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Classe de 4ème GEOGRAPHIE Proposition de séquence pour le thème 3 « les pays pauvres » de la deuxième partie du programme « les territoires dans la mondialisation ». Durée : 4 heures. - Les mots techniques qui ont pu être définis en amont du programme de 4ème sont soulignés en pointillés. De même, pour les notions qui ont reçu une définition précise en 5ème (par exemple celle de développement durable) - Les notions nouvelles sont soulignées en trait plein (exemple : corruption) - Comment utiliser le diaporama joint à cette proposition ? Il n’est pas verrouillé afin que les collègues puissent le modifier. Notamment, la construction d’un système explicatif en 2 échelles, correspondant au schéma ci-dessous p 8 (diapositives 10 et 11) est ambitieuse car assez avancée dans l’abstraction. En faire un des deux suffit. Les collègues ne doivent pas hésiter à contacter l’auteur qui garde en réserve des centaines de documents libres de droits sur le pays (cartes, sources, photos, vidéos…) - Pour tout renseignement sur le contenu, l’auteur est disponible à l’adresse suivante : [email protected] UN PMA DANS LA MONDIALISATION : MADAGASCAR Introduction : pourquoi Madagascar ? Après le programme de 5ème qui était consacré à « sociétés et développement durable » où les élèves découvrent les contrastes du monde, en 4ème les « approches de la mondialisation » leur donnent des clés de compréhension, des explications : la production et les aménagements de transport, l’attractivité avec les migrations et le tourisme, le rôle des centres ou des firmes multinationales, la puissance de certaines régions et de certains Etats comme les Etats-Unis. Après avoir découvert ce qu’est un pays émergent, l’ « étude du cas d’un pays pauvre (PMA) » est délicate à réaliser. En effet, après avoir étudié les processus qui produisent le plus de richesse et les « régions qui gagnent », la tentation est grande, en fin d’année, de faire une revue, à travers le PMA étudié, des connaissances de l’année en négatif : - éloigné des courants d’échange (enclavement), - n’a pas de grands équipements de transports, - n’a pas de grande firme multinationale, - n’a pas de grande métropole, - n’a pas d’environnement porteur, - ne concentre pas la richesse, - et donc n’a pas les moyens de payer hôpitaux, réseau de transports, écoles… - la situation politique y est donc instable Cette approche est insuffisante car répétitive, elle peut être déterministe et elle ne rend pas compte des dynamiques internes. Dans les manuels édités à ce jour, les cas choisis ne se limitent bien sur pas à cela, mais elles ne peuvent pas être mises en œuvre correctement si l’on se limite, pour son information, aux documents du livre. Or il faut bien reconnaitre le peu de monographies récentes consacrées à des pays pauvres1. Un pays pauvre, comme tout pays du reste, est une sorte de grand « meccano » qui relie les aspects commerciaux, diplomatiques, sociaux, culturels aussi… Cette étude de Madagascar présente et commente des documents précis. Elle met certes en évidence la faiblesse des indicateurs pour le pays, mais elle permet surtout en évidence la difficulté d’organiser le développement. En effet, Madagascar a des atouts qui devraient lui servir pour s’intégrer au mouvement de mondialisation : des ports proches de routes maritimes très fréquentées, une population assez homogène, une grande métropole qu’est la capitale Tananarive, un territoire très fertile et riche en minéraux… Toute proche, l’île Maurice n’a-t-elle pas réussi son développement, elle ? La situation de Madagascar empêche donc de s’arrêter à des explications simplistes : elle oblige même à entrer dans la subtilité du tiers monde contemporain. L’étude de cas peut donc être structurée autour de la problématique « le pays pauvre qu’est Madagascar s’insère dans la mondialisation, mais pour l’instant est-ce vraiment une chance pour lui ? ou au contraire est-ce que la mondialisation actuelle entretient l’île dans sa pauvreté ? ». Ou alors plus