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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UNIVERSITE MOULOUD MAMMERI DE TIZI OUZOU FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES, DE GESTION ET DES SCIENCES COMMERCIALES MEMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME DE MAGISTERE ECONOMIE ET FINANCE INTERNATIONALE THEME : FINANCE ISLAMIQUE ET CAPITAL-RISQUE (CAPITAL INVESTISSEMENT) : PERSPECTIVES DE FINANCEMENT PARTICIPATIF POUR LA CREATION ET LE DEVELOPPEMENT DES PME Elaboré par : Dirigé par : M. NAIT SLIMANI Mohand Mme AISSAT Amina Née LEGHIMA Membres du jury : Président : Professeur .BIA Chabane, professeur, UMMTO. Rapporteur : Docteur AISSAT née LEGHIMA Amina, maître de conférences (A), UMMTO. Examinateurs : - Docteur GRINE Lynda, maître de conférences, classe A, EHEC Alger - Docteur ABIDI Mohamed, maître de conférences, classe B, UMMTO. Date de soutenance le 22/12/2013 REMERCIEMENTS Tout d’abords je remercie Dieu le tout puissant de m’avoir donné la chance et le courage de terminer ce travail. Mes remerciements vont aussi vers Mme AISSAT, ma promotrice qui a cru en mes capacités et a su me guider et m’encourager à mener à bien mes recherches. Ensuite, je tiens à remercier les membres du jury d’avoir accepté d’évaluer ce travail et de participer à la soutenance. Je remercie également tous les membres de ma famille et tous mes amis pour leur patience et leurs encouragements afin que je puisse arriver au terme de ce travail. Enfin, je remercie toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à réalisation de ce mémoire. DEDICACES Je dédie ce travail à : Tous les membres de ma famille, en particulier mes parents et mes frères. Mme AISSAT ma promotrice. Tous mes amis sans exception. Toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce travail. « L’encre de l’érudit est plus sacré encore que le sang d’un martyr l’homme qui sait lire est digne de vertu aux yeux du Seigneur, apprenez l’art de la lecture et quand vous le connaitrait enseignez le. » Le prophète Mohammed paix et salut sur lui. SOMMAIRE Introduction générale……………………………………………............. 2 Partie I : Présentation de la finance islamique……………………………. 8 Chapitre I : Historique, évolution, sources et principes de la finance islamique………………………………………………………………………. 12 Section I : Historique et évolution de la finance islamique…………. 13 Section II : Les principes de la finance islamique……………………. 27 Chapitre II : Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia………………………………………………………... 47 Section I : Les contrats de la finance islamique……………………. 48 Section II : L’activité bancaire islamique…………………………….. 62 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement)……… 74 Chapitre I : Définition, caractéristique et historique du capital-risque……... 79 Section I : Définition et caractéristiques et théories relatives capital risque (capital investissement)………………………………………........... Section II : Histoire du capital investissement à travers le monde… Chapitre II : La pratique du capital investissement………………………….. 80 93 116 Section I : Les différents métiers du capital investissement et la sélection des investissements………………………………………………... Section II : Les sorties du capital-investisseur…………………….. 117 133 Partie III : Finance islamique, capital-investissement et perspectives de financement pour les PME………………………………………................. 150 Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME…………… 152 Section I : Les contrats de la finance islamique les plus pertinents pour le capital-investissement………………………………………………… 153 Section II : Les petites et moyennes entreprises (PME) et leur financement par la finance islamique et le capital-investissement……………. 168 Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie 191 Section I : Présentation de la FINALEP……………………………… 192 Section 2 : Financement d’un cas réel par la FINALEP……………… 199 Conclusion générale………………………………………………………… 223 Introduction générale Introduction générale Introduction générale : L’évolution que connait l’économie mondiale pousse les agents économiques à innover de plus en plus et dans tous les domaines. Ces innovations auront comme conséquence l’augmentation des besoins de financement des entreprises à moyen et long terme. Donc elles chercheront des financements accessibles à des conditions abordables, qui puissent leur assurer une croissance forte, stable et durable. Depuis la fin de la 2ème guerre mondiale on a constaté l’avènement aux EtatsUnis d’un nouveau mode de financement au profit des entreprises innovatrices, qu’est le capital-risque (venture capital en anglais), qui consiste pour les investisseurs professionnels à prendre des participations dans le capital d’entreprises naissantes ou très jeunes. Cela permet d’améliorer considérablement le financement des entreprises à fort potentiel. Le capital-risque permet aux jeunes entreprises innovantes, qui démarrent leur activité et ont un potentiel de croissance, d'augmenter leurs fonds propres. Le créateur d'entreprise obtient ainsi des fonds, sans demande de garantie, à un stade de développement où il est souvent difficile d'obtenir des prêts bancaires. L'augmentation des fonds propres consolide la structure financière de l'entreprise sans l'endetter. Par la suite, les années 1960 et 1970 ont vu la naissance d’un nouveau mode de financement participatif, en l’occurrence la finance islamique, qui malgré son existence depuis 14 siècles, n’a connu son développement que pendant les 30 à 40 dernières années. La finance islamique est devenue aujourd’hui universelle car elle propose une réponse louable aux maux auxquels l’économie mondiale fait face, du fait qu’elle est perçue comme une finance saine et plus simple. Musulmans et non musulmans s’accordent pour voir dans la finance islamique un choix éthique qui permet d’éviter les dérives de la spéculation à outrance tout en réinstaurant certaines valeurs négligées par la finance conventionnelle, comme la confiance. Les musulmans croient que l’Islam est la religion qui scelle toutes les révélations divines, qu’elle en est la dernière que Dieu a envoyée aux hommes. Donc, 2 Introduction générale elle engloberait toutes les législations et régirait à la fois le temporel et le spirituel. L’Islam construisait la société et l’Etat sur la base de la religion islamique, rétablissant sa conception de la justice et de la sécurité. Il avait réorganisé la famille et protégé les droits des femmes. Il avait statué ses règles sur l’esclavage de telle sorte que le temps se chargerait de le supprimer complètement. Il avait défini la propriété d’une façon qui la rendait intimement liée à la justice sociale. Il avait institué le respect des contrats commerciaux en les débarrassant de l’usure et de la fraude. Louis GARDET explique : « on pourrait dire tout aussi que l’Islam est à la fois une religion et une communauté temporelle : mieux encore, une communauté qui prend en charge, en un seul et indissociable élan, les relations de chaque croyant avec Dieu et les relations des croyant les uns avec les autres sur le plan moral et sur le plan politique. Il est dès lors évident que vouloir appliquer à la communauté musulmane des références issues de christianisme serait un contresens ». Problématique : La demande de financement des entreprises naissantes s’exprime le plus souvent par des crédits longs car il s’agit de financer des investissements qui s’amortissent sur un long ou moyen terme, le développement des PME ne peut donc se faire qu’avec des ressources longues. Malheureusement les banques privilégient le financement à court terme en exigeant des garanties importantes que les PME ne peuvent honorer du fait du manque des moyens financiers dont elles disposent. Donc les PME seront de plus en plus orientées vers d’autres modes de financement dont le plus important est le capital-risque. Ce dernier peut être défini comme un investissement en fonds propres ou quasi-fonds propres dans des entreprises non cotées, réalisé généralement pour le compte d’institutions qui attendent une forte rentabilité en contrepartie du risque qu’elles encourent, et cela dans un espace-temps limité. Le capital-risque ou capital investissement est considéré comme un véritable levier du dynamisme économique et financier. C’est un partenaire de la nouvelle économie qui a fait ses preuves dans les pays développés, notamment aux Etats-Unis 3 Introduction générale qui en constitue une réussite incontestable. Il permet la réalisation de projets pour lesquels le niveau de risque ne permet pas un financement bancaire classique. Il apporte outre les fonds, l’expertise, la réputation et l’accompagnement à l’investisseur. La finance islamique est une pratique qui prend de plus en plus d’ampleur ces dernières années. Cette finance comprend les banques islamiques, les assurances, les fonds mutuels et les activités islamiques des banques conventionnelles. L’un des principes fondamentaux de cette pratique est l’interdiction de l’intérêt dans toutes les transactions. Les instruments de la finance islamique préconisent en général le partage du risque. Dans le cadre de la similitude qu’on fait entre les principes de la finance islamique et du capital investissement, ce travail tentera de cerner le processus de financement par capital-risque, de comprendre les pratiques de la finance islamique et essaiera de ressortir les contrats de la finance islamique susceptibles de contribuer à l’évolution de la pratique du capital-risque dans les pays adoptant la finance islamique et par conséquent à la création d’entreprises. Donc la problématique principale qui sera traitée dans ce travail est de savoir quels sont les contrats relevant de la finance islamique qui préconisent le financement par capital-risque et de savoir l’intérêt que pourrait engendrer ce type de financement pour la création et le développement des petites et moyennes entreprises ? Hypothèses : Pour pouvoir répondre à notre problématique nous avons posé les hypothèses suivantes : La finance islamique étant considérée comme une finance participative présente un certain nombre de points communs avec le capital investissement. Ces deux modes de financement participent activement au financement, à la création et au développement des petites et moyennes entreprises. 4 Introduction générale Objet et méthodologie de la recherche : L’analyse des contrats de la finance islamique qui sont pertinents pour le capitalrisque repose sur l’évaluation de ces deux modes de financement séparément pour en ressortir les ressemblances et différences, ainsi on analysera : La finance islamique, ces sources de législations, ces contrats et ses avantages et limites. Le capital-risque, ses caractéristiques, son histoire et sa pratique. Ensuite, on analysera de manière plus approfondie les contrats de la finance islamique qui sont opportun pour le capital-risque, et on tentera de ressortir les perspectives d’évolutions de ces financements pour la PME après avoir présenté cette dernière. Enfin, on traitera, seulement, un cas réel de financement par capital-risque à cause de l’inexistence de cas pratique de financement participatif en finance islamique dans notre pays. Cette situation est due essentiellement, selon les responsables des banques islamiques établies en Algérie, à la grande asymétrie informationnelle qui existe au sein de notre économie résultante de la nondéclaration par les chefs d’entreprises des données réelles de l’évolution de ces dernières. Donc notre travaille s’appuiera sur une méthode analytique et descriptive des différents aspects des financements participatifs ainsi que leur impact sur la création, le financement et le développement des PME. Et ce en s’appuyant sur les entretiens réalisés avec les responsables des banques islamiques et ceux des sociétés de capital investissement qui ont bien voulu nous recevoir au sein de leurs établissements respectifs. Le choix du thème : La principale raison qui nous a incités à choisir ce thème est purement scientifique loin de toute vision idéologique dans la quelque on pourrait tomber en analysant un thème aussi complexe que la finance islamique. La quasi-inexistence dans notre pays de recherche approfondie qui rassemble ces deux modes de 5 Introduction générale financement dans un même travail, nous a convaincu de l’utilité d’une étude plus approfondie qui cernera l’ensemble des principales notions de ces deux modes de financement et des principaux aspects qui les rapprochent. Car en réalité il existe une littérature très large qui traite séparément la finance islamique et le capital-risque. La seule œuvre que nous avons trouvé, qui parle des deux métiers au même temps, est celle réalisé à l’université de LAVAL par Sofia BENNARA. Nous espérons, ainsi, laisser pour les générations futures un petit travail sur lequel elles pourront se baser pour commencer leur travail de recherche sur la finance islamique et/ou le capitalrisque. Structure du mémoire : Pour répondre à la problématique posée dans notre travail, nous avons vu qu’il serait judicieux de scinder notre mémoire en trois grandes parties chacune d’elles divisée en deux chapitres. C’est ainsi que nous analyserons la finance islamique dans la première partie, en passant en revue son histoire, son évolution, ses sources et ses principes dans le premier chapitre. Le second chapitre sera consacré quant à lui à l’étude des principaux contrats offerts par la finance islamique et à l’activité bancaire conforme à la Sharia, afin d’avoir une idée plus précise sur la finance islamique qui malgré ces racines lointaines reste méconnue du grand public. Dans la deuxième partie, intitulée « introduction au capital-risque (capital investissement) », on tentera de cerner ce métier en donnant sa définition, ses caractéristiques et son histoire dans le premier chapitre. Dans le deuxième chapitre, on analysera la pratique du capital investissement en étudiant ses différents métiers et les principaux mécanismes de sortie. Cette partie nous permettra de nous rapprocher du capital-risque et d’en tirer les ressemblances qu’il peut avoir avec la finance islamique. Enfin, on tentera d’analyser l’impact de ces modes de financement sur le développement des PME. Dans le premier chapitre, en tentera de ressortir les contrats de la finance islamique les plus pertinents pour le capital-risque et d’en tirer les avantages offerts par les financements participatifs pour la création et le 6 Introduction générale développement des PME. Nous achèverons notre travail par une étude de cas de financement par capital-risque afin de nous rapprocher plus de la réalité de ce métiers dans notre pays. 7 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : Historique, évolution, sources et principes de la finance islamique. Section I : Historique, évolution et sources de la finance islamique. Section II : Principes de la finance islamique. Chapitre II : Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Section I : Les contrats de la finance islamique. Section II : L’activité bancaire islamique. Partie I : Présentation de la finance islamique. Introduction : Islam est un nom commun masculin singulier arabe qui a pour racine le mot salam qui signifie « paix ». Le mot islam a aussi pour origine le verbe aslama qui signifie se résigner, se soumettre ou s’abandonner, en l’occurrence ici à Dieu1. C’est une religion monothéiste révélée par Dieu, à partir de l’an 610, au prophète Mohammed paix et salut sur lui (PSSL). Cette révélation est consignée dans le Coran composé de 114 chapitres appelés sourates en arabe, qui se subdivise en versets appelés ayat (aya au singulier). L’Islam est un système social qui ne correspond plus au sens occidental du mot « religion ». Car en plus des rapports de l’homme avec Dieu, il englobe tout le savoir relatif aux rapports de l’Homme avec l’Homme. L’islam est fondé sur trois éléments essentiels : la ‘aquida (qui correspond à la foi), l’akhlaq (la morale et l’éthique) et la sharia (qui décrit les pratiques de la religion). Le schéma suivant résume les fondamentaux de l’islam et la place réservée au commerce et à la finance2. 1 Dhafer SAIDANE, Finance islamique: à l’heure de la mondialisation, Ed: revue banque, 2009, p .11. Lila GUERMAS-SAYEGH, La religion dans les affaires : la finance islamique, fondation pour l’innovation politique. 2 9 Partie I : Présentation de la finance islamique. L’Islam est une religion, qui entend embrasser la totalité des comportements, intervient d’une manière directe dans le domaine économique en particulier par l’interdiction du riba (intérêt et /ou usure) et la responsabilité sociale de l'investissement. Il apparaît donc clairement que l’Islam ne se limite pas dans sa doctrine, à l’organisation matérielle de la société, mais qu’il travaille aussi en profondeur pour façonner la conscience des hommes et cultiver en eux la spontanéité généreuse et bienfaitrice. Autrement dit, l’Islam fixe des objectifs à atteindre et tente de les réaliser par l’adhésion volontaire des hommes à ces objectifs3. L’économie islamique désigne la pratique de l’économie en accord avec les principes de la doctrine islamique issue de la loi islamique fondamentale appelée sharia. Comme toute théorie économique, l’économie islamique aspire à atteindre un idéal de société où les besoins humains fondamentaux seront satisfaits, où les ressources seront utilisées de manière optimale et où les richesses seront partagées équitablement pour toucher toutes les classes sociales. Toutefois, les principes qui régissent le fonctionnement d’un système économique islamique sont différents de l’esprit des systèmes conventionnels. En effet, le système islamique se distingue principalement par ses dimensions morales et religieuses dans la définition des problèmes économiques ce qui implique que les agents économiques ne doivent pas considérer la profitabilité comme l’unique ni le principale critère de prise de décision. La structure générale du système économique islamique peut s’exposer en trois principaux piliers qui sont : Le principe de la double propriété ; Le principe de la liberté économique dans un cadre limité ; Le principe de la justice sociale. Dans les trente dernières années, dans les pays à dominante musulmane, la référence croissante à l’Islam a entraîné l’apparition d’institution et de mode de fonctionnement nouveaux. 3 Abdul Hâdi GAFUORI, Islam et économie: réflexion sur les principes fondamentaux de l’économie islamique, Ed ALBOURAQ, 2000. op.cit. p.24 10 Partie I : Présentation de la finance islamique. La finance islamique moderne a commencé à se développer au début des années 1970, avec la montée de la religiosité des populations du monde musulman et la flambée des prix du pétrole. Basée sur les principes de sharia qui imposent justice, équité et transparence, la finance islamique se distingue des pratiques financières conventionnelles par une conception différente de la valeur du capital et du travail. Ainsi, ces pratiques mettent en avant l’éthique et la morale et puisent leurs sources dans la révélation divine (Coran) et de la sounna tout en s’inspirant des pratiques économiques et financières à l’époque du prophète (PSSL). Les banques islamiques et les filiales islamiques des banques conventionnelles ont développé différents mécanismes juridico-financiers pour rester dans la légalité islamique. En effet, la mobilisation et l’emploi des capitaux dans la finance islamique reposent sur des concepts juridiques différents de ceux des banques traditionnelles. Au cours de leur développement, les banques islamiques ont créé plusieurs instruments afin de satisfaire les besoins de leurs clients. Dans cette première partie intitulé « présentation de la finance islamique » et qui sera divisée en deux chapitres, on traitera l’histoire, l’évolution, les sources et les principes de la finance islamique. Ensuite, on analysera dans le deuxième chapitre les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. 11 Chapitre I : Historique, évolution, sources et principes de la finance islamique. Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Chapitre I : Historique, évolution, sources et principes de la finance islamique. Section I : Historique et évolution de la finance islamique. La finance islamique qui tire son origine de la quête du savoir dans la péninsule arabique, se présente comme une forme d’intermédiation qui s’appuie sur les préceptes d’une religion qu’est l’Islam1. Si le concept de finance islamique a une longue histoire (on peut tracer ses origines au VIIe siècle), le renouveau d’intérêt pour cette forme particulière de finance est, lui, relativement récent. La finance islamique « moderne » est véritablement née dans les années 1960 et a connu, depuis, un développement aussi spectaculaire qu’hétérogène. La relative ancienneté de cette conception nous conduira à étudier ses origines depuis les temps du Prophète Mohamed (PSSL) et des premiers Califes en analysant la première institution financière dans le monde musulman qu’est le BAIT ELMAL, ce terme signifie littéralement « maison du trésor », est l’institution concerné par les recettes et les dépenses de l’Etat2. I. Les premières prémices de la finance islamique : On peut associer les premières formes d’une finance islamique à l’âge d’or de l’islam entre le VIIe et XVIe siècle. C'est-à-dire à partir du début de la révélation de loi devine (le Coran) par Dieu au Prophète Mohamed (PSSL). L’expérience du premier Etat islamique (celui du Prophète et des premiers califes) a été de courte durée de l’an 622 à l’an 661. Cette période a connue l’élaboration et la définition des principes et des dispositions juridique qui doivent permettre la réalisation d’une société humaine plus juste et plus fraternelle. Dans cette optique la première activité du Prophète consista en la fraternisation entre les muhajirins (migrants de la Mecque) et les ansars (habitants de Médine). Dans son premier discours en tant que chef politique de la communauté musulmane, le Prophète 1 Dhafer SAIDANE, op.cit, p.12. Abdul Hadi GAFOURI, Islam et économie: réflexion sur les principes fondamentaux de l’économie islamique, Ed ALBOURAQ, 2000, p.46. 2 13 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. a déclaré3 : « faite le bien pour vous-même en vue de gagner le paradis : l’un d’entre vous mourra et laissera son troupeau sans berger, mais son seigneur lui dira : n’as-tu pas reçu le message de mon Prophète et ne t’ai-je pas comblé de mes biens ? Qu’estce que tu as fait pour toi-même, l’homme regardera alors à droite et à gauche et ne verra rien, puis il regardera devant lui et ne verra que l’enfer. Celui qui veut éviter l’enfer, qu’il fasse preuve de générosité, ne serait-ce qu’en partageant une datte, celui qui n’a pas de dattes à partager qu’il prononce une bonne parole : celle-ci vaut dixsept cents bienfaits. Que le salut soit sur vous de la part de Dieu, ainsi que sa miséricorde et bénédiction ». Dans ce discours adressé aux premiers musulmans, le Prophète (PSSL) les encourage à partager leur richesse afin qu’ils puissent vivre en harmonie et qu’aucun d’entre eux ne soit lésé afin que cette richesse se fructifie et soit utiliser pour le développement de la société musulmane tout en respectant les principes de la sharia. Il avait aussi incité les musulmans à aider les pauvres selon le principe de la générosité et de la solidarité. A la Mecque, la communauté musulmane n’avait pas institué un système de dépenses publiques et le besoin ne se faisait pas sentir de créer BEIT ELMAL. Les dépenses faites pour satisfaire les besoins généraux étaient faites soit par le Prophète, soit par les musulmans volontairement selon ce que leur dictait leur foi face aux différentes circonstances. En ce qui concerne l’économie et la finance à cette époque la seul institution, et qui était d’ailleurs la plus complexe, est BEIT ELMAL, au vu que la vie était très simple et les échanges commerciaux n’étaient pas vraiment développés et ne nécessité pas une législation spécialiser sauf en ce qui concerne l’interdiction du riba, du gharar (spéculation) et de la fraude. Cette finance semblait centrée autour de la finance publique des premiers califes. Il s’agissait d’une gestion budgétaire des deniers d’un Etat naissant. 3 Hashim Maarouf al-Husani: Sirat al-Mustafa (l’histoire du prophète Mohammed) 2 Beyrouth, 1978, p.226 in Islam et économie. Op.cit. p.24. 14 eme édition, dar al-qalam, Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Le deuxième calife Omar IBN EL KHATAB, qui a gouverné de 634 à 644, aurait même demandé à son gouverneur de Syrie : « Envoie chez nous [à Médine] un expert grec pour mettre en ordre les comptes de nos revenus »4. Il s’agissait en particulier de canaliser efficacement la collecte de la Zakat, qui est une taxe obligatoire pour tout musulman. Elle est réclamée au-delà d’un certain seuil (NISSAB en arabe). Les fonds, produits par cette collecte, sont acheminés vers BEIT ELMAL ou trésor public. 1. Définition de BEIT ELMAL: Le terme BEIT ELMAL renvoie à l’endroit où sont placées les sommes qui constituent les ressources de l’Etat. BEIT ELMAL en tant qu’institution à vue le jour du temps du Prophète, au cours de la guerre de Badr qui correspond à la révélation de la sourate « le butin » (Alanfal). Et en tant que lieu, il a été institué la deuxième année du régime du Calife ABU BAKR ; il était situé dans la maison du Calife5. 2. Les ressources et les dépenses de BIET ELMAL6 : 2.1. Les ressources : Le service des impôts fonciers et des biens publics, où sont préservés et enregistrer les ressources de l’Etat et qui sont considérés comme propriété de tous les musulmans. De même, font partie de cette catégorie, les revenus fiscaux qui sont imposés aux musulmans en cas d’insuffisance des ressources déposés dans BEIT ELMAL. Ce service se subdivise en plusieurs départements : Celui des butins. Celui des impôts fonciers. Celui des propriétés agraires. Il comprend les terres conquises par la force et un impôt d’un dixième sur les terres propriétés de l’Etat et du peuple. Celui de tributs. 4 Dhafer SAIDANE, Op.cit. p.18. Abdul Hadi GAFOURI, op.cit. p.46. 6 Idem, p.p. 47 et 48. 5 15 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Celui des prises : il comprend les revenus des impôts, les mines et les loyers des terrains ou des constructions publiques qui sont loués à des particuliers, et les richesses de défunts qui n’ont pas laissé d’héritiers. Le service de donations : Département de la Zakat. Département d’impôts sur l’agriculture et les arbres fruitiers. Département des impôts sur les troupeaux. 2.2. Les dépenses : Le service de donations pour les pauvres et les nécessiteux, ainsi que les débiteurs, les voyageurs, les agriculteurs et les artisans. Les services des équipements ; il comprend : Le département de l’armée : chargé de l’enrôlement, de la formation et de l’entraînement des soldats. Le département de l’équipement militaire. Le département de la fabrication des armes. Le service des amendes. Le service de dépenses des propriétés publiques. Le service des urgences. Le service du bilan public et de la comptabilité générale. Le service de la surveillance. En plus de la gestion des deniers publics, une économie monétaire était née ; elle était basée sur une monnaie forte, en l’occurrence, le Dinar, d’ailleurs Subhi LABIB, dans un article en 1969 du Journal of Economic History, rappelle que pendant l’âge d’or de l’Islam, on pouvait détecter dans les territoires des Califes, du VIIIe au XIIe siècle, les premières formes de capitalisme et d’économie de marché. L’auteur parle de « capitalisme islamique »7. 7 Subhi LABIB « Capitalism in medieval Islam », the Journal of Economic History, in la finance islamique face à la mondialisation, op.cit. p.19. 16 Partie I : Présentation de la finance islamique. II. Chapitre I : présentation de la finance islamique. L’apparition de la finance islamique moderne : La finance islamique moderne a commencé à se développer dans les années soixante et s’est accélérée dans les années soixante-dix. Stimulée essentiellement par un regain de vitalité de la religion musulmane et par l’importance des ressources financières de certains pays musulmans. La première expérience en ce sens est apparue en l’an 1963 en Egypte au village Mit Ghamr par la création d’une caisse d’épargne qui fonctionnait selon les préceptes de la sharia par l’économiste Ahmed El Naggar, en l’occurrence la Mit Ghamr Saving Bank. Cette première forme de micro-finance islamique a drainé une part importante des revenus des villageois. Leurs économies étaient gérées de manière prudente et solidaire pour faire face à leurs besoins8. Cette caisse d’épargne a permis d’expérimenter des techniques financière aujourd’hui admises (mourabaha, ijara, moudaraba…). En 1969 a été créé en Malaisie le Tabung Hadji un fonds islamique d’entraide. Ce fonds vient en aide financièrement aux pèlerins qui se rendent à la Mecque par un système d’épargne et de placement conforme à la sharia. Actuellement il joue un rôle très important dans le développement de la Malaisie en assurant la bancarisation des plus démunis selon les principes de l’Islam. La même année a vu naitre le Dallah Albaraka Group avec en son sein l’important Albaraka Banking Group. Aujourd’hui ce groupe est représenté dans plusieurs pays musulmans. Mais c’est dans les années 1970 qu’on assiste au démarrage de la finance pratiqué selon les préceptes de la sharia à une plus grande échelle. Appelée depuis « Islamic Finance », elle est apparue au Moyen-Orient grâce à l’initiative, en décembre 1973, de l’Organisation de la Conférence Islamique de créer l’Islamic Development Bank (Banque Islamique de Développement « BID ») qui a démarré son 8 Dhafer SAIDANE, Op.cit. p.21. 17 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. activité en octobre 19759. En 1979, apparaît également la première compagnie d’assurances islamique, Islamic Insurance Company of Soudan. En mars 1981, est fondée Dar Al Mal Al Islami, un des plus importants organismes dont le siège est à Genève. Cette banque fournit des services bancaire commerciaux islamiques (dépôts, prêts, cartes de crédits, services de gestion d’actifs…). A côté de cette activité de détail, elle offre des services à la clientèle (investissement, conseil en placement sur les fusions et acquisition, offres publiques, souscription de services d’assurance islamique)10. Le développement de la finance islamique s’est accéléré à partir des années 1980 en raison de l’augmentation de la manne pétrolière des pays arabo-musulmans, du renouveau de l’intérêt vis-à-vis de l’Islam et des crises subies par certaines banques conventionnelles. A fin 2010, on comptait plus que 300 établissements financiers islamiques répartis sur plus de 75 pays à travers le monde. Les actifs gérés dépassent un trillion de dollars11. Actuellement le monde de la finance islamique compte environ 345 institutions financière islamique ou fenêtres d’institutions financières pratiquant la finance islamique. Cependant, selon la base de données Bankscope, dans le monde seulement 95 banques sont déclarées purement islamique12. 9 Dhafer SAIDANE Op.cit, p.22. http://www.dmitrust.com/index.htm consulté le 12/03/2012. 11 Wadi MZID Directeur à Banque Zitouna, Tunisie, la finance islamique : principes fondamentaux et apports potentiels dans le financement de la croissance et du développement in EMERGING NEW ECONIMIC POLICY MAKERS IN THE ARAB MEDITERANEAN : ECONOMIC AGENDAS OF ISLAMIC ACTORS, p53. 12 Dhafer SAIDANE, Op.cit, p.p. 23 et 24. 10 18 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Graphique n° 1: Répartition géographique selon le degré de présence. Source : Anouar HASSONE, conférence-débat : finance islamique, quel(s) marché(s) pour la finance islamique, une analyse comparative et critique des dynamiques régionales de la finance islamique, Moody’s Investors Service, février 2008. Aujourd’hui la finance islamique cherche à s’intégrer dans la finance internationale et dans la mondialisation financière. Elle est en évolution continue vers un modèle financier reconnu à part entière, par des efforts de normalisation, de règlementation et de contrôle. Plusieurs institutions ont adopté des normes comptables conformes à la sharia. Ces normes sont élaborées par l’Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions (AAOIFI), qui est une structure basée au Royaume du Bahreïn. Elle a été créée par la BID le 26 février 1990 afin d’instaurer des règles de gouvernance et d’éthique ainsi que des normes comptables conformes à la pratique des marchés financiers islamiques. Elle est reconnue par les acteurs de la finance islamique comme ayant un rôle moteur en matière de standardisation des règles13. En 2002, est apparu l’Islamic Financial Services Board (IFSB) pour faciliter l’intégration de la finance islamique à la finance internationale. Cet organisme 13 Dhafer SAIDANE, Op.cit, p.p. 23 et 24. 19 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. inauguré à Kuala Lumpur (Malaisie) adapte les standards internationaux aux principes de la sharia. Il établit ainsi des règles prudentielles pour les institutions financières islamiques. L’IFSB compte 150 membres dont 37 autorités de régulation et de supervision ainsi que le Fonds Monétaire Internationale, la Banque Mondiale, la Banque des Règlements Internationaux, la Banque Islamique de Développement, l’Asian Development Bank et 108 intermédiaires de marché opérant dans 29 pays14. L’évolution actuelle que connais la finance islamique est liée à plusieurs facteurs, dont les plus importants sont : L’accélération de la montée des prix du pétrole qui a conduit à l’augmentation des revenus des pays exportateurs. Cette envolée des prix du pétrole a généré un surplus de liquidité estimé à 1500 milliards de dollars dans les pays du Golfe et de l’Asie du Sud-est15. Le rapatriement des capitaux musulmans après le 11septembre2001. Ce secteur a connu une croissance particulièrement soutenue au cours des dix dernières années. Si au tournant du millénaire le volume des actifs financiers islamiques est estimé à un peu plus de 150 milliards de dollars, actuellement il a dépassé les 700 milliards de dollars (Graphique 2), dont près de 300 milliards d’actifs gérés par les banques islamiques et plus de 400 milliards d’investissements financiers16. Par ailleurs, l’agence de notation Moody’s estimait fin 2009 la taille du marché de la finance islamique à 950 milliards de dollars ; ce dernier a crû d’environ 20 % par an au cours des trois dernières années. Selon d’autres sources, le secteur devrait absorber plus de 50 % de l’épargne rassemblée par 1,6 milliard de musulmans d’ici une décennie17. 14 Anouar HASSONE, op.cit, p.41. RAPPORT JOUINI et PASTRE : Enjeux et opportunité du développement de la finance islamique pour la place de Paris, 1à proposition pour collecter 100 milliards de dollars, décembre 2008. P.44. 16 Idem, p.46. 17 Lila GUERMAS-SAYEGH, op.cit, p19. 15 20 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Graphique n°2 : Evolution de la taille du marché de la finance islamique (total des actifs en milliards de dollars). 800 700 600 500 400 300 200 100 0 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2006 2007 Sources : Rapport moral sur l’argent dans le monde (2005), Association d’économie financière, Standard & Poor’s in Lila GUERMAS-SAYEGH, op.cit.p.47. En Algérie, malgré l’existence d’un potentiel et d’un gisement de clientèle important, ce n’est qu’en 1991 que les responsables de la banque centrale ont autorisé l’offre de produits islamiques aux particuliers plutôt que de voir le secteur bancaire capté par l’informel. C’est ainsi qu’est née la banque El Baraka avec pour principal actionnaire un groupe saoudien. En octobre 2008, Al Salam Bank Algérie a débuté son activité comme deuxième banque islamique dans notre pays. La banque vise le financement des entreprises, des particuliers et des différents secteurs comme l’agriculture. La banque est dotée d’un capital de 100 millions de dollars. Elle dispose de deux agences qui emploient 60 agents ; parmi eux des cadres algériens venant d’autres banques18. 18 Andréance FULCONIS-TIELENS « la finance islamique dans le Maghreb : quel rôle pour la France ? », Banque Stratégie, n° 260, juin 2008, in El Watan du 21octobre 2008, http://www.elwatan.com/Al-Salam-Bank-sinstallea-Alger. 21 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Encadré n°1 : Les grandes dates de la finance islamique moderne : 1963 : La création en Egypte de la Mit Ghamr Saving Bank qui propose des comptes épargnes basés sur le partage des bénéfices et non des produits. 1969 : Création de l’Organisation de la Conférence Islamique, qui propose l’idée d’une Banque Islamique de Développement. 1974 : Avènement de l’Islamic Development Bank (la BID) qui est une organisation multilatérale, comprenant 56 pays membres, a pour vocation d’apporter son concours aux pays en développement sous forme d’aide au développement avec des techniques de financement islamique afin de financer le commerce extérieur, de lutter contre la pauvreté, de construire certaines infrastructures (routes, barrages, habitations…..) et certains projets sociaux comme la construction d’écoles ou de centre de santé. 1975 : Création de la Banque Islamique de Développement et naissance de nombreuses banque islamique telles que la Dubaï Islamic Bank (première banque commerciale privée fonctionnant avec les principes islamiques), la Koweït Finance House et la Bahreïn Islamic Bank. 1979 : Le Pakistan islamise son secteur bancaire. Et création de la première compagnie d’assurance islamique au Soudan. 1983 : Le Soudan et l’Iran font de même avec leurs secteurs bancaires. De nombreux pays du Golfe et de l’Asie suivent l’exemple de ces pays (Émirats Arabes, Arabie Saoudite, Malaisie, Indonésie…). 1991: Création de l’Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions (AAOIFI) par la BID. 2002: Inauguration de l’Islamic Financial Services Board. Les années 2000 : Développement de la finance islamique en Occident (Europe et Amérique). 22 Partie I : Présentation de la finance islamique. III. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Les sources juridiques de la finance islamique : La finance, ou l’économie, islamique en général est guidée par les valeurs de l’Islam. Dans une économie islamique l’homme n’est pas dans une position de distribuer les ressources de la façon qu’il veut. Il existe une limitation morale sérieuse imposée par le Saint Coran et la Sounna sur les pouvoirs des individus imprégnés par les valeurs de l’Islam. La loi islamique, sharia, a l’habilité d’évoluer et de se développer pour résoudre et gérer les actualités du monde musulman. Certes, les principes généraux sont les mêmes à travers le temps. Les principes islamiques fondamentaux qui étaient valides hier, sont valides aujourd’hui et seront valides demain. La loi islamique est caractérisée par la globalité de ses principes acheminés à l’humanité par une série de révélations d’Allah au prophète Mohammed (PSSL). Le droit musulman, sharia, est un système de droit dont les principes et le contenu dérivent du Coran, parole de Dieu révélée à son prophète Mohammed (PSSL), des actions, conduite et paroles du prophète (la Sounna et les hadiths). Ces sources sont à leur tour développées par le consensus (ijmaâ) et la raison (qiyas). Le droit musulman se conçoit comme un système de conduite dans le domaine rituel, social, économique et personnel. Le terme sharia désigne un système légal basé sur l’éthique musulmane. Ce système fait figure de référence juridique et indique la ligne de conduite dans tous les domaines de la vie des musulmans, y compris le domaine économique. La sharia comprend des éléments invariants qui sont les règles canoniques immuables dans le temps et dans l’espace et des éléments variables que les juristes musulmans sont capables d’édicter, selon l’analyse des situations particulières et évolutives. 1. Les sources principales (immuables) : 1.1. Le Coran : Le Coran, qu’est la révélation d’Allah à son Prophète Mohammed (PSSL), est la référence ultime et obligatoire de la loi islamique. Il place toutes les obligations rituelles, morales et légales sur le même plan et les soumis toutes au même impératif 23 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. religieux19. Le Coran est dans la législation islamique ce qu'est la constitution dans les législations des nations car il constitue la première source en termes de loi. Tout élément tiré d'autres sources juridiques doit impérativement être en totale conformité avec la parole de Dieu dans le Coran. Le Coran est composé de 114 chapitres appelés sourates en arabe, qui se subdivise en versets appelés ayat (aya au singulier). Le Coran n’évoque pas tous les problèmes de manière détaillée et n'évoque les préceptes et les règles qu'avec des textes sommaires et ne s'engage que très peu dans les développements et les détails sur la manière de procéder. 1.2. La Sounna : A l'origine, le mot arabe sounna signifie chemin, direction ou voie. Dans le contexte de l'Islam, le terme désigne les paroles et actes du prophète Mohammed (PSSL). Ce terme n'est pas le fruit du hasard puisque la voie tracée par le Prophète (PSSL) est celle que tout musulman doit suivre. Elle est la deuxième source de la sharia (droit musulman), elle nous informe en détail sur comment mettre en pratique les prescriptions de Dieu décrites dans le Coran : la prière, l'aumône, le jeûne, le droit sur le mariage, l'éducation.... La Sounna comporte trois catégories de règles : celle qui renforcent ce qui est dans le Coran, celle qui le complète et celle qui l’explique. Il est clair que celui qui obéit au prophète Mohammed (PSSL) a donc obéit à Dieu. Le prophète l'avait également souligné dans un hadith rapporté par ABOU HURAYRA : "Celui qui m'a obéit a obéit à Dieu et celui qui m'a désobéit a désobéit à Dieu..." (AL-BOUKHARI - Volume 9, livre 89, numéro 251)20. En tant que musulman, nous savons ainsi que lorsque Dieu ou son messager décrète quelque chose, c'est pour notre bien même si nous n'arrivons pas à le réaliser, 19 20 Hamid ALGABID, Les banques islamiques, Ed : Economica, 1990, p.6. http://fr.wikipedia.org/wiki/Sunna consulté le 03/01/2011. 24 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. surtout dans le contexte actuel où il y a de nombreuses différences entre nos principes et ceux du monde dans lequel nous vivons, plus particulièrement en Occident. Cela dit, nous devons avoir à l'esprit que la Prophète (PSSL) était un arabe vivant au VIIe siècle et qu'en tant qu'être humain, il avait ses propres goûts et préférences. Ces éléments sont à distinguer de la loi islamique. Un exemple est présent dans le récit suivant rapporté par Rafi' IBN KHADIJ : Lorsque le prophète arriva à Médine, il trouva ses habitants en train de pratiquer la pollinisation sur les feuilles des dattiers. Lorsqu'il leur demandât la raison pour laquelle ils faisaient cela, ils lui répondirent que c'était une habitude. Les médinois demandèrent au prophète s'ils devaient continuer. Il leur dit "Je ne sais pas". Ils insistèrent alors il leur suggéra que s'ils ne le faisaient pas, ce serait mieux. Ils abandonnèrent ensuite cette habitude mais l'année suivante, leur récolte fut moins importante. Lorsqu'ils en informèrent le Prophète (PSSL) de ce fait, il leur répondit : "Je ne suis qu'un être humain. Lorsque je vous donne quelque chose concernant votre religion, alors acceptez-le, mais lorsque je vous donne quelque chose sur Dounya (les choses de ce bas monde), alors je suis simplement un être humain ». (Sahih MOUSLIM -Livre 29, numéro 5831)21. Ce qui laisse une certaine liberté d’action et d’interprétation de la loi islamique par les individus. 2. Les sources secondaire (ou d’interprétation) : Le fiqh est un mot arabe qui signifie la jurisprudence islamique relative aux avis juridiques pris par les juristes de l'islam sur les limites à ne pas dépasser par les musulmans (le hallal « licite », le haram « illicite »). Il s'agit donc d'une compréhension du message de l'Islam sur le plan juridique. Le savant en matière de fiqh, le juriste, se nomme faqîh. Il existe plusieurs écoles de fiqh, qui prennent généralement le nom du juriste qui les a fondées. Celui-ci n'a généralement pas pour but que ses décisions soient imitées sans mise à jour contextuelle. 21 http://fr.wikipedia.org/wiki/Sunna consulté le 03/01/2011. 25 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Les quatre principales écoles du fiqh aujourd'hui, sont : L’école hanafite fondée par l'imam ABU HANIFA (696-767), L’école malékite fondée par l'imam MALIK (715-795), L’école chaféite fondée par l'imam CHAFII (767-820), L’école hanbalite fondé par l'imam HANBAL (780-855). Ces quatre écoles partagent la plupart de leurs lois, mais diffèrent sur les hadiths qu'elles acceptent comme authentiques et sur le poids relatif attribué aux analogies (qiyas) utilisées pour décider des cas difficiles. Ces écoles diffèrent également quant aux sources de leur droit. Elles ont aussi défini rigoureusement les différentes opérations financières en application aujourd’hui dans les circuits financiers islamiques. 2.1. L’Ijmaâ : Ijmaâ signifie le consensus des juristes musulmans sur un point de droit. En pratique, l’Ijmaâ fait office de preuve si aucun élément du Coran ou de la Sounna ne permet pas de trancher sur un cas particulier. Les écoles juridiques lui accordent une place plus ou moins grande. Le consensus est généralement compris comme celui des oulémas spécialistes du domaine dont il est question. Une règle de droit prise par ce procédé ne peut en aucun cas contredire le Coran ou la sounna. Les écoles juridiques sunnites, largement majoritaires, admettent cette règle du consensus en vertu d'un hadith disant : « Ma communauté ne se réunira pas sur une erreur. »22. 2.2. Le Qiyas (raisonnement par analogie) : Cette technique consiste à affecter, sur la base d’une caractéristique sousjacente commune, la règle juridique d’un cas existant trouvée dans les textes du Coran, de la sounna et/ou de l’ijmaâ à un nouveau cas dont la règle juridique n’a pas pu être 22 http://fr.wikipedia.org/wiki/Idjmâ consulté le 03/01/2011. 26 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. clairement identifiée. Ceci tout en restant fidèles à l’esprit des sources traditionnelles du droit musulman. Il ne s'agit pas d'un jugement personnel mais d'un raisonnement rigoureux fondé sur l'analogie. Le qiyas est utilisé - plus ou moins fréquemment - par les quatre écoles juridiques du sunnisme. Les hanafites sont ceux qui l'utilisent le plus, et les hanbalites sont ceux qui l'utilisent le moins23. Ces différentes sources régissent de manière rigoureuse les opérations de la finance islamique et jouent un rôle fondamental dans l’élaboration des instruments financiers islamiques. Section II : Les principes de la finance islamique. La finance islamique puise ses fondements de la sharia. C’est une des composantes d’un système global qui obéit à un ordre divin. C’est un système basé sur l’unicité de Dieu, et qui fournit les règles de conduite sociales, politiques, économique et apporte l’équilibre à la société. L’Islam abroge toutes les activités économiques basées sur l’exploitation et l’injustice et qui ne contribuent pas au bien être de la société. Ainsi, l'Islam s'oppose à la thésaurisation, à la concentration du capital et aux monopoles. La spéculation est aussi interdite en finance islamique. Un spéculateur tend à tirer profit dans le court terme, des mouvements de prix d’un actif ou d’une commodité. Il peut faire un profit ou enregistrer une perte, mais son activité n’ajoute rien à la production. Dans ce chapitre nous étudierons les principes fondamentaux de la finance islamique issue des sources de la loi islamique qui sont : le Coran, la sounna, l’ijmaâ et le qiyas. Mais avant de le faire on doit passer par la présentation des principes généraux de l’économie islamique. 23 http://fr.wikipedia.org/wiki/Qiyas consulté le 03/01/2011. 27 Partie I : Présentation de la finance islamique. I. Chapitre I : présentation de la finance islamique. De l’économie islamique à la finance islamique : « L’économie islamique », notion profondément moderne née dans les années 1940, s’est, au cours des ans, profondément modifiée. Elle a d’abord fonctionné dans une perspective identitaire : adossée à une vision de l’islam comme système globalisant, elle se voulait troisième voie, alternative aux autres paradigmes économiques dominants, le capitalisme libéral et le communisme. Les premiers moments de l’économie islamique moderne, plutôt narratif et théologico-philosophique, vont céder la place, dès les années 1970, à la finance islamique, savoir technique et modélisable plus à même de se fondre dans la mondialisation financière. L'érudit musulman le plus connu qui étudia l'économie fut sans doute IBN KHALDOUN (1332-1406). Il est considéré comme le père de l'économie islamique moderne. IBN KHALDOUN étudia l'économie et la théorie politique dans l'introduction ou Muqaddimah de son livre « Histoire du Monde » (Kitab al-Ibar). Dans ce livre, il analyse l'asabiyya (cohésion sociale), qu'il situe comme la cause de la prospérité ou de la déchéance des civilisations. IBN KHALDOUN eut l'intuition que de nombreuses forces sociales étaient cycliques et qu'il peut y avoir soudain des renversements aigus qui modifient profondément l'organisation des sociétés. Il développa une théorie sur les bénéfices de la division du travail, liée aussi à l'asabiyya (la cohésion sociale optimale). Plus une division du travail est complexe, meilleure est la croissance économique. Il observa que la croissance et le développement stimulent à la fois l'offre et la demande, et que les forces de l'offre et de la demande déterminent les prix des biens. Il observa aussi les forces macroéconomiques de la croissance de la population, du développement du capital humain et des effets du développement technologique sur le développement économique. En fait, IBN KHALDOUN pensait que la croissance de la population était une fonction directe de la richesse. Au tout début du XXe siècle, le philosophe et poète indien Muhammad IQBAL (1873-1938) fut l’un des premiers à se pencher sur les questions d’économie et d’islam 28 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. dans un ouvrage de 1902. C’est alors principalement le sous-développement des musulmans au regard de la supériorité technique et économique de la puissance coloniale qui est interrogé par IQBAL. On retrouve l’idée d’une « économie islamique » un peu plus tard chez Abul Ala MAWDUDI (1903-1979), intellectuel et militant indien puis pakistanais des plus influents de la pensée de l’islam politique, qui fut notamment à l’origine de la formation du groupe militant du Djama’ât ‘Islâmî (1941). C’est essentiellement à MAWDUDI que l’on doit la popularisation de ce concept dans les années 40 et durant les trois décades qui ont suivi, notamment dans son ouvrage The Economic Problem of Man and its Islamic Solution, publié pour la première fois en 1941. Les réflexions de MAWDUDI sont largement marquées par la question du sous-développement des pays musulmans ainsi que par les solutions à y apporter24. On retrouve le paradigme identitaire de l’économie islamique dans la pensée du courant réformiste islamique, d’AL-AFGHANI (1838-1897) à Hassan AL-BANNA (1906-1949), le fondateur des Frères musulmans égyptiens. Grâce aux apports d’Abul Ala MAWDUDI et d’Hassan AL-BANNA, le concept d’économie islamique va prendre une dimension nouvelle. Selon ces deux érudits l’Islam n’est pas qu’une simple croyance, mais un système global de vie (shumuliyya). L’islam, comme système totalisant, est alors logiquement vu comme alternative totale face aux deux systèmes rivaux de l’époque : le communisme et le capitalisme. Ce positionnement est central dans l’ouvrage de Muhammad Baqer AS-SADR (19351980), Iqtiçadouna (Notre économie), publié en 1961. Parmi les auteurs musulmans réformistes abordant cette thématique économique et politique, plusieurs approches vont se dessiner. Abul Ala MAWDUDI en 1941, Sayyed QUTB en 1949 et 1950, Muhammad Baqer AS-SADR en 1961 vont certes tous s’enorgueillir de proposer dans leur argumentation une troisième voie face aux deux autres systèmes communiste et capitaliste, mais leurs positionnements sont loin d’être homogènes. 