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© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 1
EVALUATION DES TERMINOGRAPHIES MULTILINGUES
LE DICTIONNAIRE NAUTIQUE DU CAPITAINE PAASCH
FACE AU DICTIONNAIRE AÉRONAUTIQUE DE L'INGÉNIEUR SCHLOMANN
RÉSUMÉ
Cette communication est consacrée à la comparaison de deux monuments de la
terminographie : le dictionnaire nautique De la quille à la pomme de mât, du capitaine Heinrich
PAASCH et le tome XVII (aéronautique) des fameux Illustrierte Technische Wörterbücher, de
l'ingénieur Alfred SCHLOMANN. Même si elles ont été rédigées avant que la terminologie ne
connaisse un important développement théorique et méthodologique, ces deux oeuvres constituent
un excellent champ d'expérimentation pour analyser la valeur des terminographies multilingues.
Différents critères d'appréciation sont envisagés : approche notionnelle, travail descriptif, table des
matières, agencement systématique, idiomaticité, étendue du corpus et techniques d'indexation.
Mots-clés
Terminologie nautique, terminologie
multilingue, évaluation, notion.
1
aéronautique,
terminographie,
traduction,
dictionnaire
INTRODUCTION
L'historiographie officielle, largement inspirée par l'Ecole de Vienne, fait d'Eugen WÜSTER le
fondateur de la terminologie, en tant que discipline fondée sur une théorie et qui trouve aujourd'hui sa
place comme forme de linguistique appliquée. Il reste que de longue date, on réalisait déjà des
terminographies multilingues de qualité, plus ou moins conformes à l'approche notionnelle qui sera
plus tard prônée par Eugen WÜSTER.
Dès la fin du XIXe siècle, Heinrich PAASCH, un capitaine au long cours d'origine allemande,
expert du Lloyd's Register of Shipping à Anvers et naturalisé belge1, avait réalisé un vaste
dictionnaire de marine trilingue, intitulé De la quille à la pomme de mât. Cet ouvrage, qui répondait
déjà implicitement aux exigences que formulera WÜSTER, connut un succès mondial pendant plus
de cinq décennies et fit la fortune de son auteur. Il en était déjà à sa 3e édition en 1901, à l'époque où
le Verein Deutscher Ingenieure (V.D.I.) décida de créer le Technolexikon, que WÜSTER (1981 : 74)
cite comme première entreprise terminographique de grande ampleur. WÜSTER explique que la
préparation du Technolexikon fut arrêtée en 1907, après qu'un jeune ingénieur du nom de
SCHLOMANN eut publié en 19062 un petit dictionnaire systématique, réalisé selon une méthode
jugée de loin supérieure. Le V.D.I. adopta la méthode des Illustrierte Technische Wörterbücher de
1
. Nous avons retracé la biographie du capitaine PAASCH dans la thèse de doctorat que nous avons consacrée à son oeuvre (VAN
CAMPENHOUDT 1994b).
2
. L'année 1906 est aussi celle de la fondation de la fameuse Commission électrotechnique internationale (C.E.I.), dont les travaux,
toujours réputés, débouchèrent en 1938 sur la publication d'un important dictionnaire en six langues.
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SCHLOMANN, dont il encouragea les travaux. "C'est ainsi que prit forme, petit à petit, le plus gros
dictionnaire terminologique qui ait jamais existé. Il couvrait, en 1932, 17 domaines spécialisés
différents en 17 gros volumes." Selon WÜSTER (1981 : 74-76), les ouvrages de SCHLOMANN et de
la Commission électrotechnique internationale (C.E.I.) constituent les premiers dictionnaires
multilingues proches de l'idée que nous nous faisons, à sa suite, de la terminographie moderne. Ce
que nous montrerons du travail du capitaine Heinrich PAASCH devrait toutefois conduire à
reconsidérer cette affirmation.
Bien entendu, notre contribution n'a pas pour objet de réécrire l'histoire de la terminographie,
même si nous en regrettons l'aspect souvent réducteur. S'agissant de trouver des critères
d'évaluation du travail terminographique, nous choisissons de nous tourner vers deux oeuvres du
passé dans la mesure où l'une - celle de SCHLOMANN - constitue une référence souvent citée et où
l'autre - celle de PAASCH - suit une méthodologie qui gagnerait à être étudiée.
L'étude d'ouvrages plus récents aurait pu être envisagée, encore qu'il n'est pas facile de
trouver aujourd'hui des oeuvres qui atteignent une telle qualité et dont le très vaste corpus permette
d'envisager des mesures fiables. Notre conviction est qu'avant l'ère informatique, les impératifs du
multilinguisme et de la traduction ont conduit des auteurs à réaliser des modèles de terminographie
d'une qualité rarement égalée par la suite. La consultation des grandes bases de données,
généralement constituées par accumulation, montre d'ailleurs que leurs ouvrages ont été
abondamment exploités, même s'ils n'avaient point été conçus dans une perspective informatique.
Les noms de PAASCH et de SCHLOMANN ont déjà été rapprochés par Jean MAILLOT (1969 :
148). La pertinence de ce parallélisme devrait également apparaître au fil de notre exposé. Pour le
rendre crédible, nous nous sommes plus spécialement attaché à analyser chez SCHLOMANN le
dernier tome des Illustrierte Technische Wörterbücher (SCHLOMANN 1932), consacré à
l'aéronautique. Ce volume, sans doute l'un des plus achevés, est celui qui s'apparente le plus à De la
quille à la pomme de mât, tant par sa structure que par les caractéristiques de la terminologie décrite.
Le domaine nautique étant, par ailleurs, brièvement abordé dans le tome X (SCHLOMANN 1910),
nous ferons également référence à ce volume des débuts, même s'il est d'une conception beaucoup
plus rudimentaire.
L'analyse de la valeur propose de prendre en compte des éléments tels la fonction, l'utilisateur,
le besoin, ou encore le coût, toutes notions qui sont clairement définies dans la norme NF X 50-150
de l'AFNOR (1990). Quand bien même nous ne maîtrisons point les méthodes de cette forme
d'analyse, force nous est de reconnaître la pertinence de ces éléments. Il convient, en effet, de
préciser que nous nous proposons de comparer ces dictionnaires en fonction des besoins d'un
utilisateur qui, confronté à un contexte, est à la recherche d'une traduction dans un domaine auquel il
n'est pas toujours initié. Cet utilisateur ne s'identifie pas nécessairement à un traducteur professionnel
ni à une personne qui maîtrise les arcanes de la sémantique des langues de spécialité.
Le dictionnaire multilingue a pour fonction de permettre à cet utilisateur de retrouver tout terme
attesté en langue source, d'y raccrocher une notion, de découvrir et de maîtriser le savoir spécialisé
qui s'y rapporte et finalement de choisir la traduction la plus adéquate pour désigner cette notion en
langue cible, dans un contexte donné. Pour apprécier la manière dont ces fonctions successives sont
remplies, il importe de fixer des critères d'appréciation : tel est le principal objectif de cette étude. A
cet effet, nous nous proposons de confronter les deux ouvrages retenus sous toute une série d'angles
qui nous paraissent pertinents. Il s'agira de partir de la matérialité de chaque ouvrage et de son
contenu, abstraction faite d'autres facteurs tels que le cahier des charges établis par un éventuel
demandeur, les contraintes matérielles, la limitation du coût, etc. De tels facteurs semblent d'ailleurs
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peu pertinents pour l'oeuvre de PAASCH, qui est celle d'un dictionnariste solitaire comme on en
rencontre souvent au XIXe siècle3. Par ailleurs, ils exigeraient une étude historique des processus de
décision qui ont présidé pendant plus de vingt ans à la rédaction des Dictionnaires techniques
illustrés4.
2
TERMINOGRAPHIE MULTILINGUE ET APPROCHE NOTIONNELLE
Il n'est guère besoin de s'étendre ici sur la nécessité avérée d'une approche notionnelle dans le
cadre d'une terminographie multilingue, dont le but premier est de fournir des équivalences. Vérifier
la nature notionnelle du dictionnaire n'est assurément pas la tâche la plus aisée. La présence
d'illustrations ou la numérotation des entrées ne constituent pas des preuves suffisantes; surtout si,
comme chez SCHLOMANN, aucune notion n'est définie, à la différence de ce qui s'observe chez
PAASCH.
Le dictionnaire multilingue doit permettre une inversion des langues source et cible, quel que
soit le couple de langue retenu. En d'autres mots, dans un domaine qui n'est pas normalisé
- et tel est le plus souvent le cas -, il ne faut pas qu'une langue impose son univers conceptuel, sous
peine d'empêcher une traduction correcte. WÜSTER (1968 : 2.19) reproche d'ailleurs aux
dictionnaires de SCHLOMANN de trop privilégier l'univers conceptuel induit par la langue allemande.
"S'il regarde d'un peu près un vocabulaire à agencement systématique (tel que le
Vocabulaire de la CEI ou la série des SCHLOMANN-OLDENBOURG, de grande valeur l'un
et l'autre), le lecteur s'apercevra en beaucoup d'endroits que sa structure dépend d'un
système de notions propre à une langue particulière (l'allemand pour les dictionnaires de
SCHLOMANN-OLDENBOURG, le français et l'anglais pour nombre de chapitres du
Vocabulaire de la CEI) et que c'est ce système qui est imposé aux langues de l'ouvrage. Or,
de nos jours, les linguistes ont démontré que ce qui fait la différence essentielle entre les
diverses langues du monde ne réside pas tant dans la façon dont 'sonnent' dans chaque
langue les termes chargés d'exprimer les notions que dans les systèmes de classification
impliqués par ces notions mêmes." (WÜSTER 1968 : 2.19).
Toute en laissant à WÜSTER la responsabilité de son évaluation du dictionnaire de
SCHLOMANN, force nous est de constater que le mode de fonctionnement du comité de rédaction
évoqué dans l'introduction du tome XVII, tend à confirmer ce point de vue. Il est clair que toute
terminographie multilingue qui serait la traduction d'un travail réalisé initialement dans une seule
langue, présenterait le défaut dénoncé. Par chance, il semble bien que les collaborateurs étrangers
du tome XVII ont parfois pris conscience des divergences conceptuelles et tenté de les prendre en
compte.
3
. Rien que pour le domaine de la marine, on retiendra particulièrement les noms d'Augustin JAL et de Pierre-Marie-Joseph de
BONNEFOUX.