simplement « Madagascar tire-t-elle profit ou subit-elle la mondialisation actuelle ? » I Présentation générale du pays : un PMA Avant d’entrer dans l’étude de cas proprement dite, il est intéressant de commencer par reprendre les planisphères du livre, que les élèves commencent à connaitre puisque la moitié de l’année est passée, pour mettre en évidence différents indicateurs de pauvreté. Cela permet de situer, à l’échelle mondiale, le phénomène PMA2, qui est en Afrique sub-saharienne, dans les marges des mondes indiens et chinois, dans les marges latino-américaines. Il ne faudrait pas que les élèves sous-estiment le nombre de PMAIl faut d’abord une présentation générale du pays, à travers un tableau et une carte. Les élèves se posent alors la question d’identifier quelles sont les particularités d’un pays pauvre comme Madagascar ? Il s’agit de mettre le tableau en phrase : les commentaires viennent alors naturellement. Ce premier temps met en évidence un attendu du programme, c’est-à-dire les « caractéristiques essentielles d’un PMA » (richesse en PIB/habitant, IDH, nombre d’habitants et densité, croissance démographique forte, clivage capitale /brousse). Document 1 : comparaison des principaux indicateurs de développement France – Madagascar Tananarive Madagascar Tananarive3 France PIB/hab 900$ (2011) 2500 $ 32 800 $ (2011) (estimation 2011) IDH ajusté aux 0,308 (2010) Donnée non 0,792 (2010) inégalités disponible Densité de pop 36 19 626 (2005) 114 (hab/km2) Les ressources pour la classe de 4ème (DGESCO) mentionnent le travail de FOLIO, Fabrice, « Regards sur le Mozambique contemporain », http://echogeo.revues.org/8313 2 Rappelons que la définition des PMA est faite par l’ONU, est revue chaque année dans son rapport sur le développement humain 3 L’essentiel des chiffres pour Tananarive (dans le sens de la commune-centre, qui concentre environ les 2 tiers de la population de l’agglomération) vient du Guide statistique de poche, Institut National de la Statistique de Madagascar (INSTAT), 2005. 1 Espérance de vie 61 ans 68 ans 81,6 ans Croissance de la pop + 2,8%/an + 4,6%/an +0,5%/an Nombre d’habitants 20 000 000 (2010) 2 001 589 (2005) 65 000 000 (2010) Les réponses que les élèves mettent en évidence doivent toucher à 4 aspects essentiels : 1-la pauvreté : les Malgaches sont 40 fois moins riches que les Français ! 2-le mauvais état de santé 3-le mauvais niveau de formation : on peut évoquer tout de suite le fait que les plus qualifiés sont souvent partis (on évoquera peut-être l’expression de « fuite des cerveaux »), pour la plupart en France. Les 200 000 Malgaches habitant en France ont un revenu comparable aux revenus de toute l’île ! 4- le clivage capitale / province très fort car les différences entre la capitale et le pays sont importantes Voilà pour la partie « description des caractéristiques essentielles »4 d’un PMA. Elle peut être l’occasion de définir le PMA comme Pays parmi les Moins Avancés, qui a une grande pauvreté, de dures conditions de vie quotidienne, et peu de perspectives d’amélioration à court et moyen terme. Il faut bien reconnaitre que le développement (vu sous ses différents aspects à l’occasion de l’étude d’un pays émergent) ne caractérise pas, ou pas encore, les PMA. Cet état de fait peut paraitre impressionnant aux élèves : si la différence d’espérance de vie est brutale, ce que les élèves repèrent le plus vite est plutôt la différence de PIB/hab, qu’on peut présenter comme équivalent approximativement au revenu moyen. Cela amène naturellement les élèves à s’interroger sur le pourquoi d’une telle situation. Une des capacités des élèves doit en effet être d’ « expliquer » ces caractéristiques. II La difficile recherche d’explications à l’échelle nationale Ces difficultés s’expliquent-elles par le réseau de transport ? S’expliquent-elles par le manque de productions primaires que les élèves appellent peut-être « ressources naturelles » ? Pour répondre à ces premières questions, une carte simple peut apporter des réponses Document 2 : 4 BOEN, programme