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Pédagogie FREINET
LE DECLOISONNEMENT .,
Documents et commentaires recueillis ou élaborés par le module girondin
de la commission «équipes pédagogiques et décloisonnement»
Présentation
Si dans ce document nous affirmons certaines lois et actions du décloisonnement, ce n'est
pas seulement une construction de l'esprit mais la simple déduction de notre travail de tous
les jours. Certes au départ nous ne voyions comme beaucoup qu'une meilleure façon d'être
dans sa classe et avec les enfants; mais très vite nous nous sommes aperçus qu'en
s'engageant véritablement dans cette voie, il se crée une dynamique qui nous pousse vers
l'avant remettant en cause nos principes et nos façons d'être. Nous voulons seulement
ouvrir des perspectives. Utiliser l'outil décloisonnement, c'est être averti qu'on se lance
dans une voie qui ne peut être faite par les autres, qu'il n'y a pas de progression établie, de
mode d'emploi de l'outil.
Nos comptes rendus d'expérience, nos genèses, nos tâtonnements ne sont nullement des
exemples à suivre, des recettes.
C'est surtout la preuve que le décloisonnement peut agir dès maintenant, qu'il n'est pas
nécessaire pour se mettre au travail d'attendre des conditions meilleures.
Sommaire
A. - Quelques comptes rendus d'expériences. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Il nOlJls est apparu impossible de les commenter, d'en tirer nous-mêmes des lois ou des
définitions en parallèle sans les dénaturer. Ils représentent chacun des stades différents de
l'action d'un décloisonnement, ils sont déjà pour leurs auteurs et leurs acteurs dans le
passé. On ne peut considérer ces documents que comme des points: les décortiquer serait
les trahir.
B. - Descriptions de l'outil: Décloisonnement et ses implications. . . . . . . . . . . . . . . . 30
Après la lecture des documents, et pour avoir vécu personnellement un décloisonnement,
nous pouvons dégager des perspectives, des constantes. Elles ne sont pas exclusives et ne
dégagent aucune voie privilégiée.
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QUELQUES COMPTES RENDUS
Le décloisonnement naturel de deux classes
(60 enfants - 2 maîtres)
Classe de C.E.1-C.E.2
de Léone DEJOUE et Daniel BOULANGER
Ecole Léon Grimault
35100 Rennes
Interview réalisée par P. LE BOHEC
Décloisonnement naturel! Voilà une expression bizarre.
Comment un décloisonnement peut-il être naturel 7
Comment en êtes-vous venus à utiliser cette expression 7
Eh bien! voici d'abord:
La genèse de notre aventure
Décloisonnement au niveau de l'école
C'était une idée d'adultes. Nous avons essayé de la mettre en
application. Et c'est heureux, parce que tout est parti de là.
Nous espérions, entre autres choses, qu'à cette occasion, les
enfants auraient accès à des domaines nouveaux et plus
nombreux. Nous comptions aussi sur le brassage des âges, qui
devait apporter beaucoup aux uns et aux autres.
Mais à l'usage, nous nous sommes aperçus que cela présentait
de nombreux inconvénients. Nous étions loin de la méthode
naturelle dont parlait Bertrand: «Sincère, foisonnante,
instantanée, disponible à chaque instant, présente et
concrète, liée à l'environnement immédiat, fondée essentiellement sur l'enfant placé au centre de l'école et des
objectifs de l'éducation, hors de tout dogme préétabli.»
- L'éventail des activités était restreint: autant d'activités que
d'adultes (maîtres + 1 ou 2 mères d'élèves occasionnellement).
- Les ateliers dépendaient de la disponibilité des adultes
(suppressions à l'occasion des stages, des congés maladie ... ).
- Peu d'enfants étaient réellement motivés. Il y avait une
contradiction entre les souhaits vë:lriés des enfants et la nécessité
d'équilibrer les groupes pour la réalisation: on ne pouvait
admettre quarante enfants dans un atelier et douze dans un
autre.
- La différence d'âge était trop grande: il n'y avait pas de
coopération réelle, mais plutôt une très grande insécurité des
petits.
- Les ateliers étaient coupés de la vie de la classe, ce qui est
contraire aux principes de la méthode naturelle. Pas de
promptitude: il fallait différer dans le temps. Et la structure
était trop lourde et sclérosante.
Mais surtout, on ne pouvait faire fructifier les acquis des
uns et des autres. N'ayant aucunement vécu l'expérience,
les camarades de la classe n'étaient pas prêts à la prendre
en compte. Il n'y avait pas ce tAtonnement insaisissable
du groupe-classe: la communication non-institutionnelle,
imprévisible et imperceptible n'existait pas. Alors que
souvent dans une classe on peut tout saisir en un clin
d'œil qui vous plonge instantanément dans la presque
totalité des expériences en cours. Et non seulement les
graines ne pouvaient germer mais elles n'étaient pas
semées.
- Alors, il me semble que conformément au processus
du tâtonnement expérimental, après un excès par défaut
(absence totale de décloisonnement) et un excès par...
excès (décloisonnement sur toute l'école) vous avez
trouvé une solution moyenne pleine d'avenir.
Oui , Mais cela ne s'est pas fait tout seul.
10
Naissance des échanges entre deux classes
Nous jouions loyalement le jeu du décloisonnement quand il y a
eu une période d'arrêt de cette activité par suite de l'absence de
maîtres (stage, maternités).
Les échanges entre nos deux classes sont alors nés vers le
début mai: les enfants du C.E.2, trop peu nombreux pour un
match de foot, ont demandé la participation des C.E.1.
- Et cette date est très intéressante parce que vous avez
pu réaliser une première expérimentation avant les
grandes vacances.
- Oui. A propos d'un match de foot, de la participation
spontanée du C.E.2 à l'organisation de la «kermesse» de
réception des correspondants du C.E.1, de l'échange de
spectacles, théâtre et chants libres, des histoires collectives, des
recherches mathématiques, nous avons découvert d'immenses
possibilités d'enrichissement et la perspective d'une autre vie
dans les classes.
Ce n' est pas sans une certaine résistance que nous avons peu à
peu fait nôtres les idées des enfants qui avaient appris à se
connaître mutuellement et envisagaient de tout faire en
commun.
C'est ce vécu dynamisant qui nous a entraînés, nous les maîtres,
presque malgré nous, à prévoir notre travail pour l'année
suivante. Et c'est ce qui a fait notre force. L'événement, c'est
que en cette fin ('année, c'étaient des échanges continuels, au
moins deux ou trois fois par jour. Nous travaillions en
complémentarité sur les maths et sur les histoires collectives de
l'autre classe. On grimpait et descendait les escaliers en vitesse
pour dire où l'on en était de la recherche. Et c'était l'euphorie.
Des filles et des garçons ont découvert des relations
enrichissantes avec le maître de l'autre sexe. Et aussi des
possibilités de liens affectifs sur un plus grand nombre d'enfants,
ce que la classe d'origine trop «maigre» n'avait pas permis
(27 enfants pourtant). Nathalie, qui au bout d'un an n'avait pas
trouvé sa place dans le groupe des C.E.2 s'est située en
quelques jours parmi les C.E.1.
Il était là le vrai brassage des âges. Le terme «petit» a d'ailleurs
été vite éliminé.
Cela nous a étonnés et réjouis, car nous étions passés d'une idée
a priori, d'une conception d'adulte que nous cherchions à
imposer aux enfants, aux idées des enfants qui allaient devenir
et devenaient des réalités vécues.
Structures de travail de cette année
(75-76)
Nous avons commencé cette année avec 15 C.E.1 et 45 C.E.2
venant de deux classes différentes. Nous avions deux salles de
classes. Et, à la Toussaint, une troisième salle nous a beaucoup
facilité la tâche qui aurait été impossible à réaliser autrement.
Nous avons attendu quinze jours avant de former trois groupes
de travail: 15 C.E.1, 20 C.E.2, 25 C.E.2.
Pourquoi 7
Parce que mieux vaut trois petits groupes que deux grands.
Pour sécuriser certains enfants, notamment les plus jeunes (il
est plus facile d'appartenir à un petit groupe d'abord avant de
participer à une communauté de 60 enfants).
- Pour tempérer l'instabilité d'un bon nombre d'enfants.
-
Pour vivre des moments collectifs possibles.
Cette structure a obligé, d'emblée, chaque groupe à faire, à
certains moments l'apprentissage de l'autonomie (trois groupes
pour deux maîtres seulement).
- Pour retrouver, au niveau des groupes, les échanges que
nous avions connus à la fin de l'année précédente. Ajoutons
que chaque salle, en plus de ses diverses fonctions est celle
d'un groupe avec les particularités qui lui sont propres.
DEMANDES DES ENFANTS
POUR LE SAMEDI 17 AVRIL ~9 H 301
Les enfants ayant déjà travaillé en photo aimeraient avoir
de l'aide et r~p'rendre leur activité.
- Les filles qui avaient travaillé à la toilette des bébés
voudraient des renseignements sur l'alimentation des enfants.
Deux enfants voudraient apprendre à faire du pain.
- Les enfants de l'atelier électricité demandent de l'aide.
- La broderie au point de croix proposée par Madame
Lignon intéresse plusieurs enfants.
- Les panneaux avec des fils et des clous intéressent aussi
quelques enfants (proposition de Madame Kermaïdid.
Organisation matérielle
L'espace: Donc, à chaque groupe, sa salle.
- A chaque enfant sa place (sa propriété), Ceci pour équilibrer
les déplacements et assurer aux enfants un point de repère, une
sécurité.
- A chaque salle, plusieurs fonctions selon les moments. Mais
pas d'ateliers définitifs, sauf pour la peinture.
- Mais quand une activité naît et se prolonge, elle garde sa
place bien définie jusqu'à ce qu'elle s'arrête. Ainsi, les ateliers
sont rapidement mis en place (plus de perte de temps, de bruit,
de tensions ... ).
- C'est ce qui m'a frappé chez vous. Si l'on comptait la
somme des pertes de temps occasionnt§es par les
changements d'activiMs dans les classes, on serait
peut-être stupt§fait du rt§sultat. Chez vous, les enfants sont
immédiatement prêts li se mettre au travail qu'ils se sont
choisi. Et ça peut rester en place: il n'y a pas besoin de
remballer totalement après avoir dt§ballt§ totalement.
On a tendance à utiliser au maximum tous les locaux
disponibles dans l'école. A certains moments, on a ainsi quinze
ou vingt groupes d'enfants attelés à des tâches différentes. Et
qui ne se gênent pas trop.
-
PARENTS-ENFANTS
C.E.l - C.E.2
Samedi 23 avril
Madame LIGNON a animé l'atelier "broderie au point de
croix", qui continue.
Monsieur BARDOUL a commencé une approche de la photo
avec quelques enfants.
Madame KERMAIDIC a continué son animation "fils et
clous".
Monsieur COUDON est venu présenter et a continué son
montage (une table de multiplication) avec des enfants.
Mais vous n'avez pas de problèmes de surveillance 7
- Non, pas trop. Nous avons «découvert» cette année que
lorsque les enfants ont décidé de leurs activités, ils sont
capables de travailler seuls. Il n'y a généralement pas de
problèmes. Mais là aussi, il y a eu apprentissage. Cela s'est fait
peu à peu. Souvent, au début de la classe, c'est affolant. Ça
grouille partout (60 enfants), ça rapproche des tables, ça fouille
dans les cartables, il manque de la colle, il faudrait des ciseaux
et le carton où il est? Nous nous précipitons. Et soudain, au
bout de dix minutes, c'est le silence, tout le monde est au
travail. Et nous deux, nous en sommes à chaque fois surpris.