4
. Une même analyse mériterait d'être réalisée pour la continuation de l'oeuvre de PAASCH par le Bureau Veritas, en 1937.
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Comme nous avons eu longuement l'occasion de le démontrer par ailleurs (VAN
CAMPENHOUDT 1994b), le capitaine Heinrich PAASCH a veillé à décrire systématiquement les
divergences notionnelles entre l'anglais, le français et l'allemand. Son métier d'expert nautique,
exercé à bord de navires de toutes les nationalités relâchant à Anvers, l'a indiscutablement
sensibilisé à cet aspect5. Dans De la quille à la pomme de mât, aucune langue ne sert donc de pivot
et les divergences notionnelles entre les trois langues décrites sont systématiquement appréhendées
à travers des précisions métalangagières. Les possibilités combinatoires impliquent que l'on puisse
être confronté à six situations différentes. Ces six possibilités se rencontrent dans le dictionnaire,
comme l'illustrent les six extraits figurant ci-après6. Ceci prouve, si besoin en est, le caractère
totalement réfléchi de la description : il ne s'agit point d'heureux hasards, mais bien d'une démarche
systématique de prise en compte des divergences notionnelles.
anglais
français
allemand
1. Notion anglaise
Terme anglais signifiant...
Englische Benennung für...
2. French term for...
Notion française
Französischer Benennung für...
3. German term for...
Terme allemand signifiant...
Notion allemande
4. Notion anglaise
Notion française
Englische und Französische Benennung
für...
5. Notion anglaise
Termes anglais et allemand signifiant...
Notion allemande
6. French and German terms for...
Notion française
Notion allemande
1. Triatic-stay. Term given to a stay
Triatic-stay. Terme anglais pour désigner un Triatic-stay. Englische Benennung für
extending from the cap of one mast-head
étai qui s'étend du chouquet d'un
ein Stag, welches sich von dem
to that of another (Schooner).
bas-mât à celui d'un autre mât (Goëlette).
Eselshaupte eines Mastes bis zum
Eselshaupte eines anderen erstreckt
(Schooner).
(PAASCH 1901 : 290)
Vertauen mit zwei Anker voraus. Der
2. Mooring with two anchors ahead. The Affourcher. Opération par laquelle on
französische Ausdruck 'Affourcher'
mouille un navire dans une baie ou dans
act of confining and securing a vessel in
bezieht sich auf das Vertauen
un fleuve au moyen de deux ancres
a bay, river, etc. with two anchors down
mittelst zweier in verschiedener
qu'on laisse tomber en différentes
in different directions, is called by the
French 'Affourchage' and the anchor
directions; l'action de jeter la seconde
Richtung geworfener Anker. Das
ancre est l'affourchage.
Fallenlassen des zweiten Ankers
dropped last 'Ancre d'affourche'.
wird 'Affourchage' und der
betreffende Anker 'Ancre
d'affourche' genannt.
(PAASCH 1901 : 501)
5
. "Il a déjà été dit dans la préface de la seconde édition, qu'il y a un grand nombre de termes anglais pour lesquels il n'y a
d'équivalent ni en français ni en allemand, d'autre part qu'il y a dans ces deux dernières langues une foule de termes pour lesquels
l'anglais ne possède absolument aucune expression correspondante. En dehors de cela, il y a des termes en anglais qui ont trois,
même plus de trois significations différentes en français et en allemand, et réciproquement il y a des termes en français qui ont
plusieurs significations en anglais et en allemand. Prenons par exemple le mot anglais 'Stay', qui traduit le français 'Etai' (d'un mât),
'Draille' (d'une voile), 'Entretoise' ou 'Tirant' (d'une chaudière à vapeur), 'Jambe de force' (d'un pavois), 'Traverse' (d'un gouvernail
en fer ou en acier) 'Séjour' (dans un port), etc., ce qui prouve suffisamment qu'un dictionnaire technique ordinaire, c. à d. un livre qui
ne donne que les termes sans descriptions et illustrations explicatives, ne saurait que faire le désespoir du profane ou de l'homme
du métier qui y a recours sans y trouver les renseignements dont il a besoin pour le guider dans ses recherches; par conséquent,
qu'un tel ouvrage n'est que de peu de valeur et ne saurait être comparé à celui que je viens offrir au monde commercial et
maritime." (PAASCH 1901 : III.)
6
. Nous restituons les extraits du dictionnaire de PAASCH dans leur orthographe originale.
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3. Setzschiffer. A German term which may Setzschiffer. L'expression allemande
Setzschiffer. Ausdruck der als veraltet
be considered out of use; by some this
'Setzschiffer', peut être considérée
betrachtet werden kann; einige
name is given to any ship-master
comme surannée. D'aucuns
verstehen darunter einen Schiffer
commanding a vessel of which he is not
comprennent sous cette dénomination un
oder Kapitän welcher ein Schiff fährt
the owner; others apply it to a substitutecapitaine qui commande un navire, qui
wovon er nicht der Eigenthümer ist
captain, i.e. : a man who takes the place
ne lui appartient pas; d'autres signifient
andere dahingegen jemand der als
of the real master for a voyage or so.
par là quelqu'un qui est admis pour agir
Stellvertreter des eigentlichen
en remplacement du capitaine pour un
Kapitäns für eine bestimmte Reise
voyage donné, etc.
u.s.w. angenommen wird.
(PAASCH 1901 : 536)
4. Berth. Term also applied to a room or a
place in a ship to sleep in.
Cabane; Cabine. Sorte de petite chambre
qui renferme une couchette.
5. Skipper. Term given to the commander of Capitaine; Patron. Les noms anglais
a merchant-vessel, but notably to the
'Skipper', allemand 'Schiffer', sont
master of a barge and other small craft.
donnés au capitaine d'un navire
marchand, mais plus spécialement au
patron d'un petit navire.
Kammer. Die englischen und
französischen Benennungen
beziehen sich auf eine, mit einem
Bett, oder einer Koje versehenen,
Schiffskammer.
(PAASCH 1901 : 419)
Schiffer. Benennung für den Kapitän
eines Kauffahrteischiffes; wird
jedoch hauptsächlich auf die Führer
von kleinen Fahrzeugen angewandt.
(PAASCH 1901 : 543)
6. Distant-trade. This is intended to be a
translation of the French 'Long cours',
and the German 'Lange Fahrt', which
refer to the navigation to distant
countries.
Long cours; Navigation hauturière.
Lange Fahrt. Bedeutet die Navigation
Termes par lesquels on désigne la
jenseit der Limite welche oben unter
navigation au-delà des limites prescrites
'Grosse Küstenfahrt' beschrieben
ci-dessus sous 'Grand Cabotage'.
sind.
(PAASCH 1901 : 566)
Force nous est de constater que de telles précisions ne se rencontrent pas chez SCHLOMANN,
ce qui tend sinon à confirmer la critique formulée par WÜSTER (op. cit.), du moins à regretter la
confiance aveugle que SCHLOMANN exige de son lecteur.
L'évaluation de la prise en compte des divergences notionnelles peut notamment se fonder sur
la recherche des procédés d'établissement des équivalences : emprunt, périphrase, néologisme ou
recours à un terme englobant. Une autre trace évidente de la prise en compte des divergences
notionnelles est la présence d'homonymes. Il est logique que les partisans d'une terminologie
normative dénoncent l'homonymie, car dans un vocabulaire normé et aménagé, il leur semble
préférable que le terme et la notion entretiennent une relation biunivoque. Par contre, l'homonymie
est une solution naturelle à de nombreux problèmes de traduction dans les dictionnaires fondés sur
une approche descriptive. Ainsi en va-t-il pour la langue générale dans le Robert & Collins (1990) : on
y lira que sheep se traduit mouton et que mutton se traduit également mouton, tout comme white
horse (sur la mer), stool pigeon (en prison), etc.
Dès lors qu'une terminographie multilingue ne concerne pas un domaine standardisé, il est
normal que de nombreux problèmes de divergence du découpage notionnel soient résolus par un
recours à l'homonymie7. Si les homonymies ne se relèvent pas dans l'une des langues traitées, on
peut donc subodorer que cette langue conditionne arbitrairement le découpage notionnel.
7
. Face à la dure réalité des langues, WÜSTER (1968) lui-même n'hésite pas à y recourir dans son Dictionnaire multilingue de la
machine-outil. On trouve dans ce dictionnaire des cas de dégroupements homonymiques, comme cela se produit par exemple avec
les notions screw I, screw II, screw III, etc. WÜSTER (1981 : 88) parle à ce sujet d'homonymes polysèmes. Nous avons déjà montré
le lien évident entre de tels dégroupements homonymiques et le recours au terme générique (VAN CAMPENHOUDT 1994b).
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Chez PAASCH, le phénomène de l'homonymie est très marqué. Il concerne toutes les langues
et correspond presque toujours à un problème d'équivalence, dû à une ou plusieurs langues. Ainsi,
dans l'extrait suivant, l'homonymie est manifestement liée à la nécessité de rendre compte d'une
distinction notionnelle propre à l'allemand.
Demurrage. The days a vessel is detained Surestarie. Le nombre de jours pendant
Extraliegetage; Ueberliegetage. Die
by the charterer or consignee beyond the
lesquels un navire a été retenu par
Zeit, welche ein Schiff über die in der
time allowed by charter-party for loading
l'affréteur ou le consignataire, au-delà du
Chartepartie zum Laden oder
or discharging.
temps stipulé dans la charte-partie pour
Löschen festgesetzten Tage
le chargement ou le déchargement.
aufgehalten wird.
Demurrage. The amount to be paid by the Surestarie. Montant à payer par l'affréteur Liegegeld. Der Betrag, welchen der
charterer to the owner of a ship, for each
d'un navire à l'armateur pour chaque jour
Befrachter eines Schiffes, resp.
day's delay, beyond the lay-days agreed
de retard dépassant le nombre de jours
Empfänger der Ladung dem
upon; as stipulated in the charterparty, or
convenus pour effectuer le chargement
Schiffsrheder für jeden weiteren Tag
in the Bill of lading.
et le déchargement, en vertu de la
über die in der Charterpartie oder im
charte-partie ou du connaissement.
Connossement festgesetzten
Liegetage bezahlen muss.