24 Khaled SOR, de l’économie à la finance islamique : itinéraire de l’ajustement d’un produit identitaire à la globalisation libérale, Etudes et analyses – N° 25 – Avril 2012, p.3. 29 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. En effet, l’économie islamique, loin de baliser clairement les traits d’une troisième voie clairement identifiable, s’est d’emblée polarisée entre une pensée libérale et une autre approche plus socialisante. C’est Abul Ala MAWDUDI qui va poser les premiers jalons du positionnement libéral dans la réflexion sur l’économie islamique. Sa posture se fonde sur les versets coraniques garantissant la propriété privée et la complète moralité des gains acquis de façon licite. Abul Ala MAWDUDI et les auteurs qui le suivirent sur cette voie insistèrent également sur l’interdiction de l’intérêt (riba). Cette orientation s’exprima dans la publication par Muhammad Baqer AS-SADR en 1969 d’Al-Bank al-la Ribawi fi al-Islam (la banque sans intérêt dans l’Islam). Ce véritable ouvrage de pratique bancaire sans recours à l’intérêt jalonna les premiers pas des banques koweïtiennes et saoudiennes. La dimension libérale de cette école se repère aussi dans sa focalisation sur la critique de la vision économique du communisme. La distribution des revenus et des richesses est discutée, mais sur des bases libérales. S’ils s’opposent certes à l’exploitation des classes défavorisées par les nantis, les auteurs de cette tendance considèrent en revanche les disparités de richesse et de revenu comme naturelles. Et, ce faisant, ils considèrent comme vaine la quête de l’égalité qui correspond, selon eux, à une entrave à la dynamique économique25. À l’opposé, il exista assez tôt au sein du courant réformiste -et pour la plupart dans la sphère des Frères musulmans égyptiens ou syriens- mais aussi au sein du chiisme iranien à travers une figure tel qu’Ali SHARIATI (1933-1977), un socialisme d’inspiration islamique. Certains auteurs de la gauche islamique présenteront le principe juridique islamique de l’intérêt commun (maslaha) comme pouvant amener l’État à confisquer des terres ou des moyens de production si le principe d’égalité était menacé. L’idéal égalitariste est beaucoup plus marqué que celui des libéraux qui ont accepté les inégalités sociales comme une réalité inévitable (MAWDUDI 1941). 25 Khaled SOR, op.cit, p.5. 30 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Si Abul Ala MAWDUDI et Muhammad Baqer AS-SADR parlent distinctement d’« économie islamique », les théoriciens de cet islam sensible à la question sociale parlent plus volontiers de « justice sociale islamique » abordant, par ailleurs, les thèmes économiques d’une manière moins technique et juridique que politique et idéologique. C’est ainsi que Sayyed QUTB publia en 1950 « La lutte entre l’islam et le capitalisme », Mohammad AL GHAZALI (1917-1996) la même année, « Islam - la croisée des chemins entre les communistes et les capitalistes », livre dans lequel l’auteur égyptien opère une distinction entre marxisme et socialisme, Abdel-Qadir ‘AWDA (1906-1954) publia, en 1951, « La richesse et l’État en Islam ». Mustafâ ALSIBA'I (1915-1964) Frère musulman syrien publiera, lui, un opuscule désormais célèbre, en 1959, « Le socialisme de l’islam ». Ces ouvrages mirent l’emphase sur la justice sociale de l’utopie islamique et érigeant la zakat, l’aumône obligatoire, en principe fondamental de solidarité sociale26. C’est ainsi qu’émergèrent les premières banques islamiques en Egypte, qui s’était principalement inspiré du modèle des caisses rurales allemandes de l’après seconde guerre mondiale. Ahmed AL-NAGGAR, précurseur dans ce domaine dans les années 60 en Égypte, avait créé une telle institution, nommée Mit Ghamr, du nom d’une commune rurale du delta du Nil. L’économie islamique, loin de s’ériger en troisième voie, a donc été profondément tributaire des recompositions de la scène idéologique mondiale : oscillant pendant deux décennies entre des versions libérales et socialisantes, elle prendra son virage à droite au cours des années 1970, décennie consacrant la victoire des économies islamique à tendance libérale et capitaliste sur les versions plus socialisantes. C’est en effet dans les années 1970 que la finance islamique émerge comme discipline spécialisée dans les pays du Golfe nouvellement dopés par la manne pétrolière. Les pétrodollars vont permettre aux grands pays producteurs de pétrole du Golfe de dégager les moyens financiers pour mettre en place les premières banques islamiques commerciales et internationales au milieu de la même décennie. 26 Khaled SOR, op.cit, p.5. 31 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Dans les années 1980, les successeurs d’Abul Ala MAWDUDI et Muhammad Baqer AS-SADR vont proposer des analyses plus orientées sur l’économie, faisant largement appel aux mathématiques et aux modèles économétriques. Des auteurs tels que SIDDIQI (né en 1931), KHURSHID (né en 1932), CHAPRA (né en 1933), NAQVI (né en1935), KAHF (né en 1940) ou encore ABDUL MANNAN (né en 1952) vont abondamment publier à partir des années quatre-vingt des ouvrages beaucoup moins explicitement politisés et donc d’autant moins marqués par les logiques comparatives. Le concept large et politique de l’économie islamique devient ainsi un savoir technique largement réduit à la finance islamique. La dynamique est en phase à nouveau avec la tendance globale à la financiarisation de l’économie et à la déréglementation des capitaux. Les productions intellectuelles sont alors logiquement beaucoup plus inductives, fortement liées aux nouvelles situations rencontrées sur le terrain des opérations financières quotidiennes. Les auteurs, dans leur grande majorité de culture indo-pakistanaise, se trouvent être des spécialistes travaillant autour du siège de la Banque Islamique de Développement (BID) à Djeddah en Arabie Saoudite. En virant à droite, l’économie islamique s’est donc technicisée et financiarisée. Elle n’est plus l’affaire d’idéologues et mais celle d’un corps de spécialistes et de techniciens. Loin de l’alternative souhaitée par les premiers penseurs de l’économie islamique, celle-ci entre dans une phase à la fois de normalisation culturelle (en se réconciliant avec le marché et le dogme libéral) et de banalisation économique et idéologique (par implication dans le système financier international). II. Les principes généraux de l’économie islamique : La structure générale de l'économie islamique se compose de trois piliers qui en déterminent le contenu doctrinal et la distingue de toutes les autres doctrines économiques dans leurs lignes générales. Ces piliers sont : Le principe de la double propriété. Le principe de la liberté économique dans un cadre limité Le principe de la justice sociale. 32 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. 1. Le principe de la double propriété : L'Islam diffère substantiellement du capitalisme et du socialisme quant au type de propriété qu'il accepte. La société capitaliste croit, en effet, à la forme particulière et individuelle de la propriété, c'est-à-dire la propriété privée, comme règle générale. Elle reconnaît aux individus le droit à la propriété privée de toutes les sortes de richesses du pays selon leurs activités publiques, et n'y apporte aucune restriction que lorsque la nécessité sociale l'impose, qui constitue un cas de dérogation au principe de la propriété privée et permet d'y faire exception pour un secteur donné ou une richesse donnée. La société socialiste fait exactement le contraire. La propriété commune y est le principe général qui s'applique à toutes les sortes de richesses du pays, et la propriété privée de certaines richesses du pays n'y est qu'une anomalie et une exception, qu'on pourrait admettre parfois à la suite d'une nécessité sociale contraignante. La doctrine islamique ne s'accorde ni avec le capitalisme dans son affirmation que la propriété privée est le principe, ni avec le socialisme lorsqu'il considère la propriété publique comme principe général. Elle admet en même temps les différentes formes de la propriété lorsqu'elle adopte le principe de la double propriété (propriété à formes diverses) au lieu de celui de la forme unique de la propriété. C'est un principe qui croit à la propriété privée, à la propriété publique et à la propriété de l'Etat. Il consacre à chacune de ces trois formes de propriété un champ particulier dans lequel elle œuvre, et il ne considère aucune d'elles comme une anomalie, une exception ou un remède provisoire exigé par les circonstances. Ce qui fait de lui un système plus juste et plus équilibré. La preuve la plus évidente de la justesse de la position islamique vis-à-vis de la propriété (fondée sur le principe de la double propriété) nous est fournie par la réalité de l'expérience capitaliste et de l'expérience socialiste elles-mêmes, puisque chacune d'elles a été contrainte d'admettre la forme de propriété de l'autre, donc de reconnaître la nécessité d'une forme de propriété opposée à celle qui constitue la règle générale 33 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. chez elle après que la réalité leur a prouvé l'erreur de l'idée de la forme unique de propriété. Mais le principe général qui est admet par tous les musulmans est celui de la propriété de toute chose à Dieu, qui est attesté dans de nombreux versets du Coran à la signification particulièrement claire27. Parmi lesquels le versets189 de la sourate III (la famille d’Imran) : « A Allah appartient le royaume des cieux et de la terre. Et Allah est omnipotent »28. Ou encore dans la sourate II (la vache), verset 284 : « C’est à Allah qu’appartient tout ce qui est dans les cieux et dans la terre…et Allah est omnipotent »29. Ainsi, la société capitaliste a commencé depuis longtemps à appliquer l'idée de la nationalisation et à exclure certains secteurs du cadre de la propriété privée. De même, la société socialiste été aussi contrainte de reconnaître la propriété privée, tantôt d'une manière légale, qu’illégale. L'exemple de l'aveu légal est illustré par l'article sept de la constitution soviétique, qui stipule : «Chacune des familles de la ferme coopérative obtient, outre le revenu principal provenant de l'économie commune de la ferme coopérative, un morceau de terrain qui lui est propre et rattaché au lieu de logement ; ce terrain lui permet donc d'avoir une maison d'habitation, une économie supplémentaire, du bétail productif, des volailles et des instruments agricoles simples, à titre de propriété privée.»30. 2. Le principe de la liberté individuelle dans un cadre limité : Le second pilier de l'Economie islamique est le fait d'accorder aux individus une liberté économique, dans les limites des valeurs morales et éthiques auxquelles encourage l'Islam. Dans ce pilier également, nous remarquons une différence saillante entre l'économie islamique et les autres systèmes économiques (capitaliste et socialiste). Ainsi, alors que les individus jouissent de libertés illimitées dans l'économie 27 Hamid ALGABID, op.cit. Le noble Coran, traduction en langue française de ses sens, complexe du roi Fahd pour l’impression du noble Coran. 29 Idem. 30 Abbas Ahmed AL-BOSTANI, Notre économie (traduit de l’arabe), Ed : la cité du savoir, Québec, p.13. 28 34 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. capitaliste, et que l'économie socialiste confisque toute liberté pour l’individu, l'économie islamique adopte une attitude conforme à sa nature générale en autorisant les individus à exercer leurs libertés dans le cadre de valeurs et d'idéaux qui domptent et polissent la liberté, et en font un instrument de bien pour toute l'humanité. La limitation de la liberté des individus peut se concevoir sous deux angles31 : L'autolimitation qui émane des profondeurs de la personne et qui puise son crédit dans le contenu spirituel et intellectuel de la personnalité islamique. La limitation objective qui exprime une force extérieure délimitant et réglant la conduite sociale. 3. Le principe de la justice sociale : La justice sociale constitue le troisième principe de l’économie islamique incarné par l’Islam en pourvoyant le système de distribution de la richesse dans la société islamique, en éléments et garanties assurant à la distribution la possibilité de réaliser la justice sociale, et mettant ledit système en harmonie avec les valeurs sur lesquelles il est fondé. L'image islamique de la justice sociale comporte deux principes généraux. Le premier est le principe de la solidarité générale ; l'autre est le principe de l'équilibre social. C'est par cette solidarité et cet équilibre, compris dans leur conception islamique, que se réalisent les valeurs de la justice sociale, et c'est par eux que s'incarne l'idéal islamique de la justice sociale32. L’importance accordée par l’Islam a ce principe s’est traduite dans le premier discours du prophète autant que chef politique et religieux de l’Etat islamique, en appelant les muhajirins et les ansars à la fraternité, à la solidarité et la justice sociale : « faite le bien pour vous-même en vue de gagner le paradis : l’un d’entre vous mourra et laissera son troupeau sans berger, mais son seigneur lui dira : n’as-tu pas reçu le message de mon Prophète et ne t’ai-je pas comblé de mes biens ? Qu’est-ce que tu as fait pour toi-même, l’homme regardera alors à droite et à gauche et ne verra rien, 31 Abbas Ahmed AL-BOSTANI, Op.cit. p.14. Abbas Ahmed AL-BOSTANI, Op.cit. p.16. 32 35 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. puis il regardera devant lui et ne verra que l’enfer. Celui qui veut éviter l’enfer, qu’il fasse preuve de générosité, ne serait-ce qu’en partageant une datte, celui qui n’a pas de dattes à partager qu’il prononce une bonne parole : celle-ci vaut dix-sept cents bienfaits. Que le salut soit sur vous de la part de Dieu, ainsi que sa miséricorde et bénédiction ». Encadré n°2 : Les caractéristiques de la doctrine économique islamique33. La Doctrine économique islamique a deux qualités essentielles qui rayonnent de tous ses détails et lignes. Ce sont le réalisme et la morale. En effet, l'économie islamique est à la fois réaliste et morale dans les buts qu'elle veut réaliser et dans la méthode qu'elle adopte. C'est une économie réaliste dans ses buts, car elle vise, dans ses règlements et lois, des buts qui concordent avec la réalité de l'humanité dans toute sa nature, ses penchants et ses caractéristiques générales, et s'efforce toujours de ne pas épuiser l'humanité dans ses calculs législatifs et de ne pas la faire voler vers des horizons fictifs lointains qui ne sont pas à sa portée. Elle fonde toujours son plan économique sur la vision réaliste de l'homme, et poursuit des buts réalistes qui se conforment à cette vision. La deuxième qualité de l'économie islamique qu’est la qualité morale, signifie, en ce qui concerne le but, que l'Islam ne choisit pas les objectifs qu'il s'efforce d'atteindre dans la vie économique de la société, à partir des circonstances matérielles et des conditions naturelles indépendantes de l'homme lui-même, comme cela est le cas du marxisme dont les buts sont inspirés de la situation et des circonstances des forces productives. L'Islam regarde ces buts comme étant l'expression des valeurs pratiques dont la réalisation est moralement nécessaire. Lorsqu'il décide la garantie de la vie de l'ouvrier, par exemple, il ne pense pas que cette garantie sociale qu'il a fixée, découle des circonstances matérielles de la production, mais la considère en tant qu'une valeur pratique qu'il faut réaliser. L'Islam ne se borne pas, dans sa doctrine et ses enseignements, à organiser la façade extérieure de la société, mais pénètre dans ses profondeurs spirituelles et intellectuelles 33 Abbas Ahmed AL-BOSTANI, op.cit, p.17. 36 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. pour créer une harmonie entre le contenu intérieur et le plan économique et social qu'il établit. Il ne se contente pas, dans sa méthode, de choisir n'importe quel moyen susceptible de réaliser ses buts, mais fusionne ce moyen dans le facteur psychologique et la motivation subjective qui concordent avec lesdits buts et leurs conceptions. III. Les principes de la finance islamique : Le périmètre de la finance islamique est délimité par la sharia. Ses préceptes interdisent de recevoir et de verser un intérêt car le débiteur supporterait seul la totalité du risque associé à un projet d’investissement. La sharia interdit également les transactions déconnectées de l’économie réelle et menées à des fins purement spéculatives. Toute transaction financière doit donc être adossée à un actif tangible. La sharia prohibe l’investissement dans des activités non éthiques ou considérées comme haram, c’est-à-dire illicites. Il en résulte que la finance islamique vise à servir avant tout les Hommes, acteurs d’une économie réelle tangible, à travers des contrats complets avec un partage des risques mesurés34. 1. L’interdiction du riba (usure/intérêt) : L’un des principes fondamentaux de la finance islamique est la prohibition du Riba. Le terme de « riba » dérive du verbe « raba » qui signifie « augmenter ». Il renvoie à la fois aux notions de taux d’intérêt (une valeur ajoutée à un capital initial) et d’usure. Le terme riba peut se traduire par « accroissement », « ce qui est en plus », augmentation d’une façon générale. En soi riba n’a pas nécessairement la connotation de « faute », il peut désigner un accroissement « licite ». Mais il n’en est pas dans le Coran ; il se rapporte toujours à des biens dont l’augmentation est un « péché », le « péché du riba »35. 34 Dhafer SAIDANE, op.cit, p.68. Hamid ALGABID, op.cit, p.33. 35 37 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. La définition donnée dans une édition spéciale l’Alfaqih nous paraît plus explicite36 : Le terme riba désigne, dans le fiqh (droit musulman), l'avantage qui est perçu par l'un des contractants sans contrepartie acceptable et légitime du point de vue de la sharia. C'est le cas notamment : Du surplus concret perçu lors d'un échange direct entre deux choses de même nature qui se vendent au poids ou à la mesure. Ce type de riba est connu sous le nom de riba al fadhl. Du surplus perçu lors de l'acquittement d'un dû (et dont le paiement a été posé comme condition de façon explicite ou implicite dans le contrat) en raison du délai accordé pour le règlement différé. Ce type d'intérêt, appelé riba an nassî'ah, est le plus répandu dans le monde de nos jours, au sein notamment des crédits, des prêts et des placements proposés par les établissements bancaires et les organismes de financement traditionnels… L'Islam est la seule religion à avoir gardé l'interdiction de l'usure alors qu'elle était également présente dans le judaïsme et le christianisme. La pratique du riba est interdite par toutes les sources de la loi islamique (sharia) : 1.1. L’interdiction dans le Coran : Etant la première source du droit islamique et la seule qui soit irréfutable, le Coran à interdit d’une façon explicite le paiement et la perception du riba dans plusieurs versets. Ces versets ont été répartis sur quatre sourates37 : Versets 275 à 280 (sourate II « AL-BAQARAH », la Vache) : « ceux qui mangent (pratiquent) l’intérêt usuraire ne se tiennent (le jour du jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé. Cela, parce qu’ils disent : que le commerce est tout à fait comme l’intérêt. Alors qu’Allah a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt. Celui, donc qui cesse dès que lui est venue une exhortation de son Seigneur, peut conserver ce qu’il a acquis auparavant ; et son affaire dépend d’Allah. Mais quiconque 36 37 Al faqîh, édition spéciale « comprendre la finance islamique », avril 2008, p2. Le noble Coran, op.cit. 38 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. récidive…alors les voilà, les gens du feu ! ils y demeureront éternellement », « Allah anéantit l’intérêt usuraire et fait fructifier l’aumône. Et Allah n’aime pas les mécréants pécheurs », « ceux qui ont la foi, ont fait de bonnes œuvres, accompli la Salat et s’acquitte de la Zakat, auront certes leur récompense auprès de leur Seigneur. Pas de craintes pour eux, et ils ne seront point affligés », « ô les croyant ! craignez Allah et renoncez au reliquat de l’intérêt usuraire si vous êtes croyant », « et si vous ne le faite pas, alors recevez l’annonce d’une guerre de la part d’Allah et de son Messager. Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne et vous ne serait point lésés », « à celui qui est dans la gêne accordez un sursis jusqu’à ce qu’il soit dans l’aisance. Mais il est mieux pour vous de faire remise de la dette par charité ! si vous saviez ». Verset 130 (sourate III «AL IMRAN », la famille d’Imran) : « ô les croyants ! ne pratiquez pas l’usure en multipliant démesurément votre capital. Et craignez Allah afin que vous réussissiez ». Verset 161 (sourate VI « AN NISA », les femmes) : « et à cause de ce qu’ils prennent des intérêts usuraires, et parce qu’ils mangent illégalement les biens des gens. A ceux d’entre eux qui sont mécréants. Nous avons préparé un châtiment douloureux. » Verset 39 (sourate XXX « AR RUM », les romains) : « tout ce que vous donnerez à usure pour augmenter vos biens aux dépens des biens d’autrui ne les accroît pas auprès d’Allah, mais ce que vous donnez comme Zakat, tout en cherchant la face de d’Allah (sa satisfaction) ceux-là verront leurs récompenses multipliées. ». La condamnation est explicite tout au long de ces versets, s’y ajoutent : Une précision d’importance : la vente est permise, donc le profit. Une préoccupation majeure : l’absolue nécessité de repentir pour ceux qui ont pratiqué l’usure. Une direction : une orientation dans la voie droite, qui conduit les hommes vers la religion et les y maintient. 39 Partie I : Présentation de la finance islamique. 1.2. Chapitre I : présentation de la finance islamique. L’interdiction dans la Sounna : Le prophète Mohammed (PSSL) à prohibé le riba dans plusieurs hadiths, dont les plus importants sont 38: Un hadith rapporté par quatre des six auteurs des recueils de la Sounna (ALBOUKHARI, MUSLIM, ABU DAOUD, ANNASSAI, IBN MAJJA, IBN HANBAL) qui le font remonter à ABU HURAYRA : « Evitez les sept péchés majeurs, a dit le Prophète. Que sont-ils ? dirent-ils. Il dit : L’association d’une autre divinité à Dieu, la magie, le meurtre prohibé, la consommation du riba, la consommation des biens de l’orphelin, la fuite au combat et la diffamation des femmes mariées » Un autre hadith rapporté par IBN HANBAL : « Un dirham de riba consommé volontairement est pire que trente-six péchés de fornications ». Dans un autre hadith, rapporté par MUSLIM : « le prophète a maudit, également, celui qui se nourri de riba, celui qui l’offre, celui qui en établit le contrat et ses deux témoins, et il a dit : ils sont tous égaux dans le péché ». Et concernant le riba sur les échanges il y a le célèbre hadith : « de l’or pour de l’or à part égales, de la main à la main, le surplus étant du riba; de l’argent pour de l’argent, à part égales, de la main à la main, le surplus étant du riba; du blé pour du blé, à part égales, de la main à la main, le surplus étant du riba; des dattes pour des dattes, à part égales, de la main à la main, le surplus étant du riba; du sel pour du sel à part égales, de la main à la main, le surplus étant du riba. Mais entre espèces différentes, l’échange sera libre, à condition que ce soit de main à main ». Qu’il s’agisse de riba sur les prêts d’argent ou sur les échanges, la pluralité des interdictions et des obligations dans la Sounna montrent que la transparence est une règle absolue que ce soit dans la chose prêté ou de la chose rendue, de la chose vendue ou du prix payé. 38 Mohamed Fall OULD-BAH, « Fondement fiqhi de la finance islamique», techniques financière et développement n°90, p3. 40 Partie I : Présentation de la finance islamique. 1.3. Chapitre I : présentation de la finance islamique. L’interdiction dans la jurisprudence : Le riba connait une réprobation aussi forte dans les différentes écoles de pensée islamique. En s’appuyant sur le Coran et la Sounna, les jurisconsultes islamiques condamnent tout ce qui ne respecte pas l’équilibre arithmétique des prestations tant pour le créancier que pour le débiteur. Pour les différentes écoles, les interdictions sont plus au moins étendue selon l’interprétation plus au moins littérale du hadith ou du verset de référence. Malgré ces nuance qui existe entre les fuqahas, il n’en reste pas moins qu’ils ont élaboré une doctrine simple et claire du riba qui réunit le plus grand nombre. Cette doctrine interdit clairement deux types d’opérations39 : Le prêt générant un revenu prédéfini. La réception d’une quantité X d’un produit livré par B à A au temps T et la livraison en retour en T+1 du même produit par A à B mais dans une quantité supérieure X+1. Les mêmes biens ne sauraient s’échanger sur la base de quantités inégales du simple fait de l’écoulement du temps alors que leur qualité est identique. Mais face au développement des pratiques bancaires modernes, les controverses sur la question du riba se sont développées. C’est ainsi qu’en mai 1965 le deuxième congrès islamique de l’Académie de Recherches Islamiques réunissant les délégués de 35 pays en Egypte, à al-Azhar, a considéré que le riba est prohibé pour40 : Tout intérêt sur tout type de crédit est du riba prohibé, qu’il s’agisse de ce qu’on appelle crédit à la consommation ou de ce qu’on appelle crédit à la production. Les textes du livre et de la sounna sont unanimes dans la prohibition des deux types. Le riba est prohibé quel qu’en soit le niveau, comme l’indique la bonne interprétation du verset : «ô les croyants ! Ne pratiquez pas l’usure en multipliant démesurément votre capital. Et craignez Allah afin que vous réussissiez». [Verset 130 (sourate III «AL IMRAN », la famille d’Imran)]. 39 Dhafer SAIDANE, op.cit, p.53. Mohamed Fall OULD-BAH, op.cit, p5. 40 41 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Le prêt à intérêt est prohibé et ne saurait être autorisé par quelque nécessité que ce soit. L’emprunt est également prohibé et ne peut être autorisé que par la nécessité...et chacun est libre d’évaluer sa nécessité. Les opérations bancaires telles le compte courant, le compte chèque, les accréditifs et les traites commerciales qui sont les instruments des relations entre les commerçants et les banques à l’intérieur, sont licites. Les charges facturées par la banque à l’occasion de ces opérations ne relèvent pas du riba. Les comptes à terme, les accréditifs à intérêt ainsi que tous les prêts à intérêt relèvent du riba prohibé. En 1985, à Djeddah l’Académie du fiqh de l’Organisation de La Conférence Islamique a émis la fatwa (résolution) suivante : « Tout surplus (ou intérêt) consenti en contrepartie du report d’un prêt échu sans que le débiteur ne puisse le rembourser est riba et donc prohibé ; tout surplus (ou intérêt) consenti sur un prêt au départ de la convention l’est également. »41. Au 28 novembre 2002, Hassan Abbas ZAKI Président du Conseil d’Administration de la Société Internationale Arabe de Banque a adressé la question suivante à Mohammed Sayyad TANTAWI, imam de la mosquée d’El-Azhar au Caire : « Les clients de la Société Internationale Arabe de Banque confient leurs avoirs et épargnes à ladite banque qui les utilise et les investit dans ses opérations licites en contrepartie d’un profit à leur payer qui est défini au préalable pour une période convenue. Pouvez-vous nous dire le statut de cette opération du point de vue de la sharia »42. Le texte de leur réponse sous forme de fatwa stipule que « Ceux qui traitent avec la Société Internationale Arabe de Banque ou bien avec d’autres banques en confiant leurs avoirs et leur épargne à la banque qui devient ainsi leur mandataire pour les investir dans ses opérations licites en contrepartie d’un profit à leur payer qui est défini au préalable pour une période convenue ; L’opération ainsi décrite est licite et ne présente aucune équivoque. Aucun texte du Coran ou de la Sounna n’est venu prohiber cette opération dans laquelle le profit ou le revenu est prédéterminé pourvu 41 42 Mohamed Fall OULD-BAH, op.cit, p5. Idem, p6. 42 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. que les deux parties acceptent ce type d’opération. Dieu le tout puissant a dit : « Vous qui croyez, ne mangez pas mutuellement votre bien par esprit de fausseté, mais qu’il y ait seulement entre vous négoce consenti. » (AN NISA, verset 29). C’est-à-dire : Vous qui croyez vraiment en Dieu, il ne vous est pas permis et il ne vous sied pas de consommer les biens des autres par les voies illicites telles le vol, le brigandage, le riba, et d’autres interdits de Dieu... mais vous êtes autorisés à échanger entre vous les utilités par voie de transactions issues de consentement mutuel »43. Donc selon cette fatwa défendu par une minorité de musulmans, rien ne s’opposerait à échanger entre individus des utilités licites par voie de transactions issues d’un consentement mutuel permettant à chacun de connaître ses droits dans la totale transparence. Malgré toutes ces différences les oulémas musulmans s’accordent sur deux raison principale pour la prohibition du riba : Le riba favoriserait la concentration de la richesse et de ce fait réduirait la considération à porter à ses semblables. La prospérité de l’individu ne devrait pas résulter d’un enrichissement sans cause. Elle doit être le résultat d’une activité personnelle et donc d’un effort créateur d’un surplus de richesses correspondant. 2. L’interdiction du gharar et du maysir (incertitude et spéculation) : La Sharia exige également, dans les affaires et le commerce, qu'il n'est pas permis de conclure de transaction qui renferme du gharar. Le gharar peut être définit comme étant tout flou non négligeable au niveau d'un des biens échangés et/ou qui présente en soi un caractère hasardeux et incertain44. C'est le cas notamment : Lorsque la vente porte sur une marchandise qui n'est pas déterminée de façon précise. Lorsque la transaction est conclue sans que le prix de la marchandise ne soit fixé de façon claire. Lorsque la transaction porte sur une marchandise déterminée que le vendeur ne possède pas encore. Lorsque le transfert de propriété est conditionné à un évènement hasardeux. 43 Mohamed Fall OULD-BAH, op.cit, p6. Comprendre la finance islamique", Publication de la Cellule de Fiqh du Centre Islamique de la Réunion, Avril 2008 - Édition spéciale. 44 43 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. Ceci correspond en finance conventionnelle aux produits ou transactions à terme caractérisés par une incertitude évidente quant à leur réalisation, tels que les Futures, les Swaps ou les autres produits financiers plus complexes comme les Subprimes. De la même manière, la Sharia interdit les transactions basées sur le maysir. Etymologiquement, le maysir était un jeu de hasard, de pari et de spéculation. Dans le domaine économique, il désigne toute forme de contrat dans lequel le droit des parties contractantes dépend d'un événement aléatoire. Ainsi, chaque contrat doit avoir tous les termes fondamentaux (tels que l'objet, le prix, les délais d'exécution et l'identité des parties) clairement définis au jour de sa conclusion. Les juristes musulmans encouragent par ailleurs fortement la satisfaction de toutes les conditions préalables avant la signature du contrat. Ceci différencie clairement les banques Islamiques des institutions de prêt à intérêt, basées sur le principe que l'on peut acheter sans payer et vendre sans détenir, ce qui alimente constamment la spéculation et porte préjudice à la stabilité du système bancaire. En somme, tout ce qui détourne de la lucidité, comme le vin, et du réel et tangible, comme le hasard, est banni45, et ce en s’appuyant sur le verset 90 de la sourate V Al M’aida (la table) : « ô les croyant ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées et les flèches de divination ne sont qu’une abomination, œuvre du Diable. Ecartez-vous en afin que vous réussissiez »46. Le risque calculé d'un investissement est autorisé par la sharia, en revanche l'interdiction des contrats à terme impliquant le gharar et le maysir vient du fait que le risque de fausse anticipation d'évolution des marchés pourrait remettre en cause la réalisation de transactions basées sur l'incertitude, la spéculation, ou même la détention délictuelle d'une information privilégiée et préalable. Les juristes musulmans justifient également la prohibition de ces transactions par la nécessité d'orienter les fonds disponibles au financement de l'économie réelle, au lieu de les laisser alimenter les bulles financières vides de toute productivité et de richesse utile47. 45 Dhafer SAIDANE, op.cit, p.49. Le noble coran, op.cit. 47 ZEROUALI Mostefa, « crise financière mondiale : la finance islamique serait-elle une alternative », 2009, p3. 46 44 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. 3. L’interdiction des investissements haram (illicites) : Avant de s'engager dans un contrat (commercial ou autre), le musulman doit s'assurer que l'objet de celui-ci est licite et ne s'oppose pas aux impératifs moraux et religieux. En effet, il existe des exigences quant à la nature de l'activité dans laquelle un investissement demeure conforme aux impératifs moraux et religieux tels que dictés par l'Islam. Ainsi, les jeux de hasard, les activités en relation avec l' alcool, avec l'élevage porcin ou encore avec l' armement, avec l' industrie cinématographique suscitant ou suggérant la débauche et les activités liées à la pornographie en particulier constituent des secteurs d'investissement prohibés dans l'Islam. Et ceci dans le but d’encourager le développement durable et les investissements socialement responsables. 4. Le principe de partage des pertes et des profits : La finance islamique est souvent qualifiée de « participative », à partir du moment qu’elle a mis en place un système basé sur le partage des pertes et des profits (appelé communément le principe des « 3P »). En effet, l’interdiction de prêter de l’argent contre un loyer (riba) et la prohibition de la spéculation (gharar) contraignent l’investisseur ou le bailleur de fonds à se comporter comme un entrepreneur. Rémunéré selon les performances des sous-jacents, il est aussi exposé aux éventuelles pertes. Au final, son statut est proche de celui d’un actionnaire ou d’un associé commanditaire. C'est en vertu du devoir de justice et d'équité que, dans les opérations de financement, le risque doit nécessairement être partagé entre le détenteur de fonds (l'investisseur) et l'utilisateur de ces fonds (l'entrepreneur) : ainsi, en cas de résultat positif de l'activité, les bénéfices sont répartis (selon des proportions déterminées à l'avance) entre les deux contractants. Et en cas de résultat négatif, la perte financière est supportée par le détenteur de fonds, tandis que l'entrepreneur perd, lui, le fruit de ses efforts et le temps engagé dans son activité. En d'autres mots, il ne peut être question, dans le droit musulman, de faire supporter tout le risque lié à l'opération engagée à l'entrepreneur seulement, comme c'est le cas dans les crédits accordés par 45 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre I : présentation de la finance islamique. les établissements financiers traditionnels48. C'est dans ce sens que la finance islamique est considérée comme étant liée au capital-risque et au private equity. 5. Le devoir d’adosser les transactions financières à un actif tangible (asset banking) : Le cinquième principe de la finance islamique est la nécessité d’adosser les investissements à des actifs tangibles, c'est-à-dire que toute transaction financière doit être sous-entendue par un actif pour être valide selon la Sharia. La tangibilité de l'actif signifie que toute opération doit être obligatoirement adossée à un actif tangible, réel, matériel et surtout détenu. Ce principe de l'« Asset Banking » permet de renforcer le potentiel en termes de stabilité et de maîtrise des risques pour empêcher la déconnexion observée aujourd’hui entre les marchés financiers et la réalité économique. Le principe de la tangibilité des actifs est également une manière pour la finance islamique de participer au développement de l'économie réelle par la création d'activité économique dans différents domaines. En définitif, les principes de la finance islamique expriment une volonté de promouvoir la justice sociale et l’équité ainsi que la liberté d’entreprendre et une attitude positive envers les investissements dans l’économie réelle productive et porteuses de développement durable. 48 Al faqîh, op.cit, p1. 46 Chapitre II : Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Chapitre II : Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Section I : Les contrats de la finance islamique. Les principaux instruments financiers islamiques, issus du fiqh, sont très anciens. Ils datent des premières écoles juridiques fondées après la mort du Prophète Mohammed (PSSL). Certaines de ces opérations financières telles que la moudaraba, auraient été pratiquées par le Prophète lui-même1. En effet, la mobilisation et l'emploi des capitaux dans la finance islamique reposent sur des concepts juridiques différents de ceux des banques traditionnelles. Au cours de leur développement, les banques islamiques ont créé plusieurs instruments afin de satisfaire les besoins de leurs clients, et compte tenu du nombre de contrats existants aujourd'hui, nous avons décidé d'évoquer les contrats les plus utilisés et les plus connus dans le secteur de la finance islamique. Ceux-ci ont joué un rôle prépondérant dans l'évolution croissante de la finance islamique. Toutefois il faut distinguer entre les instruments participatifs et les instruments de financement. Dans ce chapitre nous allons voir les différents mécanismes juridico-financiers que les banques islamiques et les filiales islamiques des banques conventionnelles ont développés pour rester dans la légalité de la sharia islamique. I. Les instruments participatifs : Les instruments de participation se basent sur le principe de partage des profits et des pertes qui est à la base de l’intermédiation financière islamique du moment que cette dernière correspond à des techniques de financement qui ouvre le droit à un profit réel et à un intérêt tangible. 1. La mousharaka : Le mot mousharaka vient du mot arabe ckarika qui signifie association ou société. Il s’agit d’un contrat de participation ou de joint-venture de deux ou plusieurs 1 Dhafer SAIDANE, op.cit, p.70. 48 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. parties dans le capital et la gestion d’une même affaire2. Autrement dit, c’est un contrat où l’entrepreneur et le financier participent à l’apport du capital et à la gestion du projet. Le partage des profits entre les parties contractantes est défini à l’avance et les parts peuvent être différentes du pourcentage de l’apport initial. Les pertes sont supportées au prorata de la contribution de chacun au capital. De plus le manager reçoit une rémunération pour la gestion effective du projet avant la répartition des bénéfices. La mousharaka est basée sur la moralité du client, la relation de confiance et la rentabilité du projet ou de l'opération. Tous les associés ont le droit de regard sur la gestion du projet. Chaque associé se réserve le droit de surveiller la bonne marche de l’opération et de se retirer si les perspectives ne lui paraissent pas satisfaisante. D'une manière générale, la banque islamique n'intervient dans la gestion du projet proposé par le client que pour s'assurer de son bon fonctionnement, car le client possède une meilleure maîtrise des opérations en raison de son expérience professionnelle3. A la fin de chaque exercice, les coûts sont déduits des revenus et un pourcentage est affecté aux frais de gestion. Le profit net est réparti par la suite entre les partenaires au prorata de leur participation au capital. Si le projet est complètement géré par le client, les frais de gestion lui sont attribués en plus de son revenu sur la contribution au capital. Si la banque est impliquée dans la gestion, une part des frais sont payés à la banque4. On distingue deux modes de mousharaka5: Mousharaka daima (définitive) : La banque participe au financement du projet de façon durable et perçoit régulièrement sa part des bénéfices en sa qualité d'associé copropriétaire. Il s'agit en l'occurrence pour la banque d'un emploi à long ou moyen terme de ces ressources. L'apport de la banque peut revêtir la forme d'une prise de participation dans des 2 Dhafer SAIDANE, op.cit, p.73. Boualem BENDJILALI, introduction aux techniques islamiques de financement, Institut Islamique de Recherche et de Formation, Banque Islamique de Développement, acte de séminaire n°37, Nouakchott, 5-9 décembre 1992. 4 Sofia BENNAMARA, finance islamique et capital-risque, université LAVAL, p.21. 5 http://www.labanqueislamique.fr/moucharaka.htm consulté le 21/05/2011. 3 49 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. sociétés déjà existantes, d'un concours à l'augmentation de leur capital social ou la contribution dans la formation du capital de sociétés nouvelles (achat ou souscription d'actions ou de parts sociales). Ce type de mousharaka correspond dans les pratiques bancaires classiques aux placements stables que les banques effectuent soit pour aider à la formation d'entreprises ou tout simplement pour s'assurer le contrôle d'entreprises existantes. Mousharaka moutaniquissa (dégressive) : La banque participe au financement d'un projet ou d'une opération avec l'intention de se retirer progressivement du projet ou de l'opération après son désintéressement total par le promoteur. Ce dernier versera, à intervalle régulier à la banque la partie de bénéfices lui revenant comme il peut réserver une partie ou la totalité de sa propre part pour rembourser l'apport en capital de la banque. Après la récupération de la totalité de son capital et des bénéfices qui y échoient, la banque se retire du projet ou de l'opération. Cette formule s'apparente aux participations temporaires dans le banking classique. On distingue aussi deux formes de mousharaka6 : Charikat al mulk (association de fait) : Il s'agit d'une propriété commune acquise de plein gré des associés comme dans le cas de deux personnes acceptant en donation un même bien indivisible ou involontairement comme dans le cas de deux personnes héritant conjointement d'un bien immobilier. Sharikat al mulk n'est donc pas une société au sens généralement réservé à ce terme. Sa conclusion ne nécessite pas l'offre et l'acceptation et son objet n'est pas, en général, lié à une activité commerciale déterminée. La condition essentielle de cette forme de mousharaka est l'indissociabilité des parts des associés. Un associé ne peut disposer de la part de ses associés que s'il a qualité pour le faire (mandataire ou tuteur par exemple). 6 Boualem BENDJILALI, op.cit, p16. 50 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Charikat al aqd (association contractuelle) : Elle peut être considérée comme mousharaka car les parties concernées ont accepté de leur plein gré de s'associer dans un projet d'investissement et de partager les profits et pertes qui en découlent. Dans ce cadre ce qui est important, est que les partenaires acceptent de supporter ensemble les risques auxquels le projet est exposé. Le contrat peut être informel ou formel, mais il est préférable à ce que les termes du contrat soient écrits en présence de témoins. Les termes et conditions du contrat doivent être en conformité avec la Sharia. Graphique n° 3 : Schéma simplifié d’un contrat mousharaka. CLIENT X% de participation BANQUE MOUSHARAKA 1-X% de participation 2. La moudaraba : La moudaraba, littéralement prise de risque en arabe, est un contrat d’association dit de fiducie (transfert de propriété soumis à des conditions d’usage et de durée) entre le financier (rab-el-mal) et le travailleur (moudarib). Le mot moudaraba a été introduit par les écoles de jurisprudence hanafite et hanbalite7. Historiquement la moudaraba fut la rencontre entre deux parties possédant des formes de richesse complémentaire (le travail et l’argent) plutôt qu’un moyen de financement. Cette formule peut être assimilée au capital investissement. La banque s'engage à financer intégralement le projet. En contrepartie, l'entrepreneur apporte son talent, son expertise, ses capacités managériales afin d’assurer une bonne gestion de l’affaire. La banque peut jouer deux rôles : 7 Dhafer SAIDANE, op.cit, p.74. 51 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Le rôle de commandité: c'est le cas où les déposants confient à la banque leurs fonds afin que cette dernière les investisse dans des opérations ou des projets viables et suffisamment rentables. Le rôle de commanditaire: c'est le cas où la banque devient bailleur de fonds, et finance avec les dépôts collectés les besoins d'investissement ou de fonds de roulement des clients. Il est à remarquer cependant que la collecte de dépôts se fait dans les banques islamiques exclusivement dans le cadre de la moudaraba. Dans cette opération les risques de perte en termes d’argent n’incombent qu’au seul bailleur de fonds alors que l’entrepreneur ne perd que le fruit de son labeur et le temps engagé dans son activité. Graphique n°4 : Schéma simplifie d’un contrat moudaraba. Apport en travail Contrat moudaraba apport en capital Entrepreneur Investisseur (Moudarib) (Rab al mal) Part du moudarib dans Profit généré le profit + rémunération de Part de l’investisseur dans le profit. son travail. Source : Traitement personnel à partir de : Hubert SMITH, le guide de la finance islamique. 52 Partie I : Présentation de la finance islamique. II. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Les instruments de financement : 1. La mourabaha : Le mot mourabaha vient du mot arabe ribh signifiant gain ou bénéfice. Il s’agit d’un contrat de vente au prix de revient majoré d'une marge bénéficiaire connue et convenue entre l'acheteur et le vendeur. La mourabaha peut revêtir deux aspects : Transaction directe entre un vendeur et un acheteur. Transaction tripartite entre un acheteur final (ou donneur d'ordre d'achat), un premier vendeur (le fournisseur) et un vendeur intermédiaire (exécutant de l'ordre d'achat). Cette dernière formule a été retenue dans les pratiques bancaires islamiques. La banque intervient en qualité de premier acheteur vis à vis du fournisseur et de revendeur à l'égard de l'acheteur donneur d'ordre (le client). La banque achète la marchandise au comptant ou à crédit et la revend au comptant ou à crédit à son client moyennant une marge bénéficiaire convenue entre les deux parties8. Les conditions de vente telles que la marge bénéficiaire pour le vendeur ou les détails de remboursement des échéances sont prédéfinies entre les différentes parties. Après la réalisation du contrat mourabaha, la marchandise devient la propriété exclusive et définitive de l'acheteur final et le demeurera quels que soient les incidents qui peuvent survenir par la suite. Toutefois, la banque peut prendre un gage sur les marchandises vendues en garantie du paiement des prix de vente et mettre en jeu ce gage le cas échéant. De même, elle peut tenir compte des cas de mévente du client et accorder à ce dernier un rééchelonnement de son échéancier sans que cela n'entraîne une majoration de prix. Pour la réalisation de cette opération certaines conditions doivent être réunies : L’objet de la mourabaha doit être conforme aux préceptes de la sharia. La banque doit acquérir le bien pour ensuite le revendre à son client avec bénéfice et non en percevant des intérêts. 8 http://www.labanqueislamique.fr/mourabaha.htm consulté le 21/05/2011. 53 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Le prix de revient, la marge bénéficiaire de la banque et le (s) délai (s) de paiement doivent être préalablement connus et acceptés par les deux parties. Graphique n° 5: Schéma d’un contrat mourabahaa. Le fournisseur Acquisition des actifs et paiement Livraison des actifs. par la banque au vendeur. La banque Transfert de propriété. Paiement différé du prix majoré. Le client Source : Traitement personnel, à partir de : Hubert SMITH, op.cit. 2. L’ijara : Ijara vient du mot arabe oujra signifiant loyer. Pratiquement, c’est un contrat par lequel la banque acquiert des machines et des équipements nécessaires à la réalisation d’un projet puis en transfère l’usufruit au bénéficiaire pour une période durant laquelle elle conserve la propriété de ces biens. La banque supporte tous les risques liés à la propriété c'est-à-dire c’est à elle que 54 revient la responsabilité Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. d'effectuer tous travaux d'entretien et de réparation nécessaires au maintien du bien loué dans un état de servir à l'usage auquel il est destiné. Il s’agit d’une technique relativement récente qui implique trois acteurs : Le fournisseur (fabriquant ou vendeur) du bien. Le bailleur (la banque qui achète le bien et le loue). Le locataire qui loue le bien. De la définition ressort que le contrat ijara est l’équivalent du crédit-bail ou du leasing. La location peut être assortie d’une promesse de vente de l’équipement loué à la fin de la période de location c'est-à-dire une location-vente (ijara wa iqtina). Le contrat ijara se déroule de la manière suivante9 : La banque achète le bien à un vendeur, puis le loue à un client. Les loyers périodiques sont recouvrés par la banque. La propriété passe au client à la fin du contrat dans le cas d’une location-vente. Graphique n°6 : Schéma d’une ijara. Transfert de propriété La banque Le fournisseur Prix d’acquisition Crédit-bail/ Flux de loyers Location/vente Le client Source : Hubert SMITH, le guide de la finance islamique, 2009. 