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UNIVERSITƒ DU QUƒBEC Ë MONTRƒAL
LES JEUNES CHïMEURS ET LEURS RƒSEAUX :
UNE STRATƒGIE RENTABLE, UNE EFFICACITƒ RELATIVE
THéSE
PRƒSENTƒE
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DU DOCTORAT EN SOCIOLOGIE
PAR
MARIE-CHANTAL GIRARD
MAI 2002
AVANT-PROPOS
ÇÊToi seul peut le faire, mais tu ne peux le faire seulÊÈ
Auteur inconnu
Je dŽsire tout dÕabord remercier chaleureusement mon directeur de th•se, Monsieur Paul
R. BŽlanger, professeur au dŽpartement de sociologie de lÕUniversitŽ du QuŽbec ˆ
MontrŽal, pour le support qu'il m'a fourni dans l'ensemble de ma dŽmarche au programme
de doctorat. Sa disponibilitŽ et ses judicieux conseils ont certainement ŽtŽ essentiels ˆ
lÕach•vement de cette th•se, mais son soutien indŽfectible, et peu commun, a plus que
tout comptŽ ˆ mes yeux.
Des remerciements particuliers ˆ Denis Harrisson, Shirley Roy et Mark S. Granovetter
qui mÕont gŽnŽreusement soutenue ˆ divers moments de la recherche. Merci aussi ˆ Ariane
Martin qui fut une accompagnatrice prŽcieuse et terriblement efficace au fil de ces quatre
annŽes ainsi quÕˆ Isabelle Hogue qui sÕest soumise ˆ une rigoureuse lecture de cet ouvrage.
Je tiens enfin ˆ exprimer ma profonde reconnaissance ˆ Alexandre pour avoir marchŽ ˆ
mes c™tŽs pendant ces nombreuses annŽes, pour son admirable patience et pour avoir
toujours su trouver les bons mots dÕencouragement.
Merci
III
RƒSUMƒ
La th•se qui suit se situe au croisement de lÕaxe thŽorique des mouvements sociaux et de
celui de la sociologie du travail. Son principal objectif est de mettre au jour les mŽcanismes
organisationnels des rŽseaux de solidaritŽ informels ainsi que la constitution des relations
sociales entre leurs membres, afin de mieux comprendre en quoi ces groupes informels
constituent pour les jeunes un moyen unique et efficace dÕacc•s au marchŽ du travail.
En nous basant sur les fondements de la thŽorie de la rŽgulation et en posant les rŽseaux de
solidaritŽ informels comme mode de coordination prŽpondŽrant dans lÕorganisation des
informations reliŽes ˆ lÕacc•s des jeunes ˆ lÕemploi, nous postulons tout dÕabord que les
rŽseaux informels Žvoluent en complŽmentaritŽ des autres modes dÕintŽgration au marchŽ
du travail et aident leurs membres ˆ combattre les sentiments dÕisolement et de
dŽcouragement frŽquemment ressentis. CÕest toutefois la rentabilitŽ des rŽseaux informels
dÕemploi que cette Žtude dŽmontre le plus vigoureusement, rentabilitŽ liŽe ˆ lÕacquisition
de nouvelles compŽtences relationnelles et socioprofessionnelles ainsi quÕˆ lÕacc•s ˆ de
nouvelles sources dÕinformation pour leurs jeunes adhŽrents.
Les conclusions de cette recherche permettent dÕidentifier et de mieux faire conna”tre les
besoins en mati•re de soutien, de formation et dÕapprentissage des jeunes ch™meuses et
ch™meurs quŽbŽcois, ainsi que leurs comportements face ˆ cette rŽalitŽ. Du m•me souffle,
ces conclusions viennent mettre en lumi•re le fonctionnement de ces structures sociales
des plus ŽphŽm•res.
IV
TABLE DES MATIéRES
AVANT-PROPOS
II
RƒSUMƒ
III
LISTE DES TABLEAUX
IX
LISTE DES FIGURES
X
LISTE DES GRAPHES
XI
INTRODUCTION GƒNƒRALE
1
CHAPITRE 1
LE CHïMAGE DES JEUNESÊ: UN DIAGNOSTIC
8
1.1
Introduction
8
1.2
Crise et transformation du travail
11
1.2.1
Portrait Žconomique du QuŽbec et Žvolution des formes dÕemploi
11
1.2.2
La crise du ÇÊGrand compromisÊÈ
16
1.3
1.4
Le parcours des jeunes
24
1.3.1
Qui sont-ils?
26
1.3.2
Un parcours ˆ obstacles
27
1.3.3
Impacts sur les relations sociales
30
1.3.4
Causes et consŽquences du ch™mage
32
Conclusion
35
CHAPITRE 2
LÕAPPROCHE RƒSEAUÊ: UN MODE DE REPRƒSENTATION DES
RELATIONS SOCIALES
37
2.1
Introduction
37
2.2
Information et rŽgulation
42
2.2.1
42
LÕinformationÊ: la clŽ du probl•me?
V
2.2.2
Mod•les de rŽgulation
46
2.2.2.1 La thŽorie des liens et la recherche dÕemploi
59
2.2.2.2 La valeur Žconomique de lÕinformelÊ: place et r™le des
RŽseaux sociaux dans le marchŽ
2.3
65
La socialitŽÊ: dŽfinitions et principes
68
2.3.1
RŽseaux, institutions et associations
69
2.3.2
Les rŽseaux et leurs formes de sociabilitŽ
71
2.3.2.1 Personnels et sociaux
71
2.3.2.2 Formels et informels
73
2.3.2.3 SolidaritŽ mŽcanique et solidaritŽ organique
75
2.4
Traditions et voies de recherche
77
2.5
Les mŽthodes de recherche dÕemploi
87
2.5.1
Origine et efficacitŽ des rŽseaux dans lÕacc•s ˆ lÕemploi des jeunes
92
2.5.2
La prise en charge par le milieu
95
2.5.2.1 Historique de lÕapproche communautaire
95
2.5.2.2 Distinction entre les approches institutionnelle et
Communautaire
2.5.2.3 Profil des organismes et services offerts
2.5.3
2.6
96
98
2.5.2.4 ƒvaluation et conflit avec lÕƒtat
100
Les programmes gouvernementaux
103
2.5.3.1 Historique et objectifs des programmes
103
2.5.3.2 Principales mesures institutionnelles
104
2.5.3.3 Critique et Žvaluation
106
Conclusion
110
CHAPITRE 3
LES RƒSEAUX COMME MƒTHODE DÕANALYSE
114
3.1
114
Introduction
VI
3.2
3.3
3.4
3.5
3.6
Les rŽseaux informels et leurs reprŽsentations
115
3.2.1
La thŽorie des graphes
115
3.2.2
Typologie des Žtudes de rŽseaux
123
3.2.3
Principes et types de regroupements
127
La nature des relations intra-rŽseau
130
3.3.1
Facteurs dÕinfluence et indicateurs dÕaffinitŽs
130
3.3.2
Pouvoir et mod•les de dŽcisions collectives
134
Approches, communications et performances
137
3.4.1
Rapports t‰ches-rŽseaux et communication de la t‰che
139
3.4.2
LÕŽtude des communications informelles
141
3.4.3
Organisation et performance des communications
144
La stratŽgie et ses instruments
146
3.5.1
SŽlection des relations
146
3.5.2
La nature des donnŽes
150
3.5.3
La technologie au service des rŽseaux
152
Conclusion
155
CHAPITRE 4
CRƒATION, ORGANISATION ET UTILITƒ DES RƒSEAUX DE
SOLIDARITƒ INFORMELSÊ: UNE ƒTUDE
157
4.1
Introduction
157
4.2
Six rŽseaux dÕintŽgration au marchŽ de lÕemploi
157
4.2.1
Le rŽseau du Plateau Mont-Royal
157
4.2.2
Le rŽseau de jumelage
159
4.2.3
Le rŽseau des arts
161
4.2.4
Le rŽseau des universitaires
163
4.2.5
Le rŽseau des entrepreneurs
165
4.2.6
Le rŽseau de la Basse-Ville
166
VII
4.3
4.4
4.5
Les principaux rŽsultats de lÕenqu•te
167
4.3.1
La complŽmentaritŽ des mŽthodes
172
4.3.2
Rompre lÕisolement
179
4.3.3
Soutenir la motivation
186
4.3.4
Accro”tre la motivation
195
4.3.5
AcquŽrir de nouvelles compŽtences
203
4.3.6
DÕo• provient lÕinformation?
212
4.3.7
La nature de lÕinformation
219
4.3.8
O• se dirige lÕinformation?
222
Analyse complŽmentaireÊ: un Žclairage indispensable
232
4.4.1
LÕimportance de lÕ‰ge
233
4.4.2
La diffŽrenciation des genres
234
4.4.3
Le niveau de scolaritŽ et le domaine de formation
237
4.4.4
La durŽe du ch™mage
239
4.4.5
Variables et considŽrations Žmergentes
241
Conclusion
244
CHAPITRE 5
LORSQUE RENTABILITƒ NE RIME PLUS AVEC EFFICACITƒ
249
5.1
Introduction
249
5.2
InterprŽtation et valeur thŽorique des rŽsultats
249
5.2.1
PortŽe des rŽsultats
250
5.2.1.1 Les conclusions phares
250
5.2.1.2 Les atouts de lÕapproche rŽseau
257
5.2.1.3 Les inconvŽnients de lÕapproche
263
5.2.2
ValiditŽ de population
264
5.2.3
ValiditŽ Žcologique
266
5.3
Conclusion
268
VIII
CHAPITRE 6
LES RƒSEAUX DE SOLIDARITƒ INFORMELSÊ: UN CHAMP DÕAPPLICATION
Ë ƒLARGIR
270
6.1
Introduction
270
6.2
Prospectives gŽnŽrales
270
6.3
Application des nouvelles connaissances et identification de leurs
6.4
destinataires
274
Pratiques dÕintervention sociale
275
6.4.1
Le milieu institutionnel
275
·
Le rŽseau ˆ lÕŽcole
275
·
Le rŽseau du dŽveloppement de la main-dÕÏuvreÊ: la porte
dÕentrŽe des chercheurs dÕemploi
280
6.4.2
Le milieu communautaireÊ: une vision partagŽe
283
6.4.3
Les ressources privŽes dÕaide ˆ lÕemploi
285
6.4.4
Les groupes ÇÊjeunesseÊÈ
286
6.5
Contribution thŽorique de cette recherche
287
6.6
Conclusion
292
CONCLUSION
294
APPENDICE A
QUELS ARRANGEMENTS INSTITUTIONNELS SONT NƒCESSAIRES AU
SOUTIEN DES SYSTéMES SOCIAUX ALTERNATIFS DE PRODUCTION? 305
APPENDICE B
APER‚U DES PROGRAMMES GOUVERNEMENTAUX OFFRANT DES
RESSOURCES FINANCIéRES ET DES SERVICES AUX JEUNES ET AUX
ENTREPRISES, CANADA ET QUƒBEC
307
IX
APPENDICE C
CANEVAS DÕENTREVUE
312
APPENDICE D
FORMULAIRES UTILISƒS LORS DE LA COLLECTE DE DONNƒES
322
APPENDICE E
DƒFINITIONS ET CONCEPTS
325
BIBLIOGRAPHIE
335
X
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1a
Modes de gouvernanceÊ: r•gles dÕŽchange et de conformitŽ
51
Tableau 1b
Chaque mŽcanisme de coordination a ses dŽfaillances
particuli•res
53
Tableau 2
Modes de coordination ou de gouvernance
55
Tableau 3
Part des diffŽrents modes de recrutement dans l'acc•s ˆ l'emploi
89
Tableau 4 :
Les sociomatrices
121
Tableau 5 :
Typologie des Žtudes rŽseaux
124
Tableau 6 :
Approches et mod•les de classement des divers types de
regroupements
130
MŽthodes d'Žtude des communications informelles
143
Tableau 7 :
XI
LISTE DES FIGURES
Figure 1 :
Cha”ne, chemin, circuit et cycle
118
Figure 2 :
Types d'exercice du pouvoir
135
Figure 3 :
Syst•me de communication
139
Figure 4 :
Mod•les centralisŽs
141
Figure 5 :
Mod•le homog•ne
141
XII
LISTE DES GRAPHES
Graphe 1 :
Graphe non orientŽ en forme d'Žtoile
116
Graphe 2 :
La zone
118
Graphe 3 :
L'arborescence
119
Graphe 4 :
La connexitŽ forte
120
Graphe 5 :
La connexitŽ semi-forte
121
Graphe 6 :
La connexitŽ quasi forte
123
Graphe 7 :
La connexitŽ simple
123
Graphe 8 :
ConsidŽrations Žmergentes
244
INTRODUCTION
LÕintŽgration au marchŽ du travail est devenue pour les jeunes du QuŽbec et du Canada
l'une des problŽmatiques majeures auxquelles Žconomistes, sociologues et politiciens
tentent de rŽpondre depuis maintenant trois dŽcennies. Alors que les ƒtats-Unis
connaissent des taux de ch™mage variant entre 4 et 5Ê% et que l'ensemble des Žconomies
nord-continentales jouissent dÕune vigueur exceptionnelle, la situation quŽbŽcoise,
comparable ˆ celle de certains pays europŽens, est certainement prŽoccupante dans le
contexte Žconomique actuel.
Il est d'ailleurs possible de qualifier le QuŽbec de ÇÊsociŽtŽ ˆ ch™mage chroniqueÊÈ puisque
les indicateurs demeurent tr•s ŽlevŽs dans l'ensemble de la population active et ce, depuis
de nombreuses annŽes. La prŽcaritŽ Žconomique et sociale engendrŽe par la remise en
question du mod•le fordiste de dŽveloppement, la mondialisation des marchŽs,
l'endettement des gouvernements et l'Žmergence de nouveaux pays industrialisŽs, se trouve
ˆ la source de l'expansion de nouvelles formes d'emploi dites atypiques. On retrouve
parmi ces derni•res le travail ˆ temps partiel, ˆ contrat, sur appel, occasionnel ainsi que le
travail autonome. Un fort pourcentage de la jeune main-dÕÏuvre quŽbŽcoise, peu
expŽrimentŽ et disposŽ ˆ exŽcuter une sŽrie de t‰ches connexes, se retrouve massivement
concentrŽ dans ce type d'emploi. MalgrŽ la reprise Žconomique et une lŽg•re baisse du
taux de ch™mage global, les jeunes ˆ la recherche d'un emploi demeurent
proportionnellement encore beaucoup plus nombreux que leurs a”nŽs.
Tous les jeunes n'ont par ailleurs pas les m•mes chances d'acc•s ˆ l'emploi. M•me si l'‰ge,
la formation, les circonstances ayant initiŽ le ch™mage et la nature de l'emploi recherchŽ
expliquent partiellement le phŽnom•ne d'acc•s ˆ l'emploi, leurs chances d'insertion
dŽpendent Žgalement des mŽthodes de recherche d'emploi utilisŽes.
Les ch™meurs de longue durŽe (six mois et plus) effectuent sensiblement le m•me type de
dŽmarches que les ch™meurs de courte durŽe et d'apr•s les rŽsultats d'enqu•tes, l'efficacitŽ
de chaque dŽmarche varie peu selon l'anciennetŽ du ch™mage. Or, le taux rŽel d'insertion
des ch™meurs de longue durŽe est deux fois plus faible que celui des ch™meurs de courte
durŽe. Il semble donc pertinent de chercher des pistes d'explication tant du c™tŽ des
mŽthodes de recherche d'emploi que de celui des caractŽristiques socioprofessionnelles
(‰ge et formation) de ces ch™meurs.
2
Cette recherche est dÕautant plus importante ˆ nos yeux que les prochaines gŽnŽrations de
jeunes travailleurs et travailleuses conna”tront vraisemblablement un phŽnom•ne de
transition prolongŽe qui marque dŽjˆ la vie des jeunes depuis une quinzaine dÕannŽes.
Chez ce groupe dŽmographique, on constate effectivement un allongement soutenu de la
pŽriode de transition des Žtudes au marchŽ du travail, ce qui rend cette Žtape de la vie plus
Žprouvante et complexe que jamais. En 1998, ce passage durait en moyenne huit ans pour
les jeunes au Canada (Statistique Canada, Bowlby, 2000). Depuis le dŽbut des annŽes
1990, on note parall•lement une augmentation de 42Ê% du bŽnŽvolat chez les jeunes
QuŽbŽcois par rapport ˆ une moyenne nationale de 15Ê%. CÕest dÕailleurs au QuŽbec et en
Colombie-Britannique que ce facteur est le plus important. Plus de 92Ê% de ces jeunes ont
Žgalement mentionnŽ des engagements bŽnŽvoles prŽcisant quÕil sÕagissait lˆ dÕune bonne
cause.
SimultanŽment, 51Ê% des jeunes canadiens ont rŽvŽlŽ faire du bŽnŽvolat pour des raisons
liŽes ˆ lÕemploi, telles que mieux conna”tre leurs capacitŽs, mettre en application leurs
compŽtences et acquŽrir de lÕexpŽrience (Statistiques Canada, Jones, 2000). Il circule en
effet de plus en plus dÕinformations au sujet des groupes dÕentraide et plusieurs auteurs
ont maintenant dŽmontrŽ l'efficacitŽ des rŽseaux sociaux comme mode d'acc•s ˆ l'emploi
par rapport aux programmes gouvernementaux et communautaires. Ces possibilitŽs
dÕengagement bŽnŽvole se sont principalement dŽveloppŽes dans les domaines de la santŽ
et du bien-•tre, mais de nouvelles formes dÕactivitŽs bŽnŽvoles et solidaires sÕŽtendent
maintenant au champ du dŽveloppement de la main-dÕÏuvre (Romeder, 1989). Quoique
considŽrablement diffŽrentes, ces derni•res activitŽs ont nŽanmoins des retombŽes fort
similaires pour les individus y consacrant temps et savoir-faire.
Quoique moins nombreux dans ce secteur, les raisons dÕexistence des rŽseaux dÕintŽgration
ˆ lÕemploi sont globalement les m•mes, cÕest-ˆ-dire, un besoin dÕaide lorsque lÕindividu
fait face ˆ des difficultŽs graves ou ˆ une crise; un besoin dÕappartenance, pour sentir que
lÕon fait partie dÕune communautŽ ou dÕun groupe de personnes amicales sur qui on peut
compter; un besoin dÕautonomie ou de prise en charge de sa vie personnelle (Romeder,
1989).
Les rŽseaux sociaux forment une trame de base de la sociŽtŽ et constituent une voie
importante d'intŽgration sociale. Plusieurs ont ainsi choisi d'y avoir recours dans une foule
de situations comme l'intervention, le support ou la rŽinsertion sociale. Les rŽseaux
3
constituent des entitŽs dont les fronti•res ne sont jamais compl•tement dŽlimitŽes; ils
Žvoluent, s'adaptent rapidement et se rendent facilement indŽpendants des institutions.
Cette recherche se situe donc au croisement de l'axe des mouvements sociaux et de celui de
la sociologie du travail. La relation entre les th•mes de la participation des jeunes (18-35
ans), de lÕintŽgration au marchŽ du travail et des rŽseaux de solidaritŽ informels constitue
plus spŽcifiquement lÕobjet de la recherche. Ajoutons qu'il s'agit d'une analyse
comportementale portant sur un groupe d'acteurs cherchant ˆ sÕintŽgrer de mani•re
permanente au marchŽ du travail quŽbŽcois. Aussi, le ch™mage est une variable
indŽpendante qui ne sera pas mesurŽe au cours de la recherche.
Le rendement supŽrieur des rŽseaux de solidaritŽ comme moyen dÕacc•s ˆ lÕemploi ayant
dŽjˆ ŽtŽ dŽmontrŽ par des Žtudes telles que celle de Degenne et ForsŽ (1994) ou de
Lagarenne et Marchal (1995), la prŽsente Žtude sÕattarde davantage aux mŽcanismes de
fonctionnement et ˆ la constitution des relations entre les membres de ces rŽseaux. Ce
sont les phŽnom•nes sociaux pouvant expliquer leur efficacitŽ ainsi que leurs conditions
particuli•res dÕexistence qui seront examinŽs ici.
En effet, le th•me du ch™mage chez les jeunes a ŽtŽ passablement exploitŽ dans le cadre
d'analyses psychologiques et Žconomiques, mais ces derni•res n'ont jusqu'ici pas encore
permis de mettre en lumi•re l'Žmergence de nouveaux comportements de groupe au cours
des annŽes 1990. Balazs et Mathey (1975) ont identifiŽ la prŽsence de nouvelles
pratiques, mais se sont limitŽes ˆ l'individu et n'ont pas abordŽ la question des pratiques
ou des rŽseaux en Žmergence, favorisant l'intŽgration au marchŽ du travail.
Les indicateurs les plus couramment utilisŽs ne suffisent plus ˆ donner une vision
compl•te de la situation de l'emploi pour les jeunes. MalgrŽ la baisse rŽcente du taux de
ch™mage et autres mesures quantitatives, l'Žtat de prŽcaritŽ croissante des emplois
obtenus actuellement par ces nouveaux travailleurs ne ressort aucunement dans le cadre de
ce type d'analyse. L'Žcart grandissant entre les plus de 35 ans et les plus jeunes laisse en
effet prŽsager que la situation professionnelle et Žconomique de ces derniers n'est pas en
voie de s'amŽliorer. Selon Madeleine Gauthier, la situation des jeunes s'est dŽtŽriorŽe dans
tous les domaines de l'emploi ˆ l'exception des taux de ch™mage qui cachent cependant le
probl•me de l'intermittence en emploi pour eux (1994Ê: 87).
4
En m•me temps que ces recherches sont effectuŽes, lÕentrepreneuriat doit composer avec
un marchŽ du travail en constante Žvolution et les deux paliers de gouvernement tentent,
avec plus ou moins de succ•s, dÕŽlaborer de nouveaux types de programmes
d'employabilitŽ afin de s'y adapter. Aussi, il devient pertinent dÕexplorer la possibilitŽ
que conjointement aux multiples programmes institutionnels, de nouvelles pratiques aient
ŽmergŽ et que de nouveaux rŽseaux aient ŽtŽ crŽŽs pour pouvoir rŽagir ˆ ces changements.
LÕanalyse des contenus relationnels explorant lÕefficacitŽ relative des rŽseaux comme
mode dÕacc•s ˆ lÕemploi reposera donc sur cette premi•re hypoth•se stipulant que des
rŽseaux de solidaritŽ informels sont mis en place et Žvoluent en complŽmentaritŽ des
ressources institutionnelles et communautaires.
Cette recherche originale permettra donc lÕatteinte dÕun niveau de connaissance supŽrieur
ainsi que l'identification des nouveaux comportements des jeunes ch™meurs et ch™meuses
du QuŽbec et, du m•me coup, de cerner le fonctionnement de ces structures informelles
permettant de rŽpondre ˆ leurs besoins en mati•re de soutien, de formation et
d'information.
Du sujet gŽnŽral de recherche dŽcoulent quelques grandes questions permettant dÕexplorer
le cÏur de ces rŽseaux de solidaritŽ informels. La premi•re, portant sur lÕexistence m•me
de rŽseaux informels structurŽs est posŽe comme suitÊ: existe-t-il au QuŽbec des rŽseaux
de solidaritŽ informels constituŽs de jeunes ch™meurs qui sont mis en place et Žvoluent en
complŽmentaritŽ des ressources institutionnelles et communautaires?
Ë ce questionnement prŽliminaire s'ajoutent de nouveaux ŽlŽments dÕanalyse. On ne peut,
en effet, s'interroger sur le fonctionnement de nouveaux rŽseaux de solidaritŽ informels
sans amorcer une rŽflexion quant ˆ leur efficacitŽ. Plusieurs hypoth•ses y trouvent
dÕailleurs leurs racines. Les notions dÕisolement, de motivation, dÕapprentissage, de nature
des liens unissant les membres, dÕorganisation interne des t‰ches et de communication
sont autant dÕindicateurs permettant dÕŽtablir des liens entre cette forme de rŽseau et
lÕintŽgration des jeunes au marchŽ du travail.
Une fois ce concept dÕefficacitŽ analysŽ, lÕŽtude sÕattardera plus longuement aux raisons
pouvant expliquer dans quelle mesure les rŽseaux sont utiles aux jeunes dŽsirant sÕintŽgrer
au marchŽ du travail et comment cette efficacitŽ peut se traduire au regard du niveau
dÕemployabilitŽ de ces derniers. LÕemphase de cette recherche sera donc mise sur une
5
mesure de lÕefficacitŽ des rŽseaux en faisant appel ˆ des mŽcanismes tels que le soutien
Žmotif, lÕapprentissage de nouvelles compŽtences et la rencontre de semblables.
Les hypoth•ses centrales de cette recherche gravitent aussi autour de ces indicateurs
dÕefficacitŽ. Comme il vient dÕ•tre mentionnŽ, la premi•re hypoth•se cherche ˆ savoir
comment se positionnent les rŽseaux de solidaritŽ informels par rapport aux autres
techniques de recherche dÕemploi, comme les ressources institutionnelles ou
communautaires, les agences privŽes de placement, les journaux, les annuaires, etc. Selon
lÕidŽe mise de lÕavant, les rŽseaux de solidaritŽ informels sont complŽmentaires aux autres
mŽthodes de recherche dÕemploi et ne visent en aucun cas ˆ les substituer.
La seconde hypoth•se, quant ˆ elle, tente de vŽrifier si les rŽseaux de solidaritŽ informels
ont pour effet de briser lÕisolement des jeunes ˆ la recherche active dÕun emploi. Dans le
troisi•me bloc qui contient deux hypoth•ses lÕauteure postule que le rŽseau de solidaritŽ
informel dŽtient la capacitŽ de soutenir la motivation de ses membres et quÕil a pour effet
de lÕaccro”tre chez ceux qui sont ˆ la recherche active dÕun emploi.
La quatri•me hypoth•se Žvalue si la participation des jeunes ˆ un rŽseau de solidaritŽ
informel permet dÕaccro”tre leur employabilitŽ par lÕacquisition de nouvelles compŽtences
relationnelles.
Enfin, le cinqui•me bloc, constituŽ de trois affirmations, essaie de dŽterminer si ces
rŽseaux de solidaritŽ informels permettent lÕŽlargissement des sources dÕinformation pour
leurs membres, sÕils assurent une diversitŽ de ces sources dÕinformation et finalement,
sÕils en permettent la redondance.
LÕensemble de lÕinformation concernant les donnŽes recueillies relativement ˆ chacune de
ces hypoth•ses lors des entrevues ainsi que les principaux rŽsultats de lÕenqu•te sont
prŽsentŽs au quatri•me chapitre de cet ouvrage.
Plus systŽmatiquement, le premier chapitre de la recherche tentera de circonscrire et de
dŽfinir les principaux concepts liŽs au ch™mage chez les jeunes par rapport ˆ l'ensemble
des thŽories sociologiques sur lÕorganisation du travail. Le second chapitre veillera plut™t ˆ
assurer une bonne comprŽhension des trois principaux modes d'acc•s ˆ l'emploi,
positionnŽs ˆ lÕintŽrieur des mŽcanismes de rŽgulation de lÕinformation qui constituent
toutefois le cÏur de cette section. Ces derniers modes sontÊ: l'approche institutionnelle,
6
globalement basŽe sur un ensemble de mesures et de programmes d'employabilitŽ;
l'approche communautaire, offrant Žgalement divers programmes et activitŽs de formation
tout en Žtant davantage orientŽe vers le dŽveloppement global de l'individu; lÕapproche
informelle, plus souvent utilisŽe en combinaison avec l'une des deux prŽcŽdentes et
reposant gŽnŽralement sur un ensemble de contacts et de rŽseaux.
Le troisi•me chapitre cherche ˆ identifier, ˆ travers les Žtudes portant sur le ch™mage, les
jeunes sans-emploi et les rŽseaux de solidaritŽ, les meilleures stratŽgies mŽthodologiques
utilisŽes pour surmonter la difficultŽ d'un objet de recherche informel. L'objectif de cet
exercice thŽorique est donc double. Tout d'abord, identifier et dŽfinir les divers types de
rŽseaux sociaux afin de mieux situer les rŽseaux de jeunes ch™meurs. Ensuite, explorer les
multiples mŽthodes d'analyse applicables ˆ cet objet de recherche ainsi que leurs
consŽquences sur la nature des informations qu'il est possible de recueillir.
La quatri•me section de ce texte prŽsentera les principaux rŽsultats de lÕenqu•te rŽalisŽe
durant lÕhiver et le printemps 2000, aupr•s de membres appartenant ˆ un rŽseau de
solidaritŽ informel. Suivant une prŽsentation exhaustive de chacun des rŽseaux participant
ˆ lÕenqu•te, les rŽsultats provenant des analyses principales et secondaires seront ensuite
dŽcortiquŽs, jetant ainsi les bases pour une interprŽtation rigoureuse et valable des
rŽsultats.
Le cinqui•me chapitre traitera quant ˆ lui des diffŽrents aspects que comporte
lÕinterprŽtation des rŽsultats. Cette rŽflexion sÕarr•te tout dÕabord ˆ la valeur thŽorique des
rŽsultats obtenus; se concentre ensuite sur la valeur pratique de la connaissance
nouvellement acquise (la portŽe des rŽsultats) et tente finalement de faire ressortir les
possibilitŽs dÕapplication des connaissances acquises.
La derni•re section de lÕouvrage permet enfin dÕidentifier les prospectives gŽnŽrales
Žmanant de cette recherche et dÕen tester la valeur Žcologique. LÕauteure explique
Žgalement en quoi ce travail contribue ˆ lÕavancement de lÕanalyse rŽseau et de la thŽorie
des petits groupes tout en fournissant des exemples concrets de mise en application des
rŽsultats dÕenqu•te.
Avant de parcourir les rŽsultats de cette Žtude, il faut mettre les lecteurs en garde. Il est
effectivement important de rappeler que le concept dÕefficacitŽ auquel nous faisons
abondamment rŽfŽrence dans ce texte nÕoppose pas les rŽseaux de solidaritŽ informels aux
7
autres modes dÕacc•s ˆ lÕemploi, mais bien les rŽseaux ˆ eux-m•mes. CÕest dÕailleurs
pourquoi lÕenqu•te de masse Žtait ˆ nos yeux inutile dans ce contexte puisque lÕŽtude
sÕattarde principalement aux rapports entre les acteurs au sein des groupes. LÕanalyse en
profondeur rŽpond nettement mieux ˆ cet objectif.
Les donnŽes recueillies au cours de lÕenqu•te ne permettent pas non plus de prŽsumer du
nombre total de rŽseaux de solidaritŽ informels au QuŽbec. Une telle Žvaluation requerrait
une toute autre Žtude sÕappuyant sur une mŽthodologie quantitative. Il est aussi
impossible dÕextrapoler ou dÕestimer leur nombre ˆ partir des donnŽes actuelles.
Il est enfin malheureux de ne pas pouvoir Žtablir de tendances ˆ long terme ˆ partir de ces
analyses. La durŽe dÕexistence de ces rŽseaux et leur rŽsurgence ˆ un moment ou ˆ un autre
de la vie de leurs membres sont des variables quÕil est impossible de contr™ler, les rŽseaux
Žtant par dŽfinition non structurŽs de mani•re formelle et tout ˆ fait ŽphŽm•res. Ici, le
mod•le unique nÕexiste pas.
CHAPITRE 1
LE CHïMAGE DES JEUNESÊ: UN DIAGNOSTIC
1.1
Introduction
Au Canada, le manque dÕemploi pour les jeunes et leurs difficultŽs ˆ obtenir ceux qui sont
disponibles demeurent l'une des problŽmatiques socioŽconomiques les plus prŽoccupantes
et ce, depuis plus de trois dŽcennies.
Au QuŽbec, l'augmentation du nombre de jeunes ch™meurs commence ˆ prendre des
proportions alarmantes ˆ partir des annŽes 1970, pour atteindre le rapport d'un ch™meur
sur deux au cours de la rŽcession de 1982. Il est d'ailleurs possible de qualifier le QuŽbec
de sociŽtŽ ˆ ch™mage chronique puisque les taux demeurent tr•s ŽlevŽs chez l'ensemble de
la population active depuis de nombreuses annŽes (8,4Ê% pour lÕannŽe 2000, Statistique
Canada). La prŽcaritŽ Žconomique et sociale engendrŽe par la remise en question du
mod•le fordiste de dŽveloppement, la mondialisation des marchŽs, l'endettement des
gouvernements et l'Žmergence de nouveaux pays industrialisŽs, se trouve ˆ la source de
l'expansion de nouvelles formes d'emploi dites atypiques. On retrouve parmi ces derni•res
le travail ˆ temps partiel, ˆ contrat, sur appel, occasionnel ainsi que le travail autonome.
Un fort pourcentage de la jeune main-dÕÏuvre, sans expŽrience et disposŽ ˆ exŽcuter une
sŽrie de t‰ches connexes, s'est ainsi retrouvŽ ˆ occuper massivement ce type d'emploi.
MalgrŽ la reprise Žconomique et une lŽg•re baisse du taux de ch™mage global, les jeunes ˆ
la recherche d'un emploi demeurent proportionnellement encore beaucoup plus nombreux
que leurs a”nŽs.
Avec les annŽes, la reconnaissance sociale dŽcoulant de l'occupation professionnelle ne
s'est que tr•s peu adaptŽe aux nouvelles r•gles du marchŽ du travail. Les effets de cette
profonde rŽorganisation ont essentiellement pris la forme dÕun nivellement ˆ la baisse des
9
conditions de travail (statut prŽcaire, perte dÕavantages sociaux, clauses discriminatoires,
etc.). Par ailleurs, ces transformations de leur situation socioŽconomique ont eu des
impacts significatifs sur les valeurs de la jeune gŽnŽration. Cette derni•re serait en effet
beaucoup moins prŽoccupŽe et insŽcurisŽe par le statut de travailleur contractuel et aussi
moins attirŽe par lÕacc•s ˆ la propriŽtŽ que leurs a”nŽs. MalgrŽ les multiples effets
perturbateurs du ch™mage et du sous-emploi chez les jeunes dont il sera question un peu
plus loin, la perception de plusieurs jeunes a tout de m•me ŽvoluŽ avec les annŽes. Selon
Jean-Fran•ois RenŽ (1993Ê: 46) et Bernard Landry (1986; 254-258), il appert que le
travail nÕest plus le centre, mais un temps de vie parmi dÕautres, essentiellement le levier
qui permet dÕaccŽder ˆ une meilleure qualitŽ de vie apr•s les heures de boulot. Ë dŽfaut de
pouvoir se rŽaliser dans le travail, on tend ˆ investir dans les loisirs, la consommation, la
culture, la vie privŽe; et on se sert du travail comme moyen pour accŽder pleinement ˆ ces
autres sph•res de la vie.
Il est nŽanmoins difficile dÕattribuer dŽfinitivement ces changements idŽologiques ˆ un
rejet profond des valeurs plus matŽrialistes qui caractŽrisent la gŽnŽration prŽcŽdente ou
plut™t ˆ une adaptation forcŽe de leur mode de vie en fonction de la prŽcaritŽ
professionnelle qui peut marquer toute leur carri•re.
MalgrŽ le r™le de plus en plus instrumental jouŽ par le travail dans la dŽfinition identitaire
des jeunes, lÕinactivitŽ professionnelle nÕest par contre pas sans consŽquences. Pour
Dominique Schnapper (1997Ê: 17), ÇÊil est vrai que lÕon travaille moins, mais le travail
demeure central pour ceux qui travaillent comme pour ceux qui nÕont pas dÕemploi [...], il
ne faut donc pas dŽduire que le travail a cessŽ dÕ•tre une norme, dÕavoir de la valeur et
dÕorganiser la vie collectiveÊÈ. LÕemploi demeure en effet l'un des principaux agents de
valorisation sociale, un lieu de lÕexpression de la dignitŽ de soi et des Žchanges sociaux et
les impacts psychologiques de l'inactivitŽ professionnelle rŽsultent en un profond
sentiment d'Žchec chez les ch™meurs (RenŽ, 1993Ê: 46).
10
Les travaux rŽalisŽs par RenŽ (1993), Limoges (1994), Provost (1989) et Langlois (1985)
ont clairement mis en Žvidence qu'un taux de ch™mage ŽlevŽ chez les moins de 30 ans peut
avoir des consŽquences dŽsastreuses pour les individus en question et pour l'ensemble de
la sociŽtŽ. Les manifestations les plus visibles s'observent sur le plan financier. Le manque
d'argent entra”ne ensuite toutes sortes de privations sur le plan de la consommation, des
loisirs et de l'Žpanouissement personnel. Par la suite, ces individus peuvent •tre victimes
de nouvelles dŽpendances, d'insŽcuritŽ et de dŽcouragement pouvant aller jusqu'ˆ des
comportements dŽlinquants et suicidaires.
La volontŽ de travail et d'initiative des jeunes est pourtant tr•s forte. Il va sans dire qu'il
est toujours possible d'identifier un certain nombre de ch™meurs dŽcouragŽs, c'est-ˆ-dire
ayant perdu le dŽsir de se trouver un emploi ou encore, Žtant incapables physiquement
et/ou psychologiquement d'en occuper un. Les Žtudes dŽmontrent tout de m•me que la
majoritŽ d'entre eux sont motivŽs et dŽploient une Žnergie considŽrable dans leur recherche
d'emploi (Gauthier, 1990; Boivin, 1993). Selon les tŽmoignages recueillis par Landry
(1986Ê: 252), une majoritŽ des rŽpondants consid•rent quÕil nÕest pas plus difficile de se
trouver un emploi aujourdÕhui [...] et quÕil faut davantage sÕen remettre aux qualitŽs
personnelles pour expliquer lÕaccessibilitŽ dÕun jeune au marchŽ du travail. Les jeunes sont
aussi particuli•rement
mobiles
(Êacceptation
du
changement
professionnel
et
gŽographiqueÊ) et actifs (ÊdŽmarches et publications d'annoncesÊ), plut™t que semi-actifs
(en attente d'offres) ou inactifs/ passifs (Êni espoir, ni volontŽÊ). Il semble Žgalement peu
probable de retrouver la majoritŽ des jeunes dans la catŽgorie des ch™meurs de mauvaise
volontŽ, c'est-ˆ-dire ceux qui ont une attitude nŽgative et qui Žprouvent de la difficultŽ ˆ
occuper un emploi sans rapport Žtroit avec leurs qualifications.
Ce chapitre brossera tout dÕabord un bref portrait Žconomique du QuŽbec et de l'Žvolution
des formes d'emploi. Ensuite, il cherchera ˆ identifier les raisons expliquant la crise
11
profonde du mod•le dominant d'apr•s-guerre ainsi que les nouvelles formes d'organisation
du travail. Enfin, il exposera les causes et consŽquences de l'emploi et du ch™mage chez les
jeunes ainsi que leurs impacts sur la redŽfinition des rapports sociaux.
1.2
Crise et transformation du travail
1.2.1
Portrait Žconomique du QuŽbec et Žvolution des formes d'emploi
Ë la suite de la Deuxi•me Guerre mondiale, l'ensemble des pays industrialisŽs capitalistes
se sont engagŽs, de fa•on autonome, dans un processus de transformation institutionnelle,
qui mena ˆ un contr™le accru de l'ƒtat au niveau des Žchanges Žconomiques et de
l'Žlaboration de syst•mes sociaux touchant les champs de l'Žducation, de la santŽ et des
pensions de vieillesse. Pour Boyer et Hollingsworth (1994Ê: 4), malgrŽ des variations liŽes
ˆ des spŽcificitŽs nationales, cette forme de rŽgulation a rŽussi ˆ s'implanter ˆ partir
d'institutions rŽgulatrices ancrŽes au cÏur des ƒtat-nations. Lors de crises Žconomiques
subsŽquentes, ce qui a par la suite ŽtŽ qualifiŽ de prise en charge de l'ƒtat, fut fortement
critiquŽ. Aux yeux de plusieurs, dont Robert Castel, l'ƒtat providentialiste aurait eu pour
effet d'accro”tre la dŽpendance des individus ainsi que de rŽduire la motivation au travail
des ch™meurs et, par le fait m•me, d'entrepreneurs et de consommateurs potentiels.
LÕƒtat-providence classique aurait, selon Castel, produit des effets dÕindividualisme
formidables en procurant aux individus un ensemble de protections sociales basŽes sur une
certaine solidaritŽ instrumentalisŽe collectivement, nÕexigeant que des investissements
personnels tr•s limitŽs et une responsabilisation minimale. Il ne reste donc aujourdÕhui
que tr•s peu des solidaritŽs ŽlŽmentaires (entre amis, voisins, etc.) qui constituent lÕoutil
de base permettant de lutter contre ce facteur dÕindividualisme (1995 : 395).
12
Le QuŽbec n'Žchappe pas ˆ ces critiques, m•me si ces changements perdurent depuis plus
d'une quarantaine d'annŽes. Pendant toute cette pŽriode, le ch™mage est demeurŽ ŽlevŽ tant
au QuŽbec qu'au Canada, ce qui place cette province dans la catŽgorie des sociŽtŽs ˆ
ch™mage chronique (Tremblay, 1994CÊ: 41-58). En consŽquence, de nouvelles formes
d'emplois, souvent prŽcaires, se sont multipliŽes. De leur c™tŽ, les politiques publiques
ont eu peu d'effets sur le ch™mage et ce, dž en grande partie ˆ leur nature plus passive
(assurance-emploi) qu'active (programmes et activitŽs de formation).
MalgrŽ une croissance relativement forte de l'emploi, la situation du ch™mage n'a cessŽ de
s'aggraver au QuŽbec entre 1980 et 1990. Une comparaison des niveaux de croissance des
ƒtats-Unis et de plusieurs pays de l'OCDE, am•ne ˆ la conclusion que la croissance
Žconomique fut nettement plus forte au QuŽbec que dans la plupart des pays
industrialisŽs (ibid.Ê: 41-68). L'augmentation constante du taux de ch™mage quŽbŽcois, ˆ
l'instar des autres provinces canadiennes, a cependant eu pour effet d'annuler les effets
positifs de cette croissance. DŽjˆ ˆ la fin des annŽes 1960, on observait un taux de
ch™mage plus ŽlevŽ au QuŽbec que dans la plupart des pays de l'OCDE. Vers la fin des
annŽes 1970, ce dernier avait presque doublŽ (8,3Ê% en 1978) et depuis le dŽbut des
annŽes 1980, il n'est pratiquement pas redescendu en bas de 10Ê% (Tremblay, 1990Ê: 63).
Le Canada a vu son taux descendre aux niveaux des 7 et 8Ê% de 1988 ˆ 1990. Au QuŽbec,
la moyenne se situe donc autour de 10Ê%, ce qui justifie le qualificatif de ch™mage ŽlevŽ ou
chronique (Tremblay et No‘l, 1993Ê: 74). Avec des taux oscillant entre 9 et 16Ê%, la
situation ne s'est gu•re rŽsorbŽe durant la dŽcennie 1990. MalgrŽ une nette amŽlioration de
la santŽ Žconomique nationale et provinciale depuis 1997 et une baisse du taux de
ch™mage global qui est passŽ sous la barre des 8Ê% en 1999, rien n'indique que le probl•me
du ch™mage ŽlevŽ chez certains groupes de travailleurs et de travailleuses se rŽsorbera
ÇÊnaturellementÊÈ. MalgrŽ que lÕannŽe 1998 ait ŽtŽ la meilleure en mati•re de crŽation
dÕemploi pour les jeunes depuis vingt-cinq ans, leur taux de ch™mage oscillait toujours audessus de 14Ê% cette annŽe-lˆ.
13
La croissance importante du taux de ch™mage peut partiellement •tre imputŽe ˆ une forte
augmentation de la population active. Celle-ci s'explique, d'une part, du fait que les jeunes
(16-34 ansÊ: 74.5Ê% en 1999) et les femmes (58,9Ê% en 1999) sont de plus en plus
prŽsents sur le marchŽ du travail canadien. D'autre part, du fait que la rŽcession de 19901992 a eu un impact significatif sur le ch™mage actuel, puisque les pertes d'emploi se sont
ŽtalŽes sur une durŽe beaucoup plus longue que dans les annŽes 1980 et qu'un nombre
plus important de mises ˆ pied permanentes ont ŽtŽ faites suite ˆ de nombreuses faillites
et fermetures d'entreprises.
Ce type de conjoncture dŽfavorable provoque inŽvitablement une modification
structurelle de la client•le ch™meuse. Les choses ont changŽ depuis les annŽes 1970, les
personnes aptes au travail sont dŽsormais majoritaires parmi les prestataires des
programmes du soutien du revenu. La rŽcession conduit Žgalement ˆ une augmentation
massive du nombre de jeunes ayant recours ˆ la sŽcuritŽ du revenu. En 1983, la
proportion des prestataires de la sŽcuritŽ du revenu ‰gŽs de 30 ans et moins est de 40Ê%
(Morin, 1994Ê: 35). En rŽaction ˆ ce taux record, le gouvernement du QuŽbec s'oriente en
1984, vers le dŽveloppement de l'employabilitŽ des jeunes prestataires de la sŽcuritŽ du
revenu, cÕest-ˆ-dire que ce dernier passe dÕune approche essentiellement composŽe de
mesures passives (soutien du revenu) vers une approche rŽsolument axŽe sur des mesures
actives dÕintŽgration au marchŽ du travail (programmes dÕinsertion). Le taux de jeunes
prestataires dÕassistance-emploi de moins de 30 ans au QuŽbec passe ainsi ˆ 8.3Ê% en
1999 et diminue de 30Ê% au cours de la pŽriode dÕoctobre 1996 ˆ octobre 2000. Ce choix
d'intervenir prioritairement aupr•s des moins de 30 ans s'explique du fait qu'ils sont les
premi•res victimes de la crise (ils sont souvent les derni•res personnes embauchŽes et les
premi•res licenciŽes). De plus, le rŽgime d'aide sociale de l'Žpoque Ñ maintenant appelŽ
assistance-emploi Ñ ne leur accorde qu'une maigre partie de ce dont ils ont besoin pour
survivre puisque les bar•mes sont Žtablis en fonction de l'‰ge (moins ou plus de 30 ans).
14
Les annŽes suivantes sont ainsi marquŽes par une augmentation constante du nombre des
prestataires ‰gŽs de 30 ˆ 44 ans.
Parall•lement ˆ la hausse du ch™mage, nous assistons ˆ une mutation profonde des
structures du marchŽ du travail et ˆ la prŽcarisation de plusieurs formes d'emploi. Les
auteurs consultŽs s'entendent d'ailleurs pour Žtablir un lien entre la hausse du nombre de
ch™meurs et la prŽcarisation des emplois (Tremblay, 1994BÊ: 174). Boltanski et Chiapello
(1999Ê: 21), qui Žtendent cette analyse ˆ lÕensemble des pays de lÕOCDE, prŽcisent quÕau
cours des deux derni•res dŽcennies la restructuration du capitalisme (des marchŽs
financiers et des mouvements de fusion-acquisition des multinationales) dans un contexte
de politiques gouvernementales favorables en mati•re fiscale, sociale et salariale sÕest
accompagnŽe Žgalement dÕimportantes incitations ˆ accro”tre la flexibilisation du travail.
Aussi, une partie significative des travailleurs se voient maintenant dans l'obligation
d'accepter un emploi aux conditions prŽcaires ˆ dŽfaut de trouver un emploi rŽgulier ˆ
temps plein. Parall•lement, le dŽveloppement des activitŽs de services compte maintenant
pour plus de 70Ê% des emplois au QuŽbec et en AmŽrique du nord (ibid., 1994CÊ: 53). Les
entreprises confrontŽes ˆ des exigences de plus en plus grandes en mati•re d'efficacitŽ et
de flexibilitŽ sous la pression de facteurs comme la mondialisation des marchŽs,
l'endettement des gouvernements, l'Žmergence de nouveaux pays industrialisŽs, ont de
plus fait le choix de rŽduire leurs cožts en ayant recours ˆ l'Žvaluation du rendement des
employŽs, une diminution d'effectif, une hausse de la sous-traitance, une augmentation des
emplois contractuels ˆ durŽe dŽterminŽe et des emplois dits atypiques, tels que le travail
autonome, le travail occasionnel et ˆ temps partiel.
Ë la lumi•re d'une analyse de Statistique Canada effectuŽe en 1993, on Žvalue qu'entre un
tiers et la moitiŽ des travailleurs quŽbŽcois et canadiens ne travaillent pas ˆ temps plein
durant toute l'annŽe. Les catŽgories de travailleurs les plus durement touchŽs sont les
femmes, les jeunes hommes et les hommes vieillissants. Cinquante-quatre pour cent des
15
QuŽbŽcoises et des Canadiennes occupent effectivement des emplois prŽcaires, tandis que
le nombre de jeunes (15-24 ans) dans cette situation reprŽsentent 40Ê% de ces travailleurs.
La forme la plus commune de travail atypique est certainement l'emploi ˆ temps partiel
dont la progression a ŽtŽ nettement plus forte au Canada qu'aux ƒtats-Unis (Schellenberg,
1997). Ce taux ne cesse d'ailleurs d'augmenter comme le dŽmontrent ces donnŽes
provenant des recensements de 1986 et de 1991, alors que les travailleurs ˆ temps plein
constituaient 50,3Ê% et ceux ˆ temps partiel 5,9Ê% de la population active en 1986
comparativement ˆ des taux de 52,4Ê% et de 6,1Ê% en 1991. Au QuŽbec, lÕemploi salariŽ ˆ
temps plein passe de 83,3Ê% en 1976 ˆ 70,7Ê% en 1995 alors que la part du travail ˆ
temps partiel passe de 1,3Ê% ˆ 6,5Ê% pour la m•me pŽriode. Enfin, les travailleurs
autonomes ont crŽŽ 55Ê% des nouveaux emplois entre 1990 et 1995. En incluant les
agriculteurs et autres mŽtiers traditionnels, ils forment aujourd'hui 13,8Ê% de la population
active. Pr•s de la moitiŽ de ces travailleurs ont dŽclarŽ fournir Žgalement de l'emploi ˆ
d'autres personnes (Gardner, 1995Ê: 27). On retrouve gŽnŽralement dans cette catŽgorie
des individus exer•ant une profession libŽrale, des petits commer•ants, des artistes et
artisans, des consultants et des fournisseurs de services de tout genre.
Les nouvelles r•gles du marchŽ du travail favorisent clairement les individus les plus
performants et les plus entreprenants de leur sociŽtŽ. Ce mod•le ˆ tendance nŽo-libŽral a
donc pour consŽquences de laisser un bon nombre d'individus dŽfavorisŽs sur les plans
Žconomique, professionnel et social en position d'attente et d'insŽcuritŽ avec ceux qui ont
ŽvoluŽ, ou croyaient un jour Žvoluer, dans un syst•me protecteur o• les emplois sont
stables et permanents. Dans un tel contexte, les travailleurs doivent dorŽnavant agir ˆ
l'image des travailleurs autonomes, c'est-ˆ-dire se comporter comme des sous-traitants
ayant des t‰ches prŽcises ˆ effectuer et un niveau de rendement ˆ atteindre.
16
1.2.2
La crise du ÇÊGrand compromisÊÈ
Ce bref portrait de la crise quŽbŽcoise provoque un questionnement plus profond en ce
qui concerne les causes rŽelles de ce bouleversement dans l'organisation sociale et
lÕorganisation du travail au cours des 30 derni•res annŽes.
Ë partir des annŽes 1965-1970, l'Žquilibre se fragilise et le compromis fordiste entre en
crise. Les causes se situent ˆ la fois ˆ l'intŽrieur et ˆ l'extŽrieur des nations. La crise se
traduit par une baisse de rentabilitŽ du mod•le productif fordien; une internationalisation
des marchŽs et de la production qui vient compromettre la rŽgulation nationale; une
rŽvolte des producteurs face ˆ l'aliŽnation des employŽs au travail; ˆ la toute-puissance de
la hiŽrarchie et de l'ƒtat; des aspirations croissantes des citoyens ˆ plus d'autonomie et
une rŽticence grandissante devant la solidaritŽ administrative.
Vue du palier national, cette crise se situe au niveau de l'offre de la production tandis que
vue du palier international, il s'agit plut™t d'une crise de la demande. Voyons tout d'abord
les comportements qui expliquent la baisse de rentabilitŽ du mod•le ˆ l'interne.
Graduellement, la plupart des secteurs industriels des pays capitalistes dŽveloppŽs
sentent une baisse dans la profitabilitŽ de leurs entreprises, mais continuent dÕoctroyer
annuellement des hausses de salaire ˆ leurs travailleurs et leurs travailleuses. Ë lui seul, ce
constat pourrait justifier la baisse des profits. Mais Lipietz (1989) et, au QuŽbec,
Tremblay (1994A), proposent d'autres facteurs, moins statiques, pouvant expliquer cette
chute. Selon eux, l'intŽgration en entreprise de jeunes employŽs, de femmes, de gens
arrivant directement des campagnes, qui avait jusqu'ˆ prŽsent permis de maintenir un
certain ordre dans l'entreprise, se transforme avec les annŽes en un potentiel conflictuel
important. En effet, la hausse du niveau d'instruction gŽnŽral, la prise de conscience du
r™le des collectifs de travailleurs, l'aspiration universelle ˆ l'Žpanouissement et ˆ la dignitŽ
17
dans le travail conduisent ˆ un soul•vement des travailleurs qui ne tol•rent plus ce
cloisonnement entre les t‰ches de planification et d'exŽcution.
Cette analyse correspond dÕailleurs ˆ la description de Manuel Castells qui brosse dans
LÕ•re de lÕinformation un portrait de cette pŽriode marquŽe par le passage dÕune sociŽtŽ
postindustrielle ˆ une sociŽtŽ et une Žconomie informationelles Ñ un syst•me de
production fondŽ sur le savoir, qui dŽveloppe et diffuse les technologies de lÕinformation
tout en remplissant les conditions de leur utilisation (essentiellement les ressources
humaines et les infrastructures de communication) (1998Ê: 243). Pour Castells, les impacts
sur la structure professionnelle sont de quatre ordresÊ: une disparition des emplois
agricoles; une lente diminution de lÕemploi industriel se rŽduisant ˆ un noyau dur de
professionnels, dÕingŽnieurs et de nouveaux emplois industriels localisŽs dans les services;
une croissance ŽlevŽe des services aux entreprises ainsi que ceux du domaine de la santŽ et
de lÕŽducation; lÕaccroissement du commerce de dŽtail et les services pour les travailleurs
semi-qualifiŽs.
Dans les annŽes 1975-1980, malgrŽ des taux de ch™mage ŽlevŽs et une discipline rŽtablie ˆ
coups de menace de congŽdiement dans les entreprises, les profits n'augmentent toujours
pas. Cette stagnation serait due aux investissements qui sont chaque annŽe de plus en plus
cožteux et ˆ lÕabsence dÕaugmentation de la marge des profits. Selon Lipietz, il faut voir lˆ
la fin des gains de productivitŽ rŽalisŽs selon les principes de sŽparation du travail de
Taylor et une incapacitŽ des mŽcanismes de rŽgulation fordiens de briser le cercle de la
hausse des prix et des salaires.
Tel que lÕexposent Boyer (1986) et Coriat (1990), on remit alors en question tout le
compromis fordien et avec lui, la lŽgitimitŽ de l'ƒtat-providence. Car l'inaptitude de ce
mod•le d'organisation du travail (la nŽcessitŽ des diverses formes dÕorganisation du travail
et des technologies ˆ sÕadapter aux niveaux variables de qualification, par exemple), de son
18
rŽgime d'accumulation et de son mode de rŽgulation, provoqua une situation sans issue
pour le patronat et les travailleurs. Suite ˆ la baisse des taux de profit et d'investissement,
on assiste ˆ une baisse du taux de crŽation d'emploi et ˆ un ralentissement des hausses de
salaire rŽel, ce qui dŽbouche sur une augmentation marquŽe du taux de ch™mage et une
utilisation extensive des programmes de sŽcuritŽ sociale.
On retrouve Žgalement dans Castells (1998Ê: 303) les rŽsultats des travaux de Boyer
dŽcrivant ce phŽnom•ne combinŽ au dŽveloppement
simultanŽ dÕune sociŽtŽ
informationnelle dans les pays europŽens. Ces rŽsultats peuvent se rŽsumer en quelques
points clŽs :
·
Toutes les autres variables demeurant constantes, le changement technologique
augmente la productivitŽ et rŽduit sensiblement le niveau de lÕemploi pour une
demande donnŽe.
·
Les gains de productivitŽ peuvent nŽanmoins servir ˆ rŽduire les prix relatifs,
stimulant ainsi la demande pour un produit donnŽ.
·
Ë prix constants, les gains de productivitŽ pourraient se traduire en hausses de salaires
ou de profits. La consommation et/ou lÕinvestissement cro”tront alors avec
lÕaccŽlŽration du changement technologique.
·
Le probl•me majeur est liŽ ˆ la rŽpartition entre lÕinnovation dans les procŽdŽs et
lÕinnovation des produits. Si lÕinnovation dans les procŽdŽs progresse plus
rapidement, une baisse de lÕemploi en rŽsultera. Si lÕinnovation dans les produits
lÕemporte, la demande ainsi induite pourrait favoriser lÕembauche.
Au plan national, Lipietz (1989Ê: 59) identifie enfin la crise Žcologique comme un des
facteurs de la chute du mod•le fordien. Agissant sur les activitŽs de production et de
distribution, ÇÊelle prend en compte le milieu o• intervient cette activitŽ, l'interaction entre
le milieu, l'activitŽ, et la modification du milieu comme sous-produit de l'activitŽÊÈ. Ce sont
les modifications volontaires et involontaires imposŽes par ces activitŽs sur le milieu qui
19
nuisent ultimement au dŽveloppement de l'hŽritage commun de l'humanitŽ et conduisent
ainsi partiellement ˆ la perte d'un mod•le de dŽveloppement.
Du c™tŽ des causes externes de la crise, Lipietz soutient que l'internationalisation ne
pouvait que s'accŽlŽrer dans la lutte contre l'essoufflement du fordisme. C'est
premi•rement le rattrapage des Žconomies japonaise et europŽenne ˆ la fin des annŽes 60
qui dŽclencha une vŽritable guerre commerciale entre ces deux marchŽs et les ƒtats-Unis.
Il y eu ensuite le choc pŽtrolier de 1973, qui contraint chaque pays ˆ exporter davantage
pour payer ses cožts ŽnergŽtiques. Une augmentation importante des transactions et du
commerce mondial est alors observable. Trop importante m•me pour laisser aux
gouvernements nationaux la possibilitŽ
de rŽguler leur croissance. Car avec
l'internationalisation, une hausse du pouvoir d'achat se traduit Žgalement par une
augmentation des importations. Aussi, pour Žquilibrer leur balance commerciale, les pays
durent limiter leur demande interne et exporter leur surplus de production. L'ensemble des
pays capitalistes dŽveloppŽs adoptant la m•me stratŽgie, le mod•le se retrouva face ˆ une
crise de la demande.
Selon Boyer (1986), cette crise se situe donc plus spŽcifiquement sur le plan de
l'articulation de la production et de la consommation et ne remet pas rŽellement en cause le
caract•re salarial du travail. Les ajustements se situent donc au niveau de l'utilisation du
travail, de son organisation, de sa rŽmunŽration dans l'ensemble des cožts de production et
dans la nŽcessitŽ de maintenir l'acc•s des salariŽs ˆ la consommation pour assurer la
rŽalisation de la production tout en rŽpondant aux nouvelles demandes sociales ˆ cet effet.
La flexibilitŽ et la polyvalence rŽpondraient donc aux besoins d'ajustement ci-haut
mentionnŽs (Boyer, 1986). Cette flexibilitŽ devrait s'appliquer ˆ la rŽmunŽration, aux
statuts, ˆ la durŽe d'embauche, ˆ polyvalence de la main-d'Ïuvre ainsi qu'ˆ l'ensemble de
20
l'appareil de production. Elle toucherait les travailleurs dans leurs aspirations ˆ un travail
plus intŽressant, moins routinier et aliŽnant. Des essais ont conduit ˆ des mod•les de
participation tels que les cercles de qualitŽs, la participation aux profits et la qualitŽ totale
(Lipietz, 1986).
Bien que plusieurs employeurs accusent couramment les rigiditŽs du marchŽ du travail
dÕ•tre responsables du peu de crŽation d'emploi au QuŽbec, tous les exemples tŽmoignent
bien de la flexibilitŽ des marchŽs quŽbŽcois, canadien et Žtatsunien du travail. Ce qui les
distingue plus prŽcisŽment de certains pays europŽens comme la Su•de et l'Allemagne,
c'est la multiplication des statuts et des formes d'emploi, comme le travail temporaire,
occasionnel, ˆ temps partiel ou ˆ contrat. Au QuŽbec, ÇÊle dŽveloppement de ces formes
de flexibilitŽ rŽsulte essentiellement des annŽes qui ont suivi les rŽcessions de 1974-1975
et du dŽbut des annŽes 1980. Nombre d'entreprises ont alors cherchŽ ˆ retrouver une
rentabilitŽ perdue au cours des annŽes de rŽcessionÊÈ (Tremblay, 1994AÊ: 624).
Pour Castel (1995Ê: 465), le fait d'exister comme individu comporte des risques car il
limite la possibilitŽ de bŽnŽficier de protections qui dŽcoulent gŽnŽralement de la
participation ˆ des collectifs. En l'absence de liens et de support, il n'existe plus de
rŽfŽrence ˆ des protections hormis les garanties juridiques qui assurent la libertŽ et la
lŽgalitŽ des contrats. Ce mode de fonctionnement basŽ sur des relations contractuelles a
donc pour effet de dŽtruire ce qui restait d'appartenances collectives et d'approfondir le
fossŽ entre les individus placŽs en individualisme positif et ceux en individualisme nŽgatif,
c'est-ˆ-dire en soustraction par rapport ˆ l'encastrement dans des collectifs (ibid., 1995Ê:
463).
Toujours selon Robert Castel, lÕindividualisme triomphant a gŽnŽrŽ ce phŽnom•ne
dÕindividualitŽ nŽgative chez tous ceux qui se sont retrouvŽs sans t‰ches et sans supports,
privŽs de toute protection et de toute reconnaissance.
21
LÕƒtat-providence sÕest construit comme une rŽponse ˆ cette situation. Il a cru
pouvoir en conjurer les risques en tissant autour de la relation de travail de
solides syst•mes de garanties. De sorte que le suivi de ces encha”nements, ou
plut™t de ces ruptures et de ces recompositions, reprŽsente bien la voie, sinon la
plus courte, du moins la plus rigoureuse, pour en arriver ˆ la problŽmatique
contemporaine, dans la mesure o• celle-ci tient principalement au fait que ces
rŽgulations tissŽes autour du travail perdent leur pouvoir intŽgrateur. De la
sociŽtŽ prŽindustrielle ˆ la sociŽtŽ postindustrielle sÕop•re ainsi un total
retournement. La vulnŽrabilitŽ naissait de lÕexc•s des contraintes, alors quÕelle
appara”t maintenant suscitŽe par lÕaffaiblissement des protections (1995Ê: 32).
Au moment o• il faut choisir de nouvelles r•gles et inventer un autre ÇÊgrand mod•le
d'organisationÊÈ, les solutions possibles s'av•rent tr•s limitŽes. Pour Lipietz (1989),
Castel (1995) ainsi que Piore et Sable (1984), seules les forces politiques exprimant les
besoins des mouvements sociaux profonds pourront prendre part ˆ la production de
nouveaux mod•les de dŽveloppement 1.
Parmi les quelques propositions de sortie de crise ŽlaborŽes jusqu'ˆ maintenant, l'approche
du libŽral-productivisme est certainement incontournable puisque c'est elle qui porta au
pouvoir ˆ la fin des annŽes 1970 les Reagan et Thatcher et s'imposa dans les principaux
organismes de rŽgulation Žconomique internationaux. Cette alternative a dŽjˆ marquŽ la
rŽalitŽ interne et externe de plusieurs pays et certains auteurs tels que Lipietz (1989),
Piore et Sabel (1984) ainsi que Tremblay (1994a) font une analyse globalement nŽgative
de ses effets.
Pour lutter contre la rŽglementation rigide, la lŽgislation sociale et l'ƒtat-providence
imposŽs par l'ƒtat et les syndicats, qui contraignent le dŽveloppement de l'entreprise, il
faut selon les adeptes de cette approche que le marchŽ impose de nouveau ses propres
r•gles et permette ˆ la rŽvolution technologique de suivre son cours. Afin de moderniser
1Pour
une mesure de l'efficacitŽ relative de certains mŽcanismes de rŽgulation, consulter l'appendice I
intitulŽ ÇÊArrangements institutionnels nŽcessaires afin de soutenir des syst•mes sociaux alternatifs de
productionÊÈ.
22
l'appareil de production et dÕ•tre concurrentiel sur la sc•ne internationale, on dŽrŽglemente
et favorise le libre-Žchange ainsi que les transformations technologiques.
Les critiques face ˆ ce mod•le sont multiples. Il instaure tout d'abord une stratification
sociale o• l'on retrouve en haut de la pyramide les dŽcideurs et les gagnants qui bŽnŽficient
des avantages de la rŽvolution technologique. Au centre, se situe un petit groupe de
travailleurs semi-qualifiŽs qui peuvent compter sur un certain nombre de programmes
sociaux, notamment en mati•re d'emploi. On retrouve enfin la majoritŽ de la population
qui se balance entre les emplois prŽcaires et le ch™mage, au bas de la pyramide.
DŽcoulant directement des modes de rŽgulation libŽraux-productivistes du rapport salarial,
la prŽcaritŽ d'emploi est une des nombreuses consŽquences nŽgatives observables. Ces
modes de rŽgulation ont notamment pour effet d'emp•cher la crŽation d'un sentiment
d'appartenance chez le travailleur face ˆ l'entreprise et ˆ la qualitŽ des marchandises qu'il
produit. La rŽponse permettant de lutter contre ce sentiment de prŽcaritŽ pourrait se
trouver dans la nŽgociation individuelle. Des employeurs envisageraient donc la possibilitŽ
d'offrir des primes, de l'avancement et des augmentations de salaire aux employŽs qui le
mŽritent. FondŽ sur la concurrence entre salariŽs qualifiŽs, ce procŽdŽ est appelŽ le mod•le
californien.
Le troisi•me effet indŽsirable dŽcoulant de ce compromis est le retour des crises de
production et des effondrements de la demande sociale du dŽbut des annŽes 1980. Puisque
dans le mode de rŽgulation libŽral, chaque entrepreneur est isolŽ et doit Žvaluer seul les
possibilitŽs d'investissement ainsi que le climat Žconomique gŽnŽral, les risques de
paniques, de krachs et de baisses soudaines de la production sont plus importants. Il
semblerait que cette mŽthode ne puisse survivre tr•s longtemps en raison du fragile
Žquilibre des paiements internationaux. C'est pourquoi Lipietz (1989) identifie le libreŽchange comme dernier grand probl•me liŽ ˆ la dimension internationale du mod•le.
23
La logique internationale libŽrale-productiviste Žtant encore une fois de faire dispara”tre les
mŽcanismes de rŽgulation, tous s'attendaient ˆ une amŽlioration du climat de croissance.
Ce qui arriva fut au contraire une baisse de la croissance globale due aux difficultŽs
d'ajuster les dŽsŽquilibres internationaux.
Devant les revendications montantes pour plus d'autonomie, de solidaritŽ, d'ŽgalitŽ et de
libertŽ, et face aux tiraillements de la droite et de son aile plus rŽactionnaire (extr•medroite), l'unique rŽponse possible est un projet nouveau. Aussi, Lipietz (1989) dŽveloppe
une seconde alternative dans une perspective voulant favoriser l'autonomie des individus
et des groupes ainsi que la solidaritŽ entre ces m•mes individus et voit l'Žcologie comme
fondement des rapports sociaux.
Piore et Sabel (1984) y vont de leur c™tŽ d'une proposition mitoyenne appelŽe la
ÇÊspŽcialisation soupleÊÈ. Ce mod•le inspirŽ de l'expŽrience fran•aise prŽvalant au XIXe
si•cle, qui allait de l'industrie lŽg•re ˆ la production artisanale, favoriserait grandement
l'intŽgration de nouvelles Žconomies nationales au marchŽ mondial et augmenterait
sensiblement leur niveau de compŽtitivitŽ. Les entreprises Žtant plus flexibles pour
remplir les conditions du marchŽ (qualitŽ et diversitŽ accrue des produits), elles devraient
•tre davantage en mesure de faire face ˆ de nouvelles contraintes. AssociŽe au mod•le
partenarial, cette combinaison permettrait d'offrir plus d'autonomie aux travailleurs et aux
travailleuses et d'appliquer des mesures innovatrices telles que le partage et la rŽduction
du temps de travail. Ë noter enfin que ce nouveau compromis peut aussi tr•s bien
s'inscrire ˆ l'intŽrieur d'un cadre rŽsolument Žcologiste et hautement technologique.
24
1.3
Le parcours des jeunes
Il serait juste d'affirmer, apr•s un survol des rŽalitŽs sociales auxquelles renvoient les
notions de flexibilitŽ et de prŽcaritŽ, que ces derni•res ne sont pas des situations
ŽphŽm•res et que les nouvelles formes d'emploi qui en dŽcoulent ne dispara”tront pas,
m•me en contexte de reprise Žconomique.
Les jeunes ont toujours ŽtŽ touchŽs par le ch™mage en plus grande proportion que leurs
a”nŽs. Leur taux de ch™mage demeure effectivement le plus ŽlevŽ parmi tous les groupes
d'‰ge, bien que l'Žcart ait tendu ˆ se rŽsorber au cours des derni•res annŽes. Ces rŽsultats
seraient davantage reliŽs au dŽclin dŽmographique (conjoncturel) de ce groupe, cÕest-ˆ-dire
ˆ une diminution du nombre rŽel de jeunes se prŽsentant sur le marchŽ du travail, quÕˆ leur
facilitŽ ˆ sÕintŽgrer ˆ ce marchŽ de lÕemploi (Tremblay, 1994AÊ: 635).
Les jeunes sont Žgalement plus vulnŽrables aux alŽas de l'Žconomie. Leur taux de ch™mage
cro”t rapidement en pŽriode de mauvaise conjoncture Žconomique et dŽcro”t tout aussi
rapidement lorsque la situation s'amŽliore, rŽduisant l'Žcart avec les travailleurs plus ‰gŽs.
Le probl•me majeur auquel ils doivent faire face cette fois-ci, provient du fait que la
reprise a ŽtŽ nettement plus mitigŽe que celle des annŽes 1980, ce qui s'est traduit par une
plus faible crŽation d'emploi. Le taux de ch™mage des jeunes a donc continuŽ d'augmenter
au cours des derni•res annŽes tandis que celui de leurs a”nŽs tend ˆ diminuer depuis 1994
(Emploi-QuŽbec, 1998). Les rŽcentes rŽformes de l'assurance-emploi (1996-1997) et de la
sŽcuritŽ du revenu (1998) ont de plus considŽrablement affectŽ l'accessibilitŽ des jeunes ˆ
des prestations, allant m•me jusqu'ˆ imposer des parcours obligatoires d'insertion au
marchŽ du travail2. Concr•tement, tr•s peu de jeunes arrivent aujourd'hui ˆ se qualifier
2Cette
obligation, inscrite dans la loi 186 sur la SŽcuritŽ du revenu, fait prŽsentement l'objet d'un
moratoire.
25
pour recevoir des prestations d'assurance-emploi et ils se retrouvent maintenant beaucoup
plus nombreux sur les listes de l'assistance-emploi (anciennement l'aide sociale).
On peut, d'une part, dire que le manque d'expŽrience des jeunes leur nuit particuli•rement
lorsque les entreprises proc•dent ˆ des compressions de personnel ou encore lorsqu'elles
embauchent. D'autre part, chez les travailleurs ÇÊrŽguliersÊÈ, le ch™mage est habituellement
consŽcutif ˆ la perte d'un emploi, tandis que le ch™mage des jeunes se produit Žgalement
durant la pŽriode de transition entre les Žtudes et l'intŽgration au marchŽ du travail. Il faut
enfin mentionner les hypoth•ses ŽlaborŽes par certains analystes, tels que Michel Beaud
(1988), qui posent l'exclusion du marchŽ du travail des jeunes et autres client•les Ñ les
femmes, les immigrants et les travailleurs ‰gŽs (45 ans et plus) par exemple Ñ comme le
rŽsultat d'un consensus patronal-syndical basŽ sur la prŽservation des emplois et des
droits acquis des travailleurs syndiquŽs. Aussi, le maintien de ces conditions se nŽgocie-til au prix de l'exclusion de certaines catŽgories de travailleurs. Au QuŽbec, ces types
d'entente sont d'ailleurs qualifiŽs de clauses ÇÊdiscriminatoiresÊÈ.
L'employabilitŽ d'un ch™meur est dŽcidŽment une situation ˆ caract•re variable. Elle
dŽpend tant des conditions gŽnŽrales du marchŽ que de la prŽparation et des aptitudes
personnelles de l'individu. L'employabilitŽ se mesure globalement par le temps nŽcessaire
ˆ un individu pour se trouver un emploi, ou encore par la durŽe de ch™mage. Aussi, toutes
ces mesures conduisent ˆ l'identification de groupes (aussi appelŽs ÇÊclient•lesÊÈ) ayant
une probabilitŽ de durŽe de ch™mage ŽlevŽe et dont le niveau d'employabilitŽ est infŽrieur ˆ
la norme. Les indicateurs ayant permis de les identifier sont l'‰ge, le sexe, l'origine
ethnique, le niveau de qualification, la profession, les conditions gŽographiques et le
niveau Žconomique. Il est donc aisŽ de comprendre pourquoi les femmes, les immigrants,
les personnes handicapŽes et les jeunes se trouvent dans une situation particuli•rement
prŽcaire au cours des annŽes de ch™mage chronique.
26
IntŽressons-nous plus spŽcifiquement au cas des jeunes quŽbŽcois qui, compte tenu de
leur reprŽsentation dans la population active, assument une part plus importante du
ch™mage qu'ils ne le devraient et souffrent de leur faible employabilitŽ sur le marchŽ du
travail des annŽes 1990.
1.3.1
Qui sont-ils?
Les Žtudes portant sur la jeunesse quŽbŽcoise ont traditionnellement ciblŽ le groupe d'‰ge
des 16-24 ans. Par le passŽ, les individus faisaient leur entrŽe dans l'‰ge adulte entre 18 et
21 ans, ‰ge de la majoritŽ lŽgale qui co•ncidait souvent avec la fin des Žtudes. Aujourd'hui,
l'allongement de la scolaritŽ et les dysfonctionnements du syst•me d'emploi prolongent la
pŽriode d'insertion dans le monde du travail et prend davantage la forme du travail
Žtudiant que celle d'une intŽgration stable. Devant les perspectives d'emploi peu
encourageantes, plusieurs jeunes font maintenant le choix de retourner ˆ l'Žcole ou d'y
demeurer plus longtemps. Depuis 1988, la proportion de jeunes frŽquentant l'Žcole ˆ
temps plein a d'ailleurs augmentŽ de pr•s d'un tiers au QuŽbec (Gouvernement du QuŽbec,
1996Ê: 33). Voilˆ donc pourquoi un portrait incluant dans sa dŽfinition les individus ‰gŽs
entre 25 et 35 ans semble plus fid•le et plus rŽaliste que les dŽfinitions purement
gŽnŽrationnelles.
Pour Madeleine Gauthier et Jean-Pierre Simard (1990Ê: 7-8), l'‰ge charni•re dans le
comportement des jeunes face ˆ l'emploi, qui Žtait de 20 ans, a maintenant tendance ˆ se
dŽplacer dans les deux sens. Les jeunes sont proportionnellement plus nombreux ˆ entrer
sur le marchŽ du travail d•s l'‰ge de 16 ans. Par contre, l'entrŽe de mani•re stable dans la
vie professionnelle est quant ˆ elle repoussŽe jusque dans la trentaine pour un grand
nombre d'individus. Ces derniers voient donc se prolonger diverses expressions de la
prŽcaritŽ d'emploi qui Žtaient autrefois le lot des 16-19 ans faisant leur entrŽe sur le
27
marchŽ du travail (emplois de courte durŽe, ˆ temps partiel, faiblement rŽmunŽrŽs, sans
perspective de carri•re, etc.).
Leur enqu•te longitudinale confirme, sur deux points en particulier, cette hypoth•se du
moratoire dans l'installation en emploi. On note premi•rement une tr•s forte prŽsence de
ce groupe de jeunes ÇÊplus ‰gŽsÊÈ sur le marchŽ du travail, et ce dans des emplois dont la
durŽe, le rŽgime de travail, les conditions et les avantages sociaux sont marquŽs par la
prŽcaritŽ, en particulier lorsqu'on les compare aux types d'emploi dŽcrochŽs par les
gŽnŽrations prŽcŽdentes. Deuxi•mement, la combinaison Žtudes-emploi reprŽsente
aujourd'hui le genre de vie de pr•s du tiers des 20-24 ans. Certains Žcarts entre les 25-34
ans et les 35-44 ans laissent Žgalement penser que l'intŽgration dans un emploi stable se
poursuit jusqu'ˆ l'aube de la trentaine. C'est par exemple le cas d'un bon pourcentage de
ceux qui ont un revenu de travail n'incluant aucun avantage social (Gauthier & Simard,
1990Ê: 13- 14).
1.3.2
Un parcours ˆ obstacles
Il semble que les jeunes aient eu moins de difficultŽ que leurs parents ˆ se tailler une place
sur le marchŽ du travail au cours des annŽes 1960 et de la premi•re moitiŽ de la dŽcennie
suivante. Plus scolarisŽs et mieux formŽs, ils ont fait leur entrŽe de fa•on massive dans des
secteurs d'emploi faits ˆ leur mesureÊ: les services de l'ƒtat-providence, les lieux de
dŽveloppement des nouvelles technologies et les industries qui connaissaient alors une
certaine prospŽritŽ. ReprŽsentant aujourd'hui la classe moyenne quŽbŽcoise, cette
gŽnŽration a connu une mobilitŽ sociale ascendante par le biais de l'instruction, de l'acc•s ˆ
des emplois bien rŽmunŽrŽs et d'un statut social ŽlevŽ.
PhŽnom•ne unique? Peut-•tre. Chose certaine, le groupe suivant connut pour sa part les
difficultŽs engendrŽes par la crise Žconomique du dŽbut des annŽes 1980 et en
28
consŽquence, la remise en question de l'ouverture de postes et des conditions d'emploi
avantageuses qui caractŽrisaient les conditions de travail de la vague prŽcŽdente.
MalgrŽ une reprise Žconomique ainsi qu'une situation lŽg•rement moins alarmante pour les
jeunes comparativement ˆ celle des annŽes 1980, il semble que le nombre de transitions
demeure encore tr•s important. Les donnŽes recueillies lors de l'enqu•te longitudinale de
Statistique Canada faisant l'Žtude des transitions, c'est-ˆ-dire d'un changement d'Žtat sur le
marchŽ du travail (passage Žtudes-travail, travail-ch™mage, etc.) pour tous les ‰ges de la
vie active, indiquent un nombre de transitions nettement supŽrieur chez les 20-24 ans
(26,7Ê%) de m•me que chez les 25-34 ans (17,3Ê%). De plus, et malgrŽ lÕamŽlioration de la
situation de lÕemploi des jeunes canadiens en 1998, en moyenne la transition Žcole-travail
demeure toujours aussi longue pour ces derniers. Selon Statistique Canada, ce processus
prendrait en moyenne huit ans. Aussi, ces m•mes jeunes qui avaient massivement subi les
contrecoups de la crise de l'emploi en 1980 et ensuite en 1992, continuent encore
aujourd'hui d'•tre affectŽs par l'instabilitŽ en emploi (Gauthier, 1994Ê: 71).