Nous sommes alors disponibles pour aller d'un atelier à l'autre
quand les enfants nous réclament. Ce qui facilite les choses,
c'est qu'il y a eu également un apprentissage de l'organisationavant-la-classe. Et on sait ce qu'on a dans son cartable. On a
préparé son affaire. Mais cela va souvent plus loin. Un midi, des
enfants nous disent avec le sourire:
- Ça y est, on va à la maternelle cet après-midi. On va chez
Nicole présenter notre histoire avec nos marionnettes.
- Mais il faut en parler à toute la classe et voir Nicole pour
nous entendre avec elle.
- Ce n'est pas la peine, c'est fait. Nous l'avons vue. Nous
nous sommes entendues avec elle pour quatorze heures.
Le temps:
Notre unité de temps est la semaine. Au départ, on a établi un
emploi du temps. On s'est efforcé de trouver un équilibre entre
les différentes activités dans la semaine, mais aussi dans la
journée entre les moments individuels, les moments de petits
groupes, de collectifs à 15-20, de grand groupe à 60 (ceux-ci
sont les plus rares, mais non les moins importants).
Cette organisation peut apparaître complexe. Mais elle est très
claire pour les enfants parce qu'ils y trouvent leur compte. Elle a
été remaniée, améliorée par décision des enfants. Exemple: les
enfants ont refusé les moments collectifs le lundi et ils ont fait
de. cette journée «une journée d'expression».
L'entrée des parents dans la classe a été aussi source de
changements. Seul, le vendredi après-midi ne peut être touché
par les enfants: c'est notre moment à nous de propositions,
d'apports, d'animations, de mises au point.
Ateliers
Demande des enfants
1. L'Europe
Non
2. Poésie
Non
3. Le cheval
Non
4. Electricité
Oui
5. Le poisson rouge
Non
6. Broderie
Oui. Madame Lignon ?
7. Textes libres
Non
8. Œufs au lait
Oui
9. Fiches
Non
10. Opérations
Non
Il. Clous et fils
Oui. Madame Kermaïdic
12 Paris
Oui
13. Photo
Oui. M. Bardoul? M. Guy?
14. Bibliothèque
15. Le kangourou
Non
16. La Tunisie
Mme Bardoul
* Non : les enfants souhaitent travailler seuls.
* Oui : les enfants souhaitent l'aide de parents disponibles.
* L'atelier clous et fils demande qu'on lui prête des petits
marteaux.
11
Depuis longtemps, ce cadre n'a pas été remanié et semble
convenir aux enfants.
Cette organisation du temps, de l'espace et des activités a
l'avantage de nous éviter de peser trop lourd sur eux et leur
garantit une autonomie certaine.
- Mais je crois qu'une des caractéristiques principales de
votre façon de travailler est la place que vous faites aux
apports et aux activittJs.
Apports - Activités
C'est encore cette année que nous avons fait cette découverte.
Comme un peu partout, nous commencions nos journées par un
moment d'entretien. Nous avons découvert qu'à 60, les apports
avaient une richesse insoupçonnée.
Mais, surtout, nous avons fait de cette demi-heure un moment
dynamique. Pour chaque apport, peu de discussion, mais une
question: Que pourrait-on en faire?
Les propositions fusent, nombreuses et variées, débouchant
souvent sur une ou plusieurs activités (ateliers, exposition,
recherche ou simple renseignement).
Par ces apports, la vraie vie des enfants entre dans la classe,
leurs. intérêts, leurs besoins, leur expression.
Ainsi toutes les activités d'éveil au sens le plus large, les
activités d'expression de création ont pris naissance à ce
moment des apports. Et nous avons le sentiment d'avoir
découvert le travail concret dont parle Freinet, le travail motivé,
décidé et mené à bien par l'enfant.
C'est ce qui explique en partie qu'on peut vivre, à deux maîtres,
des moments où 15 ou 20 ateliers fonctionnent en même temps.
Sur le plan de la créativité, les enfants ont intégré le fait que, à
chaque problème, il y avait des quantités de solutions (25 solutions pour le problème: comment couver des œufs !). Toutes
les propositions sont acceptées. On ne rit même plus des plus
farfelues.
- C'est un peu l'esprit du brain-storming.
- Ce n' est pas toujours aussi net, ni aussi riche. Mais, dans
l'ensemble, les apports sont un moment de créativité intense. Et
des personnalités se manifestent: les uns sont d'abord
pourvoyeurs de matériel, d'autres uniquement pourvoyeurs
d'idées. Puis ça s'équilibre, ça se complémentarise: chacun
peut partir sur sa base et l'élargir et la quitter même.
Des activités qu'on n'aurait jamais proposées aux enfants sont
entrées dans la classe. (Exemples: électricité; histoires drôles;
filer la laine; voitures en bois; faire du pain; faire du beurre;
de la magie; atelier blagues; comptines en collaboration avec
les maternelles et des choses pour lesquelles on n'a pas de mot
pour les dire: dessins parfumés, enterrer un oiseau mort, écrire
à la mairie, inventer des jeux de cartes, faire le calendrier de
1977.)
Maintenant, toute activité est devenue possible dans la
classe puisque ce ne sont pas les adultes qui décident de
l'éventail des ateliers. Nos limites ne limitent plus les enfants.
- Pour moi, c'est un tournant assez révolutionnaire. Car,
jusqu'ici, récole classait les activitfls en deux cattJgories :
les nobles, les utiles, bref les acceptables, scolairement
parlant. Et les autres, les inutiles, les amusements de bébé,
celles pour lesquelles on n'avait pas de temps à perdre. Et
vous, vous ne faites plus aucune discrimination. Moi
l'ancien, j'en suis un peu secoué malgré toutes mes
audaces passées.
- Pour nous, il y a maintenant une évidence. Tout ce qui
intéresse les enfants est pour nous digne d'intérêt et c'est pour
cela que nous donnons une très large part à toutes ces activités
qui ne naissent et ne meurent que par décision des enfants.
C'était d'ailleurs la position de Freinet que nous avons dû relire
pour nous sécuriser. Là, au moins, nous avons trouvé un écho
de ce que nous vivions.
- Mais pour vous suivre, il ne faut pas avoir étfl
conditionné comme les plus libres d'entre nous l'ont étfl.
Vous avez vu nos préoccupations de programme dans (r/e
fil conducteurJJ. Et vous, vous n'avez pas souci de
programmes. Vous acceptez tout. Vous n'avez pas souci
de récole introductrice.
- Pourtant nous nous préoccupons des programmes. Nous y
reviendrons. Pourquoi au C.E.1-C.E.2 privilégier telle activité et
non telle autre?
- /1 n'y a pas le poids du désir unique du maÎtre et le seul
courant de gratification dans lequel les enfants devraient
chercher à se baigner.
- C'est encore, comme à la maternelle, récole accumulatrice. Mais c'est déjà récole introductrice parce qu'avec
une telle frénésie de recherche, une telle organisation, une
telle puissance de travail, on ne risque guére de laisser les
choses dans l'ombre, au moins pour une premiére
exploration, qui se fixe facilement d'ailleurs parce qu'elle
s'inscrit dans un contexte affectif. Et puis, à récole
primaire, il y a encore les deux années du C.M. pour se
préoccuper d'introduire à ce qui pourrait échapper.
- C'est étonnant de voir le parti que les enfants proposent de
tirer de ce qui leur est apporté. Voici, au hasard, un petit
exemple des apports d'une journée.
Le moment des apports nous apparaît aussi comme un des
éléments favorisant la conquête d'une autonomie plus
grande.
Lundi 3 novembre:
Exemples :
- Quand Stéphane a décidé de faire de l'électricité, il a apporté
une pile, du fil et une ampoule.
- Quand Patrick a voulu faire de la musique, il a obtenu de ses
parents une guitare-jouet et il l'a apportée à l'école pour
proposer un atelier musique.
- Souvent des filles arrivent avec un petit sourire en coin. ((On
a décidé de faire un gâteau, on a apporté la recette et les
ingrédients.)) Elles ont compris que dès l'instant où elles
s'organisaient ainsi, il ne pouvait y avoir aucune opposition à
leur projet.
Gilles amène ses perruches. Elles sont là pour toute la semaine.
/! faudra chercher ce qu'elles mangent. Gilles, Olivier et Philippe
se chargent de les nourrir.
Maria -Gaït :
coqU/ïlages.
des
petits
livres
de
documentation
sur
les
Géraldine et Sophie se chargent de chercher leurs noms pour
étiqueter les coquillages apportés par Frédéric pour l'exposition.
Un buste du Maréchal Joffre: Olivier propose que l'on cherche
qui est le Maréchal Joffre (Olivier et Martine s'en chargent).
Sonia M. : une affiche de la maison de la culture à propos d'un
spectacle de marionnettes tchèques. Elle souhaiterait y aller avec
toute la classe.
Philippe Primault: trois petits livres pour la bibliothèque.
Stéphane son tam-tam pour faire l'atelier musique. Géraldine
suggère aux garçons d'inventer des airs pour que les filles
puissent danser.
Maryline apporte un ticket du Château de Versailles. Géraldine
et Maryline se chargent de se renseigner sur Versailles.
Sonia F. parle de la vie autrefois. Stéphan, Frédéric et Hassan
veulent chercher comment on vivait au temps des rois.
Maryline apporte des tickets de métro. On parle du métro à
pneus ; on les expose pour les regarder, ainsi que les noms des
stations.
12
Olivier apporte des douilles. Philippe propose de faire un exposé
sur la chasse parce qu'il ne sait pas comment on fait pour
chasser. Olivier lui explique. Jean-Marie, lui, peut siffler avec des
douilles. On les regardera dans la journée. Etc.
- Moi, j'ai entendu une de vos parentes étonnée et ravie
d'entendre son jeune fils discuter avec son frére du
programme des activités qu'il se proposait de réaliser
dans la semaine.
- Oh oui! ce garçon de sept ans observait une aile de
mouche au microscope chez lui. Et il communiquait son
observation aux autres. C'est lui aussi a eu l'idée de téléphoner
aux Amitiés Franco-Chinoises pour obtenir des diapositives pour
un exposé sur la Chine qu'il devait faire avec des copains.
Autre aspect important, sinon capital des apports. En début
d'année, ce moment a été pour beaucoup d'enfants un moyen
de s'intégrer au groupe. Certains n'ont, pendant un temps,
trouvé leur place que grâce à leurs apports dont ils se sont
servis comme de médiateurs, de moyens d'introduction. Et, à la
limite c'était leur parole.
Travail à deux
Notre expérience commune, à la fin de l'année scolaire dernière,
a été déterminante. Elle nous a permis de nous engager sans
inquiétude pour une année de travail commun.
A la fin du mois de juin 1975, nous savions qu'il nous était
possible de travailler ensemble. Et on n'envisageait plus de
retravailler chacun dans notre classe: tout le monde y aurait
trop perdu .
Ça a été l' époque de nos apprentissages multiples. Nous étions à
la fin de l'année, nous pouvions prendre le temps d'apprendre à
nous taire. En fait, nous ne l'avons pas fait exprès. Devant une
question, une proposition d'un enfant, nous nous consultions du
regard pour savoir lequel de nous allait répondre. Et pendant ce
temps, un autre enfant avait déjà trouvé une réponse. Nous en
restions bouche bée. Et cela a continué ainsi.