9 Dhafer SAIDANE, op.cit, p.82. 55 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. 3. Le salam : Le salam peut être défini comme un contrat de vente avec livraison différée de la marchandise. Ainsi, contrairement à la mourabaha, la banque n'intervient pas comme vendeur à crédit de la marchandise acquise sur commande de sa relation, mais comme acquéreur, avec paiement comptant d'une marchandise qui lui sera livrée à terme par son partenaire10. Les règles de la sharia interdisent en principe toute transaction commerciale dont l'objet est inexistant au moment de sa conclusion. Cependant, certaines pratiques commerciales, bien que ne répondant pas à cette condition, sont tolérées compte tenu de leur nécessité dans la vie des gens. C'est le cas de la vente Salam qui a été autorisée par le Prophète dans le Hadith «le Prophète est arrivé à Médine à un moment où les gens achetaient des fruits sur une et deux année à l’avance, il a dit alors : celui qui achète un bien qui lui sera livré ultérieurement qu’il le fasse en une mesure connue, un poids connu et à une échéance connue » (rapporté par BOKHARI)11. Le salam présente l'avantage de permettre à la banque d'avancer directement des fonds à son client, en se positionnant en tant qu'acheteur vis à vis de lui et en lui concédant un délai pour la livraison des marchandises achetées. Comparativement aux pratiques bancaires classiques, le Salam peut se substituer, au contrat à terme dans lequel la livraison est différé alors que le paiement est au comptant. Le contrat salam comprend trois étapes : La banque effectue le paiement au fournisseur. Le vendeur livre les produits à la banque. La banque vend les produits à l’acheteur. 10 11 http://www.labanqueislamique.fr/salam.htm consulté le 21/05/2011. Dhafer SAIDANE, op.cit, p.80. 56 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Graphique n°7 : Schéma d’un contrat salam. Livraison du bien à une date future Banque Vendeur Acheteur Paiement du prix Paiement du prix Avant la livraison à la livraison Source : Dhafer SAIDANE, op.cit, p.80. 4. L’istisnaâ : L'istisnaâ est un contrat d'entreprise en vertu duquel une partie (MOUSTASNII « investisseur ») demande à une autre (SANII « entrepreneur/fabricant ») de lui fabriquer ou construire un ouvrage moyennant une rémunération payable d'avance, de manière fractionnée ou à terme. Il s'agit d'une variante qui s'apparente au contrat salam à la différence que l'objet de la transaction porte sur la livraison, non pas de marchandises achetées en l'état, mais de produit fini ayant subi une transformation12. En effet, le vendeur s'engage à fournir dans un délai précis et a un prix convenu préalablement le bien immobilier selon les conditions émises lors de l'élaboration des cahiers de charges. En contrepartie, l'acheteur s'engage à payer le vendeur en fonction de l'avancée des travaux. Cependant il faut respecter certaines conditions pour exécuter cette opération13 : 12 13 http://www.labanqueislamique.fr/istisnaa.htm consulté le 21/05/2011. Idem. 57 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Le principe de base est que la rémunération de la banque dans le cadre de l'istisnaâ se justifie par son intervention en qualité d'entrepreneur responsable de la réalisation des travaux afférents à la construction de l'ouvrage objet du contrat, que cette intervention ait lieu directement ou par l'entremise de soustraitants. Le contrat d'istisnaâ doit porter sur un travail de transformation d'une matière première, d'un produit semi-fini ou de composants en un produit fini prêt à l'utilisation. Le contrat doit préciser la nature, la quantité, la qualité et les spécificités du bien à fabriquer. Graphique n°8 : Schéma d’un contrat d’istisnaâ. Financier Contrat d’acquisition Constructeur Transfert de propriété Contrat de vente Transfert de propriété à terme Client Source : Hubert SMITH, op.cit. 5. Qard al-hasan (financement bancaire gracieux) : Allah dit dans le Coran (sourate 57 « Al-hadid » verset 11) : « quiconque fait à Allah un bon prêt, Allah le lui multiplie et il aura une généreuse récompense »14. Dans ce verset Allah incite les musulmans à l’entraide et à la générosité. Ainsi les banques 14 Le noble Coran, op.cit. 58 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. islamiques ont institué des prêts sans intérêt accordés aux clients en situation de précarité pour faire face à des circonstances particulières (décès, mariage, éducation, études…). 6. Les sukuk : Le mot arabe sukuk est le pluriel du mot sakk qui signifie «document financier permettant au titulaire de bénéficier de la somme d’argent indiqué sur celui-ci »15. Le contrat sukuk est l’équivalent d’une obligation en finance conventionnelle sauf que les sukuk ne sont pas rémunérés par des intérêts fixes mais par un profit attaché au rendement de l’actif sous-jacent. Les produits sous-jacents des sukuk peuvent être représentés par des contrats comme ijara, mousharaka ou moudaraba. La classe obligataire islamique (c’est-à-dire les sukuk) contient trois principaux compartiments : les sukuk souverains, les sukuk corporate et bancaires, et les sukuk issus de transactions de titrisation islamique16. Le Qatar, la Malaisie et le Bahreïn furent les premiers pays émetteur des sukuk souverains en 2001. Le marché obligataire islamique a connu une croissance rapide entre 2001 et 2007 passant de 1,2 milliard de dollars à 35 milliards de dollar, avec une prédominance du marché global sur le marché local. Mais en 2008, ce marché connait un recul dû essentiellement à la crise des subprimes qui a causé une raréfaction des liquidités sur le marché des sukuk. A partir de la même année on observe une augmentation de la part des marchés locaux résultant du17 : Repli des fonds vers les pays d’origine en réponse à la crise. Tarissement des ressources en devises. Développement contra-cyclique des marchés financiers locaux au sein des pays émergents 15 Dhafer SAIDANE, op.cit., p.114. Lila GUERMAS-SAYEGH, op.cit, p22. 17 Idem. 16 59 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Graphique n°9 : Évolution du marché obligataire islamique entre 2001 et 2009 (en milliards de dollars). 40 35 30 25 20 15 10 5 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 sukuk sur marché globaux 0,7 5,1 3,5 5,9 7,7 17,2 18,3 6,4 9,5 sukuk sur marché locaux 0,5 1,5 1,3 4,2 5,3 9,8 18,8 8,5 10,5 Source : Lila GUERMAS-SAYEGH, op.cit, p23. L’ensemble de ces instruments utilisés dans la finance islamique est apparu d’une manière progressive dans le temps. Comme le montre le graphique suivant : Graphique n°10 : Développement des produits offert par la finance islamique. 60 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Les contrats de la finance islamique ne peuvent être déclaré conformes à la sharia que s’ils obtiennent l’aval d’un conseil de conformité connu sous le nom du SHARIAH BOARD. Encadré n° 3 : Rôle du Sharia Board18. Toute institution financière islamique est dotée d’une structure de gouvernement bicéphale. D’un côté, il y a les structures de direction classique qui veillent à la gestion quotidienne de la société. De l’autre, il y a une entité spécifique aux institutions financière islamique, le Shariah Board. Cette institution, composée de membres à la fois compétent pour interpréter la jurisprudence islamique et avec des connaissances suffisantes en matière de finance et d’ingénierie financière, veille à la conformité aux normes de la sharia des produits proposés aux clients mais aussi des modalités de fonctionnement de la société elle-même. Il serait erroné toutefois de considérer que le Shariah Board est exclusivement préoccupé par des considérations religieuses, au détriment de tout objectif commercial ou financier. Le Shariah Board prend ses décisions en fonction de trois considérations : Est-ce que les termes du contrat financier sont compatibles avec les principes de la sharia ? Est-ce que cet investissement est optimal pour le client ? Est-ce que cet investissement crée de la valeur pour le client mais aussi pour la communauté ? Les Shariah Board ne sont en aucune façon des entités passives. Ils peuvent avoir, au contraire, une influence forte sur le développement des instituions financière islamique qu’ils conseillent. Comme nous l’avons d’ores et déjà évoqué, les textes sacrés musulmans fournissent uniquement les principes généraux de l’organisation de la vie économique et financière de la société musulmane. Il faut donc transposer ces normes éthiques dans des situations concrètes, parfois inédites. La jurisprudence joue donc un rôle 18 Elyes JOUINI et Olivier PASTRE, op.cit, p41. 61 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. prépondérant dans la finance islamique. Elle explique également, en grande partie, l’hétérogénéité de l’univers des produits islamiques. Certes, l’ensemble des spécialistes en droit musulman s’accordent sur les principes fondamentaux, mais de nombreuses divergences existent sur certains points de détail. En effet, les opinions et les interprétations avancées par les différents Shariah Scholars peuvent différer fortement, empêchant de ce fait l’harmonisation des produits ou des procédures financières islamiques. Cette diversité d’opinion parmi les shariah scholars qui composent ces comités religieux pourrait se révéler un des plus grand défis à relever par la finance islamique. Section II : L’activité bancaire islamique. La montée en puissance d’un secteur privé islamique dans l’économie de certain pays musulmans durant les dernières décennies soulève quelques questions quant à l’évolution de leur situation intérieure et de leur insertion internationale. Cette pratique, qui a démarré sur une échelle réduite dans les années 1970 avec l’implantation des premières banques en Egypte et dans certaines régions du Golfe, a enregistré un progrès considérable, en devenant une véritable industrie multinationale implantée dans la majorité des pays musulmans mais aussi en Europe et en Amérique. La finance islamique est en insertion dans l’économie mondiale. Cependant, cette insertion abonde en paradoxe avec les principes de la finance conventionnelle. En effet, l’Islam est perçu par certain comme incompatible avec le nouvel ordre mondial établit après la fin de la guerre froide. I. Le cadre conceptuelle du système bancaire islamique : Dans cette section nous allons nous inspirer des travaux menés par une équipe égyptienne et présentés à la conférence des ministres des affaires étrangères des pays islamiques en 1972, repris dans le livre d’ALGABID Hamid, « les banques 62 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. islamiques ». Selon ces travaux quatre principes doivent organiser la banque islamique19 : Le principe de coparticipation. Le respect des prohibitions sharéi dans les opérations bancaires. La création et la gestion par la banque islamique d’une caisse de la zakat. La création et la gestion du BEIT ELMAL (trésor) des musulmans. 1. Le principe de coparticipation : C’est le fondement même de la finance islamique qui prône la participation de toutes les parties contractantes que ce soit dans le financement, le capital, le travail ainsi que le partage des pertes et des profits (banquier et entrepreneur sont dans une position originale d’investisseurs associés). Ce principe assure à la banque un substitut du taux d’intérêt pour couvrir ses frais liés à la gestion des comptes des dépositaires d’une part, et permet aux épargnant d’obéir aux prescriptions de la sharia. Les banques islamiques appliquent se principe en utilisant les contrats moudaraba et mousharaka. Par l’application de ce principe les rapports banque-épargnants et banque-entrepreneurs peuvent se résumé comme suit20 : Les déposants sont considérés comme collectivement propriétaire du capital. La banque est la partie « entrepreneur » consacrant ses compétences et son expérience à la sélection des opérations, des projets d’investissement et de leurs exécutants. Au terme de chaque exercice, la banque déduit des bénéfices qu’elle a perçus ses dépenses et les réserves qu’elle est tenue de constituer. Le reste des bénéfices est distribué entre la banque et les déposants conformément aux accords conclus. Vis-à-vis des exécutants, la banque est considérée comme propriétaire du capital, les exécutants étant la partie « entrepreneur ». Les bénéfices sont partagés, au prorata convenu, entre celle-ci et la banque. Les pertes en capital sont assumées par la banque sauf en cas de faute de l’entrepreneur. 19 20 Hamid ALGABID, op.cit, p.68. Hamid ALGABID, op.cit, p.69. 63 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. 2. Le respect des prohibitions sharéi dans les opérations bancaires : Dans toutes ses opérations la banque islamique doit éviter tout genre de service qui serait opposé aux préceptes de la loi islamique afin d’assurer une certaine harmonisation dans les projets qu’elle finance. Les principales prohibitions sharéi sont : L’interdiction du riba (usure/intérêt). L’interdiction du gharar (incertitude) et du maysir (spéculation). L’interdiction d’investir dans les secteurs dits haram (illicites). A ces trois prohibitions s’ajoute le devoir de rédiger tous les documents liés à toutes les opérations de crédits, comme stipuler dans la sourate II la Vache (albaqarah) verset 282 « ô les croyant ! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit…. »21. 3. La création et la gestion par la banque islamique d’une caisse de la zakat : La zakat est un précepte religieux intangible qui a pour objet de remédier aux maux de la société en mettant en place un garde-fou contre l’aggravation et la multiplication des problèmes sociaux destructeurs de la solidarité22. Elle est l’un des cinq piliers de l’Islam, comme assigner dans le hadith suivant : « L’islam est bâti sur cinq : l’attestation qu’il n’y a de divinité digne d’être adorée qu’Allah et que Muhammad est le Messager d’Allah, l’accomplissement de la prière, l’acquittement de la Zakat, le pèlerinage à la Maison sacrée et le jeûne du mois de Ramadan. » (ALBOKHARI et MUSLIM). La zakat peut être définie par l’aumône légale due par tout musulman à partir d'un seuil imposable appelé nissab en arabe. C’est une sorte d'impôt obligatoire sur la fortune pour tous les musulmans, qui correspond à un impôt sur la richesse, 21 22 Le noble coran, op.cit. Hamid ALGABID, op.cit, p.72. 64 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. principalement au bénéfice du pauvre et du nécessiteux. Le nissab diffère selon la nature des biens. Quand ce quota n’est pas atteint la personne n’a pas de zakat à payer. La zakat est levée au taux de 2,5 % sur la richesse et l’accroissement de cette dernière, soit l’épargne, c’est-à-dire à l’exclusion du revenu affecté à la consommation. Le versement de la zakat est réservé à certaines catégories de la société comme prescrit dans la sourate IX le Repentir (At-tawbah) verset 60 : « les sadaqats ne sont destinées que pour les pauvres, les indigents, ceux qui y travaillent, ceux dont les cœurs sont à gagner (à l’Islam), l’affranchissement des jougs, ceux qui sont lourdement endetté, dans le sentier d’Allah et pour les voyageur (en détresse). C’est un décret d’Allah ! Allah est omniscient et sage »23. La création d’une caisse de zakat permettrait aux banques de canaliser sa collecte afin d’assurer une meilleure distribution des montant épargner, d’entrevoir une répartition plus équitable entre les riches et les pauvres et enfin envisager un développement harmonieux de la communauté musulmane (la oumma). 4. Création et gestion du BEIT ALMAL des musulmans : Comme définit dans le premier chapitre le BEIT ALMAL est l’institution concernée par la gestion des recettes et des dépenses de l’Etat. Cette institution pourrait avoir comme ressources : Une partie de la zakat et des dons. Une partie des bénéfices de la banque dans les projets qu’elle a financés. Les héritages sans héritiers. Quant aux dépenses, elles pourraient être affectées : A la propagation de l’Islam et pour la cause de Dieu (djihad). Aux investissements collectifs socio-économiques assurant l’équité sociale. 23 Le noble coran, op.cit. 65 Partie I : Présentation de la finance islamique. II. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Le fonctionnement de la banque islamique : La raison d’être d’une banque qu’elle soit islamique ou conventionnelle est la mobilisation de ressources financières et leur allocation entre différents projets d’investissement. Toutefois, les principes qui régissent le fonctionnement d’un système financier islamique sont différents de l’esprit de la finance « traditionnelle ». Si en finance « classique » la norme qui préside aux décisions d’un agent économique est l’optimisation du couple rendement-risque de ses placements, la profitabilité n’est pas l’unique ni le principal critère de décision pour les opérateurs islamiques24. La banque islamique est une institution bancaire qui obéit dans toutes ses opérations, ses activités d’investissement et sa direction à la législation islamique (sharia) et dans ses buts aux objectifs de la société islamique intérieurement et extérieurement. Ainsi elle a des règles de fonctionnement différentes des banques conventionnelles dont les plus importantes sont : La banque islamique a pour principale revenu les profits tirés des projets qu’elle finance. Alors que la banque traditionnelle accomplit des bénéfices à partir de la différence du prix de l’intérêt débiteur et de l‘intérêt créditeur étant considérée comme intermédiaire financier. La relation qui lie la banque islamique à ses déposants est une relation de partenariat (partage des pertes et des profits). Contrairement aux banques conventionnelles dont la relation est celle de créditeur/débiteur. Les activités des banques conventionnelles dans la transformation des dépôts à court et moyen terme en crédits à moyen et long terme, vue que la réglementation bancaire lui interdit a priori de se livrer à d’autres activités. Alors que la banque islamique est obligée de diversifier ces activités aux transactions commerciales, industrielles, agricoles ou de services pour obtenir le recouvrement de ses créances. 24 Elyès JOUINI et Olivier PASTRE, op.cit, p24. 66 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Les banques islamiques sont soumises non seulement au contrôle bancaire et financier mais aussi au contrôle de la législation islamique ce qui n’est pas le cas des banques traditionnelles. La banque islamique à des objectifs de développement sociale de l’Oumma, a contrario des banques traditionnelles dont le but principale est l’augmentation des bénéfices. La banque islamique ne finance pas les secteurs haram, tandis que la banque conventionnelle finance tout type de projet quel qu’en sois son domaine d’activité. 1. Le statut juridique, le capital et les dépôts25 : La loi islamique modèle portant sur la réglementation bancaire adoptée en 1981 par les gouverneurs des banques centrales et les autorités monétaire des pays islamiques devrait servir de modèle mais être adaptée à chaque cas et à chaque pays. Ainsi elle préconise comme statut juridique celui de société à responsabilité limitée (SARL) alors qu’une banque classique est une société anonyme. Une distinction nette est opérée entre les capitaux des actionnaires et les fonds des déposants pour les uns comme pour les autres on adapte le principe de la participation pour leur rémunération. Les capitaux des actionnaires sont placés à long terme (liquidité très réduite) mais peuvent être entamés s’il s’avère que les bénéfices de la banque sont insuffisants pour recouvrer les comptes courants et les frais administratifs et d’exploitation de la banque. Par contre si la banque obtient des bénéfices pour sa participation à des opérations avec ses clients, ces bénéfices reviennent aux actionnaires après déduction des frais. 25 Hamid ALGABID, op.cit. p.p. 75 et 76. 67 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. 2. Les services offerts par la banque islamique26 : Les comptes courants : Les dépôts sur ces comptes sont mobilisables à vue par chèque, transfert ou virement bancaire. Ces dépôts ne sont pas rémunérés et le solde doit toujours rester positif. La banque ne prélève aucun frais pour la gestion de ces comptes. Les dépôts de ces comptes sont garantis par les capitaux des actionnaires qui bénéficient des profits générés par l’investissement de ces comptes. Les comptes d’épargne : Ces comptes sont mobilisables à vue aux guichets à l’aide du livret d’épargne. Ils ne sont pas rémunérés mais ils permettent de bénéficier à partir d’un certain montant de dépôts de plusieurs avantages comme les crédits sans intérêts. Ces comptes sont aussi couverts par les capitaux des actionnaires. Les comptes d’investissement : C’est des comptes qui n’ont pas de rémunération fixe et ne sont pas couverts par les capitaux des actionnaires. Un contrat est passé entre la banque et le déposant pour la gestion adéquate des fonds par la banque. La banque utilise ces comptes pour le financement de projets qui peuvent lui générer des profits qu’elle répartira entre les différents comptes d’investissement, mais en cas de perte les déposants assumeront leur part au prorata du montant de leur compte. Les banques islamiques offre aussi d’autre service comme : La location de coffres. Comptes de dépôts de titres. Comptes individuels avec mandat discrétionnaire permettant d’effectuer des placements conforme à l’Islam. 26 Hamid ALGABID, op.cit. p.p. 75 et 76. 68 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. N.B : En ce qui concerne les produits et les contrats offerts par les banques islamiques ils ont été évoqués et analysés précédemment. III. Les avantages et les limites de la finance islamique : 1. Les avantages de la finance islamique : La finance islamique connaît un essor sans précédent en raison de l’augmentation de la sensibilité des musulmans qui sont à la recherche de services financiers conformes aux principes islamiques, mais aussi de l’intérêt porté par les non musulmans pour cette finance qui intègre les valeurs morales et éthiques dans le fonctionnement du système financier. Une finance rassurante : La finance islamique représente une technique de financement fondée sur la participation. Le principe des «3P » (Partage des Profits et des Pertes), est fondamental dans les opérations bancaires islamiques parce que la banque et l’entrepreneur vont s’associer à un projet. Les profits et les pertes éventuels seront partagés au prorata du montant investi entre les deux parties. En plus, en étant associés dans les projets les banques ont une responsabilité importante dans la gestion des fonds, de ce fait elles vont accompagner les entrepreneurs à maximiser la rentabilité économique du projet. Les experts s’accordes à affirmer que certes en appliquant la finance islamique nous n’aurions pas connu de crise des subprimes. Outre les valeurs éthiques et morales que dégage la finance islamique, elle joue un rôle important dans le fonctionnement et/ou dans le développement d’une économie. Le rôle important de la finance islamique dans le fonctionnement d’une économie : Tout crédit que la finance islamique octroie aux particuliers doit être adossé à des actifs réels et tangibles. En effet, les banques islamiques financent des opérations liées à l’économie réelle. Contrairement à la finance conventionnelle, les banques islamiques 69 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. interviennent dans des opérations où la notion du risque est très limitée. En finançant toute opération liée à une économie réelle, la finance islamique participe activement au développement de son environnement en créant des emplois et en dégageant des liquidités supplémentaire qui peuvent être utilisés dans d’autre projet et ainsi de suite. Potentialités face à la crise : Comme nous le savons tous, les banques islamiques sont celles qui ont été le moins touchées par les effets de la dernière crise financière. Ceci démontre on ne peut mieux la potentialité de la finance islamique face à de tels chocs, car c’est une finance qui s’appuie sur l’économie réelle et interdit la pratique du taux d’intérêt et la spéculation (qui sont à l’origine de la crise des subprimes). Leur interdiction éliminera une grande partie de l'incertitude, une grande partie de la passivité économique et enfin éliminera totalement la spéculation et ses effets qui, souvent, faussent les prévisions économiques, biaise les prix des marchandises et gonfle les conséquences d'une éventuelle crise27. 2. Les limites de la finance islamique : Malgré ces avantages et potentialités la finance islamique, comme tout système, présente des limites et défis à relever. Limites socioculturelles : Le premier obstacle qui freine l’expansion de la finance islamique vient de sa propre appellation. En effet, si pour une partie des musulmans, le mot « Islamique » pourrait être un facteur qui les attire dans le choix de l’orientation des décisions financières, une autre partie de musulmans refuse de lier la religion à des transactions commerciales que la perversité de l’argent pourrait salir, et n’acceptent pas l’utilisation de l’Islam comme un « argument publicitaire » permettant de promouvoir un produit. Cet obstacle peut vêtir une autre forme qu’est la réticence des non musulmans vis-à-vis des règles de la sharia islamique. 27 ZEROUALI Mostefa, op.cit, p3. 70 Partie I : Présentation de la finance islamique. Chapitre II: Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia. Incertitudes et contraintes réglementaires : L’univers de la finance islamique est caractérisé par une extrême diversité. En effet, l’Islam est, par nature, une religion où la jurisprudence a un rôle fondamental. En plus de la diversité des courants de pensée qu’il regroupe, les interprétations proposées dans la mise en œuvre des différentes transactions sont souvent nuancées et peuvent être plus ou moins souples. La réglementation de la finance islamique n’est pas standardiser et elle diffère d’un pays à un autre. Se pose aussi le problème des règles comptables et financière applicables dans ce système. De ce fait, plusieurs institutions internationales, tels que l’AAOIFI, se consacrent à la définition de normes de conformité à la sharia et à leur harmonisation entre les régions. Mais c’est la Banque Islamique de Développement qui garde un rôle central dans la création de normes et de procédures précises, immuables et internationalement acceptables. De telles normes offriront aux contrôleurs une meilleure visibilité sur la solidité, la stabilité et l’intégrité des banques islamiques. Déficit en ressources humaines : Le défi majeur de la finance islamique est la rareté du capital humain. Cependant, le plus gros problème que connaissent les institutions financières Islamiques est le manque énorme en oulémas qualifiés pour faire partie des comités de conformités de la sharia. En effet, il y a moins d’une centaine d’oulémas musulmans dans le monde suffisamment formés et compétents pour siéger dans des Sharia Boards. Pour contourner cette difficulté, les oulémas les plus reconnus multiplient les mandats dans différents comités islamiques des institutions financières. Cela permet, certes, d’assurer, de manière indirecte, une plus grande homogénéité dans les décisions des différents Sharia Boards. Mais cela ne peut être qu’une solution temporaire et risque par ailleurs d’engendrer des situations de conflits d’intérêts28. 28 Dhafer SAIDANE, op.cit. 71 Partie I : Présentation de la finance islamique. Conclusion : Malgré ces racines très anciennes la finance islamique s’implique plus en plus dans la globalisation financière. Après avoir essayé de proposer une troisième voie alternative au capitalisme et au socialisme, les érudits de la finance islamique se sont penchés vers une modélisation plus approprié au domaine des finances afin d’essayer d’intégrer cette dernière dans la tendance mondiale de l’économie. C’est ainsi qu’on a assisté à la création de nombreuses banques et institutions offrant des services financiers conforme à la sharia. En effet, la religion islamique interdit en particulier le riba. Mot signifiant à la fois usure et intérêt, bien que certaines autorités religieuses y compris Cheikh Al Azhar en Egypte aient proclamé le caractère licite de certains types d’intérêt, de nombreux oulémas continuent d’adopter une interprétation restrictive à ce terme. Sans contester le principe de rémunération de l’argent prêté, la tradition islamique s’oppose à l’aspect « fixe et prédéterminé » de l’intérêt, avec ce qu’il implique en matière d’équité et de potentiel d’exploitation de l’emprunteur. L’Islam prône plutôt le partage équitable, aussi bien des risques que des bénéfices, les théoriciens de la finance islamique jugent un tel système mieux adapté aux besoins économiques du monde islamique ainsi qu’aux exigences morales de la religion. En effet, alors que la banque classique privilégie les détenteurs de capitaux ou de bien susceptibles d’être hypothéqués, la finance islamique donne la chance à des entrepreneurs dynamiques mais peu fortunés. Le système permet également à ceux qui, pour des raisons religieuses, préfèrent intégrer des circuits économiques productifs pour fructifier leurs avoirs. Ce qui pousse les banques islamiques à offrir des produits et des services conformes à la sharia. C’est comme ça qu’on assiste au développement de plusieurs instruments financiers participatifs (mousharaka, moudaraba) et non participatifs (mourabaha, ijara, salam…). Ces différents instruments ont réussi à drainer des sommes colossales vers les banques islamiques (1.000 milliard de dollars en 2010). 72 Partie I : Présentation de la finance islamique. Actuellement, et malgré les quelques difficultés qu’elle rencontre, la finance islamique représente un véritable rempart contre les crises financières qui peuvent survenir dans une économie mondiale de plus en plus déconnectée de la sphère réelle, car la finance islamique repose sur des fondamentaux moraux et éthiques qui obligent les agents économiques à rattacher toutes leurs transactions financières à un actif tangible. Ce principe aura pour principale conséquence l’encouragement de la production des richesses et l’accroissement de l’emploi. Nous pouvons ainsi dire que l’économie et la finance islamique aspire à un idéal social global où toutes les classes de la société pourront vivre d’une façon harmonieuse et où toutes les richesses seront distribuées d’une façon équitable tout en respectant les principes fondamentaux de la religion islamique. 73 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque. Section I : Définition, caractéristiques et théorie relative au capital-risque. Section II : Histoire et évolution du capital investissement à travers le monde. Chapitre 2 : La pratique du capital investissement. Section I : Les différents métiers du capital investissement. Section 2 : Les sorties du capital-investisseur. Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Introduction : Les spécialistes du capital-risque considèrent que cette activité a existé depuis longtemps. Le financement par Isabelle et Ferdinand d’Espagne de l’expédition de Christophe Colomb constitue la référence historique classique de ce phénomène. La croissance qu’a connue l’économie américaine après la seconde guerre mondiale doit beaucoup aux jeunes entreprises, en particulier dans le secteur des nouvelles technologies. Ces entreprises ont souvent réussi à se développer grâce à des modèles astucieux, créateurs d’emplois, de richesses et d’innovations. Le capitalrisque a été mis sur le devant de la scène de façon inédite à cette époque et a suscité l’intérêt des médias et des pouvoirs publics en raison de l’effet de levier qu’il produit, en finançant des entreprises susceptibles de devenir des géants des nouvelles technologies. L’idée du capital risque est née aux Etats-Unis et s’est développées peu à peu dans le monde entier. Il s’agit d’un type de financement utilisé surtout par les entreprises qui démarrent leur activité et pour lesquelles un financement bancaire serait très difficile à acquérir, à cause des risques qu’elles présentent. Le capital-risque permet aux jeunes entreprises innovantes, qui démarrent leur activité et ont un potentiel de croissance, d'augmenter leurs fonds propres. Le créateur d'entreprise obtient ainsi des fonds, sans demande de garantie, à un stade de développement où il est souvent difficile d'obtenir des prêts bancaires. Les jeunes PME à fort potentiel de croissance, surtout dans les secteurs des hautes technologies (télécommunications, logiciel, composants électroniques, biotechnologies…), ont besoin de capitaux importants pour développer leurs produits, industrialiser leur plate-forme technologique et construire une force commerciale. Il est rare qu’elles obtiennent des prêts bancaires à cette fin car ces projets présentent un risque et des coûts de gestion que les taux fixes usuels ne couvrent pas. Le financement en fonds propres doit donc être privilégié, c’est aux investisseurs en capital-risque de financer et d’accompagner ces entreprises. 75 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Le capital-risque est un métier en plein expansion pour lequel les données statistiques sont rapidement dépassées et obsolètes, le cadre législatif et réglementaire en constante évolution et les acteurs en perpétuelle mutation. Dans cette partie nous allons tenter de cerner ce mode financement particulier, qui repose essentiellement sur le partage des risques et des profits, en scindant notre travail en deux chapitres. Le premier sera consacré à la définition de ce métier, à l’analyse de ces principales caractéristiques, à la présentation des principaux évènements historiques au cours de son évolution et à la présentation des principales théories relatives au capital investissement. Le deuxième chapitre sera réservé à l’étude de la pratique du capital investissement en analysant ces différents métiers et les mécanismes de sortie pour les investisseurs en capital. 76 Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capitalrisque (capital investissement). Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Section I : Définition et caractéristiques du capital-risque (capital investissement). I. Définition (capital-risque/capital investissement): On utilise parfois indifféremment les mots « capital-risque » (traduction de l’anglais venture capital) et « capital investissement » (private equity en anglais). Même si tout investissement en capital dans une entreprise comporte un risque important, on préfère donc les distinguer : on utilisera « capital investissement » comme terme générique, réservant le mot « capital-risque », qui est un des métiers du capital investissement, pour désigner le financement des entreprises nouvellement créées. L’appellation capital-risque trouve ses origines dans la définition restrictive de ce concept qui était au départ limité au financement en fonds propres de la création des petites et moyennes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance. Ce type d’entreprises présente en effet des risques multiples qui sont à la fois d’ordre industriel, commercial, financier et humain, ce qui revient en fait à s’aventurer à miser de l’argent à travers une participation au capital d’un projet à risque, d’où l’appellation de capital-risque ou originalement Venture Capital. Aujourd’hui la définition du concept du capital-risque a évolué pour donner lieu à la notion générale de capital investissement avec ses trois volets : le capital-création, le capital-développement et le capital-transmission (ou reprise). Le capital-risque qui finance généralement les premiers stades les plus risqués de développement de l’entreprise est ainsi devenu une composante du capital investissement (private equity). Le capital investissement consiste en une prise de participation en capital, dans des entreprises généralement non cotées qui n’ont pas d’accès directement aux 80 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). marchés financiers, pour financer leur démarrage ou leur croissance, leur transmission ou leur survie. Il s’agit ainsi de financer des sociétés en création ou des PME-PMI à un moment critique de leur histoire, en palliant le manque d’argent des fondateurs ou des dirigeants, et en fournissant des capitaux que les banques ne sont pas prêtes à engager, car le risque auquel elles seraient exposées serait trop important pour elles1. En d’autres termes, c’est un investissement en fonds propres et quasi fonds propres qui s’adresse à des entreprises à des stades différents de leur vie : de la naissance à la transmission, en passant par la phase de développement, et éventuellement les phases de crises et de croissances. Précisons d’entrée qu’il ne s’agit ni de prêts, ni de subventions mais d’un apport en fonds propres, par une participation au capital des entreprises ; les « capitalinvestisseurs » comme on les nomme fréquemment seront des actionnaires des sociétés2. Encadré n°4 : Les principaux acteurs du capital investissement. Les apporteurs de capitaux : Ce sont les investisseurs qui détiennent des ressources à long terme, gérant des actifs et qui doivent les faire fructifier. Ils ne constituent pas une catégorie homogène, il peut s'agir : Des investisseurs institutionnels, compagnies d'assurances, caisses de retraites, grands groupes industriels, banques… de personnes privées : business angels ou love money qui regroupe famille, amis et connaissances proches. Les capital-investisseurs : Ce sont les sociétés de gestion. D'une part, ils exercent l'intermédiation en prospectant les sociétés cibles et en étudiant leurs projets, et d'autre part, ils investissent les 1 Gilles MOUGENOT, avec la participation de Xavier JASPAR et Louis LESTANVILLE, Tout savoir sur le capital investissement (capital-risque, capital développement, LBO), Ed : Gualiano éditeur, 2007, p 16. 2 Pierre BATTINI, Financer son entreprise de la création à la transmission par le capital investissement, Ed : MAXIMA, 2006. 81 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). capitaux confiés par les apporteurs de capitaux. Les entrepreneurs: Ce sont les chefs d'entreprises en quête de financement permettant d'assurer la croissance de leurs affaires. Les acheteurs : Ce sont les repreneurs des actions et valeurs détenues par les investisseurs lors de la sortie du capital-investisseur ; ils peuvent être des industriels, les managers, les intervenants sur le marché financier en cas d'introduction en bourse, ou même un autre fonds d'investissement. II. Les caractéristiques du capital investissement : Le financement par capital investissement comporte certaines caractéristiques, reprises dans la définition donnée par l’Association Française des Investisseurs en Capital (AFIC) : « le capital-risque est un financement en vrais fonds propres, c'est-àdire exposé aux risques de l'entreprise ; sans garanties ni de l'entrepreneur ni de la société ; qui prend la forme de prise de participation en capital , le plus souvent minoritaire ; pour une durée généralement limitée à celle prévue pour la réussite du projet ( 3 , 5 ou 7 ans le plus souvent), qui doit avoir un fort potentiel de croissance et de rentabilité »3. Donc les principales caractéristiques de ce mode de financement sont : 1. Le capital investissement constitue un apport en fonds propres : Le financement par capital investissement n’est ni un don, ni une prime, ni une subvention que les autorités publiques ou autres institutions donnent pour encourager certains promoteurs à la réalisation d’une certaine action dans le cadre d’un programme donnée (création d’emploi, innovation technologique ou autre…). Il n’a rien à voir avec des crédits bancaires remboursables dans des délais et avec des taux fixés d’avance et qui n’ont aucun lien avec les performances réelles de l’entreprise, (en 3 Pierre BATTINI, Capital-risque ; mode d'emploi, Edition d'Organisation, 1998, p.36. 82 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). cas de difficulté l’entreprise rembourse quand même). C’est de l’argent injecté dans le capital qui confère à l’investisseur le statut d’actionnaire en partageant les risques et les opportunités de développement de l’entreprise. 2. Financement sans garantie : C’est un investissement réalisé sans garanties ni matérielles, ni immatérielles, ni de la part du promoteur, ni de l’entreprise elle-même. C’est un financement d’un partenaire qui croit au projet et qui sera engagé comme tout autre partenaire dans sa réussite et pour lequel il serait absurde de s’imposer des garanties. 3. Un financement sous forme de participation au capital : Et ce à travers des instruments qui reconnaissent à la fois la participation financière de l’investisseur et lui accordent un certain nombre de droits, tels que les droits aux dividendes, à l’accès à l’information, au siège dans le conseil d’administration, le droit au vote, etc.… (actions ordinaires, des obligations convertibles en actions, des actions à dividendes prioritaires, des certificats d’investissements, etc.…). 4. Ces participations sont souvent minoritaires : Le montant des fonds investis et la valorisation de l’entreprise par le capitalinvestisseur, sont des opérations minoritaires, sauf pour les opérations de transmission où le financier prend une part majoritaire. 5. Investissements pour une durée limitée : Les investisseurs gèrent des capitaux qui leur sont confiés par de grand organismes (compagnie d’assurance, fonds de pension, fonds de fonds…) pour des durée déterminées ; ceux qui financent des entreprises ne peuvent donc pas s’engager dans des opérations dont la durée excéderait celle des capitaux qui leur sont confiés4. Cette durée varie entre 2 et 8 ans. 4 Pierre BATTINI, op.cit., p32. 83 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). 6. Financement originaux : Originalité de ces financements par le souhait de l’investisseur de jouer un rôle actif dans l’entreprise financée, conseillant l’équipe de direction et cherchant à stimuler le développement de l’entreprise. 7. Opération sans rémunération immédiate : La rémunération du capital investissement se fait à l’échéance de l’association par la réalisation d’une plus-value en capital lorsque l’investisseur vend sa participation (si l’entreprise n’a pas réussi, cette vente peut donner lieu à une perte)5. 8. Financement élitiste : Compte tenu des échéances à long terme et des risques courus, l’investisseur insiste autant sur les aspects qualitatifs de l’évaluation des projets qui lui sont présentés que sur les aspects quantifiables. Il s’attache essentiellement à la sélection d’une équipe de direction à laquelle il puisse faire toute confiance. En plus, l’investisseur sélectionne des entreprises en fonction de leurs perspectives de croissance, ce qui peut l’amener à préférer des entreprises de haute technologie6. 5 6 Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, Le capital-risque, presses universitaire de France, 1987, p.5. Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, op.cit, p.5. 84 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Graphique n°11 : Schématisation du capital investissement. Source : Sofia BENNARA, op.cit. p.41. III. Les principales théories relatives au capital-risque : 1. La théorie de l’agence appliquée à la relation entre dirigeant et capitalinvestisseur : Le point de départ de la théorie de l’agence est donné par un texte publié en 1976 par JENSEN et MECKLING dans le Journal of Financial Economics. Pour ces deux auteurs il existe dans toutes les firmes une divergence d’intérêt potentiel entre les actionnaires et les managers non propriétaires. Les deux parties étant liées par une relation d’agence. La théorie de l’agence met en évidence les conflits d’intérêts qui peuvent surgir entre les différentes catégories d’apporteurs de capitaux et entre actionnaires et dirigeants. Elle repose en particulier sur l’hypothèse que les intérêts de l’actionnaire et du dirigeant divergent et que ce dernier adopte spontanément des comportements opportunistes rendus possibles par la maîtrise de certaines informations échappant à 85 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). l’investisseur. On distingue deux situations d’asymétrie d’information. Ex ante, lors de la phase d’évaluation et de négociation de l’opération de financement, le dirigeant peut se trouver mieux informé sur le projet que l’investisseur potentiel, en raison notamment de son accès privilégié à l’information et éventuellement de ses compétences dans un domaine que maîtrise peu ou mal l’autre partie (caractéristiques de l’environnement, du marché, aspects techniques…). On parle de risque de sélection adverse7. Ex post, après l’octroi du financement par le bailleur, celui-ci peut éprouver des difficultés à contrôler les actions du dirigeant, soit par incapacité à observer les comportements de celui-ci, soit par incapacité à juger si le comportement du dirigeant est opportuniste ou non, en raison, là encore, d’un manque de compétences. Par exemple, le dirigeant peut engager des dépenses inutiles au développement de l’entreprise et diminuer ainsi les montants disponibles pour rémunérer les investisseurs externes. On parle alors de risque moral8. Les risques de comportements opportunistes engendrent des coûts ex ante liés à la recherche et l’analyse d’informations pour décider si le capital-risqueur accepte de s’engager dans une relation avec l’entrepreneur. Les moyens mis en œuvre pour éviter l’apparition de conflits actionnaire/dirigeant au cours de la réalisation du contrat, engendrent des dépenses en dernier lieu entraînant une baisse de la valeur de la firme représentant un coût résiduel. Ces coûts peuvent être répartis comme suit : Les coûts de surveillance (monitoring costs), c’est-à-dire les dépenses consenties par l’investisseur pour mettre en place les procédures de contrôle ou les mécanismes incitatifs. Les coûts d’obligation (bounding costs) assumés par l’entrepreneur pour prouver sa bonne foi. 7 Anne STEVENOT, La gouvernance des entreprises financée par capital-investissement : d’une approche ème juridico-financière à une approche cognitive, IAE de Nancy – GREFIGE, Université Nancy2, p.3. XIV Conférence Internationale de Management Stratégique, Pays de la Loire, Angers 2005 – http://www.strategieaims.com/, p3. 8 Idem. 86 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Les coûts résiduels (residual costs), correspondant à la diminution de la valeur de l’entreprise causée par les divergences d’intérêts non résolues, qui sont, au sens de la théorie de l’agence, supportés entièrement par le capital-risqueur. Afin de pallier à toutes ces défaillances les auteurs de cette théorie (CHARREAUX, STEPHANY…) proposent un certain nombre de mesures, dont les plus importantes sont: Le pacte d’actionnaire : Il permet de fixer contractuellement certaines dispositions destinées à réduire le plus possible l’apparition de conflits d’intérêts et à trouver des recours contractuels, éventuellement opposables devant les tribunaux. Le conseil d’administration : Dans la perspective de la théorie de l’agence, le conseil d’administration a une fonction essentiellement disciplinaire. Il ratifie et contrôle les décisions importantes prises par la direction et a pour missions de nommer les dirigeants, d’évaluer leurs performances, de déterminer leur rémunération et de les révoquer le cas échéant. Dans le cadre d’un financement par capital-risque plusieurs options sont proposées. La société de capital investissement peut soit désigné un chargé d’affaire qui siégera au conseil d’administration et assurera le suivi de l’entreprise, soit désigné une tierce personne en raison de ces compétences, avec l’accord du dirigeant. Ce qui réduit notablement les risques liées à la relation d’agence. Les instruments financiers : afin d’éviter les risques liés à la relation dirigeants/actionnaire, ces derniers peuvent procéder de plusieurs manières : Les incitations monétaires au dirigeant : Le capital-investisseur est habitué à intéresser financièrement les entrepreneurs aux résultats de l’entreprise, dans le but d’assurer le succès du projet et de motiver l’entrepreneur. Les capital-investisseurs mettent souvent en place des mécanismes permettant au dirigeant-actionnaire d’accroître sa part de capital s’il atteint ou dépasse les objectifs prévus par le business plan d’origine. Cela peut prendre des formes diverses : bons de souscriptions d’actions, rétrocession à titre gracieux, titres à 87 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). dividendes prioritaires, obligations convertibles à parité de conversion variable en fonction d’objectifs de rentabilité… Les capital-investisseurs élargissent souvent l’actionnariat aux principaux managers de l’entreprise en leur demandant un investissement personnel dans les actions de l’entreprise afin d’aligner leurs intérêts sur ceux des actionnaires et de les inciter à agir en conséquence. Cette mesure est même très souvent une condition de l’entrée du capital-investisseur dans le capital de l’entreprise. Le financement par étape : Face à un projet, le capital-investisseur choisit souvent un financement par étapes. Ceci constitue même une spécificité du capital-investissement. A chaque nouveau stade se pose la question de nouveaux financements. L’investisseur conserve la possibilité de renoncer au projet en cas d’échec dans la phase précédente. Ce mode de financement par étapes réduit les risques d’asymétrie informationnelle et incite le dirigeant à donner satisfaction au capital-investisseur s’il veut que celui-ci investisse à nouveau au stade suivant. La théorie de l’agence retrouve ici tous son sens, si l’intérêt de l’entrepreneur est de se voir attribuer l’ensemble des fonds en un seul versement, favorisant ainsi la planification de ses interventions, les intérêts financiers de l’investisseur l’obligent à segmenter son intervention en plusieurs tours de table pour s’assurer de la bonne exécution du projet. 