Plusieurs jeunes quŽbŽcois se retrouvent de plus dans ce qui pourrait •tre appelŽ ÇÊle
paradoxe expŽrience / inexpŽrience de travailÊÈ. Tous ont en effet besoin d'une expŽrience
minimale de travail afin de prouver leurs compŽtences aux employeurs potentiels, mais se
voient la plupart du temps refuser ces emplois par manque d'expŽrience pertinente. Le
taux de ch™mage chez les Canadiens de 15-24 ans a diminuŽ entre 1983 et 1996 pour
passer d'au-delˆ de 20Ê% en 1983, ˆ 17,5Ê% en 1993, ˆ 15,4Ê% en 1996 et ˆ 14Ê% en 1999,
ce qui reprŽsente encore environ le double du taux de ch™mage ÇÊadulteÊÈ (25-64 ans)
(Gouvernement du Canada, 1996Ê: 4; Statistique Canada, 2000). Au QuŽbec, la baisse des
annŽes 1982 (20,6Ê%) et 1983 (20,7Ê%) s'est avŽrŽe encore plus considŽrable, pour
atteindre des niveaux de 12,9Ê% et 11,9Ê% en 1988 et 1989. Le taux de ch™mage des jeunes
se situe prŽsentement ˆ un niveau de 14,3Ê% (ibid., 2000).
29
En complŽment ˆ ces calculs, Gauthier (1994Ê: 84) rappelle qu'il importe de distinguer
aussi les Žtudiants et les travailleurs, ce qui n'est habituellement pas fait. Les premiers
sont effectivement moins stables que les seconds en ce qui a trait ˆ l'emploi, ce qui rend la
comparaison avec les autres groupes d'‰ge difficile. Dans nos sociŽtŽs le travail Žtudiant
remplit une fonction bien particuli•reÊ: remplacement des employŽs en vacances, emplois
saisonniers, emplois qui ne fournissent qu'un revenu d'appoint, etc. La plupart
s'entendent d'ailleurs pour dire que ce n'est qu'une situation temporaire dans leur
cheminement professionnel.
Le rapport rŽalisŽ en 1996 pour le minist•re du DŽveloppement des ressources humaines
Canada en vue de l'Žlaboration d'une ÇÊStratŽgie jeunesse nationaleÊÈ, dŽpeint enfin un
portrait global de la situation canadienne. On y apprend tout d'abord que les jeunes qui
ont actuellement entre 16 et 24 ans sont considŽrŽs comme Žtant gŽnŽralement ˆ l'aise avec
les nouvelles technologies. La transition entre l'Žcole et le marchŽ du travail prend plus de
temps qu'auparavant et les Žtudiants terminant avec un dipl™me universitaire peuvent
prendre jusqu'ˆ deux ans avant de trouver du travail dans leur domaine d'Žtudes. Le
rapport mentionne d'ailleurs que plusieurs catŽgories d'emplois requi•rent un niveau
d'instruction ainsi qu'une formation de pointe supŽrieure. De plus, la qualitŽ des emplois
varie beaucoup plus que par le passŽ et les jeunes offrant leurs services entrent en
compŽtition directe avec des travailleurs plus ‰gŽs et expŽrimentŽs. On constate aussi que
le niveau des salaires chez les jeunes, stable depuis plus d'une vingtaine d'annŽes, est
maintenant en dŽclin et que ce sont ceux qui poss•dent le plus de connaissances
spŽcialisŽes et le niveau scolaire le plus ŽlevŽ qui s'en tirent encore le mieux. Enfin, la
gŽnŽration actuelle de jeunes travailleurs se caractŽrise par sa grande diversitŽ ethnique et
raciale.
30
1.3.3
Impacts sur les relations sociales
Les indicateurs Žconomiques et quantitatifs couramment utilisŽs ne suffisent plus ˆ
donner une vision compl•te de la situation de l'emploi pour les jeunes. MalgrŽ la baisse du
taux de ch™mage et autres mesures quantitatives, l'Žtat de prŽcaritŽ croissante des emplois
obtenus actuellement par ces nouveaux travailleurs ne ressort aucunement dans le cadre de
ce type d'analyse. L'Žcart grandissant entre les plus de 35 ans et les jeunes laisse en effet
prŽsager que la situation professionnelle et Žconomique de ces derniers n'est pas en voie
de s'amŽliorer. Selon Madeleine Gauthier, la situation des jeunes s'est dŽtŽriorŽe dans tous
les domaines de l'emploi ˆ l'exception des taux de ch™mage qui cachent cependant le
probl•me de l'intermittence en emploi pour eux (1994Ê: 87).
Les jeunes qui entrent aujourd'hui dans le marchŽ du travail sont placŽs dans une situation
de concurrence face ˆ leurs p•res et m•res. Ces derniers ont constituŽ la premi•re
gŽnŽration de travailleurs ayant rŽussi ˆ accŽder aussi massivement ˆ des emplois qualifiŽs
et les transformations du processus d'acc•s ˆ l'emploi ne sont sans doute pas sans
consŽquences sur les rapports entre les diffŽrents groupes d'‰ge de travailleurs. Il est donc
ˆ prŽvoir que les nouvelles rŽalitŽs rŽgulant l'acc•s au marchŽ du travail auront, ˆ plus ou
moins long terme, des rŽpercussions sur les relations gŽnŽrationnelles.
Il existe parall•lement ˆ ces constats quatre considŽrations liŽes ˆ la prŽsence des moins de
25 ans dans les secteurs d'activitŽ les moins bien rŽmunŽrŽs et les moins bien protŽgŽs qui,
selon la ligne de pensŽe de Gauthier, pourraient bien conduire ˆ une redŽfinition des
rapports sociaux. Les extr•mes dans un milieu de travail constituent, en effet, l'une des
contradictions du marchŽ du travail occasionnŽes par l'introduction de diffŽrentes formes
de flexibilitŽ dans l'emploi. Le cas d'une entreprise o• pour le m•me type d'emploi, les
employŽs permanents travaillent c™te-ˆ-c™te avec les employŽs temporaires et ceux ˆ
temps partiel avec ceux ˆ temps plein est un bon exemple. D'ailleurs, certaines
31
conventions collectives contribuent elles-m•mes ˆ crŽer ces fossŽs sociaux et
Žconomiques. Afin d'Žviter la fermeture d'entreprises ou des mises ˆ pied, certains
syndicats acceptent donc de signer des conventions ˆ double Žchelle salariale ou ˆ paliers
multiples pour rŽpondre ˆ la demande patronale justifiŽe le plus souvent par la forte
concurrence, en particulier dans les secteurs du commerce.
Viennent ensuite les changements dans la stratification sociale provoquŽs par une
dŽtŽrioration de la situation Žconomique des jeunes. Alors que le taux de pauvretŽ chez les
personnes ‰gŽes a diminuŽ depuis la fin des annŽes 1970, et dans tous les groupes d'‰ge,
le pourcentage de pauvres de moins de 25 ans s'est accru (Zouali, 1991; Conseil national
du bien-•tre social, 1992 dans Gauthier, 1994Ê: 84). De telles disparitŽs prennent des
proportions dramatiques chez les jeunes vivant seuls, les familles de 15-24 ans et les
jeunes familles monoparentales. L'accroissement du nombre de familles ˆ deux revenus
accentue encore plus la distance entre celles-ci et les familles monoparentales, dirigŽes le
plus souvent par des femmes (75Ê%), qui doivent majoritairement se contenter de
prestations de la sŽcuritŽ du revenu.
Ajoutons ˆ cette analyse une rŽflexion concernant les consŽquences des rapports de plus
en plus Žgalitaires entre les sexes et la dŽception des jeunes hommes qui ont sans doute ŽtŽ
parmi les premi•res victimes du climat Žconomique difficile des derni•res dŽcennies. Il est
du reste probable que le ralentissement professionnel et Žconomique imposŽ aux jeunes
puisse Žgalement avoir un impact sur les rapports entre gŽnŽrations. La proportion de
jeunes qui continuent ˆ habiter avec leur famille d'origine s'est accrue de 10Ê% au cours des
annŽes 1980. Elle Žtait de 51Ê% au recensement de 1991. Le discours de Gauthier (1994)
souligne effectivement le maintien de cette dŽpendance. AssociŽe au fait que les familles
sont peu nombreuses, elle attŽnue sans aucun doute les difficultŽs qui pourraient surgir
dans les rapports avec les a”nŽs. La pauvretŽ accrue de certains types de famille constitue
un autre facteur de diffŽrenciation entre les jeunes qui peuvent compter sur le soutien de
32
leur famille et ceux qui ne le peuvent pas. L'Žloignement de la famille combinŽ ˆ une
intŽgration difficile sur le marchŽ du travail vient enfin crŽer une catŽgorie sociale marquŽe
par l'isolement. Pour certains auteurs ce phŽnom•ne prend la forme de la dŽsafiliation
sociale (Castel, 1991). Ces transformations soutiennent effectivement l'hypoth•se de la
dŽtŽrioration de la classe moyenne si rien n'est fait pour Žviter l'approfondissement des
inŽgalitŽs.
1.3.4
Causes et consŽquences du ch™mage
Les effets du ch™mage chez les jeunes ne se limitent pas ˆ la pŽriode entre la fin des Žtudes
et l'intŽgration permanente en emploi. On constate en effet une certaine dŽgradation des
conditions d'insertion dans la vie active, ce qui provoque des carences sociales et
psychologiques ˆ plus long terme. Ë ce sujet, plusieurs Žtudes (Bellemare et PoulinSimon, 1983) ont clairement dŽmontrŽ qu'au-delˆ des risques de marginalisation dŽfinitive
qui sont souvent associŽs au ch™mage des jeunes, des cožts humains et sociaux, ainsi que
des cožts Žconomiques sont inŽvitables et parfois insurmontables. Voyons donc, ˆ l'aide
des concepts de sŽlectivitŽ et de concentration, les causes expliquant partiellement du
moins, la forte proportion du ch™mage chez ce groupe prŽcis ainsi que ses consŽquences.
Trois types de facteurs explicatifs ayant un impact sur le ch™mage des jeunes peuvent
•tre identifiŽsÊ: les explications ˆ caract•re structurel, conjoncturel (ou Žconomique) et
psychologique (ou personnel). La valorisation, les sentiments d'utilitŽ et d'estime de soi
qui dŽcoulent aujourd'hui encore d'une participation active sur le marchŽ du travail
entra”nent donc, dans les cas de non insertion, des sympt™mes psychologiques tels qu'un
sentiment de dŽvalorisation et une diminution de la motivation, ce qui rend les dŽmarches
d'acc•s ˆ l'emploi encore plus difficiles (Provost et RŽgimbald, 1994Ê: 309).
Il est aussi important de faire des liens entre ce manque d'estime de soi et de
motivation, crŽant ainsi des contraintes structurelles qui jouent un r™le dans
l'exclusion de certains individus du monde du travail. Ce sont des causes sociales
33
hors du contr™le des personnes, mais qui agissent sur la vie m•me de ceux et celles
qui tentent une intŽgration en emploi (ibid., 1994Ê: 309).
Des contraintes liŽes ˆ la vie familiale peuvent Žgalement •tre classŽes parmi les causes
personnelles de l'exclusion des jeunes. Des probl•mes de toxicomanie, d'inceste, de sousalimentation, de santŽ et de violence familiale viennent sans aucun doute ralentir ou m•me
invalider toutes formes de dŽmarches d'insertion professionnelle, d'o• le dŽbat actuel
concernant les programmes gouvernementaux et communautaires qui, de l'avis de
plusieurs, devraient offrir simultanŽment des volets d'insertion sociale et d'insertion
professionnelle. La sous-scolarisation d'un pourcentage important de jeunes quŽbŽcois
entrave tout autant leur capacitŽ ˆ rŽpondre adŽquatement aux exigences des employeurs.
Sans •tre nŽgatives ou problŽmatiques en soi, d'autres considŽrations connexes comme la
maternitŽ, la parentalitŽ, l'acc•s ˆ des services de garde fiables et abordables constituent
souvent des obstacles majeurs dans le cheminement d'insertion, et particuli•rement dans le
cas de jeunes femmes chefs de famille monoparentale. On peut donc noter une fois de
plus, comment les contraintes conjoncturelles ou structurelles (Žclatement de la famille
traditionnelle, horaires complexes des conjoints, inefficacitŽ du syst•me de service de
garde ˆ rŽpondre aux besoins des parents, etc.) ont ensuite des rŽpercussions sur les
individus et leur flexibilitŽ face au marchŽ du travail.
Toujours au plan structurel, ajoutons des ŽlŽments qui visent plus spŽcifiquement la
dŽpendance envers l'ƒtat et notamment le syst•me dÕassistance-emploi. Ces contraintes,
gŽnŽralement dŽnoncŽes par les intervenantes et intervenants du milieu communautaire,
sont liŽes ˆ la non reconnaissance par les employeurs de la formation et des acquis
professionnels obtenus par les jeunes ˆ travers les diverses mesures de dŽveloppement de
l'employabilitŽ. D'autres, le secteur privŽ notamment, portent un regard accusateur sur la
gŽnŽrositŽ du rŽgime, la dŽpendance et l'attentisme. Ces pratiques sont en effet per•ues
comme des entraves ˆ l'insertion, que seul un renforcement du principe de ÇÊworkfareÊÈ et
34
m•me d'une remise en question de l'accessibilitŽ pour les jeunes ˆ des prestations de
sŽcuritŽ du revenu peuvent contrer. Le probl•me viendrait donc d'une culture de la
pauvretŽ qui caractŽriserait la rŽalitŽ d'une partie de la jeunesse quŽbŽcoise et canadienne.
Ceux qui sont en dŽsaccord avec ces propos, principalement dans le milieu
communautaire, consid•rent que les ressources financi•res dispensŽes par l'ƒtat sont un
droit et non un privil•ge et insistent sur l'importance d'augmenter le salaire minimum par
rapport aux montants versŽs par la sŽcuritŽ du revenu.
Ë ce sujet, l'Žconomiste Diane-Gabrielle Tremblay (1990Ê: 127) Žvoque trois composantes
pouvant expliquer pourquoi le ch™mage se trouve concentrŽ chez cette populationÊ: l'effet
d'‰ge, l'effet de gŽnŽration ainsi que la pŽnurie d'emplois. L'effet d'‰ge se dŽfinit ˆ partir du
manque de formation et/ou d'expŽrience des jeunes. Incidemment, plusieurs sont victimes
de discrimination ou sont dŽfavorisŽs sur un marchŽ particuli•rement compŽtitif.
L'effet de lÕ‰ge serait plut™t caractŽrisŽ par le phŽnom•ne de l'explosion dŽmographique de
l'apr•s-guerre. Ainsi, les jeunes qui sont prŽsentement en ch™mage voient leurs
perspectives professionnelles et gains monŽtaires affectŽs ˆ long terme par cette situation.
Il serait logique de croire que si le phŽnom•ne du ch™mage des jeunes est exclusivement dž
ˆ l'effet de leur ‰ge, cette problŽmatique devrait alors dispara”tre lorsqu'ils vieillissent et
acqui•rent de l'expŽrience. Par contre, ce groupe serait inŽvitablement remplacŽ par un
nouveau et ainsi de suite. Or, si le probl•me pouvait s'expliquer ˆ partir de l'effet
gŽnŽration, on pourrait Žgalement penser qu'il se rŽsorbera de lui-m•me puisque la
gŽnŽration suivante est numŽriquement moins importante. Il faut donc en dŽduire qu'une
cohorte d'individus, nŽs au cours des annŽes 1950, ont ŽtŽ sacrifiŽs tout au long de leur vie
active, ayant subi les difficultŽs d'insertion et ensuite les coupures de personnel ou tout
autre forme de consŽquences provoquŽes par le surpeuplement (beaucoup d'entrŽes sur le
marchŽ, peu de sorties).
35
Selon l'OCDE (1986), c'est lÕagencement dans des proportions variables, selon les pays,
de ces deux derniers ŽlŽments ainsi que des mesures gouvernementales relatives ˆ l'emploi,
des politiques Žconomiques, des relations de travail et la gestion de la main-d'Ïuvre dans
les entreprises qui explique l'importance du phŽnom•ne. Ë cette sombre Žquation ajoutons
enfin l'ŽlŽment conjoncturel qu'est la pŽnurie d'emploi et qui caractŽrise les Žconomies
quŽbŽcoise, canadienne et europŽenne. La recherche dÕemploi des jeunes, peu importe la
forme quÕelle prend, se voit donc limitŽe par les faibles possibilitŽs dÕembauche. Ë ce
sujet, Bellemare et Poulin-Simon consid•rent que le ch™mage et la pŽnurie d'emploi ne
sont pas des maux inŽluctables et que les sociŽtŽs peuvent, si elles le souhaitent, se donner
les moyens de vaincre, et ce tant en faveur des jeunes que des adultes (Tremblay, 1990Ê:
149).
Contrairement ˆ la majoritŽ des pays europŽens, l'explosion dŽmographique quŽbŽcoise
s'est traduite simultanŽment par une baisse des salaires et une hausse du ch™mage.
L'Europe qui a Žgalement vu ses taux de ch™mage augmenter n'a cependant enregistrŽ
aucune diminution relative des salaires des jeunes qui, de mani•re surprenante, ont m•me
eu tendance ˆ augmenter, ce qui peut Žgalement avoir pour effet de complexifier la
recherche d'emploi (OCDE, 1986).
1.4
Conclusion
La prŽcaritŽ Žconomique et sociale, dŽcoulant dÕun contexte de ch™mage chronique, se
situe ˆ lÕorigine de la progression des nouvelles formes d'emploi, dites atypiques, dans
lesquelles se retrouve un fort pourcentage de jeunes. Or, ces jeunes sont souvent sans
expŽrience et disposŽs ˆ exŽcuter un ensemble de t‰ches sans liens directs avec le type
d'emploi recherchŽ. MalgrŽ la reprise Žconomique et une baisse significative du taux de
36
ch™mage global, les jeunes en recherche d'emploi demeurent encore proportionnellement
beaucoup plus nombreux que leurs a”nŽs dans la catŽgorie des ch™meurs de longue durŽe.
La popularisation de concepts plus ou moins nouveaux tels que l'Žlargissement du recours
ˆ la formation professionnelle, les offres de prŽretraites, le partage du temps de travail et
la crŽation de rŽseaux d'employeurs (ayant pour but de crŽer un mŽlange hybride de
sympathies personnelles, d'appartenances sociales communes, de proximitŽs idŽologiques
et d'intŽr•ts Žconomiques partagŽs, permettant ainsi une meilleure circulation de
l'information sur les possibilitŽs d'emploi et l'encouragement mutuel ˆ embaucher des
jeunes), n'auront que tr•s peu dÕeffet sur la source du probl•me quŽbŽcois.
LÕŽconomie quŽbŽcoise, apr•s de nombreuses annŽes dÕatrophie au plan de ses ressources
humaines et financi•res, et de dŽveloppement dÕune nouvelle ÇÊŽconomie du savoirÊÈ, a
plus que jamais auparavant besoin de nouveaux travailleurs, jeunes et moins jeunes, afin
de maintenir un niveau de compŽtitivitŽ suffisamment ŽlevŽ pour se tailler une part
suffisante du marchŽ national et international.
Le chapitre suivant permettra au lecteur de constater le r™le jouŽ par les rŽseaux, formels
et informels, comme mode de coordination des relations sociales et de lÕinformation qui
circule par rapport au marchŽ du travail.
CHAPITRE 2
LÕAPPROCHE RƒSEAUÊ:
UN MODE DE REPRƒSENTATION DES RELATIONS SOCIALES
2.1
Introduction
L'image de la sociŽtŽ traditionnelle quŽbŽcoise, gŽnŽralement vŽhiculŽe par le discours
populaire se compose d'un ensemble de solidaritŽs et de relations sociales qui unissent les
individus et leurs familles entre eux. Par le passŽ, ce type d'organisation sociale procurait ˆ
chacun une sŽcuritŽ morale et Žconomique que l'ƒtat a depuis tentŽ d'assurer en partie.
RŽelle ou inspirŽe par une certaine nostalgie, cette perception est aujourd'hui remplacŽe
par un discours marquŽ dÕun profond sentiment d'isolement, d'abandon et de solitude ainsi
qu'une montŽe de lÕurbanisation et de l'individualisme.
MalgrŽ la croissance effective de ces phŽnom•nes, la vie en sociŽtŽ se situe encore
aujourd'hui pour la grande majoritŽ des QuŽbŽcoises et des QuŽbŽcois au sein de leur
communautŽ et des relations sociales qui se construisent, se dŽfont et se transforment tout
au long de leur vie. Selon la culture et le milieu social dans lesquels ils viennent au monde,
les individus trouvent gŽnŽralement leur place dans leur rŽseau de parentŽ et leur
voisinage. Ë l'‰ge scolaire, ils prennent part aux activitŽs de rŽseaux personnels et sociaux
qui rŽunissent d'autres individus de leur gŽnŽration partageant les m•mes intŽr•ts. Au
QuŽbec, l'Žcole et les loisirs sont des lieux propices ˆ la formation de ces rŽseaux
(Lemieux, 1982Ê: 12). Ë cet ‰ge, les rŽseaux sont frŽquemment constituŽs sur la base de
l'identification sexuelleÊ: les filles nouant des amitiŽs avec dÕautres filles et les gar•ons avec
les gar•ons.
Plusieurs rŽseaux naissent Žgalement du dŽsir de se regrouper volontairement entre
coll•gues de classe, de travail, personnes ‰gŽes ou membres d'une communautŽ. Leurs
38
activitŽs varient beaucoupÊ: clubs sociaux, activitŽs sportives, artistiques, relations ˆ
caract•re partisan (allŽgeance politique), etc. Mais peu importe la thŽmatique, l'‰ge, le sexe
ou le niveau Žconomique qui en unit les membres, le besoin humain de relations sociales
nÕa certainement pas disparu.
Une Žtude rŽalisŽe par Boltanski et Chiapello (1999Ê: 207) sur les nouveaux syst•mes de
valeurs dŽmontre comment la logique industrielle domine totalement au cours des annŽes
1960 et prime toujours en 1990, quoique de mani•re plus mitigŽe. Cette logique
marchande doit effectivement composer avec un nouveau mode dÕorganisation et de
planification socioŽconomique, le rŽseau. Les auteurs expliquent en effet comment la
mŽtaphore du rŽseau tend progressivement ˆ prendre en charge une nouvelle
reprŽsentation gŽnŽrale des sociŽtŽs.
CÕest ainsi que la problŽmatique du lien, de la relation, de la rencontre, de la
rupture, de la perte, de lÕisolement, de la sŽparation en tant que prŽlude ˆ
lÕinstauration de nouveaux liens, ˆ la formation de nouveaux projets, et de
lÕinsistance sur la tension perpŽtuellement rŽactivŽe entre lÕexigence dÕautonomie et
le dŽsir de sŽcuritŽ, sont au cÏur des changements actuels de la vie personnelle,
amicale et familiale. Boltanski et Chiapello (1999Ê: 207).
En sociologie, l'importance des rŽseaux sociaux formels et informels s'est fait reconna”tre
graduellement ˆ travers les Žtudes sur les mouvements sociaux, la mobilisation (Gould,
1991), les comportements de groupe, le support social (Edwina Uehara, 1990) et depuis
presque trois dŽcennies, le marchŽ du travail (Albert Rees, 1966) et la recherche d'emploi
(Granovetter, 1973, 1982, 1985, 1992; Montgomery, 1991; Warner & Simon, 1992;
Catherine Flament, 1991). Tel que prŽcisŽ par Boltanski et Chiapello (1999), la notion de
rŽseau qui, jusquÕaux annŽes 1970 environ, Žtait dÕun usage relativement spŽcialisŽ, a
depuis fait lÕobjet dÕune grande attention et se trouve maintenant au cÏur dÕun grand
nombre de travaux thŽoriques ou empiriques relevant de plusieurs disciplines. Certains
auteurs consultŽs par Boltanski et Chiapello lors de leur Žtude nÕhŽsitent dÕailleurs pas ˆ
parler de nouveau paradigme (Burt, 1980; Degenne, ForsŽ, 1994). Cependant, et malgrŽ
l'acceptation large du concept de rŽseau et de ÇÊfacteurs structurantsÊÈ qui ont un impact
39
sur les th•mes citŽs prŽcŽdemment, seulement quelques recherches ont permis une
meilleure comprŽhension de ces derniers. Pour la plupart, et ce ˆ cause de la difficultŽ de
recueillir les donnŽes nŽcessaires, les chercheurs se sont longtemps limitŽs aux calculs
mathŽmatiques et ˆ la collecte de donnŽes quantitatives sur le nombre de liens sociaux, le
nombre d'individus touchŽs et la frŽquence des liens qui les unissent. Ë notre avis, les
impacts et l'utilitŽ de ces rŽseaux n'ont pas ŽtŽ suffisamment explorŽs en rapport avec leur
structure et leur fonctionnement. Les multiples difficultŽs mŽthodologiques dŽcoulant d'un
tel exercice am•nent aussi ˆ une rŽflexion thŽorique approfondie sur l'Žtude des rŽseaux
tout en s'intŽressant continuellement ˆ leur application, puisque les deux sont
complŽmentaires et indissociables.
Avant de dŽbuter une telle dŽmarche, il est certainement pertinent de se questionner ˆ
savoir si ces rŽseaux de solidaritŽ existent rŽellement? Et dans le cas dÕune rŽponse
positive, comment sÕorganisent-ils? La totalitŽ de la dŽmarche sur ces questions se
retrouve plus loin dans ce texte. Quelques ŽlŽments de rŽponse peuvent nŽanmoins •tre
mentionnŽs d•s maintenant.
Des auteurs tels que Albert Rees (1966) et, ˆ sa suite, Mark Granovetter (1974) et James
Montgomery (1991) ont en effet soulevŽ ces m•mes prŽoccupations. Dans une Žtude
portant sur la nature des informations que poss•dent respectivement les demandeurs
d'emploi et les employeurs, Rees ainsi que d'autres Žconomistes avant lui, confirment
l'efficacitŽ des modes de communication informels dans le cadre de la recherche d'emploi et
expliquent comment la mesurer. Son Žchantillon regroupant des travailleurs catŽgorisŽs
ÇÊcols bleusÊÈ et ÇÊcols blancsÊÈ, et travaillant dans la rŽgion de Chicago, ont permis de
dŽcouvrir qu'au-delˆ de la moitiŽ des emplois de cols blancs avaient ŽtŽ obtenus ˆ partir de
ressources informelles et que quatre cols bleus sur cinq avaient obtenu leur emploi par la
m•me mŽthode.
40
De leur c™tŽ, Curtis Simon et John Warner se sont investis dans une Žtude parut en 1992
confirmant les avantages des ÇÊOld Boys NetworksÊÈ dans le placement au sein de
plusieurs professions, par rapport aux moyens traditionnels de recherche d'emploi tels
que les agences de placement. Leurs observations les am•nent aux constats suivantsÊ: tout
d'abord, les travailleurs recrutŽs de cette fa•on gagnent gŽnŽralement un salaire de dŽpart
supŽrieur. Par contre, les augmentations de salaire ultŽrieures seront plus espacŽes.
Troisi•mement, ces travailleurs demeureront ˆ l'emploi de la m•me entreprise plus
longtemps que ceux recrutŽs ˆ l'extŽrieur de leurs rŽseaux.
On retrouve par ailleurs dans lÕouvrage de Boltanski et Chiapello (1999Ê: 490) un texte
portant sur un nouvel esprit du capitalisme et des nouvelles formes de la critique dans
lequel les auteurs corroborent la th•se du dŽveloppement de rŽseaux locaux et informels
dÕinsertion favorisant lÕintŽgration au marchŽ du travail.
Autour des dispositifs dÕinsertion se sont multipliŽs, depuis le milieu des annŽes 80
environ, des acteurs tr•s divers, dŽpendant de lÕƒtat ou liŽs au nouveau
mouvement humanitaire qui constituent autant ÇÊdÕintermŽdiaires pour lÕinsertion
professionnelleÊÈ dont lÕaction, de plus en plus souvent coordonnŽes, non de fa•on
hiŽrarchique et planifiŽe, mais sous la forme de ÇÊrŽseaux locaux dÕinsertionÊÈ, se
dŽfinit elle-m•me par rŽfŽrence ˆ la topique du rŽseau. LÕoriginalitŽ de ces acteurs
de la mŽdiation, par rapport aux interventions administratives ˆ distance opŽrant
sur des populations dŽfinies de fa•on critŽrielle, est en effet de dŽvelopper des
actions de proximitŽ prenant en compte les singularitŽs des demandeurs et des
offreurs potentiels. Boltanski et Chiapello (1999Ê: 490).
Une fois l'utilitŽ des rŽseaux de solidaritŽ confirmŽe, il faut maintenant sÕinterroger quant
aux diverses mŽthodes dÕanalyse disponibles et sŽlectionner celle qui permettra d'obtenir
les informations les pertinentes. Le prŽsent chapitre prŽsentera donc les principaux
concepts reliŽs ˆ l'Žtude de la socialitŽ, des rŽseaux et des nombreux types de
regroupements. Pour ce faire, nous dŽcortiquerons cet objet de recherche quÕest le ÇÊrŽseau
de solidaritŽ informelÊÈ en trois sous-notionsÊ: le rŽseau, la solidaritŽ et lÕinformalitŽ. Nous
nous appuierons sur les textes, plus ou moins rŽcents, dÕune sŽrie dÕauteurs tels que
41
Bruno Lautier, ƒmile Durkheim ainsi que Degenne et ForsŽ afin de saisir pleinement la
signification de cette mise en commun conceptuelle.
La premi•re partie de ce chapitre sÕinterrogera ˆ savoir pourquoi plusieurs auteurs
pointent du doigt le manque d'information face aux dŽlais prolongŽs d'intŽgration ˆ
lÕemploi des jeunes. La section suivante continuera dans cette voie en exposant les
diffŽrents mod•les de rŽgulation sociale et les modes d'acc•s ˆ l'emploi les plus efficaces et
frŽquemment utilisŽs par ces derniers. Ainsi, les diffŽrents outils ayant ŽtŽ ŽlaborŽs par
l'ƒtat et le milieu communautaire au fil des annŽes afin de lutter contre ce phŽnom•ne
seront examinŽs. Certaines innovations sociales ont effectivement dŽcoulŽ de ces
expŽrimentations. L'approche institutionnelle, globalement basŽe sur un ensemble de
mesures et de programmes d'employabilitŽ ˆ court et ˆ moyen terme, tente de rŽpondre
aux besoins du marchŽ en fonction de la main-dÕÏuvre disponible. LÕapproche
communautaire offre Žgalement divers programmes et activitŽs de formation tout en Žtant
davantage orientŽe vers un dŽveloppement global de l'individu, cÕest-ˆ-dire une intŽgration
durable sur le marchŽ du travail, ce qui requiert souvent une intervention ˆ plus long
terme. Or, dans un contexte de prŽcaritŽ o• des rŽsultats significatifs tardent ˆ venir, les
programmes d'employabilitŽ font l'objet de nombreuses critiques, tandis que d'autres leur
accordent toujours une certaine utilitŽ pour ce qui est de pallier au manque de formation
d'une partie de la main-d'Ïuvre. Ce sont aussi l'ensemble de ces pratiques qui seront
analysŽes dans les pages qui suivent.
ƒlŽment essentiel de toute dŽmarche thŽorique, nous prŽsenterons Žgalement les diverses
traditions, mŽthodes d'analyse et voies de recherche applicables aux rŽseaux. Nous
dŽmontrerons entre autre que l'approche systŽmique, et plus prŽcisŽment l'analyse
structurale, devraient •tre privilŽgiŽes dans l'Žtude des relations d'interdŽpendance entre
les acteurs d'un rŽseau informel Ñ et plus spŽcifiquement dans le cas des rŽseaux
informels de recherche d'emploi.
42
Tout en se limitant au cas des rŽseaux informels, la conclusion de ce chapitre tentera enfin
d'Žtablir des parall•les entre les approches dominantes et de proposer quelques ŽlŽments
essentiels dans le cadre dÕune telle rŽflexion sur la question des regroupements sociaux.
2.2
Information et rŽgulation
2.2.1
L'informationÊ: la clŽ du probl•me?
Pour toutes catŽgories de ch™meurs confondues, l'augmentation de la durŽe moyenne du
ch™mage constitue l'une des principales consŽquences de la croissance du ch™mage
pendant les annŽes 1980. Durant cette pŽriode, environ la moitiŽ des jeunes ch™meurs ‰gŽs
de 18 ˆ 24 Žtaient classifiŽs comme ch™meurs de longue durŽe, c'est-ˆ-dire sans emploi
depuis six mois ou plus. Des chercheurs comme White (1990), Rees (1966) et
Granovetter (1974) ont tentŽ de comprendre dans quelle mesure le processus de prise de
dŽcision, en regard du mode dÕacc•s ˆ lÕemploi privilŽgiŽ, tient compte des informations
concernant l'Žvaluation des rŽalitŽs que les ch™meurs ont ˆ affronter. Plus spŽcifiquement,
l'ensemble de leur questionnement se situe autour du r™le et de lÕefficacitŽ de l'information
dans le processus de recherche d'emploi chez les ch™meurs et chez les employeurs qui
filtrent et Žvaluent les candidats ˆ l'emploi.
Leurs rŽsultats ont globalement dŽmontrŽ, contrairement ˆ la thŽorie Žconomique classique
qui prŽsume une information parfaite des acteurs au dŽpart de la recherche d'emploi, que
l'information de part et d'autre est gŽnŽralement tr•s limitŽe ou dŽviŽe. Selon White
(1990), l'information des jeunes sur les possibilitŽs d'emploi et sur les lieux o• ils peuvent
chercher est difficile ˆ obtenir. On note que les signaux captŽs par les employeurs ˆ partir
des Žchecs des jeunes dans les programmes de formation sont dŽviŽs et que l'absence
43
d'information des jeunes ˆ propos des conditions salariales auxquelles ils peuvent
sÕattendre, et des employeurs par rapport aux attentes des candidats deviennent alors tr•s
problŽmatiques.
La coordination de lÕinformation sÕarticule gŽnŽralement ˆ partir de mod•les comme celui
du marchŽ et de lÕinterventionnisme. Chaque mod•le de rŽgulation procure ˆ ses
utilisateurs un diffŽrent type dÕacc•s ˆ lÕinformation ainsi quÕune information de nature
bien spŽcifique. Le mod•le de marchŽ qui regroupe des modes dÕacc•s ˆ lÕemploi tels que
les petites annonces, les sites internet et les guichets dÕemploi, sÕappuie enti•rement sur
une logique de marchŽ (offre et demande). LÕindividu porte donc lÕenti•re responsabilitŽ
de sa dŽmarche et effectue souvent cette derni•re dans un climat dÕisolement. Dans le
mod•le interventionniste, des services gouvernementaux et communautaires sont offerts
aux individus sans emploi, sans toutefois sÕappuyer, particuli•rement dans le cas des
services offerts par lÕƒtat, sur des valeurs de solidaritŽ sociale ou une philosophie
particuli•re dÕintervention. Les Centres locaux dÕemploi (CLE) et les programmes
dÕemployabilitŽ sont de bons exemples de ce type dÕintervention. Plusieurs organismes
communautaires implantŽs par le milieu privilŽgient par contre une approche holistique,
visant une insertion socioprofessionnelle durable de leur client•le souvent fortement
dŽsavantagŽe sur le plan de lÕemploi. Un troisi•me mod•le qui sera appelŽ informel, se
basant plut™t sur des rŽseaux de contacts familiaux et de connaissances professionnelles,
puise ses techniques de recherche aupr•s des deux autres mod•les mais sÕappuie toutefois
fortement sur des valeurs de solidaritŽ sociale partagŽes par des femmes et des hommes
ayant pris conscience dÕune communautŽ dÕintŽr•ts qui entra”ne une obligation morale
dÕentraide et dÕassistance. Ces divers mod•les de rŽgulation de lÕinformation dans la
recherche dÕemploi, et donc ces logiques dÕactions qui coordonnent les relations ˆ
lÕintŽrieur de chaque sociŽtŽ en viennent ultimement ˆ dŽfinir ces diffŽrents types de
sociŽtŽs. LÕinformation peut donc servir ˆ Žtablir un lien conceptuel entre les logiques
dÕaction individuelles et collectives.
44
L'information est en fait une variable de plus en plus frŽquemment utilisŽe dans les
analyses Žconomiques du marchŽ du travail, en particulier par ÇÊl'Žcole nŽo-classique du
capital humainÊÈ (White, 1990Ê: 530)3. La notion d'information permet de plus de faire le
pont entre les positions thŽoriques des Žconomistes et celles des sociologues. D'autres
concepts associŽs ˆ ce type d'analyse et dŽjˆ largement utilisŽs par des sociologues, tels
que ceux de signal et de filtre, se sont rŽvŽlŽs particuli•rement utiles dans l'Žtude des
dŽcisions visant ˆ rŽduire les cožts d'obtention des informations (ibid.Ê: 530; Spence,
1981). Finalement, le concept d'information est aussi implicite dans la notion
ÇÊd'attentesÊÈ dans les thŽories sociologiques du choix subjectivement rationnel4.
L'enqu•te de White (1990) rŽv•le de plus que le niveau d'activitŽ dŽployŽ par les jeunes ˆ
la recherche d'un emploi est Žtroitement liŽ ˆ leurs chances rŽelles et que leur
comportement est somme toute, rŽaliste et informŽ. Les jeunes sont donc conscients de la
mani•re dont les employeurs les interrogent sur leurs qualifications (ou insuffisance de
qualification) et de ce que la durŽe du ch™mage ainsi que le fonctionnement du marchŽ du
travail, du point de vue ˆ la fois de l'offre et de la demande, ont une influence significative
sur la perception des employeurs (voir White et MacRae, 1989Ê: 174). LÕinformation
semble
nŽanmoins
•tre
un
outil
efficace
pour
rompre
le
cercle
vicieux
ÇÊexpŽrience/emploiÊÈ prŽcŽdemment identifiŽ. M•me chez les individus qui ont en gŽnŽral
de faibles probabilitŽs d'obtenir un emploi, l'information interne ˆ propos d'emplois
spŽcifiques peut aider ˆ renouveler leur motivation face ˆ leurs recherches. Le rŽseau
personnel familial ou le rŽseau d'amis peut fournir des informations ˆ propos de postes
vacants, par exemple. Les intervenants et intervenantes de ressources institutionnelles
3Pour
une critique des analyses du marchŽ du travail complŽtŽes ˆ partir du mod•le de l'Žcole nŽoclassique
du capital humain, voir M. Spence, 1981.
4Pour une discussion exhaustive sur cette question, White (1990) revoie ˆ Gambetta (1987), Were They
Pushed or Did They Jump?
45
peuvent aussi prendre l'initiative de faire conna”tre aux ch™meurs les offres d'emploi
disponibles en fonction de leurs compŽtences respectives.
Ainsi, on observe que les trois mod•les de rŽgulation de lÕinformation peuvent Žgalement
•tre classifiŽs en fonction de leur statut, cÕest-ˆ-dire formel ou informel. Les rŽseaux
formels d'information, ceux qualifiŽs prŽcŽdemment dÕinterventionnistes et de marchŽ,
incluent les services d'employabilitŽ Žtatiques (Centres locaux dÕemploi ou CLE), les
agences d'employabilitŽ privŽes, les annonces dans les journaux, les bureaux de placement
scolaires (niveaux collŽgial et universitaire), etc. De leur c™tŽ, les ressources informelles
regroupent les rŽfŽrences d'anciens coll•gues de travail ou d'employeurs et de divers
groupes d'amis et de parents, par exemple.
Ë plusieurs Žgards, les Žtudes de White et de MacRae (1989) ont fait la preuve que
l'information ˆ propos des emplois, provenant des rŽseaux familiaux (sph•re informelle)
ou d'agences privŽes, tend ˆ •tre disponible pour tous les types de jeunes ch™meurs de
longue durŽe. Statistiquement, les deux tiers des rŽpondants aux enqu•tes ont dit avoir
re•u des informations de leur famille ou d'amis, alors qu'un tiers re•oivent ce type
d'information des agences privŽes ou publiques. De plus, l'information concernant les
emplois semble modifier de mani•re significative non seulement le niveau d'activitŽ en
regard de la recherche d'emploi, mais Žgalement l'obtention effective d'un nouvel emploi.
White (1989) ajoute que l'effet de l'indicateur ÇÊressource en informationÊÈ sur les rŽsultats
est bien supŽrieur ˆ celui des indicateurs liŽs ˆ la ÇÊqualificationÊÈ et la ÇÊdurŽeÊÈ. Les
Žtudes de modŽlisation statistique confirment enfin, et sans aucun doute, l'indŽpendance
du concept d'information ainsi que la non-sŽlectivitŽ de la ressource en information (voir
White et McRae, 1989Ê: 193).
Ces rŽsultats sugg•rent que l'une des mani•res les plus efficaces d'aider les jeunes
cherchant ˆ sÕinsŽrer de fa•on permanente sur le marchŽ du travail serait de leur fournir
46
une information spŽcifique sur l'emploi, ou d'encourager d'autres personnes ˆ leur fournir
ce type de renseignements. Il semble ˆ cet Žgard, que les programmes de formation et
autres stages en milieu de travail mis sur pied spŽcifiquement pour la client•le ÇÊjeuneÊÈ ne
s'av•rent pas des milieux particuli•rement stratŽgiques pour faire circuler l'information
puisque l'intŽgration ˆ ces groupes suppose toujours un certain niveau de sŽlectivitŽ.
Vus sous l'angle des employeurs, les rŽsultats dŽmontrent que la plupart manifestent une
forte prŽfŽrence pour le recours aux rŽseaux d'information informels. Selon eux, la
recommandation d'employŽs, principal canal d'information, procure habituellement le
filtre nŽcessaire pour satisfaire la demande moyenne de travailleurs. GŽnŽralement, et afin
d'Žviter les consŽquences nŽgatives d'une mauvaise recommandation, les employŽs ont
l'habitude dÕen recommander dÕautres en qui ils ont confiance et qui leur ressemblent. Ces
individus ont gŽnŽralement tendance ˆ provenir du m•me secteur gŽographique que ceux
par qui ils sont recommandŽs et que l'entreprise, ce qui Žvite bien des dŽsagrŽments
comme les retards, l'absentŽisme et les difficultŽs de transport. Finalement, cette mŽthode
de recrutement a pour avantage certain de n'entra”ner aucun cožt pour l'employeur, si ce
n'est parfois un bonus versŽ ˆ l'employŽ ˆ l'origine de l'embauche, et dÕ•tre moins
dŽpendante des comportements du marchŽ (Granovetter, 1974Ê: 51 et 1995). PrŽcisons
nŽanmoins que la prŽfŽrence des employeurs face ˆ ce procŽdŽ d'embauche ne veut pas
dire qu'ils soient toujours en mesure d'y avoir recours (conventions syndicales, concours,
anciennetŽ, etc.).
2.2.2
Mod•les de rŽgulation
AnalysŽs sous un angle thŽorique, il existe plusieurs mŽcanismes de coordination pouvant
•tre complŽmentaires les uns aux autres, tels que les marchŽs, les institutions, les
associations et les rŽseaux. Lorsque bien intŽgrŽs et configurŽs, ces mŽcanismes ont
d'ailleurs souvent favorisŽ une meilleure coordination des acteurs sociaux (Boyer et
47
Hollingsworth, 1994 :1; Campbell, Hollingsworth et Lindberg, 1991; Hollingsworth,
Schmitter et Streeck, 1994). Ces mŽcanismes d'auto-ajustement du marchŽ bŽnŽficient du
reste d'une reconnaissance massive de leur efficacitŽ depuis les annŽes 1980.
Le marchŽ est certainement le mode de rŽgulation le plus connu vu sa prŽdominance aux
ƒtats-Unis et dans certains pays dÕEurope comme le Royaume Unis. Robert Boyer dŽcrit
ce mŽcanisme comme une institution qui coordonne a posteriori les stratŽgies de nombreux
agents dÕŽchange indŽpendants, en concurrence les uns avec les autres, mais qui finissent
par entrer en interaction ˆ travers un processus de fixation des prix (dans Boyer et
Hollingsworth, 1997Ê: 66). De plus, un mŽcanisme de marchŽ pleinement dŽveloppŽ et
opŽrationnel suppose lÕexistence dÕamŽnagements en termes de qualitŽ, de quantitŽ et du
nombre de transactions qui reviennent rŽguli•rement et qui sont centralisŽes.
Implicitement, chaque marchŽ sÕint•gre ˆ lÕintŽrieur dÕun ensemble dÕautres marchŽs,
organisations et institutions. Comme le dŽmontre le tableau 2, les marchŽs combinent la
protection dÕintŽr•ts personnels avec lÕintervention dÕagents de coordination horizontaux
et refl•tent la prise en compte de prŽoccupations telles que lÕoffre et la demande, assurant
ainsi un Žquilibre bŽnŽfique mais non prŽmŽditŽ (Boyer et Hollingsworth, 1997Ê: 10).
Pour sa part, la hiŽrarchie reprŽsente des acteurs qui sont unis et dŽmontrent un fort degrŽ
dÕintŽgration au sein dÕune organisation ou dÕune entreprise. Le mŽcanisme de hiŽrarchie
correspond souvent ˆ un arrangement alternatif assez proche du marchŽ puisquÕil prend
Žgalement forme ˆ travers la protection dÕintŽr•ts personnels tout en les intŽgrant aux
activitŽs dÕune entreprise. Le Japon est un exemple dÕarrangement institutionnel
fortement marquŽ par les hiŽrarchies. Ce dernier mŽcanisme se distingue aussi par son
environnement compŽtitif. Des bouleversements au sein de cet environnement ne
viendront affecter lÕorganisation ou lÕentreprise que si sa t•te dirigeante les jugent
suffisamment mena•ants. Habituellement des ajustements mineurs arriveront ˆ maintenir
un climat favorable au dŽveloppement. Par contre, dÕimportants bouleversements
48
entra”neront une rŽorganisation majeure de la structure dŽcisionnelle de lÕentreprise (Sabel,
1997Ê: 155).
LÕƒtat est un mŽcanisme de coordination se distinguant fortement des autres mŽcanismes.
CÕest en effet lÕƒtat qui sanctionne et rŽgule lÕensemble des mŽcanismes de coordination
non-Žtatiques et qui impose ses lois et r•glements, qui Žtablit les droits de propriŽtŽ et qui
Žlabore les politiques fiscales et monŽtaires. SimultanŽment, et comme cÕest le cas en
France, lÕƒtat joue aussi un r™le dÕacteur Žconomique en intervenant directement dans les
processus de production et dÕŽchanges commerciaux. LÕƒtat rŽgularise donc ˆ la fois les
relations entre les sph•res lŽgislative et exŽcutive, la place de la constitution ainsi que les
pratiques administratives. De mani•re comparative, ce mode de rŽgulation particulier
appara”t, aux yeux de certains analystes (Coleman et Hall, 1997Ê: 133), comme Žtant
relativement rigide.
Les associations constituent une autre forme de coordination multilatŽrale et Žvoluent,
comme dans le cas des hiŽrarchies et de lÕƒtat, au sein dÕorganisations formelles.
GŽnŽralement, les associations coordonnent des acteurs engagŽs dans un m•me type
dÕactivitŽs socioŽconomiques. Les associations de gens dÕaffaires et les syndicats sont les
formes les plus connues dÕassociations ayant un r™le dÕagent rŽgulateur au sein des
Žconomies capitalistes (Schneiberg et Hollingsworth, 1990; Schmitter et Streek, 1981,
dans Boyer et Hollingsworth, 1997Ê: 13). Les associations agissent donc ˆ titre de
mŽcanismes de gouvernance en dŽfinissant et en procurant des biens publics, en imposant
des comportements et une attitude de collaboration parmi ses membres, en prenant des
ententes avec dÕautres associations et en sÕassurant la dŽlŽgation dÕune partie de lÕautoritŽ
Žtatique pour ensuite en faire bŽnŽficier leurs membres (Coleman, 1997Ê: 129). Pour
atteindre cette reconnaissance du milieu et assurer ce r™le de coordination, les associations
doivent atteindre un certain niveau de dŽveloppement organisationnel. LÕAllemagne est un
bon exemple de sociŽtŽ et dÕŽconomie Žvoluant sous un mod•le influencŽ par les
49
associations. Une association dite dŽveloppŽe doit entre autre •tre en mesure de structurer
et de coordonner, au nom de ses membres et dÕautres organisations, un Žventail complexe
dÕinformation et dÕactivitŽs. Cette derni•re doit Žgalement •tre autonome de ses membres
et de lÕƒtat. CÕest donc dire quÕelle doit assurer sa propre survie et •tre capable de
sÕŽlever au dessus des intŽr•ts particularistes de ses membres.
De leur c™tŽ, les communautŽs sont des mŽcanismes fondŽs sur des valeurs de confiance,
de rŽciprocitŽ et/ou dÕobligation de la part de leurs membres. Les services rendus ne le
sont donc pas dÕune mani•re purement altruiste mais sont davantage basŽs sur un calcul
ÇÊŽgo•steÊÈ de plaisirs et de souffrance (Boyer et Hollingsworth, 1997Ê: 10). Quoique tout
ˆ fait inhabituelle pour les Žconomistes, cette perspective est acceptŽe par plusieurs
sociologues, politologues et anthropologues. Ce sont en fait les micro-relations entre les
membres dÕune m•me culture, religion ou groupe ethnique, qui facilitent les Žchanges dans
une sociŽtŽ, une communautŽ ou une rŽgion. Toute chose Žtant Žgale, plus ces relations
sociales seront fortes entre les diffŽrents partenaires au sein dÕune communautŽ, plus la
concurrence Žconomique sera restreinte. LÕItalie est lÕexemple habituellement utilisŽ pour
illustrer ce mod•le de rŽgulation Žconomique.
Finalement, le rŽseau est le dernier mode de rŽgulation intŽgrŽ ˆ la taxonomie de Boyer et
Hollingsworth (1997Ê: 9) sur les arrangements institutionnels. Pour ces derniers, les
rŽseaux reprŽsentent une combinaison variable dÕintŽr•ts personnels et dÕobligations
sociales, avec des acteurs indŽpendants et Žgaux et ce, malgrŽ le fait que certains rŽseaux
reposent sur une distribution inŽgale du pouvoir et de lÕinitiative. Les rŽseaux reprŽsentent
un ensemble dÕacteurs provenant autant du milieu institutionnel/Žtatique que du milieu des
affaires. Selon Hage and Alter (1997Ê: 98), le rŽseau est une mode interdŽpendant de
rŽgulation entre les entreprises/organisations ou entre unitŽs dÕune m•me organisation.
Aucune organisation ou unitŽ dans le rŽseau ne dŽtient une autoritŽ absolue et toutes ont
une certaine autonomie. Aussi, un rŽseau ne peut •tre dominŽ par aucune organisation ou
50
groupe dÕacteurs, mais doit •tre gouvernŽ par cette collectivitŽ laquelle op•re ˆ travers un
processus conjoint de dŽcision, de rŽsolution de probl•mes et de partage des
profits/prestige.
ƒtant plus rare, il est difficile dÕidentifier une sociŽtŽ dominŽe par ce mode de rŽgulation.
On peut cependant trouver des zones de dŽveloppement Žconomique, comme la Silicon
Valley aux ƒtats-Unis ou dans certaines rŽgions au Nord de lÕItalie, o• une majoritŽ
dÕacteurs socioŽconomiques ont adhŽrŽ ˆ ce type dÕorganisation en rŽseau.
Il est selon nous important de prŽciser ˆ ce moment-ci que notre intŽr•t pour les rŽseaux,
en tant quÕoutil dÕintŽgration au marchŽ du travail, ne nous am•ne pas ˆ avancer que la
sociŽtŽ quŽbŽcoise fonctionne sous le mode de rŽgulation des rŽseaux. De par sa
combinaison dÕintervenants provenant tant des secteurs privŽ, public, syndical que
communautaire, et assurant ˆ des degrŽs diffŽrents la coordinations des acteurs
socioŽconomiques, le QuŽbec est ˆ notre avis bien loin dÕun mod•le de rŽgulation unique.
On peut nŽanmoins souligner leur prŽsence significative dans le mod•le organisationnel
quŽbŽcois et le fait que ces derniers contribuent de mani•re indŽniable ˆ lÕorganisation ainsi
quÕau rendement de lÕŽconomie quŽbŽcoise. Cette expansion a aussi nourri notre
questionnement face ˆ leur spŽcificitŽ en tant que lieu de regroupement dÕindividus
courant un risque potentiel dÕexclusion sociale.
Des variations importantes d'un ƒtat ˆ l'autre ou d'une rŽgion Žconomique ˆ l'autre
peuvent dÕailleurs •tre observŽes gr‰ce ˆ une combinaison des institutions qui
coordonnent les comportements d'acteurs Žconomiques. L'efficacitŽ relative de ces divers
mŽcanismes aura donc un effet tout aussi variable sur le fonctionnement de chaque
syst•me social. Chacun des mŽcanismes op•re effectivement en fonction dÕune logique
dÕaction bien spŽcifique, cÕest-ˆ-dire ˆ partir de ses propres r•gles et procŽdures en
assurant leur respect, ainsi quÕˆ partir de ses normes et idŽologies, lesquelles favorisent la
51
rŽduction des cožts associŽs ˆ leur mise en application. Boyer et Hollingsworth (1994)
prŽsentent dans le tableau ci-dessous ces mŽcanismes de coordination ainsi que les
logiques dÕaction rŽgularisant les rapports socioŽconomiques dans la plupart des sociŽtŽs
capitalistes.
Tableau 1aÊ: Modes de gouvernanceÊ: r•gles dÕŽchange et de conformitŽ
MŽcanismes
de
gouvernance
MarchŽs
Structure
organisationnelle
R•gles dÕŽchange
EntrŽes et sorties
libres
ƒchange au
comptant
volontaire
ƒchange bilatŽral
ou sur le marchŽ
(Wall Street)
CommunautŽs
RŽseaux
Appartenance
informelle
Žvolue sur une
longue pŽriode de
temps
AdhŽsion
(appartenance)
semi-formelle
ƒchange
volontaire basŽ
sur la solidaritŽ
sociale et un
degrŽ de
confiance ŽlevŽ
ƒchange
volontaire sur
une pŽriode de
temps
HiŽrarchies
R•glements
visant ˆ
maintenir un
marchŽ public
Obligations
imposŽes par des
normes sociales
et principes
moraux
Connaissance des
autres et
rŽciprocitŽ
Žventuelle
Liens
contractuels
DŽpendance par
rapport aux
ressources
ƒchange bilatŽral
ou multilatŽral
Associations
Moyens
individuels de
conformitŽ
Mise en
application
lŽgale du
contr™le
AdhŽsion
(appartenance)
formelle
RŽservŽes aux
membres
IntŽr•t personnel
ƒchange
multilatŽral
Opposition
initiŽs/Žtrangers
Effet de la
rŽputation
Organisations
RŽservŽes aux
RŽcompenses
Moyens
collectifs de
conformitŽ
Norme de
propriŽtŽ privŽe
LŽgitimitŽ du
marchŽ libre
Normes et r•gles
hautement
institutionnelles,
requiert des
membres une
acceptation des
obligations
ÇdÕentrepriseÊÈ
Relations
personnelles
Confiance b‰tit ˆ
lÕextŽrieur de la
sph•re
Žconomique
Certain degrŽ de
contrainte
Administration
partiellement
privŽe
R•gles
52
privŽes
ƒtat
(institutions)
complexes ayant
tendance ˆ
devenir
bureaucratiques
membres,
Žchange basŽ sur
le pouvoir
asymŽtrique,
r•gles
bureaucratiques
aux individus
hautement
institutionnalisŽes
Pouvoir
asymŽtrique,
menace de
sanctions
Socialisation des
membres ˆ la
culture
dÕentreprise,
utilisation de
sanctions
Coercition
HiŽrarchie
publique
Action
unilatŽrale
Sortie (Žvasion
fiscale,
migration)
AdhŽsion
(appartenance)
imposŽe et De
jure
ƒchange
politique et
Žconomique
indirect et global
Voix (vote,
pression
politique)
Normes ou r•gles
sociales
Boyer, Robert and Rogers Hollingsworth. 1997. ÇCoordination of Economic Actors and Social Systems of
Production ÊÈ in Contemporary CapitalismÊ: The Embeddedness of Institutions, Cambridge, Cambridge
University PressÊ: 15-16.
53
Tableau 1bÊ: Chaque mŽcanisme de coordination a ses dŽfaillances particuli•res
Types de dŽfaillance
Mise en application
Bien public et
externalitŽ
MŽcanismes de coordination
MarchŽs
CommunautŽs
RŽseaux
Requiert une autoritŽ Requiert la confiance Requiert une autoritŽ
externe de mise en
et la loyautŽ
de mise en
application
provenant souvent
application ˆ
de lÕextŽrieur
lÕinterne
(famille, religion,
groupe ethnique)
Facilite la collusion
ainsi que la
concurrence
imparfaite
Ne peut fournir de
biens collectifs ni
gŽrer les externalitŽs
Suivi inadŽquat des
changements
techniques et de
lÕinnovation
EfficacitŽ
Certaines relations
sociales ne peuvent
•tre gŽnŽrŽes par des
mŽcanismes de
marchŽ pur
ƒquitŽ
Facilite lÕinŽgalitŽ du
revenu et de la
richesse
Compatible avec
divers types de
concurrence
Peut faciliter le
monopole et la
formation de cartels
Peut intŽgrer certains
biens collectifs
(qualitŽ, formation)
mais pas dÕautres
(biens publics)
Utile pour rehausser
la qualitŽ et la
formation, mais peu
bŽnŽfique pour le
bien-•tre collectif
Membres
profondŽment
intŽgrŽs ˆ leur
communautŽ et
ayant une capacitŽ
dÕinnovation limitŽe
Certains biens ne
peuvent •tre livrŽs ˆ
des cožts
suffisamment bas
Faible pour
lÕapprovisionnement
de biens publics
Peut mener ˆ un
dŽveloppement
dŽsuet
Lent pour rehausser
lÕefficacitŽ et la
vitesse dÕadaptation
sauf dans les
industries o• la
technologie est
complexe et change
rapidement
Lorsque bien
dŽveloppŽs en
districts industriels,
ils peuvent faciliter
une plus grande
ŽgalitŽ et distribution
du revenu. Lorsque
faiblement
dŽveloppŽs, ils ont
tendance ˆ faire
augmenter lÕinŽgalitŽ
sociŽtale.
54
Types de dŽfaillance
Mise en application
Bien public et
externalitŽ
EfficacitŽ
ƒquitŽ
MŽcanismes de coordination
HiŽrarchies privŽes
ƒtat (institutions)
Requiert des
Pourrait encourager
mŽthodes de contr™le
les comportements
externes ˆ la
opportunistes
bureaucratie dÕƒtat
(juges, Parlement,
marchŽ) afin de
LÕidŽal des marchŽs
Ressemble au
corriger les abus de
internes pourrait
mŽcanisme de mise
nuire aux travailleurs lÕƒtat
en place de cartels
en place
Peur fournir des biens
Les cožts
Utile dans
publics mais peut
administratifs
lÕŽtablissement des
difficilement les
peuvent dŽpasser les
normes et de la
fournir en quantitŽs
qualitŽ ainsi que dans avantages de la
prŽcises
division interne du
lÕŽlaboration de
r•gles de compŽtition travail
dans lÕindustrie
Associations
DŽpend
habituellement de
lÕƒtat pour la mise
en application
Utile pour fournir
collectivement des
biens que des
membres individuels
ne pourraient se
procurer seuls
Facilite la
coopŽration et X efficacitŽ mais non
pas lÕefficacitŽ
attribuable
DÕŽtroites structures
associatives
englobantes m•nent
ˆ une inŽgalitŽ de
revenu
Lente rŽaction aux
changements
environnementaux
CoopŽration et X Ð
efficacitŽ dŽficiente
Multiplication
excessive des
contr™leurs
(frustration et
inŽquitŽ)
Pourrait chuter en
incitant le
changement
technique
Peut •tre hautement
fortement
bureaucratique et
peut difficilement
fournir des biens et
des bas prix
Pourrait accro”tre
lÕinŽgalitŽ (pouvoir
et privil•ge)
Boyer, Robert and Rogers Hollingsworth. 1997.ÊÇÊCoordination of Economic Actors and Social Systems
of ProductionÊÈ in Contemporary CapitalismÊ: The Embeddedness of Institutions, Cambridge, Cambridge
Press UniversityÊ: 19.
55
Une classification ˆ partir de laquelle le r™le que jouent les rŽseaux comme mod•les de
coordination sera examinŽe plus en dŽtail. Des modes de coordination illustrŽs dans le
tableau 2 ci-dessous, seulement quatre seront conservŽs (les institutions, les marchŽs, les
ressources communautaires et les rŽseaux) car le mŽcanisme de hiŽrarchies ainsi que le
mŽcanisme des associations sont ici pris comme des organisations formelles dont le r™le
est de coordonner les acteurs dŽjˆ engagŽs dans le m•me type dÕactivitŽs. Ils constituent
des formes multilatŽrales de rŽgulation qui nÕont quÕun impact tr•s restreint sur la
situation des jeunes ch™meurs au QuŽbec.
Tableau 2Ê: Modes de coordination ou de gouvernance
SourceÊ: Boyer, Robert and Rogers Hollingsworth. 1997.ÊÇÊCoordination of Economic Actors
and Social Systems of ProductionÊÈ in Contemporary CapitalismÊ: The Embeddedness of
Institutions, Cambridge, Cambridge Press UniversityÊ: 9.
56
Ë la lecture de ce tableau, on constate que les arrangements institutionnels se font ˆ partir
de la combinaison de deux dimensions, soient le motif d'action et la distribution du
pouvoir. Le mŽcanisme de ÇÊmarchŽÊÈ associe donc l'intŽr•t personnel et des modes
horizontaux de coordination afin d'assurer un Žquilibre entre ses fonctions d'offreur et de
demandeur. Il est Žgalement intŽressant de noter que plus la compŽtition sÕintensifie sur le
marchŽ, plus le besoin de codifier les r•gles est nŽcessaire afin d'assurer une coordination
efficace des transactions.
Des auteurs, dont Granovetter (1993), Geertz et Davies (1978), expliquent pourquoi
certaines communautŽs arrivent ˆ sÕorganiser de mani•re assez simple autour dÕobjectifs
communs et ˆ mobiliser leurs ressources efficacement, tandis que dÕautres se butent ˆ
dÕinsurmontables obstacles et ce, malgrŽ une apparente cohŽsion sociale. Ces derniers
auteurs
identifient
deux
obstacles
majeurs
au
dŽveloppement
de
stratŽgies
communautaires efficacesÊ: le manque de confiance et un niveau excessif de revendications.
Granovetter (1993) explique en effet quÕun manque dÕhomogŽnŽitŽ dans un groupe ou une
communautŽ peut entra”ner des malversations plus faciles ˆ cacher et ˆ exŽcuter. Dans ces
conditions, il est inŽvitable quÕun sentiment dÕinjustice et dÕinsatisfaction gŽnŽrale Žmerge
donnant lieu ˆ de nombreuses revendications. Ces deux conditions rŽunies, on assistera au
dŽchirement dÕune communautŽ plut™t quÕˆ sa solidification.
Pour illustrer cet Žtat de fait, Granovetter (1993) expose les cas de groupes de Chinois
expatriŽs en Asie du Sud-Est et dÕItaliens du secteur ouest de Boston, aux ƒtats-Unis.
LÕexemple de la communautŽ chinoise dÕoutre-mer dŽmontre comment surmonter
aisŽment ces deux difficultŽs. Cette communautŽ Žtant fort homog•ne, il Žtait ˆ toute fin
pratique impossible pour ses membres de penser ˆ frauder ou ˆ tricher. Les membres de
cette communautŽ se faisant crŽdit entre eux et mettant leur capital en commun, lÕautoritŽ
est dŽlŽguŽe sans crainte de fraude ou de non-respect des ententes, ce qui crŽe un climat de
57
confiance peu propice ˆ lÕexpression de revendications. De plus, la petite taille de cette
communautŽ dÕexpatriŽs limite dramatiquement les risques de soul•vements ou de
mouvements de revendications excessives et assure une cohŽsion sociale des plus fortes.
Ë lÕopposŽ, la communautŽ italienne de Boston ouest, lorsque menacŽe par un
phŽnom•ne de revitalisation urbaine qui lÕŽlimina ultimement, nÕŽtait m•me pas arrivŽe ˆ
mettre sur pied un comitŽ dÕaction pour organiser et planifier les luttes ˆ venir.
Granovetter (1993) explique lÕŽchec de la communautŽ italienne par la force des liens au
sein de ses rŽseaux internes. La communautŽ italienne Žtait vraisemblablement dŽjˆ
fragmentŽe en petites cliques hermŽtiques dont les membres nÕentretenaient aucun lien
avec les membres dÕautres sous-groupes. Il fut donc impossible dÕinstaurer un climat de
confiance, de faire taire les critiques et de construire ˆ temps des stratŽgies pour lutter
contre le dŽmant•lement du quartier et de la communautŽ.
En somme, pour Granovetter (1993), les mŽcanismes de couplage et dŽcouplage gŽnŽrant
des groupes tr•s homog•nes et dŽfinissant les fronti•res de la confiance et de lÕaffiliation
sociale devraient devenir les objets essentiels dÕune thŽorie des institutions Žconomiques.
Dans le cas qui nous occupe Ð et prenant ici une certaine distance par rapport aux thŽories
de Mark Granovetter (1985, 1993) stipulant que lÕexplication passe inŽvitablement de la
sph•re de lÕindividu isolŽ ˆ un cadre de rŽfŽrence plus large et plus social Ð il est important
de rappeler que cette question des liens et de lÕhomogŽnŽitŽ des relations au sein dÕune
communautŽ et dÕun rŽseau se retrouve intŽgrŽe dans une perspective horizontale. Or,
selon les observations faites au cours de cette Žtude, et comme le prŽsentent Boyer et
Hollingsworth (1996) au tableau 2, les communautŽs se situent de plain-pied dans lÕaxe
horizontal de distribution du pouvoir tandis que les rŽseaux se trouvent ˆ cheval sur les
deux axes. Ce mode ÇÊhorizontalisteÊÈ implique aussi un type de communication, de
gestion et dÕinteraction entre les membres tout ˆ fait dŽmocratique, ouvert et souvent
58
individualiste. En contrepartie, les critiques et revendications ne peuvent •tre contenues
ou ŽtouffŽes ˆ tout coup, ce qui peut avoir pour effet de dŽstabiliser plus ou moins
souvent ces communautŽs et de fragiliser leur sentiment de cohŽsion sociale.
Contrairement aux autres mŽcanismes, les rŽseaux mŽlangent les notions d'intŽr•t
personnel et d'obligation sociale, et ce m•me dans les cas o• ces derniers sont constituŽs
de relations inŽgales quant ˆ la division des pouvoirs et initiatives (Boyer et
Hollingsworth, 1996Ê: 10). Les rŽseaux peuvent prendre la forme de regroupements de
compagnies, d'ƒtats ou d'associations. Les rŽseaux se dŽveloppent souvent plus aisŽment
sur une base rŽgionale que nationale ou internationale. Certaines rŽgions se sont d'ailleurs
structurŽes en fonction de leurs rŽseaux corporatistes, de solidaritŽ, etc., pouvant m•me se
transformer en instance officielle. Ce sont toutefois les rŽseaux de solidaritŽ informels qui
retiennent lÕintŽr•t dans le cadre de cette recherche, cÕest-ˆ-dire une organisation non
rŽpertoriŽe, classŽe ou reconnue par une structure institutionnelle, formŽe par un certain
nombre dÕindividus qui sont en relation directe ou indirecte les uns avec les autres, et
servant de voie de communication ou de soutien dans leur recherche dÕemploi.
Ë cet effet, il faut ajouter que les marchŽs, les rŽseaux, les ressources communautaires et
les institutions
ont
des
habiletŽs inŽgales pour
gŽrer
les
phŽnom•nes
de
transnationalisation et de rŽgionalisation (ibid., 1994Ê: 37). Ce sont les rŽseaux qui,
historiquement, ont coordonnŽ le plus efficacement ces mouvements, gr‰ce ˆ leur capacitŽ
ˆ s'opŽrationnaliser simultanŽment sur le marchŽ local et le marchŽ mondial.
Tout chose Žtant Žgale, plus forts sont les liens sociaux entre les acteurs Žconomiques du
marchŽ, plus la compŽtition sera ÇÊencadrŽeÊÈ. Le niveau de confiance entre les acteurs
variera donc en fonction des liens sociaux qui unissent plus ou moins fortement ces
derniers (Granovetter, 1985; Streeck et Schmitter, 1985). Les comportements individuels
des acteurs ne sont donc pas Žtrangers aux choix des mŽcanismes. Puisque certains d'entre
59
eux se retrouvent ˆ la fois au niveau supŽrieur et infŽrieur de la typologie, ce sont donc les
comportements individuels qui influenceront le degrŽ d'engagement des acteurs dans le
marchŽ, les associations ou les rŽseaux, ou leur choix de mode d'acc•s ˆ l'emploi.
Pour Streeck (1994Ê: 202), malgrŽ le fait quÕun fort niveau de confiance arrive
indŽniablement ˆ accro”tre la performance des marchŽs et des hiŽrarchies, il est illusoire de
penser que la confiance peut •tre promue et largement Žtendue sur la seule base
dÕarguments Žconomiques. La confiance se fonde effectivement sur la croyance que
ÇÊlÕautreÊÈ continuera ˆ adhŽrer aux r•gles de rŽciprocitŽ et de justice en toutes
circonstances, m•me celles o• il serait plus avantageux de se retirer. LÕargument qui selon
lui dŽmontre la faiblesse de ce postulat rŽside essentiellement dans le fait que m•me dans
les cas o•, en apparence, la relation de confiance entre partenaires nÕa pas ŽtŽ rompue,
cette derni•re transaction pourrait tr•s bien avoir ŽtŽ motivŽe par lÕintŽr•t personnel et
non la loyautŽ envers son partenaire. CÕest ˆ dire que, de toute fa•on, les partenaires
nÕavaient pas intŽr•t ˆ briser cette relation et que la transaction leur Žtait plus profitable
en maintenant ce lien privilŽgiŽ.
2.2.2.1 La thŽorie des liens et la recherche d'emploi
En abordant la question de la confiance et de la force des liens sociaux comme ŽlŽment
central des modes de coordination, il est une thŽorie dont on ne peut faire lÕŽconomie
dÕune explicationÊ: celle de la force des liens faibles au sein des rŽseaux. La plupart des
th•ses sur la thŽorie des liens trouvent leur origine dans les travaux de Granovetter (1973)
et Žtablissent simultanŽment les fondements thŽoriques de modes de rŽgulation informels
comme les rŽseaux. Tel que mentionnŽ prŽcŽdemment, les relations sociales sont les voies
par lesquelles circule l'information. Aussi, plus le rŽseau d'une personne est diversifiŽ,
plus l'information dont elle peut disposer est riche. Plus le rŽseau d'une personne est
grand, plus il a de chances d'•tre diversifiŽ. La taille du rŽseau est donc un autre indicateur
60
de sa richesse potentielle. Par ailleurs, nous savons que la taille du rŽseau de quelqu'un
augmente avec le niveau d'instruction de cette personne (Fischer, 1982; HŽran, 1988 dans
Degenne et collaborateurs, 1991Ê: 76). Il devient ainsi possible de classer les liens
interpersonnels en liens forts et liens faibles selon la frŽquence des contacts, l'intensitŽ
Žmotionnelle, l'importance des services rendus et le degrŽ d'intimitŽ des Žchanges
(confidences). BasŽe sur un article de Mark S. Granovetter The Strength of Weak Ties
(1973, 1982), la mesure de ces concepts est maintenant devenue incontournable dans la
presque totalitŽ des recherches sur cette problŽmatique.
Des liens forts et des liens faibles sont donc prŽsents dans la plupart des rŽseaux. Afin de
pouvoir qualifier ces relations, Granovetter (1973, 1982) classe les liens interpersonnels
en fonction de leur force. La force ou la faiblesse d'une relation s'Žvaluent ˆ partir de la
durŽe de la relation, de l'intensitŽ Žmotionnelle, de l'intimitŽ et finalement, des services
rŽciproques que se rendent les individus (1973Ê: 1361). Des liens forts prendront, par
exemple, la forme de relations familiales ou de grandes amitiŽs, tandis que des liens faibles
se concrŽtiseront souvent ˆ travers des relations entre anciens coll•gues d'Žcole ou de
travail. Plus le rŽseau d'un individu est composŽ de gens avec lesquels il entretient des
liens forts et plus ce rŽseau a de chances de constituer un milieu clos. Les liens faibles sont
ceux qui peuvent jeter des ponts entre ces milieux. C'est ˆ travers eux que circulent les
informations et que des individus appartenant ˆ des rŽseaux diffŽrents peuvent entrer en
contact. L'enqu•te de Granovetter (1973) dŽmontre que ceux qui obtiennent les meilleurs
emplois sont ceux qui utilisent des contacts professionnels plut™t que des liens familiaux
ou d'amitiŽ, plut™t des liens faibles que des liens forts et des cha”nes de relations courtes
(voir thŽorie des graphes, Lemieux, 1972).
Les rŽsultats obtenus par Granovetter (1993) dans le cadre de ses travaux portant sur la
recherche d'emploi et l'organisation communautaire dans la rŽgion de Boston dŽmontrent
que l'efficacitŽ des liens forts varie considŽrablement par rapport ˆ celle des liens faibles.
61
La logique de l'argument repose essentiellement sur l'hypoth•se que plus la relation entre
deux individus est forte, plus grande sera la possibilitŽ que ces individus connaissent les
m•mes personnes. Aussi, les liens faibles augmentent les chances d'un individu de trouver
dans son rŽseau des personnes aux intŽr•ts et aux connaissances multiples pouvant lui
venir en aide en cas de besoin. En somme, les liens faibles qu'entretiennent les individus
avec leur rŽseau personnel leur permettent d'obtenir des emplois plus satisfaisants que
lorsqu'il s'agit de liens forts.
L'enqu•te ÇÊJeunesÊÈ de 1986, complŽmentaire ˆ l'enqu•te annuelle sur l'emploi de l'INSEE
(France), contient Žgalement des informations originales sur les moyens gr‰ce auxquels les
jeunes actifs de 16 ˆ 26 ans ont obtenu leur premier emploi et l'emploi qu'ils occupent
actuellement. LÕenqu•te rŽv•le notamment ˆ propos de ces jeunes manquant terriblement
de qualifications, que la famille et les relations personnelles (liens forts) ont permis ˆ la
moitiŽ d'entre eux de dŽcrocher leur premier emploi. Le r™le de la famille s'amenuise
toutefois nettement lorsque les jeunes quittent leur premier emploi, ce qui n'est pas le cas
des relations personnelles dont le nombre reste stable. Cela confirme donc que les liens
familiaux sont le plus souvent structurŽs en un rŽseau de relations ÇÊpolyvalentesÊÈ, fermŽ
sur lui-m•me, c'est-ˆ-dire peu susceptible de jeter des ponts vers d'autres cercles sociaux.
Granovetter (1973, 1982) souligne que cette propriŽtŽ est effectivement plus frŽquente
lorsque les liens sont faibles et que leur efficacitŽ est supŽrieure par rapport ˆ l'obtention
d'un emploi de qualitŽ.
Une dŽmonstration de la thŽorie des liens faibles pourrait prendre la forme suivante. Dans
une triade composŽe de A, B et C, on trouve les duos A et B ainsi que A et C, tous deux
unis par des liens forts. Dans un tel cas, il y a de fortes chances pour que B et C se
connaissent. Puisque A et B ainsi que A et C passent beaucoup de temps ensemble et
partagent une foule d'activitŽs, il y a donc de fortes chances que B et C se rencontrent en
compagnie de A. Une fois qu'ils ont ŽtŽ mis en prŽsence et se reconna”tront un ami
62
commun, il est fort probable qu'ils nouent une relation entre eux. De plus, et tel
quÕexpliquŽ dans la sous-section portant sur les principaux types de regroupements, deux
individus entre lesquels il existe un lien fort ont tendance ˆ se ressembler, c'est-ˆ-dire ˆ
avoir les m•mes habitudes et les m•mes gožts. En consŽquence, si B et C ressemblent ˆ A,
ils tendront ˆ avoir Žgalement des points communs avec A, ce qui est un facteur favorable
ˆ l'apparition d'un lien fort. Enfin si B est liŽ fortement ˆ A et n'est pas liŽ fortement ˆ C
alors que A et C sont unis par un lien fort, cela induit une dissonance qui conduira B et C
ˆ rendre le syst•me cohŽrent et donc ˆ se rapprocher. Inversement, si A est liŽ fortement ˆ
B mais faiblement ˆ C, il y a peu de chances que B et C se rencontrent. S'ils se
rencontrent, ils partageront peu de points communs et rien ne les conduira
particuli•rement ˆ se rapprocher. Le lien entre B et C pourra demeurer absent ou de faible
intensitŽ.
Puisque les liens forts crŽent gŽnŽralement des zones de communication fermŽes, ce sont
les liens faibles, que Granovetter (1973) appelle les ponts (bridges), qui relieront les
groupes et feront passer l'information entre eux, d'o• l'importance des liens faibles pour
faire circuler l'information entre les cercles fermŽs. Aussi, une information circulant par
des liens forts ne sera probablement connue que par un petit cercle de personnes
qu'unissent ces liens. Granovetter (1973), pour toutes ces raisons, croit qu'un individu ˆ la
recherche d'un nouvel emploi ou d'hŽbergement aura plus de succ•s en sollicitant l'aide des
membres de son rŽseau personnel, avec qui il entretient des liens faibles, car ceux-ci lui
permettront de sortir de son milieu et dÕavoir ainsi acc•s aux ressources de plusieurs
autres milieux.
De plus, les liens faibles sont des facteurs importants de mobilitŽ sociale et jouent un r™le
tout aussi important d'agents de cohŽsion sociale (Granovetter, 1973Ê: 1373). Lorsqu'un
individu change d'emploi, il ne fait pas que passer d'un rŽseau social ˆ un autre, il crŽe
Žgalement un pont entre ces deux rŽseaux. Par la suite, les informations et les idŽes
63
innovatrices circuleront plus facilement et de nouvelles relations pourront •tre Žtablies
lorsque ces deux rŽseaux auront l'opportunitŽ de se retrouver lors d'un ŽvŽnement, une
convention nationale ou internationale par exemple. D'ailleurs, l'organisation de telles
rencontres se justifie, ˆ son avis, par le seul fait qu'elles permettent le maintien et la
crŽation de liens faibles.
Les contacts familiaux, ou rŽseaux de liens forts, procurent gŽnŽralement de l'information
sur des emplois proches de celui qui transmet l'information, bien plus qu'ils ne mettent
l'individu en contact direct avec la personne qui contr™le l'acc•s ˆ l'emploi. En poussant
plus loin cette logique, force est de constater que lorsqu'un individu mobilise ses liens
forts, les personnes sollicitŽes se sentent contraintes ˆ proposer une solution, m•me si
elles ne sont pas en position de proposer quelque chose d'optimum pour le demandeur.