De notre côté
- Plus grande sécurité, plus grande force face aux parents, à
l'inspection, etc. Et c'est grâce à cette sécurité que nous avons
pu envisager des relations nouvelles avec les parents et
l'administration. Celle-ci nous a donné le feu vert. Cela a été une
grande chance, pour nous, d'avoir une inspectrice très ouverte.
- Nos barrières personnelles ont reculé plus vite. Chaque
échec étant analysé et pris en charge en commun n'était plus
angoissant. Mais il avait plutôt, à l'inverse, un effet dynamisant.
Et puis il y a ce que tu dis:
Si un maître seul ne peut pas convenir affectivement à tous les
enfants de sa classe, deux ont plus de chance d'y réussir.
Pendant le stage de Line (une normalienne), nous avons été
même trois pendant un moment. Et ce n' est qu'à ce moment
que Vincent s'est vraiment apaisé. Mais à deux déjà, beaucoup
d'enfants se stabilisent.
- Le fait que chaque enfant peut trouver, selon ses besoins,
soit une plus grande autonomie, soit une relation avec un
camarade, soit une relation particulière avec l'un de nous ou
avec les deux, contribue aussi à faire de la classe une
communauté de travail où les pouvoirs sont effectivement
partagés. En particulier, le pouvoir d'avoir des moments de
dépendance pour recharger les accus avant de repartir vers
l'autonomie. Il est difficile d'expliquer ce qu'on pourrait appeler
«le climat» de la classe. Ce qui est sûr, c'est que ça n'a plus
rien à voir avec ce que l'on avait avant.
- Votre expérience présente déjà beaucoup d'originalittis.
La possibilité d'un travail concret ((en tant que manifestation de soiJ) (Marx). A propos, et le travail abstrait, les
apprentissages? Est-ce que ce n'est pas négligé?
- Non, nous avons des plannings de contrôle et nous savons à
tout moment où chaque enfant en est de ses acquisitions
scolaires. Cela nous prend beaucoup de temps de tenir nos
plannings. Mais nous avons besoin de cette sécurité. On
pourrait ajouter que beaucoup d'apprentissages se font par
imprégnation, dans la foulée du travail concret. Autre sécurité :
nous avons, dans la semaine, instauré des moments de travail
collectif et individuel en mathématiques et en français. Pour
nous c'est l'essentiel, c'est ce qui permet à l'administration et
aux parents d'accepter notre travail.
«On n'enseigne pas ce que l'on sait, on enseigne ce que l'on
est» (Jaurès).
« Toute critique de l'enseignement est ressentie comme une
critique de l'enseignant.»
Eh bien! nous, nous pouvions moins nous identifier à notre
travail. Nous pouvions prendre de la distance. Et s'il était
critiqué, nous n'en étions pas démolis personnellement pour
autant. Nous cherchions ensemble à l'améliorer.
- Nous avons aussi, dans cette façon de travailler, une plus
grande puissance de travail parce que nous ne sommes pas
toujours à l'extrême pointe de notre tension. Nous pouvons
nous retirer un instant. Et puis, s'il le faut, nous prenons le
relais. Nous avons des moments de détente.
- Chacun apporte sa part, chacun trouve son compte. Mais il
est difficile de définir exactement notre rôle mutuel parce que
tout se fait naturellement, sans qu'à aucun moment nous
éprouvions le besoin de fixer quoi que ce soit. Il n'y a aucun
statut entre nous. Il se trouve simplement que nos personnalités
s'accordent et que nous avons exactement les mêmes objectifs.
- Les gratifications ne nous viennent pas de l'extérieur. Ce
sont les enfants qui nous les donnent par leur activité, leur
engagement, sans d'ailleurs se préoccuper de nous. Ils ne
cherchent pas à nous faire plaisir. Dans l'ensemble ils travaillent
pour eux. Pour eux, c'est normal. Et c'est ça qui nous fait
plaisir.
- Par notre travail nous avions en outre le sentiment de
participer à une recherche, presque d'ordre politique. Nous nous
sentions le droit à cette expérience. Mais nous n'avons pas
appliqué des idées politiques sur les enfants. Ils nous les ont
imposées. La prise d'initiative, la prise en charge du travail, la
recherche constante de solutions multiples et nouvelles, la
possibilité de dire non à l'adulte (parents, structures en places). ..
autant de facteurs qui nous semblent aller vers l'autogestion
n'ont pas été proposées (imposées) autoritairement comme cela
se fait souvent. Mais elles nous ont été imposées par la base.
Du côté des enfants
- Nous avons constaté, bien souvent, que le fait d'être deux
et, qui plus est, une femme et un homme, est un facteur
d'équilibre pour beaucoup d'enfants, sur le plan affectif. Et dans
notre Z.U.P. il y en a !
Les parents
- Bon... apprentissages abstraits, travail concret... Mais
aussi travail à deux maÎtres, travail par ateliers très
nombreux, travail sur trois salles et autres lieux. Mais ce
qui m'apparaÎt également très original et aussi riche, c'est
l'insertion des parents dans l'école.
- Comme beaucoup de collègues, nous avons cru pendant un
an et demi que nous pouvions toucher tous les parents en
organisant des réunions à l'école, dans les tours, etc . Ce genre
de réunion regroupe actuellement, au plus, une vingtaine de
familles dont beaucoup appartiennent au conseil des parents
d'élèves.
Ça nous semble bien peu. Il s'est créé airisi une sorte d'élite
intellectuelle très restreinte chez les parents qui participent à la
vie de l'école. Mais nous étions bien loin de toucher
efficacement la grosse majorité.
- Au mois de février, dans un journal, les enfants avaient
proposé aux parents de venir dans la classe.
- Nous ne voulions pas faire une classe-vitrine comme les
autres années, les enfants travaillant, les parents regardant. Mais
nous voulions permettre aux parents d'entrevoir les possibilités
qu'ils avaient de participer à la vie de la classe en tant
qu'adultes et en tant que travailleurs.
On a voulu ainsi créer de nouvelles relations qui ne soient pas
celles, souvent répressives, d'enfants-parents, mais celles
d'enfants-adultes doués d'une «expérience». On touchait ainsi le
monde du travail et, de cette façon , tous les parents avaient leur
place.
- Comme chaque samedi, les enfants avaient programmé une
liste d'activités (éveil , maths, français) . Nous avons proposé
cette liste aux parents en les invitant à participer activement à
ces ateliers. Presque toutes les familles étaient représentées.
Dans la réunion qui a suivi, les parents ont proposé de
nombreuses possibilités de participation.
- Le fait d'être deux les protège de notre trop grand poids
personnel.
- Nous avons, nous, éliminé toutes les formes d'intervention
risquant d'être une atteinte plus ou moins déguisée au pouvoir
de l'enfant. Nous ne voulions pas non plus mettre les parents à
notre place.
- De plus, nous évitons souvent le piège des relations duelles :
un enfant H un maître. Souvent, quand il y a un problème entre
un enfant et l'un de nous, l'autre peut servir de recours-barrière.
- Le rôle des parents, nous l'avons défini très clairement avec
les enfants : le samedi matin, à partir de 9 h 30, les adultes
peuvent venir en classe :
13
- Soit à la demande des enfants (pour compétence technique,
savoir, expérience, vécu) ;
-
Soit sur proposition des parents, discutée par les enfants.
A partir de ce jour, un bulletin de liaison «enfants-parents» est
né et tend à remplacer le «journal» habituel.
- Quelques parents sont aussi venus à la demande de leur
enfant pour travailler avec lui. La classe devenant ainsi un lieu
de rencontre différent et privilégié qui a permis à certains
parents de redécouvrir leur enfant sous un jour nouveau. Des
relations ont profondément changé à partir de ce moment. Ce
côté «psychologique» des rencontres du samedi matin nous
semble également très important. Mais nous restons très
prudents. Nous manions ce style d'échange enfants-parents
avec beaucoup de précautions.
- Par ces matinées-rencontres du samedi et par des
participations indirectes, nous avons ainsi touché presque toutes
les familles. Et nous espérons que beaucoup de gens ont senti la
possibilité de vivre des rapports nouveaux enfants-adultes (ce
qui est différent des rapports enfants-parents).
- Il nous semble important de continuer dans cette voie, car
nous sommes loin d'en avoir épuisé les richesses et il est
facilement envisageable d'étendre cette forme de rapports dans
le quartier et de ne pas se limiter à l'école.
- Mais ça me semble un peu trop rose. Ce n'est pas
possible que vous n'ayez pas de problémes avec les
parents.
- C'est vrai. Nous nous méfions surtout à propos de la
souplesse des échanges. Il devrait pouvoir y avoir des moments
de plus grande fréquentation des parents. Et vers la fin de
l'année, des moments de plus grand relâchement des liens. Mais
les parents seront-ils assez adultes pour l'accepter, pour le
comprendre. Bien sûr, nous avons quelques parents inquiets
mais pas plus que les autres années. L'une l'est par exemple
parce que son enfant, comme tous les enfants, est poète.
- Comme disait la mére de Guy, l'auteur principal de
«Sur la belle école)} : «Guy, ça irait bien à l'école s'il y
avait pas cette bon dieu de poésie.)}
Si les enfants sont heureux en classe, ce n'est pas normal:
certains parents ne peuvent accepter cela. Et, pour les
convaincre qu'ils travaillent autant et même plus que les autres,
c'est toute une affaire!
Objectifs pour cette année
Continuer dans le même sens avec les parents et autres
adultes.
- Continuer notre travail d'observation commencé cette année
en éveil à savoir :
* Bilan des activités nées de la classe tout au long de l'année.
* Voir de plus près l'évolution de certaines d'entre elles,
notamment leur fréquence, leur liaison avec les apports,
l'intervention des adultes.
* Essayer de déterminer la fourchette d'activités propres à
chaque enfant.
- Chercher les liaisons qui sous-tendent les activités.
Mais nous voulons aussi regarder les mathématiques naturelles
avec les C.E.1 que nous gardons l'an prochain. Le fait de savoir
que nous les aurons deux années consécutives nous a permis de
ne jamais être inquiets au sujet des acquisitions et de respecter
leur progression naturelle.
- Nous avons l'intention de garder les enfants deux ans et de
constituer pour chacun d'eux un dossier aussi complet que
possible, montrant l'enfant en évolution. Ce dossier étant
susceptible de contrecarrer les tests actuellement en vigueur.
- Nous nous sommes engagés avec plusieurs collègues du
primaire et de la maternelle à essayer de définir les étapes de
l'évolution des enfants et à mettre en place une formule
d'observation continue depuis leur entrée en maternelle.
Dans l'ensemble, nous avons l'intention de garder les mêmes
structures de travail. Mais il nous faudra les adapter à des
enfants plus jeunes venant du C.P. et, dans l'ensemble plus
instables, plus immatures.
Espérons que nos conditions seront meilleures. Elles étaient à
l'extrême limite cette année. Pourvu qu'elles ne se dégradent
pas, surtout au niveau des effectifs. Comme tous les collègues,
nous sommes malheureusement bien loin des conditions de
travail souhaitées.
- Nous voudrions savoir si votre expérience est
exceptionnelle ou si elle est reconductible, transposable,
transférable.