de 4ème d’histoire géographie éducation civique L’étude de cette carte permet deux choses : •D’abord de se débarrasser directement de l’idée du manque de « ressources naturelles ». Même si les élèves sont censés maîtriser, dès leur arrivée en 4ème, l’idée que ce ne sont pas les productions primaires qui font la richesse, il est néanmoins important de le redire. Madagascar est en effet le 1er exportateur mondial de vanille, de litchi, de vannerie en raphia qu’on retrouve partout en Occident. Il y a de grandes mines qui produisent beaucoup (3% du nickel mondial, 7% du cobalt…) et exportent aux 4 coins de la planète5. La carte ne fait pas apparaitre l’existence d’exportation de services (call centers, surtout à Tananarive) et de vêtements (surtout pour les Etats-Unis, ainsi que pour la marque « Quechua » de Décathlon) qui se font en régime de zone franche. Ces 2 dernières catégories sont très mal en point du fait des sanctions économiques liées à la crise politique qui dure depuis 2009, en outre elles représentent une part infime du PIB6. Il y a aussi l’exportation de bois de palissandre violet (« bois de rose ») qui est illégale mais qui rapporte beaucoup7. • Ensuite de nuancer, ou de valider mais en partie seulement l’explication par la faiblesse du réseau de transport. En effet, ce réseau existe même s’il n’est pas dense. Il permet la circulation à l’intérieur du pays et l’existence de plusieurs grands ports, desservis par de grandes lignes maritimes régulières, permet l’accès en ligne directe à l’Afrique du Sud, l’Inde, Singapour, Maurice, la Réunion, la Chine, Taïwan… Mais pourquoi ces productions n’apportent-elles pas de richesse ni de développement à Madagascar ? La carte des principales productions d’exportation et du réseau de transports montre ici ses limites, car à cette échelle on ne peut pas trouver d’explications. Si sur le papier, Madagascar devrait s’enrichir, et même se développer, le raisonnement à plus grande échelle est nécessaire. L’étude du travail d’un producteur de vanille, dont Madagascar est le 1er producteur et exportateur mondial, permet d’identifier les principaux freins au développement. Ces freins sont très concrets, ils sont sur le terrain et dans le milieu social. III Comprendre la pauvreté de Madagascar en suivant la filière vanille C’est le 3ème temps de l’étude, qui s’appuie sur un extrait vidéo. Cependant, il est possible d’utiliser cette source d’informations, qui suscite un fort intérêt des élèves, en induction de l’étude de cas, dès de le démarrage du chapitre. Pour cette phase de l’étude, il faut d’abord rappeler ce qu’est la vanille, une liane à l’arôme mondialement connu, utilisé dans de multiples produits du quotidien sur la planète entière, et qui nécessite beaucoup de travail (pollinisation à la main, cuisson, séchage…). Ce premier moment réveille l’intérêt des élèves. Comment est produite cette précieuse plante ? On peut alors visionner 2 extraits du film documentaire « La course à la vanille » de Th. PORTAFAIX, 2003. Les élèves peuvent suivre le questionnaire suivant : A- Comment caractériser l’environnement traversé ? B- Quels sont les signes de la pauvreté visibles sur les extraits ? C- Quels problèmes le pays a-t-il pour exploiter la vanille ? 5 On ne perdra pas de vue que l’Afrique est le continent le plus extraverti sur le plan économique. Le commerce avec d’autres régions du monde fait 45% de son PIB, contre 12% pour l’Europe, 15% pour l’Asie. SMITH, Stephen, Atlas de l’Afrique, Autrement, 2009, p 13. 