séquence 16). Dans ce bureau un pan de mur est orné de quatre fusils accrochés les uns au-dessus des autres. Survient Vic qui apparaît d’abord à la
fenêtre puis entre par la porte du bureau, les deux fois précédé de son
ombre. Alec l’a fait appeler car il a des soupçons qui raccordent directement
avec l’allusion faite par la diagonale du plan précédent. Vic cherche à esqui-
16
3
ver les questions ; il veut retenir Alec en lui saisissant les bras. Celui-ci se
dégage de la même façon qu’il s’était libéré de Will et conclut que si son
hypothèse se vérifiait celui qui a été enterré ne serait pas son fils, mais « juste
un étranger ». Le plan séquence est d’une grande densité : le thème (verbal
et visuel) des fusils enchaîne avec l’insistance sur l’arme que portait Will. La
question de l’homme du rêve se prolonge à travers la mention de l’étranger
(c’est presque dans ces termes qu’Alec a raconté son rêve à Will en prison).
On passe donc de l’homme du rêve n° 1 (Will selon Alec) à un second qui
pourrait être Dave (l’étranger aux fusils). La musique qui commence au
moment où les deux hommes quittent le bureau fait le lien avec le troisième
plan, en plus du fondu enchaîné — rétrospectivement, il a valeur de simultanéité alors qu’il est d’abord perçu comme faisant passer à la quête des
deux hommes (rechercher le chariot disparu).
Plan3 (1h19mn15s). Un cirque de montagnes vu en contre-plongée avec,
sur la gauche, un éperon rocheux (souvenir de Naked Spur, L’Appât dans son
titre original ?). Surgit par la droite un cavalier que par le raccord musical
trompeur on pense être Vic ou Alec. Il s’agit de Will dont le cheval descend
en diagonale la pente accompagné par un panoramique vers la gauche et
qui, de dos, s’éloigne dans la profondeur de champ en direction d’un cheval
arrêté – son cavalier est assis à terre. L’effet de surprise soutient la procédure de recouvrement successif qui caractérise l’homme du rêve. Will se porte
à la rencontre de Charley qui a trouvé des traces d’un chariot allant vers la
montagne. Ainsi la boucle est bouclée en trois plans : Alec s’est éloigné sur
un cheval blanc au plan 1, Will entre sur un cheval alezan au plan 3 ; l’espace montagneux retrouve sa place au côté du thème des fusils et de celui
de l’homme du rêve ; le fondu enchaîné a fait se superposer, ou presque, les
quatre fusils avec l’image de l’éperon rocheux.
FILMER…
Le duel
L’un des moments-clés d’un western est le duel. Sa typologie
est fort diversifiée selon les lieux ou les armes utilisés qui commandent la gestuelle et sous-tendent la signification : une
lutte à mains nues devant toute une communauté n’est pas un
règlement de compte au revolver en solitaire ; un combat dans
la neige et le froid, ou dans l’eau et la boue, ou sur un sol
rocailleux et désertique ne se confondent pas.
La tactique employée en fait un coup tordu ou un redressement de
tort. Tout duel n’étant pas conclusif, le moment choisi en détermine
aussi la portée. Or, Mann joue des possibilités d’évitement de la
scène attendue, L’Homme de la plaine inaugurant l’ère du soupçon
en la matière, qui conduira au western spaghetti et à un film tel que
Invasion Los Angeles (1988), où John Carpenter filme une interminable bagarre à mains nues dont l’enjeu est le port de lunettes noires
censées démasquer les envahisseurs.
Chez Mann, le duel final n’a pas lieu, et il est précédé de plusieurs
combats singuliers plus ou moins avortés. Will apercevant Dave se
dirige vers lui d’un pas décidé avec la ferme intention de se venger
des salines (séquence 7). Ce premier duel aux poings se dédouble en
un autre avec l’arrivée de Vic qui vient à la rescousse de son
employeur malmené ; le geste de Dave saisissant son pistolet pour
tirer dans le dos de Will aurait dû mettre un terme à l’affrontement
si Kate ne l’avait arrêté à temps. Plus tard, Dave récidive lorsqu’il réalise que Will est seul auprès des bêtes errantes de Kate (séquence
18). Il s’élance contre lui persuadé de triompher. La riposte de Will
transforme l’attaque meurtrière en une déconfiture ; il faudra l’intervention des hommes du ranch pour lui infliger un châtiment injuste. Malgré la faiblesse de sa vue, Alec à son tour entreprend d’af-
fronter Will pour venger la mort de son fils (séquence 24). Il s’élance au galop de son cheval en tirant à l’aveugle sur Will. De même,
l’arrivée des Indiens transforme la conclusion : Will renonce à tirer,
laisse partir Vic qui affronte son destin autrement. Une autre bagarre aurait pu avoir lieu lorsque Chris suit Will dans le désert (séquence 12). C’est dire la volonté de Mann de ne pas surdramatiser le duel
— aux antipodes des frères Wachowski dont la trilogie Matrix
semble toute tendue vers l’ultime scène du duel à mains nues, titanesque, entre Néo et M. Smith.
Le duel revêt donc une allure particulière et frappe par son impulsivité. Ailleurs, il est le résultat d’une savante combinaison ou d’une
sourde machination (les pugilats dans Fight Club de David Fincher).