- Pour notre compte, nous avons le sentiment profond d'avoir
approché, cette année, au-delà des techniques, la pensée de
Freinet et nous ne souhaitons qu'une chose: aller plus à fond
vers ce «retour aux sources» dont nous sentions depuis
longtemps la vérité et la nécessité.
GENESE D'UN DECLOISONNEMENT SUR SIX ANS
J.-J. DUMORA, Annie MASSIP, Annie ROUMEGOUX, Christiane TROMMENSCHLAGER
Ecole Jean-Jaurès, 33260 La Teste
3, puis 4 classes sur 12 classes: C.P., C.E.1, C.E.2, perfectionnement
CONDITIONS FAVORABLES
• Maîtres se connaissant depuis longtemps, ayant, tout en restant dans leur classe, échangé des idées et du travail d'enfants.
• L'occasion matérielle: la possibilité d'avoir des locaux contigus.
• De bons rapports avec les parents (pratique de la réunion de parents).
• Un directeur qui, quoique fondamentalement opposé, laisse la liberté d'action.
CONDITIONS DEFAVORABLES
• Ecole de ville de 12 classes (<<la caserne»).
• Huit maîtres plus ou moins défavorables à nos méthodes ou complètement opposés.
• La lutte continuelle (tous les ans) pour nous maintenir dans des classes (cours) qui se suivent afin d'assurer une continuité.
• Inquiétude des parents à la fin de notre circuit (passage au C.M.1).
• Non reconnaissance de notre équipe; nous sommes cependant tolérés.
14
Dans ce document, nous avons essayé d'être le plus sincère et objectif possible. Nous sommes conscients que notre tentative n'est
qu'un démarrage de décloisonnement et que, ne formant pas une équipe administrativement reconnue, nous ne pouvons abattre toutes
les barrières qui nous empêchent de progresser avec les enfants.
Mais nous pensons qu'en nous regroupant, même d'une façon sauvage, nous sommes plus forts et plus riches et il nous semble que
notre existence est peut-être un réconfort, ou une ouverture.
Septembre:
Deux idées directrices,'
- Travail en ateliers de 9 h à 11 h.
- Moment collectifs au choix de 11 h à 12 h.
Ateliers de l'après-midi (ateliers plus spécialisés!.
Chacun travaille dans sa classe. Ouverture des classes le samedi.
Exposition des travaux et discussion.
Fin janvier-ftJvrier :
Année 1971-72
Est-ce une erreur? Ne doit-on pas tout de suite mettre les
enfants devant un décloisonnement effectif?
CONNAISSANCE DES ELEVES
DANS LA STRUCTURE CLASSE
Octobre:
Ouverture de 16 h à 17 h. Naissance d'ateliers communs avec
trois classes (racines musique ... !.
Travail en ateliers: 9 h - 11 h.
Moment collectif: 11 h - 12 h.
Travail par classe: 14 h - 15 h.
Journal-correspondance: 15 h - 15 h 30.
Ateliers d'art ou éducation corporelle: 16 h - 17 h.
Le moment collectif de 11 h est motivé par une recherche
(maths, textes... ) intéressante et susceptible d'intéresser un
petit groupe d'élèves dans chaque classe-atelier.
Le moment collectif de 14 h est la concession au travail par
classe mais cela ne correspond plus à une réalité.
Dès le départ, il existe un décalage entre le tâtonnement des
enfants et celui des maÎtres qui ont peur d'aller à la catastrophe,
d'où leur rôle de frein.
Le problème le plus important qui est dès lors posé est celui des
rapports entre l'individuel et le collectif.
Expositions et réunions de coopérative:
Création d'ateliers communs aux trois;
Contestation des ateliers triples ;
Temps commun trop limité; peu de contacts;
Perte de temps de mise en train;
Nécessité d'une organisation plus stricte.
Les maîtres se spécialisent: maths, français.
Fin octobre-novembre:
Ouverture de 14 h à 16 h. Naissance et exploitation de thèmes
(le cirque, les trains, Paris!. Présentation et discussions: un
thème par atelier.
Le travail par thèmes est sécurisant pour les maÎtres. Avantage:
meilleure connaissance des enfants. Mais du point de vue
pédagogique nous avons l'impression de régresser.
Travail par thèmes choisis, dans une liste d'intérêts établie en
réunion de coopérative:
Le brassage des âges n'est pas effectif;
Le C.E.1 reste groupé en majorité;
Ce n'est pas une ouverture: peu d'ateliers communs.
Novembre-dtJcembre :
Ouverture de 14 h à 16 h.
Pluralité des thèmes.
Orientation vers un travail d'équipe, thèmes plus variés.
Réalisations moins complètes et plus de désordre.
Double emploi entre le travail du matin et les thèmes.
Pas d'unité.
La nécessité de suivre entièrement les enfants marque le pas sur
notre prudence.
Sans une organisation du travail, certes élaborée par tous, mais
stricte et matériellement précise nous allons à l'échec.
UNE NOUVELLE DEFINITION DU COLLECTIF S'IMPOSE
On travaille, mais il est difficile de travaillér pour tous (manque
de responsabilités matérielles!.
Comme pour les thèmes, la spécialisation est une sécurité et
nous sommes pourtant contre; elle a cependant permis une
organisation matérielle des ateliers.
Mars:
Ateliers de 9 à 12 h ; moments collectifs inclus; simplification
du travail (Plan de travail).
Les enfants peu à peu se libèrent de la
communication (le maÎtre n'est plus indispensable).
~~
unité
)
~~
chaÎne
)
adulte
de
les autres
le groupe
Invention de nouvelles formes de travail tendent à faire un tout.
Un intérêt est exploité sur toutes ses facettes en vue d'une
communication ad groupe.
A vril-mai-juin "
Ateliers d'art inclus; plus de moments classe.
Des groupes de niveau fugitifs suivant les besoins.
Le moment collectif peut être fait pour un groupe de 2 ou 3,
ou 10, ou 30 à 40 enfants.
Les réunions de coopérative deviennent vraiment le moteur de la
vie du groupe.
C'est un lieu de décision: expositions, parents, désir d'élargir le
champ d'action, perspectives pour l'année prochaine.
Nous arrivons à un groupe travaillant en ateliers permanents.
Janvier:
Moments collectifs très divers:
Crise: blocage du travail, divorce entre le travail fait dans la
classe et celui fait dans chaque atelier (moment: 14 h - 16 h!.
Les maîtres sont responsables de la crise. Chacun est mis
devant ses responsabilités: c'est l'heure du choix.
• Moments collectifs en vue d'une meilleure compréhension ou
l'acquisition d'un savoir-faire:
- Correspond un peu à un groupe de niveau mais dans un but
précis et limité;
- Utilisation de l'adulte.
Le temps des demi-mesures n'est plus. Ou l' on abandonne et
cela peut se faire sans drame, ou l'on continue et il faut tout
donner.
Continuer c'est:
Ne plus être le seul maître à bord;
- Etre solidaire à cent pour cent du travail des autres;
- C'est ne plus être le seul adulte face aux enfants.
• Moments collectifs de communication,'
Présentation des travaux terminés.
- Demande d'aide pour prolonger un travail.
- Présentation de travaux demandant une réponse.
Les maîtres décident de reprendre l'idée émise par les enfants
dès novembre : travail ensemble toute la journée.
• Moments collectifs de «communion» :
Parler, discuter ensemble.
- Faire quelque chose ensemble.
- Etre bien ensemble.
Après discussion coopérative, organisation du travail de la
journée.
Cette année, malgré nos inquiétudes, nous n'avons jamais eu,
malgré diverses crises, l'impression d'échec.
15
Le maître n'est plus un critère de référence. En se multipliant
par trois ou quatre, il perd de son efficacité et son autorité.
D'autres rapports s'établissent, des rapports affectifs, des
rapports familiaux .
Notre «secret de réussite» a été de croire à «l'élan vital» des
enfants, de leur faire confiance tout en exigeant d'eux de la
rigueur dans leur démarche vers l'autogestion.
GROUPE A
La plupart des enfants en sont à leur deuxième ou troisième
année de décloisonnement.
- Connaissance réciproque parfaite entre maître et enfants.
- Les formes de travail sont très évolutives.
Les résultats sont très bons dans l'ensemble, avec quelque
chose d'original encore jamais constaté: le travail n'a rien de
scolaire.
Les réussites sont importantes, en particulier en littérature
enfantine, en art, en recherche maths ou scientifique. De plus
les enfants savent présenter et critiquer une œuvre.
GROUPE B
DES ELEMENTS FAVORABLES AU DECLOISONNEMENT
e Effectif: 2/3 ont déjà fait <d'expérience» (C.E.1, perfectionnement), 1/3 nouveau C.P.
e 3 maîtres ayant déjà une expérience d'un an de travail
coopératif, de décloisonnement et qui pensent qu'il suffit de
continuer dans la voie tracée.
Septembre-octobre:
- Bon départ, bonne adaptation apparente des enfants,
cependant le décloisonnement a été un peu trop rapide.
Beaucoup d'enfants nouveaux.
- Cours élémentaire 1re année privé de sa «tête».
Novembre:
Réaction de rejet.
Le travail est donc organisé en fonction de l'année
précédente (structures de base identiques à celles qui avaient
fait leurs preuves en juin).
Nous constatons un antagonisme.
De la part du groupe «ancien» :
- Installation d'une routine, d'un protectionnisme,
paternalisme ;
- Pas d'invention de nouvelles structures;
- Grande capacité d'intégration.
d'un
Les nouveaux (les plus jeunes, C.P.) :
- Ecrasés par des structures imposées,
d'ou :
Passivité (majorité) ;
Refus d'intégration, agressivité (minorité) ;
Grand désir de modifier le système.
CRISE
Critique des institutions rendue possible par la vie coopérative
du groupe (réunion coopérative par mini-groupe).
Nouvelle organisation du travail avec de nouvelles
structures: Petites équipes de travail ayant pour but de
s'entraider et réaliser une tâche sans passer par les adultes
(chantiers). Création de coins de travail où on peut s'isoler à
deux ou trois.
'rise de pouvoir par les 616ments dominants des deu)l
groupes:
Reconnaissance des capacités de chacun;
- Fusion des deux groupes en un seul.
Opposition nette des enfants dont la maîtresse du C.E.1 est
responsable, à l'autre maître; influence très forte de la maîtresse
sur son groupe faisant passer ses désirs pour ceux des enfants
(peut-être a-t-elle eu peur de la perte de son autorité 7).
Novembre-décembre :
Dégradation de la situation . Les C.E.1 veulent revenir chez eux.
On ferme la porte.
Reste de l'année:
Chacun travaille chez soi.
Conséquences:
Une mauvaise entente des adultes est la véritable cause de
l'échec du décloisonnement.
- Une crise avec les enfants permet, par la remise en question,
de faire un nouveau pas vers une meilleure autogestion.
- Une crise entre les adultes se résout plus difficilement et
l'échec alors est durement ressenti par les enfants car ils ne se
sentent pas concernés.
Après 1'6chec :
Soulagement dû au retour au calme.
Puis un «grand ennui» : rien n'est plus pareil.
Plus de discussion sur le vif.
Nostalgie du grand groupe.
Frustration au niveau de la communication.
Les maîtres, plus que les enfants sont les grands perdants.