6 Pour la situation du régime de zone franche, voir l’article « Madagascar » in BOST, François, Atlas mondial des zones franches, Belin Reclus, 2010 7 Sur le trafic de bois tropical, voir SMOUTHS, Marie-Claire, Forêt tropicale, jungle internationale, 2001. Voir aussi les travaux de RODA, Jean-Marc, du CIRAD http://publications.cirad.fr/auteur.php?mat=4059&nom=JeanMarc+RODA Document 3 : 2 extraits du film documentaire « la course à la vanille » (extrait 1 : du début à 11 min =départ Tmtve arrivée Manara. Extrait 2 = de 16min 12 à 20min 32 : préfecture de Mananara et ouverture des sacs avec l’argent). La première question permet de réactiver des connaissances de 6ème (« habiter le monde rural ») et de 5ème (le développement durable). On peut préciser que l’acheteur de vanille doit aller en brousse pour collecter la vanille qui y est produite, par les exploitations familiales. La question sur les signes de pauvreté amène les réponses suivantes : • Cases en bois fin (qu’on appelle « case en falaf’ »), avec pièce unique pour toute la famille. • Habits misérables des enfants, haillons • Présence des enfants dans les villages pour voir passer les 4X4 : pas d’école, ou peu d’école. Les jeunes en brousse ressentent beaucoup d’ennui et ne connaissent que le village et son finage. Mais il faut aller plus loin que l’approche matérielle de la pauvreté : on peut s’interroger sur la vie dans un village en brousse, et notamment sur le fait que dans un village de brousse où la vie collective est très intense, celui qui devient riche est instamment sollicité pour les soins d’urgence, pour les fêtes de tout le village, ne peut pas cacher son argent qui fatalement disparait8. Résultat, il y a rarement volonté de s’enrichir9. C’est l’aspect culturel de la grande pauvreté en brousse que l’on touche ici. Les élèves peuvent voir aussi dans le peu d’équipements un signe de pauvreté de l’Etat: la route est chaotique, il n’y a pas de pont. Il n’y a pas non-plus de banque, pas assez de policiers… Ces derniers aspects d’une pauvreté collective ont cependant plus leur place dans les réponses au grand C Réponses à la question C : • Mauvais état des routes, pas de ponts, pas d’entretien, donc énorme perte de temps et d’argent dans le transport. On peut ici explorer le document 2, et constater que les régions productrices de vanille (en hachures horizontales) ne sont pas reliées aux ports, ni aux bonnes routes. A grande échelle, il y a donc un mauvais réseau de transport, des aménagements insuffisants • Pas de sécurité, pas de banque. • On imagine aisément qu’il n’y a pas de garantie de qualité des gousses de vanilles achetées en brousse. • La corruption. Le passage sur la rencontre du préfet (début de l’extrait 2) n’explicite pas la pratique généralisée de la corruption des fonctionnaires. Pourtant elle existe, il est indispensable de monnayer sa demande pour obtenir le permis de collecte, et si les élèves ne le devinent pas c’est au professeur de le dire. Cette corruption limite le nombre de producteurs de vanille, elle ouvre la voie à des règlements de comptes, des tracasseries administratives infinies pour ceux qui ne payent pas assez ou pas aux bonnes personnes… Tout cela fragilise la filière. • Il n’est pas question de plantation de vanille dans l’extrait, la production est uniquement familiale. Cette production familiale est drainée par une multitude d’intermédiaires que l’on voit en préfecture se presser pour espérer obtenir une licence de collecte. Dans un espace aussi enclavé et aussi faiblement administré, ceux qui ont tenté de faire des économies d’échelle ont tous échoué : il n’y a ni cadastre efficace, ni administration pour faire respecter des contrats de travail, ni police pour lutter contre le vol… Les agronomes surnomment donc Madagascar le « pays de l’échantillon »10 8 LAULANIE, Henri de, Le riz à Madagascar, 2004 COTTIN, Aurélie, « La redistribution des richesses dans un contexte de développement rural dans la région d’Analanjirofo » Tsingy n°7, octobre 2007 10 Maryline Loquet, Centre Technique et Horticole de Tamatave (CTHT) 9 • Le grossiste que l’on suit dans le reportage est étranger au pays, sa société américaine aussi. Cette situation est tout à fait ordinaire, et elle pose problème à Madagascar : les bénéfices qu’ils font partent à l’étranger, l’Etat n’encadre pas la production, contrôle mal les quantités produites, les taxe mal à cause de la corruption, ne peut donc pas inciter à monter en qualité. Jean Tendeur, lui, habite à Madagascar depuis longtemps. Il réunit deux conditions indispensables à la