Les meilleurs emplois ne sont donc gŽnŽralement pas obtenus par cette mŽthode. Par
contre, puisque ces personnes Žvoluent dans divers milieux, les liens forts entra”nent plus
souvent des changements de situation plus profonds que les liens faibles.
Depuis l'Žlaboration de ces hypoth•ses, plusieurs autres Žtudes ont ŽtŽ conduites sur la
problŽmatique de l'acc•s ˆ l'emploi (Delany, 1988; Langlois, 1977; Nan Lin, 1982; etc.) et
donnent toutes des rŽsultats convergents. Degenne et ForsŽ (1994Ê: 130) rŽsument en trois
points ces constats.
1. Plus un individu a la capacitŽ de solliciter l'aide de personne de statut social ŽlevŽ, plus
il a de chances d'obtenir un rŽsultat positif.
2. ƒtant donnŽ deux personnes de statut social comparable, si l'une utilise des liens
faibles et l'autre des liens forts, celle ayant utilisŽ des liens faibles se donne de
meilleures chances de succ•s.
3. Pour un individu de statut social ŽlevŽ, il n'y a pas de rapport entre la nature du lien et
le rŽsultat obtenu, les liens forts peuvent donner des rŽsultats aussi intŽressants que
les liens faibles. Par contre, les personnes de statut social dŽfavorisŽ et les jeunes
64
devraient obtenir de meilleurs rŽsultats en ayant recours ˆ des personnes avec qui elles
entretiennent des liens faibles plut™t que des liens forts.
Pour conclure cette question, Epstein (1969) souligne qu'un rŽseau personnel peut •tre
divisŽ en plusieurs sous-groupes dont la force des liens varie et qu'il devient alors
nŽcessaire de lÕŽtudier par sous-groupes. MalgrŽ cette difficultŽ additionnelle, la thŽorie
des liens faibles demeure un outil majeur dans l'analyse des relations sociales. Elle procure
un ancrage sur lequel se fixer et permet enfin de transposer sur une plus grande Žchelle les
interactions observŽes entre les individus au sein de rŽseaux.
En somme, et pour conclure cette prŽsentation des principaux mod•les de rŽgulation, le
choix des mŽcanismes individuels de rŽgulation se fait ˆ partir du contexte dans lequel ils
sont encastrŽs. Les formes collectives de gouvernance varieront ˆ leur tour en fonction de
la nature de cet encastrement.
Il appert que les facteurs pouvant expliquer le passage par les diffŽrents modes d'acc•s ˆ
l'emploi ne rŽpondent pas ˆ un m•me fondement thŽorique et opposent globalement un
mode de rŽgulation marchand, caractŽrisŽ par (1) des niveaux de qualification plut™t ŽlevŽs
et des emplois tertiaires, (2) une intermŽdiation institutionnelle, par laquelle passe des
emplois plus souvent ˆ temps partiel et des individus moins qualifiŽs et parfois liŽe ˆ des
mesures ÇÊjeunesÊÈ, et (3) un mode organisationnel composŽ de rŽseaux et de stages et o•
la mŽthode semble moins rigide que celle du second mode (Giret et collaborateurs, op.
cit.Ê: 25).
Le rŽseau en tant que mode de rŽgulation et ÇÊdÕintermŽdiarisationÊÈ constituera donc le
fondement sur lequel reposera lÕensemble de cette Žtude puisque, tel que dŽcrit
prŽcŽdemment, il organise les relations sociales ainsi que lÕinformation circulant dans une
sociŽtŽ par rapport ˆ lÕacc•s ˆ lÕemploi.
65
2.2.2.2 La valeur Žconomique de l'informelÊ: place et r™le des rŽseaux sociaux dans
le marchŽ
Le rŽseau social occupe une place tout ˆ fait particuli•re dans l'organisation sociale et
Žconomique de nos sociŽtŽs capitalistes modernes. D'un point de vue thŽorique, Boyer et
Hollingsworth positionnent les marchŽs parmi les multiples possibilitŽs qui font en fait
partie d'une combinaison de mŽcanismes de coordination avec les rŽseaux sociaux, les
ressources communautaires, les institutions et le marchŽ (voir Campbell, Hollingsworth et
Lindberd, 1991; Hollingsworth, Schmitter et Streeck, 1994). Le r™le des composantes du
marchŽ y est fondamental puisque les observations de nombreux auteurs permettent
d'affirmer qu'ˆ long terme, et au fur et ˆ mesure que la mentalitŽ de marchŽ se dŽveloppe
dans une sociŽtŽ donnŽe, le niveau de solidaritŽ unissant les membres dŽcro”t. Au cours de
la derni•re dŽcennie, une forte croyance sÕest dÕailleurs dŽveloppŽe dans plusieurs pays ˆ
lÕeffet que le marchŽ constitue le mode de rŽgulation le plus efficace pour coordonner
lÕactivitŽ Žconomique. Cette croyance accuse du m•me souffle les ƒtats ainsi que toute
autre forme dÕactivitŽ collective de nuire au dŽveloppement socioŽconomique plus quÕils
ne le stimulent. LÕidŽologie de marchŽ conna”t aussi un retour tr•s marquŽ au sein des
institutions responsables de lÕŽlaboration des politiques Žconomiques.
Parall•lement, la thŽorie de Granovetter sur la problŽmatique de ÇÊl'encastrementÊÈ
(embeddedness, 1985; 1992) pose la logique prŽcapitaliste comme ŽlŽment essentiel de
l'existence des marchŽs et du capitalisme en soi. Dans ce cadre, le concept dÕencastrement
se base sur lÕargument que les comportements ainsi que les institutions sont si sŽv•rement
contraints par les relations sociales courantes que de tenter de les dŽlier et les diviser serait
une grave erreur de comprŽhension. Trois visions principales de cette problŽmatique
peuvent •tre cernŽes. Une premi•re, partagŽe par lÕensemble des sociologues et
politologues dont Karl Polanyi (1957, 1990), pose les sociŽtŽs prŽmarchandes comme
66
fortement encastrŽes dans leurs relations sociales, en raison dÕune interrelation constante
entre les sph•res Žconomiques et sociales. Une seconde, ŽlaborŽe par quelques
Žconomistes, endosse lÕidŽe que lÕencastrement ayant marquŽ les sociŽtŽs prŽmarchandes
se soit effritŽ avec la modernisation Žconomique et institutionnelle. Pourtant, ces
Žconomistes croient que les niveaux dÕencastrement des relations sociales ne sont pas
significativement plus fort dans lÕŽconomie moderne de marchŽ actuelle. Ces
comportements sÕexpliqueraient davantage par le rŽsultat dÕune poursuite dÕintŽr•ts
personnels de la part dÕindividus indŽpendants et rationnels. Granovetter (1992) pose
enfin une troisi•me explication, rejetant du m•me coup lÕensemble des thŽories
prŽcŽdentes. Ë son avis, les niveaux dÕencastrement des comportements Žconomiques
sont infŽrieurs dans les sociŽtŽs non marchandes, et ces niveaux auraient tr•s peu fluctuŽ
lors de la phase de modernisation du 20e si•cle. Toujours selon Granovetter (1992), le
niveau dÕencastrement aurait par contre toujours ŽtŽ plus ŽlevŽ que les analyses des
Žconomistes ne lÕont laissŽ entendre.
Quoique la confiance, la rŽciprocitŽ et les stratŽgies ˆ long terme soient des prŽ-requis
d'une Žconomie capitaliste, cette derni•re a tout de m•me besoin des rŽseaux informels, des
services communautaires et des associations diverses pour exister. Ces relations sociales
de longue durŽe et autres crit•res ne peuvent toutefois se rŽaliser qu'au sein de familles, de
structures communautaires et de clans (North, 1991; Polanyi, 1957; Polanyi-Levitt, 1990
dans Boyer et Hollingsworth, 1994). Granovetter (1992) et Polanyi (1957) partagent en
effet la vision que lÕƒtat, les associations ainsi que les groupes communautaires occupent
une place centrale dans lÕactivitŽ Žconomique moderne gr‰ce ˆ la sph•re politique qui
permet la transformation et/ou recomposition de formes institutionnelles. En somme,
lÕinstitutionnalisation de lÕordre socioŽconomique comprend inŽvitablement une
composante politique et culturelle, et la construction dÕinstitutions Žconomiques viables
dŽpend de leur forte dŽpendance envers des valeurs, des normes ainsi que des institutions
sociales ˆ caract•re traditionnel. Cette derni•re vision nous ram•ne aussi au concept
67
dÕencastrement
des
institutions
capitalistes
comme prŽ-requis
du
changement
institutionnel.
Selon Streeck (1996Ê: 199), pour qui une Žconomie ne peut se dŽvelopper quÕen prŽsence
dÕun fort niveau dÕencastrement dans une sociŽtŽ saine et bien intŽgrŽe, cette sociŽtŽ doit
par contre •tre aussi en mesure dÕy imposer des contraintes normatives, ou obligations
sociales, venant rŽgulariser la poursuite dÕintŽr•ts particuliers. Allant au-delˆ de la thŽorie
de Granovetter (1985) sur lÕencastrement, Streeck pose la th•se que lÕutilitŽ des structures
sociales dŽpasse nettement celle de ÇÊlubrifiantÊÈ assurant une conduite efficace des
transactions Žconomiques dans une sociŽtŽ. Pour Streeck, la contribution fondamentale
dÕune sociŽtŽ est de pouvoir imposer des limites ˆ lÕaction Žconomique et dont la
performance de cette action est ainsi dŽpendante dÕun certain niveau de cohŽsion sociale.
Ce type d'argumentation conduit Žventuellement ˆ la question du maintien de la cohŽsion
sociale lorsque le marchŽ commence ˆ dominer des relations sociales dans des secteurs liŽs
ˆ la terre, au travail ou ˆ l'argent par exemple. De m•me pour les mŽthodes de recherche
dÕemploi, les mŽcanismes de rŽgulation se situant dans lÕaxe obligationnel des motivations
(voir Tableau 2) assurent un contrepoids nŽcessaire ˆ lÕŽquilibre social.
Tel que mentionnŽ prŽcŽdemment, Granovetter (1985Ê: 491) dŽfend l'analyse que les
relations sociales, plut™t que les organisations institutionnelles ou une forme de moralitŽ,
sont responsables de l'existence ou de l'absence du sentiment de confiance gŽnŽralisŽ,
nŽcessaire ˆ une vie Žconomique saine. Les brusques prises de pouvoir (take over) dans le
monde des affaires ou institutionnel en sont de bons exemples et, de par sa simple
existence, la confiance engendrŽe par les relations personnelles vient augmenter les
occasions de mŽfaits. Suivant le dicton qui veut que ÇÊl'on ne blesse que les gens qu'on
aimeÊÈ, Granovetter (1985) stipule donc que la confiance entretenue par un individu face ˆ
un membre de son rŽseau personnel sera beaucoup plus fragile que dans le cas d'un
68
Žtranger. Plus fort est le sentiment de confiance, plus grand sera le potentiel de mŽfaits et
de trahisons. Ces tromperies et mensonges seront plus efficaces s'ils sont planifiŽs et
exŽcutŽs en Žquipe, ce qui exige Žgalement un niveau de confiance interne. Aussi, l'ampleur
du dŽsordre provoquŽ par ces actions dŽpendra largement de la structure du rŽseau de
relations sociales.
2.3
La socialitŽÊ: dŽfinitions et principes
La socialitŽ, fondement de l'analyse structurale, se compose de deux membres
interdŽpendants et nŽcessaires ˆ la vie en sociŽtŽÊ: la sociabilisation et la sociŽtation.
Exposant la thŽorie de Paul Mus (1958), Vincent Lemieux (1982Ê: 13) dŽfinit le sociŽtal
par tout ce qui concerne la construction d'une sociŽtŽ Ñ la sociŽtŽ de haut en bas. Le
sociable reprŽsente ainsi la sociŽtŽ de bas en haut qui demeure au niveau des voisinages,
des acceptations rŽciproques, etc.
Dans nos sociŽtŽs contemporaines occidentales, la socialitŽ prend gŽnŽralement la forme
d'institutions et de rŽseaux. La sociabilisation s'op•re ˆ travers des rŽseaux qui reposent
sur des liens de statut o• la personnalisation est grande. Dans ce cas, c'est la relation qui
importe avant tout. La sociŽtation prend plut™t la forme d'institutions et autres
organisations (associations) s'introduisant passivement (parent, ami, employŽ, etc.) ou
activement (ƒtat, minist•res, etc.) dans la sociabilisation.
69
2.3.1
RŽseaux, institutions et associations
Il existe plusieurs dŽfinitions des concepts de rŽseaux et d'institutions, que Lemieux et
Flament qualifient aussi dÕappareils. Ne faisant point rŽfŽrence aux diffŽrentes tendances
idŽologiques et organisationnelles ˆ teneur parfois antidŽmocratique qui caractŽrisent
habituellement les appareils (comme cÕest le cas des partis politiques ou des syndicats par
exemple), nous faisons plut™t le choix dÕutiliser le terme institution dans le cadre de cette
Žtude. Toujours selon Lemieux et Flament, ces deux notions se distinguent gŽnŽralement
de la mani•re suivanteÊ: un rŽseau se caractŽrise par la redondance de ses connexions
(connexitŽ forte5 ) et repose sur des liens de sociabilitŽ, tandis quÕune institution est une
organisation en connexions (connexitŽ quasi forte ou hiŽrarchique), o• dominent les liens
sociŽtaux. Une socialitŽ est liŽe aux positions des acteurs o• les relations sont finalisŽes
(Lemieux, 1982Ê: 18).
Contrairement aux institutions, les rŽseaux n'ont pas de fronti•res prŽcises. On ne sait
jamais trop bien o• commence et o• finit un rŽseau (Barnes, 1979). Ainsi, la grandeur d'un
rŽseau variera considŽrablement si la compilation se fait ˆ partir du nombre de contacts
hebdomadaires qu'un individu entretient avec sa famille ou de contacts moins frŽquents
comme lors d'un mariage, par exemple. De plus, la spŽcialisation des acteurs est
normalement moins grande dans un rŽseau que dans une institution car les acteurs d'un
rŽseau sont souvent appelŽs ˆ jouer plusieurs r™les et ˆ accomplir une plus grande
6
diversitŽ de t‰ches .
Les connexions dans un rŽseau se font plus ou moins au hasard ce qui entra”ne un fort
degrŽ de redondance, alors que dans les institutions, elles sont gŽnŽralement organisŽes de
5
ConnexitŽÊ: propriŽtŽ des graphes dans la considŽration de leurs chemins. Voir la ThŽorie des graphesÊ:
chapitre 3.
6
Il est important de noter que cette distinction caractŽrise de fa•on gŽnŽrale le concept de rŽseau. Il est
toutefois possible de rencontrer des rŽseaux tr•s hiŽrarchisŽs.
70
fa•on plus Žconomique, ou avec un moins grand degrŽ de redondance. Par exemple, dans
un rŽseau de collectionneurs, A peut tr•s bien conna”tre et frŽquenter C et D ˆ l'extŽrieur
du rŽseau, tandis que B ne conna”tra que D. Ces chevauchements seront ŽvitŽs dans une
institution, car A ne communiquera ses consignes qu'ˆ B et C qui assureront ensuite le
relais aupr•s de D, E et F.
Lemieux, dans sa prŽsentation de la thŽorie des graphes, souligne l'importance de la
coordination qui se fait par la rŽgulation au sein des institutions. C'est la nature d'une telle
organisation qui l'am•ne ˆ vouloir rŽguler ses membres. Les responsables institutionnels
exercent donc leur autoritŽ ˆ partir de r•gles spŽcifiques prŽvues ˆ cet effet.
L'autorŽgulation des activitŽs d'un rŽseau diff•re radicalement de cette derni•re forme de
contr™le, mais cet aspect sera discutŽ plus longuement dans une prochaine section sur les
mod•les de dŽcisions collectives s'appliquant aux rŽseaux.
Apr•s consultation des principaux ouvrages traitant de cette question, le cas des
associations peut •tre rŽsumŽ simplement. La grande majoritŽ des auteurs classent les
associations dans la catŽgorie des institutions. MalgrŽ le fait qu'on y retrouve des
individus polyfonctionnels, les relations y sont gŽnŽralement marquŽes par une forte
7
connexitŽ , des fronti•res prŽcises et une spŽcialisation des acteurs. La classification de
cette forme de socialitŽ nŽcessite tout de m•me une certaine prudence puisqu'elle doit
ultimement •tre jugŽe en fonction de la formalitŽ ou de l'informalitŽ de sa structure et de
ses opŽrations.
7
ConnexitŽÊ: lorsqu'un Žchange, basŽ sur une relation, est affectŽ par les Žchanges qui s'effectuent gr‰ce aux
autres relations (Degenne et ForsŽ, 1994Ê: 165).
71
2.3.2
Les rŽseaux et leurs formes de sociabilitŽ
Face aux limites reconnues des modes institutionnels et privŽs dÕacc•s ˆ lÕemploi et ˆ
lÕŽmergence de nouvelles pratiques, plus informelles, plus adaptables au contexte
socioŽconomique et encore peu explorŽes, cette section se limitera strictement ˆ la
problŽmatique de la mŽthodologie des rŽseaux. LÕaccent sera dŽsormais mis sur les
multiples formes que prennent ces cercles sociaux. Les rŽseaux se caractŽrisent
gŽnŽralement de quatre fa•onsÊ: les rŽseaux personnels et sociaux ainsi que les rŽseaux
formels et informels. Il est certainement utile de rappeler que le concept de rŽseau dŽsigne
un syst•me social fortement connexe, qui nÕa gŽnŽralement pas de fronti•res prŽcises et
dont les acteurs ne jouent pas des r™les spŽcialisŽs (Lemieux, 1982Ê: 118).
2.3.2.1
Personnels et sociaux
Le cas des rŽseaux personnels est relativement simple. Ce sont des rŽseaux formŽs autour
d'un acteur individuel, l'Ego, qu'on privilŽgie au dŽpart dans l'analyse. Les Žtudes portant
sur ce type de rŽseaux cherchent habituellement ˆ mesurer l'Žtendue d'un rŽseau personnel
ˆ partir d'un Žchantillon reprŽsentatif d'individus que l'on interroge chacun sur leurs
relations. L'ensemble des connaissances pour un type de relations fixŽ (temps, lieu, etc.)
citŽes par l'Ego, sera appelŽ l'Žtoile.
La zone reprŽsentera le rŽseau personnel qui comporte aussi des connexions entre les
acteurs reliŽs directement ou indirectement ˆ l'Ego (Barnes, 1972). Enfin, un groupe dans
lequel chacun des individus est en relation avec les autres sera appelŽ une clique. Ë partir
des donnŽes recueillies, il est ensuite possible de dŽgager une sŽrie de statistiques sur le
8
volume, la frŽquence, la multiplexitŽ et la densitŽ des relations au sein des rŽseaux. On
pourra ensuite transposer ces rŽsultats ˆ l'ensemble de la sociŽtŽ.
72
Quoique imparfaits pour circonscrire la nature spŽcifique des relations, ces concepts de
volume, frŽquence, multiplexitŽ et densitŽ sÕav•rent nŽanmoins fort utiles dans le
dŽcoupage des nombreuses dimensions des relations intra-rŽseau. Ils seront dÕailleurs
repris lors de lÕidentification des indicateurs de recherche et intŽgrŽs ˆ plusieurs questions
posŽes lors des entrevues.
De mani•re gŽnŽrale, ce type de donnŽes demeurent en effet trop brutes pour obtenir une
fine analyse d'un rŽseau. D'ailleurs Degenne et ForsŽ insistent sur le fait qu'une bonne
analyse structurale doit •tre rŽalisŽe ˆ partir d'un rŽseau complet, car disent-ilsÊ: ce qui est
gagnŽ statistiquement est perdu structuralement (1994Ê: 30).
La reconstitution d'un rŽseau complet pose toutefois des difficultŽs quasi insurmontables
dans plusieurs cas. Elle ne peut •tre envisagŽe que lorsque le chercheur dŽsire Žtudier les
mŽcanismes structuraux existant dans de petites populations. De plus, ces rŽsultats ne
seront jamais reprŽsentatifs ˆ l'Žchelle de la sociŽtŽ de masse (Degenne & ForsŽ, 1994Ê:
30). MorŽno (1943) et Parlebas (1992) ont eu recours ˆ cette technique dans leurs travaux
portant sur des rŽseaux personnels et sociaux et, dans le cas prŽsent, l'analyse d'un rŽseau
complet constituŽ de jeunes ch™meurs serait tout ˆ fait improbable et inutile.
Le rŽseau social, concept distinct du rŽseau complet, rŽf•re ˆ un rŽseau comprenant
plusieurs acteurs dont aucun n'est privilŽgiŽ au dŽpart dans l'analyse (Lemieux, 1992Ê:
118). Les mouvements d'un rŽseau personnel vont de l'individuel au collectif,
contrairement ˆ ceux d'un rŽseau social circulant du collectif vers l'individuel. Aussi,
l'analyse de rŽseaux sociaux prend tout son sens et son utilitŽ dans le cadre de recherches
portant sur l'ensemble des membres d'un rŽseau et sur leurs connexions mutuelles dans un
contexte o• tous sont fortement ou faiblement impliquŽs.
8
De l'anglais Multiplexity. La notion de multiplexitŽ suppose que l'on explore plusieurs types de relations
simultanŽment. (Degenne & ForsŽ, 1994Ê: 59).
73
En somme, loin d'•tre mutuellement exclusives, les trois approches se compl•tent tout ˆ
fait de par la nature des informations qu'elles dŽvoilent. L'analyse des rŽseaux personnels
et sociaux est nŽcessaire ˆ la sociographie d'une sociŽtŽ de masse et celle des rŽseaux
complets, ˆ une sociologie structurale. Puisque les rŽseaux ne poss•dent pas de fronti•res
naturelles, tout chercheur doit procŽder avant son enqu•te, au dŽcoupage des relations
qu'il veut Žtudier ainsi qu'ˆ la dŽlimitation de son Žchantillon. Dans le cas de cette Žtude
sur les rŽseaux de jeunes ch™meurs, il sera aussi appropriŽ de configurer notre objet de
recherche en termes de ÇÊrŽseau socialÊÈ et de ÇÊrŽseau completÊÈ.
2.3.2.2 Formels et informels
La composante informelle du rŽseau de solidaritŽ est une autre spŽcificitŽ permettant de
circonscrire la nature de notre objet de recherche et dÕidentifier lÕorigine de certains
avantages et de certaines limites que comportent ce mode dÕintŽgration ˆ lÕemploi.
Le caract•re informel d'une organisation est souvent dŽsignŽ par des qualificatifs tels que
non structurŽ, non dŽclarŽ, dissimulŽ, submergŽ, clandestin, parall•le, marginal, invisible,
secondaire, irrŽgulier, souterrain, etc. La distinction entre un rŽseau formel et un rŽseau
informel est bien souvent difficile ˆ faire. Dans le prŽsent contexte, l'informel dŽcrit l'Žtat
d'une organisation, d'une rencontre ou d'un document qui ne peut •tre rŽpertoriŽ, classŽ ou
reconnu par une structure institutionnelle et donc, sans caract•re officiel. NŽanmoins, les
fronti•res restent imprŽcises. Dans le cas dÕun rŽseau d'amis mettant sur pied une
association leur permettant de dŽvelopper un de leurs intŽr•ts communs devrait-on parler
de sociabilitŽ formelle ou informelle? Et comment trancher dans le cas d'un groupe de
coll•gues de travail qui organisent des activitŽs sportives durant les heures de d”ner?
74
La diffŽrence rŽside ici dans le crit•re d'organisation. Un rŽseau formel rŽunira des
membres et rŽalisera des activitŽs dont l'organisation est constituŽe. Inversement, le rŽseau
informel sera marquŽ par une organisation non constituŽe (Degenne & ForsŽ, 1994Ê: 39).
Face ˆ ce faible nombre de crit•res permettant d'identifier clairement la nature des rŽseaux
sur la base de leur formalitŽ ou encore de former de grandes catŽgories, il revient, selon
nous, ˆ chaque auteur de bien dŽfinir le type de rŽseau qu'il met ˆ l'Žtude.
Bruno Lautier s'est intŽressŽ aux vices et aux vertus de l'informalitŽ. Pour lui, le grand
nombre d'analyses dŽniant toute pertinence ˆ la notion d'informel nous laisse quelque peu
dŽmuni car trois rŽalitŽs s'imposent invariablement. Tout d'abord, quels que soient les
mots employŽs, confusŽment parfois, les situations dŽsignŽes existent rŽellementÊ:
vendeurs ambulants, domestiques, etc. Deuxi•mement, l'informel poss•de ses formes ainsi
quÕune utilitŽ bien spŽcifique, c'est-ˆ-dire des rapports sociaux structurŽs et structurants,
m•me s'ils ne sont pas prescrits par la loi. Aussi, le caract•re informel dÕun syst•me ou
dÕune structure nÕinduit en aucun cas une connotation ou un degrŽ dÕimportance. Les
relations commerciales, les rŽseaux fondŽs sur le voisinage, la communautŽ des origines ou
la religion illustrent diverses formes que peut prendre lÕinformel (Lautier, 1991Ê: 14).
Il y a finalement l'importance politique du th•me. En 1986, dans un brutal changement
d'optique, plusieurs organisations internationales dŽcidaient que le secteur informel jouait
un r™le positif dans les politiques de dŽveloppement. Ainsi, lÕinformel passe
soudainement du rang de probl•me ˆ celui de solution. Ce dernier est maintenant porteur
de toutes les vertus. Ses capacitŽs de crŽation d'emplois et de revenus sont
insoup•onnŽes; la solidaritŽ qui l'organise s'av•re bien supŽrieure aux redistributions
Žtatiques. Le secteur joue le r™le de mortier social et dŽsigne non pas un rŽel, mais une
absence. Or, si le secteur informel Žtait non structurŽ, il n'y aurait pas d'organisation
interne efficace. C'est donc l'externe qui serait non structurŽ (ibid.Ê: 17).
75
Ces observations de Lautier nous renvoient ˆ la place plut™t mineure que certains
observateurs pourraient •tre tentŽs de concŽder ˆ premi•re vue aux rŽseaux de solidaritŽ
informels. ƒtant donnŽ leur caract•re en apparence non structurŽ, on pourrait
effectivement •tre dŽjouŽ par ce statut et ne pas suffisamment sÕattarder ˆ leur r™le
fondamental de rŽgulateur des relations socioŽconomiques. Pour nous, il sÕagit
principalement de bien identifier les capacitŽs et les limites organisationnelles de ces
modes afin de mesurer adŽquatement la part de lÕespace marchand qui devrait •tre soutenu
par chacun.
Nous reviendrons par ailleurs sur le fonctionnement des groupes formels et informels dans
la section portant sur ÇÊla communication en rŽseaux et la performanceÊÈ. L'Žtude des
communications constitue dÕailleurs lÕun des ŽlŽments de base permettant de mesurer
partiellement l'efficacitŽ de tels rŽseaux ainsi que leur fonctionnement.
2.3.2.3 SolidaritŽ mŽcanique et solidaritŽ organique
Au cÏur de la multitude de relations existant entre des individus regroupŽs en rŽseaux
sociaux, se trouve incontestablement le sentiment de solidaritŽ. Tout dŽpendant du rŽseau
et de ses membres, ce sentiment peut •tre fort ou faible, en croissance ou en dŽcroissance,
mais nŽanmoins prŽsent ˆ un certain degrŽ. Il importe aussi de dŽfinir et de saisir les
multiples nuances de cette derni•re composante de lÕobjet central de recherche, le rŽseau
de solidaritŽ informel.
Durkheim, en explorant les bases de la solidaritŽ sociale et en cherchant ˆ mieux
comprendre la diffŽrenciation des r™les et la production de r•gles, a ŽlaborŽ deux
dŽfinitions distinguant la solidaritŽ organique de la solidaritŽ mŽcanique dans un texte
datant de 1893, Precontractual Solidarity. Ces concepts, qui s'av•rent Žgalement tr•s
76
utiles dans le cadre d'une analyse sur la mŽthodologie des relations sociales en rŽseaux,
seront repris pour le bŽnŽfice de cette Žtude.
Pour Durkheim, les individus s'associent car ils ont besoin les uns des autres. Mais il ne
leur est pas suffisant d'entrer en relation, ou encore de sentir un Žtat de dŽpendance
mutuelle. Afin de collaborer harmonieusement, il leur devient nŽcessaire d'Žtablir les r•gles
et les conditions de fonctionnement de cette collaboration, peu importe sa durŽe. Les
droits et obligations de chacun des membres doivent donc •tre dŽfinis clairement et tenir
compte de toutes les possibilitŽs futures. Sans cela, conflits et difficultŽs marqueront les
relations entre les individus. Durkheim dŽpeint de plus la plupart des relations sociales
comme des rapports de nature contractuelle. Qu'il s'agisse de rŽseaux de solidaritŽ
Žmergeant d'une communautŽ, d'une famille, d'une institution scolaire ou gouvernementale,
des r•gles Žcrites (formelles) ou tacites (informelles) doivent toujours, selon lui, •tre
appliquŽes. Cependant, les liens de solidaritŽ qui unissent les individus ne reposent pas
enti•rement sur les conditions de ces contrats. Les rŽseaux fonctionnant sans r•gles
prŽŽtablies sont habituellement assez faibles et temporaires. En somme, la pulsion initiale
permettant la mise sur pied d'un rŽseau est toujours intŽressŽe Ð ou contractuelle Ð mais il
arrive que les limites de ces ententes soient dŽpassŽes lorsquÕil y a collaboration
volontaire de ses membres (1893Ê: 165-166).
La notion de solidaritŽ mŽcanique fait rŽfŽrence ˆ l'identitŽ qu'une sociŽtŽ se donne ˆ
travers ce qu'elle sanctionne. Le droit pŽnal vient gŽrer les limites de ce qui est autorisŽ aux
membres de cette sociŽtŽ. Ici, l'individuel fait partie du collectif. Les liens marquŽs par
cette solidaritŽ seront donc suffisamment puissants pour permettre ˆ une sociŽtŽ de bien
intŽgrer les individus car ils partagent les m•mes fa•ons de penser, d'agir et de sentir. La
solidaritŽ organique repose inversement sur la diffŽrenciation et la complŽmentaritŽ. Elle
se traduit par la participation ˆ un syst•me structurŽ dans lequel chacun occupe une place
prŽcise et reconna”t sa position ainsi que celle des autres. Selon la fonction qu'ils occupent
77
dans la sociŽtŽ, les individus auront des mani•res tr•s diffŽrentes et personnelles de penser
et d'agir.
Ces deux formes de solidaritŽ dŽcrites par Durkheim rŽunissent les principes caractŽrisant
la formation des regroupements sociaux. Aujourd'hui, la solidaritŽ mŽcanique, avec ses
r™les peu diffŽrenciŽs et interchangeables peut •tre associŽe au principe d'identitŽ qui
caractŽrise les rŽseaux, tandis que le principe de complŽmentaritŽ des r™les ram•ne plut™t
ˆ la notion de solidaritŽ organique, que l'on retrouve au sein des institutions. Dans le cadre
de leurs travaux sur les rŽseaux sociaux, Degenne et ForsŽ (1994Ê: 218) Žtablissent un lien
direct entre la division du travail, la spŽcialisation des t‰ches et la solidaritŽ organique, qui
permet principalement une diffŽrenciation des r™les sociaux. Il est ainsi possible
dÕassocier ˆ chaque r™le social un type d'interaction (fille/p•re; travailleuse/employeur;
etc.) marquant la position et le statut de cet acteur au sein de son rŽseau.
2.4
Traditions et voies de recherche
Relatant les travaux de Descombes (1989), Boltanski et Chiapello (1999Ê: 219) rappellent
que lÕapproche par les rŽseaux ne doit pas supposer un monde organisŽ selon des
structures de base (m•me si elles demeurent cachŽes et doivent •tre dŽvoilŽes par un
travail scientifique de rŽduction aux constituants ŽlŽmentaires), elle se donne un monde
dans lequel, potentiellement tout renvoie ˆ tout, ou tout peut se connecter avec tout, et
que lÕon doit donc aborder sans a priori rŽductionniste.
Les Žtudes faisant appel ˆ une perspective de rŽseau utilisent gŽnŽralement les enqu•tes
quantitatives. Les exemples les plus courants sont ceux o• le chercheur interroge un
ensemble d'individus, qui ne sont pas reliŽs entre eux, ˆ propos de leur rŽseau personnel.
Dans ces cas, il n'y a donc qu'une seule personne interrogŽe par rŽseau ŽtudiŽ. Le travail
78
d'analyse effectuŽ sur les donnŽes recueillies vise ˆ comparer l'ensemble des rŽseaux
personnels afin d'en dŽgager les principales caractŽristiques. C'est ce que Corin, ShŽrif et
Bergeron (1983) ont appelŽ l'approche morphologique et Wellman (1983), l'approche
formaliste. L'identification de la forme du rŽseau (l'aspect structurel) est ici l'objet de la
recherche. Ses principaux indicateurs sont la taille Ð dŽfinie par la frŽquence et le type de
lien, ou par l'examen de la qualitŽ du contact (personnes importantes ou dont lÕacteur se
sent le plus pr•s) (Wellman, 1983) Ð et la densitŽ. Rappelons que la notion de densitŽ fait
rŽfŽrence au rapport entre le nombre de liens qui existent rŽellement entre les membres du
rŽseau et le nombre de liens potentiels entre ces membres.
Selon Corin, ce concept est peu significatif dans le cas des rŽseaux sociaux caractŽrisŽs par
une orientation importante vers la parentŽ, car la densitŽ des liens de parentŽ est alors
beaucoup trop forte comparativement aux autres types de liens. De plus, certains de ces
indicateurs sont en quelque sorte ÇÊcontaminŽsÊÈ par d'autres (Godbout et Charbonneau,
1995Ê: 210). Aussi, la frŽquence des contacts se trouve ˆ •tre automatiquement influencŽe
par la proximitŽ et la durŽe de ces liens parentaux. En ce sens, la proximitŽ psychologique
9
serait le meilleur indicateur de la force du lien car il n'est tributaire d'aucun autre lien.
Il existe une seconde perspective pour Žtudier les rŽseaux, soit la perspective
structuraliste ou transactionnelle. Celle-ci propose de dŽcrire la dynamique des Žchanges
qui circulent dans le rŽseau. Elle s'avŽrera pertinente lorsquÕon s'intŽresse aux moyens de
circulation de l'information, des biens matŽriels ou des contr™les au sein du rŽseau. Deux
perspectives sont proposŽes pour Žtudier le contenu des ŽchangesÊ: un angle normatif, qui
conduit ˆ interprŽter le contenu ˆ partir du r™le des individus dans la relation, et un angle
dynamique, qui observe parall•lement la spŽcificitŽ du contenu des Žchanges (Corin, ShŽrif
et Bergeron, 1983).
9
L'Žquivalent du concept de proximitŽ psychologique dans la littŽrature anglophone est la notion de
ÇÊclosenessÊÈ.
79
L'approche transactionnelle s'intŽresse de mani•re plus pointue ˆ l'intimitŽ de la relation
(frŽquence des contacts directs et indirects) ˆ travers l'Žvaluation que fait la personne de la
qualitŽ de cette relation; ˆ la position d'Ego dans le rŽseau (qui rŽv•le le sens dans lequel
circulent les transactions, la rŽciprocitŽ, la symŽtrie); ˆ la dispersion gŽographique des
liens; au degrŽ d'homogŽnŽitŽ du rŽseau (attributs sociaux des membres, communs ou non).
Ces deux derni•res approches sont en fait complŽmentaires. Il faut par contre noter que
parmi les travaux en dŽcoulant, plusieurs se limitent ˆ l'identification des membres du
rŽseau. Le sociologue qui voudra dŽpasser cette limite devra, dans un deuxi•me temps, se
concentrer sur certaines variables caractŽristiques des membres (sexe, ‰ge, etc.) pour
qualifier ce rŽseau. Lemieux (1982Ê: 26) rappelle ˆ cet effet, que c'est la position du
probl•me qui doit •tre la premi•re Žtape d'une bonne mŽthode. Est-ce que le type de
probl•mes ˆ l'Žtude a trait ˆ la forme du rŽseau, ˆ sa substance (structure) ou ˆ sa
fonctionnalitŽ? Les deux premiers types de probl•mes ayant dŽjˆ ŽtŽ abordŽs, les
probl•mes de fonctionnalitŽ peuvent •tre dŽcrits comme Žtant ceux qui se rapportent aux
liens entre un rŽseau et un autre. Ces probl•mes peuvent •tre posŽs en termes de
coopŽration ou de conflit et permettent d'aborder des questions telles que la place d'un
rŽseau au sein d'une institution, en parall•le ˆ une institution, etc.
Corin, ShŽrif et Bergeron (1983) font finalement ressortir une approche anthropologique
qui s'intŽresse plut™t ˆ la signification culturelle des comportements observŽs. L'objectif
serait ici de dŽcouvrir et de codifier les r•gles de comportement qui gouvernent une grande
partie des interactions des personnes ˆ travers leurs activitŽs courantes.
Dans le contexte d'une approche globale systŽmique, les chercheurs s'intŽressant
principalement aux acteurs et ˆ leurs connexions doivent dŽterminer comment se
regroupent les dimensions de l'action. Lemieux (1982Ê: 24), en reprenant la typologie de
80
Mitchell, distingue les dimensions en quatre niveaux de substrats. Il identifie
premi•rement le niveau des transactions de ces ressources ou de ces produits de l'action
que sont les biens, les informations, mais aussi les personnes. Le deuxi•me niveau
regroupe les statuts, c'est-ˆ-dire les identifications et diffŽrenciations qui tiennent aux
postes sociaux occupŽs par les acteurs. Les connexions normatives constituent le
troisi•me niveau. Il s'agit des connexions qui ont des finalitŽs, ou de l'information
structurante, comme fondement et donc de rŽfŽrences ˆ ce qui devrait •tre, par rapport ˆ
ce qui est rŽellement. De plus, les finalitŽs orientent l'action et s'appliquent aux niveaux
prŽcŽdents des statuts et des transactions. Vient enfin un quatri•me niveau s'intŽressant
aux connexions de contr™le entre les acteurs. Le contr™le se traduit en contraintes sur la
variŽtŽ de l'action. Lemieux rappelle que le contr™le peut s'exercer aux diffŽrents niveaux
d'un syst•me d'action. De plus, le choix d'Žtudier l'un ou l'autre de ces niveaux entra”nera
inŽvitablement la prŽsence des trois autres dans son analyse. Ceci explique, en partie,
pourquoi les spŽcialistes des rŽseaux sociaux ont dŽcortiquŽ le probl•me en traitant de
crit•res distinctifs identifiŽs prŽcŽdemment dans ce texte, soitÊ: la frŽquence, l'intensitŽ, la
durabilitŽ, la complexitŽ des connexions, etc.
L'intŽr•t que suscite la perspective structuraliste nous am•ne ˆ Žlaborer un peu plus
longuement sur la place qu'occupe prŽsentement cette analyse dans les recherches rŽseaux.
Au cours des trente derni•res annŽes, l'analyse structurale est en effet passŽe d'une
position secondaire, o• l'analyse de rŽseau Žtait per•ue comme un complŽment
mŽthodologique, ˆ une position dominante dans les enqu•tes sociales. Par ailleurs, la
difficultŽ que pose l'utilisation d'une approche mathŽmatique parfois complexe a, jusqu'ˆ
aujourd'hui, fait reculer plusieurs sociologues. NŽanmoins, il devient essentiel de dŽpasser
cet inconvŽnient puisqu'il est maintenant convenu que l'Žtude des phŽnom•nes sociaux ˆ
partir de mŽthodes con•ues de mani•re ˆ creuser les fondements des structures sociales est
de loin prŽfŽrable aux approches statistiques. Les nouvelles questions sociologiques, les
nouveaux types de donnŽes amassŽes, ainsi que les nouvelles fa•ons de dŽcrire et
81
d'analyser les structures sociales sont certainement les plus importantes rŽalisations
accomplies par l'analyse structurale. En examinant les liens entre le syst•me-monde, les
ƒtats et les grandes entreprises sous la forme de rŽseaux plut™t que de voisinage, l'analyse
structurale a Žgalement permis de dŽcouvrir les preuves de l'existence d'une
ÇÊcommunautŽÊÈ ˆ ces niveaux. Les cadres d'analyse dŽcoulant de l'approche structurale
permettent donc de tracer les liens entre le micro et le macro, soit les rŽseaux
interpersonnels et les syst•mes sociaux.
Trois traditions de recherche marquant l'analyse structurale ont ŽtŽ identifiŽes par
Wellman (Wellman et Berkowitz, 1988Ê: 21). La premi•re, principalement britannique et
prenant son Žlan ˆ la suite de la Deuxi•me Guerre mondiale, correspond au
ÇÊdŽveloppement anthropologique du concept de rŽseau socialÊÈ. MalgrŽ le fait que les
Structuro-fonctionnalistes anglais aient dŽjˆ partiellement utilisŽ la notion de rŽseau,
jusquÕˆ ce moment, la plupart des recherches ne s'intŽressent presque exclusivement qu'ˆ
l'influence de la culture sur les comportements des membres de groupes divers. C'est au
courant des annŽes 1950 que les anthropologues anglais rŽorientent leurs prŽoccupations
vers les syst•mes structuraux et les rŽseaux. Ces recherches permettront ensuite de dŽfinir
le rŽseau comme un ensemble de liens unissant les membres dÕun syst•me social ˆ travers
les catŽgories sociales et les groupes. La stratŽgie d'analyse adoptŽe dans le cadre de cette
tradition propose de partir des relations sociales pour ensuite dŽgager les structures
sociales inhŽrentes aux mod•les comportementaux. L'empirisme britannique rŽsulte donc
de la combinaison des analyses anthropologiques de rŽseaux et de leurs liens Žtroits avec
les Structuro-fonctionnalistes.
La seconde tradition, principalement amŽricaine, est avant tout marquŽe par
l'augmentation de l'analyse quantitative. Pendant que les anthropologues anglais passaient
du contenu ˆ la forme, l'analyse structurale amŽricaine, dŽbutait ses travaux avec des
questions axŽes sur la forme des rŽseaux. Les AmŽricains pos•rent donc des questions
82
telles queÊ: ÇÊest-ce que les mod•les de relations au sein des rŽseaux ont un effet sur le
fonctionnement des syst•mes sociaux?ÊÈ Leurs rŽsultats de recherche produisirent les
premiers mod•les de relations interpersonnelles et permirent de dŽvelopper les premi•res
mŽthodes pour les dŽcrire. Ils eurent aussi recours ˆ la sociomŽtrie et aux diagrammes de
rŽseaux pour reprŽsenter les relations interpersonnelles dans de petits groupes. Les
analystes structuraux commenc•rent d•s lors ˆ utiliser le langage mathŽmatique et la
thŽorie des graphes pour dŽcrire les liens entre les membres de syst•mes sociaux.
L'explication structurale des processus politiques constitue la troisi•me tradition
marquant l'analyse structurale. Elle se base sur l'analyse des processus politiques comme
aboutissement des liens d'Žchange et de dŽpendance entre les groupes d'intŽr•ts et les
ƒtats-nations. Peu de chercheurs travaillant sur ces problŽmatiques se qualifient
d'analystes structuraux, mais tous sont motivŽs par le dŽsir de comprendre comment sont
distribuŽes les ressources inŽgales dans les syst•mes sociaux en fonction des mod•les de
liens existants. Bon nombre de ceux qui sÕinscrivent dans cette tradition se sont intŽressŽs
ˆ la division du pouvoir Žtatique entre les divers rŽseaux, coalitions et groupes d'intŽr•ts,
tandis qu'un autre groupe s'est davantage prŽoccupŽ de questions telles que la dŽpendance
des liens dans les syst•mes d'ƒtats-nations ainsi qu'au sein de groupes d'intŽr•ts
macrostructurels. Ces analyses structurelles ont dŽmontrŽ, entre autres, que les relations
asymŽtriques d'Žchange et de pouvoir entre ƒtats, rŽgions et groupes d'intŽr•ts ont eu un
impact plus important sur le dŽveloppement des pays du Tiers-Monde que sur leur
propre dŽveloppement interne. Elles ont enfin conduit d'autres analystes structuraux ˆ
considŽrer l'effet du pouvoir d'acc•s aux ressources sur les relations sociales et les liens
entre les divers groupes concernŽs.
ƒtant relativement rŽcente, la place qu'occupe l'analyse structurale dans la thŽorie
sociologique n'est certainement pas dŽfinitive. Les sciences sociales sont globalement
partagŽes entre deux traditions diamŽtralement opposŽesÊ: le holisme et lÕindividualisme.
83
Afin d'y situer adŽquatement l'analyse structurale, voyons bri•vement les paradigmes
marquants ces deux traditions.
Le holisme, tout d'abord, prŽtend que les structures s'imposent aux individus et qu'il est
donc inutile de passer par un examen des intŽr•ts individuels des membres d'un rŽseau
pour recomposer sa structure. Aussi, la thŽorie se rŽsume en trois ŽnoncŽsÊ: a) la structure
prime sur l'individu; b) elle ne se rŽduit pas ˆ la somme des actions individuelles; et c) elle
exerce une contrainte absolue sur ces actions. Selon Degenne et ForsŽ, ces ŽnoncŽs
donnent lieu ˆ plusieurs interprŽtations. Dans sa version intentionnaliste, le holisme
suppose que les individus deviennent de simples supports de structure. Ce sont en fait les
groupes qui agissent et poursuivent des objectifs intŽressŽs et incompatibles entre eux.
Lorsqu'un groupe atteint son objectif, il devient alors dominant par rapport aux autres
(1994Ê: 10).
Une seconde interprŽtation plus mŽthodologique se centre sur le dŽterminisme contenu
dans la structure. ÇÊLa structure dŽtermine l'action en un sens fortÊÈ (ibid.Ê: 10). Cette
tradition du dŽterminisme fort est souvent rattachŽe ˆ Durkheim.
Le fait social se reconna”t ˆ la contrainte qu'il exerce sur l'individu, dont la notion
elle-m•me suppose le processus de diffŽrenciation sociale qui nous a fait passer de
sociŽtŽs ˆ la solidaritŽ mŽcanique (qui ont une structure telle que la notion
d'individu n'a pas de sens) ˆ des sociŽtŽs ˆ la solidaritŽ organique, o• l'individu
devient fondamental. Que l'individu n'apparaisse qu'en raison de ce processus,
qui repose d'ailleurs sur la division accrue du travail, prouve bien qu'il est
second; second logiquement, mais aussi en fait, parce qu'il est dŽterminŽ par les
Žtats de la conscience collective (Durkheim dans Degenne et ForsŽ, 1994Ê: 10).
L'analyse structurale appliquŽe aux rŽseaux n'est visiblement pas compatible avec ce
dŽterminisme fort, mais il est tout de m•me possible d'explorer le dŽterminisme sous un
autre angleÊ: celui du dŽterminisme faible. En fait, Durkheim ne retint de la premi•re que
les ŽnoncŽs suivantsÊ: a) la structure ne se rŽduit pas ˆ la somme des actions individuelles;
et b) elle exerce une contrainte exclusivement formelle, qui laisse l'individu libre de ses
84
actes bien que, compte tenu de cette contrainte, tout ne lui soit pas possible. Ici, la
fonction d'une relation dŽpendra de sa position au sein de la structure. En appuyant ainsi
la place du dŽterminisme faible comme ŽlŽment de l'analyse structurale, il est possible de
dire qu'un rŽseau ne se rŽduit pas ˆ une simple somme de relations et que sa forme exerce
une contrainte sur chaque relation.
La seconde grande tradition, l'individualisme mŽthodologique, chapeaute Žgalement deux
paradigmes, soitÊ: l'atomisme et l'interactionnisme structurel. L'individualisme rŽserve aux
acteurs une place prŽdominante pour expliquer l'action sociale. La dŽtermination des
motivations des individus en est le point de dŽpart, dŽmontrant de plus comment ces
motivations conduisent ˆ des effets de composition qui n'Žtaient pas recherchŽs
individuellement. Ces effets ne rŽsultent que de l'interdŽpendance ou de lÕinteraction entre
acteurs et non de contraintes extŽrieures (Degenne et ForsŽ, 1994Ê: 12).
De son c™tŽ, la conception atomistique tracŽe en partie par Weber peut s'expliquer ainsi :
La sociologie, elle aussi, ne peut procŽder que des actions d'un, de quelques ou de
nombreux individus sŽparŽs. C'est pourquoi elle se doit d'adopter des mŽthodes
strictement individualistes (ibid.Ê: 12).
Simmel, en dŽsaccord avec Weber, inaugure la tradition interactionniste et lui formule la
rŽponse suivante :
En fait ˆ y regarder les choses de plus pr•s, les individus ne sont nullement les
ŽlŽments derniers, les atomes du monde humain. En fait cette unitŽ peut •tre
indissoluble que dŽsigne le concept d'individu n'est pas en gŽnŽral un objet de la
connaissance, mais seulement de l'ordre du vŽcu (...) En tant qu'elle se rŽalise
progressivement, la sociŽtŽ signifie toujours que les individus sont liŽs par des
dŽterminations et des influences ŽprouvŽes rŽciproquement (Simmel, 1918, dans
Degenne et ForsŽ, 1994Ê: 12).
Finalement pour Barry Wellman, la trousse d'outils de plusieurs analystes structuraux est
une combinaison de dŽfinitions, de dŽductions, d'hypoth•ses partiellement vŽrifiŽes et de
gŽnŽralisations empiriques. Par ailleurs, il juge important de retenir les cinq
85
caractŽristiques suivantes, de type commentaire, assurant l'unitŽ et la distinctivitŽ
intellectuelle de l'analyse structurale (Wellman et Berkowitz, 1988Ê: 20).
1. Les comportements sont interprŽtŽs en termes de contraintes structurelles sur
l'activitŽ et non en termes de force intŽrieure, ce qui confŽrerait un caract•re volontaire
aux comportements.
2. Les analyses doivent mettre l'emphase sur les relations ÇÊinter-unitŽsÊÈ plut™t que de
faire des catŽgories avec ces unitŽs.
3. La question de l'effet des mod•les de relations entre les divers membres sur les
comportements des membres du rŽseau est centrale. Et ce, ˆ partir du moment o• il est
admis que les relations entre membres ne se limitent pas exclusivement ˆ plusieurs
relations entre deux acteurs.
4. La structure est considŽrŽe comme un rŽseau faisant partie de rŽseaux qui peuvent ou
non •tre subdivisŽs en groupes distincts. Il n'est pas automatiquement admis que ce
soit les rŽseaux caractŽrisŽs par des liens forts qui constituent la base de ces
structures.
5. Les mŽthodes d'analyse nŽgocient directement avec les mod•les de contenus
relationnels de structures sociales afin de combler les lacunes des mŽthodes
statistiques qui exigent des unitŽs d'analyse indŽpendantes.
Ce bref survol ˆ la fois thŽorique et mŽthodologique permet de confirmer que l'analyse
structurale des rŽseaux s'inscrit bien dans la perspective
interactionniste
ou
d'individualisme-structural. Les rŽseaux de solidaritŽ informels nÕŽpousent pourtant pas
parfaitement ni un courant ni lÕautre. Le rŽseau occupe une troisi•me voie, ˆ mi-chemin
entre le holisme et lÕindividualisme. Notre souci, dans cette section sur lÕacc•s ˆ
lÕinformation et les diffŽrents mod•les de rŽgulation, est de montrer comment le rŽseau
rŽpond ˆ un mode de rŽgulation spŽcifique sur le marchŽ du travail, rŽsultant dÕun
ajustement entre des courants marchands et dÕautres, davantage axŽs sur un lÕaspect
communautaire et solidaire de la dŽmarche.
86
NŽanmoins, la nature du questionnement engage cette recherche dans une voie dŽcidŽment
plus transactionnelle que morphologique. Comme nous lÕavons dŽjˆ mentionnŽ, cÕest
effectivement le contenu de ce qui circule dans les rŽseaux qui sera mis au premier plan.
Certains concepts reliŽs ˆ la perspective transactionnelle sont donc essentiels pour toute
recherche orientŽe en ce sens.
En privilŽgiant les approches qui rel•vent de l'analyse structurale, le chercheur perdra une
certaine exhaustivitŽ de ses rŽsultats quantitatifs, mais gagnera en cohŽrence. Pour
Degenne et ForsŽ (1994), Burt (1980) et plusieurs autres, il semble ˆ ce moment-ci
prŽfŽrable de tenter une analyse plus raffinŽe sur l'impact des contenus relationnels face ˆ
l'atteinte des objectifs du rŽseau et l'Žvolution de sa structure.
Pour ce faire, lÕusage du langage mathŽmatique sera quasi indispensable, car il peut s'avŽrer
difficile de prŽciser une mesure sans utiliser ce syst•me rŽfŽrenciel. De plus, les calculs de
diffŽrents auteurs permettent de mieux comprendre les notions en cause Ð ce qui est au
fond ŽtudiŽ Ð et en quoi elles diff•rent d'autres calculs et d'autres notions. C'est pourquoi,
chez la plupart des auteurs consultŽs, le langage mathŽmatique est au cÏur de l'analyse.
D'ailleurs, dans la grande majoritŽ des cas, le langage utilisŽ rel•ve du m•me domaine, celui
de la thŽorie des graphes. Aussi, les principaux ŽlŽments de cette derni•re thŽorie seront
rŽsumŽs au chapitre suivant.
Une fois les grandes distinctions thŽoriques Žtablies et apr•s avoir dŽmontrŽ comment les
rŽseaux reprŽsentent un mode de coordination essentiel ˆ un sain dŽveloppement
Žconomique et social, voyons comment sÕopŽrationnalisent les trois principaux modes de
rŽgulation en emploi.
87
2.5
Les mŽthodes de recherche d'emploi
Tous les jeunes (et l'ensemble les ch™meurs) n'ont pas les m•mes chances d'acc•s ˆ
l'emploi. Si l'‰ge, la formation, les circonstances ayant donnŽ lieu au ch™mage et la nature
de l'emploi recherchŽ (temps complet ou temps partiel) expliquent partiellement le
phŽnom•ne d'acc•s ˆ l'emploi, les chances d'insertion des ch™meurs dŽpendent Žgalement
des modalitŽs de recherche d'emploi.
Les ch™meurs de longue durŽe (six mois et plus) effectuent le m•me type de dŽmarches
que les ch™meurs de courte durŽe. Or, d'apr•s les rŽsultats d'enqu•tes, l'efficacitŽ de
chaque dŽmarche varie peu selon l'anciennetŽ du ch™mage. Si le taux d'insertion des
ch™meurs de longue durŽe est deux fois plus faible que celui des ch™meurs de courte durŽe,
il semble qu'il soit moins utile de chercher l'explication dans les modes de recherche
d'emploi que dans les caractŽristiques socioprofessionnelles (‰ge et formation). L'objectif
de cette section est donc de dŽterminer quelles sont les principales caractŽristiques des
diffŽrents modes d'acc•s au marchŽ du travail ˆ travers un survol de la littŽrature.
DiffŽrents travaux, tant empiriques que thŽoriques, qui se sont intŽressŽs ˆ l'Žtude des
mŽthodes de recherche d'emploi l'ont fait soit du c™tŽ des chercheurs d'emploi
(Granovetter, 1974 et 1995; Holzer, 1987; Degenne et collaborateurs, 1991; Marry, 1992,
Giret, Karaa, Plassard, 1996) ou du c™tŽ des employeurs (Keil et collaborateurs, 1984;
Way, 1984). Mais il semble que seul Montgomery (1991) ait ŽtudiŽ la problŽmatique en
se concentrant sur les deux perspectives.
La mŽthode de recherche d'emploi, aussi appelŽe mode dÕintermŽdiation ou dÕacc•s ˆ
lÕemploi, est un concept qui exige une distinction quant au degrŽ d'intervention et
d'ajustement ainsi quÕen fonction de l'offre et la demande de travail. Le choix de la
mŽthode de recherche d'emploi peut Žgalement dŽpendre de l'ensemble des cožts associŽs
au recrutement mais Žgalement du type de connexion entre l'individu et le poste vacant.
88
Un survol des diverses mŽthodes de recherche dÕemploi qui se situent dans lÕun des
principaux modes de gouvernance, confirme que le r™le jouŽ par les rŽseaux dans l'acc•s ˆ
l'emploi est nettement dominant et ce, indŽpendamment des diffŽrents niveaux de
qualifications. Les conclusions de White (1990) invitent nŽanmoins les lecteurs ˆ ne pas
simplifier ou rŽduire les difficultŽs dÕemployabilitŽ des jeunes, Žtant donnŽ leur faible
niveau d'information. Faudrait-il en dŽduire que la logique de recherche des jeunes
ch™meurs devrait •tre diffŽrente des autres groupes touchŽs par cette problŽmatique?
Probable.
Le tableau 3, adaptŽ ˆ partir de celui de Giret, Karaa et Passard (1996), dÕune part rŽsume
lÕensemble des Žtudes rŽalisŽes depuis 1990, tant au niveau empirique quÕau niveau
thŽorique, sur les moyens dÕacc•s ˆ lÕemploi dont disposent les jeunes et dÕautre part
illustre le niveau dÕimportance de chacun par rapport aux autres. Les rŽsultats obtenus
refl•tent la forte avance que comptent les rŽseaux par rapport aux autres techniques. En
effet, les rŽseaux se classent bons premiers dans lÕensemble des Žtudes, ˆ lÕexception de
celles de Giret, Karaa et Plassard. Que ce soit dans la perspective des employeurs qui ont
recours aux rŽseaux pour leur recrutement (Way,1984) ou des jeunes qui les utilisent afin
dÕobtenir de lÕinformation sur les emplois disponibles sur le marchŽ du travail
(Granovetter, 1974; Degenne et collaborateurs,1991; INSEE, 1994; etc.), les rŽseaux
obtiennent des rŽsultats invariablement supŽrieurs de 30 ˆ 50Ê%. Si nous les prŽsentons ici
de mani•re indŽpendante, Giret, Karaa et Plassard ont choisi, pour leur part, de ne pas
distinguer le mode institutionnel et le mode communautaire dÕacc•s ˆ lÕemploi dans leur
Žtude. NÕayant pu obtenir les donnŽes respectives pour chacun, il sÕest donc avŽrŽ
impossible de distinguer les pourcentages en fonction de ces modes spŽcifiques de
coordination.
89
Tableau 3Ê: Part des diffŽrents modes de recrutement dans l'acc•s ˆ l'emploi
RŽseaux
Granovetter
(1974-1995)
Professions
libŽrales
Techniciens
Cadres
Bennaroch,
Espinasse
(1982)
Degenne et
collaborateurs
(1991)
INSEE
(Enqu•te
emploi 1995)
Giret, Karaa,
Plassard (1996)
Institutionnel
et
communautair
e
MarchŽ
Relations
Candidatures
spontanŽes
56,1Ê%
43,5Ê%
65,4Ê%
18,2Ê%
24,6Ê%
14,8Ê%
30,2Ê%
28,6Ê%
15,4Ê%
14,5Ê%
11,3Ê%
45Ê%
31Ê%
6Ê%
7Ê%
11Ê%
43,1Ê%
24,2Ê%
6,4Ê%
7,4Ê%
18,9Ê%
10Ê%
10Ê%
28Ê%
Annonces
Agences
publiques
15,9Ê%
30,4Ê%
13,9Ê%
52Ê%
Autres
9,8Ê%
1,4Ê%
6,2Ê%
SourceÊ: adaptŽ ˆ partir du tableau de Giret, Karaa et Plassard. 1996Ê: 19.
Pour les employeurs, l'utilisation des candidatures spontanŽes et des petites annonces a
pour avantage de minimiser les cožts de recherche, tout en impliquant nŽanmoins une
lourde dŽmarche de sŽlection Žtant donnŽ l'absence quasi totale de filtre sur les
caractŽristiques des candidats. La publication des annonces dans la presse se rŽv•le peut•tre plus cožteuse mais la quantitŽ importante de rŽponses devient vite rentable pour
l'employeur. En effet, m•me si l'entreprise ne retient pas la totalitŽ des candidatures pour
un poste prŽcis, il lui est facile de conserver les plus intŽressantes et de constituer une
banque dans laquelle l'employeur pourra puiser lors de l'ouverture d'autres postes. Ces
deux procŽdures obŽissent principalement ˆ une logique marchande dans la mesure o• la
confrontation entre l'offre et la demande de travail n'Žvolue en fonction d'aucun agent
extŽrieur. Ainsi, les ch™meurs peuvent rŽpondre ˆ ces annonces ou prŽsenter une
candidature sans discrimination initiale.
90
Quoique compl•tement absents du tableau 3, les stages de formation et le syst•me
dÕŽducation peuvent Žgalement fournir un lieu o• les compŽtences et les aptitudes des
Žtudiants apparaissent durant l'exercice du contrat de travail. De plus, la coopŽration entre
les firmes et les Žtablissements scolaires permet d'Žconomiser une partie de ces cožts de
sŽlection dans la mesure o• l'employeur a pu observer la productivitŽ de son employŽ lors
du stage et durant la formation. L'entreprise peut enfin s'impliquer dans la formation du
jeune dipl™mŽ et lui transmettre la culture et les mŽthodes de travail qui lui sont propres.
ContestŽe par plusieurs, l'efficacitŽ des stages de formation comme mŽthode de recherche
d'emploi sera ŽvaluŽe dans la section portant sur les services institutionnels dÕintŽgration
au marchŽ de lÕemploi.
L'intermŽdiaire des ressources institutionnelles, ou agences publiques, telles que les
Centres locaux dÕemploi (anciennement les Centres d'emploi du Canada et les centres
Travail-QuŽbec) permet Žgalement ˆ l'employeur de rŽduire ses cožts de dŽmarche et de
sŽlection (Adnett, 1987 et LisŽe, 1995 dans Giret, Karaa, Plassard, 1996Ê: 21). Ces
diffŽrentes Žtudes montrent que les chercheurs d'emploi font usage des agences publiques
en dernier recours lorsque les autres canaux de recrutement sont ŽpuisŽs. De leur c™tŽ, les
employeurs semblent utiliser l'agence pour avoir acc•s au plus large Žventail possible de
candidatures, tout en minimisant leurs frais. Ce mode de recherche, peu sŽlectif, est
souvent complŽmentaire ˆ l'utilisation d'annonces, mais s'oppose de par sa nature au
recrutement par rŽseaux, procŽdŽ par lequel la diffusion de l'information est plus sŽlective.
Le recrutement par relations personnelles ou familiales, qui sÕench‰sserait dans un mode
informel de coordination tel que les rŽseaux de solidaritŽ, reprŽsentant presque 50Ê% des
acc•s ˆ l'emploi, semble plus difficile ˆ cerner. Selon certains sociologues (Granovetter,
1973Ê; Degenne, 1991; Marry, 1983, 1992), le recours aux relations familiales est loin de
garantir ˆ l'individu un emploi de qualitŽ, correspondant ˆ sa formation et permanent. Les
91
emplois obtenus ˆ travers les relations professionnelles semblent mieux correspondre ˆ la
formation des jeunes mais toujours dans des proportions moindres comparativement aux
autres canaux de recrutement.
L'utilisation des diffŽrentes mŽthodes de recherche d'emploi semble donc obŽir ˆ des
logiques distinctes et occuper des positions diffŽrentes sur le marchŽ du travail. On
observe de plus que les mŽthodes de recherche obŽissent ˆ la fois ˆ des stratŽgies de la
part des employeurs et des ch™meurs. Par ailleurs, certains chercheurs affirment qu'aucune
thŽorie Žconomique n'a encore permis d'Žlaborer un cadre analytique cohŽrent pour l'Žtude
de ces modes d'acc•s ˆ l'emploi (Giret, Karaa et Plassard, 1996Ê: 22).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le choix de mŽthode(s) de recherche d'emploi.
L'observation de variables liŽes ˆ des caractŽristiques personnelles indique que dans les cas
o• les employeurs ne poss•dent que les informations donnŽes par le candidat, le dipl™me
joue pleinement son r™le de filtre au regard de l'embauche. Par contre, lorsque le mode de
recrutement s'Žloigne du marchŽ (plus informel), le filtre par rapport au niveau d'Žducation
ne para”t pas se vŽrifier. Ainsi, les dipl™mes n'ont pas la m•me importance dans les
rŽseaux o• les employeurs peuvent profiter d'une quantitŽ d'informations plus importante
sur les candidats (Giret et collaborateurs, op. cit.). De plus, les relations personnelles sont
plus souvent utilisŽes par les individus peu qualifiŽs, cŽlibataires et dont le p•re de famille
est agriculteur, artisan, commer•ant ou cadre. La situation familiale n'est donc pas sans
influence sur le mode d'acc•s ˆ l'emploi. Les cŽlibataires ont, par exemple, plus de chance
d'accŽder ˆ l'emploi par le syst•me dÕŽducation ou par les relations personnelles. Cette
variable est d'ailleurs Žtroitement reliŽe ˆ l'‰ge de l'individu et ˆ la durŽe de sa recherche
d'emploi (Granovetter, 1974; Marry, 1992; Lagarenne et Marchal, 1995). Le sexe figure
Žgalement parmi les crit•res de sŽlection de la mŽthode de recherche d'emploi, dans la
mesure o• les hommes semblent obtenir prioritairement leur emploi, par le marchŽ, puis
par les rŽseaux et enfin par les ressources institutionnelles et les stages de formation.
92
Finalement, les variables rŽgionales ne semblent pas jouer un r™le significatif dans le choix
du mode d'acc•s ˆ l'emploi (Giret et collaborateurs, op. cit.).
2.5.1
Origine et efficacitŽ des rŽseaux dans l'acc•s ˆ l'emploi des jeunes
La notion de rŽseau social fut d'abord exploitŽe par l'anthropologue Barnes (1954) dans
ses travaux au cours des annŽes 1950. Depuis, elle a ŽtŽ adoptŽe par des chercheurs
Ïuvrant dans divers domaines. RŽcemment, elle a ŽtŽ utilisŽe pour dŽfinir le support
social fourni aux individus vivant des situations difficiles. Les rŽseaux sociaux dŽsignent
simplement les syst•mes particuliers de liens unissant des personnes (Beausoleil et
collaborateurs, 1988Ê: 39). EmpruntŽe ˆ l'anthropologie, ˆ la psychologie sociale (la
sociomŽtrie de Moreno), ˆ l'approche systŽmique et ˆ la sociologie fonctionnaliste
amŽricaine, l'idŽe de rŽseau social insiste sur la constante interaction qui lie la personne ˆ
l'environnement physique et social dont elle fait partie. On tente, de cette mani•re, de
rŽconcilier les approches macro-sociologiques (structures sociales et leurs effets sur les
individus) et micro-sociologiques (comportements individuels), ou encore, d'intŽgrer
analyse structurelle de la sociŽtŽ et mod•le de comportement individuel (l'individu
participe ˆ la construction de son monde social).
Les rŽseaux sociaux forment donc une trame de base de la sociŽtŽ et constituent une voie
importante d'intŽgration sociale. Plusieurs ont ainsi choisi d'y avoir recours dans une foule
de situations comme l'intervention, le support ou la rŽinsertion sociale. Les rŽseaux sont
enfin des entitŽs dont les fronti•res ne sont jamais compl•tement dŽlimitŽes; ils Žvoluent
et s'adaptent rapidement, et se rendent facilement indŽpendants des institutions.
Plusieurs auteurs ont dŽmontrŽ l'efficacitŽ des rŽseaux sociaux comme mode d'acc•s ˆ
l'emploi et quelques-uns des avantages de cette mŽthode ont dŽjˆ ŽtŽ exposŽs dans la
section traitant de l'information comme rŽponse au probl•me du ch™mage chez les jeunes.
93
Parall•lement, dans une Žtude portant sur la nature des informations que poss•dent
rŽciproquement les demandeurs d'emploi et les employeurs, Rees (1966) ainsi que d'autres
Žconomistes avant lui, ont permis de confirmer et de mesurer l'efficacitŽ des modes de
communication informels dans le cadre de la recherche d'emploi. Avec un Žchantillon
regroupant des travailleurs catŽgorisŽs ÇÊcols bleusÊÈ et ÇÊcols blancsÊÈ travaillant dans la
rŽgion de Chicago, il dŽcouvrit qu'au-delˆ de la moitiŽ des emplois de cols blancs avaient
ŽtŽ obtenus ˆ partir de ressources informelles et que quatre cols-bleus sur cinq avaient
obtenu leur emploi par la m•me mŽthode.
De leur c™tŽ, Curtis Simon et John Warner (1992) se sont investis dans une Žtude
confirmant les avantages des ÇÊOld Boys NetworksÊÈ dans le placement au sein de
plusieurs professions, par rapport aux mŽthodes traditionnelles de recherche d'emploi
telles que les agences de placement. Plusieurs conclusions peuvent •tre dŽgagŽes de leurs
recherches. Premi•rement, le niveau d'incertitude gŽnŽralement ressenti par l'employeur au
moment d'une nouvelle embauche (productivitŽ de l'individu), diminue considŽrablement
lorsqu'il s'agit d'un individu dŽjˆ connu par un ou plusieurs de ses employŽs.
Deuxi•mement, les travailleurs recrutŽs de cette fa•on gagnent gŽnŽralement un salaire de
dŽpart supŽrieur, mais les augmentations de salaire ultŽrieures seront plus espacŽes.
Troisi•mement, ces travailleurs demeureront ˆ l'emploi de la m•me entreprise plus
longtemps que ceux recrutŽs ˆ l'extŽrieur de leurs rŽseaux.
ƒtant donnŽ la qualitŽ supŽrieure des informations qui circulent dans les rŽseaux informels,
Granovetter (1974, 1995) place ceux-ci au sommet du classement des modes d'acc•s ˆ
l'emploi. Ces rŽseaux sont effectivement intŽressants parce que moins cožteux, plus riches
et plus dŽtaillŽes en informations et plus fiables. Les individus qui fournissent ces
renseignements ont un intŽr•t Žconomique ˆ demeurer honn•tes; il existe Žventuellement
un chevauchement entre le social et l'Žconomique chez ceux qui entretiennent des relations
Žconomiques rŽguli•res, ce qui alimente leurs attentes au chapitre de la confiance et de
94
l'acc•s ˆ l'information. Wood (1985) croit d'ailleurs que m•me si l'usage de canaux de
recherche informels augmente par rapport aux autres en pŽriode de rŽcession, la sŽlection
d'un candidat issu de ce mode de recherche demeure Žquivalente du point de vue de la
rigueur.
Les rŽseaux de relations sont gŽnŽralement plus orientŽs vers les pratiques des agences
privŽes, mais ils permettent tout de m•me l'intŽgration de relations dont les
caractŽristiques ne sont pas si ŽloignŽes de celles des agences publiques. La famille voit
son r™le se concentrer principalement vers les plus jeunes et vers des secteurs spŽcifiques
pour lesquels elle intervient dans la transmission du patrimoine ou du savoir. Le r™le des
relations personnelles est finalement plus indiffŽrenciŽ en termes de dipl™me ou d'emploi.
Le tableau de Boyer et Hollingsworth (1997Ê: 9) prŽsentant les divers modes de
coordination situe effectivement les rŽseaux au centre de lÕaxe horizontal et vertical de
distribution du pouvoir, tout comme sur lÕaxe prŽcisant la source de motivation, cÕest-ˆdire lÕobligation ou lÕintŽr•t personnel. Cette situation des plus centrale refl•te ˆ quel
point le fonctionnement des rŽseaux sÕinspire des pratiques (efficaces) dÕun ensemble
dÕautres modes de coordination, notamment ceux de marchŽ et de communautŽ (tous deux
situŽs dans lÕaxe horizontal de distribution du pouvoir).
En somme, l'approche rŽseaux permet de rejoindre ˆ temps des client•les qui ne le seraient
pas autrement (travail de rue, maison de jeunes, etc.), de dŽvelopper des solutions
collectives qui renforcent le sentiment d'appartenance et de viser ˆ une plus grande
autonomie et compŽtence des populations cibles. Elle exige, par ailleurs, une volontŽ rŽelle
de collaboration entre les divers intervenants du rŽseau de services et les groupes
communautaires informels (Beausoleil, 1994Ê: 43).
95
2.5.2
La prise en charge par le milieu
2.5.2.1
Historique de l'approche communautaire
Traditionnellement, le dŽveloppement communautaire est un type d'intervention
professionnelle directement reliŽe ˆ la formation et ˆ la pratique communautaire du service
social. Dans les faits, ce courant appara”t au Colonial Office de la Grande-Bretagne pour
qui il s'agissait d'une action pour s'assurer la coopŽration active de la population de
chaque communautŽ dans des programmes con•us pour augmenter le niveau de vie et
promouvoir le dŽveloppement sous ses diverses formesÉ (Beausoleil et collaborateurs,
1988Ê: 69). Ayant vu le jour et ayant ŽtŽ con•u en rŽponse ˆ des pressions autonomistes
exercŽes sur un ƒtat, le dŽveloppement communautaire sera repris par l'Organisation des
Nations unies comme technique d'approche pour favoriser le dŽveloppement de milieux
non intŽgrŽs ˆ l'Žconomie de marchŽ et de populations laissŽes pour compte.
Plus pr•s de nous, ce type d'action est intervenu dans la lutte contre la pauvretŽ, tant aux
ƒtats-Unis qu'au Canada. Au QuŽbec, comme dans l'ensemble du pays, les organismes
communautaires offrent, depuis plus de 125 ans, des services aux populations dans les
champs de la formation et de l'emploi en utilisant une approche axŽe sur les besoins de la
personne. Les organismes en dŽveloppement de l'employabilitŽ ont essentiellement pour
mission d'aider des individus ˆ surmonter les obstacles les emp•chant de participer
activement au marchŽ du travail. Le secteur de la formation en milieu communautaire fait
actuellement face ˆ de sŽrieux probl•mes et doit se positionner de mani•re ˆ satisfaire aux
exigences d'une Žconomie en profonde mutation, ˆ la restructuration entreprise par les
gouvernements ainsi qu'ˆ l'augmentation de la concurrence des autres fournisseurs de
services de formation (les commissions scolaires, par exemple).
96
Depuis une quinzaine d'annŽes, ces organismes doivent composer avec un accroissement
constant de la client•le fortement dŽfavorisŽe sur le plan de l'emploi, une augmentation de
la client•le provenant de groupes spŽcifiques et une baisse des revenus familiaux. Ë
travers les hauts et les bas Žconomiques, les intervenants ne notent aucun changement
majeur dans l'‰ge et la scolaritŽ de la client•le. Presque tous affirment que les changements
au niveau du financement sont actuellement l'ŽlŽment central. D'ailleurs, les dirigeants et
administrateurs de ces organismes affirment que l'environnement est de plus en plus
compŽtitif et environ les deux tiers d'entre eux pensent que la concurrence qui existe entre
les organismes, dÕune part, et entre les organismes et les commissions scolaires, dÕautre
part, aura un impact majeur dans le futur. Enfin, presque tous prŽdisent une augmentation
de la demande en formation. Ils l'expliquent par la restructuration de l'Žconomie,
l'augmentation du besoin de compŽtences en informatique et la tendance ˆ l'apprentissage
continu (Wolfsof et Lodzinski, 1997Ê: 1-15).
2.5.2.2
Distinction entre les approches institutionnelle et communautaire
Il est souvent difficile pour la client•le et le public en gŽnŽral de ne pas confondre les
programmes offerts par les organismes communautaires de retour au travail et ceux du
minist•re de la SolidaritŽ sociale ou DŽveloppement des ressources humaines Canada. Le
dŽveloppement communautaire favorise une certaine forme de prise en charge du milieu.
Ce qui le distingue des autres programmes gouvernementaux ce sont des traits spŽcifiques
concernant tant la client•le que ses interventions aupr•s des femmes, femmes chefs de
famille monoparentale, jeunes, personnes handicapŽes, immigrants ainsi qu'une client•le
multiple prŽsentant des difficultŽs dÕintŽgration dues des probl•mes de dŽlinquance et de
toxicomanie ainsi que des probl•mes liŽs ˆ une longue absence du marchŽ du travail (perte
d'habitudes de travail, perte d'estime de soi, etc.).
97
Ce qui distingue surtout les organismes communautaires, c'est le processus par lequel ils
Žvaluent les probl•mes spŽcifiques de la client•le; intervenant de mani•re globale aupr•s de
l'individu, ˆ partir de son vŽcu, de son orientation et de sa capacitŽ de retourner sur le
marchŽ du travail. Un plan de travail est ensuite Žtabli qui lÕam•ne ˆ amŽliorer son
employabilitŽ puis ˆ finalement se trouver un emploi ou ˆ se prŽvaloir dÕune mesure qui
lui conviendra davantage. L'approche communautaire a donc pour objectif lÕamŽlioration
de l'employabilitŽ des individus, mais surtout de leur trouver des emplois qu'ils
conserveront ˆ long terme et qui correspondront ˆ leurs aspirations (Wolfsof et Lodzinski,
1997Ê: 1-15).
Le transfert des compŽtences en mati•re de formation de la main-d'Ïuvre et la rŽforme de
la SŽcuritŽ du revenu entreprise par le gouvernement quŽbŽcois contribuent Žgalement ˆ
l'approfondissement de l'Žcart sŽparant leurs approches respectives. Nous assistons
prŽsentement ˆ la crŽation de diffŽrentes classes ou types de personnesÊ: les ch™meurs de
courte durŽe, c'est-ˆ-dire les gens qui seront rempla•ables rapidement, comme les
personnes qui arrivent ˆ la sŽcuritŽ du revenu, et les ch™meurs de longue durŽe, c'est-ˆ-dire
les personnes qui sont prestataires depuis plus de six mois et qui sont de plus en plus
exclues d'un processus d'intŽgration au marchŽ de l'emploi (DubŽ, 1994Ê: 317). Ce sont
d'ailleurs les organismes communautaires qui re•oivent une part importante de ces cas,
comparativement aux centres gouvernementaux o• l'on traite le plus souvent les cas moins
ÇÊlourdsÊÈ.
Ce sont en somme des considŽrations appartenant ˆ la philosophie d'intervention et au
discours qui caractŽrisent ces ressources. Plusieurs remettent d'ailleurs en question
l'Žtiquette communautaire qu'affichent certains organismes compte tenu de leurs sources
de financement et des liens qui les rattachent ˆ ces bailleurs de fonds.
98
Encore une fois, le tableau de Boyer et Hollingsworth (1997 : 9) que nous avons reproduit
en ces pages, nous aide ˆ situer ces deux modes de coordination par rapport aux axes de
distribution du pouvoir et de la motivation dÕaction. Tel que nous le dŽcrivions plus t™t,
les auteurs positionnent dÕune part lÕapproche communautaire dans un mode de gestion
du pouvoir nettement plus horizontal et obligationnel par opposition ˆ lÕapproche
institutionnelle, qui se situe davantage dans lÕaxe vertical de distribution du pouvoir.
Quoique toujours motivŽ par lÕobligation et non lÕintŽr•t personnel, le mode institutionnel
est tout de m•me situŽ plus haut sur cette Žchelle et refl•te ainsi la nŽcessitŽ de performer
et dÕobtenir un certain rendement qui ne sont pas compatibles avec lÕapproche globale du
secteur communautaire.