Rien de tel ici. Les hommes sont portés au duel par une sorte d’aveuglement. Concret pour ce qui est d’Alec dont la vue baisse, cet aveuglement pousse Will à s’avancer à travers la place du village sans
mesurer le nombre d’hommes du ranch Barb qui pourraient s’interposer. De son côté, Dave accumule, aux salines, tous les signes de la
lâcheté et récidive lorsqu’il pense être le plus fort face à un Will isolé
et qu’une nouvelle fois il emploie ses hommes pour le seconder. On
peut ainsi voir apparaître entre les duels de ces trois hommes si différents un point commun qui tient à la trajectoire frontale et rectiligne de l’action. Toutefois, Mann module. Le tir à cheval d’Alec est
filmé de loin accusant par cette distance-caméra l’incapacité du personnage à voir correctement. La marche de Will est filmée en plan
serré, au mépris de l’environnement, et donc de toute prudence. La
galopade de Dave qui s’élance depuis la hauteur pour surprendre
Will est coupée par un fondu enchaîné qui peut souligner le brouillage affectant son regard au moment où la haine le pousse à agir.
ATELIER 3
Il est possible, après projection, de recenser les principales scènes d’affrontement singulier du film pour mesurer l’importance qu’il accorde au duel. L’abondance des séquences violentes est ainsi un trompe-l’œil : plusieurs scènes d’affrontement ne relèvent que de l’agression ou de la tentative d’assassinat pure et simple (Will victime de Dave ou de Boldt). Parallèlement, les gestes parricides et fratricides de
Vic tiennent plus de l’accident que de la lutte. D’autres duels potentiels sont désamorcés par Lockhart lui-même qui refuse les combats
singuliers attendus bien qu’il rêve, dès le début, d’un duel final qui vengerait son frère. Seule reste la séquence 7 du combat à mains nues
dans la poussière qui, interrompu, se solde par un match nul… On pourra dans un second temps comparer les combats orchestrés par
Mann aux variations sur l’archétype du duel proposées par d’autres westerns (Le Train sifflera trois fois, L’Homme qui tua Liberty Valance,
Il était une fois dans l’Ouest, Duel au soleil, Le Bon, la Brute et le Truand).
17
De haut en bas : L’Homme de la plaine, Invasion Los Angeles, Matrix
Revolutions.
ATELIER 4
POINT TECHNIQUE
Puissances du Scope
Le procédé technique le plus marquant de L’Homme de la plaine est le
Cinémascope. C’est un procédé récent apparu avec la 3-D pour combattre
l’impact grandissant de la télévision. Le premier film en Scope fut La Tunique
de Henry Koster (1953), un péplum biblique. Précision technique empruntée
à Vincent Pinel (1) : « Au moment de son lancement, le procédé, baptisé 35
Cinémascope, utilisait un film 35 mm pourvu de perforations spéciales plus
étroites, de format carré. Le gain de place permettait d’introduire quatre
pistes sonores magnétiques et une surface d’image plus importante donnant
à la projection un format large de 1 x 2,55 (scope COMMAG). Devant la réticence traditionnelle de l’exploitation lorsqu’il s’agit de modifier les installations de projection, la Fox revint au film standard (perforations traditionnelles
et son optique) avec le Cinémascope tout court (image de 1 x 2,35 à la projection, scope COMOPT). Par ailleurs, d’autres systèmes anamorphoseurs
apparurent sur le marché. Le nom de marque s’effaça derrière le terme générique de scope désignant les procédés du même type. » L’Homme de la plaine est du scope 1/ 2,35.
Il était apparemment aisé de voir ce que ce procédé pouvait apporter au
genre et André Bazin, en décembre 1955, le disait pour aussitôt exprimer
une déception (2) : « Le nouveau format allait rendre une seconde jeunesse au
western dont les grands espaces et les chevauchées appellent l’horizontale.
Cette déduction était trop vraisemblable pour être vraie. Les plus convaincantes illustrations du Cinémascope nous ont été administrées par des films
psychologiques (East of Eden par exemple). » Il ne voit parmi les westerns
que Rivière sans retour (1954) de Preminger dans lequel le procédé ajoute
vraiment quelque chose d’intéressant. Dans Le Mépris (1963), Lang dit que
le CinémaScope, c’est bon pour les serpents et les enterrements. L’historien
du cinéma américain William K. Everson regrette que les réalisateurs de western ne sachent pas mieux l’utiliser. À ses yeux, seul White Feather (Robert
Webb, 1955) a su jouer à plein des paysages et des vues panoramiques. Au
passage, remarquons que son ouvrage, A Pictorial History of the Western
Film (1969), ne mentionne pas le nom de Mann (il comporte une photo de
L’Homme de l’Ouest avec les noms des acteurs et de United Artists seulement), ce qui donne une idée de la différence de perception des deux côtés
de l’Atlantique.
L’Homme de la plaine a conduit Bazin a réviser son jugement : « Anthony
Mann n’utilise pas le CinémaScope en tant que format nouveau mais comme
une extension de l’espace autour de l’homme. » Il peaufine l’idée :
« Anthony Mann ne cherche pas à remplir le nouveau format ou à composer une image en conséquence. Au contraire, l’écran large ne lui sert qu’à
faire vibrer l’espace autour de l’homme, à montrer l’air. » Dans le compte
rendu qu’il fait du film en janvier 1956, il précise cette idée par une image
amusante : « Ainsi que le poisson dans un plus grand aquarium, le cow-boy
est plus à l’aise dans le grand écran. S’il traverse le champ notre plaisir est
double puisque nous le voyons deux fois plus longtemps. » On peut ajouter
comme un autre commentateur en 1957 que le film de Mann contredit une
autre hypothèse pessimiste formulée à l’arrivée du scope, l’impossibilité des
gros plans ; Mann propose « des plans très rapprochés de visages […].