réussite d’une grosse collecte de vanille : il a beaucoup d’argent à investir et connait les routes, les personnes avec qui travailler, un peu la langue… Seuls les plus riches de l’île en effet, peuvent investir autant d’argent, avoir des véhicules toutterrain, des moyens de communication (ici téléphone satellite : il n’y a pas de téléphone, ni portable ni fixe qui fonctionne, à Mananara). On peut donc voir dans cet acteur de la filière un héritage de la colonisation française. Il reste en effet 30 000 Français vivant à Madagascar. Pour l’anecdote, la société qui est suivie dans ce film a cessé de produire de la vanille dès l’année suivante : trop peu de production, qualité mal maitrisée, prix d’achat mal négociés… Les grossistes de vanille les plus importants à Madagascar sont de vieilles familles commerçantes d’origine indienne et chinoise (présents sur l’île depuis 3, 4 voire 5 générations). Ceux-ci maitrisent mieux la langue, sont mieux intégrés à la société locale, ont réactivé des liens familiaux avec le pays d’origine qui leur fait trouver facilement des débouchés étrangers plus ou moins déclarés aux douanes. Inutile de préciser que tout le reste de la filière est dans les pays riches : extraction des principes actifs, conditionnement pour la vente au consommateur final… c’est donc l’essentiel de l’argent généré par la filière qui échappe au pays. La fixation des prix se fait en aval de la filière, en Occident, entre quelques grands négociants et des sociétés d’agroalimentaire, des groupes de parfumerie. Etonnant pour un pays qui est le 1er producteur mondial de vanille, mais on est là dans une illustration de l’inégalité des termes de l’échange entre pays riches et pauvres. On peut faire ici un parallèle avec la filière litchi, puisque Madagascar est aussi le 1er exportateur mondial, mais là, ce sont les centrales d’achat des supermarchés européens qui donnent le ton. De la même manière, est-il besoin de préciser que la vanille, comme le litchi, ne rapportent pas plus à Madagascar que les productions considérables de chrome, de nickel, de cobalt, de titane qui sont produites par de grands groupes miniers11 ? Le cas de la vanille nous fait donc découvrir que les échanges internationaux, tels qu’ils sont organisés pour l’instant, ne suffisent pas à générer du développement pour un PMA comme Madagascar12, et encore moins du développement durable. Cette manière d’entrer dans la réalité de la pauvreté du PMA qu’est Madagascar amène donc les élèves à tordre le cou à quelques explications simplistes de la grande pauvreté : non, ce n’est pas seulement un manque d’infrastructures routières et portuaires qui explique la pauvreté de Madagascar : si c’était le cas, les 4 ports qui peuvent recevoir la plupart des navires de haute mer en feraient une île prospère. Non, ce n’est pas le manque de ressources « naturelles » qui explique la pauvreté, car l’île en est bien dotée… Ce n’est pas non-plus seulement le passé colonial, ni seulement le prix souvent jugé trop bas des matières premières… il s’agit plutôt d’une combinaison de ces causes, d’une accumulation de petits handicaps qui bloquent le développement, et ce depuis des décennies. Résultat, une accumulation de retards qui est aussi cumulative que le processus de développement. 11 Suite à une acquisition boursière, les usines de production de nickel, de cobalt et de composant de titane de Madagasar n’appartiennent plus qu’à une seule multinationale Anglo-Australienne, Rio Tinto. Le chrome continue d’être exploité par la société indépendante Kraomita. 