2.5.2.3
Profil des organismes et services offerts
Les organismes communautaires de retour au travail desservent une client•le variŽe,
stratifiŽe par sexe, ‰ge, sources de revenu et statut de groupe cible. Un organisme typique
dessert de quatre ˆ neuf groupes cibles qui sont gŽnŽralement regroupŽs comme suitÊ:
autochtones,
personnes
handicapŽes
(probl•mes
physique,
psychiatrique,
de
dŽveloppement d'apprentissage), ex dŽtenus, anglophones (pour les organismes
francophones), immigrants et minoritŽs visibles.
La plupart des organismes sont relativement petits considŽrant le nombre de clients
desservis chaque annŽe (entre 150 et 325). Leurs budgets annuels de fonctionnement, en
excluant l'argent destinŽ ˆ soutenir la participation, varient entre 150 000 dollars et 400
000 dollars (certains peuvent atteindre approximativement un million de dollars en
combinant plusieurs types de services, mais cela est peu frŽquent au QuŽbec). Environ
75Ê% de ces organismes sont autonomes et constituŽs en sociŽtŽs individuelles. Un
organisme poss•de habituellement sa propre charte et est affiliŽ ˆ une entitŽ plus grande,
soit un OSBL. Un petit nombre d'organismes se classent dans les deux catŽgories. La
99
plupart disposent d'une seule source de financement, situation qui devient de plus en plus
difficile avec l'augmentation de la pratique de financement par projet. Les deux plus
importants bailleurs de fonds sont donc le minist•re de la SŽcuritŽ du revenu (provincial)
et DŽveloppement des ressources humaines Canada (fŽdŽral).
Plusieurs ont recours ˆ des bŽnŽvoles pour siŽger ˆ leur conseil d'administration ou pour
agir comme experts-conseils, neuf personnes en gŽnŽral, et pour la prestation de services,
dix personnes en moyenne.
Les services dispensŽs par ces organismes varient en termes de durŽe et d'investissement.
Certains sont offerts ˆ tous les rŽpondants, tandis que d'autres ne sont disponibles qu'ˆ un
nombre limitŽ d'individus. Les services sont globalement les suivants (Bourdon, 1997Ê: 14)
:
¥ accueil et Žvaluation des besoins;
¥ Žtablissement du profil d'employabilitŽ;
¥ Žlaboration d'un plan d'intervention individualisŽ;
¥ orientation professionnelle;
¥ techniques de recherche d'emploi;
¥ information sur le marchŽ du travail;
¥ stage ou sŽjour d'immersion sur le marchŽ du travail;
¥ suivi et support individuel apr•s l'insertion sur le marchŽ du travail;
¥ contact aupr•s des employeurs;
¥ formation professionnelle ˆ l'interne avec ressources internes;
¥ formation professionnelle ˆ l'externe avec ressources externes;
¥ aiguillage vers d'autres organismes.
Parmi ces services, l'accueil et l'Žvaluation des besoins, l'Žtablissement d'un profil
d'employabilitŽ, l'Žlaboration d'un plan d'intervention individualisŽ, les techniques de
100
recherche d'emploi, l'information sur le marchŽ du travail, le suivi et support individuel
apr•s l'insertion sur le marchŽ du travail et les contacts aupr•s des employeurs sont
offerts ˆ tous les participants. Par contre, les services d'orientation professionnelle, les
stages en milieu de travail et la formation sont offerts dans une plus faible proportion.
LÕaiguillage de clients vers d'autres organismes est une pratique assez courante, en fait
rares sont ceux qui ne le font jamais (Bourdon, 1997Ê: 13).
2.5.2.4 ƒvaluation et conflit avec lÕƒtat
InterrogŽs par Wolfson et Lodzinski (1997Ê: 16), les travailleurs et travailleuses des
organismes de retour au travail en milieu communautaire ont identifiŽ lÕexpertise en
counseling, la formation et prŽparation ˆ lÕemploi, les liens avec la collectivitŽ, lÕhabiletŽ ˆ
bien travailler avec les client•les spŽcifiques, la flexibilitŽ et lÕadaptabilitŽ en
dŽveloppement de programmes comme Žtant les principales forces de lÕapproche avec
laquelle ils travaillent. Ils se sont cependant jugŽs vulnŽrables ˆ cause du manque de
diversitŽ dans le financement, de la faible reconnaissance de la pratique et du peu de
capacitŽ ˆ faire reconna”tre leur certification, de lÕabsence dÕune voix commune et forte Ð
Žtant donnŽ la petitesse et lÕisolement des organismes- et du r™le de dŽfense jouŽ par
certains organismes et qui pourrait les emp•cher de sÕadapter ˆ un nouvel environnement
plus compŽtitif.
De mani•re gŽnŽrale, les intervenants croient que ce mode de fonctionnement spŽcifique
assure un parcours plus harmonieux et transparent pour la client•le qui nÕa pas ˆ
recommencer ˆ chaque fois aupr•s dÕun nouvel organisme. CÕest ce quÕon appelle
ÇÊlÕapproche clientÊÈ (Bourdon, 1997Ê: 85). Cette prŽoccupation de poursuivre bien audelˆ de lÕintŽgration pose la question de la capacitŽ du marchŽ du travail dÕintŽgrer tous
ces candidats et rŽsulte parfois en projets expŽrimentaux qui entra”nent lÕouverture de
portes dÕentrŽe ou m•me carrŽment la crŽation de nouvelles places sur le marchŽ du
101
travail, comme cÕest le cas des entreprises dÕinsertion et des initiatives dÕaide ˆ la crŽation
dÕentreprises. Pour cette client•le ÇÊŽtiquetŽeÊÈ, la modification de la perception des
employeurs ˆ leur Žgard (campagne de sensibilisation, colloque et promotion) peut enfin
multiplier leurs chances dÕinsertion.
Les stratŽgies utilisŽes par les organismes peuvent aussi avoir des effets pervers. LÕŽtude
ÇÊJeunesÊÈ de Degenne et collaborateurs (1991) sur la qualitŽ des emplois obtenus lors du
passage par ce type de formation et un stage en milieu de travail rŽv•le que lÕŽcole et les
annonces sont plus efficaces pour la fraction de la population ayant les dipl™mes les plus
ŽlevŽs et conduisent souvent ˆ des emplois de meilleure qualitŽ. Il semble donc que le
dipl™me joue un r™le de filtre dans lÕacc•s ˆ lÕemploi et que celui obtenu par le biais dÕun
organisme communautaire nÕait pas la m•me valeur aux yeux des employeurs que celui
obtenu sur les bancs de lÕŽcole.
Pour reprendre lÕexpression de Beausoleil et collaborateurs (1988), cette ÇÊprise en charge
par le milieuÊÈ comporte un ensemble de limites ˆ ne pas nŽgliger. Tout dÕabord, la
variation des ressources existantes et futures, associŽe ˆ un probl•me de continuitŽ, rend
les structures dÕentraide fragiles et parfois instables. Peu de structures sont maintenant
mises sur pied et plusieurs disparaissent rapidement, vivotent ou sont carrŽment intŽgrŽes
ˆ des institutions. Il faut Žgalement mentionner un probl•me de fonctionnement provenant
dÕune difficile gestion des besoins de chacun et des limites crŽŽes par la grande circulation
des personnes, qui nuit ˆ la prŽparation dÕune rel•ve.
Les questions du financement et de la gestion des ressources demeurent Žvidemment
centrales et sont ˆ la source de plusieurs des autres probl•mes. Si plusieurs structures
dÕentraide parviennent ˆ fonctionner sans support gouvernemental et sans se doter dÕun
statut juridique, leur dŽveloppement demeure limitŽ. En gŽnŽral, passŽ un certain seuil
dÕactivitŽs, le milieu lui-m•me peut difficilement supporter un ou de multiples groupes
102
dÕentraide plus formels. La nŽcessitŽ dÕŽtablir un type de coordination plus ferme, semble
nuire Žgalement ˆ la survie de ces organismes. Sans quÕil soit question de crŽer des
superstructures qui consomment temps et ressources humaines, il faut souligner que les
structures dÕentraide souffrent souvent dÕun Žparpillement qui les emp•che de puiser ˆ
m•me des expŽriences et des acquis pourtant accessibles.
Il va sans dire que ces divergences de pratiques et la dŽpendance financi•re entra”nent de
nombreuses tensions entre lÕƒtat et le milieu communautaire. De plus, les programmes
gouvernementaux (provinciaux et fŽdŽraux) vont vers des diminutions de services pour des
client•les qui sont sans revenu (aucune aide gouvernementale). Les organismes se
prŽparent donc prŽsentement ˆ faire face ˆ la concurrence dans une situation de
financement o• le client pourra choisir son fournisseur de formation. Les organismes
pensent quÕils peuvent davantage faire concurrence aux formateurs privŽs quÕaux
institutions publiques (coll•ges, commissions scolaires et universitŽs). Le marketing local,
le perfectionnement des ressources humaines et la coopŽration entre les organismes sont
les stratŽgies actuellement retenues par ces derniers afin dÕamŽliorer la situation
concurrentielle.
103
2.5.3
Les programmes gouvernementaux
2.5.3.1
Historique et objectifs des programmes
Au QuŽbec, les prŽoccupations liŽes aux programmes ou autres formes d'aide aux
prestataires de la sŽcuritŽ du revenu ne sont pas rŽcentes. Les interventions
gouvernementales en la mati•re sont apparues au dŽbut des annŽes 1980 et de nombreux
changements sont survenus depuis. Le taux de ch™mage fr™lant les 14Ê% en 1983 et
l'augmentation inquiŽtante du nombre de ch™meurs de longue durŽe amen•rent l'ƒtat
quŽbŽcois ˆ rŽagir en introduisant de nouveaux outils con•us pour rŽpondre aux besoins de
cette nouvelle client•le ch™meuse. Depuis 1984, ce sont les personnes ÇÊaptes au travailÊÈ
qui reprŽsentent la majoritŽ de la population en ch™mage. On assiste de plus ˆ une
augmentation vertigineuse de la prŽsence des jeunes dans le syst•me d'aide sociale. Cette
situation explique donc le choix fait par le QuŽbec en 1984 de s'orienter prioritairement
vers lÕamŽlioration de l'employabilitŽ des jeunes prestataires de la sŽcuritŽ du revenu.
Selon Morin (1994Ê: 35), ce ciblage des moins de 30 ans rŽsulte d'une double situationÊ:
d'une part, ils sont les premi•res victimes de la crise, d'autre part, le rŽgime d'aide sociale
de l'Žpoque ne leur accorde qu'une fraction du montant couvrant les besoins essentiels, les
bar•mes Žtant Žtablis en fonction de l'‰ge (moins de 30 ans, plus de 30 ans). C'est donc la
client•le des 33-44 ans qui a vu ses rangs de prestataires gonfler au cours des annŽes
suivantes. Aussi, pour ne pas voir dispara”tre la capacitŽ de travail de ce groupe d'‰ge, une
nouvelle rŽforme est mise en place en 1989 qui se fonde cette fois sur des crit•res
d'aptitude au travail (APTE, Action positive pour le travail et l'emploi) et Žlimine la
sŽlection en fonction de l'‰ge. Quatre grandes catŽgories sont crŽŽesÊ: les disponibles et
non disponibles; les participants et non participants. L'incitation ˆ participer devient ainsi
tr•s forte puisque le statut de participant sÕaccompagne du plus haut niveau de
prestation.
104
Au QuŽbec, les objectifs de l'employabilitŽ sont dŽfinis en fonction de l'insertion
professionnelleÊ: choix d'emploi, exigences de qualification, orientation, compŽtences ˆ
perfectionner, etc. En rŽsumŽ, il est juste de dire que l'ensemble de ces mesures visent, par
des moyens diffŽrents, l'amŽlioration des caractŽristiques de l'offre de travail des
prestataires par la formation en Žtablissement ou en entreprise, par l'acquisition ou le
maintien d'habitudes et d'habiletŽs de travail dans le crŽneau communautaire (Extra), et par
le recours ˆ des services externes de main-d'Ïuvre adaptŽs ˆ certains types de client•les
(SEMO). Le programme de subvention salariale PAIE vise enfin la stimulation de la
demande de main-d'Ïuvre en incitant les employeurs ˆ embaucher des prestataires gr‰ce ˆ
des subventions couvrant une partie du salaire de ces derniers (Morin, 1994Ê: 36).
2.5.3.2
Principales mesures institutionnelles
L'objectif de cette section est, tout d'abord, de prŽsenter un portrait schŽmatique des
mesures d'employabilitŽ et d'intŽgration au marchŽ de lÕemploi qui ont ŽtŽ expŽrimentŽes
et ŽvaluŽes au QuŽbec et au Canada au cours des derni•res dŽcennies, pour ensuite
discuter plus en profondeur de leur efficacitŽ. Ces renseignements proviennent
majoritairement du minist•re de la SŽcuritŽ du revenu du QuŽbec et sont rŽsumŽs dans le
document de Sylvestre (1994). Dans le cas des programmes reliŽs ˆ l'assurance-emploi
(programmes fŽdŽraux) les renseignements sont rapportŽs dans le document de Park,
Riddell et Power (1994).
Il est possible de catŽgoriser l'ensemble des mesures en trois grands blocsÊ: la formation en
institution ou en entreprise, ˆ caract•re gŽnŽral ou reliŽe ˆ un mŽtier spŽcifique; les
mesures d'orientation et de soutien liŽes ˆ la recherche d'emploi; et les mesures de crŽation
d'emploi. Ces derni•res comprennent diverses formes de stages rŽmunŽrŽs, des
subventions aux organismes communautaires (subvention salariale et subventions de
105
fonctionnement plus globales) ou ˆ des entreprises privŽes (gŽnŽralement des subventions
salariales) et le soutien ˆ l'emploi autonome.
Dans la catŽgorie des programmes de formation, on retrouve les mesures de rattrapage
scolaire (alphabŽtisation, prŽsecondaire, formation professionnelle, etc.) et les stages en
milieu de travail (SMT; courte durŽe 4 ˆ 12 semaines et longue durŽe 13 ˆ 52 semaines).
Il existe aussi un programme de retour aux Žtudes postsecondaires pour les chefs de
famille monoparentale. Au fŽdŽral, Park et collaborateurs (1994) ont relevŽ trois
programmes sous cette rubriqueÊ: les stagiaires payants, le programme relatif aux
pŽnuries de main-d'Ïuvre et les clients DIR (c'est-ˆ-dire des personnes qui, de leur propre
initiative, poursuivent des Žtudes, gŽnŽralement de niveau collŽgial ou universitaire, ˆ
temps partiel mais qui demeurent admissibles ˆ l'assurance-emploi parce qu'elles sont
toujours ˆ la recherche active d'un emploi). Le programme relatif aux pŽnuries de maind'Ïuvre aide les employeurs ˆ former des travailleurs pour que ceux-ci acqui•rent des
compŽtences dans des domaines touchŽs ou menacŽs par une pŽnurie de main d'Ïuvre
puisse transfŽrer ces compŽtences ˆ dÕautres secteurs de lÕindustrie. Enfin le programme
IntŽgration professionnelle vise les personnes qui Žprouvent de la difficultŽ ˆ accŽder au
marchŽ du travail, particuli•rement les jeunes, les dŽcrocheurs et les personnes fortement
dŽfavorisŽe sur le plan de l'emploi.
Notons pour conclure la description de cette catŽgorie que lors de l'annonce de la rŽforme
de l'assurance-ch™mage en 1995, le gouvernement fŽdŽral dŽcidait de confier ses
compŽtences en mati•re de formation aux provinces. En rŽpondant ainsi aux
revendications de ces derni•res, le fŽdŽral tentait ainsi de favoriser la coordination des
programmes provinciaux et fŽdŽraux et d'Žviter les dŽdoublements. MalgrŽ cette annonce,
le gouvernement fŽdŽral lan•a nŽanmoins un nouveau programme appelŽ ÇÊpr•ts et
subventions de perfectionnementÊÈ (pr•ts et bourses pour couvrir des frais d'Žtude, de
perfectionnement, de garde, de transport, etc.).
106
On retrouve dans la catŽgorie des ÇÊmesures d'orientation et de soutien liŽes ˆ la recherche
d'emploiÊÈ des programmes tels que l'encadrement personnalisŽ de la client•le non
participante, l'Žvaluation de la client•le de la sŽcuritŽ du revenu par des spŽcialistes ainsi
que des projets Reconnaissance des activitŽs de dŽveloppement de l'employabilitŽ
(RADE). Quoi qu'ayant un profond ancrage et des pratiques communes avec le milieu
communautaire, les Services externes de main-d'Ïuvre (SEMO) peuvent Žgalement •tre
classŽs dans cette catŽgorie. Certains se spŽcialisent d'ailleurs dans l'intervention aupr•s
des jeunes.
Les mesures de crŽation d'emploi, derni•re catŽgorie, regroupent globalement les
programmes EXTRA qui offrent un stage de travail en milieu communautaire, ainsi que le
programme PAIE qui offre une subvention salariale partielle (26 semaines) aux entreprises
privŽes et intŽgrale de 100Ê% aux municipalitŽs et aux organismes communautaires. Au
fŽdŽral, le programme dŽveloppement de l'emploi distribue Žgalement des fonds pour
l'intŽgration de ch™meurs de longue date en milieu de travail10.
Cette rŽvision des mesures offertes aux jeunes quŽbŽcois met en Žvidence l'importance de
plus en plus grande que les gouvernements accordent ˆ l'entrepreneurship comme source
d'emplois pour les jeunes (comme pour les adultes d'ailleurs).
2.5.3.3 Critique et Žvaluation
Afin de pouvoir mesurer l'efficacitŽ et le rendement des diffŽrents programmes, il importe
d'avoir en main certaines donnŽes qui ne sont que tr•s rarement disponibles, parce que non
calculŽes. Ainsi, dans une recherche expŽrimentale sur la question, David Long (1994Ê: 27)
10Voir
le tableau 3 ˆ l'appendice I pour un compte rendu plus dŽtaillŽ des programmes jeunes d'insertion en
emploi.
107
soul•ve l'utilitŽ de deux variables dans ce type de calculs. Premi•rement, il faut ˆ son avis
conna”tre les impacts nets de chaque programme ou politique sur les revenus, les sommes
versŽes ˆ l'aide sociale et autres donnŽes pertinentes. Les rŽsultats
qui sont habituellement disponibles sont bruts, ce qui fait que le succ•s des programmes
est toujours surŽvaluŽ, puisquÕils tenaient compte de toutes formes d'amŽliorations de
situation. Deuxi•mement, il est nŽcessaire de conna”tre le cožt net du programme. Les
administrateurs connaissent lˆ encore le cožt brut des programmes, ce que doivent payer
les organismes chargŽs de les administrer. Toutefois, il se peut qu'une partie de ces
dŽpenses ežt ŽtŽ encourue m•me en l'absence du programme.
Il existe dŽjˆ plusieurs mesures de rŽussite. Il est en effet possible de mesurer le
pourcentage de personnes ayant un emploi quelques mois apr•s la participation, le
nombre de mois dÕemploi au cours de cette pŽriode ou le nombre de personnes qui ont
occupŽ au moins un emploi. L'ƒtat peut Žgalement calculer le nombre de personnes qui ne
sont plus dŽpendantes des programmes gouvernementaux apr•s un certain temps. Il faut
cependant faire preuve de prudence ici aussi, car il est facile de dŽduire que le programme
a ŽtŽ une rŽussite si l'individu n'est plus dans les rangs de prestataires de son
gouvernement ou de son minist•re, mais est tout simplement passŽ dans les rangs d'un
autre (par exemple, assurance-emploi vers sŽcuritŽ du revenu, pr•ts et bourses vers
sŽcuritŽ du revenu, etc.). L'amŽlioration du taux de salaire par rapport ˆ l'emploi occupŽ
avant la pŽriode de ch™mage est un troisi•me type de mesures de succ•s. Certains essaient
enfin d'Žtablir un taux de rendement de l'intervention gouvernementale en comparant les
bŽnŽfices publics et les bŽnŽfices privŽs aux cožts du programme (Rose, 1997 :3).
L'Žvaluation gŽnŽrale des programmes de formation, rŽsumŽe par Sylvestre (1994Ê: 25-29),
dŽmontre qu'au QuŽbec les mesures de rattrapage scolaire ainsi que les stages en milieu de
travail obtiennent des rŽsultats tout ˆ fait mitigŽs. En effet, les personnes ayant participŽ
ˆ un programme entre 1987 et 1991 ont, quatre ans plus tard, autant de chances que les
108
non participants de se retrouver ˆ l'aide sociale. Sept et dix-neuf mois apr•s leur
participation, les participants n'ont pas plus souvent d'emploi et n'ont pas exercŽ un
emploi plus longtemps que les non participants. Autre probl•me, le programme de
rattrapage scolaire dure souvent plusieurs annŽes et les rŽsultats indiquent qu'il existe un
risque de prolongement de la durŽe du sŽjour ˆ l'aide sociale de sept mois en moyenne
chez les personnes nouvellement arrivŽes ˆ l'aide sociale. Les rŽsultats sont par contre
plus encourageants du c™tŽ des stages en milieu de travail. Les deux tiers re•oivent
effectivement une attestation et 30Ê% occupent un emploi dans les six mois suivant le
stage. Au fŽdŽral, l'impact sur la probabilitŽ de trouver un emploi est globalement nŽgatif
ou nul.
Les mesures d'orientation et de soutien liŽes ˆ la recherche d'emploi remportent
gŽnŽralement des cotes nulles ou positives, ce qui veut dire qu'elles ont des taux de
placement un peu plus ŽlevŽs que la moyenne. Dans les SEMO-Jeunes, les participants
qui sont dirigŽs vers la formation se trouvent ensuite un emploi dans une proportion de
80Ê% (Rose, 1997 :7). Dans ces cas, la formation professionnelle donne de meilleurs
rŽsultats que la formation gŽnŽrale et la formation de longue durŽe rŽussit mieux que la
formation de courte durŽe.
Les mesures de crŽation d'emploi se classent, somme toute, assez bien. Pour les
Žvaluateurs, le fait d'avoir participŽ contribue ˆ l'amŽlioration de l'employabilitŽ des
stagiaires. Aussi, sept mois apr•s leur participation ˆ un programme EXTRA, 23Ê% ont
occupŽ au moins un emploi, comparativement ˆ 13Ê% de leur groupe contr™le. Dix-huit
mois apr•s, l'Žcart est de 10 points de pourcentage, les salaires semblent •tre lŽg•rement
supŽrieurs et les emplois sont un peu plus stables que ceux occupŽs par les membres du
groupe contr™le. On constate malheureusement que 17Ê% des participants reviennent ˆ
l'aide sociale et que 42Ê% se retrouvent ˆ l'assurance-emploi (le programme PAIE permet
de se qualifier pour l'assurance-emploi) trois mois apr•s la fin de la participation. Il faut
109
de plus reconna”tre que 51,6Ê% des emplois en entreprise privŽe auraient ŽtŽ crŽŽs de
toute fa•on alors que ce pourcentage n'est que de 10Ê% dans le cas des organismes
communautaires ou publics.
Du c™tŽ britannique, l'Žtude de White (1990Ê: 533) rŽv•le que l'absence ÇÊd'avantages
compŽtitifsÊÈ chez les jeunes ch™meurs qui ont complŽtŽ une formation dans leurs
emplois prŽcŽdents est un probl•me majeur des programmes d'insertion tout comme
l'impression de perte de valeur des compŽtences accumulŽes pour l'obtention d'un nouvel
emploi. Selon lui, le manque d'informations et la mauvaise circulation de celles-ci sont ici
encore ˆ bl‰mer. Les qualifications peuvent •tre interprŽtŽes par les employeurs comme le
signal d'une attitude ou d'une capacitŽ gŽnŽrale. La formation et l'expŽrience spŽcifique
pour un emploi sont plus difficiles ˆ Žvaluer par un employeur, prŽcisŽment parce qu'elles
ne sont ni standardisŽes, ni comparables. Pendant la longue pŽriode de ch™mage, les
signaux que constituent les dipl™mes semblent devenir plus importants alors que ceux qui
proviennent de l'apprentissage et de l'expŽrience concr•te semblent dispara”tre totalement.
Pour l'ensemble des programmes de formation destinŽs aux ch™meurs, le probl•me de la
reconnaissance de cette formation est un enjeu fondamental.
En France, la faible part de marchŽ occupŽe par les agences publiques de placement par
rapport aux autres canaux a ŽtŽ souvent mise en Žvidence dans la littŽrature. Il y a trente
ans, Ree (1966) indiquait que les principales critiques des employeurs amŽricains ˆ
l'encontre des agences publiques rŽsidaient dans la faible sŽlection et la lenteur des
procŽdures. Notamment, les agences n'envoyaient pas les candidats les plus adaptŽs mais
ceux qui avaient le plus besoin d'un emploi. Le travail de Degenne et collaborateurs (1991)
souligne encore aujourd'hui le faible classement qu'occupe l'agence relativement ˆ la qualitŽ
de l'emploi proposŽ aux ch™meurs. Cependant, les diffŽrentes Žtudes s'entendent sur le
fait que les individus accŽdant ˆ l'emploi par cette mŽthode appartiennent aux populations
les plus dŽfavorisŽes, et plus spŽcifiquement en regard de la formation et des relations
110
sociales. Les entreprises de leur c™tŽ se disent globalement satisfaites de leur r™le sans
toutefois juger que l'agence est le moyen le plus efficace pour la recherche de candidats.
L'agence peut, dans certains cas, rŽpondre aux exigences de flexibilitŽ de l'entreprise en
proposant des emplois ˆ faible cožt pour l'employeur et elle peut Žgalement les aider ˆ
rŽduire leurs cožts de sŽlection et de recherche en filtrant les candidats.
2.6
Conclusion
Apr•s une rŽvision des trois principaux modes d'acc•s ˆ l'emploi que sont l'approche
institutionnelle Ð basŽe sur un ensemble de mesures et de programmes d'employabilitŽ Ð
l'approche communautaire Ð offrant Žgalement divers programmes et formations tout en
Žtant davantage orientŽe vers un dŽveloppement global de l'individu Ð et l'approche
informelle Ð souvent utilisŽe en combinaison avec l'une des deux prŽcŽdentes et reposant
gŽnŽralement sur un ensemble de contacts et de rŽseaux, il devient possible de dŽgager un
ensemble de pistes de recherche cohŽrentes.
Une revue non exhaustive des multiples mesures et programmes aussi bien
gouvernementaux que communautaires permet de constater le r™le croissant accordŽ par
ces derniers au dŽmarrage dÕentreprise comme lieu d'insertion professionnelle. CrŽer son
propre emploi semble largement per•u comme Žtant la solution ultime au manque d'emploi
dans les secteurs traditionnels. Selon ces intervenants, et malgrŽ les risques inhŽrents au
statut de travailleur autonome, particuli•rement chez les jeunes sans rŽseaux de contacts et
sans expŽrience, cette forme de crŽation d'emploi peut avoir des effets remarquables. Les
jeunes entrepreneurs questionnŽs sur le sujet font d'ailleurs un bilan fort positif de leur
expŽrience qu'ils qualifient d'enrichissante sur le plan personnel et professionnel et de
stimulante aux niveaux de la crŽativitŽ et de la confiance en soi, et qui leur procure un
sentiment de fiertŽ provenant ˆ la fois de la satisfaction de leurs clients mais Žgalement de
111
la qualitŽ de leur produit. Ils admettent nŽanmoins que leur survie aurait ŽtŽ plus que
menacŽe sans le support financier de la famille, d'amis ou d'autres sources de revenus
(travail ˆ temps partiel). Le probl•me d'acc•s au capital monŽtaire ainsi que le manque
d'information sur les programmes et autres sources de financement disponibles sont donc
les principaux obstacles ˆ surmonter.
Conscient de l'idŽe que les jeunes souffrent d'un Žloignement de l'entreprise, l'ensemble des
intervenants sont convaincus de l'absolue nŽcessitŽ de combler ce manque d'expŽrience
professionnelle le plus rapidement possible. L'idŽe de formation en alternance (Žcole ou
centre de formation/entreprise) a maintenant ŽtŽ Žtendue aux diffŽrents publics touchŽs
par un risque d'exclusion, mais cible encore les jeunes notamment dans le cadre du
nouveau RŽgime d'apprentissage (Emploi-QuŽbec/ MEQ). L'entreprise est ainsi
encouragŽe ˆ faire un effort d'accueil et de formation des jeunes et de ch™meurs en
difficultŽ. Loin de l'efficacitŽ totale, cette formule souple peut cependant prendre de
multiples formes en passant de la formation sur le tas ˆ la formation externe.
En dŽpit des efforts consentis, le mouvement d'exclusion se poursuit et tous conviennent
de l'importance de maintenir en activitŽ les individus qui ne peuvent se trouver un travail
dans l'immŽdiat. Est-ce un manque et/ou une mauvaise circulation de l'information qui en
sont responsables ou une absence de rŽseaux sociaux suffisamment Žtendus pour
permettre un acc•s efficace aux ouvertures du marchŽ? Plusieurs auteurs le croient. Aussi
il est raisonnable de croire que l'acc•s ˆ l'emploi des jeunes se rŽalisera dorŽnavant ˆ
travers des pratiques marquŽes par une combinaison des diverses mŽthodes de recherche
d'emploi, et ce malgrŽ une situation Žconomique gŽnŽralement plus saine que celle des
annŽes 1980 et du dŽbut des annŽes 1990. De nouvelles solutions doivent donc •tre
ŽlaborŽes et rapidement mises ˆ exŽcution pour que la croissance Žconomique que conna”t
actuellement le QuŽbec et le Canada se traduise par une baisse structurelle du ch™mage des
jeunes, cÕest-ˆ-dire par la crŽation dÕemplois durables. Il existe en effet une diffŽrence
112
fondamentale entre les notions de dŽveloppement11 et de croissance12. Une montŽe du
taux de croissance Žconomique est effectivement, bien quÕincorrectement, traduite en
termes d'amŽliorations directes sur l'emploi par les politiciens et les mŽdias alors qu'elle
n'a, la plupart du temps, que peu d'effet rŽel sur l'emploi. De plus, une bonne croissance
Žconomique ne correspond malheureusement pas nŽcessairement ˆ une bonne
redistribution de la richesse et ˆ une crŽation suffisante de nouveaux emplois, et elle ne
garantit surtout pas que les jeunes pourront en bŽnŽficier.
ConformŽment ˆ ce qui a ŽtŽ mentionnŽ plut™t, l'analyse de rŽseaux permet d'explorer un
large Žventail de relations sociales dans le cadre d'une structure souvent, mais non
exclusivement, informelle. Ce caract•re informel de l'environnement o• se matŽrialisent les
relations pose toutefois la question de la mŽthodologie de recherche. C'est donc avec
l'objectif de surmonter adŽquatement cette difficultŽ particuli•re quÕune vue d'ensemble
des divers types de regroupement, de leurs principales caractŽristiques, de la nature des
relations y ayant court, du type de communications quÕon y pratique et de leurs
performances, fut dÕabord prŽsentŽe. La clarification de ces notions et thŽories a
Žgalement permis d'explorer les quelques mŽthodes de recherche qui se sont jusqu'ici
avŽrŽes efficaces lorsque mises en pratique dans de telles circonstances.
Depuis maintenant quelques dŽcennies, les possibilitŽs de l'approche rŽseau ont ŽtŽ
confirmŽes par des sociologues, anthropologues et Žconomistes dont les recherches ont
portŽ sur un ensemble de problŽmatiques liŽes ˆ la vie sociale, telles que les relations
maritales, la recherche d'emploi, le r•glement de conflits et le comportement des Žlecteurs
lors de campagnes Žlectorales.
11Dimension
qualitative renvoie ˆ des prŽoccupations associŽes ˆ la rŽpartition des richesses, et non
seulement ˆ leur augmentation, ainsi qu'au contenu de lÕaugmentation de la production (PIB). Voir
Tremblay, 1994Ê: 58.
12Dimension quantitative fait rŽfŽrence ˆ une hausse de la production nationale, du PIB, etc. Voir
Tremblay, 1994Ê: 58
113
En analysant les relations interpersonnelles, ces auteurs ont voulu comprendre comment
les membres de divers rŽseaux en viennent ˆ utiliser des ressources, souvent impossible ˆ
produire et non marchandables, afin d'amŽliorer leurs conditions de vie. La prŽsente
rŽflexion fouille justement ces relations internes afin dÕexpliquer lÕactivitŽ rŽelle des
rŽseaux.
CHAPITRE 3
LES RƒSEAUX COMME MƒTHODE DÕANALYSE
3.1
Introduction
Ce chapitre, ˆ caract•re mŽthodologique, sera consacrŽ ˆ la dŽtermination et la
comprŽhension de la nature des relations intra-rŽseau. Pour ce faire, les notions d'affinitŽs,
de frŽquence, de densitŽ, de force des liens et de multiplexitŽ seront dÕune grande utilitŽ.
Une seconde partie portera essentiellement sur lÕexamen des formes de communication
utilisŽes au sein des rŽseaux afin de comprendre la division des t‰ches quÕon y pratique
ainsi que les formes de communications utilisŽes pour en informer leurs membres.
Quoique lÕensemble de ces dŽmonstrations et prŽcisions mŽthodologiques ne soient pas
ensuite reprises intŽgralement lors de la rŽalisation de notre propre Žtude, ces informations
favorisent une meilleure comprŽhension des mod•les de prise de dŽcisions collectives et de
mesure de performance, ou des rŽsultats obtenus par certains types de rŽseaux, tels que
ceux dits ÇÊde recherche d'emploiÊÈ. Cette section inclura aussi une courte typologie
inspirŽe des ouvrages de Lemieux (1982), Granovetter (1973, 1982), Degenne et ForsŽ
(1994) sur l'Žtude des rŽseaux sociaux. La derni•re partie veillera enfin ˆ identifier les
diverses stratŽgies de vŽrification applicables ˆ ce type de problŽmatique.
115
3.2
Les rŽseaux informels et leurs reprŽsentations
3.2.1
La thŽorie des graphes
La recension des travaux montre qu'il existe plusieurs fa•ons de mener une enqu•te de
rŽseau, de collecter et de synthŽtiser les donnŽes pertinentes. Ceux qui recueillent des
donnŽes quantitatives administrent gŽnŽralement un questionnaire fermŽ par la poste, en
personne, au tŽlŽphone et, maintenant, par courrier Žlectronique. Lorsque l'enqu•te vise ˆ
recueillir des donnŽes plus qualitatives, les chercheurs ont le plus souvent choisi l'entrevue
en personne, sauf dans les cas des rŽseaux d'interaction o• ils ont principalement optŽ
pour un journal rempli au fil des heures et des journŽes de la pŽriode retenue. De plus, la
nŽcessitŽ de recourir frŽquemment ˆ de longues pŽriodes d'enqu•te entra”ne souvent le
rejet de l'Žtude des rŽseaux interactifs par le recueil de journaux ou par l'observation
d'interactions routini•res.
Une Žtude des principales mŽthodes d'observation de communications informelles a
permis de constater comment ce type de recherche peut conduire ˆ de vastes enqu•tes
quantitatives. Toutefois, ce genre d'investigation ne permet pas de dŽgager de fa•on directe
et prŽcise les structures et les multiples relations sociales unissant les membres des
rŽseaux. Aussi, pour atteindre un niveau de comprŽhension approfondi des structures d'un
rŽseau, il est prŽfŽrable d'avoir recours ˆ des mŽthodes d'enqu•te plus systŽmatiques. Tel
que mentionnŽ dans une section antŽrieure, le langage des graphes offre effectivement les
outils nŽcessaires ˆ une description des aspects formels de rŽseaux sociaux. Ë partir des
dŽmonstrations et explications provenant des ouvrages de Lemieux (1982Ê: 47) et de
Degenne et ForsŽ (1994Ê: 77), voici donc quelques ŽlŽments d'introduction ˆ la thŽorie des
graphes.
116
Il faut tout d'abord savoir qu'il est possible de reprŽsenter un rŽseau social par un graphe.
Ce graphe est une forme mathŽmatique composŽe de points et de lignes reliant ces points,
ou plus techniquement, de sommets et d'ar•tes. Les sommets correspondent aux acteurs
du rŽseau et les ar•tes, aux liens entre ces acteurs. Un graphe qui comporte plus d'une
ar•te entre certains couples de sommets est alors appelŽ multigraphe. Un graphe orientŽ
dont les sommets sont reliŽs dans une direction prŽcise sera appelŽ digraphe. Enfin, les
ar•tes d'un graphe orientŽ se nomment arcs. Dans un graphe orientŽ, les arcs peuvent •tre
orientŽs en un seul sens ou dans les deux. Lorsque les liens entre acteurs sont reprŽsentŽs
par des arcs plut™t que par des ar•tes, ils sont appelŽs connexions.
La base de la thŽorie des graphes se concentre gŽnŽralement sur le mouvement d'un
sommet vers l'autre (d'un acteur ˆ l'autre). Il est donc possible de savoir qu'un acteur, dans
un graphe orientŽ, est un descendant d'un autre acteur lorsqu'il peut •tre atteint par le
premier, son ascendant. Un sommet dont tout autre sommet est un descendant est une
racine. La sŽquence des arcs qui m•ne de l'ascendant au descendant est un chemin. Dans
un graphe non orientŽ, une cha”ne dŽsigne une sŽquence continue d'ar•tes. Le graphe 1
rŽunit l'ensemble de ces informations et reprŽsente en m•me temps un rŽseau personnel en
forme d'Žtoile.
Graphe 1
F
I
K
E
G
H
J
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 48.
Dans ce rŽseau personnel, Ego (E) occupe la place de racine face aux six autres acteurs (F,
G, H, I, J, K). Ce type de rŽseau est Žgalement appelŽ graphe marquŽ car un ou plusieurs
sommets sont identifiŽs. Si l'on consid•re E comme ascendant, trois chemins de longueur
117
diverse m•nent aux autres acteurs, les descendants. Par exemple, un chemin de longueur 1
m•ne ˆ F et de longueur 2 ˆ H. Le graphe 1 pourrait donc reprŽsenter le cas d'un individu
(E) et de trois amis intimes (I, F et G), qui eux entretiennent d'autres amitiŽs fortes avec
K, J et H.
L'ensemble des sommets d'un graphe G est habituellement dŽsignŽ par X et l'ensemble des
arcs par U. L'arc qui va d'un sommet xi ˆ xj est dit de la forme (xi, xj). Un graphe G= (X,
U) est un couple constituŽ par :
1) un ensemble de sommets X= {x1, x2,..., xn}
2) une famille d'arcs U={u1, u2, ..., um} ŽlŽments du produit cartŽsien XxX= {(x,
y)/x ? X, y ??X}
3) une cha”ne sera reprŽsentŽ par L= {U1, U2, U3}
Dans un rŽseau en forme de zone, les acteurs reliŽs directement ou indirectement ˆ Ego ont
aussi des liens entre eux et un Ego dispose de plus d'un chemin pour rejoindre certains
d'entre eux. L'Žtoile du graphe 1 devient donc une zone dans le graphe 2 si l'on ajoute un
lien entre F et G, ainsi qu'entre H et J. La zone se distingue donc de l'Žtoile parce qu'elle
contient des cycles ou des circuits. Le graphe 2 traduirait donc la rŽalitŽ d'un rŽseau
personnel ou social dans lequel un individu (E), qui tient la position de noyau central,
utiliserait parfois un intermŽdiaire (G) pour faire circuler une information ˆ un autre
membre (F) et ce, malgrŽ le fait qu'il connaisse bien cet individu.
118
Graphe 2
F
I
K
E
G
H
J
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 49.
Une cha”ne dont le sommet initial et le sommet terminal co•ncident et qui n'emprunte pas
deux fois la m•me ar•te est appelŽe un cycle. Dans le deuxi•me graphe, E, F et G forment
un cycle, ainsi que E, G, H, J et I. Un circuit est aussi dŽtectable lorsque le graphe est
orientŽ et que le cycle est parcouru dans un seul sens. Par exemple, si E va vers F, F vers
G et G vers E. On constate alors qu'il n'y a pas de cycle ou de circuit dans le premier
graphe. Il s'agit d'un arbre qui peut •tre qualifiŽ de connexe sans cycle, car aucun sommet
n'y est isolŽ.
Figure 1Ê: cha”ne, circuit, chemin et cycle
U3
1
5
U1
U4
3
U6
4
2
U7
U5
SourceÊ: Degenne, Alain et Michel ForsŽ, (1994). Les rŽseaux sociauxÊ: une analyse
structurale en sociologie, ParisÊ: ƒditions A. Colin, page 78.
Ë partir de la figure 4, on constate ˆ quoi ressemble une cha”ne et comment elle peut se
traduireÊ: L= {U1, U5, U6}. Un cycle prendra la forme de C={U2, U3, U6, U5}, L={U2,
U3, U6, U7} constituera un chemin, et C= {U6, U7, U4} reprŽsentera un circuit.
119
On dira qu'un graphe est complet si, pour toute paire de sommets (x, y), il existe au moins
un arc de la forme (x, y) ou (y, x). Or, la densitŽ d'un graphe pourra •tre calculŽe en faisant
le rapport entre le nombre d'arcs de ce graphe et le nombre d'arcs que comporte le graphe
complet ayant m•me nombre de sommets. Aussi, si Card (U) = K et Card de (X) = N, la
densitŽ est :
K
N (N - 1)
Dans les graphes orientŽs, il y a arborescence ˆ partir d'une seule racine (par exemple E
dans le graphe 1) quand aucun arc ne se termine en cette racine et quand un arc, et un seul,
se termine en tout sommet diffŽrent de cette racine. Le graphe 1 serait une arborescence si
tous les arcs Žtaient orientŽs vers l'extŽrieur, comme ci-dessous (Graphe 3). Enfin, comme
l'arbre, l'arborescence est une Žtoile. Aussi, le graphe 3 pourrait bien reprŽsenter le cas
d'un jeune ch™meur (E) et de ses trois derniers employeurs (F, I et G) qui eux, connaissent
d'autres propriŽtaires d'entreprise dans le m•me domaine.
Graphe 3Ê: L'arborescence
F
I
K
E
G
H
J
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 49.
Les trois graphes prŽsentŽs jusqu'ˆ prŽsent Žtaient tous connexes, car on pouvait y
retrouver une cha”ne entre deux sommets quels qu'ils soient. Dans les graphes orientŽs ou
digraphes, la connexitŽ peut prendre diffŽrentes formesÊ: la connexitŽ simple, la connexitŽ
quasi forte, la connexitŽ semi-forte, et la connexitŽ forte. Les graphes non connexes
peuvent Žgalement •tre ajoutŽs ˆ cette liste. En prenant pour mod•le le graphe 1, un
graphe sera fortement connexe s'il existe deux chemins reliant, en directions opposŽes,
deux sommets quels qu'ils soient. Le rŽseau sera fortement connexe si chacune de ses
120
ar•tes reprŽsente deux arcs orientŽs dans les deux sens (Voir Graphe 4). Il s'agira par
contre d'une connexitŽ forte tr•s vulnŽrable car d•s l'instant o• l'un des arcs sera supprimŽ,
la connexitŽ du rŽseau perdra automatiquement sa force.
Graphe 4Ê: la connexitŽ forte
F
I
K
E
G
H
J
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 51.
La connexitŽ semi-forte se caractŽrise par l'existence d'au moins un chemin entre deux
sommets quels qu'ils soient (voir Graphe 5). Elle est considŽrŽe comme une forme
infŽrieure de connexitŽ par rapport ˆ la connexitŽ forte.
121
Graphe 5Ê: la connexitŽ semi-forte
F
I
K
E
G
H
J
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 52.
L'utilisation d'une sociomatrice associŽe ˆ un graphe permet de dŽcrire plus clairement les
traits caractŽrisant un graphe. Si M est cette matrice, ˆ chacune de ses lignes correspond
un sommet G. Cette ligne est gŽnŽralement reprŽsentŽe par mij. Si la connexion d'un acteur
(ligne) ˆ un autre (colonne) est marquŽe par 1, et que l'absence de connexion est marquŽe
par 0, la matrice pourra prendre les formes suivantes.
Tableau 4Ê: Les sociomatrices
E
F
G
H
I
J
K
E
1
1
1
1
1
1
1
F
0
1
1
1
1
1
1
G
0
0
1
1
0
0
0
H
0
0
0
1
0
0
0
I
0
0
1
1
1
1
1
J
0
0
1
1
0
1
1
K
0
0
1
1
0
0
1
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 53.
122
ou
mEE=1
mEF=1
mEG= 1
mEH=1
mEI=1
mEJ=1
mEK=1
mFE=0
mFF=1
mFG=1
mFH=1
mFI=1
mFJ=1
mFK=1
mGE=0
mGF=0
mGG=1
mGH=1
mGI=0
mGJ=0
mGK=0
mHE=0
mHF=0
mHG=0
mHH=1
mHI=0
mHJ=0
mHK=0
mIE=0
mIF=0
mIG=1
mIH=1
mII=1
mIJ=1
mIK=1
mJE=0
mJF=0
mJG=1
mJH=1
mJI=0
mJJ=1
mJK=1
mKE=0
mKF=0
mKG=1
mKH=1
mKI=0
mKJ=0
mKK=1
ou
M=
1111111
0111111
0011000
0001000
0011111
0011011
0011001
Nous ferons dÕailleurs appel ˆ cette forme de reprŽsentation des liens en rŽseaux dans le
cadre de notre propre recherche afin dÕillustrer la forme des liens unissant les membres des
rŽseaux ŽtudiŽs.
Aussi, on dira d'un graphe qu'il est quasi fortement connexe quand il existe un ascendant
commun ˆ deux sommets quels qu'ils soient. Le graphe 3 obŽit ˆ cette dŽfinition car ˆ
partir de E, il est possible de rejoindre tout couple de sommets. La connexitŽ quasi forte
est toutefois tr•s vulnŽrable puisque la suppression d'une seule connexion enl•ve au
graphe cette forme de connexitŽ (Voir Graphe 6).
123
Graphe 6Ê: la connexitŽ quasi forte
F
I
K
G
E
H
J
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 54.
La connexitŽ simple se caractŽrise par l'existence d'une cha”ne entre deux sommets quels
qu'ils soient. Or, un graphe sera simplement connexe d•s qu'un acteur ne s'y trouve pas
isolŽ, m•me s'il n'y a pas de centre qui puisse rejoindre chacun des autres acteurs (Voir
Graphe 7).
Graphe 7Ê: la connexitŽ simple
F
I
K
E
G
H
J
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 55.
Enfin, un graphe est non connexe lorsque au moins un des sommets est isolŽ. Ce serait le
cas du graphe 7 si l'on supprimait une connexion quelconque.
3.2.2
Typologie des Žtudes de rŽseaux
Lemieux, ayant retenu les voies de recherche prŽsentŽes plus t™t dans le cadre de
l'approche systŽmique, a ensuite ŽlaborŽ une typologie des Žtudes d'appareils
(institutions) ou de rŽseaux. Ë partir de cette typologie, nous prŽsentons maintenant les
grands axes de certaines de ces Žtudes, qui sont devenues, en quelque sorte, les classiques
du genre.
124
Voici tout dÕabord un tableau situant les diverses Žtudes en fonction des trois substrats de
l'approche systŽmique, soit la forme, la substance et la fonctionnalitŽ.
Tableau 5Ê: Typologie des Žtudes rŽseaux
Forme
+
f
substance
substance
o
+
+
n
c M ayer
t
Barnes
Bott
Granovetter
i + Lemieux
o et al.
n
n
RadcliffeNadel
a Kapferer
Brown
Epstein
l Lorrain
i
Cohen
t
Ž
SourceÊ: Lemieux, Vincent. 1982. RŽseaux et appareilsÊ: logique des syst•mes et langage des
graphes, Saint-HyacintheÊ: Edisem, page 30.
Ce tableau indique que les auteurs situŽs dans la moitiŽ supŽrieure ont produit des Žtudes
pouvant aborder les trois substrats de l'approche systŽmique, tandis que ceux placŽs dans
la moitiŽ infŽrieure ne traitent rŽellement d'aucun de ces probl•mes. Toujours selon
Lemieux, en se limitant aux dichotomies entre les Žtudes de rŽseaux qui portent ou non une
attention spŽciale ˆ la forme, huit types d'Žtudes, illustrŽes ci-haut, se dŽgagent. Dans le
cadre de cet essai, la prŽsentation des fondements thŽoriques sera limitŽe ˆ quatre de ces
Žtudes.
L'article publiŽ par Barnes en 1954, Žtudiant, selon une perspective anthropologique, la
population de l'”le norvŽgienne de Bremmes, rŽunit ˆ la fois les considŽrations de
substance et de fonctionnalitŽ. Il serait dÕailleurs le fondateur des recherches
contemporaines sur les rŽseaux sociaux. Ses observations en Norv•ge lui permirent de
distinguer trois champs sociaux diffŽrents qui regroupent les habitants de l'”leÊ: un champ ˆ
la base territoriale, un champ social (le syst•me industriel) et celui des relations d'amitiŽ et
125
de connaissance. Dans son Žtude, Barnes utilise le terme de rŽseau pour dŽcrire un
syst•me de relations sociales qui se distingue principalement des deux autres par sa
substance.
Selon LemieuxÊ:
Par ces distinctions apportŽes entre les substrats des trois champs sociaux, dont
celui des rŽseaux, l'Žtude de Barnes peut •tre qualifiŽe de substantielle. Ë l'intŽrieur
du champ occupŽ par les rŽseaux, une distinction est d'ailleurs amorcŽe entre les
ÇÊsubstrats de parentŽ, d'amitiŽ et de connaissance. L'Žtude est Žgalement
fonctionnelle, en ce que Barnes, ˆ quelques reprises, signale les fonctions remplies
par les rŽseaux. Ils servent, dit-il, ˆ certaines activitŽs sociales, comme l'entraide
ou les loisirs. Ils servent aussi, comme les relations dans le syst•me industriel, ˆ
trouver de l'emploi dans l'industrie de la p•che, ou encore dans d'autres
entreprises (1982Ê: 32).
Par contre, des auteurs comme Epstein (Lemieux, 1982Ê: 35) s'intŽressent davantage aux
descriptions ŽvŽnementielles que structurelles d'un rŽseau personnel. La recherche qu'il a
menŽe au dŽbut des annŽes 1960, en RhodŽsie du Nord, va tout ˆ fait dans ce sens. Dans
le but de montrer qu'un Africain d'origine paysanne ne se trouve pas en milieu
impersonnel dans une ville de 50 000 habitants, Epstein a recensŽ les contacts personnels
d'un homme appelŽ Changa, tout au long d'une fin de semaine. S'intŽressant surtout ˆ la
substance des diffŽrentes connexions que Changa rŽactive au cours de cette fin de semaine,
l'auteur en vient ˆ distinguer trois types de substrats, soient les liens de voisinage, les
connexions de parentŽ et les connexions tribales.
Dans sa description des ŽvŽnements de la fin de semaine, Epstein dŽnote une absence
presque totale de considŽrations par rapport ˆ la forme et aux fonctions remplies par les
connexions. Il note parfois l'utilitŽ du rŽseau personnel pour l'obtention de services, mais
tr•s peu. Par contre, il se prŽoccupe du fait que le sujet de la situation de l'emploi et du
ch™mage revient souvent dans les discussions de Changa. Il faut enfin noter quÕil sÕagit
126
d'une Žtude portant exclusivement sur la substance et que le rŽseau personnel est ici pris
en tant que sous-ensemble d'un syst•me beaucoup plus Žtendu.
LÕŽtude de Kapferer traitant d'un conflit en milieu de travail est la troisi•me Žtude quÕil est
important de porter ˆ lÕattention des lecteurs. PrŽoccupŽ par la substance des relations
mais n'ayant pas recours ˆ des mod•les mathŽmatiques pour expliquer ses donnŽes et
formaliser les rŽseaux ˆ l'Žtude, Lemieux classe tout de m•me cette Žtude parmi les Žtudes
formelles de la substance.
Kapferer distingue en effet cinq types de substrat dans les connexions personnelles des
deux acteurs sous observationÊ: la conversation, la plaisanterie, l'aide au travail, les
services personnels et l'aide financi•re. Les trois derniers substrats sont de l'ordre de ce
que Lemieux nomme les transactions (de biens ou d'informations), alors que les deux
premiers sont plut™t de l'ordre des statuts. La conversation est en principe bilatŽrale mais
les autres connexions peuvent •tre unilatŽrales ou bilatŽrales. En plus de la direction,
Kapferer attache beaucoup d'importance au caract•re simple ou multiple des connexions.
Il montre que les connexions multiples, c'est-ˆ-dire qui ont plus d'un substrat, sont
gŽnŽralement plus fortes que les connexions simples (qui n'ont qu'un substrat).
Contrairement aux autres exemples citŽs prŽcŽdemment, cette Žtude de Kapferer illustre
toutes les possibilitŽs que rec•le une monographie fouillŽe sur une situation particuli•re.
Elle pose aussi avec prŽcision des probl•mes mŽthodologiques dŽjˆ soulevŽs, tels que
l'analyse des rapports entre rŽseaux personnels et rŽseaux sociaux ainsi que les structures
et les processus de rŽseaux.
Quelques mots sur l'Žtude de Mark Granovetter (1973) portant sur la force et la faiblesse
des liens sociaux sont nŽcessaires avant de clore ce bref survol. Il s'agit bien ici d'une Žtude
formelle de fonctionnalitŽ. Granovetter (1973) fait en effet partie des auteurs qui ÇÊvoient
127
dans la formalisation un moyen de dŽgager la fonctionnalitŽ des rŽseaux sociaux par
rapport ˆ d'autres organisationsÊÈ (LemieuxÊ: 1982, 39).
Sans dŽcrire l'Žtude qui sera exposŽe ultŽrieurement dans le texte, il semble nŽanmoins
important de la situer en fonction des composantes qui viennent dÕ•tre dŽcrites. Se
limitant ˆ la forme et ˆ la fonctionnalitŽ des rŽseaux, Granovetter (1973) (il met
enti•rement de c™tŽ les substrats pouvant expliquer certaines variations sur sa forme ou sa
fonctionnalitŽ. Plus spŽcifiquement, il se concentre sur l'impact que peut avoir la forme
d'un rŽseau sur les fonctions remplies par celui-ci, car les liens faibles permettent souvent
de b‰tir des ponts entre les rŽseaux, ponts qui ont une grande importance dans la diffusion
des informations sur les emplois. Granovetter (1973) arrive ainsi ˆ consolider l'utilitŽ des
Žtudes de rŽseaux dans le passage entre le micro structurel et le macro structurel.
3.2.3
Principes et types de regroupements
Le peu dÕouvrages existants sur le sujet nous confronte de nouveau ˆ la difficultŽ
rencontrŽe au moment d'Žtablir des crit•res qualifiant l'organisation d'un rŽseau. Trois
approches proposant des principes pour reconna”tre les diffŽrents rŽseaux et
regroupements d'individus furent donc retenues. Tout d'abord, celle de Degenne et ForsŽ
(1994Ê: 215) dŽcrivant trois types de dŽfinition des groupements d'individus et
fonctionnant simultanŽment dans le cadre d'un exercice de dŽfinition des cercles sociaux.
Ensuite celle de Godbout et Charbonneau (1995Ê: 213) ŽlaborŽe lors d'une recherche sur la
circulation du don dans la famille. Et enfin, les principes de Wellman et Berkowitz (1988)
13
permettant d'identifier les diffŽrentes formes d'unitŽs structurelles dans les rŽseaux .
13
De l'anglais Structural Units. Chez Parsons les unitŽs structurelles reprŽsentent les r™les, les normes et
les valeurs qui sont des unitŽs hiŽrarchisŽes et organisŽes en syst•me.
128
Chez Degenne et ForsŽ, le premier principe est celui de la cohŽsion. Au sein des rŽseaux
de solidaritŽ, le groupe se manifeste par les liens que les personnes qui le composent ont
entre elles. La relation reprŽsentŽe est en gŽnŽral de type affinitaire (clubs d'artisanat, de
recherche d'emploi, etc.).
Pour prŽciser ce principe de cohŽsion, il semble pertinent de glisser ici une courte
rŽfŽrence au classement de Godbout et Charbonneau qui distinguent entre autres, les
rŽseaux de personnes significatives ou importantes. Ces rŽseaux regroupent les gens
considŽrŽs comme importants ou intimes par des individus cibles (famille, amis et
coll•gues). Viennent ensuite les rŽseaux d'Žchange qui cherchent ˆ cerner le ou les sousensembles du rŽseau d'un individu pour lesquels la probabilitŽ d'Žchanges ÇÊgratifiantsÊÈ
est la plus ŽlevŽe. Il s'agit donc dÕidentifier les situations et les catŽgories d'individus avec
qui les Žchanges sont probables (maisonnŽe, parentŽ, voisins, amis, coll•gues ainsi que
groupes formels et informels). Les rŽseaux interactifs terminent enfin ce classement. Ces
derniers reprŽsentent les rŽseaux de personnes avec qui l'individu interagit de fa•on
routini•re (frŽquence et durŽe) et reposent sur le postulat que les individus prŽsents
durant les interactions font automatiquement partie des rŽseaux.
LÕidentitŽ est le second principe du mod•le de Degenne et ForsŽ, quÕils dŽfinissent ˆ partir
d'une relation de distinction ou d'opposition. Il peut s'agir d'une partie de la population
qui se distingue de l'ensemble. L'identitŽ du rŽseau puise sa source au cÏur des diffŽrences
physiques, spirituelles ou matŽrielles qui les distinguent de tous ceux qui ne font pas
partie du groupe. Elle peut se concrŽtiser ˆ travers des rites (bapt•me), ˆ travers des
signes distinctifs (un groupe de punks) ou ˆ travers une partie d'un ensemble (criminels).
Dans ce dernier cas, le groupe crŽe son identitŽ en dŽsignant ceux qu'il rejette. Le principe
d'identitŽ provoque en gŽnŽral des comportements ou attributs particuliers qui permettent
de reconna”tre ceux qui en font partie et ceux qui en sont exclus.
129
La complŽmentaritŽ des r™les, dernier principe, se manifeste par une relation d'Žchange. Ce
principe se traduit Žgalement par des attributs et symboles, tels que la remise de dipl™mes
ou les grades dans l'armŽe.
Quoique nominalement tr•s diffŽrents, les trois familles de mod•les chez Wellman et
Berkowitz (1988) ram•nent le lecteur ˆ une sŽrie de concepts-indicateurs fort semblables
aux principes des Degenne et ForsŽ. Tout d'abord les mod•les de cliques qui permettent
d'observer de petits groupes ˆ l'intŽrieur de rŽseaux plus larges. Ils se fondent sur le fait
que les membres d'un rŽseau s'identifient prioritairement ˆ quelques individus avec qui ils
partagent de forts liens relationnels. Ces derniers permettent Žgalement de mesurer ce qui
sera dŽfini plus tard comme la densitŽ des relations. Viennent ensuite les mod•les
d'Žquivalence structurelle. Plut™t prŽoccupŽs par la place qu'occupent les individus au sein
d'un rŽseau, ils cherchent ˆ dŽterminer jusqu'ˆ quel point les membres qui partagent les
m•mes types de relations sociales sont liŽs entre eux (concept de multiplexitŽ). Les
mod•les d'espace, enfin, sont fondŽs sur la prŽsomption que la mani•re dont les membres
d'un rŽseau s'organisent dans l'espace correspond ˆ la proximitŽ des relations sociales qui
prŽvalent dans le groupe.
Comme les trois approches le sugg•rent, il peut •tre fructueux de combiner plusieurs
mŽthodes d'analyse et m•me, au besoin, de les adapter selon la nature des relations qui
prŽvalent au sein du type de rŽseaux ŽtudiŽs. Voici un bref tableau synth•se.
130
Tableau 6Ê: Approches et mod•les de classement des divers types de regroupements
Degenne et ForsŽ
Godbout et Charbonneau Wellman et Berkowitz
1. CohŽsion
1. Personnes importantes
(liens affinitaires)
2. RŽseaux d'Žchange
1. Cliques
(densitŽ)
3. RŽseaux interactifs
2. IdentitŽ
(opposition)
3. ComplŽmentaritŽ des r™les
(Žchange)
3.3
La nature des relations intra-rŽseau
3.3.1
Facteurs d'influence et indicateurs d'affinitŽs
2. ƒquivalences structurelles
(multiplexitŽ)
3. Espace
(proximitŽ)
Jusqu'ˆ prŽsent, la thŽorie comparative a majoritairement gŽnŽrŽ des travaux explicatifs
ayant trait ˆ son impact sur les aptitudes de deux individus. Tr•s peu d'auteurs se sont
intŽressŽs aux impacts de cette derni•re thŽorie sur la nature de la relation entre ces deux
individus. Or, le fait que des personnes choisissent ou sentent le besoin de se ÇÊrŽseauterÊÈ
dŽpendra, entre autres, de la nature de leurs relations avec leurs pairs et de leurs intŽr•ts
communs. Wellman et Berkowitz (1988Ê: 102) ainsi que Degenne et ForsŽ (1994Ê: 29)
s'entendent d'ailleurs sur un ensemble de facteurs qui permettent de qualifier ces relations
sociales.
La frŽquence est certainement le premier ŽlŽment ˆ considŽrer. Plus les membres d'un
groupe se rencontrent frŽquemment, plus il leur devient facile de dŽcoder leurs croyances
et leurs valeurs respectives. C'est donc au moment o• les individus expriment leurs
131
prŽfŽrences et leurs opinions sur certaines questions que le processus de comparaison
sociale s'enclenche. Face ˆ la comparaison, et afin de prŽserver un climat d'entente, une
partie du groupe ajuste inŽvitablement son discours et commence ˆ comprendre et ˆ
partager vŽritablement les valeurs des autres membres. De plus, le sentiment de partager
une ÇÊbase communeÊÈ avec les membres du groupe, les incitera ˆ entretenir des contacts
plus frŽquents avec d'autres individus. Selon cette thŽorie, il faut voir que l'influence
exercŽe par un individu sur un parfait Žtranger est tr•s limitŽe. Un minimum de contacts et
de confiance mutuelle est effectivement nŽcessaire. En somme, ÇÊplus on se voit souvent
et mieux on se comprendÊÈ.
Le deuxi•me facteur influen•ant la nature des relations entre les membres d'un groupe est
appelŽ la multiplexitŽ. Rappelons que Degenne et ForsŽ l'interpr•tent comme Žtant
l'exploitation simultanŽe de plusieurs types de relations (1994Ê: 59). En gŽnŽral, les gens
prŽf•rent se comparer ˆ d'autres individus leur ressemblant de fa•on importante ˆ
plusieurs Žgards (opinions, croyances et valeurs). Mais encore, ils prŽfŽreront se
comparer avec ceux qui partagent le m•me type de relations sociales. Par exemple, des
coll•gues de travail discuteront entre eux de la situation Žconomique et du contenu des
mŽdias, tandis que des voisins Žchangeront sur la politique municipale (taxes), la
signalisation routi•re dans le quartier, etc. Donc, plus les relations d'un individu sont
multiplexes, plus l'impact est grand sur ses croyances et valeurs, et plus son influence est
forte sur les autres membres du groupe.
Selon Wellman et Berkowitz (1988), l'asymŽtrie est un autre facteur ˆ considŽrer. La
plupart de nos relations sociales sont asymŽtriques ou inŽgales. Une relation d'amitiŽ peut
avoir une signification plus grande pour l'un ou l'autre des individus; des coll•gues de
travail n'auront pas la m•me influence comportementale l'un sur l'autre, dans une relation
patron-employŽ par exemple. Mais selon le type de relation, l'asymŽtrie aura un impact
diffŽrent sur les individus. De mani•re gŽnŽrale, les relations asymŽtriques sont plut™t
132
rares et de tr•s courte durŽe au sein de rŽseaux unis. Par contre, l'asymŽtrie pourra avoir
un effet unificateur sur les relations sociales au sein du groupe lorsque l'ensemble de la
relation entre deux groupes est asymŽtrique. Un contexte de relations asymŽtriques
permet ainsi de mesurer l'influence d'un acteur ou d'un groupe d'acteurs sur les valeurs et
les comportements d'autrui. Pour illustrer le potentiel d'influence d'un rapport
asymŽtrique, citons le cas de scientifiques connus internationalement, mais qui ne sont
pas nŽcessairement familiers avec les travaux d'autres chercheurs, moins cŽl•bres, quÕils
influencent pourtant fortement.
14
La densitŽ , dŽfinie comme le rapport entre le nombre de liens qui existent rŽellement
entre les membres du rŽseau et le nombre de liens potentiels entre ces membres (Godbout
et Charbonneau, 1995Ê: 210), vient Žgalement influencer la qualitŽ de ces relations intrarŽseau. De forts liens contribuent ˆ une plus grande cohŽsion et solidaritŽ dans le groupe.
De ces solides alliances dŽcouleront des comparaisons de plus en plus frŽquentes et,
incidemment, de nombreux sujets d'entente.
Pour Degenne et ForsŽ, l'utilisation de ces facteurs d'apprŽciation peut toutefois susciter
deux types de critique. D'une part, un individu qui n'aurait pas nŽcessairement une
connaissance dŽtaillŽe des relations ˆ l'intŽrieur de son rŽseau pourrait difficilement dŽfinir
ces derni•res ˆ partir des crit•res prŽsentŽs. D'autre part, les donnŽes que cette dŽmarche
permet de recueillir au sein d'un rŽseau social ne sont pas du m•me ordre que celles qui
seraient collectŽes dans un rŽseau personnel (entre Ego et ses relations directes) donc
difficilement comparables. Or, si ces donnŽes sont ensuite traitŽes comme un ensemble
homog•ne, le risque de confondre deux types de rŽalitŽs bien distinctes est donc
significatif.
14
En anglais, cette caractŽristique est communŽment appelŽe strength.
133
Il faut enfin Žmettre une troisi•me rŽserve face au recours systŽmatique et exclusif ˆ ces
facteurs comme indicateurs de mesure. Selon nous, l'absence d'un facteur ÇÊd'origineÊÈ des
diverses relations personnelles au sein d'un rŽseau nuit ˆ la comprŽhension rŽelle du
fonctionnement de ces relations. Leur nature pourra en effet varier sensiblement selon le
lieu d'origine de la relation, soit dans le cadre des activitŽs du rŽseau, par l'intermŽdiaire
d'un autre membre du rŽseau ou totalement ˆ l'extŽrieur de ce dernier.
Quant ˆ l'apprŽciation des affinitŽs, il est intŽressant de savoir que les outils et les facteurs
servant ˆ l'identification des regroupements sont Žgalement ceux utilisŽs pour l'Žvaluation
des divers niveaux affinitaires entre les membres d'un rŽseau (Wellman et Berkowitz,
1988Ê: 106). Les concepts de densitŽ, de multiplexitŽ, de proximitŽ, de cohŽsion, d'identitŽ
et d'Žchange permettent en effet de qualifier les affinitŽs qui unissent certains ou tous les
membres d'un groupe.
Mais au-delˆ de ces indicateurs, les sociologues doivent prendre en considŽration l'une des
principales caractŽristiques des relations affinitaires, soit l'homophilie (entre amis) ou
l'homogamie (entre conjoints). Homophiles ˆ plusieurs Žgards, les relations sont la plupart
du temps constituŽes entre individus du m•me groupe d'‰ge, appartenant ˆ des catŽgories
sociales et professionnelles semblables et issus du m•me milieu culturel et Žconomique. En
consŽquence, il est juste de dire que d•s leur crŽation, les rŽseaux sont constituŽs
d'individus ayant un niveau ŽlevŽ d'affinitŽs. Ces relations, telle une amitiŽ, sont
gŽnŽralement qualifiŽes d'Žgalitaires, solidaires (Allan, 1979), rŽciproques, consenties,
souples et peu normŽes. Elles sont donc majoritairement incompatibles avec l'autoritŽ, la
hiŽrarchie et la contrainte, mais permettent tout de m•me une bonne dose d'influence.
134
3.3.2
Pouvoir et mod•les de dŽcisions collectives
La position structurale d'un individu dans le processus dŽcisionnel du rŽseau est
certainement une question incontournable dans toute analyse structurale compl•te.
Comme cela a dŽjˆ ŽtŽ mentionnŽ, chaque rŽseau inclus parmi ses membres un ou quelques
individus centraux qui occupent une position privilŽgiŽe dans les Žchanges et,
ultŽrieurement, les dŽcisions. Ces derniers sont au centre des communications
importantes, ce qui se traduit gŽnŽralement en pouvoir. De nombreuses Žtudes confirment
en effet ce lien direct entre la centralitŽ et le pouvoir des individus Žvoluant dans des
organisations ou des rŽseaux informels.
En partant de l'analyse de Degenne et ForsŽ (1994Ê: 153), le concept de centralitŽ peut
•tre dŽcoupŽ en trois dŽfinitions distinctesÊ: la centralitŽ de degrŽ, la centralitŽ de
proximitŽ et la centralitŽ d'intermŽdiaritŽ. La centralitŽ de degrŽ consiste ˆ mesurer la
position d'un individu ˆ partir du nombre de connexions qu'il entretient avec les autres.
Bref, un individu occupe une position centrale s'il est fortement connectŽ aux autres
membres du rŽseau et se trouve en position pŽriphŽrique s'il n'est que faiblement
connectŽ. Selon cette logique, la centralitŽ d'un individu sera confirmŽe par le fait qu'il
dŽpend moins des autres pour communiquer avec l'ensemble du rŽseau et n'a pas besoin de
relais pour transmettre ses messages.
La centralitŽ de proximitŽ vise ˆ juger le degrŽ de proximitŽ d'un membre en regard de tous
les autres membres du groupe. L'important ici n'est donc pas la quantitŽ de connexions
mais la proximitŽ de l'individu par rapport aux autres membres du rŽseau. Enfin, la
centralitŽ d'intermŽdiaritŽ origine de l'idŽe de Linton Freeman (Degenne et ForsŽ, 1994Ê:
158) selon laquelle un individu peut •tre faiblement connectŽ aux autres et tout de m•me
s'avŽrer un intermŽdiaire indispensable dans les Žchanges. Plus l'individu sert ou peut
servir d'intermŽdiaire pour tous les membres du rŽseau, plus il contr™le la communication
135
et est indŽpendant des autres pour communiquer. Cette position est donc idŽale pour
assurer la coordination de l'ensemble.
Alors que la centralitŽ de degrŽ prend sa forme ˆ travers le nombre ou la proportion de
liens avec son environnement local, les centralitŽs de proximitŽ et d'intermŽdiaritŽ
mesurent la capacitŽ d'un individu ˆ contr™ler cette communication. Les rŽsultats de ces
mesures peuvent se traduire par une forte centralisation de connexion, qui indique une
communication active ou une forte centralisation de proximitŽ ou d'intermŽdiaritŽ
indiquant qu'un petit nombre d'acteurs contr™lent cette communication. La communication
idŽale prendra la forme d'Žchanges en Žtoile, tel un rŽseau tŽlŽphonique connectant chaque
individu directement avec le central et non les individus entre eux. La pire situation sera
celle d'une communication en cercle, ce qui limitera considŽrablement le nombre de
contacts.
Pour Knobe (1990), la notion de pouvoir se doit d'•tre subdivisŽe en deux autres concepts
distinguant la domination et l'influence. La combinaison de ces deux sous-ŽlŽments aboutit
ˆ quatre types d'exercice du pouvoir.
Figure 2
Influence
Absente
PrŽsente
PrŽsente
Pouvoir coercitif
Pouvoir autoritaire
Absente
Pouvoir Žgalitaire
Pouvoir de persuasion
Domination
Degenne et ForsŽ concluent qu'il y a connexion lorsqu'un Žchange, basŽ sur une relation,
est affectŽ par les Žchanges qui s'effectuent gr‰ce aux autres relations (1994Ê: 165). Une
connexion sera donc positive si un Žchange vient augmenter la vraisemblance des autres
Žchanges. Dans un rŽseau marquŽ par des connexions majoritairement positives, la
136
coordination de l'action et l'intŽgration du groupe reposeront sur la coopŽration entre les
membres du rŽseau. Dans un rŽseau nŽgativement connectŽ, la coordination de l'action et
l'intŽgration du groupe reposeront sur la compŽtition entre les membres du groupe.
Le processus d'Žvaluation du pouvoir, tant dans les organisations que dans les rŽseaux
informels, doit donc •tre conduit ˆ partir de la mani•re dont des acteurs aux intŽr•ts
diffŽrents arrivent ˆ rŽaliser des ŽvŽnements variŽs et ˆ influencer le cours des ŽvŽnements
dans le sens de leurs intŽr•ts. De plus, la mesure du pouvoir sur le marchŽ concurrentiel
classique diff•re de celle ayant cours dans les rŽseaux. Sur le marchŽ, tout acteur peut
Žchanger des ressources avec les autres, tandis que le rŽseau doit tenir compte notamment
de la confiance qui existe entre les membres et du type de relation qu'ils entretiennent.
Jusqu'ˆ maintenant diffŽrents mod•les dŽcrivant les processus de dŽcisions collectives ont
ŽtŽ proposŽs (Coleman, 1990, Stokman et Van de Bos, 1992), mais tous exigent une
collecte de donnŽes multiples et complexes. Les indicateurs dont sont principalement
constituŽs les mod•les et qui sont pris en compte dans l'Žlaboration des Žquations sontÊ: le
pouvoir de dŽcision, l'importance de la dŽcision collective pour l'acteur, l'estimation de la
capacitŽ de l'acteur ˆ influencer l'autre acteur et le nombre de ressources dont dispose un
acteur pour faire pression sur les autres membres du rŽseau.
Stokman et Van de Bos (1992) proposent un mod•le de dŽcision collective intŽressant qui
tient compte ˆ la fois de l'influence et de la dŽcision. P = CVSP + VSP = (CV+V) SP
Si :
P= pouvoir des acteurs
C= la matrice correspondante
V= dŽcisions collectives
S= l'importance des dŽcisions pour chacun
137
On peut donc prŽsumer, ˆ partir de cette formule, qu'une grille d'analyse qui ne
permettrait pas d'obtenir ˆ la fois des donnŽes sur la perception du pouvoir de chacun
ainsi que sur l'impact des dŽcisions sur ces perceptions, n'arriverait pas ˆ Žtablir
clairement le processus dŽcisionnel collectif et le type de connexions marquant ce groupe.
Il sÕagit bien ici de perceptions car, quÕelles soient vraies ou fausses, ces derni•res
influencent de mani•re importante le comportement des membres du groupe ainsi que leur
r™le respectif au sein de celui-ci.
3.4
Approches, communication et performances
Vouloir mesurer l'utilitŽ et l'efficacitŽ d'un rŽseau informel implique nŽcessairement
l'identification du type de rŽseau en cause (personnel, social ou complet), mais Žgalement
le choix d'une mŽthode d'analyse qui permettra de dŽgager les informations pertinentes et
significatives afin de brosser un portrait le plus explicite possible. Le concept d'efficacitŽ
est un indicateur dŽjˆ couramment exploitŽ en sociologie du travail. L'angle de traitement
des chercheurs est par contre gŽnŽralement le m•me, c'est-ˆ-dire l'efficacitŽ en termes de
rendement, de productivitŽ, de profits et de rŽmunŽration. Le concept d'efficacitŽ se
dŽfinit globalement par ÇÊla capacitŽ de produire un maximum de rŽsultats avec un
minimum d'efforts et de ressourcesÊÈ. Au regard de la recherche d'emploi chez les jeunes,
l'efficacitŽ d'un rŽseau informel sera donc mesurŽe en fonction du nombre de placements
sur le marchŽ du travail. Dans ce cas prŽcis, la dŽfinition devra •tre Žlargie, de par la nature
ŽphŽm•re de l'objet de recherche. En effet, plus un rŽseau sera efficace, plus vite il perdra
sa raison d'•tre et sera dissous. C'est donc ˆ partir de la combinaison de plusieurs
indicateurs qu'on peut mesurer le rendement de rŽseaux informels.
La circulation de l'information est sans contredit un volet essentiel dans l'Žvaluation de
l'efficacitŽ et de la performance des rŽseaux. Aucun rŽseau ne peut fournir un rendement
138
satisfaisant ˆ moins que ses membres n'Žchangent de lÕinformation et qu'ils ne connaissent
les modes d'Žchange prŽvalant dans le groupe. Autrement dit, la connaissance du
fonctionnement, des transferts d'information au sein des rŽseaux et de la position
qu'occupent les membres dans ces situations sont des ŽlŽments centraux de l'analyse.
Ë la lumi•re des textes de Claude Flament (1965), on constate que tous les processus de
la vie d'un groupe peuvent •tre ŽtudiŽs ˆ partir des communications ŽchangŽes ˆ l'intŽrieur
de ce groupe. L'Žtude des communications est donc enti•rement ˆ la base des recherches
liŽes ˆ la structure et au fonctionnement des groupes formels et informels.
Selon Parrochia (1993Ê: 61) et Flament (1965Ê: 2), l'analyse des processus de
communication demeure superficielle si on se limite ˆ l'Žtude des relations sociales et
Žmotives liant les membres d'un groupe. La communication est un Žchange de
significations, mais aussi une transmission matŽrielle des messages. Un processus de
communication, tel que ceux mis en place ˆ l'intŽrieur des rŽseaux, suppose donc une
infrastructure matŽrielle sans laquelle toute communication est impossible. Ce processus
se dŽcompose en trois niveaux (technique, sŽmantique et pragmatique) et s'analyse selon
un schŽma simple comme la transmission d'un Žmetteur ˆ un rŽcepteur, d'un signal porteur
d'un message issu d'une source d'information et acheminŽ, le long d'un canal, vers sa
destination (Voir Figure 2). Soulignons de plus que le signal peut •tre transmis de
diffŽrentes mani•res par les porteurs du message et que plus le rŽseau est complexe,
moins l'information est compl•te. La spŽcialisation des fonctions assignŽes aux individus
viendra affaiblir davantage la perception et favoriser les stŽrŽotypes et les projections
(Parrochia, 1993Ê: 65).
139
Figure 3Ê: Syst•me de communication
Observateur
Source
Emetteur
RŽcepteur
SourceÊ: Parrochia, 1993Ê: 63
Les rŽseaux informels, prŽcŽdemment dŽfini comme Žtant un syst•me social fortement
connexe, qui n'a gŽnŽralement pas de fronti•res prŽcises et dont les acteurs ne jouent pas
des r™les spŽcialisŽs (Lemieux, 1982Ê: 118), verront leur fonctionnement ŽvaluŽ en
fonction des performances des modes physiques et structurels de communication interne
(communication des informations concernant les possibilitŽs d'embauche, la disponibilitŽ
de logement, l'existence de divers groupes de support, l'Žchange de noms d'employeurs
potentiels, etc.). Ainsi, les contraintes physiques auxquelles se plie nŽcessairement toute
communication, pourront dŽterminer, au moins partiellement, la nature des relations ˆ
l'intŽrieur du groupe. Par exemple, la frŽquence des communications imposŽe par leurs
plus ou moins grandes facilitŽs matŽrielles et la canalisation prŽfŽrentielle entre certains
individus dŽtermineront le niveau de cohŽsion du groupe, sa structuration et ses divisions
en sous-groupes plus ou moins interdŽpendants.
3.4.1 Rapports t‰ches-rŽseaux et communication de la t‰che
MalgrŽ leur informalitŽ, les rŽseaux de solidaritŽ ont souvent un mode et des r•gles de
fonctionnement bien Žtablis. Au-delˆ des affinitŽs partagŽes par les membres d'un groupe,
il y a aussi le r™le et les responsabilitŽs attribuŽs ˆ chacun. Comprendre comment ces
t‰ches sont communiquŽes et qui g•re ces communications devient aussi une source
majeure d'informations quant ˆ l'articulation de l'informel.