Paradoxalement, le CinémaScope possède la vertu de nous rendre plus présent le masque des personnages.(3) »
(1) PINEL, Vincent, Vocabulaire technique du cinéma, Paris, Nathan-Université,
coll. “Réf.”, 1996.
(2) BAZIN, André, “Évolution du western” [1955], in Qu’est-ce que le cinéma ?, Paris,
Les Éditions du CERF, coll. “7e Art”, 1985.
(3) Radio cinéma télévision, n° 408, 10 novembre 1957.
18
D’une salle à l’autre : la projection de
L’Homme de la plaine, premier film réalisé par
Mann en Cinémascope, peut être l’occasion
d’une rencontre de la classe avec un opérateur projectionniste. Premier temps : explication du sens de l’abréviation “2,35” (le rapport des dimensions de l’image projetée est
de 1 sur 2,35 ; pour L’Appât, il était de 1 sur
1,37) et comparaison de ce format avec les
plus courants aujourd’hui, en montrant en
particulier l’inadéquation des téléviseurs (y
compris ceux dont les proportions de l’écran
est 16/9) à ce choix de filmage. Deuxième
stade : rappel du principe de l’anamorphose.
Le Cinémascope permet, grâce à un dispositif spécial nommé hypergonar (qui comprime
latéralement l’image au tournage et la
redresse à la projection), de proposer une
image considérablement allongée sans
renoncer à la pellicule standard, large de
35 mm. Pour travailler la question des formats, on pourra s’appuyer sur une récente
intervention de Jean-Luc Godard dans les
Cahiers du Cinéma(1). Troisième temps : un
nouveau visionnage de plusieurs scènes précises invitera les élèves à caractériser l’apport
du Cinémascope en les imaginant (ou en les
redessinant sous forme de story-board) sous
un format traditionnel (1,66 par exemple).
Ainsi la séquence 15 où Will est allongé dans
sa cellule, la séquence 23 où Alec, après l’enterrement de Dave, traverse une haie formée
par ses cow-boys ou la séquence 30 qui
montre Will au chevet d’Alec.
(1) “Formats”, juin 2004, n° 591, p. 78.
MEUSY, Jean-Jacques (dir.), Le CinemaScope : entre
art et industrie, Paris, Association française de
recherche du cinéma, 2004.
OUVERTURES PÉDAGOGIQUES
L’AFFICHE
L’affiche, comme la bande annonce, illustre le statut et les conditions d’exploitation d’un film. Sa fonction commerciale et publicitaire est déterminante. Outre le titre et des extraits du générique y sont dévoilés plusieurs éléments de l’intrigue à travers la présence fragmentaire de personnages, d’objets ou d’éléments de décor qui obéissent à des principes de sélection et de hiérarchisation précis qu’il faut tenter de définir. Pour les graphistes, couleurs, formes, composition, lignes de fuite et lettrage sont eux aussi mis au service d’une stratégie.
Dans le cas de L’Homme de la plaine, la plus spectaculaire des affiches françaises de l’époque joue de la profondeur de champ en délimitant trois plans nettement différenciés par le jeu des couleurs. Le premier, qui crève littéralement l’image, nous montre l’un des moments les plus violents et les plus impressionnants du film : Lockhart,
victime de la cruauté de Dave, est capturé au lasso et traîné au sol à travers un feu de camp (séquence 5). Choix
inhabituel que ce dessin d’un
héros fort peu héros qui connaît
la souffrance et l’humiliation.
Explosion de terreur et sadisme
accentués par le fond rouge
(contrastant avec le noir et blanc
du personnage) et l’effet de relief
provoqué par la tension de corde
qui sort du cadre par la gauche.
Changement de couleur, mais
violence encore, avec le second
plan dominé par le jaune, évocateur des étendues désertiques
(approximation de la plaine promise par le titre). La menace renvoie cette fois à l’un des passages obligés du genre : l’attaque des indiens, promise au
public au détriment de la réalité
de l’intrigue, amplement négligée. Le troisième plan, qui abrite
dans le ciel du haut du poster le
titre du film et le nom de la star,
est celui de la sérénité. Façon de
dire que le martyre du héros
trouvera in fine sa récompense ?
Plus convenue, la gratification
proposée par l’affiche belge
reproduite en couverture a les
traits de la figure féminine qui,
en diagonale, assure le héros de
son admiration éperdue. Sans
doute parce qu’il a triomphé du
péril suggéré de la scène centrale, hybride de deux séquences du
film…
19
Shakespeare dans l’Ouest. L’Homme de l’Ouest
adaptation du Roi Lear ? On relèvera plusieurs similitudes, à partir du projet de Mann, à la fin de sa vie,
d’aborder « l’histoire d’un type qui a construit un empire immense et qui voit tout s’effriter ». C’est aussi à
Gloucester, aveugle et père de deux fils, que le film fait
penser. Comparaison possible : Ran de Kurosawa (1985).
●
● Luttes fratricides. De la Bible (Caïn et Abel,
Genèse, 4) aux classiques hollywoodiens (les McCanles
dans Duel au soleil de Vidor, 1946 ; les Trask de À l’est
d’Éden de Kazan, 1954), le thème de la rivalité des frères
a été maintes fois traité. Mann (dont Winchester 73 a
déjà repris ce motif) oppose un fils génétique à un fils
symbolique. Et si Will était le fils idéal ?