12 Pour être complet sur la question du développement généré par les filières exportatrices comme la vanille, on se réfèrera à RAISON, Jean-Pierre, « Madagascar, vers une nouvelle géographie régionale » L’Information géographique, mars 2000, pp 1-19 Dans la trace écrite de cette 3ème séquence du cours il faut donc aller plus loin que la simple énumération des différents causes directes de la pauvreté (lâcheté du réseau de transports, corruption, sous-administration en brousse et donc fiscalité inefficace, faible niveau de formation, de santé publique…). En effet, ces causes directes ne sont elles-mêmes que des aspects de la pauvreté ; on peut donc mettre en évidence l’idée que la société d’un pays comme Madagascar est bloquée dans la pauvreté par ces causes, qui se conjuguent avec des causes externes. Ces causes externes ont un dénominateur commun, c’est l’héritage colonial qui a laissé une société fragmentée d’une part (Sylvie BRUNEL parle alors pour les sociétés africaines de « sociétés désarticulées »13). D’autre part, comme l’inégalité des termes de l’échange. L’impression d’un système de blocage du développement vient alors à l’esprit, il est possible d’en dessiner les contours. Schéma : le cercle vicieux de la pauvreté empêche la filière vanille de se développer à Madagascar Aspects hérités Freins, blocages Conséquence Dépendance de l’étranger causes externes • Inégalité des termes de l’échange • Héritage colonial • Aménagements insuffisants • Sous-administration causes internes • Pas de banques, de services • Beaucoup d’économie informelle Faibles prix d’achat Société fragmentée Petites quantités Corruption, fiscalité faible Insécurité, produit « bricolé » Règlements de compte Pas d’enrichissement, pas d’amélioration de la filière Pauvreté Forte croissance démographique Faible niveau d’éducation Ce système est complexe, mais l’essentiel est d’arriver, avec les élèves, même s’il manque des éléments, à distinguer causes externes et causes internes, ainsi qu’à mettre en évidence l’idée que la stagnation de la filière vanille est à la fois une conséquence et une des causes de la situation de PMA. Les 13 BRUNEL, Sylvie, L’Afrique, un continent en réserve de développement, 2005 2 cases ajoutées en bas du système (au sujet de la croissance démographique et du niveau d’éducation) sont nécessaires : elles peuvent être trouvées dans les documents par les élèves, elles ne sont que la réactivation de notions qui ont été précisées en 5ème. Partant de ce constat on peut alors suivre le chemin de la réflexion en faisant dégager aux élèves des pistes à suivre pour réussir le développement durable de Madagascar. Même si cette étape n’est pas explicitement suggérée au professeur par les instructions officielles, elle nous semble importante car elle active le sens civique de la géographie, elle permet aux élèves de pratiquer une véritable géographie citoyenne. Il s’agit en effet de donner à l’esprit des élèves, prompts à s’indigner de la grande pauvreté, certains outils du comment faire pour arriver à un monde plus juste. Tout d’abord, en reprenant le système dessiné, les élèves n’oublient pas que le changement doit se faire de l’intérieur (causes internes / marché intérieur) comme de l’extérieur (causes externes/ marché mondial). Il est important de prendre conscience que pour sortir du cercle de la pauvreté, il n’y a pas de recette unique miracle : il faudrait la conjugaison de plusieurs actions, à différentes échelles, et dans plusieurs domaines. Attention cependant, il ne faut pas perdre de vue que certains fondamentaux, qui n’évoluent que très lentement, jouent un rôle dans le système : le poids d’une démographie très dynamique mais qui est encore subie, avec une forte mortalité ; le faible niveau d’éducation qui ne se corrige pas en une seule génération scolarisée… Néanmoins, afin d’éviter un inventaire désordonné de solutions possibles, il semble important de mettre l’accent sur : -A l’échelle mondiale, l’amélioration des termes de l’échange afin de permettre l’insertion des filières dans le commerce mondial -Aux échelles nationale et locale, l’amélioration de la gouvernance (lutte contre la corruption, construction d’aménagements, niveau d’éducation…) Cette étape finale est importante, elle permet aux élèves de passer d’une géographie descriptive à une géographie citoyenne, donc active, où l’idée et l’action politique ont toute leur place. C’est certainement cette manière d’apprendre le monde qui est pertinente pour former de futurs citoyens. IV Deux