2. L’approche cognitive de la relation entre dirigeant et capitalinvestisseur : Les théories contractuelles de la gouvernance ont cette particularité (limite) de se focaliser sur l’opportunisme du dirigeant ainsi que sur les comportements et les stratégies des acteurs qui en découlent. Selon certains auteurs (GOMEZ, MARION, 1997) l’opportunisme du dirigeant est certainement surestimé et les conflits d’intérêts entre actionnaires et dirigeants prennent trop d’importance dans ces analyses. Ainsi GOMEZ et MARION (1997) invitent à compléter ces approches en mobilisant les cadres théoriques qui étudient aussi comment les acteurs travaillent ensemble, 88 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). conjointement, et non pas seulement les uns contre les autres, c’est-à-dire qui analysent comment ils coopèrent. Le développement d’une approche cognitive de la gouvernance, expliquant le lien entre les ressources et la création de valeur, répond aux insuffisances de la vision contractuelle qui ignore pour l’essentiel la dynamique productive et montre des lacunes dans l’explication de certains phénomènes organisationnels notamment dans la modélisation de la gouvernance. En effet, afin d’appréhender ce processus, il est nécessaire de faire appel aux ressources cognitives de la firme. Cette approche ce distingue de l’approche contractuelle et en est complémentaire pour l’explication d’un nombre important de phénomène organisationnels. Tout d’abord, la connaissance, représentée comme l’aboutissement d’un processus d’apprentissage, est distingué de l’information alors que ces deux notions sont confondues dans la vision contractuelle. Les théories cognitives privilégient la notion de connaissance à celle d’information, utilisée par les théories contractuelles, pour comprendre le processus de création de valeur. On s’intéresse ici plus à la manière dont est créée l’information qu’à la manière dont elle est utilisée. La connaissance est ainsi en amont de l’information. L’information à son tour peut modifier la connaissance et amener les schémas cognitifs de l’individu à évoluer et à s’adapter au travers d’un processus d’apprentissage. Ceci amène les tenants de l’approche cognitive à considérer que le véritable enjeu de la gouvernance est, bien plus que la conciliation des intérêts, « la coordination qualitative, l’alignement des schémas cognitifs et des modèles d’anticipation » (CHARREAUX, 2003). La vision cognitive s’attachera davantage à expliquer le processus d’apprentissage et d’accumulation de connaissances et de compétences. La firme n’est plus analysée sur sa capacité à « économiser la connaissance », mais également sur sa capacité à créer de la compétence et de la connaissance. 89 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Comme les approches contractuelles, l’approche cognitive reposent sur l’hypothèse de rationalité limitée des acteurs mais, à la différence de ces premières, il s’agit plus d’une rationalité procédurale que substantive pour reprendre la distinction faite par SIMON (WILLIAMSON, 1999). Tandis que la rationalité substantive porte sur les résultats de la décision, la rationalité procédurale porte sur les procédures de décision (CORIAT, WEINSTEIN, 1995, p.23). Ces approches conduisent à l’étude approfondie des processus d’élaboration des décisions en situation complexe. Elles mettent l’accent notamment sur les processus d’apprentissage. En ce qui concerne la relation entre capital-investisseur et dirigeant, la théorie cognitive considère que l’enjeu de la gouvernance dépasse la dimension disciplinaire et qu’il se trouve dans la création même de la valeur. Ainsi les récents travaux considèrent l’actionnaire apporteur de ressources cognitives (CHARREAUX, 2002) et porteur d’une vision stratégique (MARTINET, 2002). En effet, la relation étroite et personnelle entre investisseur et entrepreneur semble favorable à un échange et une participation conjointe à l’élaboration de la stratégie, ce qui peut être plus difficile dans la situation des firmes managériales dans lesquelles les actionnaires sont nombreux et lointains. Ainsi, dans les interactions entre l’actionnaire et le dirigeant, se forment les décisions et se jouent la construction des connaissances ainsi que l’évolution des schémas mentaux. L’enjeu de la gouvernance cognitive est alors l’échange et la création des ressources cognitives, ensemble d’information, de capacité théorique et pratiques, susceptibles de procurer au décideur et à l’entreprise un avantage concurrentiel durable et par conséquent de créer de la valeur (HOARAU, TELLER, 2001). Selon CHARREAUX, la connaissance interviendrait à cinq niveaux9 : Guide pour la vision des dirigeants. Détermination des opportunités d’investissement (innovation). 9 G.CHARREAUX, le gouvernement d’entreprise, Ed : Economica, Paris, 1997. 90 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Protection de la base de connaissance. La coordination des activités productrice : exploitation et transfert de la connaissance. La résolution des conflits cognitifs. La théorie cognitive de la gouvernance accordent aussi une attention particulière aux conflits cognitifs et/ou axiologiques (liés aux valeurs), distincts des conflits d’intérêts (CHARREAUX, 2002; WIRTZ, 2002). Le système de gouvernement a pour mission de réduire non seulement les conflits d’intérêts mais aussi les conflits cognitifs et de valeurs. Toutefois, il est à noter que, contrairement aux conflits d’intérêts, les conflits cognitifs ne sont pas nécessairement néfastes, dans la mesure où l’existence de différents schémas cognitifs est source d’innovation et que la construction d’idées nouvelles peut précisément émerger de ces différences de vue. Ainsi, s’il est légitime de vouloir réduire les conflits d’intérêts, il peut être sousefficient de chercher à supprimer tous les conflits cognitifs (CHARREAUX, 2002). En ce sens il s’agit plutôt de faciliter la coordination et l’échange entre les différents schémas cognitifs. Les développements récents des théories de la gouvernance d’entreprise invitent à compléter les approches contractuelles en considérant que l’enjeu de la gouvernance n’est pas seulement la répartition optimale de la valeur mais la création de valeur à proprement parler. Il s’agit de s’intéresser au processus, à la dynamique de formation de la stratégie et en particulier de considérer le rôle des actionnaires dans ce processus. Cette grille de lecture semble intéressante à mobiliser pour étudier la gouvernance des entreprises financées par capital investissement, compte tenu des caractéristiques de la relation capital-investisseur/dirigeant de PME. En effet, plusieurs travaux mettent en évidence une intervention des investisseurs dans la stratégie et l’organisation de l’entreprise et, par-là, une implication active dans le processus de création de valeur. Depuis l’article de SAHLMAN et GORMAN (1989) « What do venture capitalists do ? », de nombreux auteurs ont détaillé les aspects de l’intervention des capital-investisseurs. Les résultats concernant les aspects et l’importance de 91 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). l’intervention des capital-investisseurs ne sont toutefois pas unanimes. Ceci s’explique notamment par l’importance de nombreux facteurs de contingence (stade de développement de la firme, degré d’expérience de l’entrepreneur, type de capitalinvestisseur, niveau de risque, degré d’innovation technologique du projet,…). Plus encore que sur le contenu, l’intervention des investisseurs correspond à une influence sur la manière dont sont prises les décisions, sur la réflexion stratégique, plus formalisée, systématique et régulière (SAPIENZA, ALLEN, MANIGART, 1994 ; SAPIENZA, MANIGART, VERMEIR, 1996 ; STEPHANY, 1994 ; STEPHANY, 1998). A côté d’une influence sur la formation de la stratégie, les CI peuvent intervenir dans l’organisation, selon une dimension plus opérationnelle, par l’embauche de cadres expérimentés (ROSENSTEIN, BRUNO, BYGRAVE, TAYLOR, 1993), l’appel à des conseils extérieurs ou encore par la mise en place d’un système d’information comptable et financier systématique (STEPHANY, 1998 ; ROBBIE, WRIGHT, CHIPLIN, 1997 ; FALCONER, REID, TERRY, 1995 ; FALCONER, REID, TERRY, 1997 ; MITCHELL, REID, TERRY, 1995). On observe aussi une influence des CI sur le contenu même des choix stratégiques de l’entreprise. TREHAN (2000) ou encore DESBRIERES et SCHATT (2002) montrent que les capital-investisseurs encouragent la mise en place d’une stratégie de croissance externe. Les investisseurs ont aussi une incidence sur la politique d’investissement de l’entreprise par leur implication dans l’évaluation et la décision (DESBRIERES, 2001). A cela s’ajoutent des apports en termes de réputation et d’image sur lesquels insistent (FRIED et HISRICH, 1995). L’entreprise peut espérer bénéficier d’une meilleure visibilité grâce à la présence des capital-investisseurs. La présence d’un capital-investisseur dans le capital de l’entreprise est une garantie concernant la viabilité du projet et le potentiel de l’entreprise, qui peut tirer indirectement les bénéfices de ce capital réputation. Il s’agit en effet d’un signal pour les différents partenaires (clients, fournisseurs, banques…) qui, plus confiants, peuvent se montrer moins sévères et assouplir les contraintes financières qu’ils font peser sur l’entreprise. En particulier, les banques, souvent dépourvues de services de contrôle spécialisés dans ce type d’entreprise, profitent de l’expertise des capital-investisseurs et se fient à 92 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). leur jugement pour accorder un financement. Plusieurs études ont ainsi montré que la présence d’un capital-investisseur permettait à l’entreprise de lever de nouvelles ressources auxquelles elle n’avait pas accès auparavant (GORMAN, SAHLMAN, 1989 ; BARRY, MUSCARELLA, PEAVY, VETSUYPENS, 1990 ; SAPIENZA, MANIGART, VERMEIR, 1996 ; FERNANDEZ, MARTINEZ, 1998). Ainsi, on pourra conclure que l’apport du capital-investisseur ne se limite pas à l’apport financier mais s’étend à un apport en termes de connaissance et d’expertise, qui permettrait à l’entreprise d’assurer une croissance durable tous le long de son cycle de vie, tout en maitrisant l’ensemble des données relatives à son environnement. Section II : Histoire du capital investissement à travers le monde. Le capital-risque, conçu aux USA en 1946, voit sa croissance s’accélérer dans les années 70 et devient, dans les années 90, un véritable phénomène avec la révolution des technologies de l’information et la faiblesse durable des taux d’intérêt. En Europe, le capital-risque démarre dans les années 80 sous l’impulsion des gouvernements. Ceux-ci, pour favoriser la création de sociétés de capital-risque institutionnelles et de fonds de placement à risque, ont essayé d’éliminer les barrières fiscales, juridiques et culturelles qui freinaient le développement de ce nouveau métier. Si le capital-risque « moderne » date de la dernière guerre mondiale, il faut se rappeler que les « financiers de l’aventure » existent depuis fort longtemps : Le grec Thalès de Milet était un des premiers entrepreneurs de l’industrie alimentaire, en misant sur une bonne récolte d’olives et en convaincant les financiers à investir dans les moulins à l’huile. Il a ainsi pu établir un quasimonopole qui a fait sa fortune et celle des financiers. Vasco de Gama et Christophe Colomb ont pu inspirer confiance à des pourvoyeurs de fonds pour obtenir le financement de leurs expéditions. 93 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Plus près de nous, la révolution industrielle s’est faite en grande partie grâce aux financements accordés aux chercheurs et inventeurs de l’époque par certains financiers. Au XIXème siècle : divers exemples de réussites dues à des financiers ont eu lieu en Europe (Rothschild, Schneider, Alfred Krupp...). La fin du XIXème a vu l’esprit du capital-risque traverser l’Atlantique pour financer de jeunes entreprises qui sont devenus les General Electric, Ford, Bell… L’activité du capital-investissement existe dans de nombreux pays qu’ils soient situés en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie. Plus ou moins " profonds ", ces marchés présentent des particularités liées à leur histoire économique mais surtout à leurs perspectives de développement. I. Le capital-risque américain : Historiquement, la naissance du capital-risque américain remonte aux années 1930 et 1940. Avant cette date, cette activité était très peu structurée. Il s’agissait souvent d’un financement de proximité où les proches de l’entrepreneur fournissaient des fonds pour finaliser un projet industriel. Avec le développement de l’industrie, les besoins du capital-risque américain se firent plus importants et le besoin de professionnaliser cette activité se fit sentir. C’est là que débute la seconde étape du capital-risque américain qui correspond à la naissance de la première entité spécialisée dans le capital investissement en 1946 appelée American Research & Developement (ARD). Fondée à l’époque par Karl COMPTON, alors président du MIT (Massachusetts Institute of Technology), George Doriot, professeur à Harvard, Merill GRISWOLD président de la Massachusetts Investors Trust et Ralph FLANDERS, ancien président de la Federal Reserve de Boston. La direction d’ARD fut confiée à George DORIOT en décembre 1946, à qui on discerne la paternité de la forme moderne du capital-risque. 94 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Doriot expliquait à ses élèves, et au reste du monde, qu’il fallait trouver un moyen plus efficace de financer la création d’entreprises, un moyen qui permette d’associer du capital-risque à de nouvelles idées prometteuses10. Ralph FLANDERS, qui s’inquiétaient de l’absence de « financiers entrepreneuriaux » pour soutenir des entreprises basées sur les avancés technologique issus des programmes militaires, déclarait, dans un discours adapté à la réalité actuelle en Algérie, en juin 1946 : «Pendant les dernières années de ma présidence à la Federal Reserve de Boston, je suis devenu préoccuper par la manière dont une part grandissante de la richesse financière de ce pays est concentrée entre les mains d’institutions qui doivent rechercher la sécurité pour leurs placements. Ceci en soi est un processus naturel, mais il rend le financement de la nouvelle entreprise de plus en plus difficile. La prospérité des Etats-Unis dans cet après-guerre dépend en grande partie du soutien financier apporté à ce petit pourcentage de nouvelles idées qui promettent une augmentation de la production et de l’emploi, et un meilleur niveau de vie pour le peuple américain. Nous ne pouvons pas nous laisser porter indéfiniment par la vision et l’esprit d’entreprise de générations précédentes. Pour espérer être dans une économie en croissance, au lieu d’être figés, nous devons assurer un taux raisonnablement élevé de naissance d’entreprises. Il y a, en particulier, deux grandes sources de financement dont la pérennité dépend de la prospérité économique à long terme. Ces deux groupes sont les compagnies d’assurance-vie et les fonds de placement. Nous avons fait d’excellent progrès ces derniers mois sur l’étude d’un projet de «compagnie de développement » financé en grande partie par ces deux groupes d’institution, conseillée et dirigée par des hommes des plus capables dans les affaire et les technologie »11. C’est ainsi qu’ARD a été lancée. Elle été chargée d’investir dans les petites entreprises novatrices qui avaient jusqu’ici peu bénéficié des marchés de capitaux traditionnels. Le plus beau succès de ARD a été Digital Equipement Corporation (DEC), devenue l’une des plus grandes entreprises 10 E journal USA, le capital-risque et les nouvelles technologies, volume 13, numéro 5, mai 2008, p.11. (http://www.america.gov/publications/ejournals.html) 11 Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, op.cit. p.9. 95 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). mondiales d’informatique, grâce à laquelle une plus-value de 6000 fois la mise initiale de 70 000 dollars en 1957 a été réalisée quinze ans plus tard12. Malgré les quelques succès dans le secteur de l’électronique, la percée de ce nouveau concept et de cette nouvelle culture n’était pas évidente à cette époque, due essentiellement à l’absence d’un cadre juridique organisateur de cette pratique. Le décollage du capital-risque comme phénomène plus massif se produisit à la fin des années cinquante. En effet, il a fallu le lancement en 1957 du satellite soviétique (Spoutnik), pour mettre fin à cette impasse réglementaire. Craignant que cet événement témoigne de l’incapacité des États-Unis à rivaliser avec l’Union Soviétique dans la course à l’innovation technologique, le président Dwight EISENHOWER présenta et promulgua la loi sur les investissements dans les petites entreprises13. Le Congrès adopta deux dispositions pour favoriser les investissements en capital-risque : Une disposition fiscale d’abord, autorisant les individus ayant investi 25 000 dollars dans une petite entreprise à déduire les pertes en capital de leur revenu imposable. Le Small Business Act de 1958 qui a permis la création des «Small Business Investment Companies» (SBIC). Ces SBIC sont des sociétés d’investissement soutenues financièrement par l’Etat Régional ou Fédéral à travers une participation qui peut atteindre 75% du capital (soit 3 fois la mise des fondateurs) et ce pour le soutien financier des petites et moyennes entreprises innovantes. Mais la limite principale de cet acte est le plafonnement de la taille des investissements. Les SBIC étaient sous la tutelle de la Small Business Administration (SBA) qui était chargée de l’ensemble des aides aux PME. 12 Jean LACHMANN, Capital-risque et capital-investissement, Ed : Economica, 1999, p.20. E journal USA, op.cit., p.12. 13 96 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Le marché du capital-risque « s’emballait » sous l’influence de deux facteurs14 : La recherche d’une rotation très rapide du capital concentrait l’attention des investisseurs sur les montages financiers et donnait lieu à des plus-values spectaculaires sans rapport avec la performance des entreprises en question. Doriot remarquait en 1971 que « la fabrication de gains en capitaux semble avoir pris plus d’importance que la fabrication des produits ». La Bourse américaine s’enthousiasmait pour des entreprises de haute technologie provoquant un surenchérissement de leurs actions. Par la suite un autre évènement vint accentuer cette tendance haussière. Il s’agit de la mise en place de ce qui devint l’archétype de la forme institutionnelle du capitalrisque, c’est-à-dire le partenariat à responsabilité limitée (Limited Partnerships). Il s’agit d’une véritable innovation d’ordre institutionnel qui joua sans aucun doute un rôle important dans la consolidation de ce secteur d’activité. Cette forme évitait les obstacles des SBIC publics soumis aux caprices de l’actionnaire de base et échappait aux restrictions de la réglementation relative aux SBIC. Dès cette époque le caractère attractif de la nouvelle forme organisationnelle a pu être constaté à partir des capitaux qui ont été mobilisés. Entre 1969 et 1975 environ 29 partenariats limités furent constitués, qui levèrent 376 millions de dollars de capitaux15. C’est ainsi qu’en 1973 la National Venture Capital Association (NVCA) fut créée. Le Congrès mit un autre bâton dans les roues des investisseurs lorsqu’il augmenta l’impôt sur la plus-value en capital, le faisant passer de 25 à 50 %. La perspective de ne garder que la moitié des revenus provenant de leurs idées découragea les inventeurs16. Ce qui provoqua un fort ralentissement de l’activité au début des années 1970. La conséquence principale de ce fléchissement est que les 14 Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, op.cit, p.p. 12 et 13. Bernard PAULRE, le capital-risque aux Etats-Unis : structure et évolution du système, MATISSE – ISYS, UMR Paris 1 – C.N.R.S. n° 8595 Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, mars 2007, p.162. 16 E journal USA, op.cit., p.13. 15 97 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). gérants se tournèrent vers d’autres types d’investissement, c’est la période au cours de laquelle le marché du capital-transmission décolla. Peu de temps après le début de cette phase dépressive, le Congrès vota une loi : l’Employee Retirement Income Security Act (ERISA) accentuant les règles de prudence en limitant les possibilités d’investissement des fonds de pension. Le résultat fut brutal : les gestionnaires de fonds de pension s’abstinrent de participer aux investissements en capital-risque. Le capital-risque US toucha son point le plus bas en 1975 : le secteur dans son ensemble réalisa cette année-là un montant total d’investissement de 10 millions de dollars17. A la fin des années soixante-dix plusieurs évènements allaient redynamiser le marché du capital risque : Remaniement de l’impôt sur la plus-value à 28%, soit une baisse de près de 45%. Modification du texte ERISA de façon à permettre aux gestionnaires de fonds de pension d’investir en tant que capital-risqueurs dans des sociétés présentant un risque plus élevé. En 1980, Birch BAYH et un autre sénateur, Robert DOLE (sénateur républicain du Kansas), firent adopter la loi BAYH-DOLE, qui permettait aux universités et aux petites entreprises de garder, sous certaines conditions, les droits de propriété intellectuelle des innovations réalisées au moyen du financement public de la recherche18. Des introductions en Bourse très réussi eurent, lieu en cette période, contribuèrent à relancer l’intérêt pour le capital-risque. Le secteur du capital-risque se développa immédiatement et de façon spectaculaire. Pendant la première moitié des années 1970, on dénombra à l’échelle 17 18 Bernard PAULRE, op.cit. p.163. E journal USA, op.cit. p.13. 98 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). nationale 847 investissements de capital-risque. Ce chiffre passa à 1 253 pendant les années 1975-1979 et 5 365 pendant les années 1980-1984, ce qui représentait une augmentation de 700 % de ces investissements liquides19. A la fin des années soixantedix le capital-risque US connut l’une de ses plus fortes périodes de croissance. L’année 1978 marque le début d’une phase de croissance forte et continue qui s’achève en 1984 avec un montant total de débours de 3,7 milliards de dollars. En 1976, l’investissement total s’élève à peu près à 100 millions de dollars. En 1980, les sociétés de capitalrisque investirent presque 720 millions de dollars. En 1981 l’investissement doubla : 1,4 milliards de dollars furent déboursés. En 1988, le montant annuel de débours atteignit près de 5,5 milliards de dollars (acmé du cycle qui va de 1975 à 1991)20. Près de 80% du venture capital est localisé dans les régions historiques de la création technologique américaine, comme la Massachussetts, avec la célèbre Route 128, la Californie avec le Stanford Park et tout particulièrement la Silicon Valley21. Les dernières années de la décennie 1990 ont vu une explosion du venture capital, ce dernier est entré dans une phase d'hyper croissance. L'année 1999 a enregistré une hausse particulière dans tous les aspects touchant au venture capital. Le total des investissements a fait plus que doubler, les investissements en technologie ont triplé sous l'effet multiplicateur des investissements dans l'internet. Les années 2000 ont été marquées par deux crises majeures (bulle internet de 2001 et crise financière de 2007), ces deux évènements ont eu des répercussions négatives sur l’évolution du capital-risque américain. Après le pic de l’an 2000 (plus de 99 milliards USD), les investissements ont chuté pendant trois années pour atteindre en 2003 un montant total inférieur à 19 milliards USD. L’année suivante le capital-risque a repris le chemin de la croissance jusqu’en 2007, année de la crise, (plus de 30 milliard USD), qui sera suivie par une baisse de l’activité durant les deux premières années de la crise. L’année 2010 sera marquée par une légère augmentation 19 E journal USA, op.cit. p.13. Bernard PAULRE, op.cit. p.164. 21 Jean LACHMANN, op.cit. p.21. 20 99 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). due essentiellement aux prémices positives de sortie de crise sur l’ensemble des marchés mondiaux. Graphique n°12 : Evolutions récentes du capital-risque américain (de 1995 à 2010) en milliards USD. 120 100 80 60 40 20 0 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Source: Price waterhouse Coopers/National Venture Capital Association, Money Tree™ Report, Data: Thomson Reuters II. Le capital investissement dans le reste du monde : En Europe, l’émergence de la profession est plus récente, l’Association Européen de Capital-Risque (EVCA Européen Venture Capital Association) n’a vu le jour qu’en 1983 grâce à l’initiative des Communautés Européen pour la promotion de la profession. L'EVCA a pour principal objectif d'encourager et de développer le capital investissement en Europe, en ce sens, elle a accompli : 100 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Le lancement d'étude des problèmes de la profession en 1984, ce bilan s'appuiera sur le bilan des opérations de capital investissement déjà réalisées. L'initiation du projet Venture Consort en 1985, qui est un fonds communautaire qui finance en partie les investissements nationaux d'innovation. La constitution de « l'Euro Venture », un réseau de capital investissement regroupant une trentaine de grands groupes industriels (Philips, Olivetti, Saint Gobain, Volvo, Fiat...) et de grands établissements financiers (BNP, Suez, Amrobank...) dans un holding qui contribue aux opérations nationales de capital investissement22. Ces initiatives se sont conjuguées avec les incitations des pouvoirs publics nationaux, notamment en Grande-Bretagne et en France (premier et deuxième pays européens dans l’évolution de cette profession), pour accélérer le développement du capital-risque européen. Grâce à une action communautaire combinée, le capital investissement européen a connu une expansion exceptionnelle dans les années 80 où, en 1987 la collecte de capitaux a atteint un niveau historique : 3,9 milliard d'Ecus contre 3,8 aux Etats Unis23. Les tendances récentes du venture capital européen montrent que malgré l’essor qu'a connu le capital investissement européen à la fin des années 80 et au début des années 90, l'Europe accuse toujours un retard sur son homologue américain, puisqu'en 2001 les montants investis en Europe (12 milliards d'Euro) restent quatre fois plus faible qu'aux Etats-Unis24. Ce retard qu’accuse le capital investissement européen est dû à un certain nombre d’obstacle repris dans le rapport de la Commission Européenne, publié en 199825 : La dispersion et la non-corrélation entre les marchés nationaux. 22 Joël BESSIS, Capital-risque et financement des entreprises, Ed : Economica, 1988, p.36. Idem. 24 Selon www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/4pages/pdf/4p165. Consulté le 16/07/2013 25 Selon www. Industrie.gouv.fr/eic/dossier/doc/capinc.htm Consulté le 16/07/2013 23 101 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Un cadre institutionnel et réglementaire qui n'est pas propice à la transparence, à la stabilité et à la prévisibilité indispensables à l'expansion du capital investissement, engendré par la disparité dans les lois qui régissent cette activité entre les pays européens. Une pénurie de PME de haute-technologie, malgré l’existence d'un excellent potentiel de recherche et d'innovation dans le domaine de la haute technologie qui ne se reflète pas sur l'activité de capital investissement. L’existence de grande disparité dans les procédures fiscales entre les pays membres de l'Union Européenne. Cette diversité touche notamment l'imposition des capitaux propres (dividendes, bénéfices à distribuer), imposition des plusvalues et des sociétés de capital investissement. Un déficit en ressources humaines spécialisées dans ce domaine et le manque de formation. L’absence de l’esprit d’entreprise et d’une approche du risque qui sont nécessaires pour le développement de cette activité. Par la suite un grand nombre de pays asiatiques ont eux aussi suivi la tendance et introduit officiellement le capital-risque dans les années 90, à l’exception de Singapour et d’Israël qui l’avaient introduit plus tôt. De même certains pays africains tels que l’Afrique du Sud, la Tunisie, le Cameroun, le Ghana, la Côte d’Ivoire ont suivi cette tendance vers la mi-1990. En ce qui concerne l’activité du capital investissement dans notre pays, elle sera analysée dans la sous-section suivante. III. Le capital investissement en Algérie : Les différentes évolutions qu’a connues l’économie nationale surtout dans les années 1990 ont changé la vision du gouvernement vis-à-vis du développement économique. Cette vision qui était basé dans les années 1970 et 1980 sur les grandes entreprises a évolué pour s’intéresser aux PME, et cela par la création de plusieurs dispositifs d’encouragement et d’aide à leur création tel que l’Agence Nationale pour 102 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). le Soutien à l’Emploi des Jeunes (ANSEJ) et la Caisse Nationale d’Assurance Chômage (CNAC) qui contribuent de manière significatif au financement des PME. La réalité économique algérienne atteste son réel potentiel de développement, à condition, de procurer aux divers agents économiques, un cadre idéal (réglementation, fiscalité, dynamique des marchés, souplesse de l'offre et de la demande...) qui peut répondre aux tendances de développement de notre économie. Conscient de cet état des lieux le gouvernement algérien a décidé de renforcer ces dispositifs par d’autres, dont le plus important est la création d’une société de capital investissement, afin de promouvoir cette activité sur le marché national et par conséquent donner aux PME un nouveau mode de financement plus souple et sans obligation de garantie. Le capital investissement est une activité quasiment inexistante en Algérie. Elle a pourtant la réputation de favoriser, notamment, la création d’entreprises dans tous les secteurs tels que les nouvelles technologies. Le cadre réglementaire de cette activité n’a été défini que récemment par la loi n°06-11 du 28 Joumada El Oula 1427 correspondant au 24 juin 2006 relative à la société de capital investissement. Ceci n'a pas pourtant empêché certains établissements financiers tels que la FINALEP26 ou la SOFINANCE27 d'exercer ce métier. La première expérience dans notre économie fut celle de la FINALEP, qu’est une SPA créée le 30/06/1991 à l’initiative de deux banques algériennes : la Banque de Développement Local (BDL) et le Crédit Populaire d’Algérie(CPA) et de la Caisse Centrale de Coopération Économique (actuellement Agence Française de Développement), par la suite la Banque Européenne d’Investissement (BEI) a fait son entrée en 1995 dans cet actionnariat. Il est à préciser que cette SPA a été lancée, sans attendre la mise en place d’un cadre légale et réglementaire pour régir cette activité et elle a activé sous le seul couvert d’un avis de conformité du conseil de la monnaie et du crédit (avis N° 12 du 04/02/1991). Cette société a comme objectifs : 26 27 Financière Algéro-Européenne de Participations. Société Financière d’Investissement, de Participation et de Placement. 103 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Implanter dans le paysage financier algérien, ce nouveau mode de financement dédié au PME et mettre en place les outils et les procédures propres à ce métier. Constituer une sphère d’encadrement afin que les agents économiques puissent maîtriser les techniques de ce mode de financement. Sensibiliser les patrons et les promoteurs des PME sur les avantages que présente le capital-risque par rapport au crédit bancaire, et faire naitre entre eux un intérêt pour cette activité. Malgré son modeste bilan en termes de nombre de participations, l’expérience de la FINALEP a, en effet, dévoilé les contraintes faisant obstacle au développement du capital investissement et en conséquence a permis d’en projeter ses potentialités et ses succès futurs. 1. Cadre réglementaire du capital investissement en Algérie : 1.1. Loi n°06-11 du 28 Joumada El Oula 1427 correspondant au 24 juin 2006 relative à la société de capital investissement : La première contrainte qui freinait le développement de cette activité en Algérie était l’inexistence d’un cadre réglementaire pour la régir. La loi n°06-11 a été promulguer afin de parait à cette lacune. Cette loi a pour objet de définir les conditions d’exercice de cette activité par la société de capital investissement, ainsi que les modalités de sa création et de son fonctionnement et est subdivisé en six (6) chapitres28 : Objet, statut et capital (articles 2 à 9) : La société de capital investissement a pour objet la participation dans le capital social et toute opération consistant en des apports en fonds propres et en quasi fonds propres dans les entreprises en création, en développement, en transmission ou en privatisation. 28 JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE (JORADP), n°42 du dimanche 29 Joumada El Oula 1427 correspondant au 25 juin 2006. 104 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Elle peut exercer cette activité pour son propre compte ou pour le compte de tiers selon le stade de développement de l’entreprise objet du financement. La société de capital investissement est constituée sous la forme d’une société par action (SPA) et intervient par la souscription ou l’acquisition de toutes catégories de valeurs mobilières assimilées à des fonds propres (actions, certificats d’investissement, part sociales…). Le capital social de la société de capital investissement est détenu par des investisseurs publics ou privés, personnes morales ou physiques, et il est libérable comme suit : 50% à la date de la constitution de la société et 50% selon les dispositions prévues par le code de commerce. Exercice de l’activité de capital investissement (articles 10 à 16) : La société de capital investissement ne peut être créée qu’après l’obtention d’une autorisation du ministre des finances sur avis de la commission d’organisation et de surveillance des opérations en bourse (COSOB). Les fondateurs et les dirigeants de la société doivent jouir de leurs droits civils et répondre aux critères de compétence et de professionnalisme. Si l’autorisation d’exercer est retirée la société doit cesser ses activités immédiatement et elle sera dissoute selon les dispositions du code de commerce. Règles de prise de participation et d’emprunt des sociétés de capital investissement (articles 17 à 20) : La société de capital investissement ne peut employer plus de quinze pour cent (15%) de son capital et elle ne peut détenir plus de 49% de participation dans une même entreprise. La société de capital investissement ne peut intervenir que dans le cadre d’un pacte d’actionnaires, précisant la durée de la participation et les conditions de sa sortie de l’investissement. Ressources financières des sociétés de capital investissement (articles 21 à 23) : 105 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Les ressources financières de la société de capital investissement sont constituées de fonds propres, de quasi fonds propres (confiés par des tiers et par l’État pour être investis dans des opérations de capital investissements) et des dons. Contrôle (articles 24 à 26) : La conformité de l’activité de la société aux lois en vigueur est soumise au contrôle de COSOB. La société de capital investissement transmet à la COSOB et au ministère des finances tous les documents nécessaires au contrôle tel que le rapport d’activités semestriel, les documents comptables et financiers de fin d’exercice et les rapports des commissaires aux comptes. Statut fiscal de la société de capital investissement (articles 27 à 30) : La société de capital investissement est soumise au taux réduit de 5% aux titre de l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) et elle est exonérée de cet impôt pour les revenus qui proviennent des dividendes, des produits de placement, des produits et plus-values résultant de la vente des actions et des parts sociales. La société spécialisée dans le financement des entreprises naissantes (capital faisabilité et capital création) n’est pas soumise à l’IBS pour les cinq premières années de son activité. La société de capital investissement doit s’engager à ne pas retirer les fonds investis pendant une durée de cinq années, à compter la date de souscription ou d'acquisition, pour bénéficier des avantages cités ci- dessus. 1.2. Décret exécutif n° 08-56 du 4 Safar 1429 correspondant au 11 février 2008 relatif aux conditions d'exercice de l'activité de la société de capital investissement29 : Ce décret a été promulgué afin d’apporter des amendements à la loi n°06-11, notamment les articles 4, 9, 14 et 27. Ce décret a pour objet de fixer le capital social 29 JORADP, n°09 du Dimanche 17 Safar 1429 correspondant au 24 février 2008. 106 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). minimum, les modalités de sa détention, les conditions d'octroi et de retrait de l'autorisation d'exercice ainsi que le statut fiscal de la société de capital investissement. Capital social minimum et modalités de sa détention : Le capital social minimum de la société de capital investissement est fixé à cent millions (100.000.000) de dinars et la souscription à ce capital est réaliser exclusivement au moyen d'apports en numéraires ou d'acquisition d'actions. Une personne physique, son conjoint et leurs ascendants et descendants, une société ou des sociétés d'un même groupe ne peuvent détenir, directement ou indirectement, plus de quarante-neuf pour cent (49%) du capital d'une même entreprise. Le capital social est émis et inscrit en compte auprès d'un teneur en compte dûment habilité. Conditions d'octroi et de retrait de l'autorisation d'exercice : La demande d'autorisation d'exercice doit inclure, outre les documents cités dans l’article 10 de la loi n°06-11 : une déclaration sur l'honneur attestant que les fondateurs et les dirigeants de la société de capital investissement n'ont fait l'objet d'aucune des condamnations prévues à l'article 11 de la loi n° 06-11 et une note d'information exposant la stratégie d'investissement et notamment, les modalités d'intervention et les durées d'investissement envisagées. Statut fiscal de la société de capital investissement et des investisseurs : Pour bénéficier des avantages fiscaux de la loi n°06-11, la société de capital investissement doit s’engager à ne pas retirer les fonds investis pendant une période d’au moins cinq ans. Le délai de conservation est calculé par année calendaire à compter du 1er janvier de l'année qui suit celle de la date de chaque souscription ou acquisition. 107 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). 1.3. Arrêté du 16 Joumada Ethania 1431 correspondant au 30 mai 2010 portant modèle de l'engagement et définissant les règles pratiques de conservation par les sociétés de capital investissement des participations et de leur contrôle30 : Cet arrêté a pour objet de fixer le modèle de l'engagement et de définir les règles pratiques de conservation par les sociétés de capital investissement des participations et de leur contrôle. Pour bénéficier de l'exonération, la société de capital investissement est tenue de souscrire, auprès des services fiscaux territorialement compétents, un engagement de conservation des fonds investis, accompagné d'une demande d'exonération de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (I.B.S.), signés par le directeur général et le président du conseil d'administration. Un autre exemplaire de cet engagement doit être adressé à la COSOB. A compter de la date de mise en œuvre de l'exonération, la société bénéficiaire est tenue de produire, à l'appui de la déclaration annuelle des bénéfices, une attestation de respect des engagements délivrée par la COSOB. La société, ne respectant pas l’engagement pris, doit rembourser le montant correspondant à l'exonération consentie, majorée des amendes et pénalités prévues par la législation en vigueur. 2. Contraintes et perspectives du capital investissement en Algérie : 2.1. Les obstacles au développement du capital investissement en Algérie : L’activité du capital investissement est très peu développée dans notre pays, ceci est dû à un certain nombre de contraintes dont la plus importante était l’absence d’un cadre réglementaire qui régit cette activité. Cet obstacle a été levé par la promulgation de loi n°06-11 qui représente un effort réel de la part des autorités pour 30 JORADP, n° 47 du 12 Ramadhan 1431 correspondant au 22 août 2010. 108 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). encouragé ce métier. Malgré cela le capital investissement algérien n’arrive pas à décoller en raison de l’existence d’autres contraintes qui bloque son développement, dont les plus importantes sont : Le manque de ressources financières : Les sociétés de capital investissement qui opèrent dans notre économie n’utilisent que leurs fonds propres pour financer les PME et ne bénéficie ni de l’aide de fonds publics, ni des fonds d’autres institutions financières (fonds de pensions, fonds d’assurance…), ce qui limite considérablement leur champ d’intervention et les pénalises dans leur fonctionnement. Alors que dans les pays où le capital investissement est très développé ce sont les pouvoirs publics qui contribuent d’une façon importante au développement de ce métier. Le problème de mentalité et de culture d’entreprise : La majorité des entrepreneurs algériens prônent le cadre familiale pour la création de leurs entreprises et sont réticent à l’ouverture du capital de l’entreprise aux partenaires extérieurs, ce qui démontre que l’esprit d’entreprise, le goût du risque, le sens de l’innovation et parfois la transparence sont des éléments qui ne font pas partie de l’inné culturel de l’entrepreneur algérien. Ce qui nous conduit à dire que le développement de cette activité passe obligatoirement par un changement progressif du comportement et des mentalités de nos entrepreneurs par une sensibilisation sur les avantages qu’offre ce mode de financement. Le manque de mécanisme de garantie : La couverture des risques encourus par le capital-investisseur est une pratique courante voire nécessaire pour la promotion de ce métier. En Algérie, malgré l’existence de deux fonds de garanties des prêts aux PME, leur intervention et la garantie qu’ils offrent reste en deçà des espérances des capital-investisseurs qui se voient ainsi contraint d’opérer sur des segments qui représentent peu de risque, ce qui 109 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). ralenti considérablement l’évolution de cette activité et en parallèle freine l’émergence de nouvelles sociétés innovatrices et technologiques. Absence d’un cadre fiscale propre à cette activité : Hormis les exonérations dont elles bénéficient dans la loi n°06-11, les sociétés de capital investissement sont soumises aux dispositions du droit commun relatives aux valeurs mobilières de placement. Bien que ces dispositions favorisent l’investissement de manière générale, elles restent insuffisantes pour créer une dynamique de l’activité du capital investissement en Algérie. Par exemple les revenus tirés des investissements sont doublement taxés, une première fois dans le résultat de l’organisme de capital investissement et une seconde fois après la répartition des dividendes. Cette situation entraîne inévitablement une augmentation des coûts de l’investissement, et en conséquent, une dégradation des fonds investis. L’absence de mécanisme de sortie efficace : La phase ultime de tout investissement d’une société de capital investissement consiste dans la mise en œuvre d’un mécanisme de sortie qui doit allier deux objectifs : d’une part, la réalisation d’une plus-value par les intermédiaires spécialisés qui ont contribué au développement de l’entreprise et d’autre part, la possibilité pour l’entreprise d’accéder à d’éventuels relais de financement qui lui permettront de poursuivre sa croissance31. En l’Algérie cette phase constitue un véritable casse-tête pour les investisseurs, en raison de l’inexistence d’un marché financier performant et adapté aux besoins de cette activité. Le capital-investisseur ne disposant pas de choix pour la cession de ses parts, se retrouve obligé de négocier parfois en position de faiblesse, sa sortie avec les associés. 31 Jean LACHMANN, op.cit. 110 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). 2.2. Les perspectives et les atouts du capital investissement en Algérie : Sans faire fi des obstacles et des contraintes qui freinent l’évolution de ce métier, la situation macro-économique actuelle de l’Algérie présente certains aspects positifs pour le développement du capital investissement. L’existence d’un potentiel de PME : Vu le rôle qu’elles jouent dans la croissance, la création de l’emploi et l’augmentation de la richesse, les PME algériennes ont toujours bénéficié, depuis les années 1990, d’une place particulière dans les politiques menées par les différents gouvernements. Le nombre de PME est en constante progression, il a atteint 607.297 PME au premier semestre 2010, alors qu’il n’était que de 280.000 en 2003. Ce nombre constitue un vivier très important pour les sociétés de capital investissement32. Ce nombre est appelé à croitre d’avantage pour atteindre 1 millions à l’horizon 2014 (programme présidentiel 2010/2014), un potentiel susceptible de susciter le développement d’une activité de capital investissement dans notre économie. Les contraintes et les limites du financement bancaire : L’accroissement des besoins de financement des PME couplé à la baisse des autres moyens de financement (crédit bancaire, marché financier) représente une importante opportunité pour le développement du capital investissement. Le financement des PME par le crédit bancaire s’est souvent heurté aux difficultés pour ses entreprises de satisfaire aux critères d’éligibilité notamment la faiblesse des fonds propres et l’insuffisance voire l’absence de garanties. En plus les restrictions de l’accès aux crédits, à travers l’obligation faite aux banques d’appliquer les règles prudentielles, rend plus que nécessaire le recours des entreprises aux capitalinvestisseurs, pour assurer leur croissance. 32 Source des chiffres : www.pmeart-dz.org consulté le 12/02/2012. 111 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). La création des fonds d’investissement de wilaya : Après trois années de la promulgation de la loi n°06-11 relative aux sociétés de capital investissement. Le gouvernement algérien, constatant que le capital investissement offre une véritable possibilité d’accès aux financements pour les PME (surtout dans la phase de création), a décidé, par le biais de la loi de finance complémentaire 2009, de créer des fonds d’investissement dans les 48 wilayas du pays. Doté d’une enveloppe d’un milliard de dinars, chaque fond est autorisé à des prises de participation à hauteur de 50 millions de DA pour chaque entreprise, sauf autorisation directe du ministère des finances. La gestion des 48 fonds est partagée sur 5 établissements financiers, à savoir : la Banque Nationale d’Algérie (BNA avec 10 fonds), la Banque Extérieur d’Algérie (BEA, 10 fonds), la Société Financière d’Investissement, de Participation et de Placement (SOFINACE, 6 fonds), la Financière Algéro-Européenne de Participation (FINALEP, 6 fonds) et El Djazaïr Istithmar (16 fonds). L’activation de ces fonds d’investissement permettra d’impulser le développement local à travers la multiplication des projets d’investissement initiés localement, de participer à l’absorption du chômage à travers la création et le développement des PME par les jeunes entrepreneurs et d’augmenter l’offre de financement en direction de l’économie nationale par le développement de nouveaux produits financiers tels que le capital investissement. Accompagnement des investisseurs étrangers : L’ouverture de l’économie nationale sur le marché mondiale, notamment par les accords d’association avec l’union européenne et le processus d’adhésion à l’OMC, constitue une véritable aubaine pour attirer les investisseurs étrangers. Ces investisseurs ne chercheront pas seulement un partenaire mais aussi un financier qui apporte son argent et son expérience, c’est pour cela que les sociétés de 112 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). capital investissement seront de plus en plus solliciter. Ces dernières auront pour mission dans leur accompagnement des investisseurs étrangers : De faciliter leur contact et les aider dans les démarches administrative, bancaire, douanière…etc. Les informer sur les lois et règlements en vigueur dans notre pays. De participer avec eux dans des opérations de joint-venture…. Encadré n°5 : Les principales sociétés de capital investissement en Algérie. La FINALEP (Financière Algéro-Européenne de Participations)33 : La FINALEP/SPA est une société mixte algéro-européenne spécialisé dans le capital investissement en vue de financer des partenariats algéro-européen, créée le 30/06/1991 à l’initiative de deux banques algériennes : la Banque de Développement Local (BDL) et le Crédit Populaire d’Algérie(CPA) et de la Caisse Centrale de Coopération Économique (actuellement Agence Française de Développement), par la suite la Banque Européenne d’Investissement (BEI) a fait son entrée en 1995 dans cet actionnariat. Il est à préciser que cette SPA a été lancée, sans attendre la mise en place d’un cadre légale et réglementaire pour régir cette activité et elle a activé sous le seul couvert d’un avis de conformité du conseil de la monnaie et du crédit (avis N° 12 du 04/02/1991). Outre les interventions en fonds propres, la FINALEP participe activement à toutes les étapes dans la concrétisation d'une opération d’investissement : Recherche et identification de partenaires à travers le réseau des banques actionnaires et les banques de données internationales. Recherche de préfinancements pour la prise en charge des études de faisabilité. Assistance dans l'élaboration des études de faisabilité. Recherche de crédits domestiques et extérieurs. Assistance dans l'accomplissement des formalités administratives et légales. Société financière d’investissement, de participation et de placement (SOFINANCE) 34 : La création de la SOFINACE a été décidée sur la base d’une résolution du Conseil National des Participation de l’Etat (CNPE) du 06 août 1998 et a été agréée par la Banque d’Algérie le 09 janvier 2001. La SOFINANCE a comme principales missions l’accompagnement dans la modernisation de l’outil de production national et le développement de nouveaux produits financiers. L’objectif principal assigné à cette société est de contribuer à la consolidation et à la relance de l'économie en instaurant une nouvelle démarche dans le financement des entreprises en se basant sur : 33 34 www.finalep.com.dz consulté le 21/03/2012. www.sofinance-dz.com consulté le 21/03/2012. 