Déduction:
Année 1973-74
L'année de l'échec
e Situation nouvelle créée par l'arrivée d'un nouvel élément
adulte dans le groupe. Nous pouvons ainsi étendre notre action
au C.E . et garder les enfants un an de plus .
Si vous voulez décloisonner:
- Ayez une «santé de fer ... et un moral d'acier».
- N'ayez pas de tendance à la dépression nerveuse.
- Soyez prêts à sacrifier une partie de votre personnalité et vos
bonnes habitudes prises dans votre «classe».
- Pensez que vous allez tout mettre en commun, même votre
territoire personnel (bureau, etc.).
- Soyez sars que vous partez avec les mêmes idées
fondamentales et que vous êtes prêts à aller à l'aventure
jusqu'au bout.
• Répartition nouvelle des tâches.
Deux groupes de travail :
a) 2 maîtres «anciens» pour le C.E.2, un demi C.E.1 et
perfectionnement (âgés).
b) 1 maître ancien + 1 nouveau pour le C.P., un demi C.E.1 et
perfectionnement (jeunes).
Le travail à quatre nous a semblé impossible vu :
- Les locaux (cour à traverser),
- le grand nombre d'enfants: 90.
Régression dans le décloisonnement, suite à l'échec de l'année
précédente.
Nous avons cependant gardé des moments communs:
- de commur]ication (exposition du samedi),
- de travaux (ateliers d'art, expression corporelle).
GROUPE A (C.E.2 - perfectionnement)
Il continue, mais en s'enfermant; plus d'ateliers communs avec
le C.P. et le C.E.1 . Seule ouverture sur l'autre groupe : l'expo du
.
samedi.
(Suite p. 25)
Le groupe nous a sembl6 ainsi plus 6quilibré.
16
Année 1974-75
L'intégration de la classe de perfectionnement dans le groupe
permet de sortir ces enfants de leur isolement:
Plus d'enthousiasme dans le travail;
-
Emulation, initiation, entraînement;
-
Ces enfants se servent des initiatives des autres.
Tout cela aboutit à un meilleur épanouissement. Ils arrivent à un
niveau plus élevé dans leur travail et à davantage de
connaissances extra-scolaires. Ils apportent en échange leur
habileté manuelle, étant souvent plus âgés.
GROUPE B
Septembre:
Deux classes séparées: un C.E.1, un C.P.-C.E.1.
-
Un maître ayant subit l'échec.
- Une maîtresse nouvelle dans l'école, mais ayant déjà fait une
expérience de décloisonnement, militante I.C.E.M. Ils se
connaissent de longue date.
Premier trimestre:
Approche prudente, activités mixtes par le biais de groupes de
niveau et de l'éducation physique.
Décloisonnement effectif à partir de la fin janvier proposé
par les enfants du C.E.1 (ayant fait l'expérience ratée) en
réunion de coopérative; tâtonnement «normal» dans le
décloisonnement aboutissant à une organisation originale et
fonctionnelle du travail des enfants et à une organisation
originale du travail des maîtres:
Refus de spécialisation.
- Prise de possession par les deux maîtres de tout le local.
- Pouvoir se décharger des tâches pénibles (correction) sur
l'autre maître afin de se réserver deux jours entiers par semaine,
pour observer, saisir les occasions d'approfondissement du
travail, pour être totalement disponible, pour faire un peu ce qui
plaît en prenant son temps, pour se faire plaisir.
Année 1975-76
Même organisation et mêmes participants.
Pendant l'année, les deux groupes de vie (C.P.-C.E.1 et C.E.2perfectionnement) tendent à se regrouper pour une vie
commune à certains moments de la journée ou de la semaine.
D'où:
- Echange d'enfants des quatre classes;
- Echange de maîtres et d'enfants.
Organisation et vie de certaines ateliers communs aux
quatre classes. A partir de janvier, après plusieurs discussions
coopératives, diverses décisions :
- De 2 h à 3 h 30 : ateliers d'art communs aux quatre classes
(une salle: couture, tapisserie, dessins, encres... une salle:
argile, émaux... une salle: théâtre, marionnettes... une salle:
danse, jeu, éducation corporelle).
- Organisation dans la semaine: trois jours ateliers, un jour
exposition d'art, samedi coopérative (exposition de travaux plus
scolaires) .
- Remise en question du rôle des maîtres:
* Ils ne doivent pas se spécialiser.
* L.es enfants doivent pouvoir choisir le maître responsable d'un
atel;er.
* Lp$ maîtres affirment que eux aussi ils ont droit au choix de
faire ce qu'ils aiment.
* D'où alternance des choix.
Amorce d'un travail à quatre ouvrant les portes vers une
possibilité de grand décloisonnement.
Ceci nous a mené en fin d'année à une exposition très riche et
une séance de jeu dramatique tout à fait nouvelle et originale.
Juin:
En fin d'année, au fil des expositions et des réunions de
coopérative des quatre classes :
-
Remise en question des structures.
Désir de travailler avec quatre maîtres.
Après le congrès de Clermont et l'élaboration d'un document sur notre expérience, nous nous sommes aperçus qu'il était
temps de relater notre tâtonnement sans passer pour des marginaux. De plus, nous nous sommes rendu compte, grâce
aux discussions entre camarades, que le moment était venu de faire un pas de plus: tenter la reconnaissance et
l'élargissement de notre équipe. Nous avons donc élaboré, en y mettant toute notre diplomatie, le projet suivant que nous
avons transmis à notre I.D.E.N.
1971-1976 . cinq années de travail en équipe
Depuis 1971 nous avons formé une équipe, pensant:
- Qu'il était nécessaire de suivre les enfants pendant plusieurs
années afin d'assurer une continuité pédagogique;
- Qu'il était préférable d'unir nos efforts et nos compétences
.
pour offrir des possibilités plus riches aux enfants;
- Qu'il fallait toujours tenir compte de leurs besoins fondamentaux.
Ceci nous a amenés à envisager un décloisonnement.
DECLOISONNEMENT DANS LA CLASSE
D'abord, création d'une structure d'ateliers permettant:
- Un travail individuel. Mais les intérêts des enfants entraînent
une grande diversité d'ateliers difficilement réalisables dans un
seul local avec un seul maître.
- Des moments collectifs divers par le nombre et par le niveau.
Mais un seul maître n'est pas suffisament disponible pour
répondre au moment voulu.
25
Les enfants ont alors le désir d'élargir le cercle de leurs
investigations par une communication de plus en plus large.
L'organisation de la classe devient invivable et peu satisfaisante
pour le maître et pour les enfants.
Et pourtant c'est la seule façon d'obtenir un travail personnel et
adapté à l'enfant.
Donc, éclatement progressif de la classe si toutefois le maître l'a
envisagé et a pu le préparer.
Nous avons jusqu'à présent regroupé une classe de C.P., une de
C.E.l, une de C.E.2 et une de perfectionnement, sans que des
problèmes de niveau soient effectifs.
En particulier, les enfants de la classe de perfectionnement ont
pu ainsi:
- S'intégrer parfaitement aux autres enfants;
- Profiter de leurs initiatives, de leur enthousiasme et de leur
vivacité;
- Apporter leur maturité, leur habileté manuelle;
- Eviter d'être mis à l'écart dans le cadre de l'école.
Des possibilités de structures de décloisonnement à plusieurs
classes :
- Travail individuel en ateliers riches par le nombre,
l'installation, la qualité, l'animation, pour permettre l'expression
libre, la création, l'expérimentation, l'approfondissement des
connaissances et la recherche.
-
Les activités de groupe pour :
* La création collective ;
* La recherche commune à partir d'une piste donnée par un
enfant;
* L'apport d'un groupe à un individu pour éviter l'échec ;
* La synthèse à partir des différentes pistes prises pour la
découverte d'une notion ;
* La consolidation des acquisitions fragiles (ces activités n'ont
que peu de rapports avec les groupes de niveau vu leur
formation , leur composition et leur durée) ;
* Les diverses communications : présentation de travaux,
expositions, critiques, pistes nouvelles.
Cette alternance de travail individuel et collectif oblige à une
organisation stricte tant de la part du maître que de l'enfant.
Elle est élaborée coopérativement, remise en question et elle
aboutit à des structures évolutives:
- D'organisation (plans de travail individuel, plans de travail
collectif) ;
- De contrôle (plan de travail individuel, brevets, dossiers de
l'enfant. .. ) ;
- D' installation et de rangement (partage des responsabilités) ;
- De vie de groupe (le choix et ses limites, le respect des
autres).
Nous avons alors pensé que les enfants pouvaient nous aider à
acquérir des techniques de travail de groupes.
Celles-ci étant ainsi adaptées et adaptables suivant la vie
coopérative du groupe enfants-adultes.
Cette démarche prudente et réfléchie nous permet au bout de
cinq ans de tirer les affirmations suivantes :
- L'enfant peut choisir l'adulte avec qui il veut travailler et ainsi
combler plus facilement ses manques affectifs.
- Prendre son temps pour faire son tâtonnement expérimental
et ses apprentissages (possibilité de les continuer sans rupture ni
réadaptation sur plusieurs années, redoublements évités dans la
plupart des cas).
- Etre moins agressé par la personnalité d'un adulte, celui-ci
n'étant plus le seul critère de vérité.
- Travailler à son niveau, tout en gardant un contact avec des
groupes plus évolués, permettant une émulation et une
constante évolution tant au point de vue des connaissances que
de sa personnalité.
- Se retrouver seul ou dans un groupe restreint avec un maître
vraiment disponible et faire un véritable travail individuel.
- D'autre part, se retrouver à certains moments dans un grand
groupe qui lui permettra:
* De faire l'apprentissage de la société ;
De tenir compte des autres;
De résoudre des problèmes de communication;
De mesurer les limites de la liberté.
26
Nous sommes à même de dire que dans une seule classe, ces
choses-là ne peuvent être qu'imparfaitement réalisées à cause du
manque de disponibilité physique et mentale du maître qui n'est
pas universel, et de l'homogénéité des enfants au point de vue
âge.
Dans une équipe, l'adulte:
Partage ses inquiétudes et ses responsabilités;
Compte sur les autres;
N'est plus seul;
Peut s'épanouir selon ses goûts et ses moyens;
N'est pas indispensable: une absence momentanée (maladie), bien que faisant intervenir un remplaçant non connu des
enfants, ne nuira pas à la continuité du travail.
Plutôt que de nous spécialiser, nous avons pu apporter nos
compétences en fonction de notre personnalité. Nous avons
refusé pour l'enfant et pour nous une vision cloisonnée de notre
enseignement.
'
Refus d'une séparation entre les diverses disciplines (qui
entraîne la leçon type et le découpage horaire) au bénéfice d'un
travail plus individualisé permettant le tâtonnement expérimental
et des regroupements selon les intérêts sans niveau ni spécialité.
Nous pensons qu'une vision globale de l'enfant est nécessaire à
son éducation.
Nous avons constaté que les problèmes les plus sérieux de
fonctionnement de l'équipe viennent plus des adultes que des
enfants.
Ces adultes doivent être d'accord sur des principes essentiels de
vie de groupe:
- Etre vrai dans son comportement;
- Avoir une même attitude face à l'enfant, l'accepter tel qu'il
est ;
- Accepter la personnalité d'autrui et lui faire confiance;
- Admettre d'être remis en question par les adultes et les
enfants;
- Savoir que la vie coopérative exige un don de soi.