140
Dans le cadre de toute recherche portant sur la structure, le fonctionnement et l'efficacitŽ
d'un rŽseau, il est selon nous prioritaire d'identifier lors de l'Žlaboration de la stratŽgie de
collecte des donnŽes le type de mod•le rŽgulant la transmission des informations sur la
t‰che collective. L'ensemble des lectures faites ˆ ce sujet aboutissent au constat que dans
la presque totalitŽ des rŽseaux formels et informels, se trouvent un ou quelques membres
centraux qui imposent une certaine structure ou un rythme opŽrationnel spŽcifique au
reste du groupe. Aussi, pour mieux comprendre ces syst•mes sociaux, le ou la sociologue
aura avantage ˆ identifier rapidement le mode de communication prŽvalant dans le ou les
rŽseaux ˆ l'Žtude.
Structurer les rapports entre la t‰che et le rŽseau demande que lÕon dŽfinisse
prŽalablement la t‰che collective. Cette dŽfinition rŽunit, d'une part, l'Žchange de
communications (ou l'interindividuel) et, d'autre part, l'aspect individuel qui consid•re
sŽparŽment chaque membre du groupe (Flament, 1965Ê: 53). Les t‰ches collectives
peuvent gŽnŽralement •tre ŽtudiŽes ˆ partir des informations possŽdŽes initialement par
les membres du groupe. Les informations initiales doivent ensuite •tre regroupŽes afin que
lÕon puisse y puiser la solution du probl•me, ce qui est appelŽ l'information rŽsultante.
Pour que le rŽseau de communication soit pleinement opŽrationnel, le rŽponse doit par la
suite •tre diffusŽe ˆ l'ensemble des membres du rŽseau.
Flament
15
classe en trois types de mod•les les rapports t‰ches-rŽseaux (1965Ê: 63).
Premi•rement les mod•les de type centralisŽ, o• un seul individu centralise les
informations initiales et en dŽduit la solution qu'il communique ensuite aux autres
membres.
15
MalgrŽ le fait que son texte date de 1965, les rŽflexions de Flament concernant les processus de
communication t‰ches-rŽseaux demeurent, encore aujourd'hui, l'analyse et le classement les plus complets
sur le sujet.
141
Figure 4Ê: Mod•les centralisŽs
A
A
B
C
B
A
C
B
C
Vient ensuite le mod•le homog•ne selon lequel chaque membre du groupe centralise pour
son compte les informations initiales et en dŽduit la solution.
Figure 5: mod•le homog•ne
A
B
C
Enfin, les mod•les intermŽdiaires qui rŽunissent un minimum de deux individus
centralisateurs (ceux procŽdant au regroupement des informations initiales) et au moins un
individu non centralisateur.
3.4.2
L'Žtude des communications informelles
Les principaux types de recherche sur les communications informelles peuvent •tre
rŽsumŽs selon cinq mŽthodes rŽunies par Keith Davis (1978Ê: 112) (voir Tableau I).
Premi•rement, la mŽthode de l'observateur participant qui exige une intŽgration importante
du chercheur aux activitŽs du groupe et une mŽthode de recherche tenant compte de cette
participation. Deuxi•mement, l'observation continuelle qui se base sur
l'observation des activitŽs d'un individu choisi sur une pŽriode de temps donnŽe et qui
permet de dŽterminer ses mod•les de communication. Troisi•mement, l'Žchantillon de
communication permet tant d'observer les comportements de son sujet ˆ des moments
142
prŽcis de sa journŽe de travail. Quatri•mement, l'enqu•te sur la communication gŽnŽrale,
rŽalisŽe ˆ partir de questionnaires ou d'entrevues et visant ˆ consolider les donnŽes
provenant des rŽpondants en s'appuyant sur leur jugement et/ou leur mŽmoire. Et
cinqui•mement, l'enqu•te rŽseau qui cherche ˆ confirmer des informations dŽterminantes
en vue de l'Žtablissement de rŽseaux informels.
Voici le tableau de Keith Davis (1978Ê: 113) synthŽtisant les cinq mŽthodes ŽnumŽrŽes
prŽcŽdemment.
143
Tableau 7Ê: MŽthodes d'Žtude des communications informelles
MŽthodes
Approche
Principales
opŽrationnelle donnŽes
Principal
Principal
avantage
inconvŽnient
enregistrŽes
Observation
Contacts
Exemples et
Regard privilŽgiŽ
Beaucoup de
participante
opŽrationnels ˆ
jugements
sur la
temps; donnŽes
communication
souvent non
en cours
quantifiables;
long terme
risque d'influence
Observation
Observation d'un Information
Quantifiable,
Pas de mod•les
continuelle
individu ou d'un
circulant ˆ
identifie le r™le
dominants de
emploi
travers un
informationnel
communication;
individu ou un
d'un emploi
risque d'influence
emploi.
ƒchantillons
ƒchantillon
Plusieurs types
Plus Žconomique
Travail
de communi-
statistique de la
d'ŽvŽnements de
que l'Žtude de
interrompu
cation
communication
communication
l'ensemble
Enqu•tes sur
Questionnaires
DonnŽes
Plus de donnŽes ˆ RŽponses
la
et/ou entrevues
qualitatives et
moindre cožt
principalement
communica-
quantitatives
basŽes sur la
tion gŽnŽrale
illimitŽes
mŽmoire et le
jugement
Enqu•tes-
Enqu•te
DonnŽes sur la
Relie les rŽseaux
Efficace
rŽseaux
temporelle sur
circulation de la
aux variables
exclusivement
(ECCO)
un Žpisode de
communication
dÕorganisation et
pour les groupes de
communication
et les rŽseaux
de
500 individus et
communication
moins
SourceÊ: DAVIS, Keith, (1978). ÇÊMethods for Studying Informal CommunicationÊÈ. In
Journal of Communications, Arizona State University, 28 (1)Ê: 113. (Traduit de l'anglais)
Selon nous, l'Žtude des communications au sein d'un rŽseau impose au minimum une
sŽance d'observation participante au chercheur. MalgrŽ la difficultŽ de quantification des
donnŽes que cette mŽthode suppose, elle demeure nŽanmoins essentielle ˆ la mise en
144
contexte d'autres informations, plus quantifiables, qui seront ensuite amassŽes ˆ l'aide
d'une seconde mŽthode.
L'observation continuelle peut s'avŽrer efficace pour les Žtudes portant sur des rŽseaux
personnels, mais est difficilement applicable ˆ des rŽseaux sociaux ou ˆ des rŽseaux
complets. Comment, en effet, analyser les rŽactions provoquŽes par la diffusion d'une
information ˆ tous les membres si le champs d'observation se limite aux interactions d'un
individu avec ses interlocuteurs directs? Le chercheur perd ainsi toute autre interaction
excluant cet individu et donc l'impact que provoque la diffusion de l'information aupr•s
des autres membres. Il en est de m•me pour la mŽthode de l'Žchantillon de communication
qui limiterait, selon nous, la comprŽhension de l'ensemble du syst•me.
Les enqu•tes sur la communication gŽnŽrale et les enqu•tes rŽseaux offrent par contre
d'intŽressantes possibilitŽs (lorsque combinŽes ˆ l'observation participante) car l'ensemble
des membres sont invitŽs ˆ exposer leurs perceptions du groupe et de son influence. De
son c™tŽ, l'enqu•te rŽseau permettra de creuser plus ˆ fond un ou quelques cas prŽcis de
communication, tandis qu'une enqu•te sur la communication gŽnŽrale aura pour avantage
de peindre un portrait plus global des relations.
3.4.3
Organisation et performance des communications
Tel que prŽsentŽ dans la sous-section sur les t‰ches-rŽseaux, un rŽseau de communication
regroupe l'ensemble des communications directes possibles et le mod•le de la t‰che dŽcrit
l'ensemble des communications nŽcessaires. L'identification d'une organisation efficace ou
optimale, nŽcessaire ˆ une comparaison des modes d'acc•s ˆ l'emploi, soul•ve donc une
difficultŽ d'apprŽciation des crit•res. En effet, ces crit•res varient considŽrablement selon
la situation et le groupe ˆ l'Žtude. En gŽnŽral un rŽseau ne cherche pas uniquement ˆ
rŽaliser la t‰che qu'il s'est fixŽ, mais dŽsire le faire d'une mani•re prŽcise. Dans certains cas,
145
ce sera le plus rapidement possible, en utilisant le moins de communications possibles, en
limitant la communication avec certains membres du rŽseau, etc. Dans les rŽseaux ayant un
objectif d'entraide par exemple, il faudra gŽnŽralement maximiser la performance, c'est-ˆdire maximiser la rapiditŽ et minimiser le cožt des opŽrations.
Choisir la meilleure organisation peut •tre relativement facile lorsque les rŽseaux et les
informations sont simples. Cependant, lorsque le nombre de groupes ˆ l'Žtude augmente,
la situation se complexifie rapidement et il devient alors impossible de procŽder ˆ l'analyse
qualitative de toutes ces informations. De nombreux auteurs recommandent alors
l'utilisation de la thŽorie des graphes qui permet de calculer directement l'organisation
optimale ˆ partir du rŽseau et du mod•le, sans examiner toutes les organisations possibles.
Enfin, selon Flament, quelles que soient les difficultŽs rencontrŽes pour accro”tre
l'efficacitŽ des communications dans un rŽseau, la solution se trouve gŽnŽralement dans la
maximisation de la performance (la concision, la rapiditŽ, etc.). La performance rŽelle des
communications (qui doit composer avec le manque de ressources, le caract•re informel et
ŽphŽm•re de la structure, la base volontaire de participation, etc.) ne pourra alors jamais
dŽpasser la performance thŽorique, mais pourra par contre chercher ˆ l'Žgaliser.
Les indicateurs et mod•les permettant de mesurer rigoureusement la performance effective
ont dŽjˆ ŽtŽ ŽlaborŽs. Les faits ˆ interprŽter lors d'analyses comparatives ou de l'Žvolution
de la performance effective au cours de la vie d'un groupe sont de trois ordresÊ:
premi•rement, l'amŽlioration de la performance dans les deux rŽseaux, au fur et ˆ mesure
de la succession des probl•mes; deuxi•mement, la diffŽrence du rythme de cette
amŽlioration selon les rŽseaux et troisi•mement, la supŽrioritŽ constante de la performance
en rŽseau centralisŽ sur la performance en rŽseau circulaire.
146
L'analyse du contenu des communications, nŽcessaire ˆ l'apprŽciation de la performance
rŽelle, a de plus forcŽ les chercheurs ˆ distinguer les multiples formes d'information dont
les communications en rŽseaux sont constituŽes. Il existe en fait plusieurs types
d'information ˆ travers l'ensemble des communications du groupe. Il devient donc
important de distinguer les informations nŽcessaires et suffisantes des informations
redondantes ou de contr™le, les demandes d'information des communications
d'organisation et les communications diverses.
De fa•on gŽnŽrale, Flament (1965Ê: 134) constate ˆ ce propos que dans toutes les
expŽriences sur les rŽseaux de communication, d'importants phŽnom•nes d'apprentissage
se dŽveloppent au cours de la vie expŽrimentale des groupes. La performance rŽelle
s'amŽliore avec la rŽpŽtition des probl•mes rŽsolus par le groupe, jusqu'ˆ atteindre souvent
la performance thŽorique maximale. Le but de cet apprentissage sera donc d'accro”tre
l'organisation du groupe au niveau de l'organisation optimale de ses communications.
3.5
La stratŽgie et ses instruments
3.5.1
SŽlection des relations
Avant de procŽder au choix de la mŽthode d'analyse qui convienne ˆ l'objet d'Žtude et de
dŽbuter la collecte de donnŽes, il est souvent prŽfŽrable de prŽsŽlectionner le contenu et la
nature des relations dont on aura besoin au cours de cette analyse. Il existe des outils, tels
que des prŽ-tests et des mod•les exposant les diverses formes de relations au sein dÕun
rŽseau, qui permettent dŽjˆ de dŽgager efficacement le contenu ainsi qu'une solide
interprŽtation des relations prŽdominantes.
147
La premi•re Žtape d'une dŽmarche analogue ŽlaborŽe par Ronald S. Burt (Burt et Minor,
1983Ê: 35) consiste ˆ bien distinguer les relations existant de fa•on naturelle, des relations
analytiques, c'est-ˆ-dire celles o• des individus sont rŽellement impliquŽs contrairement
aux relations recrŽŽes dans le contexte d'une analyse rŽseau. Selon Burt, les analyses
sociologiques menŽes jusqu'ˆ prŽsent dans les rŽseaux ont peu saisi la complexitŽ de ces
relations naturelles, au profit d'explications sur la complexitŽ de la structure des relations
sociales entre les membres du groupe. La forme que prend une relation amicale, par
exemple, ram•nera principalement aux concepts d'intensitŽ et de force de la relation, tandis
que son contenu vŽritable devrait •tre l'amitiŽ. Le contenu de cette relation, l'amitiŽ,
devient ainsi un facteur externe du mod•le d'analyse et se limite ˆ une description de la
relation. Sur ce point, Burt pense queÊ:
The questions of why certain networks are to be distinguished in a system, how actors
within the system interpret their interaction activities, and how they distinguish
different types of such activities are assumed to be resolved a priori (1983Ê: 36).
Afin de formuler des questionnements sociologiquement profitables, il faut tout d'abord
clarifier l'ambigu•tŽ rŽgnant la plupart du temps dans les relations naturelles d'un acteur.
Par exemple, avant de pouvoir questionner Ego sur les individus qui exercent sur lui une
influence marquante, il faudra prŽalablement dŽcider quelles activitŽs peuvent •tre classŽes
dans la catŽgorie ÇÊinfluenceÊÈ. Ces classements d'activitŽs varieront considŽrablement
selon le statut socioŽconomique et l'environnement culturel des sujets. Pour Burt, les
questions qui sont finalement sŽlectionnŽes pour l'Žtude ne peuvent •tre autre chose qu'un
compromis entre une thŽorisation extr•me d'intuitions de dŽpart liŽes aux dimensions
d'interaction divisant un syst•me (1983Ê: 36).
Il est par contre difficile pour le ou la sociologue de dŽlimiter le type de contenu
relationnel entre deux individus. Ë quel moment peut-on effectivement dire qu'une relation
entre deux coll•gues de travail devient une amitiŽ? Par ailleurs, certaines personnes ne
classeront leurs relations qu'en deux catŽgoriesÊ: familiales et non familiales. Cette
148
difficultŽ confirme la nŽcessitŽ de procŽder ˆ une prŽ-enqu•te ou un prŽ-test afin
d'identifier comment les membres du rŽseau ˆ l'Žtude marquent ces distinctions. Une fois
ces informations obtenues, l'Žlaboration d'un ou de plusieurs outils d'enqu•te peut
dŽbuter. Ces derniers doivent toutefois chercher ˆ atteindre un degrŽ ŽlevŽ d'efficacitŽ,
c'est-ˆ-dire ˆ minimiser l'analyse de contenus relationnels redondants, et d'exactitude (ce
qui permet au chercheur de savoir comment les acteurs interprŽteront ses questions).
ÇÊLa structure d'un rŽseau dŽtient des informations concernant la signification des
relations, de la m•me mani•re que la forme des relations dans un rŽseau renferme des
renseignements sur la structure sociale elle-m•meÊÈ (Burt, 1983Ê: 67). Si les relations d'un
rŽseau sont confuses, ces donnŽes seront obtenues lors de la prŽ-enqu•te ˆ partir de
concepts, tels que l'Žquivalence structurelle et le prestige. Burt illustre bien une stratŽgie
utilisŽe lors de la prŽ-enqu•te d'une Žtude rŽalisŽe en 1977, en Californie du Nord, et ˆ
partir de laquelle les contenus de relations de plusieurs groupes ont ŽtŽ distinguŽs
efficacement et avec exactitude. Cette stratŽgie se rŽsume ˆ cinq questions. Premi•rement,
qui sont vos amis les plus proches? Cette question couvre le champ de l'amitiŽ tout en
prŽcisant le nom des personnes avec desquelles cet individu se sent particuli•rement
proche, qu'il visite et avec lesquelles il socialise le plus frŽquemment. La seconde
questionÊ: qui sont les personnes avec qui vous socialisez ou ˆ qui vous rendez visite plus
d'une fois par semaine? assure un minimum d'informations qui ne seraient pas ressorties
lors de la premi•re question chez les individus de statut socioŽconomique infŽrieur. Afin
de mieux saisir le champ des contenus relationnels, une troisi•me question pourrait
prendre la forme suivanteÊ: avez-vous connu des gens au cours des cinq derni•res annŽes
qui sont devenus tr•s importants pour vous mais non des amis proches? Qui sont-ils?
Pour mieux explorer les relations liŽes au travail (coll•gues, gens de m•me profession,
etc.), le chercheur peut demander, par exemple, avec qui discutez-vous de votre travail?
Finalement, il serait nŽcessaire de questionner les acteurs au sujet de leurs relations
familiales. Les noms fournis en rŽponse ˆ cette question sont probablement ceux des
149
individus avec lesquels la personne interrogŽe entretient de forts liens et de frŽquentes
relations. La question pourrait d'ailleurs •tre formulŽe comme suitÊ: Quel temps avez-vous
passŽ durant la derni•re annŽe avec n'importe le quel de vos parents ‰gŽs de 21 ans et
plus? Qui sont-ils?
Il va sans dire que toutes ces questions doivent •tre orientŽes en fonction de la nature du
rŽseau en question. Dans le cas d'un rŽseau visant ˆ favoriser l'employabilitŽ, par exemple,
il sera nŽcessaire d'ajouter quelques questions permettant d'identifier des personnes de qui
le rŽpondant obtient des informations sur les emplois. Bien que toutes les prŽ-enqu•tes ne
puissent •tre limitŽes ˆ cinq questions, Burt prŽcise nŽanmoins cinq Žtapes
incontournables dans ce type de sŽlection des relations ˆ mettre ˆ l'Žtude (1983Ê: 69). Il
sÕav•re effectivement nŽcessaireÊ: 1. DÕobtenir une liste de toutes les activitŽs impliquant
une interaction concr•te (visites, discussions de travail, etc.) ainsi que tous les noms (ou
qualificatifs) des types de relations pertinentes dans le contexte de cette Žtude (coll•gues,
amis, etc.). 2. DÕidentifier les deux ou trois principaux axes de diffŽrenciation sociale, par
exemple, l'‰ge et le statut socioŽconomique. 3. De constituer un Žchantillon de trois ou
quatre rŽpondants de la prŽ-enqu•te choisis dans chacun des axes de diffŽrenciation
sociale. 4. De rŽaliser des entrevues intensives durant lesquelles la totalitŽ des questions
retenues sont posŽes aux rŽpondants ainsi que des questions spŽcifiques concernant les
aptitudes particuli•res des personnes qu'ils nomment. 5. DÕanalyser les rŽseaux marquŽs
par des relations confuses afin de localiser les champs de contenus relationnels ambigus et
substituables. L'ensemble de ses rŽponses devrait ainsi fournir les bases nŽcessaires ˆ la
sŽlection des relations dont on devra tenir compte lors de sa principale collecte de
donnŽes.
150
3.5.2
La nature des donnŽes
Le regard portŽ sur l'Žtude des communications informelles a dŽjˆ permis d'identifier les
cinq principales mŽthodes de collecte de donnŽes applicables ˆ ce type d'objet de
recherche, soientÊ: la mŽthode de l'observateur participant, l'observation continuelle,
l'Žchantillon de communication, l'enqu•te sur la communication gŽnŽrale et l'enqu•te rŽseau
(voir Davis, Tableau IV).
En gŽnŽral, les gens connaissent plusieurs dizaines de personnes, ˆ des niveaux tr•s
diffŽrents. Certaines de leurs relations sont tr•s profondes, telles que les grandes amitiŽs
et les relations familiales, alors que d'autres se limitent ˆ des salutations de courtoisie.
L'enqu•teur ne peut ainsi espŽrer dŽcouvrir qu'une fraction de ce qui unit ces individus. Ce
sont souvent les vastes enqu•tes qui ont permis l'accumulation de nombreuses donnŽes
utiles dans l'analyse des rŽseaux. Les enqu•tes de masse, avec leurs diverses
mŽthodologies, ont en effet fourni aux chercheurs les bases statistiques accompagnant et
soudant leurs conclusions qualitatives.
Jusqu'ˆ prŽsent, les rŽsultats ont dŽmontrŽ une prŽsence disproportionnŽe des voisins
lorsque les descriptions sont obtenues ˆ partir de tranches de vie incluant de nombreuses
rencontres face-ˆ-face. Par contre, lorsque la recherche a ŽtŽ orientŽe vers une tranche de
vie qui occupe beaucoup les pensŽes de l'acteur, ses descriptions incluent davantage les
membres de sa famille. C'est pourquoi il est nŽcessaire que l'enqu•teur soit clair et
explicite quant ˆ la partie du rŽseau qu'il veut dŽcrire et la nature des informations qu'il
recherche.
Ë cela il faut ajouter une dŽfinition prŽcise du concept de relation. Par le passŽ, certains
rŽsultats de recherches-rŽseaux ont ŽtŽ considŽrablement contaminŽs par le niveau de
relation utilisŽ pour le dŽfinir. La dŽfinition courante d'une relation est un Žchange ou une
151
interdŽpendance entre deux acteurs dans le cadre de laquelle les actions de chacun affectent
directement les actions de l'autre (McCallister et Fischer, 1983). On peut toutefois
interprŽter de deux fa•ons la notion de relationÊ: ˆ partir de son contenu affectif (les
sentiments ŽprouvŽs par les acteurs) (Laumann, 1973; Wellman, 1979) et du contenu
normatif (un ensemble d'attentes, d'obligations et de droits liant deux individus occupant
des positions sociales et culturelles Žquivalentes) (Kleiner et Parker, 1976).
En se basant sur des considŽrations thŽoriques et mŽthodologiques, McCallister et Fischer
(1983) estiment qu'il est prŽfŽrable de questionner prŽalablement le ÇÊnoyau centralÊÈ d'un
rŽseau, car les derniers acteurs ainsi dŽsignŽs exercent une certaine influence sur les autres
membres par leur personnalitŽ et leurs comportements. Les auteurs dŽfinissent cette
centralitŽ du rŽseau (core network) comme un ensemble de personnes qui sont
probablement la source d'une variŽtŽ d'interactions riches, dont les discussions concernant
les probl•mes personnels, l'emprunt d'argent ou les loisirs (Burt et Minor, 1983Ê: 78).
Certains individus s'av•rent de meilleurs informateurs que d'autres. Si l'on convient au
dŽpart que la perception des rŽpondants peut •tre affectŽe par leur r™le et leur position
dans la structure, l'Žchantillon devrait donc •tre sŽlectionnŽ en fonction de ce qu'ils
reprŽsentent. Aussi pour Burt (Burt et Minor, 1983Ê: 154), et afin d'obtenir les donnŽes
les plus significatives possibles, il serait prŽfŽrable de dŽbuter la construction de son
Žchantillon par les acteurs qui sont en position de dŽcrire les particularitŽs de la structure
et qui dŽtiennent un certain pouvoir dans cette derni•re.
McCallister et Fischer (1983) posent aussi que ces individus, qui sont la source
d'interactions gratifiantes au sein d'un rŽseau, seront particuli•rement utiles lorsquÕil sÕagit
de modeler les comportements des autres membres ainsi que leur mani•re de sentir les
choses. Selon eux, lors de prŽ-enqu•tes informelles, les questions portant plus directement
sur ces comportements produisent une liste de noms plus variŽe et compl•te que les
152
questions traditionnelles telles queÊ: dressez la liste des membres de votre famille ou vos
amis, par exemple.
En analysant un type de relations sociales marquant un rŽseau ou un groupe prŽcis
d'acteurs qui en font partie, les donnŽes recueillies peuvent •tre de nature
sociopsychologique ou plut™t de l'ordre des liens existant entre les individus et la
structure. En regard de la valeur des donnŽes, quatre types d'informations essentielles
pour la comprŽhension de ces relations, peuvent gŽnŽralement •tre dŽgagŽs lors d'Žtudes
portant sur les rŽseaux personnels des rŽpondants. Premi•rement, un profil psychosocial
de l'Ego. Deuxi•mement, une description des relations entre Ego et les autres membres du
rŽseau. Troisi•mement, un profil psychologique des autres membres avec qui Ego
entretient une relation quelconque. Et finalement, une description des relations entre les
autres membres.
3.5.3
La technologie au service des rŽseaux
Comme dans la plupart des disciplines en sciences sociales, l'utilisation de l'informatique
est aujourd'hui devenue un outil quasi indispensable au traitement des donnŽes recueillies
ainsi qu'ˆ la production de tableaux et graphiques illustrant les conclusions de la recherche.
Plusieurs logiciels informatiques ont d'ailleurs ŽtŽ ŽlaborŽs dans le cadre d'analyses de
rŽseaux. QuoiquÕun seul de ces outils informatiques nÕait ŽtŽ utilisŽ lors de notre
recherche, nous pensons quÕil est nŽanmoins utile de prŽsenter bri•vement les principaux
logiciels dÕanalyse rŽseau sÕŽtant avŽrŽs utiles lors de lÕŽtape du traitement de
lÕinformation pour des recherches de nature semblable.
ÇÊL'International Network for Social Networks AnalysisÊÈ, dirigŽ par Barry Wellman du
dŽpartement de sociologie de l'UniversitŽ de Toronto, collabore activement ˆ la conception
de logiciels facilitant le travail de traitement des donnŽes. Les logiciels ÇÊSocial NetworksÊÈ
153
et ÇÊConnexionsÊÈ sont associŽs ˆ ce centre de recherche. Le ÇÊCenter of Social SciencesÊÈ
de l'UniversitŽ Columbia se consacre Žgalement ˆ l'Žlaboration d'outils technologiques dans
la recherche sur les rŽseaux. Le programme UNICET, logiciel d'utilisation gŽnŽrale, est une
de leurs innovations.
Il est possible de classer l'ensemble des logiciels disponibles en quatre catŽgories. Dans la
premi•re, on retrouve les programmes informatiques de fonction gŽnŽrale. Le programme
STRUCTURE (Projet, 1981) est utilisŽ dans l'analyse des contenus de relations, de
l'Žtendue de ces relations, des r™les et des positions des acteurs ainsi que de leur
cheminement, des cliques, des tableaux de densitŽ, des Žquivalences structurelles, etc.
Plusieurs autres logiciels, tels que SONET (Seidman and Foster, 1979), NEGOPY
(Richards and Rice, 1981) et GRADAP (Mokken and Van Veen, 1981), rŽunissent ces
fonctions ainsi que quelques-unes plus spŽcifiques. La seconde catŽgorie inclut un logiciel
permettant de localiser des sous-groupes d'acteurs, Žvoluant ˆ l'intŽrieur de larges
syst•mes, dont les liens sont marquŽs par une forte densitŽ. Alba et Moore ont utilisŽ
COMPLT (Alba, 1972) au cours d'une de leurs recherches afin de situer les cercles
sociaux existant ˆ l'intŽrieur d'un groupe de 941 personnes (Burt et Minor, 1983Ê: 245). La
troisi•me catŽgorie est constituŽe d'un programme ayant pour fonction de dŽcrire les
triades structurelles. C'est Holland et Leinhardt, voulant dŽcrire les recensements de
populations de rŽseaux, qui ont b‰ti le programme FORTRAN. Enfin, la derni•re catŽgorie
regroupe des programmes tel que JNTHOM algorithme, permettant d'identifier le r™le
structurel de deux syst•mes communautaires (Boorman et White, 1976). Afin de
manipuler les matrices dŽcoulant souvent de la thŽorie des graphes, ces logiciels ont ŽtŽ
con•us dans le but de fournir les tableaux de multiplication et de densitŽ
16
(homomorphisme) enregistrŽs comme matrice dans une modŽlisation des blocs .
154
Quoique forts utiles, et souvent m•me indispensables, ces logiciels traitant des donnŽes de
rŽseaux ne sont toutefois jamais employŽs seuls. Il s'agit plut™t d'outils d'analyse
qualitative permettant de travailler sur le contenu des groupes sociaux.
Dans le cadre de la prŽsente recherche, lÕanalyse quantitative par ordinateur a ŽtŽ rŽalisŽe
enti•rement ˆ lÕaide du logiciel QSR NUD*IST. Puisque les syst•mes relationnels
observŽs lors des entrevues et des sŽances dÕobservation de groupe Žtaient de nature
relativement simple et que les rŽseaux mis ˆ lÕŽtude Žtaient gŽnŽralement composŽs de
moins de vingt adhŽrants, le recours ˆ un logiciel dÕidentification de sous-groupes
dÕacteurs ou de syst•mes communautaires sÕest avŽrŽ inutile. De plus, Žtant donnŽ que
lÕinformation recueillie nÕavait au dŽpart aucune valeur statistique et Žtait relativement
difficile ˆ quantifier, nous avons donc eu recours au logiciel offrant le plus de possibilitŽs
pour le codage et de dŽcoupage des verbatim ainsi que la plus grande performance en
terme dÕanalyse du discours.
CrŽŽ ˆ Melbourne en Australie par une compagnie spŽcialisŽe en dŽveloppement de
logiciels pour mŽthodes qualitatives, QSR tient pour ÇÊQualitative Solutions and
ResearchÊÈ et NUD*IST pour ÇÊNon-numerical Unstructured Data Indexing Searching
and TheorizingÊÈ.
QSR NUD*IST a essentiellement ŽtŽ ŽlaborŽ de mani•re ˆ faciliter la thŽorisation des
rŽsultats dÕanalyses et ˆ offrir un support aux chercheurs au regard du codage de donnŽes,
de la structuration dÕun syst•me de classement de ces donnŽes et de la recherche de
schŽmas au sein de ce syst•me.
16
La modŽlisation des blocs et la thŽorie des graphes sont deux approches complŽmentaires dans le
traitement des rŽseaux. Pour en savoir davantage, voir RŽseaux et appareils de Lemieux, QuŽbec, 1982,
page 65.
155
La totalitŽ des textes dÕentrevue ont aussi ŽtŽ traitŽs par ce logiciel afin de contre-vŽrifier
lÕanalyse principale et dÕeffectuer une sŽrie dÕanalyses secondaires quÕil aurait ŽtŽ
quasiment impossible de faire manuellement. NUD*IST, par sa flexibilitŽ de gestion des
donnŽes, permet aussi dÕexplorer des pistes de rŽflexions ainsi que des catŽgorisations
potentielles de donnŽes.
Les possibilitŽs quÕoffre ce logiciel sont Žnormes. Il est utilisŽ ici principalement pour
lÕanalyse de texte (Text search) permettant de poser diffŽrentes questions liŽes aux sujets
traitŽs dans les documents et de faire ressortir des terminologies ou des idŽes rŽcurrentes
dans ces textes. Les rŽsultats obtenus ˆ la suite de ces analyses se retrouvent
essentiellement au chapitre suivant prŽsentant lÕensemble des rŽsultats de la recherche.
3.6
Conclusion
LÕanalyse structurale qui sÕest imposŽe au fil des dŽmonstrations et ˆ travers les multiples
voies explorŽes sera finalement privilŽgiŽe au cours de cette recherche. Loin de contraindre
les comportements individuels, cette derni•re procure les outils thŽoriques et
mŽthodologiques (quantitatifs) nŽcessaires ˆ l'examen du phŽnom•ne que nous avons
appelŽÊ: les rapports ÇÊacteurs-vers la structureÊÈ.
Les analyses structurales de rŽseaux informels se prŽoccupant de questions liŽes aux
mod•les de support et d'Žchanges fournissent Žgalement de prŽcieux indicateurs dont
certains traitant la nature des relations intra-rŽseau et du contenu de ces derni•res. Les
concepts de densitŽ, de multiplexitŽ, de proximitŽ, de cohŽsion, d'identitŽ et d'Žchange
permettent en effet de qualifier les affinitŽs qui allient certains ou tous les membres d'un
groupe et seront dÕailleurs intŽgrŽs au questionnaire utilisŽ comme outil de rŽfŽrence lors
des entrevues dans le cadre de la prŽsente recherche. De plus, les thŽories sur ÇÊla force
156
des liens faiblesÊÈ et la solidaritŽ mŽcanique contribuent ˆ une meilleure comprŽhension
des liens unissant ces individus.
L'Žtude scientifique des rŽseaux est tr•s certainement lÕune des mŽthodes efficaces de
formalisation des relations sociales. LÕintroduction ˆ la thŽorie des graphes a, par ailleurs,
confirmŽ son utilitŽ dans la description de la forme, la substance et la fonctionnalitŽ des
relations intra-rŽseau, tout en demeurant un instrument et non la preuve.
Enfin, pour le sociologue voulant comprendre la dynamique de la solidaritŽ en rŽseau, la
thŽorie fournit dŽjˆ des hypoth•ses reliant les structures sociales, l'Žchange de services
17
divers et la solidaritŽ. Selon certains , des syst•mes d'Žchange gŽnŽralisŽs produiraient un
plus haut degrŽ dÕŽchange et de solidaritŽ que des syst•mes d'Žchange limitŽs. Ces
analystes de rŽseaux ajoutent finalement que les rŽseaux ˆ densitŽ forte facilitent d'autres
Žchanges de mani•re gŽnŽrale tandis que les rŽseaux ˆ faible densitŽ auront prŽcisŽment
l'effet contraire.
17
Voir ˆ ce sujetÊ: Boot, 1971; Mitchell, 1969 et Kapferer, 1989.
CHAPITRE 4
CRƒATION, ORGANISATION ET UTILITƒ DES RƒSEAUX
DE SOLIDARITƒ INFORMELSÊ: UNE ƒTUDE
4.1
Introduction
La quatri•me partie de cette th•se est essentiellement consacrŽe ˆ la prŽsentation des
donnŽes recueillies lors des entrevues ainsi que des principaux rŽsultats de lÕenqu•te.
Nous introduirons dans un premier temps les caractŽristiques dominantes et le mode
organisationnel des six rŽseaux ayant ŽtŽ ŽtudiŽs lors de cette recherche. Nous
exposerons ensuite les rŽsultats en fonction des grandes hypoth•ses de recherche,
hypoth•ses ayant Žgalement servi ˆ la dŽtermination des catŽgories regroupant les
informations. Le portrait que brossent les rŽsultats de cette enqu•te sera complŽtŽ
par une prŽsentation succincte des analyses complŽmentaires effectuŽes ˆ partir de
concepts et dÕindicateurs sÕŽtant dŽmarquŽs lors de la premi•re phase dÕanalyse.
LÕinterprŽtation que nous faisons des rŽsultats de lÕenqu•te complŽtera enfin ce chapitre.
Nous tenterons effectivement dÕexpliquer ces rŽsultats et discuterons leur valeur thŽorique
afin de comprendre les liens qui se sont crŽŽs entre diverses variables.
4.2
Six rŽseaux informels dÕintŽgration ˆ lÕemploi
4.2.1
Le rŽseau du Plateau Mont-Royal
Afin de livrer une information uniforme et comparable, nous avons optŽ pour une
prŽsentation en tableau, rŽsumant ainsi lÕensemble des renseignements recueillis sur
chacun des six rŽseaux composant lÕŽchantillon de recherche.
158
Nom du rŽseau de solidaritŽ
LE RƒSEAU DU PLATEAU MONT-ROYAL
Date de mise en place
Septembre 1999
Situation gŽographique
MontrŽal (quartier Plateau Mont-Royal)
Nombre de membres
± 10 membres
Nombre dÕentrevues rŽalisŽes
4
Historique
Projet initiŽ par une intervenante dÕun Carrefour
Jeunesse Emploi (CJE) du territoire et qui en a parlŽ ˆ
quelques clients de lÕorganisme. Des dŽpliants ont ŽtŽ
imprimŽs et distribuŽs ˆ travers le territoire du carrefour
et dÕautres jeunes se sont joints au noyau dÕorigine.
Type(s) de services offerts
Rencontre dÕŽchange et dÕentraide portant sur des sujets
reliŽs ˆ la recherche dÕemploi et ˆ la formation.
Mode de fonctionnement/
·
organisation
Des rencontres hebdomadaires sont organisŽes par
les membres.
·
LÕorganisme communautaire fournit la salle de
rencontre, son petit centre de documentation ainsi
quÕune de ses ressources qui reste apr•s les heures
de bureau afin dÕaccueillir les membres ainsi que la
personne invitŽe.
·
Divers intervenants sont invitŽs ˆ venir parler de
leurs expŽriences personnelles et se montrent
disponibles pour de plus longues discussions
individuelles.
·
La participation aux rencontres du rŽseau varie en
fonction des sujets abordŽs au cours de la rencontre.
Les sujets ont ŽtŽ choisis au dŽbut de lÕautomne et
ont ŽtŽ modifiŽs par la suite selon la disponibilitŽ de
159
la personne-ressource ou de lÕintŽr•t manifestŽ par
les membres.
åge des membres
Entre 23 et 34 ans (moyenne de 27 ans)
Ê% de femmes et dÕhommes
·
50Ê% de femmes
rencontrŽs lors de la recherche
·
50Ê% dÕhommes
DurŽe moyenne du ch™mage
6 mois
Niveau de scolaritŽ des
·
BaccalaurŽat 50Ê%
personnes rencontrŽes en
·
DEC 25Ê%
entrevue
·
DEP 25Ê%
4.2.2
Le rŽseau de jumelage
Nom du rŽseau de solidaritŽ
LE RƒSEAU DE JUMELAGE
Date de mise en place
Hiver 1998
Situation gŽographique
QuŽbec (quartier Limoilou)
Nombre de membres
± 10 membres
Nombre dÕentrevues rŽalisŽes
5 entrevues
Historique
Ce groupe se spŽcialisait initialement dans lÕaide ˆ
lÕinsertion dÕimmigrants. Il est maintenant accessible ˆ
des chercheurs dÕemploi non immigrants. Lors de leur
arrivŽe au QuŽbec, les fondateurs avaient effectivement
senti le besoin dÕŽchanger et de sÕinformer davantage en
regard des exigences du marchŽ du travail.
Type(s) de services offerts
Permet aux membres de former une Žquipe avec un autre
membre ˆ la recherche dÕun emploi afin de sÕentraider
tout en multipliant la quantitŽ de dŽmarches effectuŽes.
160
LÕobjectif central de ce groupe est de permettre aux
membres de se familiariser avec lÕordinateur, le
traitement de texte et lÕinternet.
Mode de fonctionnement/
·
organisation
Au fur et ˆ mesure que les membres sÕint•grent au
groupe, on les jumelle avec un autre membre.
·
Au dŽbut les rencontres dÕŽquipe sont plus
frŽquentes. Une fois le mode de fonctionnement bien
Žtabli, les Žquipes se rencontrent au besoin et
proc•dent souvent par tŽlŽphone.
·
Ainsi, chaque individu se met Žgalement ˆ chercher
des possibilitŽs dÕemploi pour son ou sa coll•gue.
·
Les recherches se font ˆ lÕaide des journaux,
dÕappels spontanŽs ou de lÕinternet.
·
La plupart sÕentraident Žgalement pour la rŽdaction
de lettres de prŽsentation accompagnant le C.V.
åge des membres
De 32 ˆ 36 ans (moyenne de 34 ans)
Ê% de femmes et dÕhommes
·
80Ê% de femmes
rencontrŽs lors de la recherche
·
20Ê% dÕhommes
DurŽe moyenne du ch™mage
19,6 mois
Niveau de scolaritŽ des
·
BaccalaurŽat 60Ê%
personnes rencontrŽes en
·
DEC 20Ê%
entrevue
·
DEP 20Ê%
161
4.2.3
Le rŽseau des arts
Nom du rŽseau de solidaritŽ
LE RƒSEAU DES ARTS
Date de mise en place
Septembre 1998
Situation gŽographique
MontrŽal
Nombre de membres
36 membres (± 15 participants aux rencontres)
Nombre dÕentrevues rŽalisŽes
9 entrevues
Historique
La fondatrice de ce groupe dÕentraide a tout dÕabord
rŽuni quelques amis et connaissances Ïuvrant dans le
m•me milieu quÕelle afin de rŽpondre ˆ certains de leurs
besoins. Son but Žtait ÇÊde rester dans lÕactionÊÈ.
Plusieurs professionnels du milieu des arts se sont
ensuite joints au groupe mais, au fil des rencontres,
seuls les comŽdiens sont demeurŽs membres du rŽseau.
CÕest gr‰ce au bouche ˆ oreille et en sÕannon•ant dans le
bulletin de lÕUnion des artistes que ce rŽseau a depuis
recrutŽ la majeure partie de ses membres.
Type(s) de services offerts
Une rencontre mensuelle qui fournit aux membres
lÕoccasion dÕŽchanger et de se soutenir dans leur
recherche continuelle de contrats de travail.
Ces rencontres permettent Žgalement aux comŽdiens de
rester actifs puisquÕelles leur offrent la possibilitŽ de
prŽsenter de courtes sc•nes et de recevoir des critiques
de leurs pairs. Ces derniers peuvent Žgalement prŽparer
une audition avec lÕaide de leurs coll•gues.
Enfin, certains membres peuvent, gr‰ce ˆ des ateliers
162
libres de crŽation faire bŽnŽficier les autres membres de
la formation suivie ˆ lÕextŽrieur, ou encore faire Žvoluer
leur mŽtier en prŽparant des exercices pour leurs
coll•gues.
Un babillard ÇÊitinŽrantÊÈ mis ˆ la disposition des
membres lors de la rencontre mensuelle.
Mode de fonctionnement/
·
Le rŽseau se rŽunit une fois par mois.
organisation
·
Son comitŽ organisateur, composŽ de 5 ˆ 6 membres
actifs, se rŽunit plus rŽguli•rement afin de prŽparer
les rencontres mensuelles.
·
Ë cela, sÕajoutent des ateliers libres de crŽation qui
sont organisŽs en parall•le par des membres sur des
sujets de leur choix.
·
Chaque participant paie deux dollars par rencontre
pour la location du local.
åge des membres
De 22 ˆ 35 ans (moyenne de 31 ans)
Ê% de femmes et dÕhommes
·
69Ê% de femmes
rencontrŽs lors de la recherche
·
31Ê% dÕhommes
DurŽe moyenne du ch™mage
23 mois
Niveau de scolaritŽ des
·
Ma”trise 12.5Ê%
personnes rencontrŽes en
·
BaccalaurŽat 25Ê%
entrevue
·
DEC 62.5Ê%
163
4.2.4
Le rŽseau des universitaires
Nom du rŽseau de solidaritŽ
LE RƒSEAU DES UNIVERSITAIRES
Date de mise en place
1995
Situation gŽographique
MontrŽal
Nombre de membres
Plusieurs dizaines
Nombre dÕentrevues rŽalisŽes
7 entrevues
Historique
Ce rŽseau de solidaritŽ fut mis sur pied par deux
Žtudiantes adultes du programme dÕIntŽgration scolaire
et professionnelle de lÕUQAM. Leur motivation Žtait la
crŽation de liens professionnels entre dipl™mŽs dŽjˆ sur
le marchŽ du travail et futurs dipl™mŽs. En plus des
Žchanges portant sur divers aspects du mŽtier de
conseiller en orientation scolaire, ces deux fondatrices
cherchaient de plus ˆ obtenir un certain support
psychologique pour ceux et celles en recherche
dÕemploi.
Type(s) de services offerts
Selon la philosophie du groupe, ce sont les membres qui
sÕoffrent des services entre eux. Divers comitŽs sont
constituŽs et cÕest ˆ travers ces derniers que les
membres dŽveloppent leur employabilitŽ.
Organisation dÕactivitŽs et de confŽrences portant sur
leur domaine professionnel.
Bulletin de liaison.
Babillard Žlectronique de recrutement.
Mode de fonctionnement/
organisation
·
Le principe du groupe est le suivantÊ: plus les
membres sÕimpliquent, plus nombreux sont les
164
avantages quÕils en retirent.
·
Des rencontres de groupe durant lesquelles les
membres peuvent Žchanger avec des personnesressources invitŽes.
·
Un souper-rencontre annuel pour Žlargir le rŽseau de
contacts et Žchanger avec ses coll•gues.
·
Quelques sous-comitŽs sont Žgalement mis en place
afin de voir ˆ la planification et lÕorganisation des
diverses activitŽs du rŽseau.
·
Une liste dÕadresses Žlectroniques permettant la
diffusion du bulletin du rŽseau ainsi que la
circulation dÕoffres dÕemploi reliŽes au domaine de
formation des membres.
åge des membres (du groupe
De 28 ans ˆ 35 ans (moyenne de 32 ans)
de dipl™mŽs)
Ê% de femmes et dÕhommes
·
71Ê% de femmes
rencontrŽs lors de la recherche
·
29Ê% dÕhommes
DurŽe moyenne du ch™mage
13,7 mois
Niveau de scolaritŽ des
·
personnes rencontrŽes en
entrevue
BaccalaurŽat 100Ê%
165
4.2.5
Le rŽseau des entrepreneurs
Nom du rŽseau de solidaritŽ
LE RƒSEAU DES ENTREPRENEURS
Date de mise en place
1997
Situation gŽographique
QuŽbec
Nombre de membres
4 membres
Nombre dÕentrevues rŽalisŽes
3 entrevues
Historique
Suite ˆ des pertes dÕemploi (3) dans un organisme ˆ but
non lucratif, ces quatre anciens coll•gues se sont rŽunis
afin de dŽmarrer un projet commun et de se soutenir
dans leurs dŽmarches dÕemploi respectives.
Type(s) de services offerts
·
Rencontres dÕŽchange et de soutien.
·
Partage dÕexpertise dans le domaine de
lÕemployabilitŽ.
·
DŽmarrage dÕun projet commun dÕorganisme ˆ but
non lucratif (OBNL).
Mode de fonctionnement/
Se rencontrant hebdomadairement, les quatre membres
organisation
de ce rŽseau ne se sont jamais imposŽs de mode de
fonctionnement dit ÇÊstructurŽÊÈ. Leurs rencontres se
dŽroulant habituellement dans un cafŽ ou autour dÕune
bi•re, ces derniers discutaient de leurs expŽriences et
cheminement individuels avant de discuter plus ˆ fond de
leur projet collectif.
Lorsque leur projet vit le jour, ils formalis•rent le
dŽroulement de leurs rencontres et le rŽseau de solidaritŽ
se dissout pour faire place ˆ dÕautres types de
rencontres et dÕŽchanges.
166
åge des membres
32 ans en moyenne
Ê% de femmes et dÕhommes
·
50Ê% de femmes
rencontrŽs lors de la recherche
·
50Ê% dÕhommes
DurŽe moyenne du ch™mage
9 mois
Niveau de scolaritŽ des
·
BaccalaurŽat 50Ê%
personnes rencontrŽes en
·
DEC 50Ê%
entrevue
4.2.6
Le rŽseau de la Basse-Ville
Nom du rŽseau de solidaritŽ
LE RƒSEAU DE LA BASSE-VILLE
Date de mise en place
1995
Situation gŽographique
QuŽbec
Nombre de membres
± 30 personnes
Nombre dÕentrevues rŽalisŽes
6 entrevues
Historique
CrŽer un lieu de solidaritŽ. Le fondateur a fait passer une
annonce dans les journaux communautaires du quartier
et des environs.
Type(s) de services offerts
De groupe de soutien et de support, ce groupe passe
progressivement ˆ celui dÕaide ˆ lÕintŽgration
socioprofessionnelle.
CafŽs-rencontres
Enqu•te aupr•s des employeurs
Centre de documentation
Mode de fonctionnement/
organisation
·
Les membres participent ˆ des cafŽs-rencontres au
cours desquels diffŽrents sujets reliŽs ˆ lÕintŽgration
167
au marchŽ de lÕemploi ou aux services de divers
organismes sont abordŽs.
·
Ces rencontres sont gratuites pour les participants
et se dŽroulent de mani•re tr•s informelle (c.-ˆ-d.pas
de prise de notes).
·
Les membres sont Žgalement dirigŽs vers dÕautres
ressources qui peuvent leurs apporter un support
mieux adaptŽ ˆ des besoins plus complexes.
åge des membres
Varie beaucoup mais gŽnŽralement entre la vingtaine et
la trentaine.
Ê% de femmes et dÕhommes
·
33Ê% de femmes
rencontrŽs lors de la recherche
·
67Ê% dÕhommes
DurŽe moyenne du ch™mage
18,6 mois
Niveau de scolaritŽ des
·
DEC 33Ê%
personnes rencontrŽes en
·
DEP ou DES 67Ê%
entrevue
4.3
Les principaux rŽsultats de lÕenqu•te
Ë lÕŽtape cruciale de la rŽalisation des entrevues, la technique d'Žchantillonnage par grappe
sÕest imposŽe tout naturellement ˆ nous, compte tenu de la nature informelle de lÕobjet de
la recherche. CÕest gr‰ce ˆ la dŽcouverte d'un membre dÕun rŽseau de solidaritŽ informel,
ou d'un individu qui en connaissait un autre faisant partie d'un tel rŽseau, que lÕon a
Žventuellement rejoint l'ensemble des membres du groupe. De plus, puisqu'une recherche
exploratoire avait prŽalablement ŽtŽ effectuŽe, il a aussi ŽtŽ possible dÕavoir recours ˆ ces
milieux pouvant dŽjˆ fournir un bassin de rŽseaux de solidaritŽ informels.
168
Les membres des rŽseaux, provenant de milieux socioŽconomiques diffŽrents, contribuent
aux activitŽs de leur rŽseau de solidaritŽ en fonction de leurs expŽriences antŽrieures et ont
tous un rŽseau personnel et social qui sera appelŽ ici le rŽseau dÕŽmergence ou rŽseau
primaire.
Une fois l'existence de ces rŽseaux confirmŽe lors de la prŽ-enqu•te, un Žchantillon de six
rŽseaux rŽpondant ˆ une sŽrie de crit•res prŽcis fut constituŽ. Ces crit•res sont :
·
des rŽseaux de solidaritŽ informels;
·
constituŽs de jeunes ‰gŽes entre 18 et 35 ans;
·
prŽsentement ˆ la recherche active dÕun emploi ˆ temps plein;
·
originaires de la province de QuŽbec. (SituŽs en milieu urbain mais pouvant Žgalement
se situer en rŽgion.)
Selon la ÇÊthŽorie des petits groupesÊÈ (Saint-Arnaud, 1978Ê: 81) et pour •tre
reprŽsentatifs, les rŽseaux doivent compter un minimum de trois et un maximum de
quinze ˆ vingt individus. Ce principe sÕapplique ˆ lÕensemble de lÕŽchantillon, ˆ
lÕexception dÕun cas o• le rŽseau compte plusieurs dizaines de membres et qui, dans son
mode de fonctionnement, se trouve fractionnŽ en plus petits groupes Žquivalents au
nombre prescrit par Saint-Arnaud.
Notre recherche Žtant ˆ la fois de type exploratoire et descriptif, deux instruments de
mesure ont ŽtŽ utilisŽs, soit l'entrevue semi-directive avec les jeunes et lÕobservation
participante lors de rencontres en groupe.
Nous nous sommes enfin engagŽs ˆ respecter lÕanonymat de tous les participants et
toutes les participantes ˆ cette recherche ainsi quÕˆ protŽger la confidentialitŽ des
informations recueillies. Aussi, la contribution de chaque individu ˆ la recherche sÕest faite
169
sur une base strictement volontaire, un consentement ayant ŽtŽ obtenu au dŽbut de chaque
entretien.
PrŽcisons enfin que les rŽsultats de cette recherche ne s'appliquent qu'au groupe social des
jeunes quŽbŽcois et quŽbŽcoises ‰gŽs de 18 ˆ 35 ans, et non ˆ l'ensemble de la population.
Puisque l'entrevue et lÕobservation participante ont ŽtŽ utilisŽes lors de la collecte de
donnŽes, une approche qualitative dŽductive fut privilŽgiŽe pour deux raisons.
Premi•rement, parce quÕil est possible de dŽfinir au prŽalable ce que la ou le chercheur
dŽsire vŽrifier sur le terrain. Deuxi•mement, parce des Žtudes par questionnaire ont dŽjˆ
ŽtŽ rŽalisŽes aupr•s de jeunes et que ces derniers se sont montrŽs rŽfractaires ˆ ce genre
dÕoutil. L'analyse de contenu et lÕanalyse assistŽe par ordinateur ont ensuite permis le
traitement des donnŽes.
Une sŽrie dÕentrevues individuelles et quelques entrevues de groupe ont donc ŽtŽ
effectuŽes, complŽtant ainsi la phase de collecte de donnŽes. Pour ce faire, un
questionnaire de base servant de rep•re durant les entrevues fut ŽlaborŽ, m•me si les
entrevues se dŽroulaient de mani•re tr•s ouverte et si les participants interrogŽs pouvaient
sÕŽtendre sur un aspect ou un autre du questionnaire sans limitation de la part du
chercheur. (Voir questionnaire ˆ lÕappendice D)
Puisque lÕhypoth•se de recherche (ou son objectif) constitue le fondement de lÕanalyse
des rŽsultats, il a aussi fallu regrouper les donnŽes brutes de mani•re ˆ ce que leur analyse
puisse apporter des ŽlŽments de rŽponse ˆ la question spŽcifique de recherche.
ConformŽment ˆ lÕapproche positiviste, les techniques utilisŽes nous ont permis de
procŽder ˆ lÕanalyse des rŽsultats de fa•on objective, sans nous laisser influencer par nos
valeurs ou autres prŽconceptions.
170
Afin dÕŽclaircir certaines perceptions qui pourraient para”tre Žtonnantes par rapport aux
techniques dÕanalyse utilisŽes, prŽcisons immŽdiatement que lÕanalyse qualitative sera
rŽalisŽe avec lÕaide dÕun logiciel informatique tandis que lÕanalyse quantitative consistera ˆ
la quantification des textes provenant des entrevues.
La premi•re Žtape de lÕanalyse quantitative se limita essentiellement ˆ la conversion et ˆ
lÕexpression des propos recueillis en valeur mathŽmatique. Les donnŽes nÕŽtant pas
quantifiŽes, puisquÕil sÕagit dÕune enqu•te par entrevues, il a donc fallu analyser les
propos retranscrits et, dans la mesure du possible, les transformer en scores Ð ce qui a
parfois reprŽsentŽ un sŽrieux dŽfi.
Puisque les donnŽes sont de nature qualitative, la premi•re Žtape de lÕanalyse quantitative
a donc consistŽ ˆ les transformer en leur attribuant une valeur numŽrique. Ce type
dÕanalyse, de plus en plus utilisŽe en sciences sociales, sÕest avŽrŽe fort utile car elle offre
la possibilitŽ de traiter de mani•re extr•mement mŽthodique les informations et les
tŽmoignages prŽsentant un certain degrŽ de profondeur et de complexitŽ. Nous pensons
pouvoir ainsi satisfaire aux exigences mŽthodologiques et de la profondeur inventive qui
ne sont pas toujours conciliables (Quivy et Van Campenhoudt, 1988Ê: 217).
Les informations furent regroupŽes en fonction de leur ressemblance afin de faire ressortir
les th•mes autour desquels elles gravitent. Huit catŽgories ont ŽmergŽ de cette premi•re
Žtape dÕanalyseÊ: la complŽmentaritŽ des ressources institutionnelles et communautaires;
le bris de lÕisolement; le soutien de la motivation; lÕaccroissement de la motivation;
lÕacquisition de nouvelles compŽtences; lÕŽlargissement des sources dÕinformation; la
diversification des sources dÕinformation; la redondance des sources dÕinformation.
Puisque notre point de dŽpart Žtait une sŽrie clairement dŽfinie dÕhypoth•ses, le principe
de classification de cette recherche sÕest imposŽ rapidement. Les ŽnoncŽs dÕhypoth•ses
171
contiennent en effet les ŽlŽments au sujet desquels il Žtait primordial dÕobtenir des
informations.
Les choix effectuŽs dans le cadre de lÕanalyse complŽmentaire se sont inspirŽs des
concepts et indicateurs autour desquels la problŽmatique de la recherche avait ŽtŽ
construite.
Enfin, les catŽgories Žtablies ˆ la suite de la classification satisfont aux crit•res
mŽthodologiques dÕexclusivitŽ, dÕhomogŽnŽitŽ et dÕexhaustivitŽ, cÕest-ˆ-dire quÕaucune
des informations analysŽes nÕappartient ˆ plus dÕune catŽgorie et que la grande majoritŽ de
ces informations ont pu •tre placŽes au sein de ces catŽgories. Ces derni•res seront ensuite
dŽfinies de fa•on opŽrationnelle par des exemples concrets de ce quÕelles renferment
comme informations. Les informations non catŽgorisŽes, gŽnŽralement appelŽes
informations marginales seront plut™t traitŽes lors de lÕanalyse complŽmentaire.
Une fois le codage complŽtŽ, il reste ˆ dŽterminer les unitŽs de mesure afin de quantifier
cette masse de donnŽes. Dans certains cas, les classes Žtablies ne contenaient quÕun petit
nombre dÕŽlŽments, ce qui a permis de les dŽnombrer sous la forme de ÇÊprŽsenceabsenceÊÈ. Par contre, dans les classes contenant un grand nombre dÕŽlŽments, le
dŽnombrement sÕest fait sous la forme de ÇÊfrŽquenceÊÈ. La frŽquence est gŽnŽralement
exprimŽe en pourcentage ou en proportion. Les moyennes ainsi obtenues tiennent compte
de deux dŽcimales et se situent entre 1 et 100. Les rŽsultats se rapprochant de 1 refl•tent
une faible satisfaction et ceux se rapprochant de 100 refl•tent un degrŽ de satisfaction
ŽlevŽ. Les rŽsultats se rapprochant des lignes pointillŽes sur les courbes sont dans la
moyenne (Saint-Arnaud). Exprimer la frŽquence de telle mani•re est avantageux car cela
informe immŽdiatement le lecteur de lÕimportance dÕune classe par rapport ˆ une autre.
172
Il a finalement fallu recourir ˆ lÕordinateur et plus particuli•rement au logiciel QSR
NUD*IST, dont les attributs ont dŽjˆ ŽtŽ prŽsentŽs, pour complŽter lÕanalyse qualitative
des donnŽes. Il sÕagit nŽanmoins ici de prŽciser que dans le contexte dÕune analyse de
contenu, lÕusage du logiciel a comportŽ deux avantages prŽcieuxÊ: premi•rement passer
rapidement ˆ travers une somme imposante de donnŽes, et deuxi•mement, Žtudier des
relations complexes entre des variables, puisque ce logiciel permet les regroupements et la
mise en relation de scores ainsi que lÕapplication dÕopŽrations mathŽmatiques
sophistiquŽes.
Voilˆ en bref le mode de fonctionnement ayant rendu possible la prŽsentation des
rŽsultats qui suivent. LÕensemble des informations recueillies correspond aux th•mes
ŽvoquŽs dans les hypoth•ses de recherche et lÕanalyse principale sera effectuŽe en
fonction de ces catŽgories.
4.3.1
La complŽmentaritŽ des mŽthodes
Analyse quantitative
La premi•re hypoth•se cherchait ˆ savoir comment se positionnent les rŽseaux de
solidaritŽ informels par rapport aux autres techniques de recherche dÕemploi comme les
ressources institutionnelles ou communautaires, les agences privŽes de placement, les
journaux, les annuaires, etc. La notion de complŽmentaritŽ signifie dans ce contexte que
lÕespace occupŽ par ce type de mode dÕacc•s ˆ lÕemploi, ˆ la fois distinct et autonome, est
compatible avec les autres mŽthodes, plus conventionnelles, de recherche dÕemploi. LÕidŽe
mise de lÕavant veut aussi que les rŽseaux de solidaritŽ informels sÕadditionnent aux autres
mŽthodes de recherche dÕemploi et ne visent en aucun cas ˆ les substituer.
173
Afin de vŽrifier cette affirmation, quatre questions ont ŽtŽ posŽes aux participants. Les
deux premi•res visaient ˆ dŽterminer sÕils avaient recours aux services dÕintŽgration au
marchŽ du travail offerts par les Centres locaux dÕemploi (CLE) du gouvernement ou par
un organisme communautaire sur leur territoire.
Recours aux services dÕorganismes gouvernementaux
Score/rŽponse
positif
nŽgatif
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Question 1
N1 30
18
12
18/30 ou 60Ê% ont rŽpondu oui. La majoritŽ des participants ont
donc recours aux services gouvernementaux dÕintŽgration ˆ lÕemploi.
Recours aux services dÕorganismes communautaires
Score/rŽponse
positif
nŽgatif
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Question 2
N 31
16
13
2
16/31 ou 51,6 Ê% rŽpondent oui. Ainsi, plus de la moitiŽ des
rŽpondants ont eu recours aux services communautaires dÕintŽgration
ˆ lÕemploi.
La seconde sŽrie de questions cherchait plut™t ˆ savoir si la mise en place de rŽseaux de
solidaritŽ informels Žtait frŽquente dans leur milieu et si la prŽsence dÕune ou dÕun
professionnel en employabilitŽ avait contribuŽ ˆ la mise sur pied de leur rŽseau?
1
Le symbole N reprŽsente le nombre total de personnes interrogŽes sur cet aspect de la problŽmatique.
174
FrŽquence de la mise en place de rŽseaux
Score/rŽponse
positif
nŽgatif
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Question 4
N 29
3
23
1
2
23/29 ou 79,3 Ê% rŽpondent non. CÕest dire que la majoritŽ des
participants nÕont jamais ou nÕavaient jamais assistŽ ˆ la mise en
place dÕun rŽseau de solidaritŽ.
Professionnel en employabilitŽ
Score/rŽponse
positif
nŽgatif
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Question 5
N 23
8
15
15/23 ou 65,2 Ê% rŽpondent non. La majoritŽ des rŽpondants ont dit
quÕaucun professionnel de lÕemployabilitŽ nÕa contribuŽ ˆ la mise sur
pied de leur rŽseau.
Ë cette premi•re hypoth•se stipulant que le rŽseau de solidaritŽ informel constituŽ de
jeunes ch™meurs Žvolue en complŽmentaritŽ des ressources institutionnelles et
communautaires, lÕensemble des participants a rŽpondu par lÕaffirmative. Il est
intŽressant de noter que la plupart dÕentre eux frŽquentent le CLE (60Ê%) et que plus de la
moitiŽ frŽquentent les organismes communautaires (55,5Ê%) de leur territoire. Pour la
majoritŽ dÕentre eux, il sÕagit dÕune premi•re participation ˆ un rŽseau de solidaritŽ
(79,3Ê%) et dans la plupart des cas (65,2Ê%), le rŽseau a ŽtŽ mis sur pied avec lÕaide dÕun
professionnel de lÕemployabilitŽ; plusieurs ont cependant soulignŽ, lorsque cÕŽtait le cas,
que lÕaide dÕun professionnel Žtait prŽcieuse.
175
Analyse qualitative
LÕanalyse des entrevues par ordinateur (QSR NUD*IST) indique que 9Ê% des personnes
interrogŽes ont explicitement fait mention de la complŽmentaritŽ de leur rŽseau par
rapport aux autres techniques de recherche dÕemploi. Un autre 20Ê% des rŽpondants a
qualifiŽ le rŽseau ÇÊdÕoutil de plusÊÈ, 16Ê% dÕune ÇÊautre mani•re de faireÊÈ et 78Ê% de
ÇÊmoyen autreÊÈ ou ÇÊalternatifÊÈ. Certains ont enfin prŽcisŽ que le rŽseau agit ˆ dÕautre(s)
niveau(x) que les mŽthodes traditionnelles parce quÕil fournit un soutien particulier.
Explication des rŽsultats
ConformŽment aux conclusions de lÕanalyse statistique, lÕinterprŽtation des rŽsultats
portant sur la complŽmentaritŽ des rŽseaux de solidaritŽ informels par rapport aux autres
techniques dÕaide ˆ lÕemploi, rŽaffirme la vŽracitŽ de lÕhypoth•se.
QuoiquÕelles ne soient pas mutuellement exclusives, il est possible dÕadditionner les
rŽsultats obtenus pour ces questions, cÕest-ˆ-dire 60Ê% et 51,6Ê%. Ces donnŽes indiquent
un taux moyen de frŽquentation des ressources gouvernementales et communautaires
supŽrieur ˆ 70Ê% et ce, pour la totalitŽ des rŽseaux ŽtudiŽs.
Il semble que ces rŽsultats doivent •tre interprŽtŽs en fonction des secteurs dÕactivitŽ dans
lesquels Žvoluent les membres des rŽseaux. Ainsi, dans le cas du RŽseau des arts, o• lÕon
utilise tr•s peu les ressources traditionnelles dÕaide ˆ lÕemploi, les entrevues rŽv•lent
clairement que le fait dÕadhŽrer ˆ un rŽseau informel nÕavait en rien changŽ le choix dÕoutils
de recherche dÕemploi des membres. Selon eux, les ressources traditionnelles nÕoffrent
aucun service (incluant des ressources professionnelles) spŽcialisŽ dans le milieu des arts
et sont donc tr•s peu alimentŽes en offres dÕemploi et information sur ce type de
professions. Pour ces jeunes artistes, les moyens traditionnels ne rŽpondent pas
176
adŽquatement ˆ leurs besoins spŽcifiques en termes de support et dÕoutil de diffusion.
Pour citer deux membres de ce rŽseau composŽ essentiellement dÕartistes de la sc•neÊ: ÇÊjÕy
suis allŽ une fois, mais il nÕy a rien dans notre domaineÊÈ.
Plusieurs membres du RŽseau des universitaires ont fait entendre un m•me son de cloche,
cÕest-ˆ-dire que leur formation en carriŽrologie leur avait dŽjˆ permis depuis longtemps de
comprendre que tous les moyens et toutes les sources doivent •tre exploitŽs et que le
rŽseau de solidaritŽ informel ne constitue quÕun de ces moyens. Plusieurs ont dÕailleurs
mentionnŽ ˆ cet effet que leur rŽseauÊ: est un moyen parmi dÕautres [pour sÕaider dans
leur recherche dÕemploi]. Seulement un de ses membres nous a confiŽ en entrevue que le
rŽseau reprŽsentait ˆ ces yeux la seule mani•re efficace de se chercher un emploi et quÕil
est inutile dÕen explorer dÕautres.
Parall•lement, dans les cas o• la composition du rŽseau Žtait moins homog•ne et moins
spŽcialisŽe, comme le RŽseau de la Basse-Ville, le RŽseau du Plateau Mont-Royal ou le
RŽseau de jumelage, les taux de frŽquentation des centres gouvernementaux et
communautaires se sont avŽrŽs beaucoup plus ŽlevŽs. Ces trois rŽseaux reprŽsentent donc
un cas typique o• lÕon consid•re quÕil faut mettre toutes les chances de son c™tŽ et
demeurer le plus actif possible en participant ˆ un maximum dÕactivitŽs liŽes ˆ son
domaine professionnel et la recherche dÕemploi.
En somme, lÕensemble des analyses et de leur interprŽtation ne laissent que tr•s peu de
place ˆ une th•se valable sur la substitution des ressources traditionnelles par les rŽseaux
de solidaritŽ informels. Ce constat confirme dÕailleurs les rŽsultats dÕenqu•te de Curtis J.
Simon, John T. Warner (1992) et de James D. Montgomery (1991) affirmant que les
rŽseaux informels remplissent certaines fonctions quÕaucune structure formelle ne pourrait
remplir.
177
Il existe en effet plusieurs mŽcanismes de coordination qui peuvent •tre complŽmentaires
les uns des autres, tels que les marchŽs, les institutions, les associations et les rŽseaux.
Lorsque bien intŽgrŽs et configurŽs, ces derniers mŽcanismes ont d'ailleurs souvent
favorisŽ une meilleure coordination des acteurs sociaux dans les sociŽtŽs capitalistes
(Boyer et Hollingsworth, 1994 : 1; Campbell, Hollingsworth et Lindberg, 1991;
Hollingsworth, Schmitter et Streeck, 1994). Ces mŽcanismes d'autoajustement du marchŽ
voient du reste leur efficacitŽ reconnue massivement depuis les annŽes 1980.
Des variations importantes peuvent •tre observŽes d'un ƒtat ˆ l'autre, ou d'une rŽgion
Žconomique ˆ l'autre, gr‰ce la combinaison des institutions qui coordonnent les
comportements d'acteurs Žconomiques. L'efficacitŽ relative de ces divers mŽcanismes a
donc un effet tout aussi variable sur le fonctionnement de chaque syst•me social.
La sociŽtŽ quŽbŽcoise, b‰tie sur un mod•le capitaliste ˆ caract•re fortement socialdŽmocrate, est essentiellement coordonnŽe par les modes institutionnel et hiŽrarchique de
rŽgulation. Les rŽseaux informels ne viennent en aucun cas remettre en question ce mod•le
dominant, mais contribuent plut™t ˆ lÕenrichissement de ce m•me mod•le tout en y
apportant un ensemble dÕŽlŽments spŽcifiques. PrŽcisons par ailleurs que la prŽsente
dŽmarche ne tente en aucun cas dÕanalyser la sociŽtŽ comme sÕil sÕagissait dÕun ou de
plusieurs rŽseaux, mais vient plut™t positionner ces derniers parmi un ensemble de modes
de coordination.
Apr•s une analyse du fonctionnement des quatre modes de coordination illustrŽs dans le
tableau 2 (chapitre 2Ê: 61) de cet ouvrage, cÕest-ˆ-dire les institutions, le marchŽ, les
ressources communautaires et les rŽseaux, il appert que les facteurs pouvant expliquer le
passage par les diffŽrents modes d'acc•s ˆ l'emploi ne rŽpondent pas ˆ un m•me
fondement thŽorique. Ces divers modes de coordination opposent globalement un mode
marchand, caractŽrisŽ par des niveaux de qualifications plut™t ŽlevŽs et des emplois
178
tertiaires, un mode institutionnel, dans lequel se trouvent des emplois et des individus
moins qualifiŽs, travaillant plus souvent ˆ temps partiel et parfois liŽs ˆ des mesures
ÇÊjeunesÊÈ, et un mode organisationnel, composŽ des rŽseaux et des stages et o• la
mŽthode semble moins rigide par rapport au second mode (Giret et collaborateurs, op
cit.Ê: 25).
Il faut Žgalement noter dans lÕinterprŽtation des donnŽes reliŽes ˆ cette premi•re
hypoth•se, que la grande majoritŽ des personnes interrogŽes participent pour la premi•re
fois ˆ un rŽseau de solidaritŽ informel (79,3Ê%). Il est possible dÕen conclure quÕil sÕagit
dÕune expŽrience ou dÕun ŽvŽnement isolŽ et non pas dÕune pratique usuelle. Les rŽseaux
de solidaritŽ ne reprŽsentent pas une ressource Žtablie et le recours ˆ ceux-ci ne constitue
donc pas une pratique courante pour ces individus, mais bien un ajout ou une expŽrience
ponctuelle dans leur vie sociale et professionnelle.
Puisque les donnŽes obtenues apr•s analyse indiquent que la plupart de ces groupes se
forment sans lÕaide ou lÕapport dÕun professionnel en employabilitŽ, il est prudent dÕy
voir un haut niveau dÕindŽpendance en regard de lÕorganisation et de la philosophie
dÕintervention que lÕon ne retrouve pas chez les modes de coordination plus formels.
De plus, dans lÕunique cas o• les membres ont pu bŽnŽficier dÕun soutien plus structurŽ
provenant dÕune organisation offrant aux jeunes des services en dŽveloppement de la
main-dÕÏuvre (RŽseau du Plateau Mont-Royal),
il sÕagissait dÕun organisme
communautaire bien enracinŽ dans son quartier. Or, il a dŽjˆ ŽtŽ clairement dŽmontrŽ que
lÕon adopte gŽnŽralement dans ce contexte un mode dÕintervention beaucoup plus
holistique et centrŽ sur les besoins particuliers de leurs clients. On peut donc y voir un
rapprochement ou chevauchement plausible des stratŽgies dÕinterventions et de lÕidŽologie
sous-jacente entre ces deux modes de coordination.
179
Apr•s une Žcoute attentive des enregistrements dÕentrevues, on comprend Žgalement que
le r™le de la grande majoritŽ de ces rŽseaux de solidaritŽ est dÕalimenter leurs membres de
mani•re continue en ce qui a trait aux ressources disponibles sur leur territoire. Que ce soit
des organismes communautaires, des bureaux du gouvernement, que ce soit liŽ au marchŽ
du travail, ou encore ˆ des Žtablissements dÕŽducation, des services de garde, de cuisines
collectives, on exploite tout et on discute de tout ce qui peut constituer un rŽseau de
support lorsquÕon est sans-emploi. Puisque cette information circule si librement et
quÕaucun filtre corporatiste nÕest imposŽ dans ce genre de groupe, il est dÕautant plus clair
que ce sont des ressources qui Žvoluent de mani•re autonome et complŽmentaire par
rapport aux autres services formels dÕaide ˆ la recherche dÕemploi.
4.3.2
Rompre lÕisolement
Analyse quantitative
LÕhypoth•se 2, quant ˆ elle, cherchait ˆ vŽrifier si les rŽseaux de solidaritŽ informels ont
pour effet de briser lÕisolement des jeunes ˆ la recherche active dÕun emploi. Plusieurs des
questions ont tentŽ de cerner lÕimpact de ces rŽseaux ou les diffŽrents bŽnŽfices quÕen
retirent les membres. Neuf des questions posŽes ˆ chaque participant portaient
exclusivement sur cet aspect de leur engagement.
Ainsi ces questions portaient principalement sur les liens quÕentretiennent les rŽpondants
avec les autres membres du groupe, sur la fa•on dont ils qualifieraient ces derniers et sur la
transformation ou lÕŽvolution de ces liens au fil des rencontres. La question portant sur la
ÇÊnature des liensÊÈ entretenus par les membres se rapporte aux types de liens (des
amitiŽs, des liens familiaux, etc.) tandis que la seconde question que nous avons appelŽ
ÇÊqualification des liensÊÈ voulait principalement pousser les participants ˆ identifier ces
relations sociales eux-m•mes. Nous voulions enfin comparer ces rŽponses pour y dŽtecter
180
les similitudes ou les incongruitŽs. Nous avons ensuite demandŽ aux participants ˆ quel(s)
autre(s) groupe(s) ils sÕassocient ˆ lÕextŽrieur de ce rŽseau dÕintŽgration ˆ lÕemploi et de
combien de groupes il sÕagit, afin de vŽrifier dans quelle mesure leur identitŽ sociale se
dŽfinit ˆ travers leur participation ˆ de tels groupes, et ˆ quelle frŽquence ils se
rencontrent. Les participantes et participants ont Žgalement ŽtŽ questionnŽs quant au
principal avantage de se rŽunir autour du th•me de la recherche dÕemploi ainsi quÕau
sentiment dÕappartenance quÕils ont ou non, dŽveloppŽ pour le groupe. Enfin, les
questions vŽrifiaient si les rŽpondants vivent ou vivaient un sentiment dÕexclusion ou de
solitude par rapport ˆ leur situation de ch™meur avant et apr•s lÕintŽgration au groupe.
Dans lÕensemble, les rŽponses recueillies ont tr•s peu surpris puisque le th•me de
lÕisolement Žtait ressorti ˆ plusieurs occasions au fil des entrevues. De plus, 72,4Ê% ont
rŽpondu avoir dŽveloppŽ un sentiment dÕappartenance envers leur rŽseau. Par contre,
64,5Ê% voient les autres membres du groupe comme des connaissances, comparativement
ˆ 32,2Ê% qui considŽraient plut™t avoir crŽŽ des liens dÕamitiŽ avec eux.
Sentiment dÕappartenance
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
R total-Q11
N 29
21
6
2
21/29 ou 72,4 Ê% rŽpondent oui, c.-ˆ-d. avoir dŽveloppŽ un sentiment
dÕappartenance ˆ ce groupe.
Nature des liens
Score/rŽponse
amitiŽ
connaissances
familial
ne sÕapplique
pas
R total-Q3
10
20
1
181
N 31
20/31 ou 64,5 Ê% rŽpondent quÕil sÕagissait davantage de
connaissances et 32,2 Ê% dÕamis.
Qualification des liens
Score/rŽponse
amitiŽ
connaissances
familial
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q9
N 27
7
18
2
18/27 ou 66,6 Ê% rŽpondent quÕil sÕagissait de connaissances et
25,9Ê% dÕamis et aucun nÕa de lien familial avec les autres membres.
Au sujet des avantages ˆ se rŽunir au sein dÕun rŽseau de recherche dÕemploi, le bris de
lÕisolement sÕest classŽ troisi•me, ex aequo avec le dŽsir de nouer de nouveaux contacts, et
apr•s, les apprentissages et les Žchanges de trucs et idŽes. Ces rŽsultats peuvent para”tre
peu ŽlevŽs Žtant donnŽ la place que les participants ˆ la recherche ont consacrŽe ˆ ce sujet
lors des entrevues. On expliquera un peu plus loin en quoi lÕanalyse par ordinateur de ces
textes a pu apporter un nouvel Žclairage reflŽtant de mani•re plus compl•te cet aspect de
la vie en rŽseau pour leurs membres.
Principal avantage
Score/rŽponse
idŽes/Žchanges
contacts
apprentissages
briser
lÕisolement
Rtotal-Q7
N 34
15
12
15
12
Ce sont les concepts dÕapprentissage et dÕŽchange qui ressortent le
plus. Les contacts, lÕisolement et la motivation ressortent Žgalement
de mani•re significative.
La grande majoritŽ des rŽseaux ŽtudiŽs dans le cadre de cette recherche se rŽunissent en
moyenne une fois par semaine et/ou selon les besoins exprimŽs par leurs membres. La
182
frŽquence des rencontres pouvait en effet varier entre 1 ˆ 2 fois par annŽe ˆ plusieurs fois
par semaine. Les membres interrogŽs ont rŽpondu dans une proportion de 59,2Ê% avoir
approfondi leurs liens avec les autres membres du groupe et 73,3Ê% disent vivre ou avoir
vŽcu un sentiment dÕexclusion ou de solitude par rapport ˆ leur situation de ch™meur.
FrŽquence des rencontres
Score/rŽponse
Rtotal-Q8
N 26
1 fois jour
1 fois semaine
1 fois mois
au besoin
1
12
6
7
La majoritŽ des groupes se rencontrent toutes les semaines et
ajoutent des rencontres ponctuelles selon les besoins des membres.
Liens dÕamitiŽ
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q10
N 27
16
8
1
2
16/27 ou 59,2Ê% rŽpondent oui, leurs liens avec les autres membres
se sont approfondis au fil des rencontres.
Sentiment dÕexclusion et de solitude
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q12
N 30
22
4
4
22/30 ou 73,3Ê% rŽpondent oui.
On apprend finalement que 78,9Ê% ne sont membres que de ce rŽseau de solidaritŽ
informel, mais que 34,5Ê% dÕentre eux sont Žgalement membres dÕune association ou dÕun
183
rŽseau formel reliŽ ˆ leur domaine professionnel, 13,7Ê% ˆ leur domaine dÕŽtudes et 5Ê%
aux loisirs.
AdhŽsion ˆ divers groupes
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q13
N 24
2
19
3
19/24 ou 78,9Ê% rŽpondent ne pas •tre membre dÕautre(s) groupe(s)
de solidaritŽ informel(s).