(PAASCH 1901 : 449)
Il serait faux de penser que de semblables cas de divergence notionnelle ne concernent guère
des réalités très techniques. Le travail de PAASCH montre que la désignation de telle ou telle petite
pièce peut varier d'une langue à l'autre, en fonction de critères aussi ténus que le nombre de mât ou
de ponts, la forme des voiles, la matière, etc. On inscrira d'ailleurs au crédit de PAASCH de toujours
préciser le caractère différenciateur qui motive le dégroupement homonymique. Nous n'avons
malheureusement pas pu identifier une chose semblable dans le tome XVII des Dictionnaires
techniques illustrés de SCHLOMANN.
Head-rope (of a Square-sail).
Head-rope (of a Triangular-sail).
Head-rope (of a Gaff-sail).
Bottom-sheathing (if metal).
Bottom-sheathing (if boards).
Ralingue de têtière; Ralingue d'envergure Raaliek; Raaleik (eines Raasegels).
(d'une voile carrée).
Ralingue de têtière (d'une voile triangulaire).Anschlagliek (eines dreieckigen
Segels).
Ralingue de têtière; Ralingue d'envergure Anschlagliek; Gaffeliek (eines
(d'une voile à corne).
Gaffelsegels).
(PAASCH 1901 : 349)
Doublage de la carène.
Soufflage en bois de la carène.
Bodenbeschlag.
Wurmhaut.
(PAASCH 1901 : 26)
Hold-stringer (If composed of angle-bars
etc.).
Hold-stringer (If a plate-stringer).
Serre de renfort de cale (composée de
cornières etc.).
Gouttière de cale (composée de tôles.)
Raumstringer (Wenn aus Winkeln, etc.
Bestehend).
Raumstringer (Wenn aus Platten
Bestehend)
(PAASCH 1901 : 100)
D'un point de vue statistique, il paraît également intéressant d'évaluer le taux d'homonymie.
Cette mesure seule ne suffit évidemment pas, mais paraît utile à la comparaison d'oeuvres fondées
sur une approche notionnelle. Sa difficulté de mise en oeuvre constitue son principal inconvénient,
puisqu'elle doit s'accompagner d'une analyse qualitative : avant de calculer le taux d'homonymie, il
faut en effet s'assurer de l'existence d'une approche notionnelle et éliminer les cas de doublons.
Dans De la quille à la pomme de mât, on peut estimer que l'application du principe de
dégroupement homonymique produit environ 6,35 % d'entrées supplémentaires en anglais, 2,9 % en
français et 5,2 % en allemand. Le travail de recherche de ces pourcentages n'est pas aisé à réaliser
pour de terminographies de grande ampleur qui ne sont pas disponibles sous un format électronique8.
8
. Pour les ouvrages étudiés, on ne peut pas se fier à un simple dépouillement des index. Chez PAASCH, les index renvoient aux
pages et ne mentionnent donc pas les homonymes qui figurent sur une même page. Chez SCHLOMANN, les index renvoient à toute
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La nature fastidieuse d'un décompte manuel explique que nous ne possédions des mesures fiables
que pour le seul dictionnaire de PAASCH, que nous avons analysé beaucoup plus profondément que
celui de SCHLOMANN.
Bien entendu, de tels chiffres ne possèdent pas de signification intrinsèque. Ils constituent des
valeurs qui devraient être interprétées dans le cadre d'une comparaison systématique de
terminographies de grande ampleur. Les équipes qui travaillent à la validation des données de
grandes banques de terminologie disposent assurément des moyens de creuser une telle voie,
notamment dans la mesure où elles tenteraient de définir des algorithmes de dépistage des
homonymies parasitaires.
3
3.1
LE TRAVAIL DE DESCRIPTION NOTIONNELLE
Présence des définitions
Comme nous l'avons déjà fait remarqué, le dictionnaire de SCHLOMANN ne fournit aucune
définition. On reconnaîtra toutefois que la distinction notionnelle peut au moins s'opérer partiellement
grâce au découpage en sous-domaines et aux illustrations. En fait, quel que soit le domaine de
spécialité envisagé, on trouve bien peu de terminographies multilingues qui soient autre chose que
des lexiques et qui définissent systématiquement chaque notion dans chacune des langues
concernées.
PAASCH semble lui-même avoir considéré qu'il était souvent utile, mais pas toujours
nécessaire de fournir une définition. Dans son Illustrated Marine Encyclopedia (PAASCH 1890),
ouvrage monolingue destiné au lecteur anglophone en quête d'explications et non au traducteur, le
taux de définitions est beaucoup plus élevé que dans De la quille à la pomme de mât : 84,70 % contre
à peine 22,75 %9, malgré une table des matières quasi similaire. Dans l'encyclopédie monolingue,
l'absence de définitions semble par ailleurs déjà caractéristique de certains sous-domaines, comme le
montre le tableau ci-après.
Navire en bois, navire en fer ou en acier
Machines, termes techniques de mécanique, guindeaux, etc.
Gréement, voilure, cordages, palans, poulies, etc.
Divers et termes généraux
Encyclopédie monolingue
(PAASCH 1890)
96 %
73 %
69 %
99 %
Terminographie multilingue
(PAASCH 1901)
24 %
8%
10 %
49 %
Par hypothèse, on peut tenter d'établir un lien entre la baisse du taux de définition et un quasi
triplement du corpus lors du passage de l'encyclopédie monolingue au dictionnaire trilingue. Cet
accroissement doit avant tout être attribué au caractère exhaustif du corpus de De la quille à la
pomme de mât. Alors qu'une encyclopédie a pour mission première de définir toutes les notions
nécessaires à la compréhension du domaine, une terminographie multilingue doit avant tout
permettre de trouver un équivalent pour désigner la moindre petite pièce du navire dans la langue
cible. Le titre même du dictionnaire trilingue évoque cette volonté d'inventaire systématique.
expression qui englobe le terme indexé et la multiplication des sous-domaines conduit à classer une même notion en différents
endroits du dictionnaire. Ceci engendre une multiplication des renvois.
9
. Taux calculé sur un échantillon de 582 entrées (soit 1 page sur 5) dans l'Illustrated Marine Encyclopedia (PAASCH 1890); de
1 464 notions (soit 1 page sur 8) dans De la quille à la pomme de mât (PAASCH 1901).
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Pour vérifier cet argument, nous avons d'ailleurs tenté d'identifier par de nombreux coups de
sonde les notions concernées par une perte de leur définition lors du passage de l'encyclopédie
(PAASCH 1890) à De la quille à la pomme de mât (PAASCH 1894, puis 1901). Il apparaît ainsi que,
en règle générale, les hyponymes déjà présents et définis dans l'encyclopédie perdent leur définition,
en même temps que s'ajoutent un certain nombre de co-hyponymes dépendant de la même famille
hyponymique.
Dans les chapitres Divers et Termes généraux, PAASCH a sans doute davantage recours aux
définitions du fait du caractère plus hétéroclite de leur contenu, tandis que dans d'autres domaines il y
fait vraisemblablement moins appel du fait d'une plus grande unité de la matière abordée. La
construction, la machinerie et le gréement présentent effectivement une régularité des types et/ou
des parties qui permet une économie des définitions et dans les chapitres concernés, PAASCH
semble avoir tendance à ne pas définir les hyponymes voire les méronymes10 d'une notion
précédemment définie. Dans la mesure où elle se vérifie, cette économie serait vraisemblablement
liée aux principes d'ordonnancement macrostructurel11, puisque ceux-ci privilégient justement le
regroupement successif des hyponymes et des méronymes (cf. 4.1.2.1). Par ailleurs, PAASCH peut
se contenter de fournir des informations laconiques entre parenthèses, dès lors que le principal souci
est de fournir au lecteur les conditions de traduction de tel ou tel homonyme en cas de divergence
notionnelle entre les langues.
On le voit, la mesure du taux de définition doit absolument être pondérée par d'autres
facteurs : approche notionnelle véritable (monosémie), classement systématique pertinent et renvoi à
des illustrations. Par ailleurs, il faut créditer PAASCH de nombreuses finesses apportées à ses
définitions : distinction de la définition et des développements encyclopédiques, recours à l'exemple,
renvois, marques d'usage, remarques, etc. De ce point de vue, il nous paraît évident que le travail de
SCHLOMANN, même s'il est plus tardif, n'atteint pas la qualité de celui de PAASCH.
3.2
3.2.1
Illustrations
CHEZ PAASCH
On compte 109 planches dans la 3e édition (1901) de De la quille à la pomme de mât, dont
certaines comportent plusieurs dessins différents. Chaque élément est numéroté et désigné dans
chacune des trois langues concernées. Les planches sont à ce point détaillées qu'elles permettent de
découvrir presque toutes les différences de découpage notionnel. En effet, dans la mesure où l'auteur
souhaite tenir compte de la vision du réel propre à chacune des langues envisagées, il lui est
indispensable de disposer de planches illustrant chaque type de navire à bord duquel apparaissent
des objets dont la conceptualisation varie en fonction des langues.
[INCLURE ICI UN EXEMPLE D'ILLUSTRATION (PAASCH 1901 : PL.21)]
Quelque 3 750 pièces du navire se trouvent ainsi illustrées pour environ 11 700 notions
présentes dans la partie systématique. Toutefois, ces chiffres doivent être nettement affinés, puisque
l'on sait que toutes les notions ne font pas l'objet d'un renvoi vers les planches. Nos dénombrements
10
. Nous convenons de nommer respectivement méronymes et holonymes les subordonnés et superordonnés de la relation partietout (VAN CAMPENHOUDT 1994b et 1996).
11
. On se rappellera d'ailleurs que WÜSTER (1981 : 70-71) considère qu'un bon agencement systématique peut rendre certaines
définitions superflues.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 9
montrent que les renvois vers une planche ne concernent que 15,35 %12 des notions, mais que
chacune des notions concernées est illustrée en moyenne 1,27 fois.
Ce déficit ne remet pas en cause le rôle fondamental des illustrations dans l'approche
notionnelle qui sous-tend ce dictionnaire. On comprend que PAASCH n'ait pas prévu de représenter
tous les nouveaux co-hyponymes lorsque ceux-ci se distinguaient par leur emplacement plutôt que
par leur morphologie : rien ne ressemble vraisemblablement plus à un chapeau de pied de bielle
qu'un autre chapeau de pied de bielle (16513), qu'il s'agisse du chapeau de pied de bielle de petit
cheval (165) ou du chapeau de pied de bielle de machine à hisser les embarcations (165)...