La piste de l’Indien. Figures obligées du genre, les
Indiens semblent secondaires. Menaçants et vengeurs, ils
sont pourtant moteurs de l’action. Doux Pueblos contre
cruels Apaches ? Voire… On suivra l’itinéraire du commis
de Barbara en analysant son attitude suspecte et sa ressemblance avec l’assassin de Vic…
●
● Des barbelés sur la prairie. L’angoisse du propriétaire est le morcellement des terres et l’arrivée des barbelés.
Ce motif qui court en filigrane d’un générique à l’autre
se trouve indirectement suggéré à de nombreuses
reprises (prénom de l’héroïne, nom du ranch, inscription
sur les caisses d’armes, dialogues…).
● Faux coupable. Comme dans le mythe d’Œdipe, le
songe du monarque est un élément déclencheur. Dave
ne sera pourtant pas tué par un étranger. Lockhart, injustement accusé de meurtre à deux reprises, est-il pour
autant innocent ? N’est-ce pas son arrivée qui rompt
l’équilibre ? L’œuvre de Fritz Lang pourra être évoquée.
● Le héros en question. Dresser le bilan de ses blessures, humiliations et handicaps montre en quoi Will
s’écarte du héros attendu. Recensement possible, également, des plans où son image est biffée ou obstruée par
des éléments du décor. Et rappel de son incapacité à
exercer sa vengeance.
CRITIQUE
D'une critique à l'autre, d'une revue à l'autre, le commentaire n'est pas le même, mais l'éloge de Mann est
unanime.
André Bazin “L’Homme de la plaine. Beauté d’un western”, Cahiers du cinéma, n° 55,
janvier 1956.
Le genre western échappe pratiquement en France à la critique. Je veux dire que si l’on en
parle dans la presse c’est à peu près au petit bonheur. On peut être assuré pour n’importe
quel western de trouver régulièrement les trois ou quatre types de critiques de circonstance du genre : « Mais où sont les Indiens d’antan » ; ou : « Quelques bagarres assez enlevées
et une attaque d’indiens assez spectaculaire font heureusement oublier la puérilité conventionnelle du scénario » ; ou encore, et naturellement : « Mais le cadre traditionnel n’est ici
qu’un prétexte dont le réalisateur a su se dégager pour nous offrir bien davantage qu’un western… » Il est flagrant que la critique dérape sur le western et ne trouve à s’y agripper intellectuellement qu’autant que l’auteur a jeté sous ses roues le sable de la psychologie ou de
la thèse morale. En fait le vrai western est quasiment incriticable. Ses qualités ou ses faiblesses se constatent et ne se démontrent pas. Elles résident moins dans la présence des
ingrédients qui font le western que dans la nouveauté subtile qui résulte de leur dosage.
L’analyse, alors, ne donne rien qu’une énumération grossière à quoi échappe l’essentiel que
seul le goût révèle. Mais allez donc critiquer un goût ! Au demeurant l’appréciation de sa
grossièreté ou de sa finesse suppose l’amour et la familiarité.
© Les Cahiers du cinéma
Gérard Legrand, “Duels de frères ennemis. Sur cinq films d’Anthony Mann”, Positif,
n° 394, décembre 1993.
En limitant les chevauchées des personnages à des falaises voisines du bourg et la “vengeance” de Stewart à un règlement entre canailles dont il est longtemps absent, Mann se
donne les moyens d’un film étrange, onirique pas seulement parce que Stewart doit s’y
livrer à l’interprétation d’un songe (et réfuter son identification au personnage mystérieux
de ce songe). Comme dans Pursued de Walsh, mais avec la couleur et les cadrages “Scope”
les plus audacieux, les nuages immenses ou la nuit tombante prennent ici valeur d’images
de l’âme même des cavaliers lancés au bord de précipices abrupts. La figure de l’Indien,
témoin muet et craintif d’un crime, se démultiplie in extremis en l’apparition des Indiens
massacreurs, simples outils du destin.
© Positif
20
Atelier critique
Mener après la projection un atelier critique à partir de la réception française
de L’Homme de la plaine peut répondre à un triple objectif. Confronter sa
propre lecture aux analyses de spécialistes, d’abord. En tenant compte des
décalages temporels (entre la sortie du film, la production des critiques et
aujourd’hui), la comparaison permet d’ouvrir de nouvelles pistes en insistant
sur les attentes de chaque époque. Les deux extraits choisis permettent d’aborder un aspect important de l’histoire de la critique cinématographique en présentant de façon complémentaire les articles des Cahiers du cinéma et de
Positif. Enfin, l’atelier doit inviter chacun à produire sa propre critique. À cet
effet, l’analyse des partis pris des différents auteurs (choix d’un angle d’attaque, refus du simple résumé, implication subjective du locuteur) pourra être
déterminante.
Précieux, le texte d’André Bazin (qui est l’incipit de sa critique) a de toute évidence une importance historique qui dépasse le film de Mann, pas même mentionné. L’audace du cofondateur des Cahiers du cinéma consiste, en 1956, à
donner la parole à ceux qui considèrent le western comme mineur… et dont
le discours est plus stéréotypé que les clichés qu’ils dénoncent. L’enjeu de l’article est donc l’intégration au champ d’investigation de la critique d’un genre
alors méprisé. De fait, le spectateur, hier comme aujourd’hui, est amené à
comprendre en quoi le film repose sur la “nouveauté“ du “dosage“ d’“ingrédients“ traditionnels. L’intérêt de L’Homme de la plaine (et la prise qu’il offre
malgré tout à la critique) réside davantage dans la variation “subtile“ que dans
la conformité à un modèle.