Appartenance ˆ un autre rŽseau
Score/rŽponse
reliŽ au travail
aux Žtudes
autres (loisir-
aucun
bŽnŽvolat)
Rtotal-Q6
N 29
10
4
5
10
10/29 ou 34,5 Ê% rŽpondent quÕils sont associŽs ˆ un autre rŽseau
reliŽ au domaine dÕemploi tandis que 13,7Ê% sont reliŽs aux Žtudes et
17,2 % autres.
En somme, 54,3Ê% croient que leur rŽseau de solidaritŽ informel a pour effet de briser
lÕisolement marquant souvent une pŽriode de ch™mage. On peut en conclure que la plupart
y rencontrent plut™t des connaissances que des amis et que tr•s peu ont dŽveloppŽ une
pratique courante dans leur vie de participer ˆ ce genre de groupe dÕentraide (sinon
emploi-Žtude). Ce sont les concepts dÕapprentissage et dÕŽchange qui ressortent davantage
en terme de bŽnŽfices, quoique les contacts, lÕisolement et la motivation ressortent aussi
clairement, la majoritŽ des rŽseaux se rencontrent ˆ toutes les semaines Ð et au besoin Ð et
la majoritŽ de leurs membres disent vivre un sentiment dÕexclusion. De plus, la plupart
dŽveloppent t™t ou tard un sentiment dÕappartenance au groupe et leurs liens avec les
autres membres sÕapprofondissent gŽnŽralement au fil des rencontres.
184
Analyse qualitative
Notre seconde hypoth•se fut Žgalement confirmŽe lors de lÕanalyse informatique des
entretiens avec les rŽpondants. Cette derni•re analyse a permis dÕidentifier une quantitŽ
impressionnante dÕextraits dÕentrevue portant sur cet aspect.
En effet, 26,2Ê% des personnes interrogŽes ont dit se sentir seules ˆ un moment ou un
autre de leur recherche dÕemploi et 40Ê% ont fait rŽfŽrence ˆ un sentiment de solitude.
Enfin, 18Ê% ont utilisŽ le terme isolement lors de lÕentrevue, ce qui fait un total de 84Ê% et
confirme, sans aucun doute, la vŽracitŽ de cette affirmation.
Explication des rŽsultats
LÕinterprŽtation des rŽsultats liŽs ˆ la seconde hypoth•se testant si les rŽseaux de
solidaritŽ informels ont pour effet de briser lÕisolement des jeunes ˆ la recherche active
dÕun emploi sÕav•re globalement consistante avec leur analyse.
Le premier ŽlŽment ˆ considŽrer est que plus des trois quarts des tŽmoignages recueillis
font mention du sentiment dÕappartenance dŽveloppŽ par les membres face ˆ leur rŽseau.
Ce fort taux dŽmontre ˆ plus dÕun Žgard que les Žchanges qui prennent place au sein de ces
groupes dŽpassent nettement les relations sociales marquant en gŽnŽral le service ˆ la
client•le ou la relation entre les professionnels et leurs clients.
Les rŽsultats obtenus par rapport aux types de liens quÕentretiennent les membres entre
eux indiquent que ces rencontres et ces discussions dŽpassent les simples Žchanges
dÕinformations utilitaires. Plus de 30Ê% dÕentre eux consid•rent effectivement que ces
liens constituent des liens dÕamitiŽ alors que 64.5Ê% les qualifient de connaissances.
185
Ë la lumi•re de ces explications, il appara”t clairement que les relations se nouant au fil des
rencontres se sont approfondies et ont contribuŽ ˆ rompre lÕisolement vŽcu par une
majoritŽ des membres. La participation aux rencontres organisŽes par le groupe est en soit
une fa•on de briser lÕisolement du ch™meur. Le rapport est directÊ: plus les jeunes
sÕimpliquent et participent rŽguli•rement, plus leur niveau dÕisolement diminue.
Le fait quÕil sÕagisse de rŽseaux professionnels semble Žgalement avoir un lien avec la
participation, et par association, le bris de lÕisolement. Certains membres qui en Žtaient ˆ
leur premi•re participation ˆ ce type de groupe entretenaient au dŽpart un sentiment
dÕapprŽhension face au genre de discussions et de contributions exigŽes des membres.
LÕinconfort semble sÕ•tre dissipŽ lors des toutes premi•res rencontres, principalement
concentrŽes sur le volet professionnel, ce qui encouragea directement la participation des
jeunes.
Les participants ont dÕailleurs rŽpondu, dans pr•s de 25 Ê% des cas, que leur principale
motivation Žtait de briser lÕisolement provoquŽ par leur statut de ch™meur. Cela peut
para”tre peu ŽlevŽ ou m•me contradictoire par rapport ˆ la frŽquence ˆ laquelle cet ŽlŽment
fut mentionnŽ au cours des entrevues. Afin de comprendre ces rŽsultats, il est utile de
creuser dÕautres ŽlŽments de rŽponse ayant dominŽ au cours des entretiens. Apr•s
vŽrification, on observe en effet que plusieurs (25 Ê%) membres ont plut™t dŽcidŽ de
parler de lÕimportance des contacts nouŽs au sein de leur rŽseau et que les rŽponses dÕun
autre groupe (28 Ê%) avaient ŽtŽ inscrites sous la catŽgorie ÇÊŽchange dÕidŽesÊÈ. Or, ces
trois catŽgories ont pour effet direct de briser lÕisolement et lÕon constate donc quÕau
total, pr•s de 80 Ê% des rŽpondants appuient cette idŽe.
La frŽquence ˆ laquelle les membres se rŽunissent vient Žgalement appuyer la th•se du bris
de lÕisolement. Selon le groupe, leurs membres se rŽunissent en moyenne une fois par
186
semaine et/ou selon leurs besoins. Cette frŽquence para”t •tre suffisamment ŽlevŽe pour
maintenir un contact rŽgulier entre les membres et leur permettre dÕapprofondir leurs
relations, tel que confirmŽ par ces derniers lors des entrevues.
Afin de bien soupeser lÕensemble des ŽlŽments en prŽsence, il semble finalement
intŽressant de prendre en considŽration que seulement 65Ê% de tous les individus
interrogŽs sont membres dÕune association ou dÕun regroupement formel reliŽ ˆ leur
domaine professionnel (34,5Ê%), dÕŽtude (13,7Ê%) ou aux loisirs (17,2Ê%). En outre 35Ê%
dÕentre eux nÕappartiennent ˆ aucun autre groupe ˆ lÕextŽrieur du rŽseau familial et de leur
cercle dÕamis.
Contrairement aux conclusions dŽgagŽes lors de lÕanalyse statistique, lÕinterprŽtation des
rŽsultats porte ˆ croire que lÕisolement compte davantage pour ces membres que plusieurs
autres bŽnŽfices offerts par le rŽseau. Or, lÕhypoth•se de lÕisolement semble doublement
confirmŽe par les explications prŽcŽdentes et vient renforcer lÕanalyse de Beausoleil pour
quiÊ: ÇÊles rŽseaux sociaux dŽsignent simplement les syst•mes particuliers de liens unissant
des personnesÊÈ (1988Ê: 39). En somme, l'approche rŽseaux permet de rejoindre des
client•les qui ne le seraient pas autrement (maison de jeunes, etc.), de dŽvelopper des
solutions collectives qui renforcent le sentiment d'appartenance et de favoriser une plus
grande autonomie, tout en sortant les personnes visŽes dÕun isolement parfois assez
profond.
187
4.3.3. Soutenir la motivation
Analyse quantitative
Une caractŽristique fondamentale du rŽseau de solidaritŽ informel est, selon nous, sa
capacitŽ ˆ soutenir la motivation de ses membres. Cette qualitŽ constitue aussi lÕessence
de la troisi•me hypoth•se de cette recherche.
La question de la motivation doit sans contredit occuper une place centrale au sein dÕune
analyse portant sur lÕimpact de tels rŽseaux sur leurs membres. Une place ˆ ce point
importante, quÕil fut prŽfŽrable de la fractionner en deux sous-concepts, soit le ÇÊsoutien
de la motivationÊÈ et ÇÊlÕaccroissement de la motivationÊÈ.
Les rŽsultats de lÕenqu•te concernant le premier sous-concept dŽbutent cette section.
Neuf questions vŽrifiaient plus particuli•rement cet aspect. On a demandŽ aux
participants de dŽcrire les types de dŽmarches dÕemploi effectuŽes prŽalablement ˆ leur
adhŽsion au groupe et de prŽciser si lÕintensitŽ ou la quantitŽ de leurs dŽmarches avait
changŽ depuis leur adhŽsion.
Technique de recherche
Score/rŽponse
CLE- groupes
annonces-
agence de
autres
communautaires
journaux
placement
(bŽnŽvolatannuaires tŽl.)
Rtotal-Q14
N 32
5
13
4
10
Principalement des annonces dans les journaux et bottin de
tŽlŽphone.
188
IntensitŽ des dŽmarches
Score/rŽponse
AugmentŽ
DiminuŽ
Stable
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q15
N 31
15
2
13
1
Dans 48,4Ê% des cas (15/31) lÕintensitŽ a augmentŽ. Par ailleurs,
certains ont ŽprouvŽ de la difficultŽ ˆ mesurer ce type dÕindicateur (le
niveau dÕintensitŽ), mais disent •tre stimulŽs et
faire des
apprentissages.
La majoritŽ a dit avoir utilisŽ les quotidiens de leur rŽgion ainsi que des journaux
spŽcialisŽs dans leur domaine professionnel ou de formation. Plusieurs ont aussi ŽpluchŽ
les rŽpertoires et annuaires tŽlŽphoniques ou encore fait du bŽnŽvolat afin de se faire
conna”tre par le milieu professionnel. Proportionnellement, peu ont frŽquemment eu
recours aux services institutionnels ou privŽs, tels que les agences de placement (ou de
chasseur de t•tes).
Quant ˆ lÕintensitŽ de leurs dŽmarches, presque la moitiŽ (48,4Ê%) ont dit avoir accru le
rythme de leurs efforts ou la quantitŽ de ces derniers tandis que 42Ê% des rŽpondants
estiment que leur intensitŽ est demeurŽe plut™t stable.
Il Žtait Žgalement important de chercher ˆ savoir si les membres des rŽseaux de solidaritŽ
informels Žtaient parfois tentŽs dÕabandonner leurs dŽmarches avant leur adhŽsion et sÕils
Žtaient toujours tentŽs de les abandonner une fois sÕ•tre intŽgrŽs au groupe.
Les rŽsultats dŽmontrent quÕune assez forte proportion (57,6Ê%) des rŽpondants ont
parfois ŽtŽ tentŽs dÕabandonner leurs dŽmarches Ð plusieurs ont m•me ajoutŽ lÕavoir fait
pendant une certaine pŽriode Ð et 47,8Ê% ont rŽvŽlŽ •tre encore parfois tentŽs
dÕabandonner leurs dŽmarches malgrŽ leur adhŽsion au rŽseau. Ë noter ici le nombre assez
189
ŽlevŽ de participants ayant rŽpondu ÇÊne pas savoirÊÈ ou ÇÊne sÕapplique pasÊÈ ˆ leur
situation pour cette derni•re question. Il semblait en effet difficile pour certains de
distinguer le point de rupture qui avait provoquŽ ou initiŽ lÕabandon de leurs dŽmarches.
De plus, certains participants nÕarrivaient pas ˆ se rappeler ou ˆ se replacer dans le
contexte prŽcŽdant leur adhŽsion au rŽseau, ce qui rendait difficile la rŽponse ˆ une telle
question.
Abandon des dŽmarches avant lÕadhŽsion au rŽseau
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q16
N 26
15
7
1
3
15/26 ou 57,6Ê% ont parfois ŽtŽ tentŽs dÕabandonner leurs dŽmarches
avant leur adhŽsion au groupe
Abandon des dŽmarches une fois intŽgrŽ au rŽseau
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q17
N 23
11
4
3
5
11/23 donc 47,8Ê% rŽpondent •tre parfois tentŽs dÕabandonner leurs
dŽmarches.
Les questions du second volet tentaient dÕŽvaluer si les relations que les rŽpondants
entretiennent avec les autres membres du groupe les aident dans leur recherche dÕemploi.
Les participants ont aussi ŽtŽ questionnŽs sur leur investissement dans le groupe, plus
prŽcisŽment ˆ savoir si lÕaide quÕils donnent au sein du rŽseau est comparable ou Žgale ˆ
celle quÕils re•oivent, et si cette aide facilite vraiment leur intŽgration au marchŽ du travail.
190
Les rŽponses ont essentiellement confirmŽ que les liens unissant les rŽpondants aux autres
membres du groupe produisaient un effet positif sur leur recherche dÕemploi (68,4Ê%).
ƒtonnamment, pr•s de la moitiŽ des rŽpondants jugent lÕŽchange au sein des rŽseaux
inŽgal, mais la majoritŽ de ces 46,4Ê% ont prŽcisŽ que cela Žtait tout ˆ fait normal et quÕil
en Žtait habituellement ainsi dans la plupart des organisations. Enfin, 61Ê% pensent que
leur rŽseau leur offre un support qui facilite leur cheminement vers lÕemploi.
Soutien des membres
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q18
N 19
13
3
3
13/19 ou 68,4Ê% disent que les relations quÕils entretiennent avec les
autres membres du groupe les aident dans leur recherche dÕemploi.
RŽciprocitŽ du soutien
Score/rŽponse
Žgale
inŽgale
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q19
N 28
9
13
5
1
13/28 ou 46,4 Ê% pensent que lÕaide quÕils donnent et celle quÕils
re•oivent au sein du groupe est inŽgale dans ce rŽseau. 32Ê% pense
quÕelle est Žgale.
Support par rapport ˆ lÕintŽgration ˆ lÕemploi
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q20
13
3
2
3
191
N 21
13/21 ou 61,0Ê% pensent que leur rŽseau leur offre du support afin
de faciliter leur intŽgration ˆ lÕemploi.
Nous avons conclu en questionnant ces membres de rŽseaux sur la question des
ressources, afin de savoir sÕils sentent que le groupe utilise lÕensemble de ses ressources et
tient compte des ressources particuli•res de chacun de ses membres. Paradoxalement,
42,8Ê% ont rŽpondu non ˆ la premi•re question et 58,8Ê% ont rŽpondu oui ˆ la seconde.
Utilisation des ressources
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q21
N 28
10
12
5
1
12/28 ou 42,8Ê% rŽpondent que le groupe nÕutilise pas lÕensemble de
ses ressources tandis que 10 (35,7Ê%) rŽpondent oui.
Prise en compte des ressources
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q22
N 17
10
2
1
4
10/17 ou 58,8Ê% pensent que le rŽseau tient compte des ressources
de chacun de ses membres.
Pour rŽsumer ces rŽsultats, mentionnons que 43,3 Ê% ont rŽpondu favorablement aux huit
questions quantifiables portant sur ce th•me. On peut en conclure que les gens effectuent
principalement leurs recherches dans les journaux et que lÕintensitŽ de leurs dŽmarches a
augmentŽ depuis leur intŽgration au rŽseau. Par ailleurs, certains ont ŽprouvŽ de la
difficultŽ ˆ mesurer cette derni•re mais prŽcisent •tre stimulŽs par les rencontres et faire
des apprentissages. De plus, la majoritŽ des personnes interrogŽes ont parfois ŽtŽ tentŽes
192
dÕabandonner leurs dŽmarches avant leur adhŽsion au groupe et plusieurs le sont toujours
(mais ne le font pas puisquÕils sont encore membres). Une large part des rŽpondants ont
affirmŽ que les relations quÕils entretiennent avec les autres membres du groupe les aident
dans leur recherche dÕemploi et que leur rŽseau leur offre du support afin de faciliter leur
intŽgration ˆ lÕemploi. Par contre, ces derniers ne trouvent pas que lÕaide soit
Žquitablement divisŽe (sans •tre nŽcessairement opposŽs cette rŽalitŽ) et que le rŽseau
utilise lÕensemble de ses ressources.
Ces rŽsultats permettent en somme de dire quÕeffectivement, le rŽseau a pour effet de
soutenir la motivation.
Analyse qualitative
ƒtant donnŽ le chevauchement des concepts retenus pour les hypoth•ses 3a et 3b, portant
tous les deux sur la motivation, les mots clŽs utilisŽs lors de lÕanalyse de contenu assistŽ
par ordinateur Žtaient essentiellement les m•mes et les rŽsultats de ces analyses se
trouvent ˆ la section suivante (accroissement de la motivation).
Explication des rŽsultats
Les rŽsultats portant sur le premier volet de la troisi•me hypoth•se voulant que les
rŽseaux ŽtudiŽs dans le cadre de cette recherche aient la capacitŽ de soutenir la motivation
de leurs jeunes membres sont on ne peut plus clairsÊ: une forte proportion des rŽpondants
ont ŽtŽ tentŽs dÕabandonner leurs dŽmarches ˆ un moment ou ˆ un autre. De plus, bon
nombre dÕentre eux (47,8 Ê%) affirment •tre toujours tentŽs dÕabandonner et ce, malgrŽ
leur adhŽsion au rŽseau. Le dŽcouragement est donc un facteur bien prŽsent chez les
membres de ces groupes malgrŽ le support quÕils y re•oivent.
193
Les rŽponses donnŽes par la suite fournissent quelques explications ˆ ce phŽnom•ne.
Environ 70 Ê% des rŽpondants soutiennent en effet que les relations entretenues avec les
autres membres du groupe les soutiennent dans leur recherche dÕemploi. Dans le m•me
ordre dÕidŽes, plusieurs (61 Ê%) affirment que leur rŽseau leur offre du support afin de
faciliter leur intŽgration au marchŽ du travail.
Il semble donc que cet Žtat de dŽcouragement et la tentation dÕabandonner la recherche
fassent partie du processus ÇÊnormalÊÈ ou ÇÊtypiqueÊÈ dÕintŽgration ou de rŽintŽgration ˆ
lÕemploi. De nombreux auteurs ont exposŽ les divers cycles caractŽrisant une dŽmarche
traditionnelle de recherche dÕemploi. En rŽsumŽ, le processus commence gŽnŽralement par
une pŽriode de forte Žnergie et de confiance en soi, suivie par un cycle de prise de
conscience de sa situation et des ajustements quÕelle nŽcessite, tout en gardant un bon
niveau de confiance personnelle. Un cycle dÕimpatience, de dŽmotivation, voir m•me de
dŽcouragement plus profond sÕinstalle apr•s quelques mois. CÕest ˆ ce moment que
certains dŽcideront dÕinterrompre leurs dŽmarches et deviendront des ch™meurs
dŽcouragŽs. Ce cycle peut sÕavŽrer plus ou moins long selon la rŽaction de lÕindividu. Si ce
dernier nÕest pas paralysŽ par ces Žpreuves, il entreprend de nouvelles dŽmarches et va
chercher le soutien quÕil lui faut pour son cheminement, le cycle peut se rŽvŽler moins
difficile ˆ traverser. Un ch™meur peut repasser plusieurs fois par un m•me cycle, dont la
durŽe varie chaque fois.
La majoritŽ des rŽseaux de solidaritŽ informels procurent cet appui et permettent de
combattre ou dÕattŽnuer les cycles dÕabattement qui caractŽrisent la plupart des
cheminements vers lÕintŽgration ˆ lÕemploi. En ce sens, le r™le des rŽseaux sÕinscrit tout ˆ
fait dans une mission de soutien de la motivation des membres visant ˆ favoriser la
poursuite de leur dŽmarche.
194
La derni•re sŽrie de questions liŽes ˆ cette facette des rŽseaux explore le volet des
ressources et de leur utilisation pleine ou partielle. Les commentaires recueillis prŽcisent
que la plupart des membres sentent que leurs pairs ÇÊdonnent leur maximumÊÈ et quÕil est
normal de devoir composer avec les limites de chacun, quÕelles se posent en termes de
finances ou de disponibilitŽ. Tous croient toutefois que leurs pairs ont dÕimmenses
capacitŽs et que ces derni•res pourraient •tre exploitŽes davantage. Ces rŽflexions
correspondent ˆ la nature personnelle et informelle qui caractŽrise cette forme de soutien
et semble prŽvenir une lourdeur que dÕautres modes de soutien imposent ˆ leurs
participants. Par ailleurs, tel que soulignŽ au chapitre prŽcŽdent, certains ont ŽprouvŽ de la
difficultŽ ˆ mesurer leur niveau de motivation mais prŽcisent •tre stimulŽs par les
rencontres et les apprentissages quÕils y font.
LÕintŽr•t de ces individus pour le rŽseau de solidaritŽ sÕexplique en partie par la thŽorie
des liens faibles. Plusieurs participants ont parlŽ notamment de lÕhomogŽnŽitŽ des
prŽoccupations et de la comprŽhension qui r•gne au sein du rŽseau.
Ces tŽmoignages corroborent la thŽorie des liens faibles de M. Granovetter (1973,1982).
Comme il a dŽjˆ ŽtŽ mentionnŽ, les relations sociales sont les voies par lesquelles circule
l'information. Ainsi plus le rŽseau dÕun individu est diversifiŽ, plus l'information dont il
peut disposer est riche. Plus le rŽseau d'un individu est vaste, plus grandes sont les
chances quÕil soit diversifiŽ. Il devient ainsi possible de classer les liens interpersonnels en
liens forts et en liens faibles selon la frŽquence des contacts, l'intensitŽ Žmotionnelle,
l'importance des services rendus et le degrŽ d'intimitŽ des Žchanges. Des liens forts et des
liens faibles sont donc prŽsents dans la plupart des rŽseaux. Plus le rŽseau d'un individu
est composŽ de gens avec lesquels il entretient des liens forts, plus ce rŽseau a de chances
de constituer un milieu clos. Les liens faibles sont ceux qui peuvent jeter des ponts entre
ces milieux. C'est ˆ travers eux que circulent les informations et que des individus
appartenant ˆ des rŽseaux diffŽrents peuvent entrer en contact. L'enqu•te de Granovetter
195
(1973, 1982) dŽmontre que ceux qui obtiennent les meilleurs emplois sont ceux qui
utilisent des contacts professionnels plut™t que des liens familiaux ou d'amitiŽ, plut™t des
liens faibles que des liens forts.
Il semble en effet que les adhŽrents des rŽseaux ŽtudiŽs apprŽcient le fait que les
discussions portent sur des aspects plus professionnels, ce qui les motive ˆ demeurer
actifs dans leur propre recherche dÕemploi, et que la qualitŽ de cette recherche se soit
accrue au fil des semaines.
4.3.4. Accro”tre la motivation
Analyse quantitative
Le second volet de cette troisi•me hypoth•se porte cette fois sur lÕaccroissement de la
motivation. Il est maintenant question de savoir si les rŽseaux de solidaritŽ informels ont
pour effet dÕaccro”tre la motivation de leurs membres qui sont ˆ la recherche active dÕun
emploi.
Une nouvelle sŽrie de questions portant exclusivement sur cet aspect des relations intrarŽseau fut ŽlaborŽe. La plupart des questions ont trait aux raisons qui incitent les membres
ˆ participer aux activitŽs de ces rŽseaux, ˆ lÕorganisation de ces activitŽs ainsi quÕaux
objectifs que leurs membres se sont fixŽs quant ˆ leur participation.
Nous avons demandŽ aux membres pour quelles raisons ils avaient dŽcidŽ de participer
aux rencontres de ce groupe et sÕils avaient senti une certaine pression provenant des
autres membres.
196
Pression
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q23
N 31
4
25
2
25/31 ou 80,6Ê% rŽpondent que le groupe nÕexerce aucune pression
sur eux.
Raisons de la participation
Score/rŽponse
sollicitŽ
isolement
information-
moral
apprentissage
Rtotal-Q24
N 30
3
9
11
7
Ce sont principalement pour sÕinformer-apprendre et pour briser leur
isolement que les rŽpondants disent participer aux activitŽs dÕun
rŽseau.
Les premiers rŽsultats obtenus dŽmontrent avec force que la vaste majoritŽ (80,6Ê%) des
participants ˆ cette recherche ne sentent pas de pression provenant des autres membres
de leur rŽseau de solidaritŽ. Tout en soulignant fortement le bris de lÕisolement comme
raison justifiant leur adhŽsion au groupe (30Ê%), la plupart ont identifiŽ lÕŽchange
dÕinformation et les nouveaux apprentissages comme principale source dÕintŽr•t (36,6Ê%).
Les rŽsultats obtenus par la suite se rapportent exclusivement ˆ la question des objectifs
de participation des membres. Ë ce sujet, on cherchait ˆ savoir sÕils se sont fixŽs un ou
des objectifs prŽcis par rapport ˆ leur recherche dÕemploi, sÕils se sont fixŽs un ou des
objectifs communs avec le groupe, sÕils croient avoir atteint ou •tre en voie dÕatteindre ces
objectifs, et enfin, sÕils pensent que leur participation ˆ ce rŽseau leur permettra
dÕatteindre lÕobjectif ou les objectifs fixŽs.
197
Objectifs dÕintŽgration au marchŽ du travail
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q25
10
N 27
15
1
1
15/27 ou 55,5Ê% rŽpondent ne pas sÕ•tre fixŽ un ou des objectifs
prŽcis par rapport ˆ leur recherche dÕemploi (si ce nÕest de sÕen
trouver un).
Objectifs communs ou de groupe
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q26
4
N 24
16
1
3
16/24 ou 66,6Ê% ne sÕŽtaient pas fixŽ un ou des objectifs communs
avec le groupe.
Atteinte des objectifs (gŽnŽral)
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q27
9
N 21
5
1
6
9/21 ou 42,8Ê% des rŽpondants consid•rent avoir atteint ou •tre en
voie dÕatteindre ces objectifs.
Atteinte des objectifs (par rapport ˆ une participation au rŽseau)
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q28
4
1
6
9
198
N 20
6/20 ou 30Ê% ne savent pas et 4/20 ou 20 Ê% des rŽpondants
consid•rent que leur participation ˆ ce rŽseau leur permettra
dÕatteindre leur objectif.
Les rŽponses obtenues peuvent para”tre surprenantes et elles seront analysŽes plus en
profondeur dans la prochaine section. NŽanmoins, il faut noter que plus de la moitiŽ des
rŽpondants (55,5Ê%) ne se sont fixŽs aucun objectif prŽcis par rapport ˆ leur recherche
dÕemploi (si ce nÕest dÕen trouver un) et pr•s de 67Ê% ne se sont fixŽs aucun objectif
commun avec le groupe, rŽsultats qui pourraient expliquer des taux dÕabstention assez
ŽlevŽs pour deux de ces questions. Il nous a aussi semblŽ que lÕabsence de suivi et
dÕencadrement au sein des rŽseaux ne favorisait pas le dŽveloppement dÕun plan dÕaction
personnel et/ou de groupe, ce qui pourrait expliquer le fait que les participants ne
sÕexpriment pas en terme ÇÊdÕobjectif atteintÊÈ, par exemple. Par contre, 42,8Ê% dÕentre
eux consid•rent avoir atteint ou •tre en voie dÕatteindre ce ou ces objectifs et la grande
majoritŽ (30Ê% + 45Ê%) ne savent pas, ou ne sont pas en mesure dÕŽvaluer, si leur
participation ˆ ce rŽseau leur permettra dÕatteindre leurs objectifs.
LÕobjectif des derni•res questions reliŽes ˆ ce th•me Žtait de savoir si les membres de
rŽseaux trouvent le travail effectuŽ en groupe supŽrieur au travail individuel, ou plus
efficace que celui-ci, et comment ils qualifient leur niveau dÕestime dÕeux-m•mes dans le
cadre de leurs dŽmarches dÕintŽgration ˆ lÕemploi, ainsi que leur niveau de confiance
personnelle depuis leur adhŽsion au rŽseau.
EfficacitŽ du travail de groupe
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q29
18
3
2
3
199
N 26
18/26 ou 69,2Ê% pensent que le travail effectuŽ en groupe est
supŽrieur au travail individuel ou plus efficace que celui-ci.
Estime de soi
Score/rŽponse
bonne
mauvaise
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q30
N 27
20
3
2
2
20/27 ou 74Ê% des rŽpondants ont dŽjˆ une bonne ou meilleure
estime dÕeux m•me depuis leur intŽgration au rŽseau.
Confiance personnelle
Score/rŽponse
bon
bas ou mauvais
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q31
N 30
19
4
4
3
19/30 ou 63,3Ê% rŽpondent que leur niveau de confiance personnelle
depuis leur intŽgration au rŽseau est bon ou Žtait dŽjˆ bon.
Comme le rŽv•lent les rŽsultats prŽsentŽs sous forme de tableaux synth•se, les derni•res
rŽponses indiquent que 70Ê% croient en lÕefficacitŽ du travail collectif ou en groupe. De
plus, les trois quarts des rŽpondants jugent avoir toujours eu une forte estime dÕeux
m•mes, ou avoir un meilleur niveau dÕestime dÕeux m•mes depuis leur intŽgration au
rŽseau, et 63,3Ê% ont rŽpondu dans le m•me sens ˆ lÕŽgard de leur sentiment de confiance
personnelle. Certains ont cependant prŽcisŽ ne pas avoir recherchŽ ce type de soutien ˆ
travers leur participation au rŽseau, mais bien des compŽtences plus techniques et ont
prŽfŽrŽ rŽpondre que ces derni•res questions ne sÕappliquaient pas ˆ eux.
En somme, un nombre presque Žgal de personnes a rŽpondu par la positive (38,5 Ê%) et
par la nŽgative (34,3 Ê%) ˆ cette sŽrie de questions. Une proportion significative de ces
200
personnes trouve le travail en groupe plus efficace mais tr•s peu se sont fixŽ des objectifs
de groupe. Celles qui se sont fixŽ des objectifs personnels sont mitigŽes quant ˆ leurs
chances dÕatteindre ces derniers. Le niveau dÕestime de soi est assez ŽlevŽ et le niveau de
confiance se situe quelques points en dessous. Ce sont principalement pour sÕinformerapprendre et pour briser leur isolement que les rŽpondants disent participer au rŽseau.
Enfin, la presque totalitŽ des rŽpondants estiment que le groupe nÕexerce aucune pression
sur eux.
Ces donnŽes indiquent globalement que lÕhypoth•se 3b, stipulant que ces rŽseaux ont
pour effet dÕaccro”tre la motivation serait neutre. Les rŽsultats ne permettent pas vraiment
de dŽgager une tendance claire ˆ cet effet, les donnŽes venant plut™t reconfirmer
lÕhypoth•se 3a au regard du soutien ˆ la motivation.
Analyse qualitative
Dans le cas des hypoth•ses 3a et 3b, le recours ˆ des mots clŽs semblables (souvent des
synonymes) fut incontournable. Il a donc ŽtŽ difficile de distinguer avec prŽcision les
rŽsultats de lÕanalyse informatique pour ces deux affirmations.
Il ressort essentiellement de lÕanalyse que 26Ê% des rŽpondants ont parlŽ de mani•re
explicite du r™le de leur rŽseau de solidaritŽ informel en termes de motivation,
dÕencouragement ou de stimulation. Sans confirmer ni infirmer ces hypoth•ses, lÕanalyse
sur QSR NUD*IST permet de constater dans quelle proportion les rŽpondants ont eu
recours ˆ cette terminologie pour qualifier lÕimpact de leur rŽseau dans leurs dŽmarches
dÕemploi.
201
Explication des rŽsultats
Le second volet de ce bloc dÕhypoth•ses portant sur la motivation, gŽnŽra des rŽsultats
certainement plus mitigŽs que le premier.
Ces analyses peuvent •tre expliquŽes de plusieurs mani•res. Tout dÕabord, la motivation
est un Žtat dÕesprit en constante mouvance et quÕil est extr•mement difficile de mesurer.
Par ailleurs, lÕapplication de pression par le groupe, ou certains membres en particulier,
peut •tre ŽliminŽe dÕemblŽe puisque plus de 80Ê% des rŽpondants ont spŽcifiŽ nÕ•tre en
aucun cas contraints ˆ participer aux activitŽs de leur rŽseau. Ce qui constitue un net
avantage en faveur des rŽseaux de solidaritŽ informels puisque les Žtudes rŽalisŽes jusquÕˆ
prŽsent (Bourdon et Beaulieu, 1997) bl‰ment souvent le lien de contr™le qui existe entre
lÕindividu qui requiert de lÕaide et le professionnel qui travaille directement ou
indirectement (les organismes communautaires par exemple) pour lÕŽtablissement qui
accorde les prestations dÕassurance ou dÕassistance-emploi.
Les personnes interrogŽes identifient ici encore les diffŽrents apprentissages que leur
rŽseau leur permet de faire comme principale source dÕintŽr•t et de motivation; sans
toutefois dire clairement que cet ŽlŽment permet dÕŽlever leur niveau de motivation.
La th•se de lÕaccroissement de la motivation reposait principalement sur les rŽsultats des
questions portant sur les objectifs. Ces rŽsultats se sont avŽrŽs faibles et difficilement
justifiables. DÕune part, moins de la moitiŽ des rŽpondants (42,8 Ê%) consid•rent avoir
atteint ou •tre en voie dÕatteindre leur(s) objectif(s) et dÕautre part, 30 Ê% ne savent pas si
leur participation ˆ ce rŽseau leur permettra dÕatteindre ce(s) objectif(s). Il est par contre
important de noter que plus de 55,5Ê% des membres interrogŽs ne se sont fixŽ aucun
objectif par rapport ˆ leur participation au rŽseau et ˆ leur recherche dÕemploi en gŽnŽral,
si ce nÕest de se trouver un emploi stable le plus rapidement possible. Or,
202
mŽthodologiquement, le fait que si peu de membres se fixent dÕobjectif rend
lÕargumentation de cette hypoth•se tr•s ardue.
Peut-on expliquer ce phŽnom•ne par le fait quÕil sÕagisse dÕun mode informel dÕaide ˆ
lÕemploi? CÕest possible. Il semble nŽanmoins clair que, m•me au sein dÕun rŽseau de
solidaritŽ, la plupart des membres choisissent de fonctionner de mani•re individuelle,
malgrŽ quÕau-delˆ de 69Ê% dÕentre eux affirment que le travail effectuŽ en groupe soit
supŽrieur au travail individuel ou plus efficace que celui-ci.
Il semble Žgalement pertinent de demander si les bonnes questions ont ŽtŽ posŽes en ce
qui a trait au concept ŽtudiŽ. En fait, les rŽsultats qui se sont dŽgagŽs des questions
spŽcifiquement rattachŽes ˆ cette hypoth•se sont plut™t venus appuyer solidement
lÕanalyse et lÕexplication de lÕhypoth•se prŽcŽdente concernant le soutien de la
motivation. Qui plus est, ces nouveaux ŽlŽments aident maintenant ˆ faire les liens entre
les concepts de dŽcouragement, de participation, de motivation et dÕexclusion.
LÕinterprŽtation des rŽsultats sÕappliquant aux trois premi•res hypoth•ses ainsi que les
informations et donnŽes tant qualitatives que quantitatives nous permettent dÕŽtablir un
lien de cause ˆ effet entre le ch™mage et les comportements des membres de ces rŽseaux de
solidaritŽ informels.
CÕest en effet par nŽcessitŽ, beaucoup plus que par choix que ces individus ont dŽcidŽ
dÕadhŽrer ˆ un rŽseau de solidaritŽ informel. Contrairement aux personnes qui ont recours
ˆ ce genre de soutien de mani•re rŽguli•re dans leur vie professionnelle et privŽe, il est
possible de penser que les membres de ces rŽseaux ont gŽnŽralement des pratiques plus
individualistes et autonomistes que les personnes qui comptent sur le support de groupe
dÕentraide dans plusieurs sph•res de leur vie.
203
LÕanalyse complŽmentaire met tr•s bien en relief le niveau ŽlevŽ dÕincertitude et
dÕangoisse vŽcu par ces jeunes. CÕest aussi cette insŽcuritŽ face au marchŽ du travail qui
crŽe chez ces membres en particulier le besoin de se solidariser. La preuve ultime en est
quÕune fois la situation de ces personnes rŽgularisŽe, les rŽseaux se dissolvent et peu de
membres maintiennent le contact. La raison dÕ•tre ou lÕŽlŽment motivateur ayant
effectivement disparu, les membres se dispersent et reprennent leurs activitŽs courantes.
LÕinterprŽtation de ce volet particulier de rŽsultats, valide nŽanmoins les premi•res
conclusions de lÕauteure, cÕest-ˆ-dire que lÕabsence dÕinformation spŽcifique et valable sur
la notion dÕaccroissement de la motivation Žlimine toute forme positive ou nŽgative
dÕinterprŽtation. Il faut aussi se contenter de rŽsultats neutres ˆ cet Žgard.
4.3.5. AcquŽrir de nouvelles compŽtences
Analyse quantitative
La participation des jeunes ˆ un rŽseau de solidaritŽ informel permet, selon nous,
dÕaccro”tre leur employabilitŽ par lÕacquisition de nouvelles compŽtences relationnelles2.
Voilˆ aussi lÕune des hypoth•ses centrales que cette Žtude a cherchŽ ˆ examiner, ˆ lÕaide de
sept questions reliŽes ˆ cette derni•re.
De nouveau, lÕune de ces questions portait sur lÕaspect de lÕautonomie individuelle des
membres, mais la quasi-totalitŽ dÕentre elles portaient plut™t sur des ŽlŽments tels que le
fonctionnement du rŽseau.
2
Le terme ÇÊcompŽtences relationnellesÊÈ est ici intŽgrŽ au concept dÕapprentissage. Les apprentissages en
rŽseaux incluent les connaissances techniques comme la prŽsentation dÕun curriculum vitae ou lÕutilisation
dÕun logiciel de traitement de texte, ainsi que les compŽtences relationnelles comme savoir se prŽsenter ˆ
un futur employeur, soutenir une argumentation, rŽpondre adŽquatement ˆ des questions dÕordre personnel
ou professionnel.
204
Encore une fois, mais dans une plus forte proportion, les rŽpondants ont rŽvŽlŽ que leur
niveau dÕautonomie sÕest amŽliorŽ ou Žtait dŽjˆ ŽlevŽ prŽalablement ˆ leur adhŽsion au
groupe dÕentraide (78,3Ê%).
Niveau dÕautonomie
Score/rŽponse
bon
faible
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q32
N 24
17
3
2
2
17/24 ou 78,3Ê% disent que leur niveau dÕautonomie sÕest amŽliorŽ ou
Žtait dŽjˆ bon.
ExpŽrience des autres
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q33
N 27
21
4
2
21/27 ou 77,7Ê% disent que le mode de fonctionnement leur permet
de profiter de lÕexpŽrience des autres.
ƒvolution du r™le des membres
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q34
N 16
6
2
3
5
6/16 ou 37,5Ê% disent que le mode de fonctionnement tel que celui
adoptŽ dans le rŽseau leur permet de jouer un r™le diffŽrent par
rapport ˆ lÕensemble des membres du groupe.
205
Aux questions ÇÊest-ce quÕun mode de fonctionnement tel que celui adoptŽ dans votre
rŽseau vous permet de profiter de lÕexpŽrience des autres membres?ÊÈ et ÇÊest-ce quÕun tel
mode de fonctionnement vous permet de jouer un r™le diffŽrent par rapport ˆ lÕensemble
des membres du groupeÊÈ les rŽpondants ont donnŽ des rŽponses fort diffŽrentes. Alors
que 78Ê% croient bŽnŽficier de lÕexpŽrience des autres au sein de leur rŽseau, seulement
37,5Ê% ont vu leur r™le Žvoluer par rapport aux autres membres au cours de leur
participation ˆ ce rŽseau. Une forte proportion des personnes interrogŽes sur ce point
ainsi que sur la question de leur contribution personnelle a pensŽ que ces derni•res ne
sÕappliquaient pas ˆ leur situation. Il semble que plusieurs aient eu de la difficultŽ ˆ
penser jouer un autre r™le ou ˆ prendre davantage de responsabilitŽs au sein de leur rŽseau.
Tacitement, les r™les des membres de chacun des groupes nous ont semblŽ effectivement
assez bien dŽfinis et compris.
Plusieurs questions visaient ˆ explorer plus en profondeur la nature de lÕimplication des
participants. Ainsi, on leur a demandŽ ce quÕils pensaient apporter aux autres membres du
rŽseau et si la nature de leur participation a changŽ depuis leur adhŽsion.
Contribution personnelle
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q35
N 19
10
2
2
5
10/19 ou 58,5Ê% pensent apporter quelque chose de positif aux
autresÊ: mise en commun de lÕexpŽrience et contributions aux
Žchanges.
206
Nature de la participation
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q36
N 20
9
7
4
9/20 ou 45Ê% croient que la nature de leur participation a changŽ
depuis leur adhŽsion au groupe et 38,8Ê% ne le croient pas.
Ë ces deux questions, les membres interrogŽs ont rŽpondu par lÕaffirmative, cÕest-ˆ-dire
que 58,5Ê% dÕentre eux pensent contribuer positivement aux activitŽs et discussions de
leur rŽseau et 45Ê% croient que la nature de leur participation a changŽ depuis leur
intŽgration au rŽseau.
Nous avons enfin voulu savoir si le fait dÕadhŽrer ˆ un rŽseau informel dÕemployabilitŽ
change la perception du marchŽ du travail et si les membres dÕun tel rŽseau dŽveloppent
de nouveaux moyens ou des fa•ons originales et novatrices de faire de la recherche
dÕemploi ˆ travers leur participation aux rencontres du groupe.
Perception du marchŽ du travail
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q37
N 27
18
8
1
18/27 ou 62Ê% rŽpondent que leur adhŽsion au rŽseau a changŽ leur
perception du marchŽ du travail, mais les raisons nÕen sont pas tr•s
claires.
207
MŽthodes de recherche dÕemploi
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q53
N 30
19
10
1
19/30 ou 63,3Ê% rŽpondent avoir dŽveloppŽ, au sein du rŽseau, de
nouveaux moyens ou des fa•ons originales et novatrices de faire de la
recherche dÕemploi.
Soixante-deux pour cent pensent en effet que leur participation a changŽ leur perception
du marchŽ du travail et pr•s de 64Ê% affirment avoir dŽveloppŽ de nouveaux moyens de
faire leur recherche dÕemploi.
Au total, 67,5Ê% rŽpondent positivement ˆ cette sŽrie de questions. En effet, une majoritŽ
de rŽpondants disent avoir dŽveloppŽ, au sein du rŽseau, de nouveaux moyens ou des
fa•ons originales et novatrices de faire de la recherche dÕemploi, que leur adhŽsion au
rŽseau a changŽ leur perception du marchŽ du travail (mais pour plusieurs les raisons nÕen
sont pas tr•s claires). Presque tous disent pouvoir profiter de lÕexpŽrience des autres mais
peu ont changŽ la nature de leur implication. La majoritŽ disent que leur niveau
dÕautonomie sÕest accru ou Žtait dŽjˆ ŽlevŽ et la moitiŽ des rŽpondants pensent apporter
quelque chose de positif aux autres membres.
Analyse qualitative
LÕusage de lÕinformatique met ici en Žvidence le fait que la grande majoritŽ des rŽpondants
ont dit, au cours de leur entrevue, avoir fait un ou des apprentissages au sein de leur
rŽseau de solidaritŽ. Que ce soit ˆ travers des formulations comme ÇÊjÕai appris ...ÊÈ
(27Ê%) ou encore ÇÊ•a mÕa fait comprendre ...ÊÈ ou ÇÊjÕai compris ÉÊÈ (53Ê%), le rŽseau de
solidaritŽ informel est dŽcidŽment un milieu propice ˆ diffŽrents types dÕapprentissage.
208
LÕensemble de ces analyses va aussi dans le sens de la quatri•me hypoth•se de recherche
stipulant que ces rŽseaux de solidaritŽ informels ont pour effet dÕaccro”tre lÕemployabilitŽ
de leurs membres par lÕacquisition de nouvelles compŽtences relationnelles.
Explication des rŽsultats
Les rŽsultats obtenus pour la quatri•me hypoth•se indiquent que la participation des
jeunes ˆ un rŽseau de solidaritŽ informel permet rŽellement lÕacquisition de nouvelles
compŽtences relationnelles.
De ces constats se dŽgagent, tout dÕabord, des commentaires recueillis par rapport au
niveau dÕautonomie que les membres ont eu ˆ auto-Žvaluer. La tr•s forte proportion de
ceux se jugeant dŽjˆ autonome et de ceux estimant avoir accru leur autonomie gr‰ce ˆ leur
participation au rŽseau sÕexplique par deux facteurs. Premi•rement, du fait que pour
sÕintŽgrer ˆ ce type de regroupement (non rŽpertoriŽ et moins courant que les autres
mŽthodes offertes), il faut dŽjˆ faire preuve dÕun certain niveau de dŽbrouillardise et
vouloir amŽliorer sa situation. Deuxi•mement, parce que, de par sa nature m•me, le rŽseau
fournit un environnement propice ˆ lÕobservation de ses pairs et donc ˆ lÕapprentissage,
ainsi quÕˆ lÕobtention du niveau de support requis. Les rŽseaux de solidaritŽ informels
favorisent en effet le soutien adaptŽ, mais se trouvent moins bien ŽquipŽs pour offrir de
lÕaccompagnement Žtroit.
Jean-Marie Romeder (1989) dŽcrit de mani•re extr•mement simple et claire le lien Žtroit
qui existe entre lÕentraide et le dŽveloppement de lÕautonomie dans cette forme spŽcifique
de support.
La pratique de lÕentraide personnelle favorise un dŽveloppement autonome aussi
bien chez lÕaidŽ que chez lÕaidant. LÕentraide dÕun membre, qui est passŽ par les
209
m•mes difficultŽs, a rŽussi ˆ les surmonter, et fait part de ses erreurs, de ses
faiblesses et de ses succ•s, cette entraide inspire ˆ se prendre en charge
(1989Ê:Ê39).
De plus, se sentant acceptŽ comme Žgal par lÕaidant, lÕaidŽ sera fortement motivŽ
ˆ dŽvelopper son autonomie. En effet, la relation dÕŽgalitŽ qui sÕŽtablit Žlimine des
relations du type supŽrieur/infŽrieur, connaissant/ignorant ou dominant/dominŽ,
qui tendraient ˆ crŽer de la dŽpendance (1989Ê: 39).
On peut par contre dŽplorer le fait que les rŽseaux de solidaritŽ informels, ŽtudiŽs dans le
cadre de cette recherche, comptent peu dÕanciens membres qui demeurent au sein du
groupe pour partager leur vŽcu et leur sagesse. Certains reviennent nŽanmoins ˆ lÕoccasion
participer ˆ une rencontre, portant souvent sur un th•me qui les touche plus
particuli•rement.
Les rŽponses quÕont ensuite fournies les membres par rapport au mode organisationnel de
leur rŽseau montrent que la grande majoritŽ de leurs apprentissages trouvent leurs sources
dans les Žchanges avec leurs pairs. Pr•s de 80Ê% ont validŽ le fait que le mode de
fonctionnement du rŽseau leur a permis de profiter de lÕexpŽrience des autres membres.
Les avantages de ce type de fonctionnement sont en effet nombreux. Plusieurs de ces
atouts ont dŽjˆ ŽtŽ identifiŽs au cours des discussions avec les membresÊ:
·
Le partage dÕune souffrance et de difficultŽs communes, et en consŽquence;
·
LÕabsence de jugement et de critique provenant de ses pairs;
·
LÕabsence de pression (performance);
·
La prŽsence dÕune certaine compassion/comprŽhension par rapport aux difficultŽs
traversŽes;
210
·
Le fait que dans la majoritŽ des cas le groupe soit relativement homog•ne et que les
discussions/Žchanges portent sur des prŽoccupations qui sont proches des siennes.
Tous ces ŽlŽments qui caractŽrisent les rŽseaux informels crŽent, sans aucun doute, un
milieu ouvert et propice ˆ lÕacquisition de nouvelles connaissances. Plusieurs (58,5Ê%)
constatent dÕailleurs quÕils apportent quelque chose de positif ˆ leurs pairs en terme
dÕexpŽrience et de partage. CÕest donc dire que les personnes interrogŽes sont tout ˆ fait
conscientes du fait quÕelles apprennent beaucoup des autres, et vice versa gr‰ce aux
partage de renseignements et/ou pratiques.
Les nouvelles connaissances acquises au sein des rŽseaux de solidaritŽ sont de plusieurs
ordres. Il y a tout dÕabord lÕacquisition ou lÕaugmentation de ses compŽtences
relationnelles. Une forte proportion des Žchanges et des discussions dans le cadre de ces
rencontres portent sur les comportements adoptŽs par les individus lors de dŽmarches
dÕacc•s ˆ lÕemploi. On y discute en effet dÕattitudes face ˆ sa situation de ch™meur, de
comportements et de rŽactions lors dÕentrevues dÕembauche, de prŽ-requis relationnels
afin de plaire aux employeurs potentiels et de les convaincre.
On discute Žgalement des compŽtences techniques et professionnelles de base ˆ ma”triser
pour une recherche dÕemploi efficace. Ces derni•res sont la plupart du temps reliŽes ˆ
lÕŽcriture et la prŽsentation du curriculum vitae, ˆ la rŽdaction de lettres dÕintention, ˆ la
prŽparation dÕun portfolio, lorsque la discipline le requiert, ainsi quÕˆ la ma”trise dÕoutils
informatiques de travail. Plusieurs rŽseaux ne se limitent dÕailleurs pas ˆ la discussion de
ces thŽmatiques, mais proposent Žgalement des exercices et des mises en situation afin
dÕoffrir le support le plus concret possible. On expose aussi les diverses mŽthodes
possibles pour prendre contact avec les employeurs, par exemple les candidatures
spontanŽes. La qualitŽ de la langue est aussi un sujet frŽquemment abordŽ lors des
rencontres et lÕobjet de beaucoup dÕentraide entre les membres.
211
Un dernier bloc de compŽtences pourrait •tre classŽ sous le vocable compŽtences
Žmotives ou psychologiques. Une somme impressionnante de temps est investie dans des
discussions portant sur divers outils et/ou trucs permettant ˆ ces ch™meurs deÊ: se
dŽculpabiliser, se dŽtendre, conserver un sentiment de contr™le face ˆ leur avenir, de gŽrer
les rejets/Žchecs et de mieux vivre avec ceux-ci, etc.
LÕensemble de ces tŽmoignages composent dŽjˆ une solide base argumentaire venant
appuyer nos rŽsultats statistiques. Il ne faut toutefois pas oublier de souligner ˆ quel titre
les rŽseaux ŽtudiŽs ont permis ˆ leurs membres de modifier ou dÕajuster leur perception du
marchŽ du travail, et ainsi, dÕaugmenter leur niveau de connaissances du marchŽ du travail
quŽbŽcois et du fonctionnement de la sociŽtŽ en gŽnŽral. Les informations concernant le
marchŽ du travail permettent, dans la majoritŽ des cas, de conna”tre lÕensemble des
options offertes ˆ lÕintŽrieur dÕun champ dÕactivitŽ ou encore dÕobtenir des
renseignements concernant le fonctionnement des divers milieux de travail et les exigences
des employeurs Žvoluant dans ces secteurs. Ces informations alimentent dÕautant les
compŽtences professionnelles et sociales de leurs membres.
Par contre, et malgrŽ les nombreuses possibilitŽs dÕenrichissement personnel quÕoffrent
les rŽseaux de solidaritŽ informels, il semblerait que peu de participants aient cherchŽ ˆ
dŽvelopper leur capacitŽ de leadership. Moins de 40Ê% dÕentre eux estiment que le mode
de fonctionnement de leur groupe leur permet de jouer un r™le diffŽrent par rapport ˆ
lÕensemble des membres et seulement 45Ê% pensent que la nature de leur participation a
ŽvoluŽ depuis leur adhŽsion au groupe (contrairement ˆ 39Ê% qui ne le croient pas).
Ë lÕŽcoute des entretiens, il semble assez frŽquent que les individus ayant initiŽ les
activitŽs du groupe demeurent dans ce r™le de coordination tout au long de lÕexistence de
ce dernier, et que ceux et celles ayant dŽmontrŽ des qualitŽs de meneurs au tout dŽbut de
212
leur participation continuent ˆ exercer cette influence au fil des mois. Voilˆ donc une
rŽalitŽ spŽcifique ˆ laquelle est confrontŽ ce mode de coordination.
LÕimportance indŽniable du r™le que jouent les rŽseaux de solidaritŽ pour les jeunes ˆ la
recherche dÕun emploi non seulement confirme leur utilitŽ dans le cadre du processus
dÕintŽgration au marchŽ du travail, mais permet de lutter contre le phŽnom•ne dÕexclusion
et de dŽsaffiliation sociale qui menace souvent les jeunes ch™meurs et ch™meuses ˆ moyen
et long terme.
Les apprentissages rŽalisŽs et les compŽtences acquises par les jeunes, gr‰ce ˆ leur
participation ˆ ces groupes, Žvitent ou ˆ tout le moins, retardent le dŽcrochage social
potentiel qui accompagne de longues recherches dÕemploi. Ces derni•res compŽtences
permettent finalement de maintenir ces ÇÊtravailleurs en attente dÕun emploiÊÈ, le plus
pr•s possible du marchŽ du travail, cÕest-ˆ-dire, au fait de lÕŽvolution de ce dernier et de
ses exigences.
4.3.6. DÕo• provient lÕinformation?
Analyse quantitative
Le dernier bloc dÕhypoth•ses sÕattarde plus particuli•rement aux questions dÕacc•s et
dÕŽchange de lÕinformation au sein de ces rŽseaux de solidaritŽ informels. En dÕautres
motsÊ: DÕo• proviennent les informations ŽchangŽes? Comment les membres les
obtiennent-elles? Comment sont-elles gŽrŽes une fois diffusŽes ˆ travers le rŽseau?
Les trois composantes de ce bloc sontÊ: lÕŽlargissement des sources dÕinformation, qui
porte sur la quantitŽ des informations dont disposent les membres des rŽseaux; la diversitŽ
213
des sources, soit la provenance ou lÕorigine de ces informations; et la redondance des
informations, cÕest-ˆ-dire par qui sont-elles utilisŽes.
La cinqui•me hypoth•se sÕoriente donc sur lÕaspect de ces rŽseaux de solidaritŽ informels
qui, selon nous, permettent lÕŽlargissement des sources dÕinformation pour leurs
membres.
Les questions ciblant cet aspect ont globalement portŽ sur le type dÕinformations
ŽchangŽes durant les rencontres, ˆ savoir si lÕensemble des membres contribuent ˆ
alimenter le rŽseau en informations diverses sur le marchŽ du travail et si leur participation
ˆ ce groupe augmente la quantitŽ dÕinformations dont ils disposent pour la recherche
dÕemploi. Deux questions ont enfin ŽtŽ formulŽes dans le but de dŽterminer si le rŽseau
pouvait constituer la principale ou la seule technique de recherche dÕemploi dans le cadre
de leur dŽmarche.
Types dÕinformations obtenues
Score/rŽponse
marchŽ du
C.V. et lettre
programme
autres (internet)
8
4
8
travail
Rtotal-Q38
N 32
12
La plupart disent obtenir des informations sur le marchŽ du travail.
Contribution des membres
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q39
N 20
8
7
2
3
8/20 ou 40Ê% ont rŽpondu oui, quÕˆ leur avis, lÕensemble des
membres alimentent le rŽseau en informations.
214
QuantitŽ dÕinformations
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q41
N 21
17
2
1
1
17/21 ou 89,9Ê% rŽpondent que leur participation ˆ ce groupe
augmente la quantitŽ dÕinformations dont ils disposent pour leur
recherche dÕemploi.
De mani•re gŽnŽrale, les personnes interrogŽes ont dit surtout Žchanger de lÕinformation
sur le marchŽ du travail (37,5Ê%) et sur la fa•on de prŽsenter un curriculum vitae ainsi que
des lettres de prŽsentation (25Ê%). Quarante pour cent des rŽpondants estiment que
lÕensemble des participants aux rencontres de leur rŽseau contribuent ˆ alimenter ce
dernier en informations concernant diverses rŽalitŽs du marchŽ du travail. Enfin, 75Ê%
affirment que leur participation augmente la quantitŽ dÕinformations dont ils disposent
pour leurs dŽmarches dÕintŽgration au marchŽ du travail.
Principale technique de recherche dÕemploi
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q43
N 24
3
18
1
2
18/24 ou 75Ê% affirment que le rŽseau ne pourrait pas constituer la
principale technique de recherche dÕemploi dans le cadre de leur
dŽmarche.
215
Unique technique de recherche dÕemploi
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q44
N 24
3
16
5
16/24 ou 66,6Ê% ne croient pas que ce rŽseau pourrait constituer la
seule technique de recherche dÕemploi dans le cadre de leur dŽmarche.
Une forte majoritŽ des membres interrogŽs (75Ê%) croient que le rŽseau ne pourrait pas
constituer leur principale technique de recherche dÕemploi, tandis que 66,6Ê% affirment
quÕils ne pourraient pas avoir recours exclusivement ˆ cette technique pour leurs
dŽmarches dÕintŽgration ˆ lÕemploi. Cinq participants ont tout de m•me choisi de
rŽpondre que cette situation ne correspond pas ˆ leur rŽalitŽ, la plupart confirmant quÕils
utilisent dŽjˆ simultanŽment dÕautres types de services dÕaide ˆ lÕemploi.
Pour lÕensemble des questions relatives ˆ la cinqui•me hypoth•se, 48,3Ê% rŽpondent de
fa•on nŽgative. Il sÕen dŽgage tout dÕabord que la plupart disent obtenir et obtiennent des
informations sur le marchŽ du travail au sein de leur rŽseau. La grande majoritŽ rŽpond
aussi que leur participation ˆ ce groupe augmente la quantitŽ dÕinformations dont ils
disposent pour leur recherche dÕemploi et moins de 40Ê% pensent que tous les membres
contribuent ˆ alimenter le rŽseau en informations diverses sur le marchŽ du travail. La
majoritŽ (75Ê%) a rŽpondu que le rŽseau ne pourrait toutefois pas constituer la principale
ou m•me la seule (66,6Ê%) technique de recherche dÕemploi, dans le cadre de leur
dŽmarche.
En fonction de ces rŽsultats, on peut dire que ces rŽseaux de solidaritŽ informels
permettent lÕŽlargissement des sources dÕinformation pour leurs membres.
216
Analyse qualitative
Il a malheureusement ŽtŽ impossible de dŽgager une terminologie spŽcifique ayant trait aux
hypoth•ses 5a, 5b et 5c dans le cadre dÕune analyse informatique. LÕŽlargissement, la
diversitŽ et la redondance des informations ont en effet ŽtŽ vŽrifiŽs durant les entrevues en
ayant recours ˆ des mots usuels comme ÇÊcombien de foisÊÈ, ÇÊcombien de personnesÊÈ,
etc.
Or, ces mots reviennent tellement frŽquemment au cours de chaque entretien que lÕanalyse
informatique avec QSR NUD*IST Žtait inŽvitablement faussŽe, le logiciel ne permettant
pas de faire de telles distinctions, quÕun risque dÕerreur mŽthodologiquement inacceptable
Žtait introduit. Voilˆ bien une limite de lÕanalyse par ordinateur.
Explication des rŽsultats
Les hypoth•ses du dernier bloc portant sur lÕacc•s ainsi que lÕŽchange dÕinformation au
sein de ces rŽseaux ont quant ˆ elles obtenu des rŽsultats moins tranchŽs. Le premier volet,
concernant lÕŽlargissement des sources dÕinformation pour les membres, fut confirmŽ ˆ la
fois par lÕanalyse qualitative et lÕanalyse quantitative des donnŽes de lÕenqu•te.
LÕinterprŽtation de ces rŽsultats doit •tre des plus fines et prendre en considŽration toutes
les nuances des questions qui furent posŽes lors des entrevues. Un fort pourcentage de
ceux qui ont rŽpondu ˆ cette question ont affirmŽ obtenir des informations sur le marchŽ
du travail alors que 40Ê% ont rŽpondu que ÇÊtous les membres contribuent ˆ alimenter leur
rŽseau en informations diverses sur le marchŽ du travailÊÈ. CÕest donc dire quÕune bonne
quantitŽ dÕinformations circule effectivement dans ces rŽseaux mais que certains membres
jouent un r™le plus actif en allant chercher ces renseignements tandis que dÕautres jouent
davantage un r™le passif ou celui de receveur au sein groupe.
217
Il nÕest donc pas Žtonnant que 90Ê% des membres rencontrŽs estiment que leur
participation au groupe augmente la quantitŽ dÕinformations dont ils disposent pour leur
recherche dÕemploi.
Le fait que lÕinformation ŽchangŽe concerne principalement le marchŽ du travail (37,5Ê%)
et la fa•on de prŽsenter un curriculum vitae ainsi que des lettres de prŽsentation (25Ê%)
rejoint les tŽmoignages recueillis. Les jeunes ont en effet rŽpŽtŽ que ces renseignements
leur manquaient grandement et, quÕˆ leurs yeux il existe un Žcart beaucoup trop important
entre les programmes scolaires dans lesquels ils ont ŽvoluŽ pendant de nombreuses annŽes
et la rŽalitŽ du marchŽ de lÕemploi. Plusieurs ont prŽcisŽ que le rŽseau de solidaritŽ assurait
un pont entre ces deux univers qui devraient, en thŽorie, •tre intimement reliŽs.
Selon des explications recueillies, tous ne sont vraisemblablement pas en mesure
dÕalimenter le rŽseau avec la m•me intensitŽ. Par contre, ˆ peine une ou deux personnes
sÕen sont plaintes. La grande majoritŽ des rŽpondants estiment que dans ce genre de
milieu, il faut •tre pr•t ˆ ce que chacun contribue ˆ sa mesure. LÕeffet positif de cette
fa•on de faire est indŽniablement lÕabsence de pression exercŽe sur les individus, ce qui
procure un grand sentiment dÕaisance et de libertŽ ˆ lÕensemble des participants.
Cette mŽthode dÕauto-information adoptŽe par les rŽseaux ŽtudiŽs dans le cadre de cette
recherche correspond tout ˆ fait au mode de fonctionnement de ce que les AmŽricains ont
appelŽ les clubs-maisons de recherche dÕemploi. Ces clubs rŽunissent gŽnŽralement des
citoyens dÕun m•me secteur (rŽsidentiel ou professionnel) qui se rencontrent chez lÕun
dÕeux afin de faire de la recherche collective pour les membres du groupe. LorsquÕun des
membres fait une dŽmarche, il en profite, autant que possible, pour demander des
renseignements au sujet dÕautres emplois (dans le m•me domaine ou dÕautres domaines)
218
disponibles au sein de lÕentreprise. Il sÕagit lˆ dÕune autre mani•re de diversifier les
sources dÕinformation et dÕaugmenter quantitativement cette derni•re.
Ë ce sujet, Albert Rees (1966) et Micheal White (1990) ont dŽveloppŽ une th•se exposŽe plus t™t - des plus convaincantes sur lÕimportance de lÕinformation et la
problŽmatique de lÕacc•s ˆ lÕemploi pour les jeunes. Plus spŽcifiquement, leur
questionnement porte sur le r™le et lÕefficacitŽ de l'information dans le processus de
recherche d'emploi chez les ch™meurs et chez les employeurs qui filtrent et Žvaluent les
candidats ˆ l'emploi.
Leurs rŽsultats ont globalement dŽmontrŽ que, contrairement ˆ ce que soutient la thŽorie
Žconomique classique que les acteurs sont parfaitement informŽs d•s le dŽbut de la
recherche d'emploi, que l'information de part et d'autre est gŽnŽralement tr•s limitŽe ou
dŽviŽe. Pour White (1990), l'information sur les possibilitŽs d'emploi et sur les lieux o• les
jeunes peuvent chercher est difficile ˆ obtenir.
En effet, la coordination de lÕinformation sÕarticule gŽnŽralement ˆ partir de mod•les de
rŽgulation de la recherche dÕemploi, et ces logiques dÕaction, coordonnant les relations ˆ
lÕintŽrieur de chaque sociŽtŽ, en viennent ultimement ˆ dŽfinir ces diffŽrents types de
sociŽtŽs. Chaque mod•le de rŽgulation procure ˆ ses utilisateurs un diffŽrent type dÕacc•s
ˆ lÕinformation ainsi quÕune information de nature bien spŽcifique. Dans le mod•le
capitaliste, lÕindividu porte lÕenti•re responsabilitŽ de sa dŽmarche et effectue souvent
cette derni•re dans un climat dÕisolement. Dans le mod•le institutionnel, des services de
type gouvernemental et communautaire sont offerts aux individus sans emploi, sans
toutefois sÕappuyer, particuli•rement dans le cas des services offerts par lÕƒtat, sur des
valeurs de solidaritŽ sociale ou une philosophie particuli•re dÕintervention. Un troisi•me
mod•le qualifiŽ plus t™t dÕinformel, se basant plut™t sur des rŽseaux, puise ses techniques
de recherche aupr•s des deux autres mod•les, mais sÕappuie toutefois fortement sur des
219
valeurs de solidaritŽ sociale partagŽes par des femmes et des hommes ayant pris
conscience dÕune communautŽ dÕintŽr•ts qui entra”ne une obligation morale dÕentraide et
dÕassistance.
L'enqu•te de White (1990) rŽv•le de plus que le niveau d'activitŽ dŽployŽ par les jeunes ˆ
la recherche d'un emploi est liŽ ˆ leurs chances rŽelles et que leur comportement est,
somme toute, rŽaliste et informŽ. Les jeunes sont donc conscients de la mani•re dont les
employeurs les interrogent sur leurs qualifications (ou insuffisance de qualification) et du
fait que la durŽe du ch™mage ainsi que le fonctionnement du marchŽ du travail, ˆ la fois du
point de vue de l'offre et celui de la demande, ont une influence significative sur la
perception des employeurs. LÕinformation semble donc •tre un outil efficace pour rompre
ce cercle vicieux ÇÊexpŽrience/emploiÊÈ caractŽrisant la problŽmatique ÇÊjeuneÊÈ.
L'information interne ˆ propos d'emplois spŽcifiques peut aider, m•me chez les individus
qui ont en gŽnŽral de faibles probabilitŽs d'obtenir un emploi, ˆ renouveler leur motivation
face ˆ leurs recherches.
Ces rŽsultats sugg•rent que l'une des mani•res les plus efficaces d'aider les jeunes
cherchant ˆ sÕinsŽrer de fa•on permanente le marchŽ du travail soit de leur fournir de
lÕinformation spŽcifique sur l'emploi ou d'encourager d'autres personnes ˆ leur fournir ce
type dÕinformation.
Les rŽsultats obtenus dans le cadre de cette recherche viennent Žgalement souligner ˆ quel
point les rŽseaux de solidaritŽ informels sÕav•rent des milieux privilŽgiŽs pour ces jeunes
quÕils exposent ˆ une foule de nouveaux renseignements circulant difficilement ou qui ne
sont carrŽment pas disponibles par lÕintermŽdiaire dÕautres modes de coordination.
MalgrŽ quÕune proportion infŽrieure ˆ 50Ê% ait rŽpondu par lÕaffirmative ˆ lÕensemble des
questions reliŽes ˆ cette hypoth•se, il semble nŽanmoins scientifiquement juste, apr•s
220
interprŽtation des rŽsultats, de valider et dÕaffirmer que les rŽseaux de solidaritŽ informels
multiplient le nombre Ð ou la quantitŽ Ð dÕinformation dont chacun des membres
disposent.
4.3.7. La nature de lÕinformation
La seconde hypoth•se portant sur la circulation de lÕinformation propose que les rŽseaux
de solidaritŽ informels assurent ˆ leurs membres une diversitŽ de sources dÕinformation.
Seulement deux ŽlŽments du questionnaire de recherche ont portŽ exclusivement sur cet
aspect. On a demandŽ aux membres de quels milieux (ou secteurs dÕactivitŽ) proviennent
les informations ŽchangŽes au sein de leur rŽseau de solidaritŽ et si leur groupe leur donne
acc•s ˆ de nouvelles sources dÕinformation.
Bri•vement, lÕanalyse des rŽsultats obtenus lors des entrevues indique que selon 50Ê% des
rŽpondants, les informations proviennent de tous les secteurs reprŽsentŽs par les
membres du rŽseau et 64,7Ê% dÕentre eux croient que le rŽseau leur donne acc•s ˆ de
nouvelles sources dÕinformation. Une forte proportion des rŽpondants a nŽanmoins
considŽrŽ que cette question ne sÕappliquait pas ˆ leur situation, mentionnant au passage
que la plupart des membres Žvoluaient dans le m•me secteur ou quÕils ne participaient pas
assez rŽguli•rement pour pouvoir identifier clairement quelles sont les sources des
informations ŽchangŽes dans leur rŽseau.
Origine des informations
Score/rŽponse
Tous les milieux
ISEP
Arts
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q42
7
3
4
221
N 14
7/14 donc 50Ê% rŽpondent que les informations proviennent de tous
les secteurs reprŽsentŽs par les membres.
QuantitŽ dÕinformation accessible
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q52
N 17
11
2
1
3
11/17 ou 64,7Ê% rŽpondent que le rŽseau leur donne acc•s ˆ de
nouvelles sources dÕinformation.
Puisque que les informations proviennent dans lÕensemble de tous les secteurs reprŽsentŽs
par les membres et que 64,7Ê% rŽpondent que le rŽseau leur donne acc•s ˆ de nouvelles
sources dÕinformation, il est possible dÕaffirmer que ces rŽseaux de solidaritŽ informels
assurent une diversitŽ des sources dÕinformation.
Analyse qualitative
Il a malheureusement ŽtŽ impossible de dŽgager une terminologie spŽcifique liŽe aux
hypoth•ses 5a, 5b et 5c, dans le cadre dÕune analyse informatique. LÕŽlargissement, la
diversitŽ et la redondance des informations ont en effet ŽtŽ vŽrifiŽs durant les entrevues en
ayant recours ˆ des mots usuels comme ÇÊcombien de foisÊÈ, ÇÊcombien de personnesÊÈ,
etc.
Or, ces mots reviennent tellement frŽquemment au cours de chaque entretien et lÕanalyse
informatique avec QSR NUD*IST Žtait inŽvitablement faussŽe, puisque le logiciel ne
permettant pas de faire de telles distinctions, quÕun risque dÕerreur mŽthodologiquement
inacceptable Žtait introduit.
222
Explication des rŽsultats
Le second volet, traitant de la diversification des sources dÕinformation pour les membres
des rŽseaux, fut Žgalement confirmŽ par lÕanalyse statistique des donnŽes. En examinant
bri•vement ces donnŽes, puisquÕelles sont relativement peu nombreuses, on constate que
la diversitŽ ou que la non-diversitŽ des informations rendues disponibles au sein des
rŽseaux diverge considŽrablement dÕun groupe ˆ lÕautre.
Les rŽpondants qui ont jugŽ que les informations provenaient de tous les secteurs
reprŽsentŽs par les membres de leur rŽseau appartiennent beaucoup plus souvent ˆ des
rŽseaux plus importants en nombre. Autre fait intŽressant ˆ noter, cette diversitŽ des
sources se retrouve Žtonnamment plus souvent chez les groupes quÕon pourrait qualifier
dÕhomog•nes, cÕest-ˆ-dire dont les membres Žvoluent dans le m•me champ dÕactivitŽ
professionnel.
Il semble donc que les personnes interrogŽes aient interprŽtŽ le terme secteur dÕactivitŽ
comme Žtant les diffŽrents mŽtiers que lÕon peut retrouver au sein dÕune m•me profession.
Dans le RŽseau des universitaires, par exemple, tous et toutes ont graduŽ du programme
en orientation scolaire et professionnelle. Les divers secteurs prendront dans ce cas la
forme de travail de conseiller en orientation dans le milieu scolaire ou de conseiller en
emploi dans un organisme communautaire ou de responsable du reclassement des
employŽs dans une grande entreprise privŽe.
Ë lÕopposŽ, moins le rŽseau est spŽcialisŽ, cÕest-ˆ-dire que ses membres nÕont pas un
secteur commun dÕemploi, moins les sources dÕinformations sont diversifiŽes. Dans de
tels cas, il semble que les jeunes Žchangent des informations de nature diffŽrente, ils
discutent moins de dŽtails particuliers par rapport ˆ un mŽtier, mais ils Žchangent tout de
223
m•me des renseignements techniques sur la recherche dÕemploi ou encore sur la fa•on de
ÇÊbriser la glaceÊÈ lorsque lÕon aborde un employeur, etc.
Finalement, ces rŽsultats expliquent aussi pourquoi 65Ê% des rŽpondants croient que leur
rŽseau leur donne acc•s ˆ de nouvelles sources dÕinformation. Ces donnŽes valident de
nouveau les rŽsultats prŽcŽdants selon lesquels la majoritŽ participe et contribue aux
Žchanges dÕinformations et les rŽpondants eux-m•mes contribuent de mani•re positive aux
dŽbats.
Cette courte interprŽtation se rŽsume donc au fait que le type de diversitŽ des sources
dÕinformation dŽpend du niveau de spŽcialisation de ses membres, et dans le cas de cette
recherche, de leur niveau de scolaritŽ, mais que tous assurent la diversitŽ de leurs sources
dÕinformation. Avec ces prŽcisions, lÕhypoth•se est ˆ nouveau confirmŽe, cÕest-ˆ-dire que
les rŽseaux ŽtudiŽs assurent une diversitŽ des sources dÕinformation.
4.3.8. O• se dirige lÕinformation?
Analyse quantitative
Selon la derni•re hypoth•se, les rŽseaux de solidaritŽ informels permettent la redondance
des sources dÕinformation disponibles pour leurs membres. Afin de vŽrifier cette derni•re
affirmation, une sŽrie de questions spŽcifiques a ŽtŽ ŽlaborŽe. On voulait ainsi mieux
cerner cet aspect de la diffusion et de lÕaccessibilitŽ de lÕinformation circulant dans ces
rŽseaux informels.
Ces prŽoccupations ont ŽtŽ dirigŽes vers lÕorganisation du travail. On a demandŽ aux
rŽpondants combien de membres utilisent les informations mises en commun au sein du
rŽseau, sÕils effectuent des dŽmarches conjointes avec dÕautres membres et sÕils divisent le
224
travail au sein de leur groupe. Il Žtait aussi intŽressant de savoir si lÕinformation partagŽe
est rendue disponible ˆ lÕensemble des membres du groupe et si ceux-ci proc•dent entre
eux ˆ un type dÕŽchange. Enfin, il semblait pertinent que les membres eux-m•mes
confirment, ou non, que leur groupe leur donne acc•s ˆ de nouvelles informations et/ou de
nouveaux types dÕinformation.
Recours ˆ lÕinformation
Score/rŽponse
Rtotal-Q45
N 15
tous
certains
8
4
aucun
autres
3
8/15 ou 53, 3Ê% disent que tous les membres utilisent les
informations.
Comme les tableaux prŽcŽdents le dŽmontrent, 53,3Ê% des rŽpondants ont affirmŽ que
tous les membres de leur rŽseau utilisent les informations en circulation, tandis que 26,6Ê%
des membres pensent que les informations ne sont rendues disponibles quÕˆ certains des
membres du rŽseau.
DŽmarches conjointes dÕemploi
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q46
N 20
7
11
2
11/20 ou 55Ê% disent quÕils ne font aucune dŽmarche conjointe avec
dÕautres membres.
225
Division du travail
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q47
N 22
10
8
4
10/22 ou 45,5Ê% rŽpondent quÕils divisent le travail au sein du rŽseau.
Partage de lÕinformation
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q48
N 26
16
7
1
2
16/26 ou 61,5Ê% ont dit que lÕinformation partagŽe est rendue
disponible ˆ lÕensemble des membres du groupe.
ƒchange dÕinformation
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q49
N 20
14
2
4
14/20 ou 70Ê% on dit quÕils procŽdaient ˆ un type dÕŽchange.
Au moins 55Ê% ont rŽpondu ne faire aucune dŽmarche commune avec dÕautres membres,
m•me si pr•s de 46Ê% affirment que le travail est rŽparti au sein de leur rŽseau. Un petit
groupe a cependant rŽpondu ne pas •tre touchŽ par cette rŽalitŽ Žtant donnŽ le mode de
fonctionnement adoptŽ dans leur rŽseau qui nÕest pas basŽ sur un principe de partage du
travail en ce qui a trait aux dŽmarches dÕintŽgration en emploi. La majoritŽ (61,5Ê%)
croient par contre que lÕinformation est gŽnŽralement disponible ˆ lÕensemble des
membres du groupe et quÕil existe un mŽcanisme dÕŽchange de lÕinformation (70Ê%).
226
Nouvelles informations
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q50
N 22
15
2
1
4
15/22 ou 68,1Ê% des rŽpondants ont dit que le groupe leur donnait
acc•s ˆ de nouvelles informations.
Nouveaux types dÕinformation
Score/rŽponse
oui
non
ne sais pas
ne sÕapplique
pas
Rtotal-Q51
N 20
10
2
4
4
10/20 ou 50Ê% ont dit que le groupe leur donnait dÕacc•s ˆ de
nouveaux types dÕinformation.
Les derniers rŽsultats rŽv•lent finalement que ces rŽseaux donnent acc•s ˆ leurs membres ˆ
de nouvelles informations (68,1Ê%) et que, dans une proportion de 50Ê%, ils leur donnent
Žgalement acc•s ˆ de nouveaux types dÕinformation. Notons quÕune proportion
significative de participants a rŽpondu ˆ cette derni•re question par ÇÊne sais pasÊÈ,
considŽrant ne pas avoir ŽtŽ membre de leur rŽseau depuis suffisamment longtemps pour
rŽpondre adŽquatement ˆ ce genre de question.
En somme, 55,2Ê% ont rŽpondu favorablement ˆ cette sŽrie de questions. Il est nŽanmoins
difficile de conclure que les informations transmises peuvent servir ˆ plusieurs personnes
au sein dÕun m•me rŽseau. La plupart sont accessibles ˆ tous, mais il y a ŽnormŽment de
variation dÕun rŽseau ˆ lÕautre. Lorsque le travail est divisŽ, il semble que les informations
soient plus accessibles. Par contre, les rŽseaux donnent acc•s ˆ de nouvelles informations
et tentent de les diffuser uniformŽment, sans toutefois le faire de mani•re uniforme.
227
Cette analyse valide assez faiblement lÕhypoth•se stipulant que les rŽseaux de solidaritŽ
informels permettent une redondance des informations.
Analyse qualitative
Tel que mentionnŽ dans la section sur lÕanalyse qualitative des rŽsultats portant sur
lÕŽlargissement des sources dÕinformation, il a malheureusement ŽtŽ impossible de dŽgager
une terminologie spŽcifique liŽe aux hypoth•ses 5a, 5b et 5c dans le cadre dÕune analyse
informatique. LÕŽlargissement, la diversitŽ et la redondance des informations ont en effet
ŽtŽ vŽrifiŽs durant les entrevues en ayant recours ˆ des mots usuels comme ÇÊcombien de
foisÊÈ, ÇÊcombien de personnesÊÈ, etc.
Encore une fois, ces mots reviennent tellement frŽquemment au cours de chaque entretien
que lÕanalyse informatique avec QSR NUD*IST Žtait inŽvitablement faussŽe, puisque le
logiciel ne permet pas de faire de telles distinctions, introduisant par le fait m•me un
risque dÕerreur mŽthodologiquement inacceptable.