Conformément au titre du dictionnaire, le mouvement général de description des planches
procède "de la quille à la pomme de mât", c.-à-d. de bas en haut. Toutefois, il ne s'agit que d'une
tendance générale. Dans la mesure du possible, la numérotation est d'abord fondée sur des critères
spatiaux qui rendent compte de liens notionnels utilisés dans le classement systématique (cf. 4.1.2).
Des pièces physiquement éloignées peuvent être rapprochées par la numérotation de manière à faire
ressortir leur genre commun, de même qu'un simple lien de contiguïté spatiale peut également être
utilisé pour décrire les différentes parties d'un dispositif.
3.2.2
CHEZ SCHLOMANN
S'ils n'incluent aucune définition, les dix-sept volumes du dictionnaire de SCHLOMANN ont
pour principe général de faire figurer une illustration particulière en regard de chaque notion. Dans le
volume XVII, les illustrations ne figurent plus en regard des notions. Ce choix, qui est lié à des
contingences économiques14, rend l'organisation générale de cet ultime volume très proche de celle
de De la quille à la pomme de mât. Malgré un effort évident de représentation des réalités abstraites,
on constate un net déficit du rapport illustration/notion pour des chapitres comme ceux de la
météorologie ou de la navigation. Dans le cas des sortes de vents, les auteurs arrivent encore à
symboliser les notions vent de terre (18.21), brise de montagne (18.23), vent de vallée (18.25), vent de
mer (18.33) et tornade (18.61), mais point les 32 autres notions de ce sous-domaine15, comme alizé du
nord-est (18.37), mousson (18.42), tempête d'équinoxe (18.52), etc. Ce constat rappelle le très faible
rapport illustration/notion observé chez PAASCH pour les sous-domaines qui se réfèrent à des
réalités plus abstraites ou désignant des actions, des états, des mouvements, etc. Le taux global de
renvoi vers des illustrations est toutefois nettement plus élevé chez SCHLOMANN (1932), puisqu'il
peut être évalué à environ 34,73 %.
[INCLURE ICI UN EXEMPLE D'ILLUSTRATION (SCHLOMANN 1932 : PL. 18.07 À 18.61)]
12
. Ce pourcentage monte à 23 % si l'on soustrait l'effectif des sous-domaines Eclairage électrique, Matériaux..., Termes techniques
de mécanique, Divers et Termes généraux, qui concernent des réalités essentiellement abstraites.
. Par convention, les chiffres mentionnés derrière les équivalents de De la quille à la pomme de mât renvoient aux pages de la 3e
édition (PAASCH 1901); ceux mentionnés derrière des équivalents extraits de l'oeuvre de SCHLOMANN renvoient successivement à
la page et au numéro de notion (SCHLOMANN 1910 ou 1932).
13
14
. "La misère du temps nous a contraints à modifier l'ordonnance du volume; pour des raisons d'économie, les illustrations ont été
réunies dans une partie spéciale. Des raisons pédagogiques nous ont empêchés de modifier l'ordre systématique des expressions
techniques; la partie systématique et les illustrations correspondent entre elles au moyen de chiffres et de signes." (SCHLOMANN
1932 : II.)
15
. Un astérisque signale les notions de la partie systématique qui sont illustrées.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 10
Nombre de planches
Pourcentage de renvois vers les planches
PAASCH
SCHLOMANN
109
+ 2250
15,3 %
34,7 %
Une différence entre ces deux dictionnaires mérite d'être soulignée : chez SCHLOMANN
(1932), ce sont les notions de la partie systématique qui sont numérotées et les numéros servent au
renvoi vers les illustrations16. Par contre, chez PAASCH, ce sont les pièces représentées dans les
planches qui sont numérotées et les numéros servent aux renvois proposés depuis la partie
systématique.
Pour WÜSTER (1959-60 : 53-55), le dessin technique est une imitation de l'objet et cette
imitation ne constitue qu'"une des actualisations possibles" de la notion. Ce fait est entièrement
corroboré par l'analyse de De la quille à la pomme de mât : le dessin imite l'objet concret mais ne
suffit en aucun cas à rendre compte de la manière dont chaque langue le conceptualise. La présence
de légendes trilingues accompagnant les illustrations du dictionnaire de PAASCH ne doit donc pas
être vue comme superflue. C'est assurément en prévoyant ces légendes que l'auteur a découvert de
nombreuses divergences notionnelles. Dans une terminographie multilingue, les différences de
conceptualisation s'observent non seulement par la prise en compte des hiérarchies notionnelles,
mais aussi par la confrontation des objets et de leurs dénominations. PAASCH travaille sur la base
d'objets et de dénominations; s'il avait plutôt cherché à établir des équivalences avant de représenter
les notions concernées, il n'aurait sans doute pas aussi bien réussi à décrire les divergences
notionnelles entre les langues.
4
CLASSEMENT SYSTÉMATIQUE
4.1
4.1.1
Chez PAASCH
TABLE DES MATIÈRES
PAASCH organise son dictionnaire par chapitres, lesquels correspondent largement à une
subdivision en sous-domaines, à l'exception des deux derniers qui s'apparentent davantage à des
fourre-tout. L'effort de classement est effectivement indéniable et original. La distinction entre
méronymes et holonymes peut donner naissance à des sous-domaines particuliers, dont certains se
révèlent d'une étendue très réduite (Parties d'un treuil, Parties et accessoires d'un guindeau, Parties
et accessoires des appareils à gouverner, Parties et accessoires d'une poulie). Cette distinction des
types et des parties correspond à une pratique récurrente dans l'ordonnancement des notions de
sous-domaines plus vastes (cf. 4.1.2.1).
16
. Dans la partie systématique, on trouve un numéro de sous-domaine (p. ex. 20 pour les types de vents) et un numéro de notion à
l'intérieur du sous-domaine. Dans celle consacrée aux illustrations, on trouve la mention du numéro de page, du numéro de notion et
d'une lettre éventuelle).
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 11
La section des Divers est suivie de celle des Termes généraux. La première rassemble les
accessoires relevant du matériel d'armement, tandis que le deuxième est plutôt un vaste fourre-tout
rassemblant les notions se rapportant à des domaines connexes (météorologie, hydrographie,
assurances...) et à des réalités plus abstraites, tels des ordres de manoeuvres, des actions, des états,
etc. Ce chapitre et celui des Termes techniques de mécanique constituent les seules sections où l'on
retrouve des termes qui ne relèvent pas de la catégorie nominale : verbes, adverbes, adjectifs,
prépositions, expressions idiomatiques (cf. 5.1).
4.1.2
AGENCEMENT SYSTÉMATIQUE
Dans la mesure du possible, les notions sont ordonnées dans chaque sous-domaine en
fonction de liens notionnels. Lorsque cela s'avère impossible, la macrostructure suit une forme de
classement alphabétique fondé sur la forme des vedettes en langue anglaise.
4.1.2.1
CLASSEMENT LOGIQUE : HYPONYMIE ET MÉRONYMIE
Une notion hyperonyme est immédiatement suivie de ses hyponymes, eux-mêmes classés en
fonction de liens coordonnés. Des emboîtements de hiérarchies successives peuvent se produire. En
outre, en cas de dégroupement homonymique d'un hyperonyme, PAASCH veille à ranger les
hyponymes sous le bon hyperonyme.
Si au départ d'un même hyperonyme, diverses familles hyponymiques peuvent être
envisagées selon la nature des critères de subdivision activés, les co-hyponymes sont regroupés en
fonction desdits critères (p. ex. on distinguera trois familles de coins de mât (398) : selon la matière
dont ils sont conçus, selon le mât concerné, selon le pont concerné).
Dans la mesure du possible, les pièces qui peuvent faire l'objet de typologies (les boulons, les
tiges, les cornières, etc.) sont regroupées en vertu du lien hyponymique TY (= "est un type de") plutôt
qu'énumérées comme partie des mécanismes qu'elles composent. En effet, il est souvent plus aisé
de trouver des critères d'ordonnancement pour les co-hyponymes que pour les co-méronymes.
Si nécessaire, les méronymes de la notion précédemment considérée comme hyperonyme
sont énumérés à la suite des co-hyponymes. Ce type d'agencement est notamment retenu pour la
description de sous-domaines très restreints (Ancres, Guindeaux, Treuils, etc.).
4.1.2.2
CLASSEMENT LOGIQUE : LIENS COORDONNÉS
Lorsque la typologie s'y prête, les co-hyponymes sont classés en fonction d'une relation
coordonnée immédiatement liée au critère de subdivision qui permet de les distinguer au sein de
l'arborescence espèce-genre : lien spatial, lien temporel, etc. La possibilité d'exploiter de tels liens
débouche souvent sur des modèles d'agencement récurrents.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 12
Exemple de classement logique
Notion A.1 (homonyme de A.2)
17
[famille hyponymique, critère de subdivision : lien DD ]
co-hyponyme A.1.1
co-hyponyme A.1.2
co-hyponyme A.1.3
co-hyponyme A.1...
Notion A.2 (homonyme de A.1)
[famille hyponymique, critère de subdivision : lien DD]
co-hyponyme A.2.1
co-hyponyme A.2.2
co-hyponyme A.2.3
co-hyponyme A.2.4
[lien DD]
[lien DD]
[lien DD]
[lien DD]
[lien DD]
[lien DD]
[lien DD]
[lien DD]
18
[famille hyponymique, critère de subdivision : lien HT ]
co-hyponyme A.2.5
co-hyponyme A.2.6
co-hyponyme A.2.7
co-hyponyme A.2...
[lien HT]
[lien HT]
[lien HT]
[lien HT]
[famille méronymique : classement alphabétique en anglais, la notion A.2 joue le rôle de noyau du fait de sa valeur holonymique]
co-méronyme : Noyau-A
co-méronyme : Noyau-B
co-méronyme : Noyau-C
co-méronyme : Noyau-...
4.1.2.3
CLASSEMENT ALPHABÉTIQUE
Lorsqu'il est difficile, sinon impossible, de suivre les modèles de classement logique, la partie
systématique suit un classement fondé sur la forme des vedettes de langue anglaise et sur la
possibilité de procéder à des regroupements par "famille lexico-notionnelle19". A cet effet, un terme
anglais est retenu comme noyau central, ce qui permet de rassembler toutes les notions désignées
en anglais à l'aide de termes utilisant ce noyau dans une même acception. Si le noyau est bien
choisi, cette procédure présente l'avantage de réunir un grand nombre d'hyponymes, de méronymes
et de notions apparentées. Elle permet, en outre, de classer de nombreuses notions du sous-domaine
sans devoir recourir à des assemblages pseudo-logiques et constitue donc un bon complément aux
principes d'agencement fondés sur les relations notionnelles.