113 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). La modernisation de l’appareil de production par les investissements de mise à niveau et de modernisation. La densification du tissu industriel à travers des opérations de filialisation, de cession, de fusion et de création d’entreprise. Le redressement des entreprises publiques. La recherche de partenaires techniques et/ou financiers pour des prises de participation. La résolution CNPE du 20 octobre 2003 élargit les interventions de la SOFINANCE aux missions suivantes : Assistance et conseil aux Entreprises Publiques Economiques (EPE) dans les opérations de privatisation et de cession, de la phase d'évaluation à la phase de cession. Conseil aux EPE au titre de la promotion de l'outil public. Gestion des ressources publiques marchandes non-affectées. Développement d’un centre d'ingénierie financière pour le CNPE au bénéfice des EPE. La société d’investissement algéro-saoudienne « ASICOM »35 : Créée par une convention signée en 2004 entre le Royaume d’Arabie Saoudite et l’Algérie, dans le cadre du renforcement des relations entre les deux pays. La Société Algéro – Saoudienne d’Investissement est la première institution mixte et à capitaux publics, spécialisée dans le capital investissement. ASICOM a pour principale mission la promotion de l’investissement entre les deux pays. Cette société intervient dans la promotion et le financement de projets, en Algérie et en Arabie Saoudite, relevant notamment des secteurs industriel, agricole, immobilier et du tourisme. L’ASICOM intervient selon les règles de participation des sociétés de capital investissement c'est-à-dire une participation minoritaire et limité dans le temps mais qui assure une représentation au sein de l’organe de la société financée. El Djazaïr Istithmar36 : El Djazaïr Istithmar/Spa est une société de capital investissement créée à l’initiative de deux banques publiques : Banque d’Agriculture et de Développement Rural et la Caisse Nationale d’Epargne et de Prévoyance (BADR et CNEP Banque). Elle est agréée par le Ministère des Finances depuis le 11.05.2010 et elle est dotée d’un capital social de 1 milliard de dinars. Cette société a pour missions : La mise à la disposition des PME d’un produit financier permettant de combler les insuffisances constatées au niveau du haut du bilan (fonds propres). Encourager les entrepreneurs à créer de nouvelles entreprises dédiées aux NTIC (notamment les start-up). La contribution au programme de développement et de mise à niveau des PME. Participer à la dynamisation du marché financier (la Bourse). 35 36 www.asicom.dz consulté le 21/03/2012. www.eldjazair-istithmar.dz consulté le 21/03/2012. 114 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre I : Définition, caractéristiques et historique du capital-risque (capital investissement). Améliorer la structure financière de l’entreprise sous capitalisée pour lui faciliter l’accès au crédit bancaire. El Djazaïr Istithmar intervient dans tous les stades de développement de l’entreprise par des participations minoritaires (maximum 49%) et peut également prodiguer conseils et assistance dans son domaine de compétence. 115 Chapitre II : La pratique du capital investissement. Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Chapitre II : La pratique du capital investissement. Le capital investissement n’est pas réductible à une technique financière unique qui s’appliquerait quel que soit le stade de développement de l’entreprise. Il fait appel à différents « métiers » adaptés à la problématique du projet : amorçage, création, développement, retournement, reprise ou transmission d’une entreprise par les opérations dites à effet de leviers (LBO). Pour mieux comprendre l’intervention du capital investissement il est utile d’examiner le rôle qu’il est amené à jouer dans les différentes étapes du développement d’une entreprise, de l’idée à la maturité, en passant par le démarrage puis la croissance. De ce fait, la profession de capital-investisseurs s’apparente à des réalités très diverses, selon l’étape du développement dans laquelle se trouve l’entreprise. Dans ce chapitre intitulé pratique du capital investissement nous analyserons les différents métiers de cette activité et la sélection des projets d’investissement dans la première section. La deuxième section quant à elle sera consacré aux opérations de sortie et ce en examinant les sorties par introduction des sociétés en bourse et celles qui se réalisent par une revente à d’autres partenaires industriels et financiers. Section I : Les différents métiers du capital investissement et la sélection des investissements. I. Les différents métiers du capital investissement : Schématiquement, il est possible de regrouper ces métiers en trois grandes phases de la vie de l’entreprise aux quelles correspondent des offres de financement spécifiques1 : Le capital-risque au sens strict concerne essentiellement la création et le démarrage des entreprises. 1 Joël BESSIS, op.cit. p24. 117 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Le capital développement, destiné aux affaires existantes mais en phase de croissance. La transmission des entreprises en maturité, avec les opérations de types LBO (laverage buy out). 1. Le capital-risque : Le financement par capital-risque au sens strict est la prise de participation dans des entreprises, en principe des sociétés non établies et dont le devenir est incertain, à un moment où les risques ne leurs donne pas accès aux financements traditionnels. Ces risques importants sont compensés par des perspectives de rentabilité et de croissance élevées. Pour les opérateurs de capital-risque, cette rentabilité est différée et réalisée au moment de leur sortie du capital des affaires qu’ils financent. Ce mode de financement concerne les premières phases de la vie d’une entreprise et peut être divisé en trois2 : Le capital amorçage (seed capital). Le démarrage (Start up). La post-création ou la phase de première croissance. 1.1. Le capital amorçage : Le financement par capital amorçage concerne la première étape de la création de l’entreprise (zero stage) c'est-à-dire la recherche et développement qui se situe en amont du lancement de la société. Souvent l’entreprise n’a pas d’identité juridique et les brevets, en cas d’innovation, n’ont pas encore été déposés, le créateur réalisant le prototype « dans son garage » et à ses propres frais. L’objectif principal de ce financement est de prouver la faisabilité de l’idée ou du projet. Et pour cela le créateur ne dispose que de quelques idées, des plans mais aussi parfois des publications de recherche qui démontrent qu’il est un spécialiste et qu’il travaille sur le projet depuis plusieurs années. Le financement des nouvelles firmes ne peut être assuré que par des fonds personnels ou des ressources mises à disposition par la famille et les amis (love saving/money) ou par des particuliers-investisseurs à la recherche d’avantages fiscaux 2 Jean LACHMANN, op.cit. p 30. 118 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. (business angels) et ce en raison du taux élevés du risque d’échec. La finalité de cette étape est de permettre l’élaboration du plan de développement (business plan) pour convaincre les investisseurs de financer le démarrage ou le lancement du nouveau projet. Le fonds d’investissement étudie ici une activité et un marché qui ne sont qu’au niveau de projet fictif. Pour encourager ce genre de financement tous les Etats du monde ont mis en place différents mécanismes d’incitation dont le plus important est celui des « des R et D partnerships » aux Etats-Unis dans lesquels les investisseurs en recherche et développement étaient rémunérés par des royalties sur l’exploitation de la technologie financée. 1.2. Le démarrage (Start up) : C’est le financement de la création de l’entreprise, il concerne le premier tour de table (round) et les premières années de la vie de la firme. Dans cette phase le principal souci de l’entreprise est de trouver des clients et à fournir le produit ou le service demandé et ainsi se faire connaître sur le marché, ce qui nécessite un supplément de fonds que l’entreprise ne détient pas. Cette lacune peut être comblée par l’introduction d’un capital-risqueur spécialisé en financement des entreprises nouvellement créées, car il est très difficile de mobiliser un financement bancaire traditionnel. Il s’agit à ce niveau pour l’investisseur d’acquérir les participations d’une société ayant déjà validé son business plan et étant à la recherche de fonds pour lancer réellement son activité. Les capitaux ainsi investis vont servir à la constitution légale et effective de la société et à l’acquisition de locaux, de matériaux ou d’équipements. Ce segment d’activité a connu son véritable essor lors de la bulle informatique du début des années 2000, qui a poussé les fonds, attirés par les perspectives de rendements très importants, à investir massivement dans les jeunes entreprises du secteur des nouvelles technologies. Cette période a notamment servi à réguler et à responsabiliser ces mêmes fonds, qui ont connu de lourds échecs après l’éclatement de la bulle. 119 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. L’aspect très risqué de ce segment conduit les fonds à n’investir la plupart du temps qu’en tant qu’actionnaire minoritaire dans l’entreprise. Cette caractéristique a fait l’objet de nombreuses critiques ; les économistes remettant en cause la faible création de synergie lors de l’arrivée du fonds d’investissement, puisque le fonds ne possède qu’une part minoritaire de l’entreprise, il ne s’impliquera que très peu dans la gouvernance de la société. Sur l’ensemble du secteur du capital-risque, les fonds les plus présents sont des filiales de groupes industriels ou des fonds régionaux. On trouve également beaucoup de fonds indépendant spécialisés dans l’amorçage et/ou la création. 1.3. La post-création ou la phase de première croissance (early stage) : Cette phase concerne les premières années de démarrage de l’entreprise et peut aller jusqu’au stade du lancement industriel et commercial du projet qui constitue encore une période de très grande vulnérabilité et peut relever des même difficultés de financement que les deux précédentes étapes. A ce stade la survie de l’entreprise passe par deux exigences3 : A court terme, l’entreprise doit assurer l’équilibre des recettes et dépenses, y compris celles nécessaires au maintien, voire au remplacement, de l’appareil productif. A plus long terme, l’entreprise doit dégager une trésorerie suffisante pour financer son développement et démontrer la rentabilité des investissements antérieurs. Afin de stimuler le développement de l’entreprise le fonds de capital-risque doit investir des sommes supplémentaires et ainsi permettre à la firme d’atteindre une certaine taille et une bonne rentabilité. Ces dernières faciliteront la réalisation d’une plus-value lors de la revente des participations du fonds de capital-risque. Enfin, l’entreprise commence à dégager un certain chiffre d’affaire qui lui permet d’atteindre le « point mort » (égalité entre les recettes et les dépenses). 3 Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, op.cit. p 44. 120 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. 2. Le capital développement : Après avoir franchi les deux étapes précédentes, l’entreprise connaît un certain niveau de réussite. Il ne s’agit plus de création ou de mise en marché de la société ; les produits sont existants, la clientèle est présente et les managers ont fait leurs preuves. Elle est solidement implantée sur son marché, ses clients lui sont fidèles, son outil de production est bien rodé et elle peut répondre aux exigences de la clientèle en ce qui concerne la qualité de ses produits et les délais de livraison. De plus, l’investisseur en capital bénéficie d’une base financière sur laquelle fonder son évaluation et ses prévisions, puisque l’entreprise génère du chiffre d’affaires en évolution sur plusieurs années. Ainsi les banquiers lui feront confiance et les actionnaires constateront une rentabilité correcte des fonds investis. L’ensemble de ces avantages facilitera l’obtention de nouveaux concours financiers du fait de la baisse du risque par rapport à l’étape précédente. Le financement de la phase de développement de l’entreprise peut être scindé en trois4 : 2.1. Le financement du second stade de développement (second stage) : Il s’agit du deuxième tour de table financier qui permet entre autre de couvrir les besoins en fonds de roulement résultant de la croissance des ventes, en particulier quand l’entreprise se trouve contrainte d’accorder des délais de paiement plus longs pour accéder à certains marchés. 2.2. Le financement de l’expansion (expansion capital) : Le financement de l’expansion se rapproche beaucoup du capital post création, à un stade plus avancé de la vie de l’entreprise, il s’agit du financement du troisième round. Il est destiné à générer une forte croissance au niveau de l’activité de l’entreprise, en acquérant du nouveau matériel de production, des supports commerciaux, des moyens de communication ou le recrutement d’une nouvelle équipe. Il peut également financer l’installation de l’entreprise sur un nouveau marché. 4 Jean LACHMANN, op.cit. p 31. 121 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Si l’autofinancement ou les ressources internes ne sont pas suffisants l’obtention de concours financiers extérieurs ne devrait pas poser de gros problème à ce stade de développement de l’entreprise. A cette étape, il se pose deux problèmes majeurs : obtenir une croissance rapide et assurer le financement de cette croissance, d’où deux nécessité pour l’entreprise. D’abord, le chef d’entreprise doit déléguer ses responsabilités à d’autres cadres pour obtenir une gestion efficace. Ensuite, la nécessité d’un contrôle efficace des coûts et de la trésorerie5. Le financement de l’expansion est considéré comme le cœur du capital développement. 2.3. Le financement d’attente (mezzanine financing) ou le financement relais (bridge financing) : Ce segment se situe à mi-chemin entre le capital développement et le capitaltransmission et permet à l’entreprise de faire le relais pour préparer la reprise par un repreneur, financiers ou industriel, ou l’introduction en bourse. L’intérêt du bridge financing est de maintenir le taux de liquidité de l’entreprise constant avant la vente ou la mise en bourse, pour permettre de réaliser des investissements sans dégrader les ratios lors de la valorisation de celle-ci. Il s’agit d’un financement obligataire ou de prêt subordonnés qui permet au fonds d’investissement de se placer à la fois comme actionnaire et créancier de l’entreprise, et ainsi diversifier le risque encouru. 3. Le capital-transmission/reprise : L’entreprise à maintenant atteint son but. Ses atouts sont sa taille, ses ressources financières et la compétence de sa direction. Si elle sait préserver son esprit d’entreprise, elle deviendra une force importante sur le marché. Si non, elle risque d’entrer dans une autre phase, celle du déclin. Ce financement comprend les opérations liées aux entreprises arrivées à maturité, après avoir achevé leur phase de croissance 5 Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, op.cit. p 49. 122 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. industrielle, elles entrent dans le dernier stade de développement. Différentes options sont, alors, offertes aux dirigeants de la société6 : soit engager une dernière ou une nouvelle poussée de croissance, soit se retirer en vendant tout simplement leur affaire, soit réaliser une partie de leur patrimoine. La capital-transmission est utilisé pour faciliter la transmission de l’entreprise à une autre entité industrielle ou à une personne physique, appuyée par un fonds d’investissement ou par une institution financière telle qu’une banque. Il s’agit d’investissements effectués à l’occasion du rachat de sociétés en association avec leurs dirigeants (Management Buy Out ou « MBO ») ou des repreneurs extérieurs (Management Buy In ou « MBI ») en utilisant des techniques financières à effet de levier bancaire (Leveraged Buy Out ou « LBO » ). Encadré n°6 : Les différentes opérations à effet de leviers7. Leverage buy out (LBO) : Prise de contrôle d’une entreprise avec effet de levier (leverage). Acquisition d’une entreprise par une société holding regroupant les investisseurs et les dirigeants qui financent l’acquisition, au moyen d’un emprunt remboursé grâce aux dividendes versés par la société rachetée. Leverage management buy out (LMBO) : Prise de contrôle d’une entreprise avec effet de levier par les investisseurs comprenant les managers de la société cible. Management buy out (MBO) : Rachat d’une entreprise par ses propres dirigeants associés à des capital-investisseurs extérieurs. Management buy in (MBI) : Rachat d’une entreprise par des repreneurs en association avec des capital-investisseurs. Buy in management buy out (BIMBO): 6 7 Jean LACHMANN, op.cit. p 32. Traitement personnel à partir de plusieurs sources. 123 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Le BIMBO repose sur l’association d’un manager venu de l’extérieur et de cadres de direction de l’entreprise. Leverage buy up (LBU) : Rachat d’une entreprise qui servira de pôle de regroupement dans l’idée de construire un petit groupe spécialisé, avec des apports de capitaux supplémentaires. II. La sélection des investissements : Comme le disait le général DORIOT : « les hommes et les idées sont nos actifs. Leurs mesure et leur évaluation est notre problème ». À la lecture de cette phrase nous comprenons que le processus de sélection des investissements ne repose nullement sur des critères mécaniques, quantifiables ou « objectifs », mais plutôt sur des critères qualitatifs qui seront jugés et appréciés par les dirigeants du fonds de capital-risque. La première condition pour qu’un entrepreneur trouve un capital-investisseur, c’est qu’il ait besoin de fonds pour le projet dont il est porteur, qu’il soit prêt à ouvrir le capital de son entreprise et à partager son pouvoir et qu’il puisse convaincre le capital-investisseur de ses qualités d’entrepreneur8. En première analyse, il existe quelques distinctions immédiates entre l’offre de financement traditionnelle et l’offre de capital-risque, ce qui explique pourquoi les capital-investisseurs s’étalent plus sur les critères qualitatifs que quantitatifs du projet. Ces distinctions peuvent être résumées comme suit9 : Les opérateurs de capital-risque interviennent en amonts de la finance traditionnelle, car les entreprises ou les projets financés ne satisfont pas aux critères d’obtention des financements habituels. Les participations réalisées présentent un niveau de risque plus élevé que les opérations classiques, compensés par des perspectives de rentabilité différées importantes. 8 9 Gilles MOUGENOT, op.cit. p 87. Joël BESSIS, op.cit. p 20. 124 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Les opérateurs de capital-risque sont des opérateurs « actifs » plutôt que passifs, qui ajoutent de la valeur aux entreprises financées en les assistants dans différents domaines. Etant donné le rôle important que jouent les personnes dans la réussite de l’entreprise le dossier ne peut être évalué à « distance », c’est pour cela que les investisseurs procèdent à ce qu’on appelle en anglais les due diligence qui désigne les vérifications opérées par ces derniers sur l’équipe dirigeante (l’entrepreneur et son équipe), la société (lieu de travail), son secteur et ses marchés (clients et fournisseurs actuels et potentiels) et sur le business plan10 : 1. L’évaluation de l’entrepreneur et de son équipe : L’importance de cette vérification peut être résumée par la phrase du général Doriot qui répétait : « je préfère un homme de catégorie A avec une idée de catégorie B à un homme de catégorie B avec une idée de catégorie A ». Tout en posant des questions objectives sur le projet (produit/marché, business….), l’investisseur posera certaines questions sur l’entrepreneur lui-même, sur sa perception et sa conception de l’entreprise, ses motivations et sa manière de travailler. Le premier facteur d’appréciation concerne l’aspect personnel de l’entrepreneur. L’analyse personnelle permettra à l’investisseur de pénétrer trois sphères essentielles du parcours de l’entrepreneur : l’enseignement qu’il a reçu, son expérience professionnelle et sa vie familiale. C’est ainsi que l’investisseur jugera est ce que l’entrepreneur est audacieux ? Est ce qu’il attentif aux nouvelles opportunités ? Est ce qu’il a l’énergie pour assurer une bonne croissance de l’entreprise ? Est-il capable de surmonter les échecs et en tirer des leçons ? Est-ce qu’il trouvera des solutions pour résoudre les difficultés qu’il rencontrera ? Quelle serait sa réaction face à la concurrence ? Garde-t-il un œil sur le long terme ?...etc. 10 Gilles MOUGENOT, op.cit. p.211. 125 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Après avoir eu une certaine vision sur l’entrepreneur, l’investisseur se tournera vers l’équipe dirigeante de l’entreprise, pour savoir si les dirigeants sont expérimentés. Car de nos temps la bonne croissance d’une entreprise ne dépend pas d’une seule personne mais plutôt d’un groupe de personnes qui ont des objectifs communs et une certaine complémentarité des compétences. L’évaluation de l’équipe dirigeante repose sur l’analyse des réalisations et résultats antérieurs de chaque membre dans leurs situations précédentes et ce auprès d’anciens employeurs, collaborateurs et relations d’affaire. L’investisseur cherchera aussi une équipe stable, engagée dans l’entreprise et qui déclarera son intention d’y consacrer l’essentiel de son énergie et de son temps, au moins aussi longtemps que l’investisseur reste actionnaire. Car le futur d’une entreprise peut être sévèrement compromis par le départ de plusieurs cadres qui vont offrir leur service à des entreprises concurrentes. Pour que l’engagement des dirigeants soit plus significatif, ils doivent partager les objectifs financiers de l’investisseur (réalisation d’une forte plus-value) par une participation au financement initial et aux résultats à long terme. Ainsi, en cas de difficultés, les dirigeants auront tout intérêt à multiplier leurs efforts pour sauver l’entreprise, au lieu de chercher un autre emploi. Enfin, l’investisseur en capital rencontrera, peut-être, aussi les autres actionnaires pour comprendre pourquoi ils ont investi dans le projet : est-ce simplement parce que ce sont des amis, ou est-ce pour des raisons financière ? Veulent-ils rester actionnaire ou quitter le navire ? Quelle est la marge de manœuvre pour négocier avec eux ?11 2. L’évaluation du couple produit-marché : Dans son analyse du couple produit-marché l’investisseur ne doit pas être attiré par une grande taille de marché ou par une nouvelle technologie, car l’expérience a 11 Gilles MOUGENOT, op.cit. p.217. 126 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. montré que les meilleures réussites correspondent à des avancées acceptables et à des marchés de petite taille. Cette étude se fera auprès des clients actuels de l’entreprise pour connaître leurs critères d’achats, leur degré de satisfaction, leur perception du prix, leur volonté de continuer à être clients de la société, leur potentiel d’achat futur,…etc.12 Sur le plan technique l’investisseur vérifiera que si le produit est original et qu’il présente de véritables atouts techniques vis-à-vis de la concurrence. Mais ça ne suffit pas, le produits doit offrir de réels avantages aux clients, ce qui permettra de le vendre à des prix élevés compte tenu des économies qui peuvent être réalisées grâce à l’utilisation de ces produits. En définitif, les investisseurs préfèrent les produits qui représentent de réels avantages (pour l’entreprise et les clients) avec des marchés délimités afin d’éviter des marchés nécessitant une production de masse et une commercialisation à bas prix (risque de surdimensionnement de l’unité de production par rapport à la demande et risque d’obsolescence). Cette approche à un double avantage. Aux yeux des clients, l’entreprise se fait très vite connaître par sa bonne connaissance de leurs activités. Par contre, vis-à-vis des concurrents potentiels, l’entreprise paraît localisé et peu conséquente. En outre, si le créneau est en croissance, la tension concurrentielle sera moins forte, ce qui facilite l’implantation d’une nouvelle société13. 3. L’évaluation du plan financier : Cette évaluation a deux principaux objectifs, évaluer le montant du financement extérieur nécessaire à l’entreprise, qui repose sur des prévisions de trésorerie, et estimer sa valeur, ce qui repose sur des prévisions de résultats. 12 Gilles MOUGENOT, op.cit, p.219. Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, op.cit. p.61. 13 127 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Etant donné que les résultats d’une opération d’investissement en capital-risque ne seront perceptibles qu’à long terme, l’investisseur sera plus préoccupé, à court terme, par les soucis de trésorerie, car une trésorerie insuffisante peut être pénalisante pour une entreprise en croissance. Donc, il faut être relativement pessimiste en ce qui concerne l’autofinancement et les besoins en fonds de roulement, mais relativement optimistes en ce qui concerne le taux de croissance, car la croissance entraîne des tensions de trésorerie14. L‘investisseur cherchera à organiser le financement par étapes, parallèles à celle de la croissance de l’entreprise. En effet, il vaut mieux découper l’engagement financier sur plusieurs tranches correspondantes chacune à des objectifs précis à court terme, en contrepartie chaque tranche ne sera engager qu’après avoir atteint les objectifs fixés auparavant. Cette approche répondra au souci de l’investisseur d’organiser des tours de financement successifs. A chaque étape, les progrès enregistrés par l’entreprise devraient normalement justifier une augmentation de sa valorisation. Le passage de chaque étape étant marqué par une augmentation de capital, le prix de l’action devrait devenir progressivement plus élevé15. La fixation de la valeur de l’entreprise au moment de l’investissement repose sur des prévisions de résultats à long terme, ce qui la rend très approximative vu l’horizon éloigné et les aléas de l’environnement économique. Cette évaluation de la valeur de l’entreprise est primordiale car l’investisseur encaissera rarement des dividendes et la source principale de rentabilité de son investissement sera celle de la cession au moment de sa sortie. 14 15 Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, op.cit, p.62. Ídem. 128 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. 4. L’établissement d’un business plan : La rédaction d'un plan de développement (business plan) correspond à un travail de fond nécessaire à la mise en place d'un projet d'entreprise. Ce travail conséquent permet à l'entrepreneur de se poser un ensemble de questions sur tous les aspects de la création et du développement de son projet, et d'y apporter des éléments de réponse. Ce plan est souvent confondu avec l’étude de faisabilité initiale ou avec celle des prévisions financières. Avant de s'engager avec un entrepreneur dans une aventure qui durera au moins 5 ans, la plupart des investisseurs en capital-risque veulent vérifier que le plan qui leur est soumis a été soigneusement réfléchi, et que l'équipe chargée de le manager a les compétences requises pour le mener à bien, profiter des opportunités qui pourraient se présenter, résoudre les inévitables problèmes et faire des profits. Bien que des capital-risqueurs n'accepteront de rencontrer l'entrepreneur qu'après avoir pris connaissance de son business plan. Il importe donc que le plan soit bien préparé, persuasif et communique favorablement le potentiel de l'entreprise. S'il doit présenter tous les aspects de l'affaire, il ne doit pas être trop détaillé au point que les investisseurs potentiels n'arrivent pas au bout de sa lecture. Le business plan n'est pas seulement un dossier à l'intention d'éventuels investisseurs il est aussi très important pour l'entrepreneur lui-même. Sa préparation est en effet l'occasion pour lui de bien réfléchir à tous les aspects de son entreprise, d'envisager les conséquences de différents axes de marketing, d'évaluer plusieurs stratégies financières et opérationnelles, de se fixer des objectifs et de déterminer les ressources humaines, physiques et financières nécessaires pour les atteindre. Il indiquera également les risques importants que l’entreprise pourra rencontrer et les mesures que devront prendre les dirigeants s’ils s’y trouvent confrontés. En fait, le plan de développement est à la base du « contrat moral » d’association entre le fonds de capital-risque et l’équipe de direction. Il doit décrire 129 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. l’ensemble des objectifs à long terme et la stratégie qu’entend suivre la direction de l’entreprise16. Encadré n°7 : Modèle d’un business plan17. Introduction – Résumé : Le résumé est la dernière partie du business plan à rédiger, même si nous la retrouvons en introduction. Elle permet ainsi aux lecteurs de voir rapidement le contenu du business plan, sans entrer dans tous les détails. Il est donc important de bien utiliser le résumé pour mettre en évidence les points clés de votre business plan. Projet – Vue Globale : Cette section doit rester brève et concise. Nature du projet Précisez ici l'idée qui vous a incité à vous lancer dans ce projet. Présentez le but de votre projet et votre activité (produits et services). Dans le cas d’une franchise, présentez ici l’enseigne que vous souhaitez rejoindre. Les atouts, les freins Présentez dans cette section les atouts et les freins que vous avez identifiés au lancement et au développement de votre activité. Mettez en évidence également les avantages compétitifs de votre activité et de votre marché. Précisez également ce qui vous rend confiant dans la réussite de votre entreprise. Historique du projet Présentez ici les grandes étapes de constitution de votre projet. Les objectifs Présentez ici les objectifs souhaités et les buts que vous vous êtes fixés en termes de rentabilité, de développement, de croissance, de taille d’entreprise. N’hésitez pas à préciser vos éventuels projets futurs. Analyse du marché (national) et stratégie : Les clients 16 17 Marc BERTONECHE, Lister VICKERY, op.cit. p.64. Traitement personnel à partir de plusieurs sources. 130 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Présentez ici en quelques mots la clientèle visée, votre cœur de cible et les zones géographiques visées. Le marché Présentez ici les caractéristiques de votre marché et de votre activité, ainsi que leurs évolutions respectives. Caractéristiques de la demande Présentez ici le volume et l’évolution de la demande, le type de clientèle, ses attentes, les points clés concernant son mode de consommation, … Caractéristiques de l’offre Décrivez ici l’environnement sectoriel, les circuits de distribution et leurs évolutions, la concurrence, … Les concurrents Présentez ici les principaux concurrents, leurs forces et faiblesses. Stratégie Présentez ici votre stratégie face à ces différents éléments. Etude de marché (local) : Emplacement du magasin Est-ce que cet emplacement favorisera un attrait élevé du point de vente ? Cet emplacement est-il accessible et visible ? L’environnement concurrentiel proche est-il propice au succès ? Zone de chalandise Précisez ici les critères qui vous ont permis de déterminer et de choisir votre zone de chalandise. Enquête terrain Avez-vous réalisé une enquête terrain auprès de la clientèle visée ? Si oui, précisez ici les résultats de cette étude. Evaluation du marché Evaluez ici votre marché potentiel compte tenu des éléments précédemment établis. Implantation de la concurrence Etablissez ici une cartographie des concurrents directs. 131 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Management Moyens commerciaux Détaillez dans cette section : - votre politique de prix - votre politique de produit - votre politique de distribution - votre plan de communication Moyens de production Précisez ici l’ensemble de vos moyens de production (fournisseurs, moyens logistiques, …). Moyens humains Présentez ici votre future équipe (gérant, cogérant, vendeurs,…) et l’ensemble des personnes qui vous entoure dans votre projet (avocats, cabinets spécialisés, …). Moyens administratifs et divers Présentez ici l’ensemble des autres moyens (informatiques, comptables, …). Investissements et Prévisions : Chiffre d’affaires prévisionnel Précisez ici le mode de calcul retenu (en fonction du local, en fonction de la surface, …). Effectuez un détail du chiffre d’affaires prévisionnel par produit. Effectuez un détail du chiffre d’affaires prévisionnel mensuel. Evaluation financière Détaillez dans cette section : - les indicateurs clés de gestion - l’investissement initial. 132 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Section II : Les sorties du capital-investisseur. La question de la sortie de l’investisseur cristallise, de façon régulière, un conflit d’intérêts avec le chef d’entreprise. Tout simplement parce que le second redoute que le premier ne l’oblige à mettre en vente la totalité du capital de son entreprise suivant des modalités qui ne lui conviennent pas ou à un moment qu’il n’aurait pas choisis, tandis que le premier craint que le second se désintéresse de la liquidité de sa participation. Les hypothèses de sortie, c’est-à-dire quand et à qui les investisseurs vont-ils céder leur participation suite à la réalisation du projet, sont évoquées entre investisseurs et entrepreneurs lors des premiers entretiens. Il faut qu'il y ait un préaccord entre les deux partenaires et si le chef d'entreprise a des réticences sur un type de sortie, il devra le mentionner rapidement. L’entrée d’un partenaire financier ne se fait que parce qu’elle est souhaitée par le chef d’entreprise. Elle se justifie soit pour accroître les fonds propres de son entreprise et financer le développement de sa société, soit pour réorganiser le capital de sa société en vue de diversifier son patrimoine ou de remplacer un actionnaire existant. De son côté, l’entrée du partenaire financier est motivée par les informations fournies par le chef d’entreprise et notamment son business plan qui synthétise son projet de développement. Certes l’idéal pour certains entrepreneurs c’est d’avoir un partenaire financier de type « sleeping » qui restera longtemps au capital en étant rémunérés par des dividendes18. Mais la liquidité des marchés de capital investissement et l’obligation de remboursement des capitaux qui leur ont été confié par des tiers contraint les investisseurs à penser à une sortie gagnante dès le début du projet. Pour être optimisée, la sortie du partenaire financier doit elle aussi être un objectif partagé entre celui-ci et le chef d’entreprise. Il est essentiel de préciser, à 18 Pierre BATTINI, op.cit. p.155. 133 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. titre préliminaire, que la sortie de l’investisseur financier ne signifie pas la fin de l’aventure pour le chef d’entreprise : ceci se comprend aisément dans le cas d’une introduction en bourse ou d’un remplacement du partenaire financier par un nouvel investisseur en capital, et cela peut également être le cas lors d’une cession industrielle. Dans cette section, avant d’analyser les différentes formes de sortie, on analysera d’abord le contexte dans lequel cette dernière se déroule afin d’avoir une idée plus précise sur le choix d’un mode de sortie ou d’un autre. I. Le contexte de sortie des investisseurs : 1. Le recours à un investisseur en capital : L’objectif principal d’un investisseur est de construire un partenariat durable avec l’entrepreneur, reposant sur une relation de confiance qui les lie autour d’un projet commun et qui s’appuie sur un engagement à moyen et long terme entre les deux parties. L’entrée d’un partenaire financier au capital d’une entreprise est une forme de reconnaissance, pour l’entreprise comme pour ses dirigeants, de la pertinence du modèle économique retenu. Avec cette entrée, l’entreprise acquiert une dimension plus « institutionnelle » de nature à faciliter sa croissance en apportant une sécurité supplémentaire aux partenaires de l’entreprise (clients, fournisseurs, banquiers, ...) et en rendant plus attractive l’entreprise aux yeux de ses managers, actuels et futurs. Ainsi cette entrée au capital répondra à trois types d’objectif qui ne sont pas exclusifs et peuvent intervenir concomitamment selon les motivations de l’entrepreneur pour construire le partenariat: 1.1. Le financement de la croissance de l’entreprise : Le financement par capital-risque s’adresse principalement aux chefs d’entreprise qui souhaitent financer une nouvelle étape du développement de leur 134 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. entreprise. L’entrée au capital de l’investisseur se fait alors essentiellement via une augmentation de capital, le pourcentage de détention du capital par l’investisseur financier étant fonction d’une part de la valorisation de l’entreprise et d’autre part, du montant de l’apport en numéraire réalisé par l’investisseur financier. Les projets de financement de la croissance ont toujours été au cœur de la stratégie des investisseurs à la recherche de prises de participations minoritaires ou majoritaires. L’objectif commun des actionnaires de la société est alors d’augmenter significativement les résultats de la société, sur le moyen et long terme. 1.2. La diversification du patrimoine de l'entrepreneur: Ce type de partenariat concerne les chefs d’entreprise qui désirent extérioriser une partie de la valorisation de leur société, notamment lorsque la majeure partie de leur patrimoine réside dans les titres de cette société. Longtemps, les fonds d’investissements se sont montrés plutôt réticents à financer un retrait partiel du chef d’entreprise du capital de sa société. La légitimité d’une diversification patrimoniale est cependant aujourd’hui largement reconnue et ces opérations ont tendance à se multiplier. 1.3. La recomposition de l'actionnariat de l'entreprise: Ce type de partenariat s’adresse aux chefs d’entreprise qui veulent fournir une liquidité à certains actionnaires minoritaires présents au capital de leur société. Ces actionnaires minoritaires peuvent être des actionnaires familiaux qui ne désirent plus rester au capital de la société ou bien des investisseurs financiers qui, après avoir accompagné l’actionnaire entrepreneur pendant quelques années, cherchent à extérioriser leur plus-value. Le reclassement de la participation d’un actionnaire minoritaire peut être l’occasion pour l’actionnaire majoritaire de redéfinir ses objectifs, tant en termes de développement de la société que de diversification patrimoniale. 135 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. 2. Modes d’intervention du partenaire financier: Le choix du mode d’intervention d’un investisseur dans investissement s’effectue en fonction des compétences le capital internes disponibles, des moyens affectés et des objectifs recherchés. 2.1. Prise de participation dans la société cible: Ce type d’intervention est le plus simple à mettre en œuvre, dans la mesure où il n’entraîne pas de modification de l’organisation juridique de la société ou du groupe de sociétés à l’exception bien entendu de cette prise de participation. L’investisseur choisit d’être lui-même le gestionnaire de ses investissements en non coté. Devant disposer d’une équipe de gestion expérimentée, il peut donner à cette activité une orientation stratégique spécifique ou viser une simple diversification de ses actifs19. Cette participation directe est utilisée dans le cas du financement de la croissance par augmentation de capital et en cas de rachat de titres. Le risque de cette approche est élevé puisqu’elle expose l’investisseur au risque direct de chaque participation. L’atténuation de ce facteur de risque ne peut se faire que par la diversification du portefeuille dans un nombre significatif de participations ce qui peut l’engager sur des niveaux d’allocation en capital investissement incompatibles avec sa gestion globale d’actifs20. 2.2. Prise de participation via une holding de contrôle : Ce type d’intervention suppose une modification substantielle de l’actionnariat de la société opérationnelle, une holding de contrôle se substituant à des actionnaires, ceux-ci devenant alors actionnaires de la holding de contrôle. 19 20 Gilles MOUGENOT, op.cit. p.258. Idem. 136 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. L’investisseur se charge de sélectionner les fonds d’investissement dans lesquels il va souscrire et pour le compte desquels les gestionnaires des fonds prendront à leur tour des participations dans des entreprises. Toute l’importance de cette approche réside dans la bonne sélection d’un portefeuille de gestionnaires de fonds auxquels est confiée la responsabilité des décisions d’investissement et de désinvestissement21. Ce type de montage, aussi appelé OBO (Owner Buy Out), est très souvent utilisé si l’objectif de l’actionnaire entrepreneur est de diversifier son patrimoine, et ce déroule souvent de la manière suivante : L’actionnaire entrepreneur et éventuellement d’autres actionnaires historiques apportent des titres à une holding de contrôle qui devient de ce fait actionnaire de la société. Le partenaire financier intervient dans la holding de contrôle via un apport en numéraire. La holding de contrôle rachète des titres à certains actionnaires historiques, ses ressources provenant à la fois de l’apport de fonds réalisé par le partenaire financier ainsi que d’un recours à l’endettement. 3. Le pacte d’actionnaire : 3.1. Définition : Le pacte d’actionnaires est un document extrastatutaire conclue entre les actionnaires de la société (fondateurs et investisseurs) pour organiser leurs relations en tant qu’actionnaires. Il complète les statuts et définit certains droits et obligations des parties. Habituellement, il comprend des clauses sur l’organisation des organes de la société, la prise des décisions stratégiques et l’information et des clauses encadrant les cessions 21 Gilles MOUGENOT, op.cit, p 254. 137 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. d’actions22. Ces dernières représentent l’une de ces principales clauses et qui prévoit notamment les conditions dans lesquelles tout ou partie des actionnaires d’une société anonyme peuvent céder leurs actions, que ce soit entre eux ou à des tiers. Il est rédigé avec l’aide de conseils spécialisés, chacune des parties ayant recours à son propre avocat d’affaires pour la négociation et la rédaction du document. Un pacte d’actionnaires bien négocié et bien rédigé permet souvent d’éviter des difficultés d’interprétation et d’anticiper la survenance de sujets éventuels de tension (la sortie de l’investisseur financier par exemple)23, afin de prévenir les risques de conflits d’intérêt, d’abus de majorité ou de gestion de fait. Le pacte d’actionnaire est un contrat de droit privé qui détermine les règles du jeu des associations capitalistiques. Il ne sera jamais rendu public et n’impliquera que les signataires et la société, en prévoyant des relations et engagements réciproques : Droit d’information sur événements importants. Droit de préemption. Clause de non concurrence. Rémunération des dirigeants. Droit de sortie conjointe. Clause de sortie. 3.2. Principales clause d’un pacte d’actionnaire : Trois grandes thématiques sont généralement traitées par un pacte d’actionnaires : la gouvernance de la société, la géographie du capital et la liquidité des investissements réalisés. 22 23 Capital-risque : guide des bonnes pratiques - AFIC – 2010, p85. Guide pratique du Capital Développement - AFIC – 2005, p38. 138 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Clauses relatives à la gouvernance : L’investisseur sera généralement récalcitrant à participer à la gestion de la société, laissant ce soin à l’entrepreneur qui devra lui rendre compte, et n’entendant pas encourir une responsabilité à ce titre. Néanmoins, et en particulier si l’investisseur est majoritaire au sein du capital, il souhaitera pouvoir contrôler le fonctionnement des organes de gestion24. Le partenaire financier doit pouvoir suivre l’activité de l’entreprise, notamment au regard du business plan et des orientations stratégiques déterminées d’un commun accord. Il ne s’agit pas de mettre en place une codirection au sein de l’entreprise mais d’instaurer des outils permettant au partenaire financier de suivre l’évolution de la société afin de favoriser un dialogue efficace entre le chef d’entreprise et son partenaire financier. L’entrepreneur a donc d’une grande latitude dans la conduite des affaires sociales et la gestion de la société demeure sa prérogative. Le partenaire financier peut également être représenté au sein des organes de contrôle de la société (conseil d’administration avec présidence dissociée, conseil de surveillance ou équivalent) et sa consultation, voire son approbation préalable, peut être requise pour toute décision pouvant avoir un impact significatif sur l’organisation ou l’activité de la société. Sur ce dernier point, le pacte d’actionnaires stipule généralement une liste de sujets qui requièrent l’approbation préalable du partenaire financier. Ces sujets sont principalement ceux qui peuvent avoir un fort impact sur la valorisation de la participation du partenaire financier. Dans certaines circonstances bien particulières, les règles de gouvernance peuvent prévoir qu’en cas de blocage significatif du processus de décision entre l’entrepreneur et le partenaire financier une solution de sortie de crise, de nature capitalistique, soit mise en œuvre. On pense bien évidemment soit au rachat par l’actionnaire entrepreneur des titres détenus par le partenaire financier à un prix déterminé en avance, soit à une sortie globale. 24 Gilles MOUGENOT, op.cit. p.301. 139 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. En cas de conflit, toujours possible, entre les parties, la répartition et l’organisation des pouvoirs sont très importantes, de façon à pouvoir arbitrer les différends et, surtout, empêcher la paralysie de l’entreprise : c’est l’un des objets du pacte d’actionnaires25. Clauses relatives à la géographie du capital : Le pacte d’actionnaires contient très souvent un certain nombre de clauses qui permettent de garantir la stabilité de l’actionnariat et/ou d’encadrer son évolution au bénéfice du chef d’entreprise et de l’investisseur : Intangibilité du capital : Le partenariat débute généralement par une période au cours de laquelle l’entrepreneur et éventuellement le partenaire financier se sont engagés à ne pas céder leurs titres quel que soit le procédé ou les causes de cette cession. Cette intangibilité temporaire permet au partenaire financier de s’assurer que l’entrepreneur n’a pas de volonté de céder ses titres avant que l’accroissement escompté de la valeur ne se soit produit. S’agissant d’une restriction au droit de propriété, cette inaliénabilité est nécessairement temporaire et doit être justifiée par un intérêt légitime. Droit de préemption : Le droit de préemption a pour finalité d’empêcher l’arrivée d’un tiers indésirable dans le capital de la société. Il vient sécuriser l’accès au capital de la société. En cas de cession par un actionnaire d’une partie de ses titres, chaque actionnaire bénéficiaire du droit de préemption, se voit proposer, généralement selon un rang de priorité établi, d’acquérir les titres de l’actionnaire cédant avant les tierces personnes, afin d’assurer une certaine stabilité du capital de la société. 25 Gilles MOUGENOT, op.cit. p.302. 140 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Droit de sortie conjointe : Il permet, généralement aux actionnaires minoritaires, de céder leurs actions au même moment et aux mêmes conditions que l’actionnaire majoritaire. En cas de cession de titres par un actionnaire, et en l’absence d’exercice du droit de préemption, chaque actionnaire peut, s’il bénéficie d’un droit de sortie conjointe, se joindre à la cession projetée à hauteur de sa participation dans le capital et aux mêmes conditions. Obligation de sortie conjointe : Afin de faciliter une cession, et lorsque des actionnaires détenant une large majorité du capital désirent donner suite à une proposition d’acquisition d’un tiers portant sur 100% du capital de la société, ceux-ci peuvent imposer aux autres actionnaires de céder leurs titres aux mêmes conditions. Cette disposition est particulièrement importante pour l’investisseur qui sait que, généralement, s’agissant d’une société non cotée, ses chances de céder sa participation augmenteront avec le pourcentage du capital qu’il pourra céder ou faire céder26. Processus de liquidité et solutions de sortie : L’objectif principal de l’investisseur étant de réaliser à terme une plus-value sur son investissement, les modalités de sortie de la société, et donc la réalisation de son investissement, devront donc être traitées avec soin dans le pacte. La discussion sur le sort des actions répond aux préoccupations de chaque partie : -Pour l’entrepreneur, il s’agit de ne pas être contraint, de façon systématique et sans dialogue possible, à vendre sa participation si les résultats escomptés par l’investisseur sont au rendez-vous. 26 Gilles MOUGENOT, op.cit, p.305. 