Gérard Legrand, près de quarante ans plus tard, illustre et radicalise ce point
de vue. On mettra en avant sa lecture presque fantastique du film, qui devient
“étrange“, “onirique“. Le héros “absent“ risque de se confondre avec le personnage “mystérieux“ d’un rêve. Les paysages reflètent “l’âme“ des personnages. La personnalité du critique, poète et philosophe lié au Surréalisme,
comme plusieurs rédacteurs de Positif, peut être mise en avant : importent ici
symboles, signes avant-coureurs et actes manqués (remarquons les guillemets
qui entourent le mot vengeance) dans un film dont la dimension psychanalytique est suggérée. Il devient alors difficile de soutenir, comme le fait encore
Bertrand Tavernier dans 50 ans de cinéma américain (1995) que les westerns
du “classique“ Mann correspondent « à l’idée archétypale que […] nous nous
faisons du genre ».
AU PRÉSENT
Le western aujourd’hui
Le western est donné depuis longtemps
comme un genre mort, par conséquent sa
résurrection est périodiquement annoncée
— comme à l’occasion de la sortie en 2003
de Open Range (Kevin Costner) et Les
Disparues (Ron Howard). Le western a
connu une chute irrémédiable vers la fin des
années cinquante. On est passé très rapidement de deux cents films chaque année
dans les années vingt, à une centaine, puis
quelques dizaines, pour arriver à quelques
unités. Quantitativement, le genre est
exsangue depuis plus de quarante ans.
Cependant, il se survit par des œuvres isolées qui voient le jour régulièrement et à travers une thématique qui ne veut pas disparaître. En 1990, Costner a connu un grand
succès avec Danse avec les loups, film
d’Indiens, de prairie et de coutumes Dakota
fort inspiré des aquarelles et des dessins des
peintres du XIXe siècle comme Karl Bodmer
ou George Catlin.
De haut en bas : L’Homme de la plaine, Open Range, Impitoyable, Mort ou
vif.
Lorsqu’on envisage L’Homme de la plaine et
Open Range, on est frappé de la permanence de thèmes, à commencer, bien sûr,
par les grands espaces (wide open space).
Le film de Costner est un hommage à une
forme du western antérieure à L’Homme de
la plaine — très exactement au western des
années du muet : Robert Duvall a revêtu la
défroque de William S. Hart (1864-1946).
Par ailleurs, le personnage de Costner,
comme dans Danse avec les loups, est le
rescapé d’une guerre qu’il a de la peine à
oublier. Si Open Range est dans la suite de
ce film, il n’est pas seulement l’expression
d’une nostalgie. C’est aussi une histoire de
bétail et une histoire de vengeance. Le mot
“range” désigne des pâturages ouverts,
non délimités, où le bétail se déplace librement — “Open Range” est presque pléonastique. Le barbelé est précisément ce qui
21
met un terme à l’ouvert. D’où des guerres.
Les “range wars” sont des règlements de
comptes nés de querelles sur la propriété du
bétail ou sur le droit de pacage. Le “ranger”, c’est-à-dire le cow-boy parcourant
librement la plaine, tel un cavalier errant, ne
peut supporter de rencontrer sur sa route
des barbelés : L’Homme sans étoile (1955)
de King Vidor et Seuls sont les indomptés
(1962) de David Miller tournaient autour ce
de thème. On a vu que dans L’Homme de la
plaine le barbelé était présent de diverses
manières (verbale, iconique) tout en brillant
par son absence. Les terres de Alec
Waggoman et de Kate sont encore sous le
régime du “open range”. Qui dit bétail dit
grand propriétaire terrien. L’adversaire, dans
Open Range, se nomme Denton Baxter
(Michael Gambon), dans L’Homme de la
plaine Waggoman. Baxter est le mal absolu,
pire que Waggoman. Il ne fait même pas de
mauvais rêves, il ne peut être le double de
Charley Waite (Kevin Costner). C’est ce dernier qui fait un cauchemar éveillé.
Charley et Boss Spearman (Robert Duvall)
— Costner est l’employé et non le patron,
renversement qui témoigne d’une nouvelle
manière — croient encore aux libres pâturages. Ce n’est pas le cas de Lockhart qui
est son propre maître et qui n’a qu’un
objectif : trouver l’homme qui vend des
carabines à répétition aux Indiens. Il n’y a
plus d’Indiens dans Open Range, ils appartiennent au passé. Et bientôt les cow-boys
errants appartiendront eux aussi au passé.
Ce chant élégiaque est celui du genre tout
entier dans ses moments les plus intéressants. Le western décrit un monde en transformation et annonce ce qui va être perdu.
Ses héros ont des principes : respecter la
parole donnée, ne pas tirer dans le dos, être
courtois envers les femmes (dans les deux
films, la jeune femme propose la « cérémonie du thé »), bref un idéal que partagent
Will Lockhart et les deux cow-boys de Open
Range et qui ne prête cependant pas à rire
parce que la vie ou la mort en dépendent.
Le western est un genre qui exprime une
morale qu’il sait en train de disparaître. Si
dans L’Homme de la plaine, les éperons
rocheux sont le lieu du mal et la plaine un
antagoniste à cette rocaille, dans Open
Range plus traditionnellement, c’est la ville
qui s’oppose aux grands espaces, mais les
protagonistes renoncent à ces derniers pour
s’intégrer à un monde où leurs valeurs déclineront.