Tout ceci permet une évolution de notre personnalité et de
notre pédagogie, très importante et très enrichissante, ce qui
nous incite à penser qu'il sera impossible de revenir seul dans
une classe.
Nous nous sentons responsables de l'éducation des enfants qui
nous sont confiés autant du point de vue des connaissances
que de la personnalité. Du point de vue des connaissances,
nous avons constaté que cette façon de travailler amène l'enfant
sans heurt et sans traumatisme à un même niveau que dans
d' autres classes, mais avec une ouverture d'esprit plus grande.
Nous apprenons à apprendre.
Du point de vue de la personnalité, nous respectons et nous ne
voulons pas juger les opinions, les croyances familiales et
religieuses, etc. et nous respectons la confrontation des idées.
Nous pensons que l'éducation familiale est très importante, nous
voulons en tenir compte mais nous ne voulons pas nous
substituer aux parents.
Nous essayons d'ouvrir une multitude de pistes et nous voulons
en informer les parents donc nous prenons contact avec eux de
façon à ce que l'enfant ait un développement harmonieux par
nos actions conjuguées. Donc nous informons le plus possible
les parents et essayons de les faire participer à la vie de notre
groupe.
Nous sentons bien que notre action ne sera complète que si elle
peut être poursuivie de la maternelle à la 6e et au-delà .
" nous est impossible de décrire une organisation plus précise
de notre décloisonnement car ce ne serait qu'un point
momentané et donnerait une image figée de ce que nous
vivons. Comme il nous est impossible de donner l'organisation
future de l'équipe car il existe une dialectique du décloisonnement.
Nous pensons que chaque maître doit se préparer à être prêt à
changer de classe et de partenaire afin d'éviter toute routine,
pour suivre un groupe d'enfants et permettre une meilleure
continuité.
Nous demandons à être reconnus en tant qu'équipe pédagogique afin d'abord de préserver le travail accompli depuis cinq
ans (qui est pour l'instant à la merci de remaniements ou de
départs dans l'école) et d'autre part d'obtenir l'extension de
l'équipe jusqu'au C.M.2 si des postes sont libérés dans l'école
(les maîtres postulants s'engageant à respecter les conditions de
l'équipe).
Flash sur notre vie de groupe
(dans un temps donné, dans une situation particulière et évolutive)
NOTRE ORGANISATION MOMENTANEE
Le décloisonnement nous amène à une organisation très précise.
Dans le temps
Voici un exemple de l'organisation de la semaine
actuellement: début janvier. Cet emploi du temps
est le quatrième de
l'année; il évolue en
fonction de la demande
d'après les changements
survenus en réunion de
coopérative.
Mardi
Lundi
Jeudi
9h
M.C.
C.P.
M.C.
C.E.
M.C.
C.P.
Ateliers
Samedi
Vendredi
1
Ateliers
Préparation
expo
@)
Gr. 2
brevets
M. coll.
M .C.
C.P.
M.C.
C.E.
Gym
Gym
Correspondance
Ateliers
Gr. 1
brevets
M. coll.
@)
M.C.
C.E.
Coopérative
12 h
Ateliers
14h45
Point
Point
15h
Ateliers
Tout
faire
Fin des
ateliers
Bricolage
Journal
Gym
Danse
Théâtre
Musique
Chant
Poésie
Expo
Point
Tout
faire
Fin des
ateliers
Bricolage
Journal
Gym
Danse
Théâtre
Musique
Chant
Le point
des chantiers
15h30
15h45
Idem
Idem
Idem
1. La semaine de travail se termine le jeudi.
5. Actuellement, de 15 h 45 à 17 h, travail à 4 classes, suivant
des intérêts du moment. Sortes de chantiers avec présentation à
l'exposition du jeudi.
2. Deux jours: lundi et vendredi où les deux classes C.P.-C.E.
sont entièrement confondues ;"travail en atelier.
6. Le point. Chaque enfant ayant un plan de travail individuel,
le point du travail est nécessaire. Les enfants qui désirent
terminer leur travail ont un maître disponible pendant une
demi-heure. Les autres assistent à un moment collectif «tout
faire» qui peut être une présentation, une conférence ou tout
simplement un moment de discussion à bâtons rompus.
3. Notre compromis. Des moments de niveau: mardi, jeudi et
samedi :
a) Niveaux C.P.-C.E.1 sont des présentations, des mises au
point, des communications à la collectivité. C'est souvent un
peu trop scolaire.
b) Des mini-niveaux: pas plus de 6 ou 7 élèves sur une notion
non acquise (ces groupes sont momentanés et variables).
7. Coopérative soit à 2 classes, soit à 4 : on règle les litiges, on
remet en question, on décide des aménagements à apporter.
Elle se fait souvent par petits groupes avec rapporteur (les
maîtres ne participant pas).
4. Le jeudi est actuellement consacré il la préparation et
aux commentaires et critiques d'une exposition dans les quatre
Le travail en ateliers étant
très diversifié, nous sommes amenés à élaborer des
plans de travail individuels.
Mais ceux-ci sont très variables suivant l'étape du
décloisonnement, et l'évolution des enfants dans
leur autonomie. Voici
actuellemeht celui en cours
au C.P.-C.E.1 :
Chantiers
Nbre
d'At.
L
M
J
V
L
M
M.C. = moment collectif.
ob. = observation .
= recherche.
= fiche.
A.A. = ateliers d' art (argile,
bricolage, peinture ... ).
®
®
Planning de
la semaine
chantiers
classes: présentation de travaux, échanges, travaux communs.
Moment capital dans la semaine.
Remarques:
Le plan de travail
Pistes
de travail
Idem
M.C.
C.E.1.
Ateliers
M
L
Dictée
de texte
J
M
Opérations
Calcul
Opérations
Calcul
V
J
Maths
recopié
Calcul
mental
S
V
M
L
J
M
V
J
S
V
Texte
Texte
Texte ob.
Lettre
Poésie
Correction
Correction
Texte
recopié
Texte
recopié
Maths
®
Balance
®
Phon
Lecture
B.T.J .
Hist. de
Maths
Mesure
Phon
®
Lecture
B.T.J .
1
1
Maths
®
Expérience
Gram
®
Lecture
livre
M .C.
®
Mots
Lecture à
haute voix
Mots
Gram
1
J
A .A.
A .A.
Décoration
dessin
V
A .A.
A .A .
Brevets
Imprimerie
Musique
chant
rythme
1
27
SALLE EXPRESSION:
- Ecrite : textes, poésies, lettre, albums, livrets, bande
dessinée.
- Orale: lecture avec enregistrement (histoires, chants,
musique).
- Picturale - artistique: peinture, dessin, décoration, encres,
argile, drawing gum ...
Les chantiers utilisent la totalité des ateliers pour un travail
complet: réalisation d'une œuvre.
Brevets: l'enfant fait le point de ses connaissances: je sais
faire ...
SALLE DE RECHERCHE :
Manipulations, inventions, découvertes ... Ateliers permettant à
l'enfant de faire lui-même ses découvertes fondamentales, son
tâtonnement expérimental ; un milieu le plus riche possible
permettant l'expérimentation :
Recherche maths ;
Recherche sur les nombres, calcul;
Mesures, balance, sable, eau, topologie;
Expériences ;
Electricité.
Observation: diapositives, atelier projection individuelle, musique, rythmes, bruits.
Suivons l'enfant
L'enfant fait son choix d'après les tableaux des ateliers et les
places disponibles (80 places). Il y a plus de 30 possibilités
(avantage de la fusion).
Chantiers: préparation d'albums sur les recherches ou les
observations, conférences (préparation).
La recherche est une forme de pensée difficile à acquérir pour
l'enfant quand il a déjà subi un «enseignement» alors que
beaucoup possèdent une curiosité naturelle qu'il suffit de
favoriser et d'organiser.
Le travail dans un atelier terminé, l'enfant peut faire corriger
celui-ci par le maître disponible, ou bien commencer un autre
atelier et faire vérifier tout son travail en bloc.
Chaque atelier est marqué sur le plan de travail:
- Terminé +
- Réussi
- A revoir le lendemain
*
)
Si l'enfant a besoin d'une consolidation, le maître prévoira une
fiche individuelle le soir ou il réunira quelques enfants ayant la
même difficulté pour travailler avec eux. L'enfant ne doit pas
rester sur un échec. Il doit savoir qu'il peut compter sur le
maître pour l'aider à progresser.
Suivons les maîtres
Nous n'avons pas voulu nous spécialiser (maths, français :
connaissance fragmentaire de l'enfant) ni rester dans une classe.
Les enfants passent la porte. Les maîtres doivent aussi avoir des
activités dans les deux salles. Nous avons pensé à la solution
suivante : un maître se charge du travail individuel, un maître du
travail collectif.
Le jour suivant (ou la semaine suivante) c'est l'inverse.
Quels ateliers
Nous n'avons pas fait une classe français et une classe maths
(danger de spécialisation au dépens d'un enseignement «total»),
mais plutôt une salle expression et une salle recherche.
28
SITUATION DU MAITRE
CHARGE DU TRAVAIL INDIVIDUEL:
• Il décharge l'autre de la responsabilité des ateliers individuels.
C'est lui qui vérifie le travail de chaque enfant en fin de journée
et qui s'occupe plus spécialement de ceux qui n'ont pas terminé
ou compris.
- Pendant les grands moments collectifs il y a peu d'enfants et
du même niveau, il peut déceler les lacunes de chacun. Y pallier,
ou tout simplement bavarder (besoin affectif de l'enfant). Le
travail est souvent ingrat (trop de corrections), fatigant mais il
permet à l'autre maître d'être vraiment disponible.
TRAVAIL DU MAITRE CHARGE DU COLLECTIF
1. Il met en train le travail individuel avec l'autre maître.
2. Il l'aide à certains moments de la journée quand il y a
«bouchon» (les enfants commençant leurs ateliers presque en
même temps terminent ensemble souvent).
3. Puis il fait des moments collectifs (plusieurs sortes de
moments) :
• Des moments prévus d'après les manques décelés les jours
précédents :
- Moments par groupe de niveau ;
- Moments avec un petit groupe à «débloquer»; avec
présentation d'un travail pour en dégager d'autres pistes
(déblocage collectif d'une recherche individuelle) ;
• Des moments occasionnels permettant à l'enfant de ne pas
rester sur un échec en faisant appel à la collectivité (ex.:
préparation d'une conférence).
Le maître peut y passer le temps qu'il faut. Les autres
enfants s'adressent alors à l'autre maître pour le travail
individuel.
Quand le maître ne fait pas de collectif, il s'occupe des ateliers
mais avec une optique différente de la rentabilité et du travail
bien fait. Il essaie de voir les travaux individuels pouvant
permettre une généralisation. Il peut se permettre de passer un
long moment avec un enfant qui a besoin de lui, de travailler,
mais aussi de discuter, de répondre aux besoins affectifs des
enfants, de s'isoler avec l'un d'eux .
• A 15 heures, il s'occupe d'abord des enfants qui ont terminé
leurs ateliers. Il contrôle les plans, fait le point, et constitue un
groupe de discussion avec les enfants disponibles: moment tri! 3
libre dans ses choix et sa forme.
Il faut aussi savoir que rien n'est définitif, que la situation
actuelle est journellement améliorée ou adaptée au besoin, qu 'il
arrivera un moment où même la «grille» sera remise en question
non seulement par les maîtres, mais par les enfants. Les
réunions de coopérative servent à cela.