Les tris s'effectuent dans la langue de la première colonne, soit l'anglais. Le mode de
classement retenu consiste à d'abord opérer un classement alphabétique inverse des termes fondés
sur la structure MOT + NOYAU, lesquels s'identifient généralement à des co-hyponymes ou à des
notions relevant de niveaux successifs d'hyponymie (MOT + MOT + NOYAU). Lorsque les possibilités de
classement à gauche du noyau sont épuisées, le tri s'effectue à droite de celui-ci. Il concerne alors les
termes qui répondent à la structure NOYAU + MOT et qui désignent généralement des co-méronymes
ou des notions apparentées. Les méronymes qui suivent la structure MOT + OF A(N)/OF THE + NOYAU
sont habituellement classés en dernier lieu.
17
. Lien DD = relation coordonnée spatiale "est devant vs est derrière".
18
. Lien HT = relation coordonnée spatiale "est au-dessus de vs est en-dessous de".
19
. Par ces mots, nous désignons toute tentative de regrouper une famille notionnelle au départ d'un regroupement lexical opéré dans
une langue donnée.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 13
Exemple de classement alphabétique
A
B
C
A
B
C
C
C
C
A
B
A
A
A
A
A
A
A
B
C
C
C
D
A of a
B of a
C of a
4.2
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
Noyau
etc.
A
B
C
D
D
D
Z
A
B
Chez SCHLOMANN
La finesse du travail de PAASCH, ici résumée à gros traits, ne semble pas se retrouver chez
SCHLOMANN. Le format des premiers tomes des Dictionnaires techniques illustrés est petit (in-16),
alors que les derniers volumes et les rééditions des premiers volumes sont imprimés dans des
dimensions plus importantes (in-4°). La présentation adoptée est celle dite à rubriques verticales
(ISO R1149 1969 : 9), mais le nombre de colonnes par page varie avec le temps : d'abord une, puis
deux (deuxième édition du vocabulaire de l'électrotechnique, SCHLOMANN 1928) et finalement trois
(tome XVII : aéronautique, SCHLOMANN 1932).
4.2.1
TABLE DES MATIÈRES
Les dictionnaires de SCHLOMANN (1906-1932) ont toujours comporté des tables des matières
particulièrement détaillées. On ne peut qu'être séduit par l'effort de structuration qui transparaît au
travers de celle proposée dans le tome XVII. Ne maîtrisant pas le domaine traité, celui de l'aviation,
nous ne nous prononcerons pas sur la validité d'une subdivision en sous-domaines conçue voici
soixante ans, alors que l'aéronautique était encore une toute jeune discipline20.
Du point de vue de la technique terminographique, on regrettera que, contrairement à
SCHLOMANN, PAASCH n'ait pas offert au lecteur des tables des matières qui mettent en valeur son
effort de structuration du domaine. Dans plusieurs éditions, dont celle que nous avons retenue,
PAASCH oublie de publier sa table des matières. Pourtant, les modifications intervenues au fil du
temps montrent que PAASCH a réfléchi au découpage de sa matière en sous-domaines, même s'il
ne s'étend guère sur le sujet dans ses introductions.
20
. "On comprendra quelles étaient les difficultés de rédaction, aussi bien en allemand que dans les langues étrangères, si l'on
songe combien l'aviation et sa technique sont jeunes encore." (SCHLOMANN 1932 : II.)
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 14
4.2.2
AGENCEMENT SYSTÉMATIQUE
Dans les Dictionnaires techniques illustrés de SCHLOMANN, l'ordre de succession des notions
est présenté comme foncièrement logique. Ainsi, la préface du tome II (1908) précise-t-elle :
"Nous ne croyons pas qu'il existe un ouvrage lexicographique, antérieur au présent
[ouvrage], dans lequel les domaines des courants forts et des courants faibles soient traités
avec autant de détails. C'est uniquement grâce à l'application de notre méthode
(groupement logique des termes avec dessins à l'appui) que nous avons pu donner un tel
développement à la matière; du reste, cette méthode nécessite par elle-même un travail
consciencieux et poussé à fond." (SCHLOMANN 1908 : IV.)
4.2.2.1
TOME X : AUTOMOBILES ET CANOTS AUTOMOBILES
Parmi les premiers volumes, le tome X, intitulé Automobiles et canots automobiles, dirigeables
et aéroplanes (SCHLOMANN 1910), nous intéresse dans la mesure où il traite brièvement de la
terminologie nautique. Les matières sont regroupées par sous-domaines et font l'objet d'une table des
matières précise.
Si SCHLOMANN prétend avoir adopté une présentation logique, on ne découvre pas vraiment
le principe fondateur de celle-ci. Il ne s'agit assurément pas d'un classement fondé sur des principes
récurrents. Quelquefois on rencontre une véritable réunion de co-hyponymes, mais sans ordre de
classement apparent : ancre, ancre à jas, ancre sans jas, ancre pliante, ancre à jet, etc.
(SCHLOMANN 1910 : 532). D'autres notions peuvent être réunies en vertu de relations diverses :
après les types d'ancres, on trouvera des notions liées à l'utilisation des ancres : amarre d'ancre,
chaîne d'ancre, cabestan, écubier de chaîne d'ancre, etc. (ibid.). Dans d'autres cas, il s'agit plutôt
d'une simple contiguïté mentale permettant d'associer, par exemple, le matériel de sécurité et de
protection : pompe de fond de cale, seau, prélart, ceinture de sauvetage, etc. (SCHLOMANN 1910 :
535-536). De véritables possibilités de suivre une relation espèce-genre semblent toutefois négligées.
Ainsi, la suite voilure, mât, gréement du mât, cercle de mât, étai, haubans, manoeuvre dormantes,
manoeuvres courantes aurait dû permettre la succession des hyponymes gréement du mât,
manoeuvres dormantes, haubans, étais.
Certes, ce volume ne traite qu'accessoirement du vocabulaire de la marine; toutefois, on
regrettera le caractère arbitraire du classement des notions dans tel ou tel sous-domaine. Ainsi, la
partie générale Bateaux automobiles (pp. 488sv.) traite non seulement des types de bateaux, mais
aussi d'architecture navale et d'hydrodynamique. Le sous-domaine Matériaux de construction et
parties du bateau inclut du matériel de cabine et des vêtements. De même, celui consacré à
l'Installation motrice inclut de nouvelles notions d'hydrodynamique ainsi que des notions propres au
positionnement du navire et aux compétitions.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 15
4.2.2.2
TOME XVII : AÉRONAUTIQUE
Au verso de la page de couverture du tome XVII, on peut lire : "Tous droits réservés,
notamment ceux de traduction, de reproduction partielle ou de présentation des expressions par ordre
alphabétique." Cette étrange et inhabituelle mention montre que l'auteur a conscience d'avoir ordonné
le corpus d'une manière originale. Elle atteste sa crainte de voir le texte exploité pour produire, à
moindre frais, un dictionnaire adoptant un agencement plus classique21.
En quoi l'ordre suivi est-il donc si extraordinaire? Si nous nous intéressons à la succession des
notions à l'intérieur d'un même sous-domaine, nous observons des problèmes semblables à ceux
déjà identifiés dans le tome X. Ainsi, dans le sous-domaine des Sortes de vents, l'on ne perçoit guère
le lien qui permet le classement des notions, dont certaines ne relèvent d'ailleurs pas de la typologie
annoncée (SCHLOMANN 1932 : 18).
[INCLURE ICI L'EXTRAIT DE SCHLOMANN (1932 : 18)]
Dans l'extrait ici reproduit, on perçoit clairement que certaines notions ont été rapprochées en
vertu du lien de subordination hyponymique22 (les types d'alizés, les types de mousson) et que des
co-hyponymes dépendant des mêmes critères de subdivision ont pu être réunis (suivant la saison ou
suivant la direction dans le cas de la mousson). On regrettera pourtant que les notions en disjonction
ne soient pas systématiquement regroupées : vent venant d'un lac (notion 18.35) ne nous semble
guère à sa place entre brise de mer (18.34) et alizés (18.36). La brise de mer est un phénomène
ponctuel qu'il semble difficile d'associer à des vents plus réguliers comme les alizés, lesquels alizés
sont des types de vents locaux au même titre que le sirocco (18.54) ou le mistral (18.56) également
cités. S'agissant de classer des réalités relativement abstraites, l'auteur semble procéder
essentiellement par contiguïté mentale, puisqu'il fait se succéder des notions qui entretiennent des
relations très variées; ceci est relativement clair lorsque bande de calmes (18.41) est associé à contrealizé (18.40) ou lorsque climat de mousson (18.47) et renversement de mousson (18.48) sont associés à
mousson (18.42). Lorsque ce type de contiguïté est épuisé, le classement apparaît même totalement
arbitraire; ainsi ne perçoit-on guère les liens qui justifient la succession des notions 18.49 à 18.54.
De notre point de vue, la macrostructure aurait gagné en clarté si d'autres possibilités de
regroupement avaient été exploitées : regroupement des vents marins et des vents terrestres,
regroupement des vents saisonniers et de ceux qui ne le sont pas, regroupement des vents chauds et
des vents froids, regroupement des vents normaux et des vents de tempête, regroupement des
notions de météorologie exprimant un état particulier du vent, etc.
Le problème que pose bien sûr ce sous-domaine est celui de la difficulté de réaliser un
classement à la fois exhaustif et transparent lorsque l'on répertorie des notions abstraites se
rapportant à des phénomènes naturels. On se rappellera que de telles notions sont répertoriées dans
la partie Termes généraux de De la quille à la pomme de mât. Si PAASCH a renoncé à les regrouper
dans un sous-domaine particulier, le procédé de classement alphabétique utilisé lui a au moins
permis de réunir les co-hyponymes et les notions apparentées. Cette solution paraît celle du moindre
mal, dans la mesure où un classement systématique complique l'accès à l'information dès lors qu'on
ne perçoit pas quels sont les liens notionnels exploités.