À lire, à voir
À lire en bandes dessinées
La date mentionnée correspond à la parution du premier volume de la série.
Desberg/Marini, L’Étoile du désert,
Dargaud, 2001.
Dieter/Fourquemin, Outlaw, Glénat, 2001.
Dorison/Nury/Rossi, W.E.S.T., Dargaud,
2003.
Hermann/Greg, Comanche, Le Lombard,
1996.
Jodorowsky/Boucq, Bouncer, Humanoïdes
Associés, 2002.
Taduc/Le Tendre, Chinaman, Humanoïdes
Associés (et Dupuis), 1997.
À voir
American Outlaws de Les Mayfield, 2001 ;
Belles de l’Ouest de Jonathan Kaplan,
1993 ; Blueberry de Jan Kounen, 2003 ;
Chevauchée avec le diable de Ang Lee,
1999 ; Dead Man de Jim Jarmusch, 1995 ;
Le Dernier des Mohicans de Michael Mann,
1992 ; Mort ou vif de Sam Raimi, 1995 ;
Wyatt Earp de Lawrence Kasdan, 1994.
EN MARGE
La chanson
Dès l’arrivée du sonore et du parlant aux États-Unis, la
musique et la chanson sont venues au western. Les westerns sonores comportent généralement une chanson leitmotiv. L’exemple le plus célèbre reste “Si toi aussi tu m’abandonnes”, la chanson du Train sifflera trois fois (F. Zinneman,
1952, ci-dessous), preuve que la musique et la chanson peuvent
contribuer au succès d’un film
der les qualités de celles du Train sifflera trois fois ou de L’Ange
des maudits (les couplets de la ballade participent des linéaments du récit imaginé par Lang). Dans ces deux films,
d’ailleurs, la chanson imprègne les images alors que dans
L’Homme de la plaine elle demeure à sa périphérie. Cependant,
la chanson fut composée par un tandem de qualité, Ned
Washington & Lester Lee. C’est surtout Ned Washington, le
parolier, qui est célèbre. Il a écrit, notamment, les paroles de
“When You Wish Upon A Star” (Pinocchio), ce qui lui a valu un
oscar. Autres réussites : le texte des chansons du Train sifflera
trois fois et de L’Attaque de la malle-poste (H. Hathaway, 1951).
Le thème de la chanson choisie par Mann accompagne plusieurs épisodes mais les paroles ne se font entendre qu’aux
bornes du film. Leur contenu est simple, presque prosaïque.
Elles définissent le personnage de manière schématique,
l’étranger sans peur sinon sans reproche, l’homme silencieux,
craint de tous et mystérieux :
a) Le début du film : « The man from Laramie, though he was
friendly to everyone he met,/ No one seemed to know a thing
about him./ He had an air of mystery,/ He was not inclined to
speak his mind,/ The man from Laramie » (L’Homme de
Laramie,/ Même s’il était amical avec tous ceux qu’il rencontrait,/ Personne ne semblait connaître quelque chose le concernant./ Il avait un air mystérieux,/ Il n’était pas enclin à se livrer,/
L’Homme de Laramie.)
La mode, dans les années trente, des cow-boys chantants
(Gene Autry et Roy Rogers furent les plus connus) a contribué
à associer le genre et un certain type de musique. Tex Ritter,
acteur qui a rivalisé avec Gene Autry, devient ainsi un spécialiste de country music renommé interprétant, entre autres, les
chansons du Train sifflera trois fois qui lancera la mode et de
Wichita (J. Tourneur, 1955). Des films aussi connus que L’Ange
des maudits (F. Lang, 1952), Rivière sans retour (O. Preminger,
1954), Quarante tueurs (S. Fuller, 1955), La Prisonnière du
désert (J. Ford, 1956), Règlements de comptes à O.K. Corral (J.
Sturges, 1956), Le Brigand bien-aimé (N. Ray, 1957) ou Le
Gaucher (A. Penn, 1958) ont aussi leur chanson.
L’Homme de la plaine appartient à son époque : le film commence et s’achève par une chanson. Le score est loin de possé-
b) La fin du film : « The man from Laramie,/ Though he was
friendly to everyone he met,/ Everyone admired the fearless
stranger./ Danger was this man’s specialty,/ So they never bossed or double-crossed/ The man from Laramie. » (L’Homme de
Laramie,/ Même s’il était amical avec tous ceux qu’il rencontrait,/ Tous admiraient cet étranger qui ne craignait rien./ Le
danger était sa spécialité./ Aussi personne n’a jamais commandé ni trahi/ L’Homme de Laramie.)
La fonction de cette chanson, outre de sacrifier à une mode, est
surtout d’insister sur la périphrase désignant le personnage
principal. Son refrain, pareil à l’usage de l’épithète homérique,
fait regretter que le titre ait été changé en français — alors qu’il
a été conservé dans toutes les autres langues.