141 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. -Pour l’investisseur, il s’agit de ne pas se retrouver bloqué au capital d’une société, très souvent non cotée, et donc, sans liquidité immédiate. II. La diversité des solutions de sorties : La sortie est une préoccupation majeure pour les investisseurs. En effet, ils sont soumis à deux obligations : redonner la liquidité aux investisseurs qui leur confient de l’argent et réaliser une plus-value supérieure à celle que procure un investissement sans risque27. Si l’on exclut le cas de dépôt de bilan qui ne constitue pas, à proprement parler, une sortie, trois cas sont les plus fréquemment rencontrés : Le rachat par l’entrepreneur des actions de l’investisseur. L’achat par un industriel ou un financier. L’introduction en bourse. 1. Le rachat par l’entrepreneur des actions de l’investisseur : 1.1. Rachat en direct par l’entrepreneur de la participation de l’investisseur : Si l’actionnaire entrepreneur dispose de la surface financière suffisante, il peut décider de procéder lui-même au rachat de la participation de son partenaire financier. Cette modalité peut prendre la forme d’une option d’achat de la participation de l’investisseur en capital exerçable par l’entrepreneur qui peut avoir sa contrepartie sous la forme d’une obligation d’acheter la participation de l’investisseur en capital quand celui-ci le demande28. Cette procédure a un double intérêt. Pour l’actionnaire entrepreneur, l’intérêt essentiel est d’accroître son pourcentage de détention, voire de reprendre le contrôle de la totalité du capital de l’entreprise, à l’issue de la phase pendant laquelle son 27 28 Gilles MOUGENOT, op.cit. p.343. Idem, p.344. 142 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. partenaire financier l’aura accompagné dans sa stratégie de développement. Pour le partenaire financier, il s’agit d’une opportunité de réaliser son investissement. Cependant, l’inconvénient de ce type de sortie est qu’il est généralement source de conflit entre les deux actionnaires, leurs intérêts devenant alors divergents. L’actionnaire entrepreneur cherchera plutôt à diminuer la valeur des titres rachetés à son partenaire financier alors que ce dernier cherchera au contraire à valoriser au mieux sa participation. La discussion entre les deux partenaires sur la valorisation de l’entreprise peut donc s’avérer délicate. C’est la raison pour laquelle, lorsque ce type de sortie est prévu par le pacte, les modalités de détermination de la valeur de l’entreprise retenue pour calculer le prix de la participation du partenaire financier le sont également. 1.2. Participation de l’entrepreneur à une opération à effet de levier : Il s’agit d’une variante du cas précédent. En effet, la liquidité de la participation du partenaire financier peut également être assurée via le rachat de cette participation par l’entrepreneur, à travers un montage associant le recours à l’endettement. Pour réaliser le rachat de la participation de son partenaire financier, l’entrepreneur constitue une holding de reprise, à laquelle il apporte tout ou partie de ses titres de l’entreprise. La holding contracte alors un emprunt, généralement auprès des banquiers historiques de la société, pour financer le rachat des titres de l’entreprise détenus par le partenaire financier. L’emprunt est ensuite remboursé grâce aux dividendes versés à la holding de reprise par l’entreprise et est souvent garanti par les titres de l’entreprise. Ce type de montage fait généralement appel à un effet de levier. L’actionnaire entrepreneur peut en outre faire procéder au rachat d’une partie de ses propres titres par la holding de reprise. Ce type d’opération lui permet alors de diversifier son patrimoine tout en restant fortement impliqué au capital de son entreprise. 143 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. Cette solution représente les mêmes avantages et inconvénients que la précédente. Néanmoins, si l’entreprise dispose de la capacité de remboursement de l’emprunt contracté par la holding de reprise, cette solution de sortie assure plutôt aisément une liquidité au partenaire financier. 2. L’achat par un industriel ou un financier : 2.1. La cession à un opérateur industriel : La sortie classique du partenaire financier reste la cession de l’entreprise à un acteur industriel. L’opération est très simple : l’actionnaire entrepreneur et son partenaire financier s’entendent pour céder conjointement leurs actions à un acquéreur en général impliqué dans la même activité, ou bien, dans une activité connexe. Elle s’opère lors d’une cession à une autre entreprise ou à une société de portefeuille (holding) qui peut être minoritaire ou majoritaire par intégration dans un groupe industriel. En plus de la valeur intrinsèque de l’entreprise qui est cédée, l’achat par un autre industriel peut constituer une démarche stratégique recherchée, comme l’acquisition d’un réseau de vente, de part de marché, de potentialité de synergie commerciale, etc.29. Ce type d’opération a une logique très intéressante : Pour le chef d’entreprise, comme pour son partenaire financier, l’entreprise a franchi une étape de son développement (développement international, croissance par acquisitions,...) qui justifie de valoriser pleinement les efforts accomplis en cédant l’entreprise et en maximisant sa valeur, d’autant que celleci représente souvent une part significative du patrimoine de l’entrepreneur. La dimension acquise par l’entreprise peut intéresser des acteurs industriels. Ceux-ci souhaitent en général contrôler 100% du capital de l’entreprise, pour pouvoir profiter pleinement des synergies associées au projet industriel. 29 Jean LACHMANN, op.cit, p.85. 144 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. La cession à 100% est en général perçue positivement par le partenaire financier, qui voit là un moyen de céder ses titres en bénéficiant d’une liquidité immédiate. 2.2. La cession à un autre financier : La cession des actions peut également intervenir au profit d’un autre financier. Le montage de l’opération fait alors en général intervenir de la dette (ou effet de levier). Elle s’opère naturellement auprès d’autres sociétés de capital-investissement ou d’autres établissements financiers qui peuvent ainsi prendre le relais d’un intervenant spécialisé30. Les caractéristiques de l’opération sont très proches du cas de cession de l’entreprise à un industriel. Comme dans le cas précédent, cette cession de l’entreprise peut se réaliser selon le schéma prévu par le pacte d’actionnaires, soit à travers un mandat donné à un intermédiaire financier, ou bien dans le cadre d’une négociation de gré-à-gré avec un acquéreur identifié. Le fonds d’investissement acquéreur peut alors décider de réaliser cette opération de rachat aux côtés d’un ou plusieurs dirigeants déjà présents dans l’entreprise, mais non actionnaires ou alors en tant que minoritaires ; cette opération est plus connue sous le nom de Management Buy Out (MBO). L’investisseur financier peut également décider de faire appel à des managers extérieurs et l’opération est alors appelée Management Buy In (MBI). La cession de l’entreprise à un fonds d’investissement permet à l’actionnaire entrepreneur de réaliser son capital. Comme dans le cas de la cession à un industriel, elle lui permet ainsi qu’à l’investisseur financier de bénéficier d’une liquidité immédiate. La valorisation intègre également l’impact positif de l’effet de levier dont 30 Jean LACHMANN, op.cit, p.84. 145 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. bénéficieront le fonds d’investissement acquéreur et les nouveaux dirigeants actionnaires. En cas de MBI, l’actionnaire entrepreneur cédant peut convenir d’accompagner les nouveaux actionnaires pendant quelques mois, de manière à transmettre son savoir faire aux nouveaux dirigeants et assurer la continuité des contacts commerciaux, de l’entreprise. L’actionnaire entrepreneur peut également être séduit par une nouvelle aventure en qualité de dirigeant aux côtés d’investisseurs financiers largement majoritaires. 3. L’introduction en bourse : L’introduction en bourse peut constituer le schéma de liquidité privilégié prévu par le pacte d’actionnaires signé à l’origine de l’opération. Elle peut aussi intervenir sans avoir été explicitement envisagée, par exemple si l’entrepreneur et le partenaire financier considèrent que les conditions de marché sont particulièrement favorables ou s’ils sont sollicités spontanément par un ou plusieurs établissements financiers se proposant d’organiser le processus d’introduction. A l’inverse, même si l’introduction en bourse est prévue dans le pacte, l’actionnaire entrepreneur et le partenaire financier peuvent convenir ensemble de ne pas suivre cette procédure en cas de marchés boursiers peu favorables et décider de mettre en œuvre une autre solution de sortie. L’intérêt d’une introduction en bourse pour l’entreprise est de plusieurs ordres : L’introduction en bourse permet d’assurer une liquidité des titres de l’entreprise pour tout ou partie des actionnaires. Cette dernière sera liée aux volumes de titres de l’entreprise échangés quotidiennement sur le marché boursier. En cas d’augmentation de capital associée à cette introduction en bourse, celleci permet de renforcer les fonds propres de l’entreprise. L’introduction en bourse permet enfin d’accroître la notoriété de l’entreprise sur le plan financier et commercial, en lui donnant une reconnaissance publique. Ce 146 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Chapitre II : La pratique du capital investissement. dernier point constitue souvent l’une des motivations essentielles pour l’entrepreneur et son équipe. Il faut néanmoins noter que l’introduction en bourse se traduit par une charge de travail supplémentaire pour l’entrepreneur et les principaux dirigeants, que ce soit avant, pendant ou après l’introduction. Elle se traduit également par des coûts additionnels pour l’entreprise et il est important de rappeler qu’après l’introduction en bourse, l’entrepreneur devra communiquer une information financière régulière. L’introduction en bourse ne se traduit pas systématiquement par la sortie du partenaire financier, au moins dans un premier temps. Il peut arriver en effet que l’investisseur financier choisisse de maintenir, voire de renforcer sa participation dans l’entreprise. En effet, les autorités de marché ne manqueront d’ailleurs pas d’exiger de bloquer des titres conservés pendant une certaine durée (lock-up)31. L’introduction en bourse constitue donc souvent pour l’investisseur financier une solution de sortie en deux temps, la liquidité de l’intégralité de sa participation étant rendue possible après un certain délai suite à l’opération d’introduction. 31 Gilles MOUGENOT, op.cit, p.345. 147 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Conclusion : Le capital-risque n’est plus un phénomène de mode. Il a fortement évolué tant dans sa dénomination en devenant le capital investissement, dont le premier n’est plus qu’une de ses composantes, que dans sa logique d’assistance systématique des entreprises. Il constitue une réponse à l’économie d’endettement et une réalité durable qui organise efficacement la mutation vers une économie de fonds propres devant permettre aux entreprises d’aborder le XXIe siècle dans les meilleures conditions. Le capital-risque a connu ses débuts aux États-Unis à la fin de la seconde guerre mondiale. En effet, les industriels américains avaient compris depuis longtemps que le fait de dédier une structure à l’accompagnement et à l’observation des PME dans leur domaine était un outil très précieux d’anticipation et de compréhension des évolutions du secteur. Ce qui classe les États-Unis, aujourd’hui, dans le premier rang mondial en termes d’investissement en capital-risque. En Europe, l’activité n’a connu ses débuts que dans les années 1980, notamment avec la création de l’EVCA, et reste très en retard en termes d’investissement par rapport aux États-Unis. Chez nous, le capital investissement n’en n’ai qu’à l’état embryonnaire et ce malgré l’existence de plusieurs fonds spécialisés dans cette activité. Cet état des lieux peut être expliqué en grande partie par l’absence d’une culture entrepreneuriale qui prône la prise de risque. Et comme le capital-investissement est un placement à long terme qui demande de la patience, les professionnels de cette activité s’attardent à sélectionner les meilleures équipes de gestion et apportent un appui stratégique aux managers de l’entreprise pour espérer atteindre les performances escomptés. Ainsi, les capitalinvestisseurs auront moins de difficultés à assurer leur sortie avec une valorisation très intéressante de leurs investissements initiaux. 148 Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement). Malgré les crises traversées par le capital-investissement, il reste un moyen excellent de financement des PME. Le capital-investissement joue un rôle d’appui dans le financement des entreprises en leur procurant, outre l’apport en numéraire, une assistance stratégique et relationnelle, qui leur permettrait d’assurer une croissance durable et soutenue. 149 Partie III : Finance islamique, capital-investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Section I : Les contrats de la finance islamique les plus pertinents pour le capital-investissement. Section II : Les petites et moyennes entreprises (PME) et le financement participative. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Section I : Présentation de la FINALEP. Section II: Financement d’un cas réel par la FINALEP. Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Introduction : Après avoir traité la finance islamique et le capital-investissement dans les deux premières parties, en analysant les principes de fonctionnement de chacun d’eux, d’une façon théorique. Cette troisième partie sera réservée à l’étude de l’impact et des perspectives de ces deux modes de financement sur la création et le développement des PME. Dans le premier chapitre, on tentera d’analyser les contrats de la finance islamique les plus pertinents pour le capital-investissement d’une manière plus approfondie, dans la première section. La seconde section traitera, d’abord, de la PME et des principales contraintes rencontrées par celle-ci surtout pour l’acquisition d’un financement externe qui lui assurerait la croissance escomptés par ses créateurs, et ensuite, en essayera de voire quel impact peuvent avoir les financements participatifs sur la création et le développement de ces dernières. Dans le deuxième chapitre, on tentera d’analyser une expérience de capital investissement qu’est la FINALEP dans la première section. En finira notre travail par l’analyse un cas réel de financement participatif afin d’en tirer l’apport que peut avoir ce genre de financement sur la création et le développement des petites et moyennes entreprises. 151 Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Après avoir constaté que le capital investissement est un mode de financement qui s’appuie sur la participation de toutes les parties prenantes que ce soit dans la gestion des activités de l’entreprise que dans le financement du développement de cette dernière, nous avons remarqué l’existence de certain points communs entre ce mode de financement et quelques contrats de la finance islamique. Il s’agit en l’occurrence du contrat mousharaka et du contrat moudaraba. Dans cette première section, on va analyser ces deux contrats d’une façon plus explicite qui nous permettra d’en tirer les ressemblances de ces contrats avec le capital investissement. Section I : Les contrats de la finance islamique les plus pertinents pour le capital-investissement. I. Le contrat mousharaka : La mousharaka en tant que mode de financement est basée sur la juste répartition des risques entre les associés. Contrairement au contrat moudaraba où la banque se contente d’apporter les fonds et ne se préoccupe pas de la conduite des opérations. Dans ce contrat, le banquier prend une part du capital de l’entreprise, devenant ainsi actionnaire et bénéficiant d’un droit de regard sur la gestion de celle-ci. Le partage des profits est fixé à l’avance indépendamment des apports initiaux. C’est-à-dire les bénéfices éventuelles sont partagés selon les rapports fixés dans le contrat et ne seront pas forcément égaux aux rapports des apports de fonds initiaux. Par contre, les pertes éventuelles sont réparties exactement au prorata des apports. De plus le manager reçoit une rémunération effective du projet avant la répartition des bénéfices nets(le manager peut être l’un des associés). D’une manière générale, la banque islamique n’intervient dans la gestion du projet que pour s’assurer de son bon fonctionnement, car le client a une meilleure maitrise des opérations en raison de son expérience professionnelle. 153 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. 1. Les différentes formes de mousharaka : Le fiqh islamique distingue deux formes mousharaka : l’association contractuelle (sharikat al aqd) et l’association de fait (sharikat al mulk). 1.1. Sharikat al mulk : Cette de forme de mousharaka désigne la propriété conjointe d’un bien par deux (ou plus de deux) parties. C’est un partenariat structuré de telle sorte qu’il n’est pas possible de savoir quel partenaire possède quelle partie du bien. Cette forme de partenariat peut être créée sans un contrat particulier, comme dans le cas d’un bien obtenu par héritage. La principale limitation de ce concept tient au fait que le bien n’est pas divisé et constitue un tout, ce qui en limite l’utilisation ou la division1. Elle n’est donc pas une société au sens générale du terme. Sa conclusion ne nécessite pas l’offre et l’acceptation et son objet n’est pas obligatoirement lié à une activité commerciale. La condition principale de cette forme de mousharaka est l’indissociabilité des parts. Chaque partenaire ne peut utiliser la part des autres associés sauf si ces derniers lui confèrent ce pouvoir (mandataire ou tuteur). 1.2. Sharikat al aqd : Ce type de mousharaka désigne un partenariat établi de façon contractuelle. Cette forme de mousharaka est largement utilisée par les banques islamiques modernes. Bien que chacun des partenaires puisse apporter sa contribution en nature ou sous forme de services, il s’agit généralement d’apports en capitaux estimés à la valeur au pair et indépendamment vérifiable. Les différentes composantes du capital peuvent être évaluées différemment. Le contrat peut être formel ou informel, mais il est préférable que les termes du contrat soient écrits en présence de témoins, pour que le contrat soit conforme aux lois 1 Le système bancaire Islamique, guide à l’intention des petites et moyennes entreprises, Centre du commerce international 2009, p82. 154 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. islamiques régissant les dettes et les transactions commerciales (verset 282 et 283 de sourate II : ALBAQARAH)2. O les croyants ! quand vous contracter une dette à échéance déterminée mettezla en écrit ; et qu’un scribe l’écrive, entre vous, en toute justice ; un scribe n’a pas à refuser d’écrire selon ce qu’Allah lui a enseigné ; qu’il écrive donc, et que dicte le débiteur : qu’il craigne Allah son Seigneur, et se garde d’en rien diminuer. Si le débiteur est gaspilleur ou faible, ou incapable de dicter luimême, que son représentant dicte alors en toute justice. Faites-en témoigner par deux témoins d’entre vous hommes ; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre celles que vous agréer comme témoins, en sorte que si l’une d’elle s’égare, l’autre puisse lui rappeler. Et que les témoins ne refusent pas quand ils sont appelés. Ne vous lassez pas d’écrire la dette, ainsi que son terme, qu’elle soit petite ou grande : c’est plus équitable auprès d’Allah, et plus droit pour le témoignage, et plus susceptible d’écarter les doutes. Mais s’il s’agit d’une marchandise présente que vous négocier entre vous : dans ce cas, il n’y a pas de péché à ne pas l’écrire. Mais prenez des témoins lorsque vous faites une transaction entre vous ; et qu’en ne fasse aucun tort à aucun scribe ni à aucun témoins. Si vous le faisiez, cela serait une perversité en vous. Et craignez Allah. Alors Allah vous enseigne et Allah et omniscient. Mais si vous êtes en voyage et ne trouver pas de scribe, un gage reçu suffit. S’il y a entre vous une confiance réciproque, que celui à qui on a confié une chose la restitue, et qu’il craigne Allah son Seigneur. Et ne cachez pas le témoignage : quiconque le cache a, certes, un cœur pécheur. Allah de ce que vous faites est omniscient. 2. Les différentes techniques de financement de la mousharaka : Les établissements financiers islamiques proposent deux types de financement de la mousharaka, il s’agit d’un financement permanent et d’un financement dégressif. 2 Noble Coran, op.cit. 155 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. 2.1. La mousharaka permanente (thabita) : C’est une forme de mousharaka où la banque participe partiellement au financement d’un projet donné. En conséquence, la banque devient un partenaire à part-entière dans le projet, c’est-à-dire, elle a droit comme tout autre associé dans la gestion, dans la supervision et dans la répartition des bénéfices et des pertes selon les lois régissant la mousharaka. Dans cette situation, chaque partenaire se contentera de sa part comme définie au début par le contrat et ce jusqu’à la fin de la période du projet. Autrement dit, la banque participe au financement du projet de façon durable et perçoit régulièrement sa part des bénéfices en sa qualité d’associé copropriétaire. Il s’agit en l’occurrence pour la banque d’un emploi à long ou moyen terme de ces ressources stables (fonds propres, dépôts participatifs affectés et non affectés...). L’apport de la banque peut revêtir la forme d’une prise de participation dans des sociétés déjà existantes, d’un concours à l’augmentation de leur capital social ou la contribution dans la formation du capital de sociétés nouvelles (achat ou souscription d’actions ou de parts sociales). Ce type de mousharaka correspond dans les pratiques bancaires classiques aux placements stables que les banques effectuent soit pour aider à la formation d’entreprises ou tout simplement pour s’assurer le contrôle d’entreprises existantes3. 2.2. La mousharaka dégressive (moutanaqisa) : C’est une forme de mousharaka qui aboutira à la possession totale du projet par le client. Elle s’opère de la façon suivante : La banque participe au financement d’un projet ou d’une opération avec l’intention de se retirer progressivement du projet ou de l’opération après son désintéressement total par le promoteur. Ce dernier versera, à intervalle régulier à la banque la partie de bénéfices lui revenant comme il peut réserver une partie ou la totalité de sa propre part pour rembourser l’apport en capital de la banque. Après la récupération de la totalité de son capital et des bénéfices qui échoient, la banque se 3 Définition donnée par Banque Al Baraka Algérie. 156 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. retire du projet ou de l’opération. Cette formule s’apparente aux participations temporaires dans le banking classique4. 3. Les conditions de validité du contrat mousharaka5 : Comme tout contrat financier participatif la mousharaka, requiert un certain nombre de conditions pour qu’elle soit validée et effectivement appliquée. La condition sine qua non pour la validité de ce type de contrat est qu’il soit conforme aux normes et lois islamique régissant l’investissement et l’activité économique. Il est très important que les projets financés par les institutions financières islamiques respectent les règles spécifiques des contrats utilisés, ainsi que l’échelle de validité juridique : licite (halal), illicite (haram). Les autres conditions de validité du contrat mousharaka sont relatives aux associés, au capital et à la répartition des pertes et profits. 3.1. Les conditions relatives aux associés : Chaque associé doit jouir des capacités mentales pour conclure un contrat en tant que mandaté ou mandataire. Les associés ne sont pas obligés d’être de religion musulmane. Cependant, certaines écoles de fiqh exigent que l’associé musulman ait un droit de regard sur la gestion de son partenaire. Le contrat mousharaka repose sur la confiance entre les associés et sur la procuration mutuelle. Chaque associé peut gérer sa part du capital et celle des autres associés. Les associés ne peuvent utiliser le capital de la mousharaka pour des fins personnelles ou mandater des personnes qui ne font pas partie du partenariat pour la gestion de leur part. 3.2. Les conditions relatives au capital : La part de capital apportée par chaque associé doit être en numéraire. Cependant, les malékites et les hanafites acceptent que le capital engagé soit en 4 Définition donnée par Banque Al Baraka Algérie. Introduction aux techniques islamiques de financement, recueil des communications données dans la cadre du séminaire conjointement organisé par l’Institut Islamique de Recherche et de Formation avec la Banque alBaraka mauritanienne islamique, Nouakchott 11-15 Joumada Thani 1413H (5-9 décembre 1992), p63. 5 157 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. nature à condition qu’il fasse l’objet d’une évaluation monétaire au moment de la signature du contrat. Le genre, la nature et le montant du capital doivent être connus et déterminés d’une manière très précise lors de la signature du contrat afin d’éviter les risque de conflit entre les partenaires lors du partage du résultat. Les apports des associés doivent être mélangés de façon que chaque partenaire puisse gérer l’ensemble du capital et non uniquement sa seule contribution. Aucun associé ne peut apporter des fonds supplémentaire à la société sans l’aval des autres associés. L’apport de chaque partie doit être disponible au moment de la réalisation de l’opération objet du financement. 3.3. Les conditions relatives à la répartition des pertes et profits : Le profit étant le principal objet de toute société, le contrat mousharaka doit stipuler clairement les principes et les conditions de partage des pertes et du profit. La part de chaque associé doit être fonction des profits réalisés, car la Charia islamique interdit de stipuler une somme fixe pour rémunérer la part d’un des associés. L’égalité des parts de profit n’est pas une condition de validité du contrat, car les associés ne fournissent pas les mêmes efforts et n’ont pas la même expérience. C’est ainsi que les associés peuvent réserver une part supplémentaire pour les partenaires plus expérimenté et/ou qui travaille plus que les autres. Les pertes sont réparties au prorata des apports, sauf dans le cas de négligence ou de violation d’une des clauses du contrat de la part de l’un des associés, celui-ci est tenu pour responsable des dommages causés à ses partenaires. En conclusion, on pourra dire que la mousharaka n’est pas utilisée seulement pour le financement du développement des entreprises, mais elle peut être aussi appliquée pour financer le commerce domestique, l’import-export, l’émission de lettres de crédits, etc. 158 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. II. Le contrat moudaraba : La moudaraba est définie comme étant une forme d’association entre deux parties : rab-el-mal (le financier) et le moudarib (l’entrepreneur). Le premier fournit le capital et le second apporte son savoir-faire et assure la gestion du projet. Au terme du projet, le financier reprend son capital et un partage du profit est opéré entre les deux cocontractants selon une clé de répartition convenue au départ. En cas de perte due à l’exploitation, le déficit est imputé exclusivement sur le capital, la pénalisation de l’entrepreneur étant limitée à son absence de rémunération, sauf faute avérée de celui-ci dans la conduite du projet6. 1. Les différents types de moudaraba : On distingue la moudaraba limité (moudaraba al-muqayyada) lorsque la convention porte sur un projet déterminé et la moudaraba illimité (moudaraba almutlaqa) lorsqu’à l’inverse, le banquier finance l’ensemble de l’activité de développement de l’entreprise. 1.1. La moudaraba limitée : Dans ce cas le financier impose des restrictions à l’entrepreneur, telles que n’utiliser ces fonds que pour le commerce, ou ne les utiliser que pour une opération précise. Ce qui réduit considérablement le champ action de l’entrepreneur. Le contrat peut prévoir des restrictions à l’usage des fonds pour peu que ces contraintes n’entravent pas la bonne marche du projet. Une violation de cette clause rend l’entrepreneur responsable de l’ensemble du capital apporté7. 1.2. La moudaraba illimitée : Selon ce type de moudaraba le financier n’impose aucune restriction à l’entrepreneur. Ce dernier est libre d’utiliser les fonds à sa disposition là où il 6 François GUERANGER, finance islamique, Une illustration de la finance éthique, Ed : DUNOD, Paris 2009, p.93. Idem, p.94. 7 159 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. considère opportun d’investir. Le financier finance l’ensemble des activités de l’entreprise. 2. Les conditions de validité du contrat moudaraba : Comme tout contrat financier participatif la moudaraba, requiert un certain nombre de conditions pour qu’elle soit validée et effectivement appliquée. La condition sine qua non pour la validité de ce type de contrat est qu’il soit conforme aux normes et lois islamique régissant l’investissement et l’activité économique. 2.1. Les conditions relatives au capital : Le capital apporté par le financier demeure la propriété de ce dernier. C’est, en principe, un apport liquide mais il peut s’agir d’un bien meuble à condition que sa valeur soit fixée dès l’origine. Il ne peut pas être, en revanche, une créance sur l’entrepreneur. Le capital peut être libéré progressivement selon les besoins de l’entrepreneur8. Le capital versé par le financier doit être déterminé en qualité et en nature au moment de la signature du contrat, afin d’éviter tout confusion lors du partage du profit. Le capital doit être remis à l’entrepreneur au moment de la signature du contrat pour lui permettre de concrétiser le projet. La remise des fonds par le financier à l’entrepreneur est une condition obligatoire de la validité du contrat moudaraba. Le capital apporté par l’investisseur doit être consacré exclusivement au projet prévu au contrat sauf autorisation expresse de celui-ci. 2.2. Les conditions relatives au partage du profit : Le taux de partage des profits doit être déterminé au début du projet au moment de la signature du contrat. Le profit ne peut être partagé qu’après avoir remboursé le capital du financier (partage des profits nets). 8 François GUERANGER, op.cit. p. 93. 160 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Le capital, pas plus que le profit, ne peut être garanti par l’entrepreneur. En revanche, l’apporteur de capitaux peut demander des sûretés pour se prémunir de la mauvaise exécution du contrat par l’entrepreneur. III. L’aspect pratique des modes de financement participatifs islamiques qui les rapproche du capital investissement : Les contrats participatifs de la finance islamique peuvent constituer un moyen approprié pour le financement des petites et moyennes entreprises. L’institution financière islamique, via les contrats participatifs, peut jouer le rôle d’une société de capital-risque. Notons que les principales institutions financières islamiques sont les banques islamiques, ainsi le terme de « banque » sera utilisé pour désigner l’investisseur financier qui participe au financement de projet proposé par les différents promoteurs. La mousharaka et la moudaraba sont les types de contrat islamique qui assure à la banque le plus de rendement. Toutefois, la plupart des banques islamiques lui préfèrent des contrats basés sur la vente (comme la mourabaha et le salam) pour se prémunir contre le risque élevé associé à la participation au financement de projet en tant qu’associé. Les banques pourraient tirer profit des opportunités de rentabilité que procure ce type de financement en mettant plus d’emphase sur sa gestion. La banque peut constituer des groupes de managers, qualifiés, dédiés aux différents types de projets. Ces personnes doivent avoir des connaissances solides et une polyvalence. Par leur expertise et leur savoir-faire, par la pertinence de leurs analyses des plans de développement proposés par les entrepreneurs et des opportunités qu’offre le marché, ils permettront le choix de projets prometteurs. En outre, la spécialisation de ces managers et leur expérience dans les projets dont ils sont responsables permettra à la banque de garantir un meilleur suivi du déroulement du projet (vu que dans la mousharaka et la moudaraba, la banque et l’investisseur 161 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. assurent conjointement la gestion). Ces managers seront appelés « chargé d’affaire9» dans cette section. Le chargé d’affaire dans une prise de participation se doit de prendre des précautions à tous les niveaux du processus de prise de décision d’investissement. En réalité, la mousharaka et la moudaraba sont des modes de financement spécifique dont le fonctionnement est tout à fait différent des autres modes proposé par la finance islamique. 1. La prospection des opérations : Le chargé d’affaire dans les opérations de participation au financement, doit faire un effort de prospection, afin de susciter des dossiers de candidature et de stimuler des courants de projets prometteurs. Cette prospection doit être active en consacrant la grande partie de son temps dans la recherche des opportunités auprès de tous les relais possibles (universités, hommes de métiers, les centres de recherche, les experts, les cabinets de conseil…). La prospection active permet d’obtenir des projets prometteurs et novateurs. Contrairement, l’attente de candidature pour un financement participative verrait affluer tous genres de projets (à faible potentiel) et qui conduirait à une perte supplémentaire de temps très important dans ce genre de situation. 2. La sélection des dossiers : Le processus de sélection des projets à financer comprend plusieurs étapes : L’étude des dossiers. L’examen approfondi des dossiers les plus crédibles. L’analyse détaillée des dossiers qui ont franchi la deuxième étape. Prise de décision sur le financement. 9 BENDJILALI Boualem, les sciences de la sharia pour les économistes : les sources du fiqh, ses principes et ses théories ; le fiqh des transactions financières et des sociétés et son application contemporaine, actes de séminaire n°44 sur « les sciences de la sharia pour les économises », organisé à Niamey, République du Niger, du 20 au 29 avril 1998 conjointement par l’Institut Islamique de Recherche et de Formation, relevant de la Banque Islamique de développement, et l’université islamique du Niger, p285. 162 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. En pratique, sur cent (100) dossiers étudiés, le quart (25%) passe le premier filtre pour être examiner de manière plus approfondie. La moitié, des dossiers sélectionné à ce niveau, atteint le stade de l’évaluation détaillé10. Cette évaluation porte sur une étude de faisabilité (business plan) correctement présentée. Ce document doit analyser en détail le marché auquel le projet est destiné, son environnement, les produits offerts et leurs spécificités, ainsi que les objectifs industriels, marketing et financiers que le promoteur cherche à atteindre. Mais l’élément essentiel dans cette évaluation reste le promoteur et son équipe, car l’expérience professionnelle, la crédibilité et les qualités personnelles des dirigeants sont toujours des critères déterminants d’appréciation et de sélection. Le chargé d’affaire doit donc être bien informé sur tous les détails du projet puisque la seule garantie dont il dispose et le projet lui-même. Le risque d’une mauvaise information doit nécessairement être écarté dans ce type de financement. Enfin, seulement 7 à 8% du total des dossiers feront l’objet d’une décision de financement. 3. L’évaluation et l’étude : Après la réception des plans de développement (business plan), commence alors, une série d'investigations et d'analyse sur la base des informations qui y sont contenues afin d'évaluer et de minimiser le risque que présente le projet. L’évaluation et l’étude du projet se base principalement sur les éléments suivants : Les réunions et les rencontres avec l’entrepreneur. La visite de l’entreprise et l’entrepreneur dans son lieu de travail. L’étude du plan de développement. L’analyse débutera tout d’abord par une étude économique du projet qui permettra de s’assurer de la viabilité du projet. Le chargé d’affaire, s’efforcera de : 10 Introduction aux techniques islamiques de financement, op.cit, p62. 163 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Faire un diagnostic (externe) du marché (taille et taux de croissance, concurrence, évolution du marché…), afin de bien connaître l'environnement économique, les intervenants sur le marché et leurs stratégies. Produire une analyse des avantages que détient l’entreprise (industriel, commercial, marketing, financier, management…), pour comprendre la spécificité du projet et ces capacités d'insertion dans le marché (diagnostic interne). Réaliser une étude de la stratégie de l’entreprise et évaluer la capacité de l’entrepreneur et de son équipe dirigeante à la mettre en œuvre. Vient ensuite l’étude financière, dans laquelle le chargé d’affaire étudie le plan de financement, la rentabilité d’exploitation, la rentabilité financière et le programme d’investissement. Cette analyse financière se base sur le calcul prévisionnel d’un certain nombre d’indice : L'étude des marges : marge brute, marge nette, résultat net… La structure financière : fonds propres et endettement. Le financement du bas de bilan : stock, créances, crédits, fournisseurs, besoin en fonds de roulement, trésorerie... Après cette étude, l'investisseur sera en mesure d'apprécier la santé financière de l'entreprise et de faire des prévisions quant à ses besoins et sa capacité à réaliser des niveaux de rentabilité satisfaisants. Elle peut, par conséquent, influer sur la prise de décision de financement du projet. Enfin vient l’élément le plus essentiel dans ce genre de financement, l’analyse du promoteur et de son équipe dirigeante. C'est le diagnostic le plus difficile à réaliser car il porte sur le jugement des Hommes qui assurent le lancement et le suivi du projet quant à leur capacité pour diriger une équipe et leurs aptitudes à mener le projet à bien. En effet, le choix d’un bon promoteur prime, dans certains cas, sur le choix d’un bon projet, car la confiance réciproque et les chances de succès en dépendent. Le chargé d’affaire doit accorder une importance critique au facteur humain car le financement 164 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. par mousharaka ou moudaraba est effectué sans les suretés bancaires usuelles (garanties). Il faut donc essayer de connaitre l’état d’esprit du promoteur et d’apprécier ses qualités d’entrepreneur, en particulier : Sa compétence, son intégrité et honnêteté. Sa disposition à être partie prenante dans un contrat participatif. Sa confiance en soi et son aptitude à résoudre les problèmes rencontrés en cours de réalisation du projet. Sa connaissance des circuits administratifs. Son respect des préceptes islamiques dans ses transactions et ses relations… Cette évaluation approfondie du projet et du promoteur, malgré son coût élevé, permettra aux chargé d’affaire de11 : Préciser, d’une manière fiable, le risque encourus et de dresser les points forts et les points faibles du projet. Faciliter dans une deuxième phase la tâche de contrôle et de suivi du projet. 4. Le montage financier : Lorsque l’évaluation et l’étude ont montré que le projet en question constitue une opportunité effective pour le financier, sous forme de mousharaka ou moudaraba, on passe au montage financier de l’opération. Il y a lieu de d’évaluer, en fonction des risques encourus, la part qui pourrait être détenu par la banque. Ce paramètre fait l’objet d’une négociation avec le promoteur concerné. Dans le financement mousharaka chaque partie apporte une contribution financière, participe activement à la gestion du projet et s’associe aux gains et aux pertes. Ce qui ne devrait pas freiner les négociations entre les deux parties, du moment que chaque parties veillera à bien gérer sa contributions et celle des autres contractants, les gains sont réparties à l’avance et les pertes sont supportées au prorata des contributions. 11 Introduction aux techniques islamiques de financement, op.cit, p65. 165 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Mais la difficulté pour la banque réside dans le financement moudaraba car chaque partie apporte le capital dont elle dispose. Le financier apporte les fonds nécessaire au projet et le promoteur apporte son savoir-faire et son expérience. Les expériences vécus ont révélé que le promoteur n’apporte pas toujours la diligence nécessaire aux fonds qui lui ont été alloués. Pour y remédier, la banque tentera d’impliquer d’une manière ou d’une autre le promoteur dans le financement du projet, en exigeant qu’il y participe même modestement. Ce qui poussera le promoteur à être plus vigilant dans la gestion de l’entreprise, parce que cette contribution constitue une épargne de plusieurs années de travail qu’il n’est pas prêt à sacrifier dans n’importe quel projet. Il arrive aussi que des promoteurs exigent, eux même, de participer au financement du projet, afin qu’ils puissent diversifier leur patrimoine et augmenter leur part de bénéfice. De façon générale, les capitaux apportés par la banque représentent entre 75% et 95% du capital social de l’opération. Le niveau réel de cette contribution dépend de plusieurs facteurs, dont les plus importants sont12 : Le risque encouru par la banque. La rentabilité prévisionnelle du projet. Les coûts d’investissement. Les moyens et la volonté d’investir du promoteur et le plafond fixé par projet… 5. Le suivi de l’affaire : Après l’acceptation du financement et le déblocage des fonds nécessaires au développement du projet, le chargé d’affaire doit suivre l’évolution de l’affaire financée. Le suivi du projet débute à la phase de réalisation ou de déblocage des fonds. En effet, le chargé d’affaire doit veiller en premier lieu au respect de la décision d’investissement en s’assurant de la bonne utilisation du capital social, et ce pour : Etre sûr de la destination du capital pour les besoins de l’entreprise. Eviter de faire des dépassements au niveau des postes d’investissement. 12 Introduction aux techniques islamiques de financement, op.cit, p66. 166 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. S'assurer que le plan de développement qui a été approuvé est bien mis en œuvre. Ensuite vient l’étape d’assistance et de partenariat. En générale, le chargé d’affaire opte pour une approche de partenaire actif et non de partenaire passif. Ainsi, il assistera l’entrepreneur dans le management et mettra son savoir-faire au service de ce dernier, afin de lui permettre : De prendre tout au long de son parcours, les décisions stratégiques les plus adéquates notamment en matière d'investissement ou de croissance externe, d'où la nécessité de recourir à une assistance expérimentée dans l'étude, l'évaluation et la sélection de projet. De faciliter son intégration dans le tissu économique, grâce à l'assistance relationnelle qu'il lui procure, facilitant la recherche d'éventuels partenaires financiers ou commerciaux. Il est vrai que le partenariat actif s'avère d'une grande importance pour la société cible, mais il faut assurer au financier une parfaite transparence au moyen d'outils de communication efficaces mis en place entre les intervenants. La mise en place de cet outil de communication et d’information et son contenu sont décidés en commun au moment du déblocage des fonds. L’objectif principal du système d’information est la maîtrise de la trajectoire de l’affaire. Cette maîtrise implique que l’on puisse à tout moment rapprocher les valeurs prévisionnelles des valeurs réelles. Il faut sans cesse rapporter les réalisations aux prévisions, afin de mesurer les écarts et prendre les actions correctives nécessaires. Le chargé d’affaire en profitera aussi pour affiner ses études de financements futures et améliorer ainsi son savoir-faire pour les évaluations et les études13. Toutes les informations recueillies vont permettre au chargé d’affaire de réaliser un tableau de bord clair, précis et complet sur l'exploitation de l'entreprise et qui doit être mis à jour régulièrement. Ce tableau de bord contiendra un ensemble de tableaux 13 Introduction aux techniques islamiques de financement, op.cit, p68. 167 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. et graphiques et autre documents sous forme condensée, les informations et les variables d’actions relatives aux quatre dimensions du suivi de l’affaire (commerciale, humaine, financière, production)14. Notons enfin, qu’à côté de ces informations le chargé d’affaire doit effectuer des visites périodiques sur les lieux du projet afin de suivre son déroulement et son état d’avancement effectif. 6. La question de garantie : Comme déjà mentionner, les financements participatifs de la finance islamique sont effectués sans les suretés bancaires usuelles. Les garanties sont représentées pas le projet lui-même, c’est-à-dire le produit, les marchés et surtout la personnalité du promoteur et de son équipe dirigeante. Et du moment que les fonds apportés par la banque sont considérés comme des fonds propre, il apparait logique d’exclure la constitution de garanties au profit de cette dernière. Toutefois, la banque peut exiger des garanties de toutes natures (immobilière, foncière,..), afin d’éviter les abus, les mauvaises foies et la mauvaise gestion. Cependant, elle ne peut les réaliser qu’à la seule condition que le promoteur ait enfreint aux obligations stipulées dans le contrat. Section II : Les petites et moyennes entreprises (PME) et leur financement par la finance islamique et le capital-investissement. Les problématiques relatives à la création, au financement et à l'activité des petites et moyennes entreprises (PME) sont d'un intérêt crucial et de plus en plus grandissant à l'échelle internationale. En effet, cette forme d'organisation d'entreprises (PME) est incontestablement la plus répandue dans le monde avec un taux qui dépasse 90% de l'ensemble des entreprises opérant dans les quatre coins de la planète et 14 Introduction aux techniques islamiques de financement, op.cit, p68. 168 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. contribuent à la création de 50% à 60% d’emploi15. L’attention accordée à cette structure provient aussi du fait que les PME contribuent de manière substantielle à la résorption du chômage, à la création des richesses et par voie de conséquence à la stabilité et au bien-être social. Soucieux de l'importance de la problématique de financement pour les PME, les pouvoirs publics dans plusieurs pays se sont attelés à favorisé le développement des PME au moyen de traitements de faveur, de mesures spécifiques, de circuits et de conditions de financement différenciés et de fonds publics dédiés. Malgré cela, les PME peinent toujours à trouver des financements, pour soutenir leur croissance, dans les circuits classiques de financement (crédit bancaire). Ce qui les conduit à chercher d’autres sources de financement. L’intervention du capital-investissement et de la finance islamique peut favoriser la substitution de l’économie d’endettement par celle des fonds propres, nécessaire au financement de la création et du développement des PME. Ainsi dans cette section, après avoir présenté les PME en premier lieu, on analysera les perspectives de financement de la finance islamique et du capitalinvestissement sur la création et le développement des PME en second lieu. I. Introduction au monde des PME : De nos jours, la petite et moyenne entreprise (PME) est perçue comme un instrument de la croissance économique. Cette position est due d’une part à la contribution appréciable de la PME à la production de richesse et la création d’emplois, d’autre part à sa flexibilité et son d’adaptation plus rapide aux conditions de l’environnement des entreprises. Un environnement marqué par une mondialisation croissante des échanges et la globalisation de l’économie qui supprime toutes les frontières physiques grâce à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). 15 L.J. FILLION, le management des PME, de la création à la croissance, Ed : Pearson Education, Paris, 2007, p.3. 169 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Dans cette section nous essayerons de nous introduire au monde de la PME. Tout d’abord, on va cerner les principaux critères d’identification de la PME, afin d’avoir une idée plus claire sur la définition qu’on donnera par la suite. 1. Critères d’identification de la petite et moyenne entreprise : Afin de mieux cerner la définition et la notion « PME », nous allons nous baser sur deux importants critères d'identification à savoir les critères qualitatifs et les critères quantitatifs. 1.1. Les critères quantitatifs : Les critères quantitatifs utilisés s’efforcent principalement de cerner l’aspect dimensionnel de l’entreprise en privilégiant l’un ou l’autre aspect représentatif de la taille. D’après ces indicateurs, l’entreprise pourrait être identifiée à partir d’un chiffre, qui est considéré comme un seuil par lequel l’entreprise peut être classée comme petite, moyenne ou grande. Il s’agit principalement de : Le chiffre d’affaire : Le chiffre d’affaire est un critère assez courant, utilisé pour caractériser l’importance d’une entreprise. Il peut paraître comme le seul critère financier essentiel reflétant l'importance et le poids de l'entreprise. Cependant, cette corrélation n'est pas évidente car elle dépend du stade de vie du produit ainsi que de la conjoncture économique. La valeur ajoutée : Ce critère traduit réellement l’importance de l’activité de l’entreprise et sa contribution à l’évolution du revenu national ou du produit intérieur brut (PIB). Il exprime plus clairement la contribution des différents facteurs qui ont réalisé la production de l’entreprise. 