21
. L'ouvrage semble avoir connu un très vif succès. En 1957, vingt-cinq ans après sa première édition, il est encore réédité tel quel,
alors que l'aviation a considérablement progressé au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
22
. Le classement appliqué ne semble pas dépendre d'une langue donnée.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 16
Si l'on s'attache à des notions relevant de réalités plus concrètes, l'agencement redevient plus
transparent. Toutefois, les passages où l'ordre systématique est fondé sur des relations de type
hiérarchique ne sont pas nombreux. Nous nous bornerons à citer deux extraits dans lesquels l'auteur
exploite bien de telles relations et réunit les co-hyponymes qui se distinguent par un même critère de
subdivision. Dans le sous-domaine des Aéronefs militaires, c'est par exemple la mission (combat,
reconnaissance, bombardement...) qui sert de critère au premier niveau de subordination, de sorte
que l'ordre suivi correspond parfaitement à la filiation observable dans une arborescence
(SCHLOMANN 1932 : 280, cf. extrait).
[INCLURE ICI L'EXTRAIT DE SCHLOMANN (1932 : 280)]
Comme chez PAASCH, le critère de subdivision est parfois annoncé en tête de liste. Ainsi en
va-t-il dans le sous-domaine des Types d'ailes (SCHLOMANN 1932 : 280, cf. extrait). Des termes
comme emplanture, tribord ou bâbord nous rappellent que ce vocabulaire est très proche de celui de
la marine. Certes, nous n'avons pas choisi ce sous-domaine innocemment, mais parce que la
disposition des ailes rappelle étrangement celle des voiles sur les vergues; la parenté
macrostructurelle n'est pas fortuite, puisque les caractères pris en compte pour l'ordonnancement
sont relativement voisins.
[INCLURE ICI L'EXTRAIT DE SCHLOMANN (1932 : 114)]
On a ici affaire à une relation hiérarchique TY où les co-hyponymes sont classés selon les
critères spatiaux GD (gauche-droite) et HT (haut-bas), lesquels font appel à des caractères
indépendants (GD : tribord, bâbord et HT : inférieur, central, supérieur). Tentant de reconstituer le
réseau notionnel, nous découvrons tout d'abord que les notions 114.20 et 114.23 font probablement
l'objet d'une désignation erronée en français : il conviendrait de lire respectivement aile centrale
tribord et aile centrale bâbord pour équivalents des termes allemands Steuerbordmittelflügel et
Backbordmittelflügel. Ensuite, nous observons que les termes du deuxième niveau de subordination
hyponymique (p. ex. aile supérieure tribord (114.19)) rendent compte de la conjonction hétérogène23
des caractères indépendants propres aux notions situées au premier niveau de subordination (p. ex.
aile supérieure (114.11) et aile tribord (114.17)).
En termes d'agencement systématique, le principe adopté ici par SCHLOMANN semble être de
présenter toutes les notions qui apparaissent au même niveau de subordination hiérarchique avant de
descendre à un niveau inférieur. On observera que SCHLOMANN présente les cas de conjonction
hétérogène après avoir épuisé d'abord la liste des deux disjonctions dont elles dépendent (HT et GD).
Chez PAASCH, les notions nées ainsi de la conjonction des caractères indépendants sont classées
sous l'un de leurs hyperonymes. Pour illustrer notre propos, nous reclassons ci-après ces notions
selon la méthode de PAASCH :
Type d'aile : critère tribord-bâbord (GD)
17. aile tribord ou droite
18. aile bâbord ou gauche
Type d'aile : critère supérieur-moyen-inférieur (HT)
11. aile supérieure
conjonction : 19. aile supérieure tribord
conjonction : 22. aile supérieure bâbord
23
. Sur notre distinction entre les conjonctions homogène et hétérogène, lire VAN CAMPENHOUDT (1994b : 107).
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 17
12. aile moyenne ou centrale
conjonction [notions fantômes ou mauvaise traduction]
13. aile inférieure
conjonction : 21. aile inférieure tribord
conjonction : 24. aile inférieure bâbord
Contrairement à ce qu'annonce le titre de la section, de nombreux méronymes apparaissent
également et semblent classés à la suite de leur holonyme : demi-plan (16) apparaît après aile divisée
en deux parties (15). Comme chez PAASCH, les co-méronymes semblent suivre les co-hyponymes
et pouvoir, à leur tour, donner lieu à des subdivisions hyponymiques (hypo-méronymes)24.
Par ailleurs, il est intéressant d'observer que chez SCHLOMANN comme chez PAASCH,
l'agencement systématique fondé sur le réseau notionnel permet de découvrir l'absence de certaines
notions, que nous nommons notions fantômes (VAN CAMPENHOUDT 1994b : 270-284). Dans cet
extrait, on ne trouve pas de notions qui seraient des hyponymes combinant le caractère 'extérieur' et
les caractères 'supérieur', 'moyen' et 'inférieur'. En d'autres termes, malgré la nature très
systématique de l'arborescence, on n'y trouve pas les notions partie extérieure de l'aile supérieure,
partie extérieure de l'aile moyenne et partie extérieure de l'aile inférieure, soit qu'aucune des langues
considérées ne les ait prévues, soit qu'il s'agisse d'un oubli du terminographe.
4.3
Synthèse
Notre comparaison des méthodes de classement des notions chez SCHLOMANN et chez
PAASCH est nécessairement succincte. L'effort d'exhaustivité est remarquable chez ces deux
terminographes, qui tous deux s'appuient sur des illustrations, mais paraissent se distinguer par une
approche différente de l'organisation des données. En effet, SCHLOMANN soigne particulièrement la
classification des notions en sous-domaines dont le caractère systématique transparaît clairement
dans la table des matières (cf. 4.2.1). En fait, la table des matières très affinée - sans doute
influencée par DEWEY et la C.D.U. - semble généralement tenir lieu de méthode d'agencement
systématique. Le nombre de notions incluses dans un sous-domaine particulier n'est jamais important
(une cinquantaine au maximum), de sorte que l'ordonnancement logique peut se réduire à un fil
conducteur relativement flou.
PAASCH, même s'il oublie parfois de publier sa table des matières dans certaines éditions, se
soucie lui aussi d'une classification en sous-domaines, mais en abusant sans aucun doute de deux
catégories fourre-tout (Divers et Termes généraux). Il recherche une logique formelle interne aux
sous-domaines et fonde l'ordonnancement systématique sur l'exploitation des relations notionnelles.
Lorsque le lien entre les notions d'un sous-domaine devient trop flou, il utilise un système
alphabétique amélioré, apte à différencier les hyponymes des méronymes et notions apparentées et
à les classer d'une manière transparente. Ce système permet sans aucun doute de retrouver une
notion plus rapidement que dans un classement qui, comme chez SCHLOMANN, est alors fondé sur
la simple contiguïté mentale.
24
. Les notions [39] et [40] constituent cependant deux types mélangés avec les parties.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 18
5
5.1
PRISE EN COMPTE DE L'IDIOMATICITÉ
Chez PAASCH
Aujourd'hui encore, peu de terminographies multilingues prennent l'idiomaticité en compte.
Dans De la quille à la pomme de mât, diverses entrées correspondent à des expressions qui ne
relèvent pas de la catégorie nominale et qui véhiculent un contenu notionnel particulier par rapport
aux termes qu'elles incluent. Nous nous proposons de regrouper sous l'appellation expressions
idiomatiques ces suites de mots qui ne peuvent généralement pas être traduites littéralement en
langue cible. Ces expressions idiomatiques sont plus spécialement répertoriées dans les chapitres
des Termes techniques de mécanique et des Termes généraux.
Le choix de PAASCH est de traiter les expressions idiomatiques comme rendant compte de
notions particulières. Certes, nous ignorons si l'auteur a beaucoup réfléchi au traitement de
l'idiomaticité. La réussite observée tient essentiellement à la présentation par colonnes, dénommée
disposition avec rubriques horizontales dans la norme ISO R 1149 (1969 : 9). L'expression
idiomatique - mise en vedette ou non - y reçoit un traitement semblable à celui de n'importe quelle
notion. Ceci équivaut à considérer que de nombreuses expressions correspondent à de véritables
unités de sens dès lors qu'elles véhiculent un contenu notionnel propre (elles peuvent être suivies
d'une définition) et/ou qu'elles posent un problème de traduction.
5.2
Chez SCHLOMANN
SCHLOMANN (1932) s'est soucié, lui aussi, de la traduction des expressions idiomatiques. De
nombreuses expressions liées à des constructions verbales trouvent leur place dans le dictionnaire et
apparaissent le plus souvent sous une forme fléchie : l'avion dérape dans le virage (209.23), le vent
vient de l'avant (214.29), la vis est serrée à bloc (202.53), etc. Comme dans De la quille à la pomme de
mât, des entrées particulières sont consacrées à ces expressions qui véhiculent souvent un contenu
notionnel propre. Elles ont le mérite d'être classées par sous-domaines, à l'inverse de ce qui se
produit chez PAASCH.
La phraséologie des langues présente rarement des équivalences d'une régularité telle que l'on
puisse décrire la traduction d'une expression idiomatique en ne recourant qu'à la mention de
contextes bien choisis sous l'un des termes composant l'expression. Les choix macrostructurels de
PAASCH et de SCHLOMANN permettent de traiter adéquatement la diversité des problèmes
d'équivalences que pose la prise en compte de l'idiomaticité en terminographie multilingue.
Respectueuse de l'approche notionnelle, la perspective retenue garantit une gestion rigoureuse et
homogène et se révèle particulièrement adéquate pour la confection d'une terminographie
multilingue. Sur la base d'un corpus d'expressions idiomatiques tirés de l'oeuvre de PAASCH, nous
avons déjà eu l'occasion de souligner combien ce choix était judicieux et parfaitement adapté à la
gestion des bases de données terminologiques (VAN CAMPENHOUDT 1994a).
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 19
6
EVALUATION DE L'ÉTENDUE DU CORPUS
Il est difficile d'évaluer in abstracto le coût du travail de production terminographique, c'est-àdire - pour l'essentiel - de mesurer un temps de travail. Par contre, il nous semble précieux de
pouvoir disposer de quelques mesures de comparaison des terminographies multilingues, pour autant
qu'elles respectent une approche notionnelle stricte et qu'elles soient fondées sur une même
démarche descriptive ou normative.
La distinction entre le terme et la notion constitue la base même d'une semblable
comparaison : prendre en compte les termes permet de tenir compte de l'ampleur du travail de
description des synonymes pour chacune des langues envisagées; parler de notions permet de
posséder une valeur de référence, un commun dénominateur. Les tableaux ci-après fournissent ces
mesures pour les deux ouvrages étudiés25.