22
La chanson, The Man from Laramie, a été reprise par un
crooner du nom de Jimmy Young. Elle resta, indépendamment
du film, quatre semaines n° 1 des charts britanniques à partir
du 14 octobre 1955. Le texte en était plus complet et légèrement différent. La même année, l’américain Al Martino
enregistrait aussi la chanson avec succès :
The man from Laramie
He was a man with a peaceful turn of mind
He was kind of sociable and friendly
Friendly as any man could be
But you never saw a man out-draw
The man from Laramie
The man from Laramie
He was a man with a warm and gentle heart
But when they'd start the arguing and fightin'
Frightenin' and lightning fast was he
There was no coyote who could outshoot
The man from Laramie
He had a flair for ladies
The ladies loved his air of mystery
The west will never see
A man with so many notches on his gun
Everyone admired the fearless stranger
Danger was this man's speciality
So they never bossed or double crossed
The man from Laramie
He had a flair for ladies
Now the ladies loved his air of mystery
The west will never see
A man with so many notches on his gun
Everyone admired the fearless stranger
Danger was this man's speciality
So they never bossed or double crossed
The man from Laramie
FILMOGRAPHIE COMPLÈTE
Références
1942
1943
1944
1945
L’HOMME DE LA PLAINE
1946
1947
1948
1949
1950
1951
1952
1953
1954
1955
1956
1957
1958
1960
1961
1964
1965
1967
Dr. Broadway / Moonlight in Havana
Nobody's Darling / My Best Gal
Strangers in the Night
La Cible vivante / The Great Flammarion
Two O'Clock Courage
Sing your Way home
Strange Impersonation
The Bamboo Blonde
Desperate
Rairoaded
La Brigade du suicide / T-Men
Marché de brutes / Raw Deal
Il marchait la nuit / He walked by Night
(commencé par A. Werker)
Le Livre noir / Reign of Terror (The Black Book)
Incident de Frontière / Border Incident
La Rue de la mort / The Side Street
La Porte du Diable / Devil's Doorway
Les Furies / The Furies
Winchester 73
The Tall Target
Quo Vadis (séquences de l'incendie de Rome)
Les Affameurs / Bend of the River
L'Appât / The Naked Spur
Le Port des passions / Thunder Bay
Romance inachevée / The Glenn Miller Story
Je suis un aventurier / The Far Country
Strategic Air Command
L'Homme de la plaine / The Man from Laramie
La Charge des tuniques bleues / The Last
Frontier
Sérénade / Serenade
Côte 465 / Men in War
Du sang dans le désert / The Tin Star
Le Petit Arpent du bon Dieu / God's Little Acre
L'Homme de l'Ouest / Man of the West
Spartacus (réalisation de quelques scènes)
La Ruée vers l'Ouest / Cimarron
Le Cid / El Cid
La Chute de l'empire romain / The Fall
of the Roman Empire
Les Héros de Télémark / The Heroes
of Telemark
Maldonne pour un espion / A Dandy in Aspic
(achevé par Laurence Harvey)
BAZIN, André, “Beauté d’un western”, Cahiers du
cinéma, n° 55, janvier 1956. Texte essentiel, contemporain de la sortie de L’Homme de la plaine.
BENOLIEL, Bernard, L’Homme de la plaine d’Anthony
Mann, Paris, Cahiers du cinéma, coll. “Petits
Cahiers”, 2004. Ouvrage pédagogique publié dans le
cadre du “Film du Baccalauréat 2005”.
CARBONNIER, Alain, L’Homme de la plaine, Collège
au cinéma, dossier n° 56, CNC.
ANTHONY MANN
BITSCH, Charles & CHABROL, Claude, “Entretien
avec Anthony Mann”, Cahiers du cinéma, n° 69,
mars 1957. Des propos importants du cinéaste, en
partie transcrits dans le dossier.
LEGRAND, Gérard, “Duels de frères ennemis. Sur
cinq films d’Anthony Mann”, Positif, n° 394, 1993.
MASSON, Alain, “Gestes d’Anthony Mann”, Positif,
n° 509-510, juillet/août 2003.
MISSIAEN, Jean-Claude, Anthony Mann, Paris, Éd.
Universitaires, coll. “Classiques du cinéma”, 1964.
Cette onographie propose des analyses esthétiques
qui rendent compte du style artistique du cinéaste.
PATTISON, Barrie & WICKLING, Chris, “Entretien avec
Anthony Mann (mars 1964 et mars 1965)”, Positif,
n° 94, avril 1968. Des propos importants du cinéaste,
en partie transcrits dans le dossier.
RANCIERE, Jacques La Fable cinématographique,
Seuil, 2001. Le sixième texte du volume, lecture philosophique des westerns de Mann (“Quelques choses
à faire : poétique d’Anthony Mann”), a d’abord été
publié dans Trafic, n° 3, été 1992.
SAADA, Nicolas, “Les westerns fiévreux d’Anthony
Mann”, Cahiers du cinéma, juillet-août 1993. Sur le
rapport de Mann à la modernité.
JAMES STEWART
COE, Jonathan, James Stewart. Une biographie de
l’Amérique, Paris, Cahiers du cinéma, 2004. Le
romancier anglais consacre un chapitre à “Stewart
selon Mann : « Un type toqué »“.
COHEN, Clélia, “James Stewart, l’homme ordinaire
du cinéma américain”, Cahiers du cinéma, n° 516,
septembre 1997. Fine analyse des implications esthétiques liées au jeu de l’acteur.
MOULLET, Luc, Politique des acteurs (Gary Cooper,
John Wayne, Cary Grant, James Stewart), Paris,
Cahiers du cinéma, coll. “Essais”, 1993. Livre sur l’acting, avec des pages lumineuses sur Stewart.
LE WESTERN
BAZIN, André, Qu’est-ce que le cinéma ? Paris, Les
Éditions du CERF, coll. “7e Art”, 1985. Référence
incontournable, notamment pour les chapitres XVI,
XVII et XVIII.