170 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Le capital investi : Selon ce critère, le capital des PME ne doit pas dépasser une certaine limite différente d’un pays à un autre, suivant le degré de croissance économique du pays et l’arborescence de la rareté des éléments de production16. Le nombre de salariés : C'est le critère le plus retenu par la majorité des pays puisqu'il est facile à déterminer. Il reflète ainsi le rôle joué par l'entreprise dans la résorption du chômage. Toutefois, l'automatisation de certaines tâches ne fait que remettre en cause ce critère d'identification. 1.2. Les critères qualitatifs : Le critère qualitatif rejoint plus la réalité socio-économique par son caractère descriptif. Les différentes définitions qualitatives de la PME mettent l’accent sur la relation de l’entreprise avec son environnement. Il s’agit d’une approche beaucoup plus managériale et organisationnelle17. Ils touchent les aspects suivants : Direction et responsabilité : D'une manière générale, les PME ont un système de direction centralisé, car la décentralisation coûte chère. En plus, sa mise en œuvre nécessite des changements et donc une augmentation des salaires du personnel. C’est le propriétaire qui assume la responsabilité directe et finale, il assume des fonctions multiples (administration, finance, marketing…). L'employeur constitue l'ensemble de l'entreprise, effectue toutes les tâches importantes et c'est essentiellement de lui qu’émane la direction. 16 Isabelle FITSOUNI, la PME face à sa banque, édition PERFORMA, France, 1989, p18. GANI MESSAD, mémoire de Magister en sciences économiques, « Les PME-PMI comme acteurs du développement local : cas de la wilaya de Tizi Ouzou » UMMTO, 2010, p 46. 17 171 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. La propriété : En général c’est le secteur privé qui possède les PME « Le patrimoine peut provenir des apports de la famille, épargnes personnelles ou prêts d'amis consentis lors du démarrage »18. Les parts de marché : Les positions de monopole, oligopole ou de concurrence parfaite sont très variables elles dépendent de la façon dont on définit les produits étudiés, de ce fait, cette approche se révèle souvent insuffisante pour séparer la PME de la grande entreprise19. Gestion et organisation : C'est l'un des points les plus faibles de la PME. Cette dernière a commencé petite sans tradition de management moderne. Ce qui a engendré aujourd'hui, une mauvaise organisation en termes de délégation des pouvoirs et de répartition des tâches. Quant à sa gestion, la PME n'est pas dotée des moyens de suivi et de contrôle de gestion à savoir des tableaux de bord et moins encore de la comptabilité analytique. 2. Définition de la PME en Algérie : Il n'existe pas de définition unique de la PME. Les critères retenus sont différents selon les textes législatifs ou réglementaires instituant des dispositifs d'aides à la direction des PME. De même, cette définition diffère d'un pays à l'autre à cause de la non-conformité de la taille des économies nationales à l'échelle internationale. Dans notre travail, nous allons nous appuyer sur la définition donnée par le législateur algérien, dans la loi n° 08-01 du 27 Ramadhan 1422 correspondant au 12 décembre 2001 portant loi d’orientation sur la promotion de la petit et moyenne 18 http://www.memoireonline.com/01/09/1897/m_Financement-des-pme-a-haut-technologie--tunisie1.htm. consulté le 07/09/2011. 19 Isabelle FITSOUNI, op.cit. Page 19. 172 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. entreprise (PME)20. Selon cette loi, la PME est définie, quel que soit son statut juridique, comme étant une entreprise de production de biens et/ou de services: Employant une (1) à deux cent cinquante (250) personnes. Dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 2 milliards de Dinars ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 500 millions de Dinars. Et qui respecte les critères d'indépendance. Au titre de la présente définition, il est entendu par : Personnes employées : Le nombre de personnes correspondant au nombre d'unités de travail-année (UTA), c'est-à-dire au nombre de salariés employés à temps plein pendant une année. Le travail partiel ou le travail saisonnier étant des fractions d'Unité de Travail-Année. L'année à prendre en considération est celle du dernier exercice comptable clôturé. Seuils pour la détermination du chiffre d'affaires ou pour le total du bilan ceux afférents au dernier exercice clôturés de douze mois. Entreprise indépendante : L'entreprise, dont le capital n'est pas détenu à 25% et plus par une ou plusieurs autres entreprises ne correspondant pas à la définition de PME. Cependant, la loi n°08-01 a noté certaines distinctions entre moyenne, petite et très petite entreprise. Ces distinctions sont reprises dans le tableau ci-dessous : 20 Journal officiel n°77 du 30 Ramadhan 1422 correspondant au 15 décembre 2001. 173 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Tableau n°1 : Distinctions entre moyenne, petit et très petite entreprise. Taille de l'entreprise Effectifs employés Chiffre d'affaire Total du bilan Moyenne entreprise de 50 à 500 salariés entre 200 millions et 2 milliards de DA 100 et 500 millions de DA Petite entreprise de 10 à 49 salariés inférieur à 200 millions DA inférieur à 100 millions DA Très petite entreprise de 1 à 9 salariés inférieur à 20 millions DA inférieur à 10 millions DA Source : traitement personnelle à partir de la loi n°08-01. 3. Les caractéristiques des PME : 3.1. La centralisation de la gestion : La spécificité psychosociologique de la PME mentionne le rôle dominant de l’entrepreneur et la personnalisation de la gestion en la personne du propriétairedirigeant. Donc la spécificité de la PME repose sur la distinction entre le « patronat de management » qui correspond à la grande entreprise et le « patronat réel » qui caractérise mieux le patron de la PME qui engage ses propres capitaux, exerce une direction administrative et technique effective et assure avec son personnel des contacts directes et permanents21. En définitive, la forte centralisation, voire personnalisation des modes de gestion de la PME, la faiblesse de sa ligne hiérarchique, souvent inexistante, confère à la PME un caractère de proximité hiérarchique22. 21 22 Olivier TORRES, les PME, Ed : DOMINOS, Flammarion, p.5. Idem, p.25. 174 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. 3.2. Une stratégie intuitive et peu formalisée : L’horizon temporel de la PME est souvent à court terme. Les comportements stratégiques sont davantage réactifs qu’anticipatif. Les patrons des PME emploient peu de techniques de gestion telles que la gestion prévisionnelle et l’analyse financière. Les chefs de PME préfèrent recourir à l’intuition pour prendre des décisions. Dans les PME le processus de décision fonctionne le plus souvent selon le schéma intuitiondécision-action, ce qui fait que la stratégie est avant tout implicite et très souple23. Les objectifs de base à long terme, les plans d’exécution, les raisons des choix restent, le plus souvent, implicites, dans « la tête du patron » et ne font que rarement l’objet de communication et d’explication autres que celles nécessitées par l’action immédiate, car le dirigeant est suffisamment proche de ses employés pour leur expliquer tout changement de direction. Cette proximité temporelle et stratégique procure à la PME une plus grande souplesse, une flexibilité, une interactivité et une adaptabilité qui sont autant de qualités qui lui confèrent une grande capacité à infléchir les orientations stratégique. Dans ce cas, on préfère parler « d’intuition stratégique » plutôt que de planification stratégique24. 3.3. Une forte imbrication des fonctions de l’entreprise : La gestion en tant que discipline s’est développée autour d’une grille de lecture propre à la grande entreprise : l’analyse par fonctions. Or, la PME se caractérise par une absence de décomposition fonctionnelle. Si l’analyse fonction par fonction est très pratique et pertinente dans le cadre d’une grande entreprise, elle est en revanche inadéquate dans le cadre d’une PME où les problèmes peuvent difficilement être traités de façon aussi analytique25. 23 Olivier TORRES, op.cit. p.28. Idem, p.28. 25 Idem, p.26. 24 175 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Cette difficulté d’analyse fonction par fonction est la résultante d’une faible spécialisation au sein des PME. Le propriétaire-dirigeant est « au four et au moulin ». Il n’est pas rare de voir le patron dans la même journée prospecter de nouveaux clients, répondre aux sollicitations d’un nouveau fournisseur, réparer une machine en panne et s’entretenir avec son banquier en fin d’après-midi. Cette non-spécialisation ne concerne pas seulement les patrons des PME, mais elle s’étend aux salariés, qui doivent jouir d’une très grande polyvalence et exécuter des tâches appartenant à des champs différents (commercial, financier, maintenance, relations publiques…). Il en résulte de cette non-spécialisation : Une absence d’un service de gestion des ressources humaines. Un service marketing réduit au strict minimum (pas d’étude de marché…). Une planification financière souvent à court terme…etc. En définitive, l’absence de séparation des tâches et fonctions, l’omniprésence et la polyvalence du dirigeant confèrent à la PME un caractère de proximité fonctionnelle26. 3.4. Un système d’information peu complexe et peu formalisé : Les systèmes d’information internes des PME sont généralement simples et faiblement structurés. Les dirigeants des PME préfèrent les médias les plus informels fondés sur la communication orale. Les petites entreprises fonctionnent par dialogue ou par contact direct à l’inverse des grandes entreprises qui adoptent des mécanismes de communication plus formalisés27. L'information circule de manière efficace même si elle revêt un caractère informel, elle est souvent partielle et échangée dans l’action, par contacts directs ou par dialogue. 26 27 Olivier TORRES, op.cit. p.26. Idem, p.26. 176 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. En ce qui concerne la communication externe, le système d’information est simple parce qu’il est fondé sur forte proximité physique entre le dirigeant et les principaux acteurs de l’univers de l’entreprise. En effet, le patron connaît personnellement tous les clients et les fournisseurs de l’entreprise. La dimension relationnelle est plus importante que la dimension organisationnelle. 3.5. Un capital de proximité : Alors que les grandes firmes se financent soit directement sur le marché des capitaux en émettant des titres, soit indirectement en recourant au crédit bancaire, les PME ne financent que très rarement leurs investissements par le recours direct au marché des capitaux et refusent généralement l’intermédiation bancaire. Les patrons des PME préfèrent l’autofinancement. Les capitaux proviennent principalement des fonds personnels du dirigeantpropriétaire apportés au moment de la création de l’entreprise et des fonds qu’il aurait pu emprunter aux membres de sa famille et à ses proches. Cette proximité du capital (capital familiale) fait souvent que les capitaux propres sont insuffisants dans les PME, ce qui provoque des problèmes récurrents de financement dans les petites organisations. 3.6. Un marché de proximité : Les PME se définissent en général par un espace marchand relativement restreint. Les ventes se réalisent le plus souvent à l’échelle locale ou régionale. Cette proximité permet au dirigeant de la PME de tisser des relations privilégiées avec ses clients et fournisseurs. La prédilection des PME pour les relations économiques directes et personnalisées conduit les « Pmistes » à employer le terme de clientèle plutôt que celui de marché, concept beaucoup plus anonyme et impersonnel qui 177 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. correspond mieux à la logique de la grande entreprise. Le pouvoir de marché de la PME est lié à la proximité et non aux économies d’échelle28. Même à l’échelle de l’exportation la PME s’appuiera tout d’abord sur les marchés les plus proches géographiquement, linguistiquement et culturellement ; et ensuite elle passera au reste du marché mondial. Graphique n°13 : Les caractéristiques des PME selon P.A.JULIEN. Stratégie intuitive, exprimée oralement et peu formalisée. Petit taille -Contact direct. -Faible distance hiérarchique. -Relation de travail plutôt informelle. La centralisation de la gestion PME Autour du propriétaire dirigent System d’information peu complexe et peu organisé -De la direction -Des emplois -Des équipements. Faible spécialisation Source : GANI MESSAD, mémoire de Magister en sciences économiques, « Les PME-PMI comme acteurs du développement local : cas de la wilaya de Tizi Ouzou » UMMTO, 2010, p.55. 28 Olivier TORRES, op.cit. p.30. 178 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. II. Les PME et les financements participatifs : Bien que leur typologie soit très variable d’un pays à l’autre, en fonction du niveau de développement, les PME ont une caractéristique commune : le caractère personnel et familial de l’entreprise. Pour cette raison, toutes les PME n’envisagent pas identiquement l’intervention de la banque. Pour certaines, cette dernière est indispensable ; c’est le cas des PME en démarrage, de celles qui rencontrent des difficultés de croissance ou qui ont besoin d’un soutien externe pour se restructurer. La demande de financement des PME nécessite des crédits longs car il s’agit de financer des investissements qui s’amortissent sur un long ou moyen terme ; le développement des PME ne peut donc se faire qu’avec une politique basée sur des ressources longues. L’approche du marché des PME par les institutions qui utilisent les contrats participatifs (banques islamiques et sociétés de capital investissement), peut être analysée selon trois critères : l’investissement, la rentabilité et le risque. L’investissement : Les institutions pratiquant les contrats participatifs, pour le financement des PME, exigent de tout promoteur d’un projet la présentation d’une étude de faisabilité (business plan) qui doit, en principe, fournir des renseignements sur les aspects financier, économique, commercial, technique et organisationnel du projet. Comme les dossiers présentés renferment rarement tous ces éléments, ces institutions se sont dotées de départements d’étude de projets et de suivi. Dans un financement de type Moudaraba/Mousharaka ou dans le cas d’un contrat capital investissement, l’institution financière peut prendre en charge le financement total de l’investissement en intervenant comme associé. Ce type de financement convient parfaitement aux PME, qui démarrent leur activité, pour obtenir les fonds nécessaires à la mise en place de l’investissement. 179 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. La rentabilité : C’est l’élément primordial en finance participative. En effet, pour la banque islamique ou la société de capital investissement, ce qui importe le plus, c’est la rentabilité de la PME à financer dans la mesure où sa rémunération dépend quasi exclusivement de cette rentabilité. L’obtention de plus-value à la sortie ou le partage des profits entre la PME et l’institution financière traduit le fait que le bénéfice n’est que le fruit de la symbiose du travail et du capital. Le risque : L’octroi de crédits aux PME est généralement assorti d’un risque élevé, en raison notamment du risque d’insolvabilité et du caractère fragile des garanties offertes par les PME. Au niveau des sociétés de capital investissement et des banques islamiques, le problème des garanties se pose toutefois avec moins d’acuité que pour les banques classiques. La principale garantie dont dispose ces instituions est le projet, l’expérience du promoteur et sa capacité à réaliser les objectifs assigner lors de la signature du contrat de financement. De façon générale, les problèmes liés au financement bancaire des PME restent similaires d’une institution à l’autre, qu’elle soit classique ou islamique. Toutefois, il ressort que les produits offerts par les institutions financières participatives pourraient être particulièrement adaptés aux besoins des petites et moyennes entreprises, et ce, pour quatre raisons : La faiblesse des PME en fonds propres est bien connue et constitue un obstacle majeur à l’accès au crédit bancaire ; or, le financement participative peut contourner le problème de l’apport en fonds propres puisque la banque islamique ou la société de capital investissement intervient en tant que partenaire et non en tant que bailleur de fonds. L’endettement excessif résultant de cette faiblesse en fonds propres entraîne des frais financiers importants (taux d’intérêt) et met en péril l’équilibre financier de la PME ; or le financement participatif basé sur le partage des risques et des 180 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. profits permet de renforcer le bilan des PME et allège le recours à l’endettement. Au niveau bancaire, la gestion de bon nombre de PME est loin de créer la confiance ; or le financement participatif conçoit la relation investisseur/promoteur plutôt à long terme avec notamment un rôle actif de l’investisseur dans la gestion de l’affaire. Au niveau du suivi et du recouvrement, les banques islamiques et sociétés de capital investissement sont supposées disposer de structures de suivi pour contrôler les travaux relatifs à la réalisation de l’investissement, d’une part, et à l’exploitation proprement dite de la PME, d’autre part. 1. Le financement participatif et le financement bancaire : Durant des décennies, la finance classique a contribué au financement des investissements en analysant les capacités des entreprises à rembourser les prêts et à prévoir un système de garantie sur les biens personnels ou par des cautionnements. Le taux d’intérêt, la durée du prêt, l’échéancier de remboursement et le montant de l’annuité sont connus et prévus explicitement dans le contrat de prêt. Ces éléments très contraignants rendent l’accès plus ardu aux ressources de financement pour les entités économiques. Or, la recherche de financement est un enjeu stratégique et vital pour le développement de l’entreprise. Les difficultés d’accéder aux marchés financiers et aux concours bancaires constituent, donc, un sérieux handicap pour le développement des entreprises notamment les PME. L’alternative est apportée par le capital investissement et les banques islamiques qui, aux côtés des banques classiques, peuvent favoriser la complémentarité de l’économie de fonds propres avec celle de l’endettement. 181 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Une complémentarité qui s’impose de facto dans une ère d’expansion voire d’explosion du domaine de la haute technologie et de l’innovation qui imposent à fortiori le financement de l’immatériel. Bien que les deux métiers s’inscrivent dans le financement de projets et d’entreprises, les procédés, les approches, les éléments d’appréciation et les critères d’éligibilité sont différents. La vision du capital-risqueur ou du banquier islamique diffère de loin de celle du banquier classique et leurs vocations se trouvent diamétralement opposées. 1.1. Le financement : Le financement sous tous ses aspects est le premier critère de différenciation que nous voudrions exposer parce qu’il apparaît au-devant, chaque fois que la question de distinction des deux métiers se pose (banque classique et institution financière participative). Il représente un élément d’identification pour les deux professions qui sont, généralement, définies par la nature de leurs activités. La nature du financement : Autant la vocation primaire de la banque est d’octroyer des crédits à court, moyen et long terme, l’activité principale des institutions financières participatives est de participer au capital des entreprises par des apports en fonds propres. Mais il se pourrait que le banquier et l’investisseur en capital puissent étendre leur activité, à titre accessoire, aux activités de l’autre. Ainsi, le premier peut effectuer des apports en capital et le deuxième octroyer certains prêts. Mais, reste à signaler que ces opérations doivent être accomplies en marge des activités principales. La durée du financement : Les logiques des deux métiers font que la durée de financement soit fixe et connue pour un concours bancaire, incertaine et inconnue pour un financement participatif. En octroyant un crédit, le banquier sait d’ores et déjà quand il récupérera 182 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. sa mise, alors que l’investisseur n’en a qu’une appréciation plus ou moins plausible du fait que la durée du financement dépend systématiquement de la sortie d’investissement, elle-même conséquente du développement imprévisible de l’entreprise. Le retour sur investissement : Le retour sur investissement certain et connu d’avance s’agissant d’un financement classique par crédit bancaire (taux d’intérêt), ne présente pas cette caractéristique de fixité pour les contrats participatifs. Au contraire, la plus-value espérée lors de la cession de la participation par un capital-risqueur ou par une banque islamique a une nature volatile et aléatoire qui peut conduire aussi bien à un gain totalement inespéré qu’à une perte sèche. La garantie : Une garantie réelle (gage ou hypothèque) ou personnelle (cautionnement) est toujours requise par la banque à l’occasion d’octroi de crédit. Cette garantie qui est le plus souvent supérieure au concours, pour mieux le couvrir, ne s’impose pas dans les opérations de financement participatif qui se veut d’être un moyen de financement sans garantie, dont la seule garantie est le projet financé et l’expérience du promoteur. 1.2. La clientèle ciblée : Quand le banquier peut financer toute personne solvable, le capital-risqueur et la banque islamique, en utilisant la mousharaka ou la moudaraba, ne peuvent porter d’intérêt qu’à un projet ou une entreprise présentant un fort potentiel de croissance. Les gros risques, que véhiculent les opérations qu’ils réalisent, ne leur permettent pas de financer des affaires non porteuses de fortes plus-values. 1.3. La qualité de l’étude préalable au financement : Le plus important pour un banquier qui consent un prêt à une personne quelconque est d’être sûr de récupérer sa mise initiale augmentée d’un intérêt, 183 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. généralement annuel, à une date donnée. Il s’en dégage deux grandeurs financières principales : le délai de récupération et la solvabilité. Si la première grandeur est estimée par le banquier par une analyse basée sur les cash-flows que générerait le projet, la deuxième, qui est d’ailleurs la plus importante aux yeux du banquier, repose généralement sur l’étude des trois derniers bilans ; l’étude est rétrospective. Quant au financeur participatif, son analyse est beaucoup plus futuriste et se base sur le business plan. Il y a lieu, sans doute, de rappeler que le financement participatif est subordonné au critère le plus important qui est le jugement sur les Hommes et auquel le banquier n’accorde pas un intérêt particulier. Tous les espoirs de l’investisseur reposent sur les Hommes qu’il finance et leurs aptitudes à mener à bien le projet. Il est donc primordial d’en estimer les compétences. 1.4. La gestion du financement : C’est, sans doute, un des aspects les plus caractérisant du financement participatif. Aussi vrai que le banquier est réputé être un intervenant passif, l’investisseur en capital est dominé par sa qualité d’un partenaire actif dans la gestion de l’entreprise financée. En effet, à l’inverse du banquier qui se limite à un concours financier, l’investisseur en capital étend son intervention, au-delà de l’apport en fonds propres, à une assistance et une complicité dans la gestion de l’entreprise. Cette assistance peut être de divers degrés, allant du simple rôle de conseil à celui de participation à l’administration de l’entreprise. Les différences entre ces deux métiers peuvent être résumées dans le tableau suivant : 184 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Tableau n° 2: Différences entre le financement bancaire et le financement participatif. Financement participatif Financement bancaire Nature du financement Fonds propres Prêts Rémunération Commissions et plus-value Intérêt Durée d’investissement Non définie mais limité à Définie contractuellement ou du prêt quelque année Liquidité des titres Très faible Intervention dans Faible la Active Passive gestion Compétences Multiples Financières En définitive, ces deux métiers s'opposent, l’investissement en capital associe une expertise forte, la confiance dans son jugement et la prise de risque. Le banquier conjugue un manque de savoir-faire face aux nouvelles technologies, une faible conviction dans sa capacité de juger les projets innovants et une prise de risque limitée. 2. Le cycle de vie des PME et les modes de financement adapté : Le schéma repris ci-dessous illustre le cycle de vie d’une PME que nous tenterons de commenter et d’expliquer par la suite. Vous remarquerez que les termes repris dans le schéma et dans son explication renvoient aux métiers du capital investissement et non à la finance islamique, car les produits offerts par cette dernière ne sont pas subdivisé par rapport au cycle de vie d’une PME chaque contrat peut être utilisé à tout moment de la vie d’une entreprise. 185 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Graphique n°14 : Schéma reprenant le cycle de vie d’une PME et les financements adaptés. Source : Le schéma est inspiré des deux schémas repris dans les ouvrages : -Pierre BATTINI, «Capital Risque : mode d’emploi», Edition d’Organisation, Paris, Novembre 2000. p73 ; - Jean LACHMANN, «Financer l’Innovation des PME», Edition Economica, Paris, 1996. P18. 186 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. 2.1. La conception du produit : Comme le schéma ci-dessus le montre bien, cette phase englobe l’émanation de l’idée du nouveau produit, la recherche scientifique et l’évaluation des coûts, l’étude de faisabilité et, enfin, la réalisation d’un prototype. Sur toute cette phase, le chiffre d’affaires est quasiment nul et l’activité déficitaire du fait d’investissements essentiellement immatériels (études, recherche, frais de personnel…). Cet aspect de financement de l’immatériel rend cette phase particulièrement risquée par rapport à tous les autres stades de développement d’une entreprise. Les banquiers habitués à des horizons plus clairs ne peuvent s’aventurer dans des financements pour lesquels l’avenir paraît flou et dont ils ne disposent pas de garanties réelles ou personnelles considérables. C’est pourquoi, le financement de la phase préalable à la création ne peut être assuré que par des fonds personnels ou par des ressources provenant de la famille ou des amis proches qui croient en l’idée ou encore de Business Angels dont le métier est de s’aventurer dans des financements de nouvelles idées. Même les fonds de capital-risque sont difficiles à lever à ce niveau. Seuls les projets à très fort potentiel de croissance ou promus par des personnes notoires (chercheurs, scientifiques…) dans le domaine d’activité ciblé par l’entreprise peuvent séduire certains capital-risqueurs. Ces derniers s’intéressent, à ce stade de développement associé au capital-amorçage, à des secteurs de haute technologie avec de gros investissements. 2.2. Le lancement du produit : Ce stade correspond au lancement industriel et commercial du nouveau produit. L’entreprise commence à dégager un chiffre d’affaires mais le résultat demeure négatif. Cette situation est toujours caractérisée par un niveau de risque assez élevé et un besoin accru en fonds propres. 187 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Les frais d’établissement et les premières charges d’exploitation ne peuvent trouver d’autres sources de financement que les capitaux propres, quand les banquiers ne peuvent prêter leurs fonds, dans des situations traduisant un tel niveau de risque, que sous le couvert de garanties réelles ou personnelles très importantes. Le fonds de roulement constitue, également, une composante essentielle pour une nouvelle entreprise dans la mesure où le capital de départ est souvent insuffisant pour couvrir tous les investissements et les frais de lancement, notamment l’acquisition d’actifs incorporels et les dépenses immatérielles. L’autofinancement demeure le financement prédominant de ce stade du fait que les risques élevés et la longue durée de retour sur investissement, évaluée de cinq à dix ans, sont défavorables à tout concours financier extérieur. Néanmoins, il existe, partout dans le monde, des régimes publics d’aide à la création d’entreprises ou d’emplois, qui peuvent être d’un apport, plus ou moins, intéressant aux nouvelles entreprises en phase de lancement. Les organismes de capital-risque, notamment ceux spécialisés dans le capitalcréation peuvent jouer un rôle assez important dans le financement de ce genre de situation quand les perspectives de développement paraissent intéressantes ; mais, ils ont tendance à n’investir que dans de gros projets avec des tickets de participation élevés faute de rentabilité attrayante sur les petits projets. 2.3. La phase de croissance : L’entreprise commence à s’implanter et à s’accaparer des parts de marché qui propulsent son chiffre d’affaires à des niveaux qui permettent de générer des bénéfices et, possiblement, de couvrir l’ensemble des déficits accumulés préalablement. A ce stade, l’entreprise devient moins risquée et les concours bancaires peuvent contribuer plus aisément à son développement. Toutefois, l’accès à ces concours est principalement basé sur des critères de solvabilité et de rentabilité ainsi que d’autres commerciaux. 188 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. Les sociétés de capital-risque spécialisées dans le développement s’intéressent aussi à ce niveau de croissance, mais toujours à des niveaux de participation relativement élevés. Quand ils ne servent pas à aider l’entreprise à percer dans l’exportation, les apports en capital peuvent servir, dans ce cas, à accentuer la recherche sur le nouveau produit pour d’éventuels perfectionnements ou à accroître les capacités de fabrication de l’entreprise pour atteindre des rangs lui permettant de réaliser des économies d’échelle et de rafler de nouvelles parts de marché. 2.4. La maturité : L’entreprise, sortie indemne des deux phases précédentes, aura alors entamé sa phase de maturité caractérisée par un moindre taux de croissance du chiffre d’affaires et des résultats qui auront atteint un haut seuil. L’entreprise pourra tenter d’améliorer ou de rénover son produit qui arrivera bientôt à sa phase de déclin. Elle pourra, dans ce cas, compter sur les ressources qu’elle a accumulées en réserves par les bénéfices non distribués et sur les concours extérieurs qui seront plus faciles d’accès, dans la mesure où celle-ci détient un passé comptable et une riche expérience acquise par le lancement initial du produit. Le capital-développement intervient, dans ce cas, pour participer à la rénovation du produit qui nécessite beaucoup de fonds propres destinés à financer la nouvelle recherche et la nouvelle conception. Les investisseurs en capital peuvent, également, être sollicités pour la restructuration d’un passif déséquilibré et en surendettement. Alors que le capital-transmission peut, d’ores et déjà, s’intéresser à l’entreprise en finançant son rachat par d’autres investisseurs, le Bridge Financing a la possibilité d’intervenir dans une éventuelle introduction en bourse. 189 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME. 2.5. Le déclin : La difficulté que rencontre une entreprise, dont le produit a atteint sa phase de déclin, pour trouver des moyens de financement, avoisine celle affrontée à la conception du produit. Les financiers traditionnels ne voient pas d’intérêt dans le financement d’une entreprise qui tend à disparaître et les ressources propres de cette dernière devraient être sensiblement épuisées durant la phase précédente. Mais, un financement n’a de justification que s’il s’inscrit dans un processus qui engendrerait un retour sur investissement assez satisfaisant par rapport au risque encouru. Alors, l’entreprise, en quête de ressources, doit formuler clairement son objectif. Par ailleurs, le capital-transmission a la vocation de financer l’acquisition de ce genre d’entreprises par d’autres investisseurs croyant en l’adaptabilité du produit développée dans un autre secteur et qui seraient attirés par les compétences de l’équipe qui a lancé le produit initial. 190 Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Après avoir traité la finance islamique et le capital investissement d’une manière théorique dans la première et la deuxième partie respectivement, et après avoir analysé les ressemblances des contrats mousharaka/moudaraba avec le capital investissement ainsi que l’apport des contrats participatifs dans la création et le développement des PME, dans le premier chapitre de cette troisième partie, il nous est apparu opportun de finaliser notre travail par l’étude d’un cas pratique de financement par participation. C’est ainsi que dans ce dernier chapitre, nous allons étudier seulement un cas de financement par capital investissement à cause de l’absence de cette pratique (financement participatif) au niveau des banques islamiques établies en Algérie. Le dernier chapitre de notre travail sera scindé en deux section la première sera réservée à la présentation de la société de capital investissement qu’est la FINALEP, la deuxième section sera réservée quant à elle à l’étude d’un cas réel de financement par cette dernière. Section 1 : Présentation de la FINALEP. I. Création : 1. Contexte et objectifs : La FINALEP/SPA (financière algéro-européenne de participation) a été créée le 30 juin 1991 à l’initiative de : deux banques algériennes, à savoir la Banque de Développement Local (BDL) et le Crédit Populaire d’Algérie (CPA), et de la Caisse de Coopération Economique (actuelle Agence Française de Développement (AFD)), dans le sillage des réformes engagées du système bancaire et financier algérien afin de promouvoir ce mode de financement en Algérie. Un quatrième partenaire, la Banque Européenne d’Investissement (BEI), a fait son entrée en 1995 dans l’actionnariat de la FINALEP. 192 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Il faut préciser que cette société a été lancée sans attendre la mise en place d’un cadre légal et réglementaire spécifique à l’activité de capital investissement et qu’elle a activé sous le seul couvert d’un avis de conformité du Conseil de le Monnaie et du Crédit (avis n°12 du 04 février 1991). Les objectifs assignés à cette entreprise étaient : Ancrer dans le paysage financier algérien, ce nouveau métier dédié au financement et à la création des PME. Mettre en place les outils et procédures propre à l’activité de capital investissement. Former un noyau d’encadrement à même d’assimiler et de diffuser les technique de ce mode de financement. Susciter au sein des patrons de PME un intérêt pour ce financement de haut de bilan en les sensibilisant sur les avantages qu’il présente par rapport au financement bancaire. 2. Objet social et principales activités : Conformément à ces statuts, l’objet social de la FINALEP porte sur : Participation au capital de joint-ventures créées par des opérateurs algériens et européens. Recherche de promoteurs. Négociation d’accord de partenariat. Appui pour le montage financier des projets et la recherche de leur financement. La FINALEP a pour mission principale de financer, de promouvoir et d’appuyer la création et le développement d’entreprises. Elle contribue également à la privatisation de sociétés publiques en s’associant à leurs repreneurs potentiels. 193 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Elle intervient, non seulement, en fonds propres en prenant des participations directes dans le capital social des entreprises, mais également, en participant accessoirement par l’intervention en quasi-fonds propres. La FINALEP assure des services connexes à son activité principale, nous en citons : Assistance et conseil. Recherche et identification à travers le réseau de banques actionnaires Recherche de préfinancement pour la prise en charge des études de faisabilité, formation et autres. Assistance dans l’élaboration de l’étude de faisabilité. Recherche de crédits domestiques et extérieurs. II. Les procédures d’une prise de participation au sein de la FINALEP1 : Il s’agira à travers cette sous-section de reprendre toutes les démarches que suit un chargé d’affaires de la FINALEP lorsqu’un dossier de prise de participation lui est soumis. Ces démarches débutent par un premier entretien avec le promoteur ayant fait appel à la FINALEP pour une prise de participation au capital d’une société créée ou à créer, dans le but de lui exposer les activités et les conditions d’intervention de la FINALEP. Après ce premier contact, le chargé d’affaires procédera à de multiples démarches que l’on peut résumer à travers ce qui suit. 1. Etude de la demande : En accord avec le directeur général; le chargé du dossier se prononce sur la suite a donné à l’investisseur qu’elle soit positive ou négative avec justification du 1 Documents remis par un responsable au sein de la FINALEP. 194 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. rejet si la demande n’est pas conforme aux conditions de l’intervention de la FINALEP. S’il y a acceptation, le chargé d’affaires soumet à la relation une copie de l’imprimé relatif aux modalités de prise en charge d’un dossier. En cas d’accord, une lettre d’intention sera soumise à la relation. Par ailleurs, une vérification de certains documents est nécessaire. Cette opération doit être effectuée à la remise de l’étude de faisabilité. Le promoteur du projet sera informé des procédures qui régissent la FINALEP pour toute intervention dans un projet. 2. La réception de l’étude de faisabilité : L’étude de faisabilité comprend l'étude de marché, l'étude technique et l'étude économique et financière. Cette étude est généralement réalisée par le promoteur. Elle peut toutefois être réalisée en collaboration avec la FINALEP si elle est sollicitée par le promoteur. Dans le cas où la FINALEP prendrait en charge l’étude, sa facturation peut s’effectuer de plusieurs manières : En numéraire. En part à détenir dans la société conjointe. Constatation d’une créance de la FINALEP sur la société. En général, deux chargés d’affaires sont désignés pour conduire les réunions de travail avec le promoteur. Le premier aura pour tâche d’étudier l’affaire et de préparer les dossiers de prise en considération et de participation, soumis ultérieurement à l’approbation du Comité Exécutif et de l’Assemblée Générale. Le deuxième est régulièrement tenu informé de l’évolution du dossier afin de palier toute éventuelle défaillance du premier chargé d’affaires. Par conséquent, chaque réunion tenue, fera l’objet d’un compte rendu destiné au directeur général. 195 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. 3. Première réunion du comité interne : Le comité interne de la FINALEP est constitué du Directeur Général et deux chargés d’affaires. Le comité interne de la FINALEP se réunit pour examiner les affaires à présenter au comité exécutif pour prise en considération. Au cours de cette réunion, l’étude finalisée sera exposée par le chargé d’affaires responsable du projet. L’objet de cette réunion est de perfectionner et approfondir l’étude. Il sera également question de cerner et combler toutes les lacunes de celle-ci et de répondre aux questions susceptibles d’être posées par les membres du Comité Exécutif. Ainsi, un contact, ayant sollicité la FINALEP pour un financement en fonds propres, devient une prise en considération lorsque les éléments suivants sont identifiés : L’objet du projet. Les partenaires. Le marché. La technique, la technologie et les équipements utilisés. L’évaluation de l’investissement prévisionnel et des performances du projet. 4. La prise en considération : L’étude de la faisabilité, revue par le comité interne, ainsi qu’une fiche récapitulative sont soumises au comité exécutif pour une prise en considération. Le comité exécutif se prononce soit en donnant son accord pour la poursuite de la procédure soit en rejetant l’affaire. Dans les deux cas, une note sera adressée au promoteur, avec la conclusion du comité exécutif. 196 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. 5. Deuxième réunion du comité interne : Après avoir traité toutes les remarques émises par le comité exécutif et préalablement à la convocation du conseil d’administration pour la prise de participation, le comité interne de la FINALEP se réunit une deuxième fois, afin d’évaluer le dossier qui sera présenté au conseil. 6. La prise de participation : Le conseil d’administration se prononce sur la décision de prise de participation sur la base du dossier qui lui a été remis au préalable. Il donne son accord avec ou sans réserves comme il peut rejeter le dossier pour des motifs qui seront exposés dans le procès-verbal. En cas d’accord, la Direction générale est mandatée par le conseil d’administration pour la signature du pacte d’actionnaires et des statuts. La direction générale est également chargée de la gestion des modalités de libération du capital. 7. La signature du pacte d’actionnaire : Un pacte d’actionnaires est signé entre tous les partenaires pour définir les modalités d’intervention de chacun d’eux. Ce pacte définira entre autres : le type de société à créer (SPA), le nombre d’administrateurs, le commissaire aux comptes (sur proposition de la FINALEP), les modalités de sortie de la FINALEP ainsi que les repreneurs potentiels. 8. La souscription de la garantie de passif : La garantie de passif est donnée en faveur de la FINALEP par les dirigeants qui sont les actionnaires majoritaires de la société à créer. Son objet principal est de garantir tout ce qui n’a pas été annoncé et tout ce qui n’est pas compris dans le bilan. 197 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Les dirigeants de l’entreprise s’engagent à dédommager la FINALEP, au prorata de sa participation dans le capital, si des moins-values non signalées à l’avance et non prises en compte dans la valeur de négociation apparaissent. Il existe un seuil minimal en deçà duquel la garantie ne peut être mise en jeu. La garantie a également une durée de validité. Ces deux éléments sont fixés au cas par cas. 9. La recherche éventuelle d’autres financements : Dans le cas où la société à créer nécessiterait des financements complémentaires aux fonds propres, des démarches auprès de banques commerciales seront entreprises. Une demande de crédit sera remise à la banque retenue. Cette étude sera l’œuvre d’un des partenaires et sa rémunération sera à convenir entre les associés. 10. La création de la société conjointe : En règle générale, la phase « création » est prise en charge par le promoteur du projet : signature des statuts, publication, immatriculation, demande d’avantages auprès de l’ANDI, dossier bancaire… Dans le cas où la nouvelle société ne serait pas encore structurée de façon à pouvoir prendre en charge cette phase, la FINALEP peut, à titre de prestation et pour le compte de la nouvelle société, se charger des tâches suivantes : L’élaboration des statuts avec le notaire ; La réalisation du dossier ANDI ; La recherche d’autres sources de financement. Cette prestation s’exécuterait au terme d’une convention entre la nouvelle société et la FINALEP. La convention définira entre autres le montant de la rémunération. 198 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. 11. Suivi de la participation : A la création de la société, FINALEP désigne son représentant au sein du conseil d’administration. Chacune des participations doit faire l’objet d’un suivi qui sera mené sur la base d’une fiche mettant en relief les points suivants : Rappel de l’intervention de la FINALEP et historique de l’affaire ; Analyse de l’activité : bilans et comptes d’exploitation ; Analyse de la gestion et de l’administration de la société ; Commentaires sur les perspectives de l’affaire. L’administrateur, représentant de la FINALEP, doit mettre à jour régulièrement (en fonction de la tenue d’un conseil d’administration et d’un événement particulier), une fiche de suivi reprenant tous les points décrits ci-dessus. Section 2 : Financement d’un cas réel par la FINALEP. Nous allons dans cette section, présenter un cas réel de prise de participation par la FINALEP. Il s’agira de revenir sur le montage effectué par le chargé du dossier pour mieux appréhender les aspects techniques auxquels s’intéresse le capital-risqueur algérien dans son intervention. Nous tenons à préciser que ce cas a été présenté à la FINALEP en 1997, et que toutes les données reprises ci-après, relatives à l’environnement économique, dates aussi de cette même période. I. Etude générale du projet : La FINALEP a été sollicité à l'effet de prendre part au projet ALSOLAR, qui sera implanté en Algérie, et ce à l'initiative des promoteurs Algériens (EPSILONE Ingénierie / ALGERIE) et Français (SOLAR Energy et WATT Inc). En effet, les deux (02) partenaires français dans l’affaire ont pris attache avec l’Agence Française de Développement (AFD), un des actionnaires de la FINALEP, 199 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. pour obtenir des informations sur le climat d’affaires en Algérie. L’AFD les a orientés vers la FINALEP qui a pour vocation de promouvoir le partenariat Algéro - Européen. 1. Présentation du projet : 1.1. Activité : Le projet actuel, objet de notre étude, concerne la création d'une société d'industrialisation, de montage, d'assemblage, d'installation et de distribution de systèmes photovoltaïques et de produits solaires en partenariat entre la société Algérienne EPSILONE Ingénierie / ALGERIE et les sociétés françaises SOLAR Energy et WATT Inc. Cette initiative est le résultat d'une coopération soutenue par les différents partenaires depuis plusieurs années. Ce projet s'attache exclusivement à la conversion photovoltaïque de l'énergie solaire qui est une technique de production d'énergie sans carburant, sans pièces en mouvement, sans bruit et sans pollution. Les générateurs photovoltaïques peuvent produire de l'énergie partout dans le monde, à la différence des autres énergies renouvelables. Associée à d'autres équipements, elle offre l'avantage d'une riche variété d'applications modulables et répondant aux besoins des consommateurs. Elle est surtout efficace et économique pour l'alimentation électrique des sites non connectés par réseau en région rurale ou isolés pour des besoins d'éclairage, d'utilisation d'équipements domestiques (radio, télé...) et devient de plus en plus demandée dans des applications multiples. La société qui sera créée aura comme principale production, ce qui suit : Système : Pompage d'eau, irrigation, téléphonie rurale, relais / réémetteur, balisage solaire et électrification d'habitations. Produit : Kits d'éclairage, Cabine phone solar, Kits pédagogiques. 200 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. 1.2. Le marché : Dans les régions défavorisées, l'énergie solaire photovoltaïque constitue souvent la seule possibilité d'électrification des sites isolés. Des études sur le potentiel énergétique solaire montrent la quantité appréciable pour l'exploitation et l'utilisation de cette forme d'énergie en Algérie, l'ensoleillement y est présent durant plus de 3.000 heures /an. Selon un programme du Gouvernement dit " Zones à promouvoir ", II existerait en Algérie plus de 500 communes jugées isolées et peu développées. Si nous retenons l'hypothèse de 5000 ménages / commune, nous aurons un marché potentiel de 1500 méga watt à installer en terme de besoin en électricité (soit 30.000.000 de modules). La part du marché visée par " ALSOLAR " est de 0,3 % du marché potentiel, soit un volume énergétique de 4,5 Méga Watt, équivalent à 90.000 modules sur un programme de réalisation de 5 années. II est à noter, également, que des marchés déjà signés par la société EPSILONE, seront cédés à la nouvelle société, ils concernent : Mise en place de 85 installations photovoltaïques pour les services des PTT. Fourniture et installation de 6 systèmes photovoltaïques, pour alimentation de station de radio VHP pour la Gendarmerie Nationale. Soulignons que l'offre nationale dans ce domaine d'activité est pratiquement nulle, ce qui permettrait à ALSOLAR de se retrouver en situation de quasi-monopole et de réaliser ses objectifs si toutes les conditions sont réunies (Qualité du travail appréciable, Demande nationale effective, Compétitivité en matière de coûts...). En matière d'approvisionnement, une grande partie des intrants sera d'origine étrangère. 1.3. Coût du projet, localisation : Le coût global du projet a été estimé à environ 80.000.000 DA. 201 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. En ce qui concerne la localisation du projet, le siège et les ateliers de production seront à Alger. Les réalisations se feront sur tout le territoire national. Soulignons que des négociations sont bien engagées pour une location d'un site dans la localité de Bordj El Kiffan (Banlieue d'Alger). 1.4. Processus technique et technologique : ALSOLAR aura à acquérir le matériel nécessaire aux installations photovoltaïques auprès de fournisseurs étrangers et assurera leur installation et leur maintenance en Algérie. Le principe de fonctionnement d'une installation photovoltaïque est le suivant : Les modules photovoltaïques convertissent le rayonnement solaire en courant continu permettant d'alimenter les appareils électriques soit directement, soit via un convertisseur qui transforme le courant continu issu des panneaux en courant alternatif. La batterie stocke l'énergie de façon à ce qu’elle soit disponible en permanence, Le régulateur protège les batteries contre les surcharges ou les décharges profondes. L'acquisition et le transfert de cette technologie s'appuieront sur une documentation importante sous forme de plans, de dessins de fabrication, de logiciels de dimensionnement de systèmes ainsi que sur la formation, en France et sur le site, qui sera dispensée par les partenaires, en rapport avec la gamme de production et la politique commerciale. 