Explication des rŽsultats
La derni•re hypoth•se voulant que les rŽseaux de solidaritŽ informels favorisent la
redondance des sources dÕinformation disponibles pour leurs membres nÕa pas ŽtŽ
confirmŽe par une forte majoritŽ de rŽpondants. Il a Žgalement ŽtŽ difficile de conclure que
les informations qui y sont transmises peuvent servir ˆ plusieurs personnes au sein dÕun
m•me rŽseau. Non pas que les rŽsultats qui y sont rattachŽs soient en de•ˆ du seuil
statistique des cinquante points de pourcentage, mais ces derniers ne sont tout de m•me
pas suffisamment forts pour que des certitudes bien fondŽes puissent •tre dŽgagŽes. Il
reste donc ˆ voir si les tŽmoignages recueillis au sujet de leur mode de fonctionnement
respectif permettent de faire parler les donnŽes statistiques.
228
Afin de bien saisir toutes les implications des rŽponses offertes par les membres
interrogŽs, il para”t tout dÕabord nŽcessaire de visualiser les mod•les de circulation de
lÕinformation au sein de ces m•mes rŽseaux. Le phŽnom•ne de redondance dŽpend
ŽnormŽment du rŽseau et de son mode spŽcifique de diffusion de lÕinformation. Les trois
mod•les rencontrŽs lors de cette recherche sont :
A. Le RŽseau des artistes
Mode dÕorganisation
Mode de diffusion de lÕinformation
Rencontres et tŽlŽphones
35
34
33
32
31
30
29
28
27
26
366
25
24
23
1
22
2
21
3
4
20
5
18
6 7 8 9
19
10
11
12
13
14
15
16
17
Pour le calcul des dyades et de la densitŽ des relations ˆ lÕintŽrieur dÕun rŽseau, voir le
schŽma suivant.
229
B. Le RŽseau des universitaires
Mode dÕŽchange dÕinformations et de ressources
1
Rencontres et Internet
10
2
9
3
8
4
5
7
6
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Tot
Rac
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
10
9
2
1
1
1
1
0
1
0
0
1
0
6
5
3
1
1
1
1
1
0
1
1
0
1
8
7
4
1
1
1
1
1
0
1
0
1
0
7
6
5
1
0
1
1
1
1
1
1
0
0
7
6
6
1
1
0
0
1
1
1
0
0
1
6
5
7
1
0
1
1
1
1
1
1
0
1
8
7
8
1
0
1
0
1
0
1
1
1
1
7
6
9
1
1
0
1
0
0
0
1
1
1
6
5
10
1
0
1
0
0
1
1
1
1
1
7
6
Tot
10
6
8
7
7
6
8
7
6
7
72
5
7
6
6
5
7
6
5
6
Rac 9
*RacÊ: Relation entre acteurs
Dyades formŽesÊ: 62
Calcul de densitŽÊ: 62/72
DensitŽÊ: 0.86
62
230
C. Le RŽseau de jumelage
Mode dÕŽchange dÕinformations et de ressources
11
2
Rencontres et tŽlŽphones
10
9
3
1
8
4
5
7
6
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Tot
Rac
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
11
10
2
1
1
1
0
0
0
0
0
0
0
0
3
2
3
1
1
1
0
0
0
0
0
0
0
0
3
2
4
1
0
0
1
1
0
0
0
0
0
0
3
2
5
1
0
0
1
1
0
0
0
0
0
0
3
2
6
1
0
0
0
0
1
1
0
0
0
0
3
2
7
1
0
0
0
0
1
1
0
0
0
0
3
2
8
1
0
0
0
0
0
0
1
1
0
0
3
2
9
1
0
0
0
0
0
0
1
1
0
0
3
2
10
1
0
0
0
0
0
0
0
0
1
1
3
2
11
1
0
0
0
0
0
0
0
0
1
1
3
2
Tot
11
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
41
Rac
10
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
30
*RacÊ: Relation entre acteurs
Dyades formŽesÊ: 30
Calcul de densitŽÊ: 30/41
DensitŽÊ: 0.73
231
Lors des entrevues, les participants ont confirmŽ, dans une faible majoritŽ (53,3Ê%) que
lÕensemble des membres utilisent dÕune mani•re ou dÕune autre les informations diffusŽes
au sein de leur rŽseau. Or, cÕest presque 62Ê% dÕentre eux qui ont aussi affirmŽ que ces
informations sont rendues disponibles ˆ la totalitŽ des membres du groupe. On semble
donc assez convaincu de la disponibilitŽ de lÕinformation, mais il est plus difficile de
savoir ce que les autres en font, ce qui para”t tout ˆ fait normal.
Ë la lecture de la description des diffŽrents modes de diffusion, il appara”t encore plus
clairement que les outils dont disposent les groupes ont un impact majeur sur la durŽe de
vie de lÕinformation qui y circule. Selon que les membres ont recours au tŽlŽphone ou ont
acc•s ˆ lÕinternet, cela aura un impact majeur sur la rapiditŽ et la facilitŽ dÕacc•s aux
informations. Tr•s peu de ces rŽseaux communiquent en effet ˆ lÕextŽrieur des rencontres
officielles du groupe et aucun ne produit de proc•s-verbal ˆ la suite des rencontres
rŽguli•res. Contrairement ˆ dÕautres modes dÕintŽgration au marchŽ du travail, il est
indispensable dÕassister aux rencontres pour •tre pleinement informŽ. La redondance de
lÕinformation dŽpendra, tout autant que lÕacc•s de celle-ci, du mode de fonctionnement.
Ë aucun moment de la recherche nÕest-on autant confrontŽ aux limites de ce mode de
coordination et de fonctionnement. Il semble en effet que les principaux avantages
dŽcoulant de la nature informelle des rŽseaux crŽent des limites aussi importantes que
celles qui se retrouvent dans les autres techniques de recherche.
DÕune part, il existe autant de mod•les de fonctionnement diffŽrents quÕil existe de rŽseaux
informels. Cette caractŽristique, plut™t Žvidente, provoque nŽanmoins un sentiment
dÕinsŽcuritŽ ou un effet brouillon avec lequel certains individus ont du mal ˆ composer.
LÕabsence de tout compte rendu Žcrit relatant le contenu des Žchanges ou des rŽunions
limite ŽnormŽment la possibilitŽ de diffusion ˆ lÕextŽrieur des rencontres, que ce soit entre
232
les membres ou entre membres et non-membres. Cette absence de support matŽriel, limite
Žgalement la possibilitŽ de dŽgager une sorte dÕhistoire ou de structure historique de ces
groupes.
Autre phŽnom•ne intŽressant rŽsultant de lÕanalyse statistique, il y a peu de rŽseaux o• le
travail est divisŽ entre les membres et o• des dŽmarches sont faites conjointement,
pourtant, pr•s des trois quarts des rŽpondants insistent sur lÕaspect Žchange
dÕinformations. Or, la presque totalitŽ des rŽseaux mettent sur pied des comitŽs de
coordination ou de planification. On peut en conclure que les membres interrogŽs ont
Žtablit une nette distinction entre les notions de division du travail et de comitŽ
organisationnel.
Ë notre avis, lÕensemble de ces faits et de ces limites ne sont cependant pas suffisants ou
assez pertinents pour remettre en question la validitŽ de lÕhypoth•se. Il est vrai que les
rŽseaux comportent de nombreuses limites organisationnelles qui ne leur permettent pas
de diffuser les prŽcieux renseignements qui y circulent ˆ lÕextŽrieur de leurs rencontres
quasi hebdomadaires. Il est Žgalement vrai que les membres qui ne peuvent participer de
mani•re rŽguli•re aux rencontres sont eux aussi exclus du cercle fermŽ de diffusion. Ceux
qui y sont, bŽnŽficient cependant dÕune mani•re des plus Žquitables et dŽmocratiques de
ces informations.
La preuve ultime en est quÕune tr•s forte majoritŽ des membres affirment faire des
apprentissages en participant aux activitŽs de leur rŽseau de solidaritŽ informel. Or,
comment ces apprentissages pourraient-ils se faire sans que la m•me information serve ˆ
plusieurs membres ˆ la fois?
233
4.4
LÕanalyse complŽmentaireÊ: un Žclairage indispensable
Une sŽrie dÕanalyses qualitatives complŽmentaires a ŽtŽ rŽalisŽe afin de complŽter
lÕanalyse principale. Ces analyses ont pour but dÕextraire davantage de renseignements
des rŽsultats dŽgagŽs des entrevues et dÕapporter un Žclairage additionnel sur la
vŽrification des hypoth•ses de recherche ou de leurs objectifs.
Ces quelques analyses complŽmentaires ont ŽtŽ effectuŽes par rapport aux informations
ou variables recueillies lors de lÕŽtablissement de lÕŽchantillon de contr™le. Les facteurs
sontÊ: lÕ‰ge des membres, le genre des membres, leur niveau de scolaritŽ, leur domaine de
formation ainsi que la durŽe du ch™mage.
Des analyses complŽmentaires peuvent Žgalement •tre effectuŽes par rapport ˆ des
facteurs qui nÕont pas spŽcifiquement ŽtŽ contr™lŽs lors de la collecte de donnŽes mais qui,
par la suite, peuvent •tre vŽrifiŽs afin de savoir sÕils ont rŽellement jouŽ un r™le significatif
dans les rŽsultats obtenus (LamoureuxÊ: 448).
Pour dŽterminer ces facteurs, il est nŽcessaire de retourner ˆ la source des
questionnements initiaux sur le sujet ˆ lÕŽtude. Une liste des concepts, des indicateurs, des
variables et des dimensions de recherche a ŽtŽ dressŽe et a servi de base de donnŽes pour la
dŽtermination des facteurs dÕinfluence lors de lÕanalyse complŽmentaire. Certains mots
clŽs ont de plus ŽtŽ retenus. Ces derniers sont ressortis de mani•re constante lors des
entrevues.
Les indicateurs sont les suivants :
lÕadaptation
lÕŽnergie
les connaissances
lÕacc•s
la formation
la documentation
la flexibilitŽ
lÕextŽrieur
la prŽcaritŽ
234
lÕimplication
les responsabilitŽs
le support
la participation
connection-dŽconnection
lÕentraide
le dŽpassement
la communautŽ
le collectif
le formel/lÕinformel
la frŽquence
lÕestime de soi
les dŽmarches
les enfants
la monoparentalitŽ
la famille
LÕunique possibilitŽ sÕoffrant au chercheur, Žtant donnŽ la somme importante
dÕindicateurs retenus, Žtait le recours ˆ lÕinformatique et plus particuli•rement lÕutilisation
du logiciel dÕanalyse de contenu QSR NUD*IST dont les diverses capacitŽs ont ŽtŽ
dŽcrites ˆ la section 2.6 de cet ouvrage. La totalitŽ des analyses complŽmentaires
effectuŽes au cours de cette recherche se fondent Žgalement sur les rŽsultats obtenus par
lÕintermŽdiaire de ce logiciel.
4.4.1
LÕimportance de lÕ‰ge
La description du mode dÕorganisation et des caractŽristiques de chacun des rŽseaux
indique la moyenne dÕ‰ge des membres de chacun des rŽseaux ainsi que lÕŽcart dÕ‰ge entre
les membres les plus jeunes et les plus ‰gŽs.
Les prŽoccupations exprimŽes semblent •tre partagŽes par lÕensemble des membres ˆ un
degrŽ plus ou moins important. Il en va de m•me pour ce qui est de la motivation et du
partage de lÕinformation.
Il est aussi intŽressant de prŽciser que chez la plupart des membres ‰gŽs dÕune trentaine
dÕannŽes, les attentes sÕorientent davantage vers le c™tŽ humain, le partage et la croissance
professionnelle et/ou personnelle, tandis que les plus jeunes (finissants ou rŽcemment
entrŽs sur le marchŽ du travail) sÕintŽressent de fa•on prioritaire aux questions reliŽes ˆ
235
lÕemployabilitŽ telles que lÕart de bien prŽsenter un curriculum vit¾, la mani•re dÕaborder
un employeur potentiel, etc.
Explication des rŽsultats
Puisque la recherche dŽlimitait avec prŽcision lÕ‰ge possible des participants (18-35 ans),
les surprises furent peu nombreuses ˆ cet Žgard, ˆ lÕexception du fait que les
prŽoccupations diff•rent en fonction de la tranche dÕ‰ge.
Comme nous venons de le soulever, chez la plupart des membres ‰gŽs dÕune trentaine
dÕannŽe, les attentes sÕorientent davantage vers le c™tŽ humain, cÕest-ˆ-dire le partage et la
croissance personnelle/professionnelle. Aussi, les membres ‰gŽs de 30 ˆ 35 ans, ayant
pour la plupart dŽjˆ ŽtŽ intŽgrŽs au marchŽ du travail, semblent attirŽs par la formule
rŽseau ˆ cause de son approche ˆ la fois holistique et personnalisŽe, alors que les plus
jeunes en recherchent davantage les bŽnŽfices liŽs ˆ lÕacc•s ˆ lÕinformation privilŽgiŽe, par
exemple.
4.4.2
La diffŽrenciation des genres
LÕanalyse diffŽrenciŽe selon le genre nÕŽtait pas au dŽpart lÕun des ŽlŽments prioritaires de
cette Žtude. Elle sÕest simplement imposŽe. Au fil des entrevues, plusieurs distinctions
sont apparues entre les tŽmoignages des rŽpondants et ceux des rŽpondantes.
De nouveaux constats ont pu •tre dŽgagŽs gr‰ce au logiciel QSR NUD*IST qui a permis,
encore une fois, le regroupement des rŽponses en fonction du sexe des rŽpondants.
Le premier constat concerne le nombre nettement plus ŽlevŽ de femmes qui sont ˆ la fois
membres de ces rŽseaux et participantes ˆ cette recherche. La proportion du membership
236
fŽminin et celle du membership masculin au sein des rŽseaux inclus dans cette Žtude se
situe autour de 35Ê% dÕhommes et de 65Ê% de femmes. La prŽsence des femmes fut donc
supŽrieure ˆ celle des hommes dans 66,6Ê% des cas.
Aucune question directe ˆ lÕŽgard de cette problŽmatique spŽcifique nÕa ŽtŽ posŽe au cours
des entretiens avec les participants, lÕŽtablissement de conclusions claires ˆ cet effet nÕest
scientifiquement pas possible. En relisant lÕensemble des propos recueillis avec la
ÇÊlentille de genreÊÈ, les nombreux tŽmoignages des jeunes femmes apportent nŽanmoins
quelques pistes de rŽflexion plus quÕintŽressantes et pertinentes.
Le second constat est ˆ lÕeffet que les jeunes femmes mentionnent nettement plus souvent
leur attachement au rŽseau et soul•vent aussi beaucoup plus frŽquemment la qualitŽ
informelle de leur groupe. Il est difficile ici de ne pas faire le parall•le avec le concept de
ÇÊOld Boys NetworkÊÈ qui fut largement abordŽ dans la premi•re partie de cette recherche.
LÕabsence (plus ou moins totale) de ce type de rŽseau informel chez lÕensemble des
travailleuses nous entra”ne inŽvitablement sur une piste des plus intŽressantes qui sera
explorŽe un peu plus loin.
Les questions de lÕinformalitŽ et de la flexibilitŽ reviennent aussi plus frŽquemment dans
les commentaires des rŽpondantes. Lˆ encore, les rŽalitŽs particuli•res auxquelles doivent
faire face les jeunes femmes laisse croire que le rŽseau de solidaritŽ est une forme de
soutien particuli•rement bien adaptŽe aux besoins et contraintes de vie de ces jeunes
femmes.
Le dernier constat liŽ ˆ la variable du genre touche plus directement la question de
lÕinterruption professionnelle pour raisons parentales. La maternitŽ, et lÕabsence du
marchŽ du travail quÕelle entra”ne, furent mentionnŽes par de nombreuses participantes au
cours des entrevues, rŽalitŽs quÕaucun rŽpondant nÕa jugŽ nŽcessaire de souligner lors de
237
lÕentrevue. Les jeunes femmes ont ainsi expliquŽ leur participation au rŽseau de solidaritŽ
informel par le fait que ce dernier leur permet de se remettre en contact avec les questions
dÕemploi apr•s une absence plus ou moins longue du marchŽ du travail.
M•me si nous ne dŽtenons pas de preuves quantitatives ˆ grande Žchelle, le contenu
explicite de ces entrevues indique que le rŽseau de solidaritŽ informel peut sÕavŽrer un
outil dÕautant plus adaptŽ aux rŽalitŽs des jeunes femmes dŽsirant intŽgrer ou rŽintŽgrer le
marchŽ du travail. Le rŽseau permet ce rapprochement avec le monde de lÕemploi et cette
flexibilitŽ caractŽrisant le vŽcu de nombreuses jeunes femmes devant concilier maternitŽ et
vie professionnelle.
Explication des rŽsultats
Nous nÕavions nullement anticipŽ que plus des deux tiers des membres des rŽseaux
analysŽs soient des femmes.
Les impacts de cette forte prŽsence fŽminine peuvent •tre de plusieurs niveaux.
Mentionnons tout dÕabord que la prŽsence du rŽseau semble reprŽsenter un avantage
particuli•rement intŽressant pour ces membres. Les femmes ont effectivement dŽplorŽ ˆ
plusieurs reprises avoir peu de ressources sur auxquelles se raccrocher au moment de vivre
une transition professionnelle. Que ces transitions soient occasionnŽes par une grossesse
ou un changement dÕorientation, le fait de pouvoir rencontrer dÕautres personnes et
Žchanger avec elles sur les rŽpercussions financi•res, personnelles et professionnelles que
cette situation engendre est dÕune grande importance pour les femmes.
Le rŽseau semble Žgalement jouer un r™le bŽnŽfique pour leurs membres de sexe fŽminin
qui vivent des rŽalitŽs distinctes de celles de leurs coll•gues masculins. Le caract•re
informel et la flexibilitŽ des rŽseaux contribuent Žgalement ˆ rŽpondre aux besoins
238
particuliers des femmes qui, encore en lÕan 2000, doivent assumer dans une plus grande
proportion les t‰ches familiales en plus de leurs responsabilitŽs professionnelles. Or, les
rŽseaux de solidaritŽ qui ont un mode organisationnel souple permettent ˆ ces jeunes
femmes de participer sur une base plus ou moins rŽguli•re aux activitŽs du groupe et ainsi
de demeurer actives par rapport ˆ leur intŽgration au marchŽ du travail.
Les rŽseaux permettent enfin un rapprochement avec le marchŽ du travail, dont les
ch™meurs et les ch™meuses de longue durŽe ont ŽnormŽment besoin. Cependant, les
femmes ayant participŽ ˆ cette recherche ont ŽtŽ nettement plus loquaces que les hommes
ˆ cet effet. Cette participation au rŽseau de solidaritŽ permet ˆ plusieurs qui ont dž
interrompre leur cheminement professionnel ˆ la suite dÕune ou de deux grossesses de
maintenir ce lien essentiel avec le marchŽ du travail et de partager leurs prŽoccupations
relatives ˆ leur rŽintŽgration.
4.4.3
Le niveau de scolaritŽ et domaine de formation
Sans que les regroupements ŽtudiŽs soient ou aient ŽtŽ composŽs en fonction de crit•res
scolaires, il nÕen demeure pas moins que lÕon retrouve au sein de ces derniers une forte
homogŽnŽitŽ sur le plan du cheminement scolaire et professionnel ainsi que du niveau de
scolaritŽ.
La composition des rŽseaux ŽtudiŽs durant cette enqu•te se rŽsume globalement en deux
grandes tendancesÊ: les rŽseaux composŽs de membres ayant fait ou faisant des Žtudes
postsecondaires et cherchant de lÕemploi dans des champs professionnels relativement
spŽcialisŽs et ˆ fortes exigences informationnelles3, et les rŽseaux composŽs de membres
3
Pour Manuel Castells (1998Ê: 43) le terme informationnel caractŽrise une forme particuli•re
dÕorganisation sociale, dans laquelle la crŽation, le traitement et la transformation de lÕinformation
deviennent les sources premi•res de la productivitŽ et du pouvoir, en raison des nouvelles conditions
technologiques apparaissant dans cette pŽriode historique-ci.
239
ayant fait des Žtudes secondaires, avec ou sans spŽcialisation, se cherchant de lÕemploi
dans des domaines ne nŽcessitant que de faibles niveaux de qualification.
La r•gle de lÕhomogamie Ð tendance voulant que les conjoints se choisissent au sein du
m•me milieu social Ð semble en effet trouver ici son parall•le au regard du milieu dÕorigine
puisquÕil sÕagit de rŽseaux axŽs principalement sur la question de lÕemployabilitŽ. Dans ce
contexte, lÕŽlŽment unificateur se situe davantage autour de lÕorientation scolaire ou
professionnnelle des membres.
MalgrŽ ces distinctions en apparence importantes, il est intŽressant de constater que les
motivations de ces individus sont globalement les m•mes, ainsi que leurs attentes et leurs
besoins face au groupe. On observe bien sžr des variations en terme de parcours de
formation et de milieux dÕemploi recherchŽs mais ces diffŽrences ne sont pas
suffisamment ressorties lors des analyses de contenu, tant manuelles quÕassistŽes par
ordinateur, pour que ces variables aient un impact rŽel.
Mis ˆ part quelques petites nuances quant ˆ la perception des rŽpondants ou ˆ
lÕexpression de leur cheminement au sein de ces rŽseaux, force est donc de constater que le
niveau de scolaritŽ ainsi que le domaine de formation ne semblent pas jouer un r™le
significatif dans la dŽtermination et la nature de ces rŽseaux.
Explication des rŽsultats
Dans le cas des variables faisant rŽfŽrence au ÇÊniveau de scolaritŽÊÈ et ˆ la ÇÊdurŽe de la
formationÊÈ, on a constatŽ que les motivations des membres interrogŽs ainsi que leurs
attentes et leurs besoins face au groupe sont globalement les m•mes.
240
La br•ve interprŽtation qui en dŽcoule est que ces derni•res variables ne semblent pas
jouer un r™le significatif dans la dŽtermination et la nature de ces rŽseaux.
4.4.4
La durŽe du ch™mage
Les pŽriodes de ch™mage vŽcues par les membres des rŽseaux ŽtudiŽs varient
considŽrablement dÕun groupe ˆ lÕautre. La plus br•ve ÇÊdurŽe moyenne du ch™mageÊÈ
(moyenne de lÕensemble des pŽriodes pour chacun des rŽseaux) correspond ˆ 6 mois et la
plus longue, ˆ 23 mois. La mŽdiane donnerait toutefois une vision nettement plus rŽaliste
car quatre des six rŽseaux examinŽs ont une durŽe moyenne dÕau-delˆ de 13,7 mois.
Ces informations sont intŽressantes ˆ deux points de vue. On constate tout dÕabord que
les pŽriodes varient assez peu ˆ lÕintŽrieur m•me des rŽseaux. Que ce soit en raison du
domaine professionnel (taux de ch™mage plus ou moins ŽlevŽ) ou de la nature des emplois
recherchŽs (contractuels, temps complet, etc.) il nÕen demeure pas moins que ces durŽes
dÕinactivitŽ professionnelle sont relativement longues.
Ces facteurs conjoncturels et Žconomiques ne cernent pas vŽritablement cette tendance.
DÕautres ŽlŽments relatifs ˆ lÕ‰ge des membres ainsi quÕˆ leur formation professionnelle
feront Žgalement partie de lÕexplication du phŽnom•ne.
Ë noter Žgalement que certains membres de ces rŽseaux ont dž accepter des emplois ˆ
temps partiel pour la plupart non reliŽs ˆ leur domaine de formation et ce, uniquement
pour des raisons alimentaires. Ces derniers se consid•rent nŽanmoins comme Žtant en
ch™mage, cÕest-ˆ-dire ˆ la recherche active dÕun emploi ˆ temps complet, si possible, et
reliŽ ˆ leur domaine de formation.
241
Dans ces cas, la durŽe du ch™mage fut techniquement plus difficile ˆ dŽterminer et nÕest
pas reprŽsentŽe dans les rŽsultats prŽsentŽs ici. Il est donc important de souligner que,
dans ces cas prŽcis, la durŽe rŽelle du ch™mage dŽpasse celle vŽcue par les autres membres
du groupe.
En somme, la pŽriode de ch™mage est un indicateur intŽressant dans ce type dÕŽtude car il
jette un nouvel Žclairage sur les questions visant ˆ dŽterminer qui sont les personnes qui
participent ˆ ces rencontres et celles relatives ˆ la capacitŽ de ces groupes de briser
lÕisolement, ŽlŽment caractŽrisant lÕinactivitŽ professionnelle et faisant lÕobjet dÕune partie
enti•re de cette recherche.
Explication des rŽsultats
Les pŽriodes de ch™mage vŽcues par les membres des rŽseaux ŽtudiŽs varient
considŽrablement dÕun groupe ˆ lÕautre.
Premier fait intŽressant qui se dŽgage de lÕanalyse de contenu est que tous ont dŽjˆ explorŽ
et/ou exploitŽ les mŽthodes traditionnelles dÕacc•s ˆ lÕemploi. Pour la grande majoritŽ des
membres, le rŽseau de solidaritŽ informel en employabilitŽ ne constitue pas la premi•re
Žtape de leur cheminement, mais bien souvent la derni•re en liste.
Les individus ayant dŽcidŽ de sÕimpliquer dans un groupe semblable se situent, dans deux
tiers des rŽseaux (les rŽseaux des Artistes, de Jumelage, de la Basse-Ville et des
Entrepreneurs), dans des domaines professionnels ˆ faibles perspectives dÕembauche ou
encore, ˆ faible niveau de scolaritŽ. Ces barri•res supplŽmentaires peuvent certainement
expliquer en partie le recours aux rŽseaux de solidaritŽ comme moyen dÕintŽgration au
marchŽ du travail.
242
4.4.5
Variables et considŽrations Žmergentes
Les variables et considŽrations dont il sera question ici font majoritairement rŽfŽrence ˆ
des notions, indicateurs, variables ou dimensions de recherche ayant prŽalablement servi
de base de donnŽes pour la dŽtermination des hypoth•ses principales de recherche ou
encore ˆ certains mots clŽs ayant ressortis de mani•re prŽdominante lors des entrevues.
LÕanalyse indiquant la prŽsence et lÕimportance de ces ŽlŽments dans les textes dÕentrevue
a enti•rement ŽtŽ rŽalisŽe ˆ partir du logiciel dÕanalyse qualitative QSR NUD*IST. De
plus, la totalitŽ des rŽsultats rapportŽs plus bas proviennent dÕopŽrations de filtrage
informatique.
Puisque plus dÕune vingtaine dÕindicateurs ont ŽtŽ vŽrifiŽs lors de cette analyse
complŽmentaire, la prŽsentation des rŽsultats obtenus se dŽroulera en mode croissant
dÕimportance et de rŽcurrence dans les tŽmoignages recueillis.
Signalons rapidement que la vŽrification des termes acc•s, flexibilitŽ, extŽrieur,
dŽpassement (de soi), collectif et frŽquence nÕa gŽnŽrŽ aucun rŽsultat valable. Leurs taux
de prŽsence dans les textes Žtaient tous infŽrieurs ˆ 0,009Ê%.
Chose importante ˆ noter, les pourcentages se situent tous ˆ lÕintŽrieur dÕune Žchelle de
0,03Ê% et de 5.2Ê%. Pour le lecteur ou la lectrice, il peut para”tre Žtonnant dÕobtenir de si
faibles taux. Cela sÕexplique par le tr•s grand nombre dÕunitŽs de texte analysŽes (9656),
cÕest-ˆ-dire des phrases qui sont sŽparŽes dans le texte par un retour de chariot. Une unitŽ
dÕanalyse peut donc •tre composŽe dÕune seule phrase ou dÕune rŽponse comportant
plusieurs phrases consŽcutives. LÕensemble des textes dÕentrevue renferme aussi au-delˆ
de 300 000 mots, ce qui explique les taux de rŽsultats numŽriquement peu ŽlevŽs.
243
Voici synthŽtiquement les rŽsultats obtenus lors de cette analyse.
INDICATEURS/VARIABLES
TAUX DE REPRƒSENTATION (Ê%)/
UNITƒS DE TEXTE (Ô0)
Acc•s
0,00Ê%
FlexibilitŽ
0,00Ê%
ExtŽrieur
0,00Ê%
DŽpassement (de soi)
0,00Ê%
Collectif
0,00Ê%
FrŽquence
0,00Ê%
DŽconnection/DŽconnectŽ
0,02Ê%
1 unitŽ de texte
Monoparental
0,03Ê%
3 unitŽs de texte
CommunautŽ
0,04Ê%
4 unitŽs de texte
Famille
0,05Ê%
3 unitŽs de texte
PrŽcaritŽ
0,06Ê%
4 unitŽs de texte
Entraide
0,08Ê%
8 unitŽs de texte
Aide
0,09Ê%
9 unitŽs de texte
ƒnergie
0,10Ê%
10 unitŽs de texte
244
Adaptation/adapter
0,11Ê%
11 unitŽs de texte
Responsable/responsabilitŽ
0,16Ê%
15 unitŽs de texte
Enfant(s)
0,28Ê%
27 unitŽs de texte
Estime (de soi)
0,40Ê%
39 unitŽs de texte
Support/supporter
0,46Ê%
44 unitŽs de texte
Implication/impliquŽ
0,64Ê%
62 unitŽs de texte
Formel/informel
0,84Ê%
50 unitŽs de texte
Connaissance/conna”tre
1,20Ê%
115 unitŽs de texte
Participation/participer
1,80Ê%
171 unitŽs de texte
Formation/former
3,2Ê%
307 unitŽs de texte
DŽmarche(s)
3,3Ê%
195 unitŽs de texte
Ë la lumi•re des rŽsultats obtenus, les six principales considŽrations se dŽgageant des
analyses croisŽes effectuŽes ˆ lÕaide du logiciel dÕanalyse de texte sontÊ: la formation, les
dŽmarches dÕemploi, la participation, lÕacquisition de nouvelles connaissances,
lÕimplication et lÕaspect informel. Le tableau ci-dessous prŽsente de mani•re dŽcroissante
ces derni•res considŽrations en fonction de leur importance.
245
Graphe 8: ConsidŽrations Žmergentes
4.5
Informel
Implication
Connaissance
Participation
DŽmarche
UnitŽs de texte
Formation
350
300
250
200
150
100
50
0
Conclusion
La prŽsentation exhaustive des rŽsultats qualitatifs et quantitatifs obtenus a, en somme,
permis de confirmer certaines des hypoth•ses et dÕen nuancer dÕautres. Les rŽsultats
obtenus suite ˆ lÕenqu•te appuient notamment lÕaffirmation de la premi•re hypoth•se
selon laquelle le rŽseau de solidaritŽ informel constituŽ de jeunes ch™meurs Žvolue en
complŽmentaritŽ des ressources institutionnelles et communautaires.
LÕensemble des rŽpondants ˆ lÕenqu•te ont Žgalement rŽpondu par lÕaffirmative ˆ la
seconde hypoth•se voulant que leur rŽseau de solidaritŽ ait pour effet de briser lÕisolement
marquant souvent une pŽriode de ch™mage ainsi quÕˆ la troisi•me hypoth•se stipulant que
le rŽseau a pour effet de soutenir la motivation de ses membres.
Le second volet de cette troisi•me hypoth•se, portant cette fois sur lÕaccroissement de la
motivation des membres des rŽseaux de solidaritŽ informels, nÕa pu •tre formellement
validŽ puisque les rŽsultats qui sÕen dŽgage brossent un portrait plut™t neutre ˆ cet Žgard.
246
Une majoritŽ de rŽpondants a par contre indiquŽ avoir dŽveloppŽ au sein de leur rŽseau de
nouveaux moyens et/ou des fa•ons originales et novatrices de faire de la recherche
dÕemploi. En lien avec cette quatri•me hypoth•se, les rŽpondants ont Žgalement ajoutŽ
que la participation aux rencontres de leur groupe de soutien a changŽ leur perception du
marchŽ du travail.
En ce qui a trait ˆ lÕinformation circulant au sein de ces groupes particuliers, lÕanalyse
principale indique que ces rŽseaux de solidaritŽ permettent dÕŽlargir les sources
dÕinformation rendues disponibles ˆ leurs membres et assurent Žgalement une diversitŽ de
ces sources.
Les derniers rŽsultats rŽv•lent finalement que ces rŽseaux donnent acc•s ˆ de nouvelles
informations dans une proportion assez faible. Il fut aussi difficile de conclure que les
informations transmises peuvent servir ˆ plusieurs personnes au sein dÕun m•me rŽseau
(redondance des sources dÕinformation).
Une prŽsentation statistique et schŽmatique a permis de brosser un portrait plus complet
des six rŽseaux constituant le cÏur de la recherche et de circonscrire les variables ayant eu
un impact direct sur les orientations et le mode de fonctionnement adoptŽs dans ces
groupes. Les variables ÇÊgenreÊÈ et ÇÊdurŽe du ch™mageÊÈ se sont ici particuli•rement
dŽmarquŽes de lÕensemble des analyses qui compl•tent ce tableau.
LÕensemble des explications des rŽsultats ont ensuite permis dÕŽtablir avec plus
dÕassurance leur valeur thŽorique rŽelle tout en identifiant, par la m•me occasion, les
multiples limites dŽcoulant de ces constats. Quelques-unes de ces grandes conclusions se
rŽsument comme suitÊ:
·
Puisque lÕinformation circule sans entrave au sein des rŽseaux de solidaritŽ, une
quantitŽ importante de renseignements sur lÕensemble des ressources humaines et
247
techniques pouvant constituer un rŽseau de support pour les personnes en ch™mage y
sont offerts;
·
LÕapproche rŽseau permet de rejoindre des client•les qui ne le seraient pas autrement;
·
Les discussions portent globalement sur des aspects professionnels, ce qui motive les
membres ˆ demeurer actifs dans leur propre recherche dÕemploi, ainsi que sur la
quantitŽ accrue de ces dŽmarches;
·
CÕest par nŽcessitŽ, plus que par choix, que plusieurs adh•rent ˆ un rŽseau de
solidaritŽ informel;
·
Les apprentissages et compŽtences acquises ˆ travers la participation ˆ un rŽseau de
solidaritŽ Žvitent ou retardent le dŽcrochage social potentiel qui accompagne
frŽquemment de longues recherches dÕemploi;
·
Enfin, les rŽseaux de solidaritŽ informels en employabilitŽ sÕav•rent des milieux
privilŽgiŽs pour les jeunes puisquÕils les exposent ˆ un plus grand nombre de
renseignements sur le monde de lÕemploi et quÕils diversifient ces sources
dÕinformation.
LÕanalyse des entrevues a de plus permis de constater quÕau-delˆ des crit•res de base
(informel, ‰ge, statut dÕemploi, province) les ayant qualifiŽs pour cette Žtude, ces groupes
partagent certaines similitudes mais Žgalement dÕimportantes diffŽrences les uns par
rapport aux autres. Au plan des ressemblances, on note principalement le fait que la
totalitŽ des rŽseaux informels dÕintŽgration au marchŽ du travail quÕil a ŽtŽ possible
dÕinclure dans cette Žtude se situent en milieu urbain, cÕest-ˆ-dire ˆ MontrŽal et dans la
ville de QuŽbec. Toutes nos recherches afin de trouver des rŽseaux en milieu rural ou en
rŽgion ŽloignŽe se sont avŽrŽes vaines.
Il est par contre intŽressant de rŽaliser ˆ quel point ces rŽseaux sont diffŽrents ˆ bien des
Žgards. Tout en faisant attention ˆ ne pas faire de gŽnŽralisations abusives, on peut dire
que certains rŽseaux offrent des activitŽs ˆ caract•re nettement plus technique, comme le
248
rŽseau de Jumelage et le rŽseau de la Basse-Ville, contrairement aux rŽseaux des Arts et du
Plateau Mont-Royal par exemple, qui eux se concentrent davantage sur lÕaspect du
soutien moral.
On note Žgalement la tr•s grande diversitŽ qui existe entre ces six groupes par rapport au
domaine de formation et au niveau de scolaritŽ. Alors que les rŽseaux des Arts et des
Universitaires rŽunissent exclusivement des membres ayant le m•me bagage acadŽmique,
les quatre autres rŽseaux ne semblent accorder aucune importance au fait que leurs
membres poss•dent une formation scolaire et professionnelle disparate. Cependant, il en
va tout autrement pour ce qui est du niveau de scolaritŽ atteint. Tous les rŽseaux partagent
cette caractŽristique et cette homogŽnŽitŽ. Cinq rŽseaux sont de niveau postsecondaire
(rŽseau des Arts, rŽseau des Entrepreneurs, rŽseau de Jumelage, rŽseau des Universitaires
et rŽseau du Plateau Mont-Royal) et un rŽseau est de niveau secondaire (rŽseau de la
Basse-Ville). Il semble en effet tr•s important pour les membres de pouvoir discuter non
pas avec des gens qui cherchent un emploi dans la m•me profession quÕeux, mais bien un
emploi de m•me type que celui quÕils recherchent.
On a enfin observŽ lors de la prŽsentation des six rŽseaux que tous ont un mode
dÕorganisation et
de fonctionnement diffŽrent. Ainsi, leurs
exigences
varient
considŽrablement par rapport ˆ la participation (plus ou moins active) de leurs membres
et aux responsabilitŽs qui leurs sont dŽvolues. Il nÕen demeure pas moins que tous les
membres de ces rŽseaux ont un intŽr•t ou un point en commun suffisamment fort pour
avoir suscitŽ en eux le dŽsir de mettre en place une telle organisation.
Voyons maintenant comment on peut mesurer la portŽe rŽelle de ces rŽsultats et lÕampleur
du r™le que ce type particulier de rŽseaux informels pourrait jouer au sein de la sociŽtŽ
quŽbŽcoise.
CHAPITRE 5
LORSQUE RENTABILITƒ NE RIME PAS AVEC EFFICACITƒ
5.1
Introduction
JusquÕˆ prŽsent lÕanalyse des rŽsultats a fourni des informations de nature plut™t
factuelle. LÕanalyse principale a en effet rŽvŽlŽ dans quelle mesure les hypoth•ses de
recherche occupent une place dŽterminante dans la dŽmarche dÕintŽgration au marchŽ du
travail des membres de rŽseaux de solidaritŽ informels. LÕinterprŽtation des rŽsultats a
ensuite permis de dŽgager la signification profonde de ces faits et de donner aux rŽsultats
obtenus leur sens vŽritable.
Dans ce chapitre, la discussion portera principalement sur la valeur pratique et thŽorique
de la connaissance nouvellement acquise; cÕest la portŽe rŽelle des rŽsultats. Ces
interrogations tenteront Žgalement de faire ressortir les possibilitŽs dÕapplication des
connaissances nouvellement acquises; il sÕagira de la mise en application des rŽsultats.
5.2
InterprŽtation et valeur thŽorique des rŽsultats
Les faits ont ŽtŽ Žtablis lors de lÕanalyse des rŽsultats. Ces affirmations sont cependant
basŽes sur des probabilitŽs et ne peuvent encore faire lÕobjet de certitudes. Au moment de
lÕinterprŽtation, il est essentiel de discuter la valeur thŽorique des rŽsultats et de tenter une
explication qui les renforcera ou les mettra en doute.
250
5.2.1
PortŽe des rŽsultats
5.2.1.1 Les conclusions phares
Une fois que lÕexplication des rŽsultats a permis de dŽgager des informations concluantes,
il est intŽressant dÕenvisager la valeur pratique des connaissances nouvellement acquises et
de voir au-delˆ de ces informations immŽdiates. Un second aspect de lÕinterprŽtation a
donc trait ˆ la portŽe rŽelle des rŽsultats dÕune recherche particuli•re. Par consŽquent, la
discussion qui suit cherche ˆ identifier avec une plus grande clartŽ lÕusage concret de ces
rŽsultats et la possibilitŽ de les gŽnŽraliser.
Puisque cette recherche rel•ve largement du domaine appliquŽ Ð et ce malgrŽ une analyse
mŽthodologique assez poussŽe Ð la valeur pratique des rŽsultats qui en dŽcoulent semble
claire et relativement facile ˆ cerner. Cette derni•re repose sur le constat que les rŽseaux de
solidaritŽ informels ont pour effet de rendre disponible un grand nombre de moyens ou
dÕoutils aidant les jeunes ˆ la recherche dÕun emploi. LÕŽlŽment de complŽmentaritŽ
confirme aussi quÕil sÕagit dÕune aide de plus. Quatre-vingt-dix pour cent des personnes
interrogŽes dans le cadre de lÕenqu•te lÕont effectivement per•u comme tel et ce, bien que
quelques-unes aient prŽfŽrŽ le rŽseau de solidaritŽ comme mode de coordination aux autres
mŽthodes.
Le premier ŽlŽment ayant des rŽpercussions sur le choix des jeunes par rapport au(x)
mode(s) de coordination utilisŽ(s), dŽcoule du fait que les utilisateurs de rŽseaux informels
dÕintŽgration ˆ lÕemploi sont, de mani•re gŽnŽrale, des ch™meurs de longue durŽe et/ou
faiblement outillŽs pour rŽpondre aux exigences du marchŽ du travail en mati•re de
compŽtences.
251
LÕaspect pratique de ces connaissances se refl•te Žgalement dans la confirmation sans
Žquivoque que les trois principaux modes dÕintŽgration ˆ lÕemploiÊ: les ressources
institutionnelles, les ressources communautaires ainsi que les ressources informelles,
nÕengendrent pas de dŽdoublement ou de substitution de services. Tout au plus, on
retrouve quelques chevauchements dans le type dÕinformations offertes au sein de ces
ressources, mais ˆ un niveau nettement insuffisant pour reprŽsenter une menace rŽelle. Vu
le caract•re informel, la nature des services offerts et lÕapproche utilisŽe dans les rŽseaux
de solidaritŽ, ceux-ci perdraient inŽvitablement leur efficacitŽ sÕils tentaient de remplacer
les services institutionnalisŽs ou m•me dÕadopter une mission semblable.
Dans le cas des ressources coordonnŽes par lÕƒtat, les objectifs d'employabilitŽ sont
dŽfinis en fonction de l'insertion professionnelleÊ: choix d'emploi, exigences de
qualification, lÕorientation, compŽtences ˆ dŽvelopper, etc. L'ensemble de ces mesures
visent globalement, par des moyens divers, l'amŽlioration des caractŽristiques de l'offre de
travail des prestataires par la formation en Žtablissement ou en entreprise, par l'acquisition
ou le maintien d'habitudes et d'habiletŽs de travail dans le crŽneau communautaire et par le
recours ˆ des services externes de main-d'Ïuvre adaptŽs ˆ certains types de client•les. Les
programmes de subvention salariale visent enfin ˆ simuler la demande de main-d'Ïuvre en
incitant les employeurs ˆ embaucher des prestataires gr‰ce ˆ des subventions couvrant une
partie du salaire de ces derniers.
Il est possible de catŽgoriser l'ensemble des mesures gouvernementales en trois grands
blocsÊ: la formation en institution ou en entreprise, ˆ caract•re gŽnŽral ou reliŽ ˆ un mŽtier
spŽcifique; les mesures d'orientation et de soutien ˆ la recherche d'emploi; les mesures de
crŽation d'emploi. Ces derni•res comprennent diverses formes de stages rŽmunŽrŽs, des
subventions aux organismes communautaires (subventions salariales ou plus gŽnŽrales de
fonctionnement) ou ˆ des entreprises privŽes (gŽnŽralement en subventions salariales) et le
soutien ˆ l'emploi autonome.
252
C™tŽ communautaire, au QuŽbec les organismes communautaires offrent des services aux
populations dans les champs de la formation et de l'emploi en utilisant une approche axŽe
sur les besoins de la personne. Les organismes qui se consacrent ˆ lÕamŽlioration de
l'employabilitŽ ont essentiellement pour mission d'aider des individus ˆ surmonter les
obstacles qui les emp•chent de participer activement au marchŽ du travail (Sylvestre,
1994).
Ce qui les distingue surtout des autres ressources, c'est le processus par lequel ils Žvaluent
les probl•mes spŽcifiques de leur client•le; intervenant de mani•re globale aupr•s de
l'individu, en tenant compte de son vŽcu, de son orientation et de sa capacitŽ ˆ retourner
sur le marchŽ du travail. Un plan de travail est donc Žtabli qui am•nera lÕindividu ˆ
amŽliorer son employabilitŽ pour finalement intŽgrer le marchŽ du travail ou un
programme de formation qui lui conviendra davantage. L'approche communautaire a donc
pour objectif le dŽveloppement de l'employabilitŽ des individus, mais surtout lÕobtention
dÕemplois qu'ils conserveront ˆ long terme et qui correspondront ˆ leurs aspirations.
LÕapproche informelle se compose essentiellement de rŽseaux sociaux formant une trame
de base de la sociŽtŽ et constituant une voie importante d'intŽgration sociale. Plusieurs ont
ainsi choisi d'y avoir recours dans une foule de situations comme l'intervention, le support
ou la rŽinsertion sociale. Les rŽseaux sont des entitŽs dont les fronti•res ne sont jamais
compl•tement dŽlimitŽes; ils Žvoluent et s'adaptent rapidement, et se rendent facilement
indŽpendants des institutions.
En somme, l'approche rŽseau permet de dŽvelopper des solutions collectives qui
renforcent le sentiment d'appartenance et dÕaccro”tre lÕautonomie et les compŽtences des
populations cibles. Comme Beausoleil (1988Ê: 39) le soulignait plus t™t, cette approche
253
exige, par ailleurs, une volontŽ rŽelle de collaboration entre les divers intervenants du
rŽseau des services et les groupes communautaires informels.
Il est aussi utile de savoir que chacun a sa place parce quÕil rŽpond ˆ un ou des besoins
diffŽrents. Ainsi certains jeunes peuvent avoir besoin dÕen rencontrer dÕautres aux prises
avec les m•mes difficultŽs, et dÕautres peuvent rechercher la souplesse, lÕabsence de
jugement, lÕencouragement, les conseils, etc.
Cette mŽthode pourrait donc •tre reprise et/ou Žlargie sans crainte, car elle dŽmontre que
ces jeunes ch™meurs avaient, de toute fa•on, lÕintention dÕexploiter un maximum de
ressources mises ˆ leur disposition.
Finalement, lÕŽvaluation de la valeur pratique de ces rŽsultats nous oblige ˆ voir quÕil
existe nŽanmoins dÕautres besoins qui ne sont pas, et ne pourront jamais •tre comblŽs par
les rŽseaux informels. Il en est ainsi des besoins liŽs ˆ lÕexpertise technique et
psychologique, par exemple, ainsi quÕˆ la stabilitŽ du soutien. Il serait par consŽquent
inutile de demander lÕuniversalisation de ces services au m•me titre que le sont les deux
autres sources de soutien qui ne partagent pas les m•mes rŽalitŽs, cÕest-ˆ-dire
lÕinvestissement collectif et la survie ˆ court ou moyen terme.
Un second grand constat qui se dŽgage des rŽsultats de cette recherche et qui conf•re un
caract•re tout ˆ fait original ˆ notre objet dÕŽtude, est directement liŽ au fait que les rŽseaux
de solidaritŽ informels de jeunes ch™meurs facilitent lÕapprentissage de compŽtences
relationnelles favorisant lÕatteinte ou le maintien dÕun Žquilible Žmotif et psychologique.
En tenant compte des rŽalitŽs spŽcifiques de chacun, les rŽseaux informels crŽent des
relations de confiance nŽcessaires ˆ un apprentissage profitable et mettent en valeur les
qualitŽs particuli•res comme ÇÊle savoir-faire et le savoir-•treÊÈ, souvent peu prises en
compte dans des programmes dÕacquision de connaissances et des formes gŽnŽrales de
254
qualification, tels les dipl™mes. En leur crŽant cet environnement dÕapprentissage, les
rŽseaux permettent aussi dÕaccro”tre la mobilitŽ des membres de rŽseaux et de dŽvelopper
leur capacitŽ ˆ se lier aux autres.
Les rŽsultats dŽmontrent Žgalement comment les rŽseaux de solidaritŽ informels sÕav•rent
des milieux privilŽgiŽs pour ces jeunes quÕils exposent ˆ une foule de nouveaux
renseignements circulant difficilement, ou carrŽment non disponibles par lÕintermŽdiaire
des autres modes de coordination. Cet avantage constitue en soi une raison tout ˆ fait
valable de sÕintŽresser au rŽseau de solidaritŽ, et cÕest toute la notion dÕefficacitŽ qui sÕen
trouve affectŽe.
Au premier coup dÕÏil, lÕefficacitŽ dÕun rŽseau de solidaritŽ informel spŽcialisŽ en
employabilitŽ devrait se mesurer par rapport au nombre de placements effectuŽs gr‰ce aux
services quÕil dispense. Cette enqu•te ne cherchant pas ˆ vŽrifier si les rŽseaux sont plus
rapides ou efficaces que les autres formes de soutien en mati•re de placement, sÕest plut™t
concentrŽe sur les facteurs expliquant cette efficacitŽ. Or, le fait que les rŽseaux offrent
Žgalement de nombreuses possibilitŽs dÕapprentissages ˆ leurs membres les rend
Žgalement efficaces et utiles en tant que mode dÕintŽgration, particuli•rement pour les
jeunes vivant des rŽalitŽs socioŽconomiques difficiles.
Soulignons au passage que les rŽseaux ŽtudiŽs sont tous tr•s diffŽrents mais comportent
paradoxalement un fort degrŽ dÕhomogŽnŽitŽ. Tous ont en effet un dŽnominateur commun,
rŽunissant des gens partageant des affinitŽs comme leur domaine de formation, ce qui crŽe
un certain niveau dÕhomogŽnŽitŽ et de cohŽsion. Ces groupes ne pourraient donc en aucun
cas •tre interchangeables, pas plus que leurs membres. Or, malgrŽ ces diffŽrences
importantes, il semble que les membres retirent les m•mes avantages et bŽnŽfices de leur
participation aux activitŽs dÕun rŽseau de solidaritŽ informel.
255
La m•me valeur nÕest donc pas accordŽe au concept traditionnel dÕefficacitŽ (nombre de
placements) que dans les autres Žtudes sur le sujet. Ici, lÕefficacitŽ se mesure davantage en
termes de rentabilitŽ21 pour les membres. Il sÕagit de mieux Žvaluer le chemin parcouru par
les jeunes plut™t que de comptabiliser si oui ou non, ils se sont trouvŽs un emploi et en
combien de temps ils lÕont fait. Les donnŽes recueillies ˆ cet Žgard confirment dÕailleurs
que les jeunes comptent moins sur le rŽseau pour leur trouver directement lÕemploi quÕils
dŽsirent ou pour dŽcrocher une entrevue dans une entreprise, que pour les prŽparer ˆ
rŽussir lÕentrevue et ˆ occuper cet emploi.
La valeur pratique des rŽsultats obtenus repose donc plus dans la rentabilitŽ que dans
lÕefficacitŽ. La richesse dÕune participation aux activitŽs dÕun rŽseau de solidaritŽ informel
se situe principalement dans la capacitŽ de celui-ci ˆ offrir un support adaptŽ ainsi que des
apprentissages relationnels ˆ ses membres. Lˆ se trouve toute son utilitŽ pratique, car sans
les compŽtences acquises au sein des rŽseaux, la probabilitŽ que ces jeunes sÕint•grent au
marchŽ du travail sÕen trouverait dÕautant plus limitŽe.
Les participants devraient se fixer des objectifs qui tiennent Žgalement compte de la
capacitŽ gŽnŽrale des rŽseaux informels et adapter leur stratŽgie en fonction de ce net
avantage et des limites quÕil comporte.
La derni•re conclusion phare de cette recherche, dont il est important de pouvoir mesurer
la valeur pratique, gravite autour des notions de nŽcessitŽ, dÕangoisse et dÕinquiŽtude, qui
poussent tr•s souvent les jeunes dans les rŽseaux de solidaritŽ informels.
21Dans
le cadre de cette Žtude, la notion de rentabilitŽ est davantage liŽe ˆ lÕacquisition de nouvelles
compŽtences relationnelles et socioprofessionnelles ainsi quÕˆ lÕacc•s ˆ de nouvelles sources dÕinformation
pour les adhŽrents ˆ ce type de rŽseaux. Cette conception se rapproche fortement de la notion de rentabilitŽ
sociale dŽfendue entre autre par Bruyn (1987, 1977) qui soutient que toute Žconomie est sociale, y compris
dans l'entreprise capitaliste. Du point de vue de ÇÊl'inputÊÈ (implicitement reconnue) cette forme de
rentabilitŽ inclue:
256
Ce constat est extr•mement intŽressant puisquÕil permet de dŽlimiter la population quÕil
serait possible de rejoindre avec cet outil quÕest le rŽseau de solidaritŽ informel.
Il ne faudrait donc pas entretenir de faux espoirs ˆ cet effet car les membres de rŽseaux
interrogŽs au cours de lÕenqu•te ont manifestŽ beaucoup dÕinquiŽtude ˆ lÕŽgard de leur
situation de ch™meur et ont exprimŽ clairement que ces derniers sentiments Žtaient au
nombre des quelques ŽlŽments dŽclencheurs de leur besoin de se regrouper.
Ces conclusions indiquent que les rŽseaux de solidaritŽ informels composŽs de jeunes
ch™meurs ont pu se dŽvelopper principalement dÕabord parce que leurs membres ont peu
dÕexpŽrience, peu de contacts sur le marchŽ du travail et peu dÕinformation quant au
fonctionnement de ce dernier (jeunesse) et, ensuite, parce quÕils vivent un sentiment
dÕisolement assez important face ˆ leur situation de ch™meur.
Il faut Žgalement prendre en considŽration, lorsque la valeur pratique de ces rŽsultats est
discutŽe, quÕil semble tout de m•me peu frŽquent que les membres de rŽseaux demeurent
en contact les uns avec les autres une fois quÕils se sont intŽgrŽs au marchŽ du travail.
MalgrŽ que nous ne disposions ni de donnŽes ni de rŽsultats statistiques ayant trait ˆ la
pŽrennitŽ de ces rŽseaux, il semble en effet que, dans le cas o• le rŽseau persiste, les
membres y entrent et en sortent au fur et ˆ mesure que leur situation dÕemploi se
rŽgularise.
Au moment de proposer lÕŽlargissement de ce mod•le, il serait utile de tenir Žgalement
compte de ces rŽsultats afin de cibler adŽquatement la client•le ainsi que le contexte
opŽrationnel optimal.
la cohŽsion sociale; la coopŽration; la participation, la crŽativitŽ, l'imagination; l'engagement au travail; le
capital social; la formation et compŽtence (savoir faire, savoir •tre); l'environnement.
257
5.2.1.2 Les atouts de lÕapproche rŽseau
Les cinq prochaines analyses sur la portŽe des rŽsultats obtenus seront essentiellement
liŽes ˆ ce que lÕon pourrait appeler les atouts du rŽseau. Le premier de ces atouts se
rapporte directement aux rŽsultats de lÕenqu•te qui ont Žtabli lÕefficacitŽ des rŽseaux de
solidaritŽ ˆ rompre lÕisolement ressenti par leurs jeunes membres.
CÕest souvent ˆ travers ses liens Žtroits avec la communautŽ que le rŽseau de solidaritŽ
arrive ˆ offrir ˆ ses membres un contact humain et personnel. NÕayant pas adoptŽ au
dŽpart un mode de fonctionnement institutionnel, ou formel, le rŽseau peut faire preuve de
plus dÕouverture quant aux th•mes de discussion abordŽs lors des rencontres. Il est
effectivement frŽquent de voir une conversation portant sur des prŽoccupations de nature
professionnelle bifurquer sur des tŽmoignages personnels. Cette souplesse du mode de
fonctionnement et le caract•re personnel des Žchanges au sein du groupe am•nent les
membres ˆ sÕouvrir sur des sujets plus vastes que la recherche dÕemploi et les entra”nent
Žgalement dans des discussions sur lÕensemble de leurs difficultŽs quotidiennes et les
solutions diverses quÕils ont trouvŽes. Les solutions dont il est question reposent souvent
sur le recours ˆ des ressources communautaires, informelles ou institutionnelles. Le rŽseau
fait donc ainsi conna”tre ˆ ses membres leurs autres services et ressources disponibles sur
son territoire.
Ce bŽnŽfice direct quÕest le bris de lÕisolement sÕapplique Žgalement ˆ la sph•re
professionnelle. Ainsi, on a constatŽ lors de lÕenqu•te que certaines jeunes femmes qui
avaient connu ou qui connaissent, une interruption professionnelle due ˆ la maternitŽ,
profitaient tout particuli•rement des avantages du rŽseau de solidaritŽ. Ce dernier leur
permet en effet de briser lÕisolement professionnel et de rŽtablir des contacts qui, sans
cette participation, auraient tr•s peu de chances de sÕŽpanouir dans la sph•re privŽe de
leur vie. Dans ce cas prŽcis, le rŽseau de solidaritŽ sert aussi ˆ combler lÕŽcart qui se crŽe,
258
et se creuse au fil des mois dÕabsence du marchŽ du travail, entre la sph•re privŽe et la
sph•re professionnelle.
Il serait donc juste dÕaffirmer, ˆ partir des rŽsultats de cette Žtude, que les rŽseaux de
solidaritŽ informels abaissent les risques de dŽsaffiliation sociale et professionnelle. En
effet, les cycles Žmotifs successifs qui ont ŽtŽ exposŽs plus t™t dans cet ouvrage et qui
caractŽrisent une pŽriode plus ou moins longue de ch™mage ont dŽjˆ menŽ de nombreux
jeunes sur la voie de lÕexclusion sociale. Voilˆ donc une autre valeur tout ˆ fait concr•te en
faveur des rŽseaux de solidaritŽ informels. De plus, aucun autre mode de coordination,
sauf peut-•tre les organismes communautaires dÕintŽgration ˆ lÕemploi, nÕarrivent ˆ
intervenir sur ce phŽnom•ne aussi efficacement que le mode rŽseau.
LÕeffet motivant du groupe est le second volet des rŽsultats ˆ partir duquel il est possible
de dŽgager une valeur pratique. La plupart des personnes interrogŽes ont fait mention de la
source dÕŽnergie que constitue leur groupe dÕentraide ou encore de la ÇÊdriveÊÈ qui les
pousse ˆ poursuivre leurs efforts. Il sÕagit donc dÕun excellent moyen pour soutenir la
motivation.
Il existe cependant une limite quant ˆ la force de lÕaffirmation que lÕon peut faire ici,
lÕŽvaluation nÕayant pas permis dÕŽtendre ce premier concept jusquÕˆ lÕaccroissement de
la motivation. DÕautre part, puisque des cycles de dŽcouragement sont tout de m•me
ressentis par les adhŽrants, il est impossible stipuler quoi que ce soit au-delˆ du soutien de
la motivation.
La valeur de ces rŽsultats sÕobserve Žgalement ˆ travers les comportements individuels de
chacun des membres des groupes. On peut en effet dire que ÇÊplus une personne
sÕimplique dans les activitŽs de son groupe, plus elle en retire de bŽnŽficesÊÈ. Ce rapport
de rentabilitŽ, bien rŽel, semble aussi influencer les dŽcisions de plusieurs quant aux choix
259
quÕils font par rapport ˆ leur implication et au r™le quÕils sont pr•ts ˆ jouer au sein du
rŽseau.
Enfin, cÕest Žgalement toutes les notions de responsabilitŽ et dÕacquisition, de mise en
pratique de compŽtences relationnelles et organisationnelles, qui sont mises ˆ profit ˆ
travers une participation ˆ un rŽseau de solidaritŽ. Les tŽmoignages rŽv•lent effectivement
que son niveau de responsabilisation et de confiance en soi augmente lorsquÕun individu
dŽcide de sÕimpliquer davantage dans lÕorganisation des activitŽs de son rŽseau.
Comme il a ŽtŽ constatŽ au cours de lÕŽlaboration de la problŽmatique, lÕinformation Ð
autant par son acc•s, sa circulation que son contenu Ð se retrouve au cÏur des grandes
rŽflexions sociologiques et Žconomiques touchant lÕintŽgration au marchŽ du travail.
LÕensemble des rŽsultats obtenus ˆ partir des trois hypoth•ses de dŽpart ˆ ce sujet, ont
confirmŽ le caract•re spŽcifique du milieu pour ce qui est dÕalimenter et de varier les
sources informationnelles.
Quoique variables selon le groupe, lÕouverture et lÕabsence dÕinstances intermŽdiaires
crŽent gŽnŽralement un environnement favorisant la libre circulation des informations au
sein des rŽseaux de solidaritŽ informels. Le rŽseau formel ou informel donne bel et bien
acc•s ˆ une nouvelle information. Il serait toutefois risquŽ de la gŽrer, de la rŽpertorier ou
de la contr™ler, puisque cette derni•re en viendrait inŽvitablement ˆ se transformer, voir
m•me dispara”tre.
Il sÕagit dÕidentifier prŽalablement de quel type dÕinformation il est question. Certaines
informations formelles et/ou officielles peuvent tr•s bien •tre classŽes, inventoriŽes et
gŽrŽes. Toutes les informations ne peuvent cependant pas lÕ•tre, et certainement pas
celles qui circulent au sein des rŽseaux informels de solidaritŽ. Les Žmetteurs de
renseignements ne se rŽv•lent en effet quÕˆ certains individus, dans certaines
260
circonstances, et toujours sur une base informelle puisquÕelle est considŽrŽe comme
privilŽgiŽe. Lˆ repose aussi toute la force des rŽseaux. Ces transmissions cesseraient
instantanŽment sÕil Žtait question de rendre lÕinformation publique.
Aussi, lÕinformation circulant dans les rŽseaux de solidaritŽ informels qui ont ŽtŽ ŽtudiŽs
est composŽe dÕun mŽlange variable dÕinformation formelle et/ou technique et
dÕinformation privilŽgiŽe et informelle. Il est donc essentiel de garder ce fait en mŽmoire si
une tentative de formalisation et de dŽveloppement de cette forme dÕentraide Žtait
entreprise. Le rŽseau risquerait alors fortement de perdre certaines de ses sources ou
certains types dÕinformation tout en Žtant mieux ŽquipŽ pour gŽrer et diffuser celles dont
il disposerait.
Autre avantage bien concret ˆ noter, le rŽseau procure assurŽment ˆ ses membres de
meilleures connaissances de leur domaine professionnel ainsi que de nombreuses
informations sur les rŽalitŽs du marchŽ du travail. De plus, le rŽseau favorise lÕacc•s ˆ des
informations concernant divers milieux de travail qui pourraient •tres connexes ˆ celui
dans lequel la ou le jeune cherche prŽsentement ˆ sÕintŽgrer. Ce mode de coordination
permet aussi lÕexploration dÕautres environnements professionnels que celui qui les
intŽresse directement et ainsi, dÕavoir une connaissance beaucoup plus vaste des
possibilitŽs professionnelles qui sÕoffrent ˆ eux.
Certains rŽpondants ˆ lÕenqu•te pensent que leur Žcole, et les Žcoles en gŽnŽral, sont
parfois dŽconnectŽes des rŽalitŽs du marchŽ du travail. Dans ces cas, les participants
rencontrŽs ont affirmŽ que leur rŽseau les ÇÊreconnecteÊÈ avec ces rŽalitŽs et leur procure
des informations utiles ˆ ce sujet.
Au chapitre de lÕinformation, le rŽseau peut enfin avoir des effets bŽnŽfiques concrets et
non nŽgligeables ˆ travers la rediffusion des renseignements ˆ lÕextŽrieur de celui-ci. Il est
261
malheureusement impossible dÕŽlaborer tr•s longuement ˆ ce propos Žtant donnŽ le peu de
donnŽes accumulŽes sur cet aspect prŽcis. LÕeffet est nŽanmoins bien rŽel et contribue ˆ
permettre aux jeunes de rŽpondre aux exigences de leurs futurs employeurs.
Un autre atout du mode ÇÊrŽseauÊÈ de coordination est sans doute la flexibilitŽ de son
fonctionnement et son adaptation aux besoins exprimŽs par ses membres. CÕest en fait
lÕune des caractŽristiques majeures que lÕensemble des intervenants et des chercheurs
dÕemploi devraient prendre en considŽration.
Le terme informel peut porter ˆ croire que ces rŽseaux se caractŽrisent davantage par leur
dŽsorganisation. Comme dŽfini au dŽbut de cette Žtude, l'informel dŽcrit l'Žtat de
lÕorganisation, d'une rencontre ou d'un document qui ne peut •tre rŽpertoriŽ, classŽ ou
reconnu par une structure institutionnelle et qui est donc, sans caract•re officiel.
L'informel poss•de donc ses formes, c'est-ˆ-dire des rapports sociaux structurŽs et
structurants, m•me s'ils ne sont pas prescrits par la loi. La diffŽrence rŽside ici dans le
crit•re d'organisation.
Les rŽsultats obtenus au cours de cette recherche permettent dÕailleurs de constater que
lÕinformalitŽ correspond davantage ˆ la notion de souplesse que de clandestinitŽ ou
dÕirrŽgularitŽ.
Les conclusions de la recherche refl•tent notamment la valeur des rŽseaux informels en
soulignant leur capacitŽ de sÕadapter tr•s rapidement aux besoins ainsi quÕaux multiples
rŽalitŽs et difficultŽs de leurs membres. Ces rŽseaux sont en mesure de rŽpondre sans dŽlai
ˆ ces besoins tant Žmotifs que techniques.
NŽanmoins, il serait faux de laisser croire que les rŽseaux de solidaritŽ informels peuvent
rŽpondre adŽquatement ˆ la totalitŽ des besoins exprimŽs par leurs membres, ces derniers
262
lÕont dÕailleurs confirmŽ sans mŽnagement. Les moyens matŽriels et financiers restreints,
tout comme le manque dÕexpertise professionnelle, rendent impossible lÕautosuffisance de
ce mode de coordination.
Le dernier atout, ŽlŽment spŽcifique au rŽseau de solidaritŽ informel par rapport aux autres
modes dÕintŽgration au marchŽ du travail, concerne ses exigences. En effet, sur la question
des bienfaits ou du maximum de bienfaits quÕils peuvent en retirer, les participants ˆ cette
recherche ont observŽ que plus un membre sÕinvestit dans son groupe, plus on il en retire
de bŽnŽfices.
La participation ˆ un rŽseau de solidaritŽ informel exige certainement plus dÕefforts, mais
responsabilise Žgalement davantage ses membres. Des valeurs, telles que lÕentraide, le
dŽpassement de soi et lÕŽcoute des autres sont tr•s rŽpandues dans ces milieux.
LÕengagement dans un rŽseau de solidaritŽ est basŽ sur ces valeurs, quoiquÕil ne soit pas
possible de gŽnŽraliser ce phŽnom•ne, puisque lÕenqu•te nÕa pas portŽ sur cet aspect et
que certains membres interrogŽs ont avouŽ le faire par nŽcessitŽ.
Il nÕen demeure pas moins que ce climat dÕentraide et de compassion crŽe un
environnement propice ˆ lÕapprentissage et donne confiance, combattant ainsi directement
les cycles de dŽcouragement vŽcus par tous les jeunes membres. Il est Žgalement possible
de dire que la participation ˆ un rŽseau de solidaritŽ informel offre ˆ ces derniers la
possibilitŽ de prendre des responsabilitŽs similaires ˆ celles requises, ou recherchŽes, par
les employeurs.
Ë cet Žgard, lÕensemble des compŽtences relationnelles acquises gr‰ce au support
particulier que procure les rŽseaux de solidaritŽ est lÕun de ses plus grands bŽnŽfices.
263
5.2.1.3 Les inconvŽnients de lÕapproche
MalgrŽ que la grande majoritŽ des personnes interrogŽes aient eu des commentaires des
plus positifs ˆ lÕŽgard de leur groupe dÕentraide, certaines ont identifiŽ des limites quant ˆ
la culture organisationnelle du rŽseau et souhaitaient voir des amŽliorations apportŽes, ne
serait ce que pour le profit des autres membres du rŽseau.
La premi•re limite fut dŽjˆ identifiŽe dans la partie traitant de lÕacc•s ˆ lÕinformation. Il
sÕagit de la grande difficultŽ ˆ baliser lÕinformation qui y circule. Il nÕexiste rŽellement pas,
ou alors tr•s peu, de documentation, de support matŽriel ou de mŽthode de prise de note
permettant de retracer les Žchanges et les thŽmatiques abordŽes lors des rencontres.
CÕest donc ici que le terme informel peut •tre interprŽtŽ dans son sens figurŽ, cÕest ˆ dire
sans aucune rŽgulation. Cette caractŽristique rend dÕailleurs toute tentative dÕarchivage et
de structuration des contenus de discussion ˆ toute fin pratique impossible. QuantitŽ
dÕinformations et de prŽcieux Žchanges sont donc perdus ˆ tout jamais et ne pourront
resservir ˆ dÕautres ch™meurs, ce qui oblige les organisateurs ˆ constamment recommencer
une activitŽ ou rŽpŽter une discussion pour le bŽnŽfice dÕune ou dÕun nouveau membre.
Ce mode de fonctionnement nÕest malheureusement pas sans consŽquences pour les
membres puisquÕune absence ˆ une rencontre peut avoir le malencontreux effet de priver
un membre de renseignements touchant directement sa situation personnelle et/ou
professionnelle.
Chaque rŽseau exploite au moins un autre moyen de communication entre les rencontres
(internet, tŽlŽphone, bouche ˆ oreille, etc.), mais il semble que les Žchanges qui se font ˆ
travers ces canaux traitent moins souvent de la question du travail, et plus frŽquemment
de questions logistiques par rapport aux rencontres. La participation demeure aussi le
264
principal moyen de recueillir de lÕinformation au sein dÕun rŽseau de solidaritŽ informel, ce
qui a Žgalement pour effet de limiter la diffusion de cette derni•re ˆ grande Žchelle.
Parce quÕil nÕexiste aucune contrainte, la participation aux activitŽs rŽguli•res dÕun rŽseau
est des plus fluctuantes et m•me parfois dŽcevante pour les quelques membres ayant pris
la peine de se dŽplacer. Dans ce cas encore, le manque de syst•me Žtabli de
communication semble •tre un des facteurs dŽterminants.
Enfin, force est de constater que la durŽe de vie des rŽseaux de solidaritŽ informels est
relativement ŽphŽm•re. Cette caractŽristique a pour effet :
·
de nŽcessiter une rŽimplantation du rŽseau ˆ chaque fois que le besoin rŽappara”t dans
la vie de ses membres, sÕils sont encore disponibles et intŽressŽs;
·
de sÕappuyer ˆ long terme sur cette ressource (quoique cela soit vrai aussi pour les
autres supports offerts pour la recherche dÕemploi);
·
dÕŽtudier, de quantifier et dÕŽvaluer les impacts ˆ moyen et long terme de ce mode de
coordination.
Toutes ces considŽrations ont aussi des implications concr•tes sur les capacitŽs rŽelles des
rŽseaux et certaines amŽliorations pourraient leur •tre apportŽes, en faisant toutefois
attention de ne pas les dŽnaturer.
5.2.2
ValiditŽ de population
Parmi les questions ˆ poser lors de lÕinterprŽtation des rŽsultats dÕune recherche, on
retrouve celle de la reprŽsentativitŽ lÕŽchantillon. Il est effectivement essentiel de savoir de
quelle population les sujets ŽtudiŽs sont rŽellement reprŽsentatifs pour ensuite dŽterminer
les limites raisonnables de cette reprŽsentativitŽ.
265
Au point de dŽpart, lÕŽchantillon Žtait constituŽ de six rŽseaux devant satisfaire aux
crit•res suivants. Il devait sÕagirÊ:
·
de rŽseaux de solidaritŽ informels;
·
constituŽs de jeunes ‰gŽs de 18 ˆ 35 ans;
·
originaires de la province de QuŽbec (vivant en milieu urbain ou rural);
·
prŽsentement ˆ la recherche active dÕun emploi ˆ temps complet.
Puisque la sŽlection des rŽseaux ayant respectŽ ces crit•res, il nÕest possible de gŽnŽraliser
les rŽsultats obtenus quÕˆ la population des jeunes (18-35 ans) quŽbŽcois et quŽbŽcoises ˆ
la recherche active dÕun emploi et faisant partie dÕun rŽseau de solidaritŽ informel.
Il serait risquŽ de gŽnŽraliser ses rŽsultats aux diffŽrentes sous-catŽgories de la population
cible. MalgrŽ cela, et tout en respectant les fronti•res gŽographiques du QuŽbec, plusieurs
des conclusions sÕŽtant dŽgagŽes de cette recherche peuvent sÕappliquer ˆ de nombreux
adultes cherchant ˆ sÕintŽgrer de mani•re permanente au marchŽ du travail.
Plusieurs adultes en ch™mage font effectivement face aux m•mes difficultŽs, au m•me
sentiment dÕisolement et aux m•mes cycles de dŽcouragement que leurs jeunes coll•gues. Il
existe dÕailleurs des rŽseaux de solidaritŽ informels ne faisant aucune discrimination en
fonction de lÕ‰ge au moment de lÕadhŽsion. LÕobjectif de cette recherche Žtait toutefois de
dŽcortiquer de mani•re bien spŽcifique la situation des jeunes ch™meurs au QuŽbec afin de
pouvoir gŽnŽrer les conclusions et les rŽponses les plus prŽcises possible.
Les forces et les faiblesses caractŽrisant ce mode de coordination peuvent globalement
sÕappliquer dans le cas de jeunes ou dÕadultes ˆ la recherche dÕun emploi ˆ temps partiel.
Ë la lumi•re des conclusions de lÕinterprŽtation des donnŽes, il nÕest pas imprudent
dÕaffirmer que ces rŽseaux dÕentraide peuvent •tre utiles aux jeunes ch™meurs et ce, peu
266
importe la nature, le secteur ou le statut de lÕemploi recherchŽ. Puisque la plus grande
force de ces rŽseaux se trouve dans leur rentabilitŽ en tant quÕagents dÕapprentissage
relationnel, du bris de lÕisolement et du soutien de la motivation, le type dÕemploi sÕav•re
presque secondaire. Les bienfaits provenant de lÕappartenance au groupe peuvent donc
•tre ressentis par toutes et tous, en autant quÕils soient en ch™mage.
Tel que constatŽ plus t™t dans lÕexplication des rŽsultats, le degrŽ dÕinteraction peut
nŽanmoins varier lŽg•rement en fonction de lÕ‰ge des sujets. Les plus jeunes de cette
catŽgorie, cÕest-ˆ-dire les 18-25 vont chercher de lÕinformation de nature plus technique
que leurs a”nŽs, les 25-35 ans, qui eux recherchent davantage les contacts humains et les
Žchanges informationnels. Il est donc clair que tous en retirent des bŽnŽfices particuliers,
qui sont difficiles ˆ gŽnŽraliser pour toute une population de jeunes, dÕadultes ou de
ch™meurs.
La m•me problŽmatique se pose enfin en fonction du genre des membres. Il semble en
effet que les motivations et les bŽnŽfices retirŽs peuvent varier selon que lÕon soit une
femme ou un homme. Plus prŽcisŽment, la gŽnŽralisation des rŽsultats de cette recherche
en fonction du genre peut sÕavŽrer pŽrilleuse quÕil sÕagisse dÕune jeune femme responsable
de jeune(s) enfant(s) ou dÕun jeune homme sans enfant. Or, cette sous sous-catŽgorisation
ne fut pas intŽgrŽe dans la totalitŽ des hypoth•ses de recherche et il est maintenant
difficile de parler en des termes aussi spŽcifiques.
5.2.3
ValiditŽ Žcologique
Au moment de lÕinterprŽtation des rŽsultats, Il faut explorer la possibilitŽ raisonnable
dÕappliquer les connaissances acquises lors de cette recherche ˆ dÕautres contextes. Il est
aussi nŽcessaire dÕŽtablir la ressemblance entre les facteurs jugŽs importants dans une
situation naturelle et ceux qui sont prŽsents dans la situation dÕexpŽrience.
267
LÕentraide observŽe au sein des rŽseaux de solidaritŽ informels de jeunes ch™meurs
quŽbŽcois se situe certainement au cÏur de ces facteurs dits importants dans ce genre de
groupe.
ConformŽment ˆ lÕanalyse de Beausoleil (1988), lÕentraide se caractŽrise par trois grands
facteurs qui sontÊ: lÕŽtablissement dÕun vŽcu commun entre les deux personnes et les
Žmotions semblables ressenties par rapport ˆ ce vŽcu; la gratuitŽ et la libertŽ de la
dŽmarche personnelle; la capacitŽ des entraidants de sÕaccepter en tant quÕ•tres Žgaux.
Aussi ces trois caractŽristiques sont souvent prŽsentes dans les groupes de support
informels ou formels rŽunissant des individus vivant les m•mes expŽriences douloureuses,
physiques, psychologiques ou morales, et la volontŽ de surmonter leurs difficultŽs. Dans
cette dynamique de lÕŽchange, les membres du groupe arrivent peu ˆ peu ˆ se prendre en
main, ˆ amŽliorer leur santŽ, ˆ gagner en autonomie et ˆ aider en retour les autres membres
du groupe.
Des groupes de support qui ciblent diverses problŽmatiques reliŽes ˆ la santŽ, tels que les
Alcooliques Anonymes (AA) ou les conjoints de personnes souffrant de la maladie
dÕAlzheimer, sont des exemples de groupes dont le mode organisationnel est basŽ sur
lÕentraide et dont les bienfaits ressemblent Žtonnamment ˆ ceux observŽs dans le cadre de
cette recherche (Romeder, 1989).
Dans un champ bien diffŽrent, il semble que le principe sous-tend lÕorganisation des
cuisines collectives ressemble aussi fortement ˆ celui sur lequel reposent les rŽseaux de
solidaritŽ informels. En effet, lors de ces rencontres, les participants font beaucoup plus
que cuisiner ensemble et se partager les portions afin de lutter contre les effets de la
pauvretŽ et la malnutrition. Ils re•oivent information et formation ayant trait ˆ la valeur
268
alimentaire des divers ingrŽdients utilisŽs ainsi quÕˆ lÕimportance dÕune alimentation
compl•te et variŽe22.
Ces groupes, dont les services sont obligatoirement gratuits et auxquels on participe
librement, ne r•glent pas vraiment pour eux les probl•mes de leurs membres (ne font pas
le travail ˆ leur place). Toutefois, ils les guident et leur offrent ˆ la fois un support et des
outils pour tenter dÕamŽliorer leur situation, en comprenant les causes et en explorant les
solutions possibles, ainsi quÕen brisant lÕisolement social que ces difficultŽs engendrent
frŽquemment.
Bien que des analyses beaucoup plus poussŽes soient nŽcessaires, il est intŽressant de
constater que plusieurs autres groupes partagent ces principes fondateurs ainsi quÕun
mode de fonctionnement similaire et dont les effets sont Žgalement comparables.
5.3
Conclusion
En nous appuyant sur les faits Žtablis au moment de lÕanalyse et de lÕinterprŽtation des
rŽsultats, et tout en tentant dÕŽviter les interprŽtations abusives, il a ŽtŽ possible de
contextualiser et dÕŽtablir la portŽe rŽelle des conclusions de la recherche. Des
ÇÊconclusions pharesÊÈ ainsi que des atouts ont en outre ŽtŽ dŽgagŽs, puis ont finalement
fait place aux nombreuses difficultŽs dŽcoulant de ce mode de coordination.
Voici la liste succincte des principales conclusions de lÕŽtude :
22
Pour plus dÕinformations sur le dŽveloppement des cuisines collectives au QuŽbec, consulter Noraz,
Christel-Anne. Processus et stratŽgies d'insertion sociale dans un projet communautaire: Le cas de la
Cuisine Collective Hochelaga-Maisonneuve, MontrŽal, UniversitŽ du QuŽbec ˆ MontrŽal.