variantes pour approfondir Madagascar, un PMA Avant d’achever cette proposition pédagogique, nous proposons 2 variantes qui permettent d’approfondir 2 points. Le traitement en classe de ces 2 variantes ne semble pas compatible avec le temps de cours à consacrer au thème. Cependant, en fonction de la sensibilité des élèves et de l’enseignant, il peut être possible d’ajouter 2 aspects. D’abord, du côté de la démographie particulièrement morbide, cette image étonnante d’un tombeau dans la région de l’Androy (« pays des épines », entre Fort Dauphin et Tuléar sur la carte doc 2). Document 4 : tombeaux dans le sud de Madagascar Ici, la disette est récurrente, il n’y a pas de route qui mène à la capitale, la saison sèche est très, très longue (voir la végétation visible ; la photo est prise en saison humide). Les indicateurs sanitaires sont les plus mauvais du pays, c’est ici que sont recrutés les personnes qui font, en ville (exode rural) les métiers les plus pénibles de l’île : tireurs de pousse-pousse, dockers, gardiens… Ici, en brousse, les cases sont en bois pour les moins pauvres et en paille pour les autres. Les gens sont éleveurs de chèvres ou de zébus. Ils en ont 2, 3, 10, et ce seul patrimoine est sacrifié à la mort du titulaire pour la cérémonie. La construction du tombeau, qui lui est en béton, coûte beaucoup plus que la case de la famille14. Attitude a priori incompréhensible pour notre société riche et moderne. Mais cette attitude, ces constructions et donc ce paysage sont le résultat concret d’une logique de précarité bien décrite par les sociologues où l’ « investissement » dans les choses de la mort est plus important que l’investissement dans les choses de la vie, tant la mort est présente15.On est donc ici très loin de la logique capitaliste qui prévaut dans la mondialisation, mais cela permet d’identifier un blocage social à l’enrichissement, et donc au développement. Sur ces tombeaux, des moulages de béton représentent un bateau, au loin un avion. Le défunt a peut-être travaillé sur un bateau, ou à l’aérodrome, à moins qu’il ne s’agisse que d’une image du destin de son âme après la mort (les moulages représentent toujours des moyens de transport). A gauche, un tombeau plus classique aux motifs décoratifs. Parmi les pierres qui enfouissent les corps, les cornes des zébus sacrifiés lors des funérailles ressortent. La 2ème variante porte sur l’instabilité politique. Document 5 : Andry Rajoelina, « président » de la transition L’ancien maire d’Antananarivo dirige depuis mardi soir la transition politique à Madagascar. Plus tôt dans la journée, le chef de l’Etat Marc Ravalomanana avait démissionné et transféré ses pouvoirs à un « directoire militaire ». Un directoire qui s’est rapidement désisté en faveur d’Andry Rajoelina, apparemment suite à des pressions. Il n’a pas volé son surnom de « TGV ». Andry Rajoelina est devenu mardi soir, à 34 ans, président de la transition politique à Madagascar. Le chef de l’opposition a été promu par le « directoire militaire », à qui le chef d’Etat démissionnaire Marc Ravalomanana avait transféré ses pouvoirs. Habibou BANGRE Article paru dans Jeune Afrique – 18/3/2009 Madagascar démontre aussi, depuis janvier 2009, que la vie politique d’un PMA est très instable. Comme l’article de Jeune Afrique le précise, le tout jeune maire de Tananarive a poussé le président Marc Ravalomanana à la fuite en mars, et depuis cette date gère le pays au nom d’un « gouvernement de transition » qu’il préside. Le parallèle avec la prise du pouvoir par Marc Ravalomanana, qui avait lui14 GODEFROIT, Sophie, LOMBARD, Jacques, Andolo : l’art funéraire sakalava à Madagascar, 2007. Pour une présentation synthétique de la logique de précarité dans les sociétés africaines, voir MICHALON, Clair, Différences culturelles, mode d’emploi, 1997 15 même renversé le président Ratsiraka dans des circonstances très semblables en 2002, est frappant. En janvier 2009, alors que le gouvernement vient de fermer la chaine télévisée de « TGV » Andry Rajoelina, ses partisans occupent