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ENJEUX R enquête
Alors que les Vaudois s’étripent
autour d’un projet de nouveau
musée à Lausanne, des exemples
en Suisse démontrent que des
institutions de ce genre peuvent
être rentables en termes
de retombées économiques.
Les recettes du succès.
Voir dossier dans ce journal
Par Gian Pozzy
Le Centre Paul-Klee,
à Berne, a accueilli
560 000 visiteurs
en deux ans.
«S
GAETAN BALLY-KEYSTONE
Musée des
beaux-arts, mode
d’emploi pour
les Vaudois
Bilan, 04.07.07
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No 230 BILAN
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CENTRE PAUL-KLEE
débat
i les Vaudois veulent réussir leur
musée, ils doivent absolument le
construire au bord du lac, c’est
un écrin fabuleux, les retombées touristiques
seront immenses!» L’injonction vient d’un
expert. Ancien professeur au gymnase de
Bienne, devenu secrétaire général du Département bernois de l’instruction publique,
Andreas Marti s’est trouvé, en 1995, être la
cheville ouvrière d’une de plus magistrales
réussites muséales du pays: le Centre PaulKlee à Berne. Désormais à la retraite, il
s’accorde le «droit d’ingérence» dans les
affaires d’un canton voisin, Vaud, qui veut
s’offrir un musée à la mesure de ses collections d’art.
Après deux ans d’ouverture au public et
560 000 visiteurs, il peut donner la recette du
succès. Pour faire d’un musée consacré aux
beaux-arts une attraction rentable, il faut un
site, une architecture, des animations multiples, des expositions temporaires, une boutique, un café et un restaurant, un accès aisé,
de généreux donateurs et, bien sûr, un contenu enviable, voire exceptionnel.
Avant de planifier l’écrin bernois, Andreas
Marti a visité des musées aux quatre coins du
continent: «Helsinki, Stockholm, Paris,
Vienne, Amsterdam, Rotterdam et j’en passe.
J’ai eu de la chance, j’avais un sponsor
magnanime.» Spécialiste de chirurgie orthopédique de renom international, le professeur
Maurice Müller avait bâti sa fortune sur de
multiples inventions brevetées. Il a jugé qu’il
en était redevable à son canton et s’est dit prêt
à faire un don de 30 millions complété par un
terrain de 20 000 m2 en bordure de la ville de
Berne. «Il ne voulait pas d’un concours d’architecture, il voulait un grand architecte. Il
voulait Renzo Piano.»
Le Centre Paul-Klee doit aussi sa réussite à ses ateliers pour enfants, à sa cafétéria et à son restaurant
de qualité, ainsi qu’à son architecture audacieuse.
Et c’est ainsi que le Centre Paul-Klee, pour
le bonheur de ses innombrables visiteurs, se
trouve en rase campagne, sur un terrain
agrandi à 86 000 m2 par la grâce d’un droit
de superficie de soixante ans concédé par la
commune, et non, comme il avait été prévu
dès 1992, en pleine ville, à deux pas du
Kunstmuseum. «Du coup, commente Andreas Marti, beaucoup de monde vient ici
déjà pour se promener, manger, s’installer
sur un banc pour lire, piocher dans les
ordinateurs mis à disposition du public. J’en
vois même qui viennent boire leur café tous
les matins.» Un attrait populaire manifeste,
qui répond au souhait du mécène Müller de
faire de l’endroit plus qu’un musée, un vrai
centre culturel.
Un événement mondial
Avant d’en arriver là, il avait évidemment fallu
l’élément déclencheur, en l’occurrence le souhait des héritiers de Paul Klee, Livia et Alexander, de proposer dès 1991 la mise à disposition
des œuvres et des documents de l’artiste. Cela,
en partie sous forme de donation, en partie en
prêt, à condition que soit construit un musée à
son nom. Au total, avec le transfert des œuvres
en possession de la Fondation Paul-Klee, quel-
que 4000 pièces sont finalement rassemblées.
Un trésor unique qui valait bien un emballage
à sa mesure: le phénoménal bâtiment conçu
par Renzo Piano, par ailleurs auteur du Centre
Georges-Pompidou à Paris et de la Fondation
Beyeler à Bâle, coûte 126 millions, dont 32 sont
trouvés auprès de l’économie privée, 18 auprès
de la Loterie. Le reste, au prix d’une substantielle rallonge, est offert par le généreux professeur Müller.
Il a fallu quatorze ans entre la première
démarche de Livia Klee et l’inauguration du
Centre, mais sept ans seulement depuis la
mise à disposition du terrain, moins de
quatre ans depuis le premier coup de pioche,
trois ans depuis la pose de la première pierre.
Qui a dit que les Bernois étaient lents? «Ce
calendrier, qui obligeait canton, communes,
architecte et sponsors à progresser tambour
battant, était une condition de la donation de
Livia Klee», raconte Andreas Marti, qui voit
dans cette exigence le meilleur moyen de
fouetter les énergies et d’abréger les débats
oiseux.
Le résultat a été à la hauteur des attentes. La
conférence de presse attira quelque 300 médias du monde entier, le Centre Paul-Klee a vu
affluer 100 000 personnes au cours des douze
premières semaines. Près de la moitié des
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