2. Présentation des promoteurs : 2.1. EPSILONE Ingénierie / ALGERIE : Créée en 1994, elle a adopté la forme de société par action depuis juin 1996, avec comme activités principales la fourniture et l'installation de système photovoltaïque dans les secteurs de la téléphonie, de la radiocommunication et de la 202 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. télémétrie. Les autres activités sont : la maintenance et distribution d'équipements électriques de secours, de protection contre la foudre et de télécommunications. Tableau n° 3 : présentation EPSILONE ingénierie/ALGERIE Rubrique Informations M. LAAZID Moussa Président Directeur Général Mme EMBARKI Samira Directrice Générale Capital social 1 million de Dinars Fonds propres 6 millions de Dinars Chiffres d'affaires 1995 25 millions de Dinars Effectif 15 employés Son portefeuille clients regroupe en plus du Ministère des Télécommunications, le Ministère de la Défense Nationale, la SONATRACH....etc. 2.2. SOLAR ENERGY/France : Filiale de TOTAL spécialisée dans l'énergie photovoltaïque, SOLAR ENERGY a été créée en 1983 sous forme de Groupement d’Intérêt Economique (GIE), elle est classée première dans le domaine des applications photovoltaïques à l'échelle mondiale. Son capital est de 2 millions de Francs Français, avec 05 filiales intervenant dans le secteur photovoltaïque en Afrique du sud, aux caraïbes... SOLAR Energy se positionne sur le marché des systèmes photovoltaïques complets (à savoir modules + batteries + régulateurs + structures) comme un ensemblier apportant un service complet allant de l'ingénierie à l'installation et au service après-vente. 2.3. WATT INC/France : Société Anonyme de développement, production et commercialisation des modules et des systèmes photovoltaïque complets pour le marché mondial de l'énergie. 203 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Elle est classée au premier rang en Europe et quatrième au monde en matière de production de silicium multi-cristallin. Tableau n°4 : Présentation WATT INC/France. Rubrique Information Capital social 65.575.400 Francs Français Fonds propres 88 millions de Francs Français Siège social Zone industrielle du champ Fleuri, Bourgoin (Isère / France) Chiffres d'affaires 66.914.635 Francs Français pour 1996 dont 40.044 K FF à l'export Effectif 121 personnes 3. Analyse du projet : L'exploitation de ce projet consiste essentiellement en l’assemblage, la réalisation de système photovoltaïque et des activités de montage. Les modules et les motopompes, objet de ces activités, seront acquis à l'importation; Les châssis et support entrant pour 5% dans la valeur de ces produits seront fabriqués localement. L'apport de la main-d’œuvre est estimé à 25% du coût des réalisations. 3.1. Structure de l’investissement : Désignation coût Dinars coût (KDA) (KFF)2 Frais préliminaires 3.490 560 Aménagements 630 Equipements de 4.600 4.500 630 47.580 production 2 Devises Total KDA Parité retenue pour nos calculs 1 FF = 12,5 DA. 204 52.180 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Transport et 3.300 3.300 3.400 3.400 montage Matériel roulant Equipement de 700 700 bureau Fret et assurances 2.380 2.380 Taxes et droits de 2.500 2.500 douane Intérêts 2.300 2.300 de 6.110 6.110 Marges d’aléas 2.000 2.000 Total 31.860 intercalaires Fonds roulement 48.140 80.000 Commentaires : Frais préliminaires : 4.500.000 DA regroupent tous les frais engagés par les promoteurs, intervenant dans la phase pré-exploitation, à savoir : Les frais d'études, les frais de personnel, les frais de formation, les frais de prises en charge de deux techniciens, les droits d'enregistrement, la location des locaux…. Equipements de production : les premières consultations lancées donnent une première évaluation de l’ordre de 52.000.000 DA. Transport et montage : 3.300.000 DA, il s’agit des frais destinés à couvrir le transport terrestre ainsi que le montage. Ils représentent 7% du coût des équipements. Matériel roulant : 3.400.000 DA : représentant environ 5% du coût des équipements. Fret et assurances : 2.400.000 DA : représentant environ 5% du coût des équipements. 205 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Intérêts intercalaires : 2.300.000 DA et sont relatifs à la première échéance semestrielle avant l’entrée en exploitation. Le Fonds de roulement : représente deux (2) mois de besoins d'exploitation (matières premières et fournitures, frais de personnel, services...). La Formation : elle sera assurée par les partenaires français sans aucun frais pédagogique. La société prendra en charge les frais de déplacement et de séjour. L'Assistance technique : sera assurée par les partenaires français, ALSOLAR ne prendra en charge que les frais de séjour du personnel européen en Algérie. Le projet s'articulera autour de trois unités : Unité de montage de dispositifs électroniques comprenant un atelier de réalisations, de montage et de soudage des composants électroniques. Unité de production de systèmes photovoltaïques comprenant notamment un atelier de réalisation de batteries et un autre pour le montage des modules sur structure aluminium. Unité d'intervention et d'installation. 3.2. Structure de financement : Le coût du projet évalué à 80.000.000 DA, sera financé de la manière suivante : En KDA Rubriques Coût du projet % Fonds propres 35.000 44% Emprunt 45.000 56% Total 80.000 100% Les fonds propres ont été répartis entre les partenaires comme suit : EPSILONE ingénierie/Algérie : 10.000.000 DA soit 28,6% du total. SOLAR energy : 10.000.000 DA soit 28,6%. WATT Inc. : 8.000.000 DA soit 22,8%. FINALEP : 7.000.000 DA soit 20%. 206 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. 3.3. Exploitation prévisionnelle : Pour pouvoir estimer les performances de l’investissement à engager par La FINALEP, il sera question de traiter de l’exploitation de la société à financer en faisant ressortir ses résultats, ses cash-flows et les dividendes à distribuer. Programme d’activité : En unité Désignation\ Année Systèmes : Pompage d’eau Micro irrigation Téléphone rural Relais réémetteur Signalisation balise Eclairage Electrification Produits : Kits d’éclairage Cabines solaires Kits pédagogique N N+1 N+2 N+3 N+4 N+5 70 10 750 110 17 1270 150 22 1650 170 24 1800 200 27 2030 200 27 2030 40 150 68 260 88 330 96 360 108 400 108 400 6 24 10 40 13 52 15 58 16 66 16 66 75 50 200 128 85 340 165 110 440 180 120 480 202 135 540 202 135 540 Chiffre d’affaire prévisionnelle : Année/désignation Système3 Installations produits4 Total N 30.000 11.000 9.000 50.000 N+1 38.000 17.000 10.000 65.000 N+2 50.000 20.000 14.500 84.500 N+3 65.000 30.000 14.850 109.850 N+4 85.000 35.000 22.805 142.805 3 4 Comporte : Pompage d'eau, irrigation, téléphone rural, relais, balise solaire, éclairage, électrification village. Comporte : kit d’éclairage, cabine phone solar, kit pédagogique. 207 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Matières et fournitures consommées : Matières et fournitures consommées selon programme de réalisation (devises + dinars). En KDA Année/désignation N Système 8.800 Produits 4.987 Total 13.787 N+1 11.440 6.270 17.710 N+2 14.872 7.927 22.799 N+3 19.344 10.070 29.404 N+4 25.134 12.845 37.979 Frais de personnel : En KDA Rubrique N Salaire 11.500 Charge sociale 2.760 Total 14.260 N+1 12.075 2.898 14.973 N+2 12.679 3.043 15.722 N+3 13.313 3.195 16.508 N+4 13.978 3.355 17.333 Impôts et taxes : En KDA N+1 898 N+2 943 N+3 990 N+4 1.040 l’activité 1.275 1.658 2.155 2.801 3.642 2.131 2.556 3.098 3.792 4.682 Rubrique Versement forfaitaire Taxe sur N 856 professionnelle Total 208 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Frais divers : Rubriques Frais de En KDA N 500 N+1 525 N+2 551 N+3 579 N+4 608 Assurances 1 000 1 050 1 103 1 158 1 216 Autres 500 525 551 579 608 Total 2 000 2 100 2 205 2 316 2 432 réunion Frais financiers : - Montant du crédit : 45.000.000 DA - Taux d’intérêt : 10%/an - Echéancier : 06 ans dont 06 mois de différé. En KDA Restant dû 45.000 Intérêts 2.250 Principal 0 45.000 4.500 9.000 36.000 3.600 9.000 27.000 2.700 9.000 18.000 1.800 9.000 9.000 900 9.000 Amortissement : En KDA Rubriques Montant Taux Amortissement Frais préliminaire 4.500 20% 900 Aménagement 630 5% 32 Equipements de production 52.180 10% 5.218 Transport et montage 3.300 20% 660 Matériel roulant 3.400 20% 680 209 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Equipement de bureau 700 20% 140 Fret et assurance 2.380 10% 238 Taxes et droits de douane 2.500 10% 250 Intérêts intercalaires 2.300 20% 460 Fonds de roulement 6.110 20% 1.222 Tableau des comptes de résultats : En KDA Rubriques N N+1 N+2 N+3 N+4 Production vendue 50.000 65.000 84.500 109.805 142.805 Matières et 13.787 17.710 22.799 29.404 37.979 Services 5.900 6.030 6.166 6.309 6.460 Valeur ajoutée 30.313 41.260 55.534 74.136 98.366 Frais de personnel 14.260 14.973 15.722 16.508 17.333 Impôts et taxes 2.131 2.556 3.098 3.792 4.682 Frais divers 2.000 2.100 2.205 2.315 2.431 Frais financier 4.500 3.600 2.700 1.800 900 Amortissement 9.800 9.800 9.800 9.800 9.800 fournitures 210 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Résultat brut -2.377 8.232 22.010 39.922 63.221 IBS (30%) 0 2.470 6.603 11.977 18.966 Résultat net -2.377 5.762 15.407 27.945 44.255 Amortissement 9.800 9.800 9.800 9.800 9.800 CAF 7.423 15.562 25.207 37.745 54.055 4. Performances du projet : Il s’agit d’apprécier les performances de cette affaire selon plusieurs points de vue. Résultat économique : En KDA Rubriques N N+1 N+2 N+3 N+4 Chiffre d’affaire 50.000 65.000 84.500 109.850 142.805 Valeur ajoutée 30.313 41.260 55.534 74.136 98.366 Résultat économique5 11.923 19.162 27.907 39.545 54.954 Res.éco/CA 24% 29% 33% 36% 38% Res.éco/VA 39% 46% 50% 53% 56% Valeur actuelle nette (VAN) et taux de rentabilité interne (TRI) : Le tableau suivant nous donne une idée sur la VAN de la société selon différents taux d’actualisation utilisés. 5 Résultat hors politique de financement et avant amortissement. 211 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Taux appliqué Investissement N N+1 N+2 N+3 N+4 VAN -80.000 -80.000 -80.000 -80.000 -80.000 i=5% 7.096 14.115 21.774 31.053 42.353 36.391 i=10% 6.748 12.861 18.938 25.780 33.563 17.890 i=15% 6.455 11.767 16.574 21.851 26.874 3.521 i=20% 6.186 10.807 14.587 18.203 21.723 -8.494 Le chargé du dossier a fait ressortir pour le projet : - Le TRI est de l'ordre de 20%, ce qui est très intéressant comparé aux taux pratiqués sur le marché financier. - Pour un taux d’actualisation de 15 %, la valeur actuelle nette trouvée est de : 3.521.000 DA. 5. Perspectives de rentabilité pour la FINALEP : Les sources de revenus pour la FINALEP seront les dividendes qu'elle recevra pendant sa présence dans la société, et la plus-value qu'elle dégagera à la cession de sa participation, nous avons supposé que la FINALEP reste dans la société 6 années. Les dividendes ne seront distribués qu’à partir de la deuxième année à hauteur de 50% du résultat distribuable. Résultats distribuable : En KDA Rubriques N N+1 N+2 N+3 N+4 Résultat net -2.377 5.762 15.407 27.945 44.255 Amortissement 9.800 9.800 9.800 9.800 9.800 Réserves légales 0 288 770 1.397 1.044 Cumul réserves légales 0 288 1.058 2.456 3.500 Remboursement 0 9.000 9.000 9.000 9.000 212 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Nouveaux 0 0 0 0 0 Variation FDR6 0 692 1.013 1.274 1.661 Résultats distribuable 7.423 5.582 14.423 26.074 42.399 investissement Résultats distribué : En KDA Rubriques N N+1 N+2 N+3 N+4 Résultat net -2.377 5.762 15.407 27.945 44.255 Résultat distribuable 7.423 5.582 14.423 26.074 42.399 Résultat distribué 0 2.791 7.212 13.037 21.199 558 1.442 2.607 2.240 Part de la FINALEP (20%) 0 A la sixième année, le volume des dividendes qui pourraient être perçus serait de l'ordre de 8.800.000 DA; actualisés au taux de 10 % l'an, le montant sera de 5.500.000 DA. Plus-value de la cession : Nous avons pris comme hypothèse que la participation de la FINALEP serait cédée à la 6ème année sur la base de la formule suivante : Prix de Cession Global = Actif Net + Plus-value = Capital + Réserves + Report + Plus-value La plus-value sera calculée par la formule du Good Will suivante : GW = [(Rn-3) + 2 (Rn-2) + 3 (Rn-1)] / 6N R : le résultat économique. N : le nombre d’actions. n : l’année de cession des actions de la FINALEP. 6 Fonds de roulement. 213 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Pour les besoins du calcul, il est supposé la vérification des hypothèses suivantes : - Accord sur la formule de cession ; - Désengagement de la FINALEP à la sixième année ; - La valeur nominale de l’action sera fixée à 100.000 DA ; - Le Capital social sera de 35.000.000 DA soit 350 actions ; - La participation de la FINALEP au capital social sera de 7.000.000 DA soit 70 actions. Rentabilité prévisionnelle pour la FINALEP : Rentabilité globale= dividendes actualisés + plus-value actualisée/ montant de la participation Le tableau ci-après présente les déterminants de la rentabilité prévisionnelle de la FINALEP : En KDA Rubrique Good Will par action Actif net Valeur de cession de l’action Valeur globale de cession pour FINALEP Plus-value brute pour FINALEP Plus-value brute actualisée (au taux de 10% sur 5 ans) Formule (27.907.000+ 39.545.000 + 54.955.000) / 6 *350 35 000 000 + 3 500 000 + 44 239 000 (82.739.000 /350) + 129.458 Résultat (DA) 129.458 365.855 * 70 25.609.860 25.609.860 – 7.000.000 18.609.860 18.609.860 / (1.10)5 11.555.259 82.739.000 365.855 Rentabilité globale = (5 500 000 + 11 555 259) / (7 000 000) = 244%. 6. Analyse des risques et des points forts : Les risques : - La première difficulté résidera dans l'importation des matières premières. L'exploitation sera tributaire de la disponibilité de devises auprès des banques commerciales algériennes. 214 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. - Le marché des systèmes et produits photovoltaïques est à promouvoir en Algérie. Importation des fournitures (kits). Les points forts : - ALSOLAR aura essentiellement à faire du montage d'appareils photovoltaïques. La formation qui sera dispensée à ses techniciens par les partenaires français lui permettra d'exercer cette activité sans grande difficulté. - La notoriété des partenaires français. - Le projet présente une source d'énergie non polluante, silencieuse, sans combustible, inépuisable et respectueuse de l'environnement. - La possibilité d'une énergie électrique en site isolé, avec une maintenance réduite, une modularité et une extension facile des générateurs. - La faisabilité technique est maîtrisée par les partenaires français. - La rentabilité est intéressante. - L'offre en matière de produits solaires est pratiquement nulle en Algérie, ce qui évitera à ALSOLAR le risque de non commercialité et mettra cette dernière en situation de quasi-monopole. - Possibilité d'exportation vers les pays voisins. - Création d'emplois nouveaux. - Délais de réalisation et de mise en exploitation réduit. 7. Conclusion du chargé de dossier de la FINALEP : Ce projet mérite l'intérêt de la FINALEP eu égard à ces caractéristiques : La compétence et l'expérience des promoteurs. Une faisabilité technique et commerciale assurée. Des performances économiques convenables. En conséquence, le chargé d'étude recommande au comité exécutif la prise en considération de cette affaire. 215 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. II. Analyse et réflexion : Il s'agira à travers ce point de revenir sur l'étude du cas réel effectuée par le chargé du dossier de la FINALEP en 1997. Nous essaierons, tout en rappelant les points forts qui ont poussé la FINALEP à s'impliquer dans le projet, d’apporter de petites appréciations à l'étude effectuée par le chargé d'affaires. Avant de commencer notre réflexion, nous jugeons utile de rappeler les principaux critères de décision pour un capital-risqueur, à savoir : le management, le couple produit/marché, la stratégie, l'aspect financier et les mécanismes de sortie. En dehors de l'aspect financier, le chargé du dossier ne s'est pas trop attardé sur les autres critères et s'est contenté, dans le rapport présenté au conseil d’administration pour la prise de participation, de les effleurer brièvement sans en déceler les points forts. Pourtant, l'on a déjà explicité le caractère spécifique du capital-risque qui consacre la plus grande importance aux Hommes et à leurs idées, c'est-à-dire au management, au produit et à la stratégie. Il est vrai que l’aspect financier et le calcul prévisionnel des performances de l’investissement sont très importants, mais la réalisation de ces prévisions n’est-elle pas souvent subordonnée à la qualité du management, du produit et au type de stratégie choisi ? Par ailleurs, les mécanismes de sortie, qui sont d’une importance capitale pour le capital-risque, ont, également, été un peu négligés par l’étude qui s’est contentée du calcul d’un prix de cession prévisionnel. Au-delà de l’aspect financier dont les performances, qui ont été largement exposées ci-dessus, sont très appréciables, nous reviendrons sur la manière dont ont été abordés les autres critères de décision pour y apporter quelques petites réflexions. 216 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. Nos réflexions souffrant d’un manque d’informations, dicté par le secret professionnel, seront sommaires et concises. 1. Le management : L’étude effectuée par le chargé du dossier et présentée au conseil d’administration pour prise de participation ne s’est pas du tout étalée sur le management de la future entreprise, alors qu’il est la clé de réussite de tout projet. L’étude du projet a, certes, fait référence aux différents partenaires et à leurs statures, mais elle s’est totalement désintéressée de l’équipe qui dirigera la société à créer. Une étude approfondie sur les aptitudes des futurs dirigeants de la société à financer s’imposait car le rôle que jouent les managers dans un projet quelconque est déterminant pour le bon déroulement de celui-ci. L’étude pourrait, en l’occurrence, être concrétisée par une analyse fine des Curriculums Vitae des dirigeants ainsi que par des enquêtes sur leurs passés professionnels. L’analyse des Curriculums Vitae, qui peut s’avérer indicative sur les compétences des dirigeants, est complétée par la richesse des enquêtes concernant les postes que ces derniers ont, auparavant, occupés ou leurs prouesses dans les missions qu’ils ont effectué. Ces enquêtes peuvent se réaliser sous forme d’interviews des anciens employés, clients ou fournisseurs de ces futurs dirigeants. 2. Le couple produit/marché : Comme nous l’avions vu ci-haut, l’étude du dossier s’est contentée d’un bref aperçu du marché et d’une présentation très concise du produit. Une analyse plus approfondie sur la technicité des produits aurait été plus intéressante dans la mesure où elle aurait mis en exergue « le petit plus » que les capital-risqueurs attendent de toute nouvelle création. C’est, en effet, ce « petit plus » qui permettra au nouveau produit de percer dans le marché. 217 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. L’étude a, certes, mis en relief les importants déficits en matière d’énergie renouvelable et surtout solaire, mais elle ne s’est pas étalée sur les caractéristiques propres des produits de la nouvelle société. C’est dans ce sens, qu’un intérêt particulier devrait être porté à la technologie et la technicité que peuvent apporter les partenaires étrangers au projet. 3. La stratégie : La stratégie de production de la société à créer a, également, été abordée avec une certaine brièveté. Elle n’a pas fait l’objet d’une rubrique spécifique dans l’étude, mais elle a été traitée implicitement à travers les paragraphes rédigés sur l’approvisionnement, le processus de fabrication et les employés. L’étude du capital-risqueur, dont la finalité est de mettre en exergue les atouts et les faiblesses d’une société, devrait se consacrer longuement sur les stratégies à entreprendre. 4. Les mécanismes de sortie : La sortie de l’investissement n’a pas été abordée, dans l’étude, avec l’importance qu’elle renferme. Celle-ci s’est suffise à présenter un prix de cession de référence pour pouvoir calculer les performances du financement. En revanche, ce qui nous paraît plus intéressant, c’est l’aspect attrayant de la participation de la FINALEP pour les futurs acheteurs potentiels. En effet, le concours de la FINALEP qui s’élève à 20% du capital social de la nouvelle société, pratiquement au même rang que les autres partenaires, véhicule un intérêt particulier pour un industriel qui voudrait intégrer le capital de la société. Cet avantage est d’autant plus fondé que les mécanismes de sortie, en Algérie, se limitent au rachat des participations par les entrepreneurs eux-mêmes ou par d’autres industriels, à défaut d’un marché boursier approprié. 218 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie. La FINALEP est sortie de cette affaire en 2003, après un conflit d'intérêts avec l'actionnaire majoritaire. Ce dernier privilégiait les importations par rapport à la production des biens et services, comme cela était prévu dans le business plan. En ce qui concerne le suivi de cette affaire la FINALEP avait un représentant qui siégeait en tant qu'administrateur dans le conseil d'administration. La FINALEP a cédé ses actions aux actionnaires fondateurs réalisant une plusvalue de l'ordre de 60% par rapport à la valeur nominale de l'action Le chapitre que nous venons de présenter s’est articulé autour de la pratique du métier au sein de la FINALEP, qui, faudrait-il le rappeler, est la première société de capital-risque algérienne. Il est, donc, probant de s’appuyer sur l’expérience de cette société pour se forger une idée de la réalité algérienne en ce qui concerne la pratique technique du métier. L'examen des documents juridiques de base du métier et l’analyse de la manière dont sont menées les études de cas réels, au sein de la FINALEP, sont révélateurs de la bonne voie dans laquelle s’oriente l’exercice technique du capital-risque algérien bien que quelques lacunes subsistent. Ces lacunes sont, en fait, dues à l’absence de formations en la matière. 219 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. Conclusion : En conclusion à cette partie, nous pouvons dire que malgré leurs issues de différents systèmes (finance conventionnelle et finance islamique), les contrats mousharaka/moudaraba et le capital-investissement présentent un grand nombre de ressemblances. La banque islamique comme la société de capital-risque apporte le financement, partage les risques, les profits et les pertes, exige des critères de sélection des investisseurs, fait des analyses rigoureuses de la situation économique en général et du secteur du projet en particulier, réalise des études de marché, supervise le déroulement du projet et se retire en général au bout d’une certaine durée Tout d’abord il y a l’esprit participatif. Dans chacun des contrats le financier et le promoteur travaillent ensemble en collaboration étroite, afin de bien mener l’entreprise et lui assurer une croissance durable qui leur permettrait soit d’avoir plus de gains à partagés, soit garantir une plus-value élevé lors de la sortie du financier. C’est ainsi que le financier s’attarde dans la prospection des idées les plus originales qui pourront constituer des opportunités futures d’investissement. Cette prospection active, auprès des hommes de métiers, des universités, des centres de recherches,… permet d’obtenir des affaires de qualité. Ensuite, vient l’étape de la sélection des dossiers. Dans les deux cas, les financiers s’appuient sur un document présenté par le promoteur. Ce document, tout en présentant les objectifs industriels, commerciaux, marketing et financiers que l’entrepreneur cherche à atteindre, analyse en détail les marchés auxquels le projet s’adresse, son environnement, les produits offerts et leurs spécificités. Ce documents est dénommer business plan ou plan de développement. Après avoir sélectionné les projets qui semblent présenter une opportunité d’investissement (5 à 6% des dossiers présentés), le financier passera à l’analyse détaillée des business plan, en passant en revue l’ensemble des éléments qu’il contient, afin de s’assurer de leur véracité et avoir ainsi une idée précise des besoins financiers et calculer les risques et obstacles qui peuvent être rencontrés en cours de réalisation du projet. Mais l’élément de choix primordial, est le promoteur. Ce choix prime 220 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. parfois sur les perspectives du marché, des produits et du plan de développement. Comme le disait le général DORIOT « je préfère un homme de catégorie A avec une idée de catégorie B à un homme de catégorie B avec une idée de catégorie A ». Après la sélection des projets à financer et le déblocage des fonds, l’investisseur financier passera au suivi des affaires. Dans cette étape, il peut choisir entre deux options : soit être un partenaire actif, soit être un partenaire passif. Généralement, il choisit la première option, en assistant l’entrepreneur dans la gestion et la conduite du projet. Cependant, l’entrepreneur doit mettre en place un système d’information qui permettra au financier d’avoir une vision globale sur le développement de l’entreprise, afin qu’il puisse rapprocher au maximum les prévisions des réalités de l’entreprise et de son environnement. Enfin, il y a la question de garantie. Dans les deux modes de financement aucune garantie ni hypothèque n’est demandé au promoteur. La seule garantie dont dispose le financier est le projet lui-même ainsi que la compétence, l’expérience et la personnalité de l’entrepreneur et de son équipe dirigeante. La principale différence entre ces modes de financement, en plus de l’aspect religieux, reste la sortie. Dans le capital-investissement le financier dispose de plusieurs choix : Le rachat par l’entrepreneur des actions de l’investisseur. L’achat par un industriel ou un financier. L’introduction en bourse. Cependant, dans les contrats mousharaka et moudaraba, la banque islamique ne récupère son investissement que par le remboursement de ces fonds par l’entrepreneur à condition que le projet ait généré des bénéfices. En ce qui concerne l’apport de ces modes de financement dans la création et le développement des PME, on pourra dire que contrairement au crédit bancaire qui se contente de l’apport financier pour des entreprises solvable à moindre risque, les 221 Partie III : Finance islamique, capital investissement et perspectives de financement pour les PME. contrats participatifs ajoutent à cet apport une expertise, une notoriété, un savoir-faire et un suivi actif dont les entreprises ont besoins tout au long de leur cycle de vie. Ces apports peuvent être résumés comme suit : Apport financier : Renforcement de la structure financière de l’entreprise. Augmentation de la capacité d’endettement. Mise en place d’une stratégie financière ambitieuse. Apport organisationnel : Partenariat actif auprès du dirigeant. Contribution à l’institutionnalisation de l’entreprise. Conseil l’équipe dirigeante en matière de gouvernance et de gestion. Mise à disposition d’un réseau de contacts. Participation aux discussions au sein des organes de direction. Apport stratégique : Enrichissement de la vision de l’entrepreneur par l’apport d’idées nouvelles. Partage d’un savoir-faire sectoriel et financier. Renforcement de l’image de l’entreprise. A la lecture de cette conclusion, nous pourrons dire, que sur le plan théorique les hypothèses posées au début de notre travail peuvent être aisément vérifiées, car non seulement les contrats mousharaka et moudaraba présentent un grand nombre de points communs avec le capital investissement, mais ils contribuent d’une façon originale au développement des PME en participant activement dans la gestion des projets et en les accompagnants tout au long de leur cycle vie. 222 Conclusion générale Conclusion générale Conclusion générale : Le financement des PME au cours de la période récente est au centre d’un débat concernant leur fragilité caractérisée par une conjoncture marquée par une hausse sans cesse croissante du taux d’intérêt, atteignant d’importants seuils et un ralentissement de l’activité économique qui se manifeste avec acuité chez ces dernières. L’accès aux ressources financières est considéré comme un des principaux obstacles à la survie et à la croissance des PME. On constate souvent que les entreprises essaient de financer leurs investissements d’abord par autofinancement avant d’avoir recours aux sources externes. Le financement externe est une solution de deuxième ordre, auquel l’entreprise recourt lorsque ses capitaux mis en réserve ne suffisent pas à financer des projets d’investissement non anticipés. Les études récentes ont bien mis en évidence que les banques ont un avantage comparatif dans la fourniture de crédits aux entreprises. Cet avantage repose sur leur capacité à prêter à des emprunteurs dont la situation économique et financière est complexe à analyser à cause notamment des imperfections de l’information. C’est l’une des raisons pour lesquelles les banques sont les principaux bailleurs de fonds pour les PME; leurs besoins sont généralement modestes, mais dont le risque est plus difficile à mesurer. Pour pallier ces différents obstacles plusieurs instruments ont été mis en place, dont les plus importants sont la finance islamique et le capital investissement. Ces deux instruments de par leur esprit participatif dans le capital des entreprises naissantes (à risque), de celles en plein expansion ou dans le dernier stade de développement (maturité/déclin) jouent un rôle plus actif dans la gestion des affaires de l’entreprise et offrent à l’équipe dirigeante leur expérience et savoir-faire afin de remédier à l’inexpérience de cette dernière pour mener l’entreprise à réaliser les objectifs fixés. Ces mécanismes de financement participatifs permettent aux PME d’assoir une bonne base financière qui leur faciliterait de s’intégrer dans des marchés auxquels elles n’auront pas pu accéder, ainsi qu’a des financements bancaires dans le futur. Car 224 Conclusion générale en plus de la solidité financière, ces financements participatifs, rendent l’entreprise plus attractive et lui permettent d’acquérir une plus grande notoriété. En étant un soutien fondamental aux PME, la finance islamique et le capital investissement jouent un rôle très important dans le développement économique. Ils contribuent directement à la création d'entreprises, à la promotion de l'innovation et de nouvelles technologies, à la croissance, à l'emploi et au renouvellement du tissu économique. Ces deux modes de financement sont un vecteur de croissance des entreprises, tant en termes de chiffre d'affaires qu'en termes d'emploi. De nombreuses études ont montré que les entreprises faisant l'objet d'un financement participatif étaient capables de se développer en créant des emplois et en améliorant les conditions de travail de leurs salariées. Ces études sont très importantes car elles révèlent que la logique financière des investisseurs en capital accélère la croissance de l'entreprise et de l'emploi, et que la réussite de ce type d'opérations pour les investisseurs ne va pas à l'encontre de la pérennité de l'entreprise et des intérêts de ses salariés. Le financement en fonds propres est ainsi devenu une composante importante de la croissance économique et de la création d'emplois. Une solution précieuse pour une économie en quête d'expansion et de compétitivité. Le financement participatif constitue un nouveau mode de gestion de l'entreprise, qui permet de générer une rentabilité plus élevée. La banque islamique et la société de capital investissement, en tant qu’actionnaire, ont un vrai rôle de conseil auprès du manager. En effet, ils l'aident aussi bien dans ses choix stratégiques que dans la structuration optimale de son bilan : ils lui permettent de mieux gérer et d'optimiser sa dette, ses comptes fournisseurs et clients, en apportant leur expertise financière dans des PME dont les principales préoccupations concernent plus souvent la production, le commercial ou l'approvisionnement que les aspects financiers pourtant essentiels. Par leur intervention, ils permettent aux entreprises de devenir plus rentables et donc plus solides. 225 Conclusion générale Les relations entre dirigeants et actionnaires sont plus actives. En effet, les dirigeants rendent avec régularité des comptes de leur gestion aux actionnaires qui suivent activement leurs investissements. Les actionnaires font également profiter les managers de leurs connaissances financières et de leurs réseaux, pour permettre aux entreprises de saisir toutes les opportunités et faire appel à toutes les expertises susceptibles de les aider dans leur développement. En ce qui concerne la pratique des financements participatifs dans notre pays. Les entretiens réalisés avec les responsables des banques islamiques nous a permis de constater l’inexistence de ce genre de financement au sein de ces dernières causée principalement par un environnement économique peu favorable à ce genre de financement (fausse déclaration, fuite fiscale, corruption…). L’activité de capital investissement n’est qu’au stade embryonnaire liée à un certain nombre de contraintes (l’absence d’un cadre réglementaire avant 2006, le manque de ressources financières, le problème de mentalité et de culture d’entreprise…). Au vu des bilans de société spécialisé dans cette activité, cette dernière n’attire que très peu d’entrepreneur et de financier, malgré les avantages offerts par ce mode de financement pour la création et de développement des PME. Au terme de notre travail nous pouvons conclure que la finance islamique et le capital investissement ne sont pas nouveaux, ils s’imposent au fil des années comme un instrument de financement à moyen et long terme dans des entreprises prometteuses. 226 BIBLIOGHRAPHIE : Ouvrages : Le noble Coran, est la traduction en langue française de ses sens, complexe du roi Fahd pour l’impression du noble Coran. AL-BOSTANI Abbas Ahmed, Notre économie (traduit de l’arabe), Ed : la cité du savoir, Québec. AL-HUSANI Hashim Maarouf: Sirat al-Mustafa (l’histoire du prophète Mohammed) 2eme édition, dar al-qalam, Beyrouth, 1978. BATTINI Pierre, Capital-risque ; mode d'emploi, Edition d'Organisation, 1998. 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Graphique n°7 : Schéma d’un contrat salam. Graphique n°8 : Schéma d’un contrat d’istisnaâ. Graphique n°9 : Évolution du marché obligataire islamique entre 2001 et 2009 (en milliards de dollars). Graphique n°10 : Développement des produits offert par la finance islamique. Graphique n°11 : Schématisation du capital investissement. Graphique n°12 : Evolutions récentes du capital-risque américain (de 1995 à 2010) en milliards USD. Graphique n°13 : Les caractéristiques des PME selon P.A.JULIEN. Graphique n°14 : Schéma reprenant le cycle de vie d’une PME et les financements adaptés. Encadrés : Encadré n°1 : Les grandes dates de la finance islamique moderne. Encadré n°2 : Les caractéristiques de la doctrine économique islamique. Encadré n° 3 : Rôle du Sharia Board. Encadré n°4 : Les principaux acteurs du capital investissement. Encadré n°5 : Les principales sociétés de capital investissement en Algérie. Encadré n°6 : Les différentes opérations à effet de leviers. Encadré n°7 : Modèle d’un business plan. 231 Tableaux : Tableau n°1 : Distinctions entre moyenne, petit et très petite entreprise. Tableau n° 2: Différences entre le financement bancaire et le financement participatif. Tableau n° 3 : Présentation EPSILONE ingénierie/ALGERIE. Tableau n°4 : Présentation WATT INC/France. 232 Table des matières Introduction générale………………………………………………….............. 2 Partie I : Présentation de la finance islamique………………………………. 8 Introduction à la première partie…………………………………………........ 9 Chapitre I : Historique, évolution, sources et principes de la finance islamique………………………………………………………………………. 12 Section I : Historique et évolution de la finance islamique……………..………. 13 Les premières prémices de la finance islamique………………………. 13 1. Définition de BEIT ELMAL………………………………………... 15 2. Les ressources et les dépenses de BEIT ELMAL…………………… 15 2.1. Les ressources……………………………………....................... 15 2.2. Les dépenses……………………………………………………. 16 II. L’apparition de la finance islamique moderne………………………… 17 III. Les sources juridiques de la finance islamique………………………... 23 1. Les sources principales (immuables)………………………………. 23 1.1. Le Coran…................................................................................... 23 1.2. La Sounna……………………………………………………… 24 I. 2. Les sources secondaires (ou d’interprétation)…………………........ 25 2.1. L’ijmaâ………………………………………………………….. 26 2.2. Le Qiyas (raisonnement par analogie)…………………………. 26 Section II : Les principes de la finance islamique……………………………. 27 I. De l’économie islamique à la finance islamique………………………. 28 II. Les principes généraux de l’économie islamique……………………… 32 1. Le principe de la double propriété…………………………………. 33 2. Le principe de la liberté individuelle dans un cadre limité………… 34 3. Le principe de la justice sociale……………………………………. 35 Les principes de la finance islamique………………………………….. 37 1. L’interdiction du riba (usure/intérêt)……………………………….. 37 2. L’interdiction du gharar et du maysir (incertitude et spéculation)…. 43 III. 3. L’interdiction des investissements haram (illicite)………………… 45 4. Le principe de partage des pertes et des profits……………………. 45 5. Les devoir d’adosser les transactions financières à un actif tangible (asset banking)…………………………………………………… 46 Chapitre II : Les contrats de la finance islamique et l’activité bancaire conforme à la Sharia…………………………………………………………... 47 Section I : Les contrats de la finance islamique………………………………. 48 Les instruments participatifs………………………………………….... 48 1. La mousharaka…………………………………………………… 48 2. La moudaraba……………………………………………................ 51 Les instruments de financement……………………………………….. 53 1. La mourabaha…………………………………………………........ 53 2. L’ijara……………………………………………………………… 54 3. Le salam……………………………………………………………. 56 4. L’istisnaâ…………………………………………………………... 57 5. Qard al-hasan (financement bancaire gracieux)…………………… 58 6. Les sukuk……………………………………………………............ 59 Section II : L’activité bancaire islamique…………………………………….. 62 Le cadre conceptuelle du système bancaire islamique………………… 62 1. Le principe de coparticipation……………………………………… 63 2. Le respect des prohibitions sharéi dans les opérations bancaires….. 64 I. II. I. 3. La création et la gestion par la banque islamique d’une caisse de la zakat................................................................................................... 64 4. Création et gestion du BEIT ALMAL des musulmans….................... 65 Le fonctionnement de la banque islamique……………………………. 66 1. Le statut juridique, le capital et les dépôts…………………………. 67 2. Les services offerts par la banque islamique……………………….. 68 Les avantages et le limites de la finance islamique……………………. 69 1. Les avantages de la finance islamique……………………………........ 69 2. Les limites de la finance islamique……………………………………. 70 Conclusion de la première partie………………………………………….............. 72 II. III. Partie II : Introduction au capital-risque (capital investissement)……………… 74 Introduction à la deuxième partie…………………………………………….......... 75 Chapitre I : Définition, caractéristique et historique du capital-risque…………... 79 Section I : Définition et caractéristiques et théories relatives capital risque (capital investissement)……………………………………………………........... 80 I. Définition (capital-risque/capital investissement)……………………... 80 II. Les caractéristiques du capital investissement………………………… 82 1. Le capital investissement constitue un apport en fonds propre…….. 82 2. Financement sans garantie…………………………………………. 83 3. Un financement sous forme de participation au capital……………. 83 4. Ces participations sont souvent minoritaires………………….......... 83 5. Investissements pour une durée limitée……………………………. 83 6. Financement originaux……………………………………………... 84 7. Opération sans rémunération immédiate…………………………… 84 8. Financement élitiste………………………………………………........ 84 Les principales théories relatives au capital-risque……………………… 85 III. 1. La théorie de l’agence appliquée à la relation entre dirigeant et capital-investisseur………………………………………………… 2. 85 L’approche cognitive de la relation entre dirigeant et capitalinvestisseur………………………………………………………….. 88 Section II : Histoire du capital investissement à travers le monde…………… 93 I. Le capital-risque américain……………………………………………. 94 II. Le capital investissement dans le reste du monde……………………... 100 III. Le capital investissement en Algérie…………………………………... 102 1. Cadre réglementaire du capital investissement en Algérie………… 104 1.1. Loi n°06-11 du 28 Joumada El Oula 1427 correspondant au 24 juin 2006 relative à la société de capital investissement.............. 1.2. 104 Décret exécutif n° 08-56 du 4 Safar 1429 correspondant au 11 février 2008 relatif aux conditions d'exercice de l'activité de la société de capital investissement………………………….......... 1.3. Arrêté du 16 Joumada Ethania 1431 correspondant au 30 mai 2010 106 portant modèle de l'engagement et définissant les règles pratiques de conservation par les sociétés de capital investissement des participations et de leur contrôle……………………………………. 2. Contraintes et perspectives du capital investissement en Algérie….. 2.1. 108 Les obstacles au développement du capital investissement en Algérie.......................................................................................... 2.2. 108 108 Les perspectives et les atouts du capital investissement en Algérie………………………………………………………...... 111 Chapitre II : La pratique du capital investissement………………………….. 116 Section I : Les différents métiers du capital investissement et la sélection des investissements………………………………………………………………... 117 Les différents métiers du capital investissement………………………. 117 1. Le capital-risque……………………………………………………. 118 1.1. Le capital amorçage (seed capital)……………………………... 118 1.2. Le démarrage (Start up)………………………………………… 119 1.3. La post-création ou la phase de première croissance…………... 120 2. Le capital développement………………………………………….. 120 2.1. Le financement du second stade de développement (second 121 stage)…………………………………………………................ 121 2.2. Le financement de l’expansion (expansion capital)……………. 121 2.3. Le financement d’attente (mezzanine financing) ou le financement I. relais (bridge financing)…………………………. 122 3. Le capital-transmission/reprise…………………………………….. 122 La sélection des investissements………………………………………. 124 1. L’évaluation de l’entrepreneur et de son équipe…………………… 125 2. L’évaluation du couple produit marché………………………......... 126 3. L’évaluation du plan financier……………………………………... 127 4. L’établissement d’un business plan……………………………....... 129 Section II : Les sorties du capital-investisseur……………………………….. 133 Le contexte de sortie des investisseurs………………………………… 134 1. Le recours à un investisseur en capital……………………………... 134 II. I. II. 1.1. Le financement de la croissance de l’entreprise………………... 134 1.2. La diversification du patrimoine de l’entrepreneur…………….. 135 1.3. La recomposition de l’actionnariat de l’entreprise……………... 135 2. Modes d’intervention du partenaire financier……………………… 136 2.1. Prise de participation dans la société cible…………………….. 136 2.2. Prise de participation via une holding de contrôle……………... 136 3. Le pacte d’actionnaire………………………………………............ 137 3.1. Définition……………………………………………………….. 137 3.2. Principale clauses d’un pacte d’actionnaire……………….......... 138 La diversité des solutions de sortie……………………………………. 142 1. Le rachat par l’entrepreneur des actions de l’investisseur………… 142 1.1. Rachat en direct par l’entrepreneur de la participation de l’investisseur……………………………………………………. 1.2. 142 Participation de l’entrepreneur à une opération à effet de levier……………………………………………………………. 143 2. L’achat par un industriel ou un financier…………………………... 144 2.1. La cession à un opérateur industriel……………………………. 144 2.2. La cession à un autre financier…………………………………. 145 3. L’introduction en bourse…………………………………………… 146 Conclusion de la deuxième partie……………………………………………... 148 Partie III : Finance islamique, capital-investissement et perspectives de financement pour les PME…………………………………………................... 150 Introduction à la troisième partie………………………………………………. 151 Chapitre I : Finance islamique, capital investissement et PME……………… 152 Section I : Les contrats de la finance islamique les plus pertinents pour le capitalinvestissement………………………………………………………………..... I. 153 Le contrat mousharaka………………………………………………… 153 1. Les différentes formes de mousharaka…………………………….. 154 1.1. Sharikat al mulk……………………………………………….... 154 1.2. Sharikat al aqd………………………………………………..… 154 2. Les différentes techniques de financement de la mousharaka……... 155 II. III. 2.1. La mousharaka permanente (thabita)…………………………... 156 2.2. La mousharaka dégressive (moutanaqisa)……………………... 156 3. Les conditions de validité du contrat mousharaka…………………. 157 3.1. Les conditions relatives aux associés…………………………... 157 3.2. Les conditions relatives au capital……………………………… 157 3.3. Les conditions relatives à la répartition des pertes et des profits. 158 Le contrat moudaraba…………………………………………………. 159 1. Les différents types de moudaraba……………………………….. 159 1.1. La moudaraba limité………………………………………........ 159 1.2. La moudaraba limité………………………………………….... 159 2. Les conditions de validité du contrat moudaraba………………….. 160 2.1. Les conditions relatives au capital……………………………… 160 2.2. Les conditions relatives au partage du profit…………………… 160 L’aspect pratique des modes de financement participatif islamique qui les rapproche du capital investissement………………………………... 161 1. La prospection des opérations……………………………………… 162 2. La sélection des dossiers…………………………………………… 162 3. L’évaluation et l’étude……………………………………………... 163 4. Le montage financier……………………………………………….. 165 5. Le suivi de l’affaire………………………………………………… 166 6. La question de garantie…………………………………………….. 168 Section II : Les petites et moyennes entreprises (PME) et leur financement par la finance islamique et le capital-investissement…………………………. I. 168 Introduction au monde des PME………………………………………. 169 1. Critères d’identification de la petite et moyenne entreprise………... 170 1.1. Les critères quantitatifs……………………………………….… 170 1.2. Les critères qualitatifs………………………………………....... 171 2. Définition de la PME en Algérie ………………………………………. 172 3. Les caractéristiques des PME………………………………………. 174 3.1. La centralisation de la gestion………………………………….. 174 3.2. Une stratégie intuitive et peu formalisé………………………… 175 3.3. Une forte imbrication des fonctions de l’entreprise………......... 175 3.4. Un système d’information peu organisé et peu complexe……… 176 3.5. Un capital de proximité……………………………………….... 177 3.6. Un marché de proximité……………………………………….. 177 Les PME et les financements participatifs…………………………………. 179 1. Le financement participatif et le financement bancaire……………. 181 1.1. Le financement…………………………………………………. 182 1.2. La clientèle ciblée…………………………………………......... 183 1.3. La qualité de l’étude préalable au financement………………… 183 1.4. La gestion du financement……………………………………… 184 2. Le cycle de vie des PME et les modes de financement adapté…….. 185 2.1. La conception du produit……………………………………….. 187 2.2. Le lancement de produit………………………………………... 187 2.3. La phase de croissance…………………………………………. 188 2.4. La maturité……………………………………………………… 189 2.5. Le déclin………………………………………………………... 190 Chapitre II : FINALEP une expérience de capital investissement en Algérie 191 Section I : Présentation de la FINALEP……………………………………… 192 Création………………………………………………………………... 192 1. Contexte et objectifs………………………………........................... 192 2. Objet sociale et principales activités………………………………… 193 Les procédures d’une prise de participation…………………………… 194 1. Etude de la demande…………………………………………………… 194 2. La réception de l’étude de faisabilité…………………………………... 195 3. Première réunion du comité interne……………………………………. 196 4. La prise en considération………………………………………………. 196 5. Deuxième réunion du comité interne………………………………...… 197 6. La prise de participation……………………………………………….. 197 7. La signature du pacte d’actionnaire……………………………………. 197 8. La souscription de garantie de passif…………………………………... 197 9. La recherche éventuelle d’autres financements………………………... 198 II. I. II. 10. La création de la société conjointe……………………………………... 198 11. Suivi de la participation………………………………………………... 199 Section 2 : Financement d’un cas réel par la FINALEP……………………… 199 Etude générale du projet……………………………………………….. 199 1. Présentation générale du projet…………………………………….. 200 1.1. L’activité………………………………………………………... 200 1.2. Le marché………………………………………………………. 201 1.3. Coût du projet et localisation…………………………………… 201 1.4. Processus technique et technologique………………………….. 202 2. Présentation des promoteurs……………………………………….. 202 2.1. EPSILONE Ingénierie / ALGERIE…………………………...... 202 2.2. SOLAR ENERGY/FRANCE………………………………...… 203 2.3. WATT INC/FRANCE………………………………………..… 203 3. Analyse du projet…………………………………………………... 204 3.1. Structure de l’investissement…………………………………… 204 3.2. Structure de financement……………………………………….. 206 3.3. Exploitation prévisionnelle…………………………………….. 207 4. Performance du projet………………………………………............ 211 5. Perspectives de rentabilité pour la FINALEP……………………… 212 6. Analyse des risques et des points forts……………………………... 214 7. Conclusion du chargé d’affaire…………………………………….. 215 Analyse et réflexion……………………………………………………. 216 1. Le management…………………………………………………….. 217 2. Le couple produit/marché………………………………………….. 217 3. La stratégie…………………………………………………………. 218 4. Les mécanismes de sortie…………………………………………... 218 Conclusion de la deuxième partie…………………………………………….. 220 Conclusion générale…………………………………………………………… 223 Bibliographie……………………………………………………....................... 227 Liste des graphiques, encadrés et tableaux…………………………………… 231 Table des matières…………………………………………………………….. 233 I. II. Résumé : Si en finance conventionnelle, on parle de capitalrisque/capital investissement, on finance islamique en parle de contrat mousharaka et de contrat moudaraba. Alors quels sont les points communs qui peuvent exister entre ces différents modes de financement et comment contribuent-ils dans le financement et le développement des petites et moyennes entreprises. Summary : While in conventionval finance, we spreak about venture capital/private equity, in islamic finance we speak about mousharaka and moudaraba contracts. So what are similarities between these ways of financing and how they contribute in the financing and growth of the small and middle entreprises. ملخص في، فإننا،ارا تحذثنا عن االستثماس في ساس مال المؤسسات في التمٌيل التقليذي فماىي اًجو التشابو. نتحذث عن عقٌد المشاسكة ً المضاسبة،التمٌيل االسالمي ً المجٌدة بين ىزه الٌسائل المختلفة للتمٌيل التساىمي ًكيفية اسياميا في تمٌيل .تنمية المؤسسات الصغشٍ ًالمتٌسطة