quasi-continument la place du 13 mai et l’avenue de l’Indépendance. Après des semaines de crise, des dizaines de morts à déplorer lors de pillages et d’un massacre perpétré par la garde présidentielle, le pouvoir tombe et Andry Rajoelina retrouve une foule toute acquise, malgré l’illégitimité de son coup de force, sur le bas de l’avenue de l’indépendance (photo). Derrière lui, 3 éléments du pouvoir : le lieu de pouvoir (l’avenue de l’indépendance, il est précisément devant le chantier de reconstruction de l’hôtel de ville, dont la destruction avait été déjà le déclencheur de la 1ère crise politique en 1972), l’armée qui décide du jour et de l’heure du basculement politique, et la foule mobilisée. La population pauvre des bas quartiers –au sens propre, les bidonvilles étant dans les nombreuses zones inondables de la capitale- s’est beaucoup mobilisée et a largement contribué à cet événement. Il est évident que les anciens clivages sociaux ont rejoué dans ce rapport de force de l’été – austral- 200916. Avec les élèves il est possible de travailler avec ce court texte et cette photo. Les deux documents illustrent bien l’instabilité politique, mais l’expliquent peu. Ceci n’est pas un problème, puisqu’en 4ème on se contentera de faire un lien, même ténu, entre pauvreté et instabilité politique. Pas besoin d’entrer dans la complexité des explications de la vie politique malgache. On peut cependant apporter à la connaissance des élèves les conséquences, négatives et nombreuses, de cette crise politique qui dure depuis 2009 : fermeture quasi-immédiate de la plupart des entreprises qui travaillaient en régime de zone franche pour l’exportation, arrêt de la plupart des programmes des ONG et des services de coopération des pays du Nord, interruption brutale de la lutte contre l’abattage des forêts tropicales, contre la chasse aux espèces protégées… Conclusion Finalement, l’île de Madagascar ne tire pas encore profit de la mondialisation actuelle, dans le sens où aucun processus de développement à l’échelle nationale n’est enclenché17. Cependant, son insertion dans les réseaux internationaux lui permet, bon an mal an, de ne pas sombrer dans le chaos. Pour réellement en profiter, il faudrait non seulement une meilleure gouvernance, mais aussi des règles plus justes pour le commerce international. Le programme de 4ème « aspects de la mondialisation » est un tout qui s’équilibre. L’absence d’une réflexion sur un PMA, comme sa présentation négligée, laisseraient dans l’esprit des élèves une succession de pays gagnants ou en passe de gagner dans la mondialisation actuelle, qui définissent comme une recette de réussite. Or cette recette unique de la réussite n’existe pas, c’est ce que démontre le cas d’un pays pauvre comme Madagascar, qui est pourtant très extraverti économiquement. L’étude de ce PMA et en particulier le détour par la filière vanille permet aux élèves d’aller « au plus près du réel »18, d’identifier les multiples effets de la pauvreté sur le territoire, mais aussi d’entrer dans la complexité des explications. Il permet aussi de réinvestir les notions indispensables vues en 5ème qui sont les différents aspects du développement durable, donc du 16 Pour une analyse plus fine des clivages sociaux et des « groupes statutaires » qui ont joué lors de cette crise, on se réfèrera à FOURNET-GUERIN, Catherine, Vivre à Tananarive. Géographie du changement dans la capitale malgache, Karthala, 2007. Pour la culture politique, voir RAISON-JOURDE, Françoise, Les souverains de Madagascar, Karthala, 1983 17 Une mise au point précise de la notion de développement adaptée à l’Afrique se trouve dans la dernière édition mise à jour de HUGON, Philippe, L’économie de l’Afrique, La Découverte, coll. Repères, 2009, p27. 18 « Aide à la mise en œuvre des programmes – L’étude de cas en géographie » DGESCO, juillet 2011 développement humain. Enfin la dimension culturelle est abordée, ce qui permet de préparer le terrain au thème suivant du programme portant sur la mondialisation et la diversité culturelle.