Valeur absolue
Notions
Termes
anglais
Termes
français
Termes
allemands
PAASCH (1901)
11 704
12 712
14 047
14 894
SCHLOMANN (1932)
15 739
24 868
21 248
20 303
Valeur relative : taux de synonymie (nombre de termes/notion)
anglais
français
allemand
PAASCH (1901)
1,09
1,20
1,27
SCHLOMANN (1932)
1,58
1,35
1,29
Il serait très aléatoire d'interpréter les différences de score, par exemple pour évaluer les
efforts et mérites de chaque auteur. En effet, la spécificité des domaines ou des langues pourrait très
bien expliquer à elle seule les différences de résultat.
Par contre, ce type de mesure nous paraît plus pertinent que l'étonnante mesure du "coût par
terme" utilisée avec profit par les marchands du temple, voire avalisée par quelques terminologues
qui semblent ignorer le poids de la variable homonymie-polysémie. Bien entendu, ce type d'approche
n'est fiable que si l'on a acquis la certitude que le traitement de la terminologie est réellement basé
sur une approche notionnelle, elle-même fondée sur la monosémie et sur le dégroupement
homonymique en cas de divergence notionnelle.
25
. Dans la mesure où les corpus sont très étendus et non informatisés, nous avons bien sûr choisi de travailler par extrapolation.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 20
De là à établir un coût, voire un prix, au sens où l'analyse de la valeur considère ces notions, il
y a un pas que nous n'oserions franchir. Il serait, en effet, difficile pour le linguiste de décrire un coût
moyen de description de la notion, pondéré par le nombre de langues et le nombre moyen de termes,
de définitions ou d'illustrations par notion. Nous laissons ce soin aux spécialistes du commerce, tout
en les conjurant de bien tenir compte de ces paramètres.
7
LES INDEX
L'index joue un rôle de première importance pour retrouver les notions dans un ouvrage
ordonné selon un classement logique ou selon l'ordre alphabétique d'une langue déterminée. Dans la
norme ISO 1087 (1990 : 11), l'index est défini26 comme une "liste alphabétique des termes d'un
dictionnaire terminologique accompagnés d'une référence qui permet leur repérage." La norme ISO
R 1149 (1969), intitulée Présentation des vocabulaires systématiques multilingues, précise que tout
syntagme doit pouvoir être retrouvé à partir de chacun de ses constituants.
"Si un terme est composé de plusieurs éléments, il est utile de l'introduire en plusieurs
endroits, chaque emplacement correspondant à chacun des mots composants à partir
duquel le lecteur pourrait vouloir chercher le terme.
Voici, parmi plusieurs possibilités, un exemple de la manière dont on peut présenter
les trois termes anglais clamp bolt, jack bolt et stud bolt dans un index alphabétique :
bolt 650
- clamp bolt 950
- jack bolt 658
- stud bolt 682
clamp bolt 950
jack bolt 658
stud bolt 682"
(ISO R 1149 1969 : 11).
7.1
Chez PAASCH
Dès la première édition de son dictionnaire (1885), le capitaine PAASCH prévoit des index
alphabétiques séparés pour chacune des langues traitées. Au fil des éditions, PAASCH et ses
successeurs se contenteront de créer des index mentionnant les syntagmes dans l'ordre
alphabétique. L'index précise parfois entre parenthèses et en italiques quelle est la réalité concernée
par la notion; l'holonyme sert généralement à cette tâche, notamment pour désambiguïser les formes
homonymes.
Quand bien même ils s'avèrent satisfaisants, force nous est de constater que ces index ne sont
pas exhaustifs. C'est du moins ce que laisse transparaître un calcul par extrapolation, fondé sur
l'évaluation du nombre moyen de termes par page dans les index. Pour chaque langue, on constate
un déficit du nombre de termes par rapport à la partie systématique.
26
. On trouve une définition très proche chez BOUTIN-QUESNEL et al. (1985 : 30).
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 21
Nombre total
de termes
Nombre total
d'entrées d'index
Déficit
Anglais
12 712
9 380
- 26,2 %
Français
14 047
9 343
- 33,5 %
Allemand
14 894
11 056
- 25,8 %
La prise en compte des synonymes ne semble pas réellement en cause, puisqu'une évaluation
par coups de sonde opérée dans les trois langues montre que les synonymes sont généralement
présents dans les index. En fait, les termes manquants s'identifient presque toujours à des syntagmes
particulièrement complexes. Il s'agit vraisemblablement d'une attitude délibérée : par exemple,
l'index français mentionne seulement joints (divers) et omet tous les syntagmes désignant les types
de joints, alors que leurs équivalents allemands ou anglais sont correctement indexés. Nombreuses
sont les familles lexicales qui sont ainsi réduites à leurs principaux syntagmes (amures, guide,
cylindre, coussinet, etc.), encore que le phénomène ne soit pas systématique (tasseau, vergue, etc.)
et se produise parfois aussi au détriment des index anglais et allemand. Par hypothèse, on peut le lier
à la transparence du terme français du point de vue de sa formation : dans la mesure où
l'hyperonyme figure généralement en tête du syntagme et où la partie systématique suit souvent un
classement hyponymique, un renvoi vers l'hyperonyme suffit à celui qui consulte l'index et qui n'aura
ensuite qu'à balayer la liste des hyponymes dans la partie systématique. Les langues germaniques
placent, elles, l'hyperonyme à la fin du syntagme (selon le modèle HOLONYME + HYPERONYME) et les
hyponymes sont donc dispersés dans les index alphabétiques27. Le caractère plus fastidieux de leur
recherche a pu inciter PAASCH à les y conserver28.
Un autre facteur semble être le dégroupement homonymique qui conduit à répéter plusieurs
fois le même équivalent sur une même page. Par exemple, le même terme fond sert d'équivalent
pour deux notions anglaises présentes sur la même page : belly (of a sail) et bunt (of a sail). L'index
français se borne à mentionner une fois le terme fond (d'une voile) et à renvoyer le lecteur vers la
page concernée. Comme cette attitude semble systématique, elle ne peut qu'entraîner un déficit des
index, même si ce n'est que dans une faible mesure29.
Si les index avaient été réalisés selon la méthode proposée par l'ISO R 1149 (1969 : 11), il
aurait fallu prendre en compte tous les mots pleins inclus dans chaque syntagme et donc créer des
index beaucoup plus volumineux. Nos calculs montrent que la longueur moyenne des termes est en
30
français de 2,3 mots pleins par terme, ce qui atteste à suffisance de l'impossibilité de réaliser de tels
index avec les moyens dont disposait PAASCH à la fin du XIXe siècle, alors même qu'il affirme avoir
consacré quatre mois à bâtir les index de la 3e édition (PAASCH 1901 : IV).
27
. PAASCH n'utilise pas la technique des index permutés.
28
. Cette hypothèse revient à préjuger de la manière dont PAASCH a travaillé et implique qu'il ait supprimé les hyponymes français
des index dans un second temps. Des impératifs d'imprimerie (nombre de cahiers) pourraient rendre cette hypothèse plausible.
29
. L'application du principe de dégroupement homonymique produit environ 6,35 % d'entrées supplémentaires en anglais, 2,9 % en
français et 5,2 % en allemand.
30
. Un mot plein = tout substantif, adjectif, adverbe ou verbe isolé par des espaces ou des tirets.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 22
7.2
Chez SCHLOMANN
La comparaison avec l'oeuvre de SCHLOMANN (1932) paraît particulièrement intéressante.
Dans le volume consacré à l'électrotechnique et à l'électrochimie, cet auteur souligne, lui aussi, le
temps pris par la rédaction des index (SCHLOMANN 1928 : VI).
Le principe de séparation des langues n'est pas encore appliqué dans les index des premiers
volumes de SCHLOMANN : toutes les langues y sont mélangées, le russe excepté (pour les raisons
typographiques que l'on devine). En matière de renvoi vers la partie systématique, SCHLOMANN est
toujours resté fidèle à une solution de compromis : il mentionne tout à la fois la page et un numéro de
notion. Toutefois, la numérotation des notions n'est pas continue : elle reprend à zéro au début de
chaque nouvelle page.
7.2.1
CARACTÈRE SYSTÉMATIQUE
Conformément aux prescriptions de l'ISO R 1149 (op. cit.), les index de SCHLOMANN
permettent de retrouver chaque syntagme sous chacun de ses constituants. Ceci implique, bien
entendu, un net accroissement du nombre d'entrées par rapport à la partie systématique (un quasidoublement pour la langue allemande).
Nombre total
de termes
Nombre total
d'entrées d'index
Accroissement
observé
Anglais
24 868
40 837
+ 64,53 %
Français
21 248
36 272
+ 71,34 %
Allemand
20 303
30 906
+ 96,37 %
Nous avons tenté de vérifier l'exhaustivité de ces index en procédant par coups de sonde, dans
chacune des langues de l'ouvrage (y compris l'italien). Force nous a été de constater une précision
beaucoup plus grande que chez PAASCH, en tout cas lorsqu'on recherche l'expression dans l'ordre
alphabétique. C'est ici que les chiffres précédents prennent tout leur sens : en réalité, le facteur
d'accroissement est très faible par rapport à la longueur moyenne des termes, puisqu'on compte une
moyenne d'environ 2,46 mots pleins par terme en anglais et de 2,32 mots pleins/terme en français31.
Pour ces deux langues, le taux d'accroissement des index aurait donc dû être respectivement de
146 % et de 132 %, pour 65 % et 71 % mesurés. L'expérience confirme d'ailleurs que la recherche
d'un syntagme à partir d'un constituant se révèle plus aléatoire pour ces deux langues.
Nombre total
de termes
Nombre d'entrées
d'index attendu
Accroissement
attendu
Anglais
24 868
61 175
+ 146 %
Français
21 248
49 295
+ 132 %
31
. Nous ne produisons pas de chiffres pour l'allemand, dans la mesure où l'évaluation du nombre moyen de mots par termes n'a pas
pu être réalisée.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 23
7.2.2
PRINCIPES DE CLASSEMENT ALPHABÉTIQUE
Dans chacune des langues considérées, le principe de classement permet de retrouver un
terme complexe à partir de n'importe lequel de ses composants, qu'il figure en tête, à l'intérieur ou à
la fin du syntagme.