En aucun cas on ne peut se servir de recette ou de moule. La
fantaisie ou la mode ne sont pour rien dans notre travail. Nous
avons voulu avec les moyens du bord, qui ne sont guère
favorables, essayer de vivre notre travail en «accord)) avec les
enfants dans le climat que nous aimons et que nous créons tous
ensemble.
Les constats
Cette forme de travail
constatations.
nous a permis de faire
certaines
Du point de vue des apprentissages
1. Ils ne sont plus dramatiques, car ils peuvent s'étager sur deux
et quatre ans. En effet un enfant pris au C.P. aura le même
maître jusqu'à la fin du C.E.2 pour assurer une continuité et il
bénéficie en plus de l'apport des trois autres (roulement des
maîtres sur trois ans). On peut donc donner à l'enfant le temps
de ces apprentissages. Les classes C.P. et C.E.1 étant
confondues. Une limite: les parents.
2. Notre circuit de trois ans correspond en fait aux
apprentissages : lecture, maths. Nous pouvons respecter le
tâtonnement expérimental de chacun:
a) Parce qu 'il n'y a aucune réadaptation d'une année sur l'autre
(gain de temps) ;
b) On peut par le travail individuel - ou par très petit groupe
- approfondir une notion ou la consolider. Il n'est pas besoin
de la présenter à toute la classe afin de faire une leçon. Celle-ci
aura son temps: quand le «fruit sera mûr».
Ce n'est pas exagéré de dire ceci ,' car nous avons constaté,
qu'en laissant aux enfants le choix de leur découverte et le
temps de leur tâtonnement, il existe des constantes. Sur six ans
on peut dire que telle notion de maths ou de grammaire est
devenue d'intérêt général à peu près à la même époque. Nous
ne sommes pas inquiets pour le programme. L'apprentissage de
la lecture par exemple est ce qu'il devrait être : une découverte
sans rupture sur trois ans et non un «bourrage». Savoir lire,
c'est aimer lire, et connaître l'utilité de cet outil, une plus grande
autonomie (d' où motivation : savoir lire c'est ne plus avoir
besoin des autres pour s'exprimer et communiquer) . C'est
important pour un enfant qui se trouve toujours sollicité dans un
groupe où chaque individu a son rôle à jouer.
Dans le domaine de l'e)i(pression libre
Nous avons eu des inquiétudes au départ. En effet, par rapport
à une classe travaillant en ateliers permanents, l'expression
libre écrite a diminué en quantité: l'enfant est sollicité par
d' autres ateliers d'expression qui avaient peu de place dans une
classe ordinaire - par manque de bras, de place et de temps.
Il existe par exemple presque tous les jours une heure de jeu
dramatique, avec un adulte.
De même pour la danse, la poésie, l'expression manuelle, etc.
Ces possibilités d'expression ayant leur droit de cité au même
titre que le texte libre, l'expression écrite (parce qu'elle
nécessite moins d'autonomie (savoir lire, écrire) est moins vitale,
elle est replacée à son juste rôle.
Mais elle n'en est pas moins riche:
- Elle se manifeste sous beaucoup de formes;
- Elle va de la gaudriole à la bande dessinée, de l'imagination
débridée à la poésie des sentiments, de l'observation d' une
chose au commentaire de document, au récit vécu, à l'album,
au roman.
De plus l'expression écrite n'est plus l'esclave des apprentissages elle en est seulement une manifestation. Par exemple, le
texte en C.P. ne sert pas automatiquement à faire une «leçon de
lecture». Il existe bien d'autres formes d'ateliers où l'on peut
faire des recherches dans ce domaine (phonétique, etc.). De
même le texte libre ne sert que rarement à faire des remarques
grammaticales ou orthographiques (si celles-ci se font elles sont
individuelles). Il existe des ateliers de recherche à ces fins.
L'expression libre est plus authentique.
L'expression libre n'est plus en priorité l'expression écrite: c'est
la manifestation sous tous ses aspects de la personnalité d'un
individu (c'est s'exprimer par le chant, la danse, la peinture,
etc .), mais aussi parler devant les autres, donner son avis,
cri tiquer, apporter sa contribution dans tous les domaines.
S'exprimer c'est savoir communiquer. Dans notre groupe de vie
nous pouvons dire que cette expression libre existe, de plus
en plus, et à mesure que la fuite de l'autorité des maîtres
s'amplifie et que d'autres canaux de communication
s'ouvrent. Cette expression libre passe par une redéfinition des rôles de chacun dans le groupe.
29
Du point de vue des outils
Le travail individualisé étant très important dans nos classes,
nous avons un grand besoin d'outils rendant l'enfant plus
autonome.
Ce que nous constatons, c'est que bien des outils produits
actuellement ne sont pas adaptés.
Soit ils sont trop scolaires et ne donnent pas une part assez
grande à la recherche tâtonnée. Par exemple, la B.T.J. nous
semble trop livresque, elle donne tout à l'enfant sans demander
de sa part une participation. C'est quelque chose de fini, il n'y a
plus qu'à constater cet arrêt.
Dans nos classes elles ne servent plus qu'à lire. Les enfants
préfèrent des documents beaucoup moins élaborés et souvent
beaucoup plus complexes pour faire les enquêtes (ex.:
l'encyclopédie animale pour trier et chercher ce qui leur est
utile). Pourquoi tout ce texte?
D'autres outils: F.T.C. et surtout Livrets programmés nous
semblent mieux convenir à notre forme de travail. Il est
dommage qu'ils soient le plus souvent faits pour les grandes
classes (mais c'est de notre faute ... ).
Un grand effort, à notre point de vue, est à faire sur d'autres
outils qui sont à inventer pour tout ce qui est auditif, ou tout ce
qui sert à la communication (journal, audiovisuel, etc.).
LE DECLOISONNEMENT
Décloisonnement et ouverture (ne pas confondre)
Le groupe-classe ne suffit pas, d'où diverses ouvertures ou décloisonnement .
• Des ouvertures qui ne modifient pas les structures du groupe mais lui donnent un champ d'action plus grand:
- Correspondance, enquêtes, voyages ...
- Création d'ateliers spécialisés dans le cadre des actil7ités d'éveil.
Tout ceci n'est qu'une projection du groupe-classe vers l'extérieur.
Bien différentes seront les réactions si, grâce aux adultes, au décloisonnement du groupe à l'intérieur même de la classe, les enfants
prennent conscience non seulement qu'il peut y avoir d'autres prolongements qui modifient leur situation mais qu'ils peuvent les
réaliser.
Le décloisonnement crée une dynamique naturelle vers une communauté de plus en plus élargie. Décloisonner ce sera
obéir à cette dynamique et répondre aux besoins du groupe.
Des structures évolutives de communication sont nécessairement créées, telles: visites de classe, expositions, échanges, qui amènent
les enfants à la connaissance d'autres milieux de vie. S'arrêter là serait une ouverture: il y a décloisonnement s'il y a
appropriation de ce milieu.
Il y a une différence fondamentale entre l'enfant qui s'informe et celui qui agit sur le milieu.
Il y a ouverture lorsque deux groupes décident d'un travail commun puis reviennent à leurs structures initiales. Il y a décloisonnement
s'il y a modification d'un groupe par rapport à l'autre avec création d'une nouvelle structure.
Décloisonner c'est se donner le pouvoir
d'aller vers une communauté d'adultes et d'enfants
sans âge ni niveau scolaire
Description de l'outil «décloisonnement»
Il obéit à des lois (sans lesquelles on ne peut parler décloisonnement) :
1. Décloisonner, c'est abattre les structures existantes imposées
de l'extérieur, mais c'est aussi créer d'autres types de structures.
Nous ne préconisons pas l'anarchie, la non-directivité. Sans
règles il ne peut y avoir de vie ni de liberté mais ces structures
consenties par le groupe sont contestées d'où évolutives.
30
En conséquence, dans un groupe composé d'enfants et
d'adultes il ne peut y avoir imposition d'une structure créée par
les uns, sur les autres. On ne peut concevoir un
décloisonnement sans la participation effective et à tous
les niveaux des enfants. Il ne peut y avoir décloisonnement sans vie coopérative.
Les enfants ne peuvent être mis devant le fait accompli. Le
décloisonnement obéit lui aussi à la loi du tâtonnement. Nous
pensons qu'il ne peut y avoir qu'une forme de décloisonnement : celui vécu au jour le jour suivant les besoins du
groupe: un décloisonnement naturel.
2. Toute structure imposée par la nécessité momentanée de la
communauté doit pouvoir être remise en question, même pour
un seul individu pour qu'il y ait évolution, respect de la personne
et de son tâtonnement.
3. Le décloisonnement favorise la communication.
Il y a une dynamique. C'est le fondement même du
décloisonnement: il faudra toujours décloisonner.
Les informations circulent d'autant mieux et avec moins de
censure qu'il y a plus de circuits et d'adultes.
Le groupe n'existe que par la communication, que par les
apports de chaque individu.
C'est de cette distorsion que viennent le plus souvent les
échecs.
Dès qu'il y a communication à deux il y a déjà groupe. Il existe
donc une infinité de groupes dans une communauté décloisonnée.
Dans le contexte actuel il ne peut y avoir décloisonnement
sans la remise en question des adultes. Décloisonner pour
les enfants, oui, mais c'est inutile et néfaste si les maîtres
restent dans leur solitude et sur leur piédestal. C'est dire: un
maître ça ne devrait pas exister.
Le décloisonnement permet la libre circulation physique
de chaque individu à l'intérieur d'un groupe mais aussi
vers d'autres groupes.
4. Le décloisonnement remet en question la notion de
groupe.
Un groupe n'est pas composé d'individus semblables ou ayant
les mêmes problèmes ou manques. Former des groupes
fonctionnels en vue de meilleurs résultats scolaires, d'impératifs
sociaux, économiques ou politiques n'est pas conciliable avec le
décloisonnement.
On ne peut pas parler comme il en est question dans la
rénovation pédagogique de groupes de niveau, ni de pédagogie
de soutien (classes d'adaptation ou de perfectionnement). Le
décloisonnement en niant les groupes établis une fois
pour toute permet cette hétérogénéité des groupes.
L'homogénéité du groupe l'appauvrit, au contraire l'hétérogénéité est un facteur de vie.
Pour nous il est essentiel d'aller vers des groupes divers en âge,
en personnalité, en possibilités de création et d'action.
L'hétérogénéité permet le choix pour l'enfant, pour
l'adulte, pour le groupe. Elle permet la libre participation de
chacun et lui offre plus de recours et de possibilités de
changements. L'hétérogénéité des individus est un facteur
d'égalité. Ceci implique pour l'enfant ou l'adulte la possibilité et
la rigueur, presque l'obligation, d'être vrai, d'être lui-même.
Chaque individu peut choisir des spécialisations plus fonctionnelles qui correspondent à sa personnalité et lui permettent
d'avoir une action et une existence à l'intérieur d'un groupe
sans lequel il ne serait rien.
En brisant les structures de sélection, le décloisonnement
permet que le groupe se crée, se transforme, se divise, se
multiplie; qu'il travaille, agisse, produise.
On peut appeler ceci un groupe de vie. Attention on ne peut
pas penser groupe de vie en fonction des groupes existant
actuellement: classe, école, société.
5. Le décloisonnement permet de dégager une vision plus
réelle des individus et de leurs rapports:
- Chaque enfant a plus de possibilités d'activités;
- En échappant aux contraintes adultes, il peut s'exprimer plus
facilement et communiquer ses idées.