BELLOUR, Raymond (dir.), Le Western, Approches.
Mythologies. Auteurs. Acteurs. Filmographies,
Gallimard, coll. “Tel”, 1993. Ce collectif rassemble
diverses perspectives critiques sur le genre, complétées d’un dictionnaire thématique et artistique.
LEUTRAT, Jean-Louis, Le Western. Quand la légende
devient réalité, Gallimard, coll. “Découvertes”, 1995.
Un livre richement illustré, accessible aussi aux élèves,
qui permet d’avoir une vue d’ensemble du genre.
L’OUEST AMÉRICAIN
Pour cerner les enjeux de l’Ouest américain (Le Nouveau Monde, le mythe de la frontière, les Indiens…),
plusieurs ouvrages peuvent être consultés :
CLARK, William & LEWIS, Meriwether, Far West,
Journal de la première traversée du continent nordaméricain, 1804-1806, 2 vol. Paris, Phébus, 1993.
JACQUIN, Philippe & ROYOT, Daniel (dir.), Le Mythe
de l’Ouest (L’Ouest américain et les “valeurs” de la
frontière), Paris, Éditions Autrement, coll. “Série
monde”, hors série, n° 71, octobre 1993.
MARIENSTRAS, Élise, Les Mythes fondateurs de la
nation américaine, Paris, François Maspero, 1976.
ZINN, Howard, Une Histoire populaire des États-Unis,
de 1492 à nos jours, Marseille, Agone, 2002.
ÉDUCATION À L’IMAGE
AUMONT, Jacques, BERGALA, Alain, MARIE, Michel
& VERNET, Marc, Esthétique du film [1983], Paris,
Nathan, coll. “Cinéma”, 3e édition revue et augmentée, 1999. Manuel pratique qui aborde le Septième
Art sous ses aspects techniques et formels (le montage, la narration, la profondeur, la réception, etc.).
PINEL, Vincent, Vocabulaire technique du cinéma,
Paris, Nathan-Université, coll. “Réf.”, 1996. Un dictionnaire pratique et précis (avec un précieux index
anglais-français).
Vidéographie sélective*
ANTONY MANN
Les Affameurs - DVD (Universal Studios, zone 1)
La Brigade du suicide / Marché de brutes - DVD (Wild
Side Vidéo)
La Chute de l'Empire romain - DVD (GCT)
Cote 465 - DVD (Universal Studios, zone 1)
L'Homme de l'Ouest - DVD (Carlotta Films)
L'Homme de la plaine - DVD (G.C.T.V.H.).
Le Petit Arpent du Bon Dieu - DVD (Wild Side Vidéo)
The Far Country - DVD (Universal Studios, zone 1)
Winchester 73 - DVD (Universal Studios, zone 1)
AUTRES FILMS CITÉS
À l'est d'Eden - DVD (Warner Home Vidéo)
Les Amants de la nuit - VHS (Editions Montparnasse).
ADAV : réf.10633
Les Ange des maudits - VHS (Fil à Film)
Les Disparues - DVD (GCT)
Duel au soleil - VHS (France Vidéo Distribution)
Le Gaucher - VHS (Warner Home Vidéo)
L'Homme qui tua Liberty Valance - DVD (Paramount)
Il était une fois dans l'Ouest - DVD (Paramount)
Impitoyable - DVD (Warner Home Vidéo). ADAV : réf.
37533
Open Range - DVD (Fox Pathé Europa)
La Poursuite infernale - DVD (Fox Pathé Europa)
Qu'elle était verte ma vallée - DVD (Fox Pathé Europa)
Quarante tueurs - DVD (Carlotta Films)
Rio Bravo - DVD (Warner Home vidéo). ADAV : réf.
37619
La Rivière rouge - DVD (MGM, zone 1)
La Rivière sans retour - DVD (Fox Pathé Europa)
Le Train sifflera trois fois - DVD (Paramount)
La Tunique - DVD (Fox Pathé Europa)
* Conditions ADAV, voir le catalogue 2003-2004, tél.
01 43 49 10 02.
www.lyceensaucinema.org : accès aux documents pédagogiques édités, enrichis de l’ensemble des sites internet ressources.
Sources iconographiques : tous droits réservés. Sauf mention contraire : Columbia. P. 4 photo Mann ; p. 5 coll. BIFI, Columbia/Tristar ; p. 8 DR ; p. 10 Les Grands Films Classiques,
20th Century Fox, Films sans Frontières ; p.11 20th Century Fox, Action/Théâtre du temple ; p. 17 Warner, Connaissance du cinéma ; p. 21 Pathé Distribution, Warner ; p. 22
Action/Théâtre du Temple. Les droits de reproduction des illustrations sont réservés pour les auteurs ou ayants droit dont nous n’avons pas trouvé les coordonnées malgré nos
recherches et dans les cas éventuels où des mentions n’auraient pas été spécifiées.
23
Un capitaine de cavalerie ruse pour savoir pourquoi et comment son frère a péri dans une embuscade. Anthony Mann traite
cette vengeance dans un récit où d’apparentes incohérences ne manquent pas comme dans un mauvais rêve. Si la quête du
héros se conclut avec l’élucidation du cauchemar d’un vieil homme, le happy end apparaît un peu forcé. Reste le paysage qui
dépasse et magnifie les péripéties humaines.
Jean-Louis Leutrat & Suzanne Liandrat-Guigues