EN TÊTE
vent
- alizé (18.36)
- anticyclonique (24.33)
- apparent (19.03)
pour
pour
pour
vent alizé
vent anticyclonique
vent apparent
pour
pour
pour
angle de vent à bâbord
angle du vent au compas
côté au vent du hangar
pour
pour
pour
force du vent
estimer la force du vent
échelle des forces du vent
À L'INTÉRIEUR
vent
-, angle de - à bâbord (69.06)
-, angle du - au compas (69.08)
-, côté au - du hangar (254.02)
A LA FIN
vent
-, force (20.27)
-, estimer la force (20.28)
-, échelle des forces (20.30)
L'absence d'une virgule derrière le tiret permet de deviner que le mot doit être placé au début
du syntagme. S'il y a une virgule derrière le tiret cela signifie que le mot intervient à l'intérieur du
syntagme, à l'emplacement du second tiret. S'il n'y a pas de second tiret, c'est que le mot doit être
situé à la fin du syntagme. Par ailleurs, l'ordre n'est pas strictement alphabétique puisque l'index
mentionne d'abord les cas où le mot est à l'intérieur ou à la fin du syntagme, puis les cas où il se situe
au début. L'absence de mode d'emploi risque donc de faire penser au lecteur non averti - comme
cela nous est arrivé - qu'un terme n'est pas prévu dans l'ouvrage32. On regrettera que ce système ne
soit pas clairement décrit dans l'ouvrage.
Lorsque l'auteur perçoit qu'un terme résulte de l'emboîtement de syntagmes, il va le
décomposer et donc faire figurer le terme sous l'un des syntagmes identifiés :
vent arrière (207.15)
-, voler (207.16)
-, atterrissage (214.32)
pour
pour
voler vent arrière
atterrissage vent arrière
Néanmoins, le lecteur aurait pu s'attendre à trouver également les deux dernières expressions dans
la première partie de la liste, sous la forme :
vent
-, atterrissage - arrière
-, voler - arrière
32
. Ainsi, vent alizé ne se trouvera pas sous la forme [vent] - alizé au début de la liste avant [vent], - arrêter le ni même entre [vent], variation semi-annuelle et [vent], - vitesse, mais après [vent], - zone à composante verticale du mouvement.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 24
L'utilisation d'un concordancier (KWIC) permettrait une plus grande rigueur. Toutefois, un tel
outil ne permet habituellement pas de distinguer un syntagme inclus dans un autre. En prenant en
compte ce syntagme inclus, SCHLOMANN (1932) adopte un principe de recherche très puissant.
Ainsi, si l'on compare l'indexation des termes utilisant les expressions wind channel = tunnel
aérodynamique = Windkanal :
Windkanal (194.32)
-, Doppel (195.16)
-, geschlossener (195.04)
-, offener (194.34)
...
pour
pour
pour
Doppelwindkanal
geschlossener Windkanal
offener Windkanal
tunnel aérodynamique (194.32)
- à densité variable (195.18)
- à dépression (195.17)
- double (195.16)
- fermé (195.04)
- ouvert (194.34)
...
pour
pour
pour
pour
pour
tunnel aérodynamique à densité variable
tunnel aérodynamique à dépression
double tunnel aérodynamique
tunnel aérodynamique fermé
tunnel aérodynamique ouvert
wind channel (194.32)
-, closed (195.04)
-, double (195.16)
-, high-pressure (195.19)
-, low-pressure (195.17)
-, open-jet (194.34)
-, variable density (195.18)
...
pour
pour
pour
pour
pour
pour
closed wind channel
double wind channel
high-pressure wind channel
low-pressure wind channel
open-jet wind channel
variable density wind channel
En allemand, le système a pour conséquence une moindre décomposition. Ainsi, vent arrière
(207.15) se dit Rückenwind, terme que l'on ne retrouve point sous Wind. Dès lors Rückenwindlandung
(= atterrissage vent arrière, 214.32) ne se retrouve ni sous wind ni sous Landung tandis que mit
Rückenwind fliegen (= voler vent arrière, 207.16) n'est pas mentionné sous Wind, mais bien sous
fliegen.
On observera finalement que l'index ne garde pas toujours les mots-outils du syntagme
concerné. Il n'est d'ailleurs pas toujours aisé pour un non-spécialiste de percevoir quelle est
l'expression entière.
vent
-, composante verticale
dirigée vers le haut (21.14)
-, cône (28.50)
-, constance à divers
instants de la durée dans le
champ non troublé (21.21)
pour
composante verticale du vent dirigée vers le haut
pour
pour
cône du vent
constance du vent à divers instants
de la durée dans le champ non troublé
La formule très laconique adoptée par la norme ISO R 1149 (1969 : 11) ne permet guère de
résoudre les problèmes ici évoqués, puisque, par exemple, elle fixe la place des composés se
terminant par bolt (les hyponymes), mais non pas de ceux qui commenceraient par ce mot (p. ex. bolt
rope). Dans un tel cas, SCHLOMANN (1932 : 90)33 semble privilégier un classement qui tienne
compte du sens, la notion bolt rope (= ralingue) n'ayant rien à voir avec la notion bolt (= boulon).
33
. On rappellera que dans les premiers volumes, SCHLOMANN mélange les différentes langues, le russe excepté. Le classement y
est strictement alphabétique, tenant compte des mots-outils, avec reprise des constituants des syntagmes dont la place est identifiée
suivant le système décrit ci-dessus. Un agencement de tirets permet de ne pas répéter les parties communes aux syntagmes qui se
suivent dans l'ordre alphabétique.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 25
bolt
-, bearing (154.34)
-, big end (156.06)
-, counterweight (158.55)
-, cup (56.46)
-, door (130.20)
[...]
bolt rope (144.56)
- band (88.28)
- suspension (106.48)
[...]
rope (90.25, 128.15)
-, to exchange the -s (223.07)
-, to replace the -s (223.07)
-, ascending (90.53)
- of the basket toggle (89.31)
-, bolt (144.56)
etc.
7.3
pour
pour
pour
pour
pour
bearing bolt
big end bolt
counterweight bolt
cup socket
door bolt
pour
pour
bolt rope band
bolt rope suspension
pour
pour
pour
pour
pour
to exchange the ropes
to replace the ropes
ascending rope
rope of the basket toggle
bolt rope
Synthèse
Face à la puissance de recherche développée par les systèmes informatiques, on pourrait
penser que notre analyse des index est purement archéologique. Pourtant, dans la mesure où le
support écrit demeure encore une source usuelle, il convient que toute base de données
terminologique puisse un jour servir à une publication terminographique. Un bon logiciel de gestion
terminologique doit donc être à même d'imprimer les meilleurs index possibles. De ce point de vue, il
est utile de disposer, lors de la phase d'analyse informatique, de données statistiques tirées de l'étude
de dictionnaires de référence, tels ceux de PAASCH et de SCHLOMANN.
8
MODE D'EMPLOI
Au cours de ce colloque, divers intervenants ont souligné l'importance d'un bon usage des
sources terminographiques. Trop souvent, l'utilisateur du dictionnaire spécialisé ignore tout de la
typologie des dictionnaires et des enjeux méthodologiques qui président à leur conception. Cet
utilisateur n'est donc généralement pas capable de développer une analyse critique des instruments
qu'il manie.
A tout le moins, il est souhaitable que le dictionnaire spécialisé inclue un mode d'emploi, outil
dont la nécessité didactique augmente à mesure que se perfectionne la technique terminographique.
Force est, hélas, de constater l'absence d'un tel mode d'emploi dans les deux ouvrages comparés.
Cette absence apparaît particulièrement regrettable dans le cas du dictionnaire de PAASCH dès lors
que l'on a pu mesurer le raffinement de sa conception34.
34
. On notera d'ailleurs que cet ouvrage a fait l'objet de deux mises à jour post-mortem (1908 et 1937), mais que les continuateurs
n'ont pas su maîtriser la technique de leur prédécesseur.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 26
9
CONCLUSION
Différents critères d'appréciation ont été envisagés dans les pages précédentes. Tous visent à
évaluer la capacité du dictionnaire à remplir des fonctions particulières correspondant aux besoins du
traducteur. Déterminer la pertinence de l'approche notionnelle permet d'apprécier la fiabilité du
dictionnaire en matière de traduction. Envisager la place des définitions, des illustrations ou encore
celle des liens notionnels permet d'en apprécier les fonctions de clarification notionnelle. Décrire
l'étendue du corpus, la table des matières et les index permet d'évaluer l'efficacité de sa consultation.
Pour comparer la valeur d'ouvrages abordant des matières différentes, il importe notamment
d'en isoler les caractéristiques et d'en comparer les performances. A cet effet, on peut notamment
effectuer un certain nombre de relevés et de dénombrements. A l'heure où d'aucuns dissertent sur le
coût de la terminographie et de sa diffusion, il paraît bon de fixer des points de comparaison solides.
Les
rapports
termes/notion,
termes/langue,
définitions/notion,
illustrations/notion
et
notions/dictionnaire constituent assurément des données fiables pour qui veut comparer des
terminographies multilingues. Toutefois, de telles évaluations chiffrées n'ont de valeur que si elles
s'accompagnent d'une analyse de la pertinence de l'approche notionnelle suivie.
Même si elles ont été rédigées avant que la terminologie ne connaisse un important
développement théorique et méthodologique, les deux oeuvres ici étudiées constituent un excellent
champ d'expérimentation pour analyser la valeur des terminographies multilingues. A l'heure où l'on
met en place des programmes internationaux de validation des données terminologiques, les
terminologues ont tout intérêt à mieux connaître et étudier des dictionnaires de grande ampleur
comme ceux de PAASCH et de SCHLOMANN, réalisés avec des moyens et des compétences qui
ont rarement été mis en oeuvre au cours des dernières décennies. En ce sens, la confection d'un
trésor informatisé des anciens dictionnaires techniques multilingues constitue à nos yeux un défit
majeur qui permettrait de rendre ces oeuvres disponibles pour bien des formes d'études.
Les terminologues de cette contrée se doivent en tout cas d'inscrire à leur patrimoine le
dictionnaire du capitaine Heinrich PAASCH. A la lumière d'une comparaison avec SCHLOMANN, cet
auteur apparaît comme un précurseur dont les méthodes novatrices mériteraient assurément d'être
plus souvent citées.
Marc Van Campenhoudt,
Centre de recherche TERMISTI
Institut supérieur de traducteurs et interprètes
de la Communauté française de Belgique,
Bruxelles.
© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 27
BIBLIOGRAPHIE
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© Marc Van Campenhoudt, Centre TERMISTI, paru dans Hermans (A.), Les dictionnaires spécialisés et l’analyse de la valeur : 28
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