Le décloisonnement permet un développement plus grand de
l'expression libre qui peut alors s'exercer dans tous les domaines
(grande diversité des ateliers) et sous toutes ses formes (orale,
gestuelle, écrite .. . ) et ceci d'autant plus facilement qu'il n'y a
plus les barrières d'âge ni les contraintes d'apprentissage:
structures échelonnées dans le temps. Les adultes ou
éducateurs ont une vision plus diversifiée de chaque enfant.
Cette vision nouvelle fait :
- Ou' on ne peut plus avoir une image préconçue et toute faite
de l'i ndividu;
- Oue l'adulte ne peut plus se sentir supérieur à l'enfant.
Décloisonner c'est partir de la réalité des êtres et faire que
chacun puisse exprimer cette réalité et créer des rapports vrais.
Le décloisonnement des maîtres et des adultes en général
est essentiel. Il implique de leur part des partages
quelquefois douloureux:
• Partage de l'autoriM :
Il n'y a plus de place pour le paternalisme, l'enfant ayant d(.s
recours pour y échapper. Or quand nous travaillons seuls, nous
faisons tous du «paternalisme inconscient».
• Une redéfinition de son utilité et de son rlJ/e en tant
qu'éducateur.
Les rapports maître-enfant ne peuvent être les mêmes.
L'enfant échappe au contrôle. Le maître n'est plus le relais
indispensable. Nous acceptons que certains enfants préfèrent un
adulte à un autre ce qui ne se fait pas sans risque de conflit
entre maîtres. Ceux-ci sont perçus non seulement à travers leur
«savoir» mais à travers leurs apports affectifs.
Plus il y a d'adultes, plus ceux-ci seront obligés d'être
vrais pour avoir leur «existence)) dans le groupe.
6. Le décloisonnement s'attaque aux structures pédagogiques:
Le groupe-classe est le type même de la structure
imposée. En tant que groupe de vie il n'existe pas.
L'enfant ni le maître ne choisissent les individus, le local, l'école
où ils vont être ensemble pendant un an.
Les critères de formation du groupe sont essentiellement l' âge,
le nombre, quelquefois la sélection suivant les capacités.
Le groupe est formé en fonction d'un niveau à acquérir et d'un
programme à apprendre.
Les seuls éléments hétérogènes sont le plus souvent gommés
par l'école, son but étant de préparer des êtres socialisés, d'où
des moyens pédagogiques inadaptés:
• Personnalité de chacun et leçons collectives;
• Faculté de rythme de travail personnel et rythme de la classe;
• Santé (absence) et rattraper, se plier à ce qui a été acquis par
les autres, sinon abandon ou soutien, d'où ségrégation;
• Milieu social et un critère de référence: milieu «bourgeois»,
langage académique, pas-de place pour les cultures populaires;
• L'adulte seul et pouvoir, autorité, discipline.
Ces moyens ne sont pas efficaces, d'où l'échec scolaire et le
refus de l'école.
Notre action iso/ée (un maÎtre) :
Nous ne pouvons rien sur la liste des élèves, sur le programme.
Il y a compromis. Il faut que les enfants aient vu, sinon acquis,
les notions imposées. Nous les lâchons dans un système: il faut
leur en donner les armes.
Nous pouvons agir:
• En maintenant le plus possible l'hétérogénéité du
groupe:
- En faisant du travail individualisé;
- Les ateliers qui donnent plus de possibilités de choix et où
chacun avance à son rythme, suivants ses possibilités.
Décloisonner, c' est détruire' les images toutes faites de l'individu
mais c'est aussi s'interdire d'en fabriquer d'autres. C'est
seulement pouvoir permettre que sans cesse le changement
pu isse se faire et que l'existence du moment ne devienne pas
stéréotype pour demain.
• En décloisonnant les matières:
- Le chantier: travail d'équipe sur un intérêt pouvant toucher
plusieurs matières; on observe, on lit des documents, on écrit,
on dessine, on pèse, on mesure, on calcule, on présente:
globalité de l'enseignement.
Actuellement, c' est dans ce sens que nous avons le plus de
difficulté à réaliser un changement des structures car d'un côté
nous avons des «êtres en devenir», les enfants, qui ne
demandent qu'à entrer dans le «jeu» et d'autre côté des «êtres
déjà arrêtés», formés, conditionnés: les adultes.
• En respectant la possibilité de chacun et son milieu
social (moment de communication) :
Confrontation des points de vues;
Esprit critique ;
Diversité des sources (respect des cultures) ;
Organisation coopérative du groupe;
Organisation du travail, responsabilités.
La remise en marche est difficile, car elle est inconfortable et
même douloureuse.
31
En cela nous sommes déjà en rupture. Nous arrivons alors à
un groupe de vie que nous pouvons analyser. Dans la formation
de ce groupe, y a-t-il véritablement une structure de rupture:
C'est être prêt à admettre l'influence de la communauté non
seulement sur le travail, sur la vie éducative, mais aussi sur
nous-mêmes. C'est être prêt aux transformations.
Oui si le rapport enseignant à enseigné ne passe plus
automatiquement du maître à l'élève (arrosage collectif) il y a
des circuits multiples.
Nous disons que dès que deux adultes décident de travailler
ensemble suivant les lois du décloisonnement, il y a équipe.
Oui s'il y a partage du pouvoir et abandon du paternalisme du
maître.
Oui dans sa production très diversifiée
dans le temps,
- dans la qualité,
- dans la quantité.
Il n'y a plus un travail pour tous à un moment donné jugé sur
un seul critère.
Oui dans la formation des petits groupes à l'intérieur du groupe
imposé:
- On se choisit. Choix affectif, selon les capacités ou l'intérêt.
- On fait un travail commun, dans un temps donné, puis on se
désagrège pour participer à d'autres actions dans d'autres
groupes.
Le groupe n'est plus statique, établi une fois pour toutes et pour
des raisons étrangères à l'intérêt des enfants (groupe de niveau,
de soutien).
Nous avons là déjà des groupes évolutifs. Il n'y a plus un
seul groupe formé d'enfants et d'un seul maître, il n'existe que
sur le papier.
Oui si l'on admet que chaque enfant a le droit non seulement
de choisir son groupe de travail mais aussi de ne pas s'intéresser
au travail du voisin.
Oui si toutes les formes de communication peuvent s'établir
(oral, écrit, gestuel ... ).
Oui s'il y a un élargissement du champ d'action de chacun et
du groupe.
Oui surtout s'il y a remise en question du groupe et sans cesse
évolution grâce à la succession d'éléments dominateurs
momentanés dans le groupe.
S'il y a cette dynamique il va se créer une dynamique du
décloisonnement.
On peut donc déjà dire que dans une classe Freinet
fonctionnant en ateliers permanents il y a cette dynamique. Le groupe sera naturellement porté à élargir son
champ d'action et à se confronter à d'autres groupes.
Nous pensons (notre expérience le prouve) que la classe-atelier
est une bonne façon d'aborder un décloisonnement, mais il y a
certainement des abords multiples.
LE DECLOISONNEMENT
ET L'EQUIPE PEDAGOGIQUE
Pour nous, faire partie d'une équipe c'est d'abord être
d'accord avec les lois du décloisonnement. C'est se sentir
personnellement engagé dans cette voie.
Bibliographie
•
ARTICLES DE L'EDUCATEUR
Editorial: Les équipes éducatives, instrument de rupture (nO 2,
1976.
Visite à récole Freinet de Soyaux (nO 5, 1975).
Vers un nouveau type de C.E.S. : Sainte-Maure (nO 7, 1976).
Vers l'autogestion: l'attitude du maÎtre (nO 3, 1975).
Les parents et récole, J . Dumont, J. Le Dû (n° 15, 1976).
Les parents et récole (nO 2, 1975 et n° 7, 1976).
La bibliothèque des enfants (nO 1, 1975 et nO 3, 1976).
32
L'équipe pédagogique n'est pas soudée, ce n'est pas une hydre.
Ce serait un cloisonnement des adultes par rapport aux
enfants. La structure équipe ne peut être qu'un groupe
parmi d'autres faisant partie de la communauté. A la limite,
elle ne peut avoir d'existence: plus elle sera nombreuse (entrée
des parents), plus elle ira vers cette tendance.
Penser équipe pédagogique, c'est mettre à part des spécialistes,
or nous savons que c'est contraire aux objectifs du
décloisonnement. Persister dans sa constitution rigoriste ne peut
être qu'un échec.
Mais dans le contexte actuel une équipe pédagogique est
un progrès. Elle décloisonne les maîtres.
Le décloisonnement est essentiel pour les maîtres, d'abord,
parce qu'ils sont remis comme les enfants en position de
tâtonnement.
Le travail à plusieurs implique des efforts plus grands de
compréhension, de communication de travail coopératif. Il faut
partager l'initiative et accepter celle des autres.
Nous pouvons ainsi sortir enfin de notre solitude et nous
remettre en marche, sortir de l'inquiétude pour la rendre
positive. Pouvoir compter sur les autres et avec les autres.
7. Le décloisonnement s'attaque à l'éducation.
Décloisonner, c'est admettre d'abord qu'à l'intérieur des
milieux éducatifs il n'y a pas d'un côté les éducateurs et
de l'autre les éduqués. C'est reconnaître à chacun la valeur de
ses richesses personnelles et le droit de les exploiter en fonction
des autres comme il l'entend, le droit à l'auto-éducation.
Chacun a le droit de mettre de l'ordre lui-même dans ses
connaissances personnelles, chacun a droit au tâtonnement expérimental.
Décloisonner, c'est aussi dire qu'il n'existe pas de lieux
éducatifs privilégiés (école, église, famille), c'est nier les
rapports de valeur que l'on attribue aux uns par rapport aux
autres.
Ceci appelle à un autre décloisonnement'. Le maître n'est pas
spécialiste de l'éducation. Chacun a le droit d'être éducateur
dans la mesure de ce qu'il peut apporter aux autres et a le droit
d'aller puiser la source de ses connaissances où il l'entend, de
choisir son éducateur.
Dans le contexte actuel, c'est admettre entre autre la
participation des parents à l'œuvre éducative (voir article de
J.Le Du, L'Educateur n° 15, 1976). Décloisonner, c'est, on le
voit, faire peu à peu de l'école un lieu de rencontre, un lieu
privilégié de l'éducation où tout le monde aurait accès dans un
but d'éducation réciproque, faire de l'école une communauté
ouverte d'enfants et d'adultes sans niveau d'Age ni niveau
«scolaire».
EXPERIENCES DE DECLOISONNEMENT,
COMMUNAUTE EDUCATIVE
DANS L'ENSEIGNEMENT SPECIAL
Plusieurs dossiers sont actuellement parus et diponibles :
• Décloisonnement dans renseignement spécial: expériences en
S.E.S. et en école de perfectionnement. 12 F.
• Vers une communauté éducative: la vie dans une E.N .P. 11 F.
• Structures d'adaptation ... qu'en pensons-nous? Expérience de
classe de perfectionnement «éclatée» en milieu Freinet
(Brest-Kérédern) et en milieu non Freinet. 6 F.
Vous pouvez commander ces dossiers auprès de B. MISUN,
14, rue du Rhin, 68490 Ottmarsheim. (Etablir le chèque au nom
de A.E.M.T.E.S.)