269
·
Les utilisateurs de rŽseaux informels dÕintŽgration ˆ lÕemploi sont, de mani•re gŽnŽrale,
des ch™meurs de longue durŽe et/ou faiblement outillŽs pour rŽpondre aux exigences
requises sur le marchŽ du travail en mati•re de compŽtences.
·
Les trois principaux modes dÕintŽgration ˆ lÕemploi (institutionnel, communautaire et
informel) nÕengendrent pas de dŽdoublements ou de substitutions de services.
·
LÕapproche rŽseau permet de dŽvelopper des solutions collectives qui renforcent le
sentiment dÕappartenance et dÕaccro”tre lÕautonomie et les compŽtences des
populations cibles.
·
Les rŽseaux de solidaritŽ informels de jeunes ch™meurs quŽbŽcois favorisent
lÕapprentissage de compŽtences relationnelles favorisant lÕŽquilibre Žmotif et
psychologique chez leurs membres.
·
Les rŽseaux sÕav•rent des milieux privilŽgiŽs pour ce qui est dÕexposer les jeunes ˆ de
nouvelles informations circulant difficilement dans dÕautres milieux ou ressources.
·
Ce sont souvent des sentiments dÕangoisse et dÕinquiŽtude qui provoquent chez les
jeunes le besoin de se regrouper dans ce genre de rŽseaux de solidaritŽ.
·
Ces rŽseaux se sont dŽveloppŽs ˆ cause du peu dÕexpŽrience des jeunes, du peu de
contacts quÕils entretiennent sur le marchŽ du travail et du peu dÕinformation quÕils
dŽtiennent en regard de son fonctionnement.
·
Une fois intŽgrŽs au marchŽ du travail, il est plut™t rare que les membres de rŽseaux
demeurent en contact.
Ë la lumi•re de toutes ces rŽflexions, nous avons pu Žtablir dans quelle mesure cette
nouvelle connaissance peut sÕappliquer ˆ une population de jeunes quŽbŽcois et
quŽbŽcoises tentant de sÕintŽgrer au marchŽ du travail ainsi quÕˆ dÕautres contextes
dÕintervention.
CHAPITRE 6
LES RƒSEAUX DE SOLIDARITƒ INFORMELSÊ:
UN CHAMP DÕAPPLICATION Ë ƒLARGIR
6.1
Introduction
Ce dernier chapitre vise ˆ explorer et ˆ exposer le plus prŽcisŽment possible les divers
contextes et conditions dÕapplication des rŽsultats obtenus ainsi que des conclusions
ressortant de cette recherche.
Pour ne pas se limiter au seul secteur informel de lÕintŽgration au marchŽ du travail,
des propositions et pistes dÕaction seront Žgalement ŽlaborŽes en regard des milieux
institutionnels de lÕŽducation et du dŽveloppement de la main-dÕÏuvre.
Le moment est enfin venu dÕenvisager la portŽe de lÕensemble de cette rŽflexion audelˆ du prŽsent et de spŽcifier en quoi cette recherche contribue ˆ lÕavancement des
connaissances en sociologie.
6.2
Prospectives gŽnŽrales
Puisque cette recherche se situe au carrefour de deux axes thŽoriques, les pistes
dÕaction et propositions suggŽrŽes dŽcouleront ˆ la fois du domaine fondamental et du
domaine appliquŽ. De plus, dans le cas de recherches relevant du domaine
fondamental, les connaissances acquises, quoique thŽoriques, peuvent parfois
sÕappliquer immŽdiatement dans des situations concr•tes. Dans le domaine de la
recherche appliquŽe, lÕaspect de la mise en application des rŽsultats est tr•s
important et prolonge ainsi lÕŽtape de lÕinterprŽtation des rŽsultats. Afin de mettre en
271
application ces nouvelles informations, il est prŽfŽrable de dresser une liste de
recommandations. Ces recommandations ne consistent pas nŽcessairement en des
dŽductions fondŽes sur les rŽsultats de la recherche, mais en des suggestions dÕactions
concr•tes ˆ entreprendre et de pratiques ˆ adopter. Elles vont donc plus loin que de
simples conclusions, qui laisseraient le soin au lecteur de prendre ses dŽcisions ˆ la
lumi•re du contenu du rapport de recherche (Lamoureux, 1992Ê: 519).
La prŽsente recherche Žtant partiellement descriptive Ð puisquÕune large part des
questions posŽes lors de lÕenqu•te et de lÕanalyse visaient ˆ dŽcrire le plus
prŽcisŽment possible le fonctionnement des rŽseaux de solidaritŽ informels Ð apporte
un certain niveau de connaissances qui prŽparent le terrain pour des recherches plus
poussŽes sur cette problŽmatique. Certaines hypoth•ses se sont nŽanmoins rŽvŽlŽes
impossibles ˆ vŽrifier au moment de lÕanalyse des donnŽes, soit par manque
dÕinformation ou ˆ cause de lacunes dans le devis de recherche.
Ce fut le type de difficultŽs rencontrŽes au moment de vŽrifier lÕhypoth•se portant
sur lÕinformation (la diversification, lÕŽlargissement et la redondance des sources
dÕinformation). Il fut en effet tr•s ardu de trouver les indicateurs spŽcifiques pour
mesurer le phŽnom•ne de redondance. Dans ce cas prŽcis, le fait que cette dimension
de la recherche arrive ˆ la toute fin de lÕentrevue avec les rŽpondants peut Žgalement
avoir jouŽ sur la quantitŽ ainsi que la qualitŽ des donnŽes recueillies.
Tout comme dans le cas du concept de motivation, il pourrait sÕagir dÕun sujet de
recherche trop vaste en soi pour •tre mesurŽ dans le cadre actuel. Par ailleurs, il nÕest
pas sans intŽr•t de noter que dans ce cas, il Žtait question dÕune hypoth•se ˆ
plusieurs volets et quÕil aurait ŽtŽ certainement plus stratŽgique de se limiter pour
cette recherche ˆ la notion ÇÊm•reÊÈ ou principale. Il serait cependant tout ˆ fait
pertinent de fouiller ces questions lors dÕune seconde Žtude empirique plus poussŽe.
272
Parall•lement, des liens thŽoriques peuvent Žgalement •tre Žtablis entre les concepts
examinŽs lors des analyses complŽmentaires et ainsi gŽnŽrer des Žbauches de thŽories.
On a pu vŽritablement conclure des rŽsultats obtenus que les jeunes femmes
interrogŽes, et plus particuli•rement celles ayant des responsabilitŽs familiales,
manifestent un intŽr•t particulier pour cette forme dÕaide ˆ lÕintŽgration au marchŽ du
travail.
Il semble que les exigences personnelles et professionnelles ainsi que les contraintes
organisationnelles auxquelles doivent faire face les jeunes femmes dŽsirant intŽgrer ou
rŽintŽgrer le marchŽ du travail soient prises en considŽration dans le mode de
fonctionnement des rŽseaux de solidaritŽ informels et que ces derniers soient
particuli•rement bien adaptŽs pour rŽpondre ˆ ces besoins.
Les jeunes femmes ont ainsi partiellement justifiŽ leur participation au rŽseau de
solidaritŽ informel du fait que ce dernier leur permet de se remettre en contact avec les
rŽalitŽs associŽes au marchŽ du travail apr•s une pŽriode plus ou moins longue de
ch™mage. Aussi, et sans pourtant dŽtenir de preuves scientifiques ˆ grande Žchelle, le
contenu explicite des entrevues indique que le rŽseau de solidaritŽ informel offre aux
jeunes femmes un bŽnŽfice spŽcifique que les jeunes hommes ne retirent pas et ne
recherchent pas en premier lieu. Il serait aussi fort intŽressant quÕune recherche
ultŽrieure mette davantage lÕaccent sur cet ŽlŽment prŽcis du fonctionnement des
rŽseaux.
NŽanmoins, femmes et hommes rŽcoltent des fruits de leur participation ˆ leur rŽseau
de solidaritŽ, m•me si la nature de ces fruits varie dÕun individu ˆ lÕautre. Un second
ŽlŽment, non dŽterminŽ au dŽpart de lÕŽtude, fut Žgalement observŽ lors des entrevues
273
et de lÕanalyse des donnŽes. Il sÕagit de la fonction de lÕ‰ge dans lÕintŽr•t que porte les
membres aux diffŽrents aspects de lÕinformation offerte.
Chez la plupart des membres dans la trentaine, les attentes semblent sÕorienter
davantage vers le c™tŽ humain, partage et croissance professionnelle et/ou
personnelle, tandis que pour les plus jeunes les questions techniques reliŽes ˆ
lÕemployabilitŽ occupent une place prioritaire dans leurs intŽr•ts. Au moment de
lÕinterprŽtation des rŽsultats, lÕabsence dÕhypoth•se(s) ciblŽe(s) sur ce phŽnom•ne
prŽcis nous a emp•chŽ dÕŽlaborer un positionnement analytique ferme ˆ cet effet. Il
serait fort ˆ propos de creuser ce phŽnom•ne lors dÕune future recherche qui pourrait
porter sur le fonctionnement des rŽseaux informels.
Enfin, la derni•re amorce de thŽorisation ayant ŽmergŽ de lÕanalyse et de
lÕinterprŽtation des donnŽes, et offrant peut-•tre le plus grand potentiel
dÕexploitation, prend sa source dans la capacitŽ quÕoffrent les rŽseaux de solidaritŽ de
rŽtablir le lien entre les ch™meurs de longue durŽe et le marchŽ de lÕemploi.
Encore une fois, cette dimension nÕŽtait pas ˆ lÕŽtude dans le cadre de lÕenqu•te. Cette
derni•re a toutefois permis de dŽcouvrir que malgrŽ leur jeune ‰ge, les membres des
rŽseaux mis ˆ lÕŽtude Žtaient ˆ la recherche dÕun emploi stable depuis plus longtemps
que la moyenne des ch™meurs quŽbŽcois. Le rŽseau de solidaritŽ informel pourrait-il
devenir une voix dÕintŽgration pour les jeunes marginalisŽs ou ayant dÕimportants
probl•mes dÕinsertion socioprofessionnelle? Pourrait-il permettre aux ch™meurs de
longue durŽe, peu importe leur ‰ge, dÕŽtablir la transition entre une situation
dÕisolement vers une rŽinsertion progressive dans un cadre de fonctionnement plus
structurŽ. Ces pistes dŽmontrent certainement beaucoup de potentiel et mŽriteraient
dÕ•tre approfondies dans des Žtudes ultŽrieures.
274
Mais il est maintenant temps de voir ce qui a pu •tre vŽrifiŽ lors de lÕanalyse et ce qui
peut •tre appliquŽ dans divers milieux reliŽs ˆ lÕintŽgration ˆ lÕemploi.
6.3
Application des nouvelles connaissances et identification de leurs
destinataires
Apr•s avoir rŽpertoriŽ les difficultŽs thŽoriques et mŽthodologiques quÕa comportŽes
cette recherche, il est impŽratif de discuter des hypoth•ses qui se sont confirmŽes,
mais surtout qui ont produit de nouvelles connaissances applicables dans divers
milieux. Le type de recherche en prŽsence permet de circonscrire des contextes
dÕapplication et dÕintervention dans les secteurs reliŽs au dŽveloppement de la jeune
main-dÕÏuvre.
Au cours de la rŽflexion portant sur la mise en application des conclusions, il sera
notamment question du milieu de lÕŽducation. Lieu universel pour rejoindre les jeunes
et les placer en contexte dÕapprentissage, ce secteur se trouve en premi•re ligne pour
dispenser quantitŽ dÕinformations au sujet des rŽseaux de solidaritŽ informels. Que ce
soient au niveau secondaire (DEP), collŽgial (DEC technique) ou universitaire
(baccalaurŽat, ma”trise et doctorat), le secteur de lÕenseignement offre ˆ tous les
niveaux des programmes dŽbouchant directement sur le marchŽ du travail et est celui
qui, de prime abord, doit prŽparer ses Žtudiants aux rŽalitŽs propres ˆ ce dernier ainsi
quÕaux diverses techniques de recherche dÕintŽgration socioprofessionnelle.
Une fois sortis de lÕŽcole, les jeunes tentent de se trouver un emploi. SÕils rencontrent
alors des difficultŽs, la plupart solliciteront de lÕaide aupr•s des ressources
institutionnelles dans le domaine. Ces derni•res reprŽsentent Žgalement des milieux
propices ˆ la diffusion de lÕinformation concernant les rŽseaux de solidaritŽ informels.
275
Certains, souvent parce quÕon leur aura recommandŽ, frŽquenteront des organismes
communautaires spŽcialisŽs en intŽgration au marchŽ du travail pour les jeunes. Ces
derni•res ressources peuvent-elles aussi, promouvoir le recours aux rŽseaux informels.
Il existe enfin un nombre important de regroupements de jeunes (coll•gues, amis,
voisins, etc.), formels ou informels et difficilement catŽgorisables, qui peuvent jouer
un r™le de premier plan dans la mise sur pied ou le soutien de rŽseaux informels
parall•les. On explique juste ci-apr•s en quoi ces divers secteurs, touchant de pr•s ou
de loin la question de lÕemployabilitŽ des jeunes peuvent constituer dÕexcellents
milieux dÕintervention.
6.4
Pratiques dÕintervention sociale
Les phases prŽcŽdant lÕinterprŽtation des rŽsultats et lÕanalyse des connaissances
acquises nous am•nent ˆ envisager diverses applications pratiques ou ˆ formuler des
recommandations concr•tes ˆ lÕŽgard de ces constats. Voici donc les divers milieux qui
ressortent comme susceptibles dÕoffrir soit un environnement propice ˆ lÕŽclosion de
rŽseaux de solidaritŽ informels en raison de la client•le quÕils re•oivent, de
promouvoir lÕutilitŽ et la formation de tels regroupements dÕentraide.
6.4.1
·
Le milieu institutionnel
Le rŽseau ˆ lÕŽcole
Le milieu de lÕŽducation constitue sans aucun doute la premi•re et la principale
occasion quÕont les jeunes dÕentendre parler des effets positifs que peuvent apporter,
dans tous les aspects de leur vie, les rŽseaux de solidaritŽ informels. Les avantages des
ÇÊOld Boys NetworkÊÈ sont effectivement reconnus depuis de nombreuses annŽes.
276
Il existe dŽjˆ au niveau secondaire des cours de ÇÊchoix de carri•reÊÈ, dont lÕexistence a
ŽtŽ remise en question lors de la rŽcente rŽforme de lÕŽducation au QuŽbec.
Malheureusement, par le passŽ, on parlait tr•s rarement ou bri•vement dans le cadre
de ces cours, des rŽseaux de solidaritŽ informels comme mŽthode alternative de
recherche dÕemploi et comme source dÕinformation privilŽgiŽe.
Il serait possible de dŽbattre longtemps des avantages et inconvŽnients liŽs ˆ cette
rŽforme du syst•me de lÕŽducation ainsi que des nouvelles fa•ons de faire quÕelle
introduit. Une chose est nŽanmoins claire, les professeurs auront un r™le central ˆ
jouer au regard de la problŽmatique de lÕintŽgration professionnelle des jeunes.
DorŽnavant, cÕest exclusivement durant leurs heures de cours que les Žtudiants et les
Žtudiantes auront lÕoccasion dÕobtenir de lÕinformation quant ˆ la pratique de certains
mŽtiers et les diffŽrentes techniques pour trouver un emploi.
Et pourquoi donc faire cet effort supplŽmentaire et ajouter un nouvel ŽlŽment aux
contenus de cours dŽjˆ considŽrablement chargŽs? Parce que lÕenseignement de
lÕexercice dÕune profession ne peut •tre pleinement profitable pour les apprentis que
si parall•lement on les outille pendant quÕils sont Žtudiants pour obtenir cet emploi.
Il est aussi important de prŽciser que ces commentaires et recommandations
sÕadressent ˆ la fois aux professeurs Ïuvrant aux niveaux secondaire, collŽgial et
universitaire (trois cycles) puisque des programmes de formation professionnelle
sont offerts dans tous ces Žtablissements. De plus, la plupart des jeunes rencontrŽs
en entrevue (ˆ lÕexception de ceux et celles ayant ŽtudiŽs en carriŽrologie) avaient
souffert dÕun manque dÕinformation relativement aux diverses mŽthodes de recherche
dÕemploi et ce, peu importe leur ‰ge et leur niveau de formation.
277
Un grand nombre de jeunes rencontrŽs au cours de cette recherche ont en effet
dŽplorŽ le peu de liens existant entre le monde de lÕŽducation et celui du marchŽ du
travail. Ces derniers sont m•me allŽs jusquÕˆ dire que le milieu de la formation les
avait mal prŽparŽs aux rŽalitŽs et exigences du marchŽ du travail et quÕil Žtait difficile
de faire les liens entre la mati•re enseignŽe en cours et les compŽtences requises par
les employeurs.
Il est donc important de souligner ˆ quel point le r™le du milieu scolaire deviendra
primordial dans la prŽparation des jeunes ˆ leurs futures responsabilitŽs de
travailleurs et travailleuses. CÕest pourquoi il devrait •tre en mesure dÕinformer
adŽquatement les Žtudiants quant aux diffŽrentes barri•res et exigences auxquelles ils
auront ˆ faire face plus tard. De plus, il serait tout aussi pertinent que les enseignants
obtiennent plus dÕinformation sur les impacts psychologiques, sociaux et
Žconomiques reliŽs ˆ lÕŽtat de ch™meur dans les sociŽtŽs quŽbŽcoise et nordamŽricaine. Le fait dÕ•tre conscient des diffŽrents cycles psycho-Žmotifs associŽs ˆ ce
phŽnom•ne peut effectivement prŽvenir ou retarder, le processus dÕisolement, et
ultimement de dŽsaffiliation sociale. Cela peut Žgalement encourager les jeunes ˆ
chercher de lÕaide et ˆ sÕŽtablir des rŽseaux au moment de traverser cette phase
souvent dŽcourageante que reprŽsente lÕinsertion en emploi.
Dans le m•me ordre dÕidŽes, le secteur Žducatif sÕav•rerait le milieu idŽal pour faire
conna”tre et faire visiter aux Žtudiants, les diffŽrentes ressources disponibles pouvant
leur offrir du soutien au moment dÕentreprendre une recherche dÕemploi. Les
Žtudiants apprendraient par la m•me occasion ˆ utiliser efficacement les diffŽrentes
ressources, Žtape qui pourrait leur Žviter pertes de temps, casse-t•te et dŽceptions
lors de futures dŽmarches dÕintŽgration.
278
Ce processus dÕexploration pourrait Žgalement offrir ˆ ces futurs travailleurs des
informations les conduisant ˆ distinguer avec plus de facilitŽ les multiples ressources
disponibles ainsi que leurs principaux avantages et inconvŽnients. Que se soit au sujet
du territoire, du mode de fonctionnement ou encore des cožts associŽs ˆ leur
utilisation, les enseignants pourraient inclure ce type de renseignements lors de
discussions touchant le monde de lÕemploi.
Parall•lement, il est tout aussi important que les jeunes arrivent ˆ bien identifier et
dŽcoder la nature des informations dont ils auront besoin au moment de se trouver du
travail, tout comme ils doivent apprendre o• circulent ces diffŽrentes informations
(par exemple, dans les centres locaux dÕemploi, les centres locaux de dŽveloppement,
etc.). Cet aspect est dÕautant plus important quÕˆ cette Žtape de leur cheminement,
les jeunes se sentent souvent isolŽs et dŽconnectŽs des informations minimales
nŽcessaires ˆ lÕobtention dÕun emploi.
Enfin, les professeurs sont aussi les mieux placŽs pour parler des rŽseaux de solidaritŽ
informels comme outil supplŽmentaire lors dÕune recherche dÕemploi. Il est
certainement utile que les enseignants aient au prŽalable une bonne comprŽhension
des distinctions entre un rŽseau social, un rŽseau personnel et un rŽseau professionnel
ainsi quÕentre un rŽseau formel ou informel, pour pouvoir ensuite expliquer comment
se b‰tir des rŽseaux efficaces. Or, la construction dÕun rŽseau social commence la
plupart du temps au cours des Žtudes secondaires, collŽgiales et universitaires. Un
premier groupe dÕindividus jouant un r™le significatif dans la vie du jeune et nÕŽtant
pas composŽ de membres de sa famille immŽdiate est ainsi crŽŽ. Ce rŽseau pourra
ensuite •tre dÕun grand support ˆ ces personnes tout au long de leur vie.
En plus de savoir o•, quand et comment se construire un rŽseau, il serait Žgalement
profitable pour ces Žtudiants de comprendre les concepts de liens forts et de liens
279
faibles. En saisissant queÊ: ÇÊplus la relation entre deux individus est forte, plus
grande sera la possibilitŽ que ces individus connaissent les m•mes personnesÊÈ, que
ÇÊles liens faibles augmentent les chances d'un individu de trouver des personnes aux
intŽr•ts et aux connaissances multiples dans leur rŽseau pouvant leur venir en aide en
cas de besoinÊÈ et ÇÊquÕen somme, les liens faibles qu'entretiennent les individus avec
leur rŽseau personnel leur permettent d'obtenir des emplois plus satisfaisants que
lorsqu'il s'agit de liens fortsÊÈ (Granovetter, 1973), leurs professeurs leur enseignent
comment et ˆ quel moment recourir ˆ leurs rŽseaux.
Les ŽlŽments suivants ont entres autres ŽtŽ identifiŽs par Granovetter (1973),
Lagarenne et Marchal (1995) comme Žtant la base dÕun bon rŽseau de liens faibles :
1. anciens employeurs;
2. anciens coll•gues de travail;
3. anciens clients;
4. anciens camarades de coll•ge, de cours spŽcialisŽs ou dÕuniversitŽ;
5. amis et parents dÕamis;
6. connaissances ˆ travers les loisirs et sports;
7. amis des parents/beaux-parents;
8. voisins ou anciens voisins;
9. anciens professeurs, doyens de coll•ge, directeurs dÕŽcole;
10. leader communautaire;
11. membres dÕassociations professionnelles;
12. reprŽsentants politiques (dŽputŽs);
13. banquiers et experts en conseils financiers;
14. comptable, avocat, notaire, mŽdecin;
15. propriŽtaires ou anciens propriŽtaires;
16. commer•ants;
280
17. agents ou courtiers (immeubles, assurances, ou toute autre transaction importante
et ˆ long terme);
18. toute personne respectŽe dans son milieu et qui peut servir de rŽfŽrence lors
dÕune dŽmarche dÕemploi.
·
Le rŽseau du dŽveloppement de la main-dÕÏuvreÊ: la porte dÕentrŽe des
chercheurs dÕemploi
Peu importe leur ‰ge, leur sexe ou leur domaine de formation, les ch™meurs Ð quÕils
soient prestataires de lÕassurance-emploi ou de lÕassistance-emploi, ou quÕils soient
sans ch•que Ð transigent par les Centres locaux dÕemploi (CLE). Tel quÕexpliquŽ au
premier chapitre de cet ouvrage, en tant quÕorganes officiels du gouvernement du
QuŽbec, ces ressources doivent offrir divers services ˆ la population qui dŽsire
sÕintŽgrer au marchŽ du travail.
LÕapproche rŽseau nÕest toutefois pas intŽgrŽe et rŽpandue dans les pratiques de ces
organismes. Pourtant, ces derniers sont extr•mement bien placŽs, en tant
quÕorganismes de premi•re ligne, pour informer, promouvoir et stimuler la mise en
place de rŽseaux de solidaritŽ informels aupr•s des jeunes qui viennent les consulter.
PuisquÕil nÕexiste pas de risque de dŽdoublement des services de ces organismes
gouvernementaux, il semble quÕil serait tout ˆ leur avantage dÕencourager leur crŽation
et de se donner ainsi une chance de plus de diminuer le nombre de jeunes sur leurs
listes de prestataires. Il ne sÕagit donc pas de tenter une institutionnalisation des
rŽseaux informels Ð ceux-ci verraient leurs impacts sÕamenuiser rapidement Ð mais
bien dÕencourager leur mise sur pied aupr•s de leur client•le.
Comment cela peut-il se faire? Tout dÕabord en encourageant la constitution de
rŽseaux parmi les clients des CLE apr•s une participation ˆ une mesure dÕaide.
281
Nombreux sont les prestataires qui sont dirigŽs vers un programme visant ˆ amŽliorer
leur employabilitŽ. Cette situation est encore plus vraie dans le cas des jeunes car,
malgrŽ le moratoire actuel sur lÕapplication du r•glement, le gouvernement en place
veut obliger les jeunes ˆ participer ˆ une mesure dite active (programme
dÕemployabilitŽ ou retour ˆ lÕŽcole) sans quoi, ces derniers verront leurs prestations
sensiblement rŽduites.
Selon nous, il serait contre-productif dÕimposer des pŽnalitŽs financi•res aux jeunes
qui refusent de participer. Des Žtudes dÕEmploi-QuŽbec dŽmontrent bien que le taux
de participation ne sÕŽl•verait pas significativement et que cette mesure aurait pour
effet de marginaliser et de prŽcariser encore davantage la situation financi•re de jeunes
dŽjˆ au bord du ÇÊdŽcrochage socialÊÈ.
Il serait aussi nettement plus profitable de favoriser la composition de rŽseaux et de
permettre ˆ ces jeunes de sÕimpliquer au sein de groupes dÕentraide. DÕailleurs, des
projets-pilotes permettant aux ch™meurs de prolonger leurs prestations en Žchange
dÕune participation ˆ un rŽseau dÕemployabilitŽ ont dŽjˆ ŽtŽ implantŽs, il y a de cela
plusieurs annŽes. Il est malheureusement impossible dÕobtenir une Žvaluation de cette
expŽrimentation, mais lÕidŽe de base est toujours valable et offre beaucoup de
potentiel.
Comme dans le cas du secteur de lÕŽducation, les professionnels travaillant dans ces
ressources auraient grand besoin dÕ•tre sensibilisŽs aux multiples avantages, aux
limites certaines ainsi quÕaux conditions dÕapplication des rŽseaux de solidaritŽ
informels. Ces professionnels seraient ainsi en mesure de mieux Žvaluer si cet outil
correspond ou non aux besoins de la client•le universelle quÕils re•oivent, dont
plusieurs jeunes ch™meurs de longue durŽe.
282
Autre caractŽristique de ces ressources, elles poss•dent sans contredit plus de
moyens financiers, techniques et matŽriels que lÕensemble des autres modes dÕacc•s ˆ
lÕemploi. Aussi, il leur serait possible dÕoffrir un certain support ˆ leurs clients
dŽsirant se rŽunir avec dÕautres ch™meurs. Cette aide pourrait prendre la forme de
pr•t de locaux, de matŽriel et dÕoutils pŽdagogiques, de guide dÕinformation, de
participation ou de tŽmoignages de personnes-ressources travaillant dans les CLE,
etc.
Les CLE pourraient Žgalement faire la promotion des succ•s obtenus par leurs clients
gr‰ce ˆ leur participation ˆ un rŽseau de solidaritŽ informel. Le fait de rendre cette
information disponible ˆ un plus grand nombre de clients pourrait avoir un effet
dÕentra”nement chez ces derniers.
Finalement, il serait dommage dÕexclure tout un pan du syst•me institutionnel destinŽ
au dŽveloppement de la main-dÕÏuvre au QuŽbec. Il existe en effet dÕautres
ressources offrant des services de premi•re ligne ˆ des jeunes sans emploi. Il sÕagit
des Centres locaux de dŽveloppement (CLD). Ces ressources se spŽcialisent dans le
dŽveloppement Žconomique local et rŽgional ainsi que dans le soutien ˆ
lÕentrepreneuriat, jeune et moins jeune.
ConsidŽrant quÕon encourage souvent les jeunes QuŽbŽcois et autres groupes
marginalisŽs au plan de lÕemploi qui nÕarrivent pas ˆ sÕintŽgrer au marchŽ traditionnel
du travail, ˆ dŽmarrer une entreprise ou ˆ se crŽer leur propre emploi; considŽrant
aussi que le succ•s dÕune jeune entreprise dŽpend ŽnormŽment de son rŽseau de
contacts privilŽgiŽs, et que les Centres locaux de dŽveloppement ont pour mandat de
soutenir ces entrepreneurs, il semble logique dÕassocier la mission de cette ressource ˆ
la facilitation de lÕŽmergence de rŽseaux de solidaritŽ informels chez les jeunes. En
283
effet, les CLD sont parfaitement positionnŽs pour jouer un r™le proactif dans de
rŽseautage informel de :
·
jeunes entrepreneurs afin quÕils puissent Žchanger sur leurs expŽriences
respectives et se conseiller mutuellement ˆ cet Žgard;
·
jeunes entrepreneurs avec des entrepreneurs plus expŽrimentŽs dans le but de
faire bŽnŽficier la jeune gŽnŽration des richesses informationnelles privilŽgiŽes
quÕont accumulŽes leurs a”nŽs au fil des annŽes.
Plusieurs rŽseaux formels de gens dÕaffaires ont dÕailleurs dŽjˆ commencŽ ˆ implanter
cette forme de mentorat et des impacts positifs semblent sÕen dŽgager tr•s
rapidement.
6.4.2
Le milieu communautaireÊ: une vision partagŽe
Parall•lement au secteur institutionnel de la main-dÕÏuvre, Žvoluent des organismes
communautaires dont certains se spŽcialisent dans lÕintŽgration socioprofessionnelle
des jeunes (Carrefours, Jeunesse Emploi, Services externes de main-dÕÏuvre jeunes,
etc.). Les similitudes entre lÕapproche holistique communautaire et celle, plus
informelle, des rŽseaux ont dŽjˆ longuement ŽtŽ discutŽes dans le cadre de cette
recherche. Et malgrŽ ces nombreux points communs, lÕapproche rŽseau demeure peu
pratiquŽe et peu rŽpandue dans le secteur communautaire. Le personnel travaillant
dans ces organismes conna”t, de mani•re gŽnŽrale, les divers avantages des rŽseaux
informels comme mŽthode dÕintŽgration au marchŽ du travail. Plusieurs demandent
dÕailleurs aux participants et participantes dans leurs ateliers de dresser une liste
dÕindividus constituant leur rŽseau personnel et leur sugg•rent fortement dÕactiver ces
contacts afin dÕobtenir des informations ou des rŽfŽrences quant aux ouvertures de
postes dans certaines entreprises. Mais lˆ sÕarr•tent leurs dŽmarches, ces derniers
284
intervenants nÕayant pas lÕoccasion de pousser davantage leurs clients ˆ se constituer
un rŽseau en dÕintŽgration au marchŽ du travail sur leurs propres bases.
Pourtant, ces organismes communautaires, o• passent de nombreux jeunes cherchant
divers moyens pour sÕintŽgrer ˆ lÕemploi constituent idŽologiquement un partenaire
naturel et pourraient faciliter la prise de contact entre leurs clients, tout comme avec
lÕensemble des autres modes de coordination rŽgularisant le marchŽ. Ë lÕinstar des
ressources institutionnelles, les groupes communautaires pourraient profiter de cette
occasion pour ajouter ˆ leurs outils dÕintervention lÕexpŽrience des rŽseaux de
solidaritŽ informels dÕaide ˆ lÕemploi.
Comme dans le cas des autres secteurs, les professionnels Ïuvrant au sein des
organismes communautaires pourraient •tre sensibilisŽs aux nombreux avantages et
inconvŽnients de ce type de ressources moins rŽpandues. Ils seraient ainsi plus en
mesure dÕintŽgrer une partie des techniques utilisŽes dans lÕapproche rŽseau, et par le
fait m•me, dÕen faciliter la mise en place.
M•me sÕils poss•dent moins de moyens financiers, techniques et matŽriels que les
ressources institutionnelles dÕaide ˆ lÕemploi, il leur serait nŽanmoins possible dÕoffrir
un certain support ˆ leurs clients dŽsirant se rŽunir avec dÕautres ch™meurs. Cette
aide pourrait ici aussi prendre la forme de pr•ts de locaux, de matŽriel et dÕoutils
pŽdagogiques; de guides dÕinformation; de la participation ou des tŽmoignages de
personnes-ressources travaillant dans lÕorganisme, etc.
Enfin, les organismes communautaires constituent le milieu le plus propice qui soit
pour le recensement des activitŽs et moyens mis au point au sein de ces groupes, afin
dÕen faire profiter un plus large public.
285
6.4.3
Les ressources privŽes dÕaide ˆ lÕemploi
Elles sont nombreuses, souvent spŽcialisŽes dans le domaine des affaires, de la
gestion et des ressources humaines, et elles sont gŽnŽralement assez cožteuses. Par
contre, ces ressources privŽes exploitent tr•s frŽquemment, et tr•s largement, le
principe du rŽseau informel (composŽ de liens faibles) dans leur stratŽgie
dÕintŽgration ou de rŽintŽgration ˆ lÕemploi.
Ë preuve, selon la documentation de lÕune dÕentre elles, le rŽseau de contacts et de
rŽfŽrences constitue la premi•re direction ˆ prendre lorsquÕun individu se cherche du
travail. Or, cette premi•re direction vise la stratŽgie de marchŽ dont rŽsultent au
moins 75Ê% des nouveaux emplois obtenus (Granovetter, USA Department of
Labor). Il faut donc consacrer les efforts et lÕassistance nŽcessaires ˆ la conception et
au dŽveloppement de son rŽseau afin dÕavoir acc•s ˆ ces positions. Toujours selon
cette ressource privŽe, lÕemphase (cÕest-ˆ-dire au moins 75Ê% de son temps) devrait
•tre mise sur le dŽveloppement et lÕutilisation de ce rŽseau.
Il est dÕune part heureux de constater que ces ressources spŽcialisŽes Ð qui doivent
obtenir des rŽsultats concrets puisquÕelles sont elles-m•mes des entreprises privŽes
dont les bŽnŽfices sont basŽs sur le maintien dÕune rŽputation dÕefficacitŽ et de haut
rendementÐ exploitent cet outil dans sa forme la plus pure et en pr•chent les
avantages. Il est dÕautre part malheureux que ce soit cette forme dÕaide qui soit la plus
ch•re du point de vue Žconomique et la moins rŽpandue.
Il se peut tout de m•me que lÕinformation circule de mani•re suffisamment fluide
pour que des jeunes puissent avoir acc•s ˆ de prŽcieux conseils ˆ travers leurs
propres rŽseaux informels et les mettent en pratique
286
6.4.4
Les groupes ÇÊjeunesseÊÈ
Il existe une multitude de groupes formels et informels de jeunes se rŽunissant autour
de th•mes aussi variŽs les uns que les autres. PuisquÕils sont difficiles, parfois m•me
tr•s difficiles ˆ rŽpertorier, comme ˆ pŽnŽtrer, les effets ou la mise en application des
connaissances dŽgagŽes lors de cette recherche ne peuvent avoir quÕassez peu
dÕimpacts ˆ court ou moyen terme. Il appara”t toutefois clairement, ˆ partir des
quelques informations recueillies ˆ ce sujet, que ces groupes sont peu sensibilisŽs aux
bienfaits et aux bŽnŽfices de ces rŽseaux informels dÕintŽgration au marchŽ du travail.
LÕune des rares possibilitŽs quÕil semble rŽaliste dÕexploiter dans ces cas, consiste ˆ
rejoindre les jeunes ˆ travers leur participation aux activitŽs dÕautres groupes ou
organismes jeunesse, plus ou moins structurŽs, comme les Maisons de jeunes, le
mouvement Scout et Guide, ou encore le Chic Resto Pop, par exemple. MalgrŽ
lÕabsence de lien direct entre la formation professionnelle, lÕinsertion en emploi et ces
organisations, il serait tout de m•me possible de faire passer un certain nombre
dÕinformations pouvant se rŽvŽler utiles pour leurs participants dans un proche
avenir. Le tout pourrait se faire de mani•re indirecte, en rendant disponible de la
documentation ou de courts messages ˆ ce sujet sur les babillards, ou plus
directement, en intŽgrant cette thŽmatique aux activitŽs de lÕorganisme. Comme
partout ailleurs, et par souci dÕefficacitŽ, les intervenants travaillant ou faisant du
bŽnŽvolat au sein de ces organismes auraient certainement besoin dÕ•tre eux-m•mes
informŽs des bŽnŽfices et des limites de cette forme de soutien.
EspŽrons quÕen semant chez eux lÕidŽe que lÕentraide et le rŽseautage sont payants
lorsquÕon est ˆ la recherche dÕun emploi, ils y reviendront le moment venu.
287
6.5
Contribution thŽorique de cette recherche
Au-delˆ des interventions pratiques qui existent au sein des milieux institutionnel,
communautaire et associatif reliŽs au dŽveloppement de la main-dÕÏuvre, et qui sont
mises de lÕavant par lÕauteure, les retombŽes sociologiques de cette recherche rŽsident
Žgalement au niveau thŽorique.
Tel quÕŽnoncŽ clairement lors de lÕŽlaboration de la problŽmatique, le principal
objectif de cette Žtude Žtait dÕexplorer et de mieux comprendre pourquoi, et en quoi,
les rŽseaux de solidaritŽ informels se positionnent avantageusement par rapport aux
autres techniques de recherche dÕemploi.
Puisque le rendement supŽrieur des rŽseaux de solidaritŽ comme moyen dÕintŽgration
au marchŽ du travail avait dŽjˆ ŽtŽ dŽmontrŽ, cette Žtude sÕest davantage concentrŽe
sur les mŽcanismes de fonctionnement et de constitution des relations entre les
membres de ces rŽseaux. Aussi, afin de faire un pas de plus vers une comprŽhension
poussŽe des rŽseaux informels et dÕexpliquer leur efficacitŽ, ce sont les relations
sociales ainsi que la nature m•me de cette efficacitŽ qui ont ŽtŽ examinŽes.
Des Žconomistes et sociologues avaient rŽalisŽ quelques grandes enqu•tes visant ˆ
dŽmontrer, dans diverses circonstances, lÕefficacitŽ ainsi que les possibilitŽs dÕacc•s ˆ
lÕemploi quÕoffrent les rŽseaux. Bri•vement, ces enqu•tes avaient dŽmontrŽ que, du
c™tŽ de lÕemployeur, les rŽseaux sont avantageux en raison de leur faible cožt, de la
qualitŽ des candidats prŽsentŽs, de leur proximitŽ gŽographique, limitant
lÕabsentŽisme ainsi que les retards dus ˆ des probl•mes de transport, et enfin parce
que souvent les employŽs recrutŽs de cette mani•re demeureront plus longtemps au
service de lÕentreprise. Du c™tŽ des individus ˆ la recherche dÕun emploi, la recherche
par lÕintermŽdiaire du rŽseau sÕav•re efficace puisquÕelle diminue lÕimportance
288
accordŽe aux dipl™mes, permet la nŽgociation de meilleurs salaires dÕentrŽe, et procure
aux candidats des informations privilŽgiŽes ˆ la fois sur lÕemploi et lÕentreprise.
En ciblant lÕobjet de cette recherche sur les aspects du fonctionnement des rŽseaux
plut™t que sur celui du nombre dÕemplois obtenus, il a ŽtŽ possible de faire un pas de
plus vers une meilleure comprŽhension des relations sociales au sein dÕun groupe de
jeunes nÕarrivant pas ˆ sÕintŽgrer au marchŽ du travail dÕune sociŽtŽ industrialisŽe et
des plus avant-gardiste en termes Žconomiques et technologiques.
Les fruits de cette recherche forcent aussi ce champ dÕŽtude, quÕest la sociologie du
travail, ˆ repenser sa dŽfinition du concept dÕefficacitŽ des rŽseaux en fonction, non
plus seulement dÕune intŽgration rŽelle au marchŽ du travail, mais dÕun
rapprochement sÕeffectuant entre ce dernier et de jeunes ch™meurs, et dÕune sŽrie
dÕapprentissages/bŽnŽfices secondaires quÕen tirent les adhŽrents et les adhŽrentes.
DorŽnavant, il faudra donc parler de cette rentabilitŽ des rŽseaux de solidaritŽ
informels.
En dŽfinissant de telle mani•re les groupes dÕentraide informels en recherche
dÕemploi, cette th•se contribue ensuite ˆ positionner clairement les rŽseaux dans
lÕensemble des divers modes de coordination identifiŽs par Granovetter (1993),
Boyer et Hollingsworth (1997). Une fois quÕil est Žtabli que ces groupes Žpousent
davantage
les
comportements
organisationnels
caractŽrisant
lÕapproche
transactionnelle (ou structuraliste) de tradition amŽricaine, il est ensuite possible de
mieux les distinguer et les situer par rapport aux autres modes de coordination que
sont les marchŽs, les institutions, les hiŽrarchies, les associations et les communautŽs.
Une sociŽtŽ telle que le QuŽbec, ne pourrait •tre constituŽe majoritairement de
rŽseaux (formels ou informels), les mod•les purs ou exclusifs nÕexistant dÕailleurs
289
dans aucune sociŽtŽ occidentale dŽveloppŽe. Les rŽseaux informels ne viennent donc
pas remettre en question le mod•le dominant de coordination, mais contribuent
nŽanmoins ˆ lÕenrichissement de ce m•me mod•le tout en y apportant un ensemble
dÕŽlŽments spŽcifiques. La sociŽtŽ quŽbŽcoise, essentiellement construite sur des
modes institutionnels et hiŽrarchiques de coordination, a aussi vu sÕinstaller au fur et
ˆ mesure que les services dÕintŽgration ˆ lÕemploi se dŽveloppaient un certain niveau
de compŽtition entre ces derniers. PuisquÕune certaine concurrence existe dŽjˆ entre
les services gouvernementaux et communautaires, il est logique de penser quÕune forte
expansion du mod•le ÇÊrŽseauxÊÈ pourrait avoir le m•me effet. Mais, Žtant bien loin
de cette rŽalitŽ, les rŽseaux de solidaritŽ informels jouent un r™le nettement plus
complŽmentaire au sein de ce mod•le dominant. Pour reprendre ici lÕimage de
Granovetter (1993), le rŽseau et la communautŽ servent de lubrifiant pour assurer une
articulation fluide des divers modes de coordination socioŽconomique et nourrir la
sociŽtŽ. Leur prŽsence est donc indispensable et leur r™le fondamental pour la bonne
marche de la sociŽtŽ, mais ces derniers ne pourront jamais se substituer au mod•le
dominant.
Telle que prŽsentŽe prŽcŽdemment, la perspective transactionnelle ou structurelle
facilite lÕŽtude des rŽseaux en proposant de dŽcrire la dynamique des Žchanges qui y
circulent. Elle s'av•re particuli•rement pertinente et utile lors de travaux, tels que
ceux-ci, s'intŽressant aux moyens de circulation de l'information, des biens matŽriels
ou des contr™les au sein du rŽseau.
Ces deux derni•res approches sont en fait complŽmentaires. Il faut par contre noter
que parmi les travaux qui en dŽcoulent, plusieurs se limitent ˆ l'identification des
membres du rŽseau. Lemieux (1982Ê: 26) prŽcise dans son ouvrage sur lÕanalyse
rŽseau que le sociologue qui voudra dŽpasser cette limite devra, dans un deuxi•me
temps, se concentrer sur certaines variables caractŽristiques des membres (sexe, ‰ge,
290
etc.) pour qualifier ce rŽseau. Il rappelle ˆ cet effet, que c'est la position du probl•me
qui doit •tre la premi•re Žtape d'une bonne mŽthode. Est-ce que le type de probl•mes
ˆ l'Žtude ont trait ˆ la forme du rŽseau, ˆ sa substance (structure) ou ˆ sa
fonctionnalitŽ? Les deux premiers types de probl•mes ayant dŽjˆ ŽtŽ abordŽs, le
mandat de cette recherche fut principalement de dŽcrire les probl•mes de
fonctionnalitŽ et ensuite de substance, comme Žtant ceux qui se rapportent aux liens
entre un rŽseau et le marchŽ du travail. Et cÕest ˆ ce titre Žgalement que la prŽsente
recherche permet de faire un pas de plus dans la mise en relation des divers modes de
coordination informationnelle reliŽs au marchŽ du travail ˆ lÕintŽrieur de lÕapproche
systŽmique.
Cette Žtude rŽit•re en effet que les rŽseaux informels dÕintŽgration ˆ lÕemploi (ˆ vision
holistique) se situent ˆ la fronti•re de lÕapproche systŽmique et de celle dÕacteurs.
Quoique faisant dŽcidŽment partie de lÕapproche systŽmique par leur mode
dÕorganisation, les rŽseaux se retrouvent plus pr•s de la fronti•re thŽorique et
pratique que dÕautres modes de coordination, comme les associations et les
communautŽs. De lÕautre c™tŽ de la fronti•re structurelle, on retrouve par contre les
marchŽs qui reposent enti•rement sur une approche individualiste, tout en demeurant
dans lÕaxe de lÕordre social (intŽgration).
Par rapport aux autres Žtudes/enqu•tes sur la question de lÕefficacitŽ des rŽseaux
dÕintŽgration au marchŽ du travail, la prŽsente recherche introduit parall•lement de
nouveaux ŽlŽments thŽoriques aux th•ses ŽlaborŽes sur des sujets connexes.
Tout dÕabord, par rapport ˆ la th•se de lÕinformation dŽveloppŽe notamment par
Michael White (1990), voulant que la thŽorie Žconomique classique suppose ˆ tort,
pour le fonctionnement du marchŽ du travail quÕelle analyse, une information ainsi
quÕune mobilitŽ parfaite des acteurs. LÕŽtude de White (1990) sur les jeunes
291
britanniques ainsi que celle qui vient dÕ•tre rŽalisŽe sur les jeunes quŽbŽcois et
quŽbŽcoises dŽmontrent toutes deux quÕen fait, cette information est tr•s limitŽe et
que lÕacc•s au rŽseau vient justement alimenter ces jeunes en informations des plus
variŽes. De plus, lÕinformation Žtant de plus en plus utilisŽe par les Žconomistes afin
dÕanalyser les processus ˆ lÕÏuvre sur le marchŽ du travail, les suites de la prŽsente
recherche conduisent lÕauteure ˆ ajouter une dimension externe ˆ celle du marchŽ du
travail dans le cadre de cette analyse. En effet, lÕinformation appara”t comme une
notion susceptible de faire le lien entre les positions thŽoriques des Žconomistes et
des sociologues tant sur le marchŽ de lÕemploi que dans lÕespace existant entre les
rŽseaux, Žvoluant parall•lement au marchŽ, et le marchŽ lui-m•me.
Il est maintenant nŽcessaire dÕŽlaborer davantage cette affirmation posant la th•se que
les rŽseaux de solidaritŽ informels (composŽs de jeunes ch™meurs), crŽent ˆ eux seuls
des marchŽs parall•les de lÕinformation au profit quasi-exclusif de leurs jeunes
membres.
Les comportements des jeunes ch™meurs se trouvent aussi affectŽs par cet acc•s ˆ
lÕinformation, comme lÕa dŽmontrŽ la recherche. Cette conclusion vient appuyer une
seconde th•se de White (1990) stipulant que m•me si les individus ont en gŽnŽral de
faibles probabilitŽs dÕobtenir un emploi, lÕinformation interne ˆ propos dÕemplois
spŽcifiques peut constituer un nouveau stimulus pour la recherche dÕemploi. Les
analyses ayant fait suite aux entrevues rŽalisŽes dans le cadre de la prŽsente recherche
confirment cet Žtat de choses, et permettent dÕŽlargir cette thŽorie au point de dŽfinir
les rŽseaux de solidaritŽ informels comme des outils de motivation pour les jeunes
ch™meurs et ce, ˆ travers la simple participation de leurs membres. LÕinformation
nÕŽtant que lÕun des multiples stimuli en activitŽ au sein de ces groupes.
292
Les derni•res retombŽes thŽoriques portent enfin sur la question des relations sociales
nouŽes au sein de ces groupes dÕentraide. Il est intŽressant de constater que la thŽorie
ŽlaborŽe par Degenne et ses collaborateurs (1991), liant la forme des rŽseaux dÕemploi
au rŽsultat obtenu en fonction du statut social des intŽressŽs, ne sÕest vŽrifiŽe que
partiellement au cours de la prŽsente Žtude, malgrŽ le petit Žchantillon. Les analyses
complŽmentaires ayant effectivement confirmŽ les formes variables quÕavaient pris
les rŽseaux selon le niveau de scolaritŽ et le domaine de formation de leurs membres
ont aussi plut™t confirmŽ les bŽnŽfices Žquivalents soutirŽs par leurs membres et ce,
nonobstant lÕindicateur rŽfŽrant ˆ la classe sociale de ces derniers. CÕest donc ÇÊlÕeffet
rŽseauÊÈ, tel que qualifiŽ par ce groupe de chercheurs, qui varie en regard du type de
bŽnŽfices retirŽs. Cette observation peut Žgalement •tre faite, dans les conclusions des
deux recherches, sur la dimension du genre des membres de rŽseaux.
6.6
Conclusion
Les divers contextes et conditions dÕapplication des rŽsultats ayant dŽcoulŽ de cette
recherche peuvent globalement se rŽsumer en quelques mots. Que ce soit dans le
secteur de lÕŽducation ou celui du dŽveloppement de la jeune main-dÕÏuvre
quŽbŽcoise, lÕensemble des recommandations ont essentiellement trait ˆ la promotion
des rŽseaux en tant quÕoutil dÕaide supplŽmentaire et ˆ la diffusion de leurs avantages
aupr•s de leurs jeunes clients.
La portŽe thŽorique et sociologique de cette vaste Žtude fut ensuite mesurŽe afin dÕen
estimer les impacts par rapport ˆ la sociologie du travail mais Žgalement ˆ lÕanalyse
rŽseau. Ce sont essentiellement les avancŽes ayant permis la mise en relation plus
prŽcise des divers modes de coordination informationnelle reliŽs au marchŽ du travail
ˆ lÕintŽrieur de lÕapproche systŽmique. La suite de cette exploration sÕest faite par
293
rapport aux thŽories des principaux auteurs ayant travaillŽ sur la question de
lÕefficacitŽ des rŽseaux dÕintŽgration au marchŽ du travail. Ce sont les th•ses portant
sur lÕinformation et les relations sociales qui ont fait lÕobjet des nouvelles percŽes
thŽoriques.
CONCLUSION
AujourdÕhui encore, les rŽseaux et leurs composantes particuli•res sont des modes de
coordination sociale peu traitŽs ou exploitŽs par les sociologues alors que plusieurs
Žconomistes et anthropologues y ont puisŽ les bases de nombreuses explications
scientifiques depuis plus de trois dŽcennies. Et pourtant, ce sont les notions
dÕintŽgration/exclusion/cohŽsion sociale, de relations sociales, dÕentraide et de
communautŽ qui se trouvent au cÏur de la rŽflexion sur lÕutilitŽ des rŽseaux de
solidaritŽ informels.
Le travail entrepris dans cet ouvrage a donc eu comme point de dŽpart une analyse
des trois principaux modes d'acc•s ˆ l'emploi pour les jeunes du QuŽbec que
constituent l'approche institutionnelle, l'approche communautaire et l'approche
informelle. LÕŽvaluation de leur mandat et philosophie dÕintervention a clairement fait
ressortir la place centrale occupŽe par ces rŽseaux en tant quÕoutil dÕintŽgration
socioprofessionnelle. Ce constat nÕest toutefois pas suffisant pour bien cerner et
comprendre les avantages compŽtitifs que comportent les rŽseaux par rapport aux
autres techniques offertes sur le marchŽ. De plus, comprendre comment dŽcomposer
et analyser les rŽseaux informels paraissait indispensable au choix et ˆ la pertinence
de la mŽthode dÕenqu•te.
Essentiellement, lÕanalyse rŽseau favorise lÕexploration dÕun large Žventail de relations
sociales dans le cadre d'une structure souvent, mais non exclusivement, informelle. Ce
caract•re informel de l'environnement o• se matŽrialisent les relations pose toutefois
la question de la mŽthodologie de recherche. C'est avec l'objectif de surmonter cette
difficultŽ particuli•re quÕune vue d'ensemble des divers types de regroupements, de
leurs principales caractŽristiques, de la nature des relations et du type de
communication y ayant court et de leur performance, fut prŽsentŽe. Ce survol permit
295
dÕŽtablir, ˆ la fronti•re de lÕapproche systŽmique et de celle des acteurs, le
positionnement
des
rŽseaux informels dÕintŽgration
ˆ
lÕemploi.
Et
plus
spŽcifiquement, cÕest ˆ lÕapproche transactionnelle (ou structuraliste) de tradition
amŽricaine que ces rŽseaux doivent •tre associŽs. Or, cette place thŽorique et
schŽmatique occupŽe par les rŽseaux ˆ travers les autres modes de coordination que
sont les marchŽs, les institutions, les hiŽrarchies, les associations et les communautŽs,
constitua aussi le point de dŽpart de lÕŽtude terrain qui suivit.
Des grandes hypoth•ses analysŽes lors de lÕenqu•te, plusieurs furent validŽes par une
majoritŽ des membres de rŽseaux informels interrogŽs. La prŽsentation exhaustive de
ces rŽsultats qualitatifs et quantitatifs a en somme permis de consolider certaines de
ces hypoth•ses et dÕen nuancer dÕautres. Les rŽsultats obtenus viennent notamment
corroborer la premi•re hypoth•se de non-dŽdoublement stipulant que le rŽseau de
solidaritŽ informel constituŽ de jeunes ch™meurs Žvolue en complŽmentaritŽ des
ressources institutionnelles et communautaires. La majoritŽ, frŽquentant dŽjˆ les
ressources gouvernementales et certaines ressources communautaires, affirme en effet
que le rŽseau ne pourrait constituer lÕunique ou la principale technique de recherche
dÕemploi.
LÕensemble des participants ˆ lÕenqu•te a Žgalement donnŽ son appui aux hypoth•ses
prŽsentant le rŽseau de solidaritŽ informel comme un moyen efficace pour les jeunes
ch™meurs de briser lÕisolement marquant souvent une pŽriode de ch™mage, ainsi que
de soutenir leur motivation. DÕune part, lÕintensitŽ Ð tant en qualitŽ quÕen quantitŽ de
dŽmarches effectuŽes Ð sÕest accrue gr‰ce ˆ cette participation et dÕautre part, les
liens entre les membres se sont approfondis au fil du temps, venant par le fait m•me
lutter contre lÕisolement et le dŽcouragement.
296
Il fut cependant impossible de valider lÕhypoth•se posant les rŽseaux de solidaritŽ
informels comme un stimulant ayant pour effet dÕaccro”tre la motivation de leurs
membres. Cette derni•re demeurera neutre puisque les indicateurs choisis ont plut™t
eu pour effet de gŽnŽrer les m•mes constats ˆ lÕŽgard du soutien de la motivation, et
de donner des rŽsultats tr•s mitigŽs quant ˆ son renforcement.
Une majoritŽ a par contre verbalisŽ clairement sa conviction dÕavoir dŽveloppŽ de
nouveaux moyens, ou des fa•ons novatrices, de faire de la recherche dÕemploi gr‰ce ˆ
leur participation aux activitŽs de leur rŽseau. Au regard de cette hypoth•se, les
rŽpondants ont ajoutŽ que leur participation avait Žgalement changŽ leur perception
du marchŽ du travail. Il fut donc possible, ˆ partir des informations colligŽes ˆ ce
propos, de dŽmontrer une amŽlioration de lÕemployabilitŽ des jeunes membres
interrogŽs par lÕacquisition de diverses compŽtences relationnelles. Ces compŽtences
font principalement rŽfŽrence aux concepts de confiance personnelle, dÕefficacitŽ, de
connaissance du marchŽ du travail et ˆ la connaissance des diverses techniques de
recherche dÕemploi, etc.
Les derniers rŽsultats en ce qui a trait ˆ lÕinformation circulant au sein de ces groupes
dÕentraide, ont essentiellement confirmŽ le fait que les rŽseaux de solidaritŽ
permettent un Žlargissement des sources dÕinformation rendues disponibles ˆ leurs
membres, ainsi quÕune diversification de ces sources. Il est cependant impossible de
conclure que les informations qui circulent au sein des rŽseaux peuvent servir ˆ
plusieurs membres (redondance des sources dÕinformation). Puisque la plupart de
membres ne font que tr•s rarement des dŽmarches dÕintŽgration conjointes, et Žtant
donnŽ le peu dÕoutils de communication mis en place dans ces groupes, il faut en
dŽduire un pourcentage assez faible de redondance.
297
Ë la lumi•re de cette analyse, quelques grandes conclusions Žmergent et viennent
donner tout son sens et toute sa valeur ˆ cette recherche. En partant du particulier, il
est frappant de constater ˆ quel point les rŽseaux de solidaritŽ informels en
employabilitŽ sÕav•rent des milieux privilŽgiŽs pour les jeunes quÕils exposent ˆ un
plus grand nombre de renseignements sur le monde de lÕemploi. De plus, puisque
lÕinformation y circule sans entrave, on y offre beaucoup de renseignements connexes
sur dÕautres ressources humaines et techniques pouvant Žlargir le rŽseau de support
pour ces ch™meurs qui doivent composer avec des moyens financiers tr•s restreints.
Il faut souligner ˆ grands traits cette capacitŽ quÕont les rŽseaux informels de
solidaritŽ de rejoindre des client•les exclues du milieu professionnel depuis un certain
temps et Žtant parfois m•me en situation de semi-marginalitŽ. DÕailleurs, les
apprentissages rŽalisŽs et les compŽtences acquises ˆ travers leur participation ˆ un
rŽseau de solidaritŽ Žvitent ou retardent le dŽcrochage social potentiel qui accompagne
frŽquemment de longues recherches dÕemploi.
Ë ce sujet, il serait malheureux de passer sous silence cette forte intuition qui nous
reste ˆ la fin de cette recherche par rapport au r™le de gardien et de gŽnŽrateur de
cohŽsion sociale jouŽ par les rŽseaux de solidaritŽ informels, tout comme par les
associations bŽnŽvoles et les groupes dÕentraide. Les rŽseaux reprŽsentent en effet des
leviers essentiels ˆ la lutte contre lÕexclusion ainsi quÕˆ lÕaccroissement du capital
social, puisquÕils sont producteurs de normes et de valeurs favorisant un sentiment
de communautŽ et de confiance mutuelle, et parce quÕils ont un impact indŽniable sur
la qualitŽ de vie de leurs adhŽrents. Il serait aussi fort intŽressant que de futures
recherches portent sur cet aspect du phŽnom•ne et tentent de mesurer quels sont les
effets concrets de ces rŽseaux (par rapport ˆ la criminalitŽ ou ˆ la santŽ mentale par
exemple) sur le tissus social ou la cohŽsion sociale.
298
Il est enfin fort important de noter que cÕest souvent par nŽcessitŽ, beaucoup plus
que par choix, que plusieurs adh•rent ˆ un rŽseau de solidaritŽ informel. On peut voir
lˆ des implications ˆ la fois nŽgatives et positives, comme le dŽveloppement dÕun
esprit dÕentraide qui Žtait chez certains absent au dŽpart; lÕimpression quÕau fond ce
sont essentiellement des acteurs Žpousant une philosophie individualiste qui se sont
entraidŽs pour servir leurs intŽr•ts propres et qui se retirent au moment o• il nÕen ont
plus besoin.
En rŽtrospective, il est intŽressant de noter comment les rŽseaux auxquels
Granovetter (1985), Flament (1991) ainsi que Boyer et Hollingsworth (1997) font
rŽfŽrence dans leurs travaux comportent de nombreuses similitudes et dÕimportantes
diffŽrences par rapport aux rŽseaux de solidaritŽ informels examinŽs dans le cadre de
cette recherche.
Selon Granovetter (1985), les rŽseaux sociaux se trouvent pleinement intŽgrŽs ˆ la
sph•re Žconomique et sont principalement devenus, avec la modernisation
industrielle, des agents de rŽgulation Žconomique. Ses thŽories ˆ propos de la force
des liens faibles, et surtout celle de lÕencastrement, illustrent ˆ quel point cet auteur
consid•re lÕŽconomie comme une sph•re de plus en plus indŽpendante par rapport au
reste des relations sociales ayant court dans la sociŽtŽ moderne et mettant toujours
plus dÕemphase sur le gain individuel. Les rŽseaux de solidaritŽ informels ŽtudiŽs lors
de notre recherche font indŽniablement partie de la sph•re Žconomique puisque leur
principal objectif est lÕintŽgration au marchŽ du travail. Le caract•re solidaire de ces
groupes vient toutefois nuancer lÕanalyse de Granovetter (1985). Nos observations et
les tŽmoignages recueillis indiquent quÕau-delˆ du service rendu, les bŽnŽfices de
lÕadhŽsion au rŽseau favorisent presque tout autant une pleine participation de leurs
membres ˆ la vie communautaire et sociale. Les retombŽes de leurs activitŽs
dŽpassent donc lÕobjectif initial.
299
Son analyse du fonctionnement et de lÕimpact des liens faibles correspond tout ˆ fait
aux rŽsultats obtenus lors de cette recherche. Le dŽveloppement de nouvelles
relations, le temps passŽ ˆ discuter et ˆ Žchanger, ˆ partager ses difficultŽs et ses
prŽoccupations et ce, tout en demeurant indŽpendant par rapport aux autres,
caractŽrisent le type de relations existant au sein des rŽseaux de solidaritŽ informels.
La rŽsultante en est dÕailleurs la m•meÊ: une plus grande fluiditŽ et redondance de
lÕinformation et la crŽation de nouvelles passerelles vers dÕautres ressources.
LÕexpŽrience de Catherine Flament (1991) sÕarticule globalement de la m•me mani•re.
Elle qualifie les rŽseaux sociaux (ou cercles sociaux) par la redondance de leurs
connexions, la polyvalence des r™les de leurs membres, le degrŽ dÕouverture de leurs
fronti•res et par leur capacitŽ dÕadaptation ˆ un environnement changeant. Outre le
crit•re de polyvalence qui ne sÕest pas fortement dŽmarquŽ dans les groupes
participants ˆ notre Žtude, on dŽnote les m•mes forces quÕau sein des rŽseaux fran•ais
examinŽs par Flament (1991). Notre recherche sÕest davantage concentrŽe sur le
concept de partage des t‰ches/ travail que sur celui de la polyvalence. Nous avons
nŽanmoins questionnŽ les participants afin de savoir qui Žtait en charge de
lÕorganisation des rencontres et des activitŽs du rŽseau. Les rŽsultats obtenus
dŽmontrent que se sont la plupart du temps les m•mes individus qui assument ces
responsabilitŽs.
La conception des rŽseaux proposŽe par Boyer et Hollingsworth (1997) diff•re
nettement plus que celle des autres auteurs ayant travaillŽ sur cette problŽmatique.
Comme nous lÕavons vu lors second chapitre, Boyer et Hollingsworth (1997)
identifient les rŽseaux comme des regroupements de grandes entreprises ou de leurs
sous contractants, des associations, et m•me des regroupements dÕƒtats. Ces derniers
se situent donc ˆ un autre niveau malgrŽ le fait quÕon puisse les qualifier de rŽseaux
300
informels et que la notion de solidaritŽ puisse aussi y •tre associŽe. Par contre, la
notion de rŽseau utilisŽe par Boyer et Hollingsworth (1997) ne correspond ˆ aucune
dŽfinition de rŽseau personnel ou social ˆ laquelle nous ayons fait rŽfŽrence dans cet
ouvrage.
Ces deux formes de rŽseaux de solidaritŽ informels partagent nŽanmoins plusieurs
crit•res permettant une sŽrie de rapprochements thŽoriques. Boyer et Hollingsworth
(1997) parlent tout dÕabord dÕune combinaison dÕintŽr•ts personnels et dÕobligations
sociales, dÕautonomie et dÕŽquitŽ entre les acteurs, dÕune certaine dŽpendance au
pouvoir et ˆ lÕesprit dÕinitiative, ce qui sÕest aussi confirmŽ dans le cas des rŽseaux de
solidaritŽ que nous avons ŽtudiŽs. Au niveau du mod•le dÕorganisation, tout en
faisant rŽfŽrence ˆ des entreprises privŽes, Boyer et Hollingsworth (1997) ont
soulignŽ des ŽlŽments tels que des alliances stratŽgiques et des ententes entre firmes
pour dŽcrire le type dÕactivitŽs y ayant court, ce qui peut Žgalement caractŽriser le
fonctionnement des rŽseaux quŽbŽcois de solidaritŽ informels en intŽgration au marchŽ
du travail.
ConsidŽrant la nature dissemblable de ces deux formes de regroupement, il peut •tre
surprenant de constater que tous utilisent en gŽnŽral les m•mes outils ou leviers afin
dÕexercer leur pouvoir et de coordonner les activitŽs socioŽconomiques de leurs
membres. Somme toute, le rŽseau comme mode de rŽgulation est donc relativement
semblable au plan de la nature des activitŽs quÕil rŽgule. Les r•gles dÕŽchange quÕils
sÕimposent (comme des Žchanges pŽriodiques sur une base volontaire) ainsi que leur
mode dÕadhŽsion semi-formel viennent aussi confirmer leur mission commune.
Comme Granovetter (1985), Boyer et Hollingsworth (1997) soulignent le fait que les
relations se nouant au sein des rŽseaux sont basŽes sur des relations personnelles et
sur un sentiment de confiance construit et nourrit essentiellement ˆ lÕextŽrieur de la
sph•re Žconomique, analyse que corrobore les rŽcits recueillis au cours de cette Žtude.
301
Ë titre de mode de coordination, Boyer et Hollingsworth (1997) identifient enfin une
sŽrie de forces et de faiblesses avec lesquelles les rŽseaux doivent composer, entre
autres leur besoin dÕ•tre encadrŽs par une certaine forme dÕautoritŽ externe, leur
tendance ˆ encourager la formation de cartels et de monopoles ainsi que leur lenteur ˆ
accro”tre leur efficacitŽ et leur rapiditŽ dÕadaptation, et qui ne correspondent pas ˆ la
rŽalitŽ que nous avons observŽe au sein des groupes dÕintŽgration ˆ lÕemploi. Ë nos
yeux, les rŽseaux de solidaritŽ informels dÕintŽgration au marchŽ du travail se sont
montrŽs particuli•rement efficaces et rapides ˆ rŽpondre aux besoins de leurs
membres. Par contre, les observations de ces auteurs par rapport ˆ lÕutilitŽ des
rŽseaux pour fournir des apprentissages de qualitŽ ˆ ses membres, leur incapacitŽ ˆ
procurer des biens publics ˆ la collectivitŽ et ˆ assurer son bien-•tre gŽnŽral sont tout
ˆ fait semblables ˆ celles rŽalisŽes chez les rŽseaux que nous avons mis ˆ lÕŽtude.
Finalement, il est important de souligner que ces trois auteurs sont tous des critiques
de lÕŽconomie classique et de lÕindividualisme mŽthodologique, et sont donc
favorables aux autres modes de coordination que celui de marchŽ. Partageant le m•me
point de vue par rapport aux bienfaits de ces autres modes, et plus particuli•rement
des rŽseaux informels, nous pensons quÕils sont porteurs dÕune conception distincte
du dŽveloppement socioŽconomique et quÕils favorisent une plus grande cohŽsion
sociale ainsi quÕune efficacitŽ que lÕon ne retrouve pas au sein du marchŽ. En ce sens,
cette recherche a aussi permis de comprendre davantage le fonctionnement interne des
rŽseaux et le type dÕŽchanges qui sÕy dŽroulent et ce que les Žtudes de rŽseaux se
limitant ˆ la quantitŽ des liens ne dŽmontrent pas.
Les limites rencontrŽes dans le cadre de cette recherche sont nombreuses. Tout
dÕabord, par rapport ˆ lÕobjet dÕŽtude lui-m•me. Le caract•re ŽphŽm•re des rŽseaux
informels a notamment ŽtŽ soulignŽ ˆ quelques reprises durant cette Žtude. Par contre,
302
dÕautres facteurs tels que la marginalitŽ, la fragilitŽ, les probl•mes de fonctionnement
et de leadership de ces groupes nous ont Žgalement contraints ˆ nous satisfaire de
rŽponses ou dÕobservations partielles.
De plus, en raison de lÕessence m•me de lÕenqu•te, plusieurs personnes interrogŽes
ont prŽfŽrŽ sÕabstenir de tout commentaire ou de toute rŽfŽrence ˆ un processus
dÕŽvaluation, ce qui encore une fois a nui ˆ la profondeur des rŽponses recueillies.
Tout comme le manque de moyens de communication, le manque de temps et
dÕŽnergie pour structurer une pensŽe autour de cet outil quÕils se sont donnŽs, ont
freinŽ la rŽflexion que lÕauteure aurait aimŽ poursuivre ˆ leur sujet.
Par manque de capacitŽs et de ressources, il nous a Žgalement ŽtŽ impossible dÕŽtablir
et dÕenqu•ter systŽmatiquement sur les liens quÕentretiennent ces groupes dÕentraide
avec leur communautŽ. Ces informations auraient certainement permis une analyse
plus fine des multiples retombŽes quÕoffrent ces rŽseaux ˆ leurs membres ainsi que
leurs limites.
Sur un plan plus gŽnŽral, cette recherche nÕa malheureusement pas pu tenir compte
non plus de la composante culturelle des rŽseaux. Une forte intuition de lÕauteure,
ainsi que quelques tŽmoignages dispersŽs, permettent de croire que cette variable
influence directement ˆ la fois la crŽation et le mode organisationnel des rŽseaux
dÕemploi. Une telle analyse comparative, aurait exigŽ une Žtude de tout le champ
thŽorique spŽcifique reliŽ ˆ lÕimmigration et ˆ ses composantes que sont lÕintŽgration
citoyenne, la ma”trise dÕune langue officielle, la reconnaissance des acquis scolaires et
professionnels, et la discrimination.
Certaines questions restent donc en suspens. Outre la piste ŽlaborŽe plus t™t en
regard du capital et de la cohŽsion sociale, les Žtudes faites ˆ ce jour ne permettent
303
pas encore de mesurer lÕampleur du r™le que joue chacun des membres dans ce
contexte. On peut concevoir que les bienfaits retirŽs par ces derniers varient en
fonction de leur implication, mais Žgalement de la place quÕils occupent au sein du
groupe. Une vaste Žtude sur le sujet serait des plus pertinente.
Dans lÕattente de ces recherches, il est tout de m•me possible de b‰tir sur la
connaissance dŽjˆ acquise. On sait dŽjˆ que les rŽseaux occupent une place centrale
dans le processus dÕintŽgration de plusieurs et dans leur perception dÕeux-m•mes.
Autrement dit, et pour reprendre les paroles dÕune jeune membre dÕun rŽseau
dÕentraideÊ: ÇÊLe rŽseau, cÕest un moyen collectif de se sentir moins pocheÊÈ.
Une dŽfinition connue du milieu du dŽveloppement de lÕemployabilitŽ rŽsume aussi
assez bien lÕaction des rŽseaux dÕemploi. Pour se trouver un emploi il faut tout
dÕabord la crŽation et le maintien dÕun bon rŽseau de contacts, ensuite une
connaissance fine du marchŽ du travail et finalement, le dŽveloppement de
compŽtences qui vont •tre prisŽes par les employeurs (Charbonneau, 1999). CÕest
effectivement ce que les rŽseaux de solidaritŽ informels dÕintŽgration au marchŽ du
travail que nous avons ŽtudiŽs ont dŽmontrŽ ˆ des degrŽs divers.
Les rŽseaux informels de solidaritŽ jouent donc un r™le important aupr•s de leurs
membres, en contribuant ˆ leur bien-•tre, en leur donnant espoir et en leur offrant de
la compassion, ainsi que des outils favorisant leur intŽgration socioprofessionnelle.
Voilˆ des bŽnŽfices qui ne peuvent •tre calculŽs en terme de placement ou dÕefficacitŽ,
mais dont la rentabilitŽ est indŽniable.
APPENDICE A
QUELS ARRANGEMENTS INSTITUTIONNELS SONT NƒCESSAIRES AU
SOUTIEN DES SYSTéMES SOCIAUX ALTERNATIFS DE PRODUCTION?
Quels arrangements institutionnels sont nŽcessaires au soutien des syst•mes sociaux alternatifs de production?
Nature of
S.S.P.
Production
Volume
Form of
Competitio
n
Adaptatative
Production
(AP)
Low or high
Price or
quality
Adaptabilit
Markets
y to
Environmen
t
Quick
Strong
responses
Customized
Production
(CP)
Low
Quality
Moderate or
high
Efficient for
products,
undercontrol
of labor
Allows
learning by
using
Moderate
Under strict
control of
high quality
labor
Allows
pooling of
expertise
High
Diversified
Quality Mass
Production
(DQMP)
High
Flexible
Diversified
Quality Mass
Production
(FDQMP)
Quality
Networks
Association State
s
Built in
flexibility
Pooling
information
about
markets &
technologies
Strong
Quality
The tools for Sharing risks
in R and D
assessing
competitiveness
Helps to
develop
quality
standards or
norms
Clear rules of
the game
Role in
education and
training
Enaction of
technical
Important in norms
providing
training and
Pro R and D
skills
policies
Reduce
strategic
uncertainty
SourceÊ: BOYER, Robert and Rogers HOLLINGSWORTH. 1997. ÇÊCoordination of Economic Actors and Social Systems of ProductionÊÈ.
In Contemporary CapitalismÊ: The Embeddedness of Institutions, Cambridge, Cambridge University PressÊ: 30.
APPENDICE B
APER‚U DES PROGRAMMES GOUVERNEMENTAUX OFFRANT DES
RESSOURCES FINANCIéRES ET DES SERVICES AUX JEUNES ET AUX
ENTREPRISES, CANADA ET QUƒBEC
308
Aper•u des programmes gouvernementaux offrant des ressources financi•res
et des services aux jeunes et aux entreprises, Canada et QuŽbec
Nom (sigle)
Minist•re
Service
S'adresse ˆ :
responsable,
principal
EÊ: Entreprise
promoteur
offert
GÊ: Groupe
Descripteurs
IÊ: Individu
Programme
ENGAG, GRG,
Groupe de
GAJE, Info-
soutien au
subventions
Consultation
I-E
Entrepreneurship Jeunes
initiativesjeunesse
Centre
YMCA, EIC
entreprise/
(fŽdŽral),
Entrepreneur-
jeunesse
OPDQ
ship-Services ˆ
(provincial)
prix modiques
Programme
MIC
Jeunes
(provincial)
Consultation
Subvention
I-E
I-E
Incubateur-
Entrepreneurship- Jeunes
promoteurs
Programme
MIC
Subvention
Nouveaux
(provincial)
d'intŽr•ts et
ip Association
garantie de
Jeunes
pr•ts
dipl™mŽs
entrepreneurs
SociŽtŽ
Secteur privŽ et Garantie de
d'investissemen gouvernement
pr•ts de
t jeunesse
provincial
dŽmarrage
Programme
OPDE
Subvention
expŽrimental
(provincial)
I-E
I-E
Entrepreneursh
Entrepreneurship Jeunes
I-E
Entrepreneurship volet
CrŽation
Jeunes
d'emplois
communautaires
Programme
MMSR
SEMO
(provincial)
Subvention
G
Organismes
sans but lucratif
309
Soutiens
IntŽgration -
externes de
Jeunesse
emploi-
main-d'Ïuvre
Emploi-
Groupes cibles
jeunesse,
(dont jeunes)
Consultation
I
PrŽparation
Centre ExAequo
Programme
MMRS
Subvention de
Bon d'emploi
(provincial)
salaires
Prog. Travaux
MMRS
SupplŽment de
communautai-
(provincial) et
prestation et
Aide sociale,
res
AC
frais de
jeunes moins de
fonctionnemen
30 ans
I
Emploipermanent
plus
E-G
Projet comm.
t
Programme
MMRS
SupplŽment de
Stages en
(provincial) et
prestation
milieu de
EIC (fŽdŽral)
I-E-G
Stage et
formation-Aide
sociale-Jeunes
travail
Programme de
MMRS
SupplŽment de
rattrapage
(provincial)
prestation
I
Formation
BES-Jeunes
scolaire
ƒducation/plac
Secteur privŽ et Subvention de
I
Recyclage,
ement/Êorienta- gouvernement
formation et de
formation,
tion/communic fŽdŽral (EIC)
fonctionnemen
stage-
a-tion
t
DŽcrocheurs
(18-23 ans)
PRO-PME
MIC
Subvention ˆ
(provincial)
l'entreprise
E
DŽveloppemen
t PME- Emploi
dipl™mŽs prof.
Programme de
CEDT
Subvention de
soutien ˆ
(provincial)
salaires
E
Emploi
permanent-
l'emploi
Secteur
scientifique
tertiaire-PME-
dans les
Dipl™mŽs
entreprises
sciences
310
Programme
MMRS
Subvention de
E
Emploi
d'amŽnagement (provincial)
prŽparation et
permanent-
concertŽ du
d'exŽcution
Jeunes- ATT
temps de
en entreprise
travail
Programme
EIC (fŽdŽral)
Subvention de
E-G
Stages pratiques
d'intŽgration
salaires et de
et formation-
professionnelle
fonctionnemen
Jeunes
t
inexpŽrimentŽs
Programme de
EIC (fŽdŽral)
dŽveloppement
Subvention de
E-G
salaires
Ch™meurs
longue durŽe-
de l'emploi
jeunes
dipl™mŽsformation et
emploi
Programme
EIC (fŽdŽral)
Subvention
E-G
Revitalisation
national d'aide
du marchŽ du
ˆ l'innovation
travailExpŽrimentation
Programme
EIC (fŽdŽral)
Subvention
I-E
Formation
pŽnurie de
partielle de
spŽcialisŽe -
main-d'Ïuvre
frais de
participation
scolaritŽ
de l'entreprise travailleurs dŽjˆ
sur place
Programme
EIC (fŽdŽral)
acquisition de
Subvention de
E
formation
connaissances
Programme de
Secteurs mousTravailleurs
dŽjˆ sur place
EIC (fŽdŽral)
Subvention fixe E - G
Contre
dŽveloppement
licenciements
des
massifs-
collectivitŽs
RŽgions en
difficultŽ
311
Programme
EIC (fŽdŽral)
Article 38
SupplŽment de
E-G
Maintien
prestation et
d'employabilitŽ
frais de
-ch™meurs
fonctionnemen
t
Programme
EIC (fŽdŽral)
Subvention
G
Extension
Centres de
main-d'Ïuvre
parall•le
Programme
MIC
CoopŽratives
(provincial)
de jeunes
Consultation
I-E
Assistance
techniquedŽmarrage
travailleurs
SourceÊ: Tableau adaptŽ de Fondation Ressources-Jeunesse. 1988. Le ch™mage des jeunes.
47-48. dans Tremblay, 1990Ê: 156-158. Et revu par SEMO-Jeunes.
APPENDICE C
CANEVAS DÕENTREVUE
313
LES JEUNES CHïMEURS ET LEURS RƒSEAUX :
Entrevue Žcrite no. :
________________ Initiales :
________________
DurŽe du ch™mage :
________________ åge :
________________
Domaine de formation
________________ ScolaritŽ :
________________
Q1Ê: est-ce que vous avez recours aux services dÕintŽgration au marchŽ du travail
offerts par les Centres locaux dÕemploi (CLE) du gouvernement?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q2Ê: est-ce que vous avez recours aux services dÕintŽgration au marchŽ du travail
offerts par un organisme communautaire sur votre territoire?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q3Ê: quels types de liens entretenez-vous avec les autres membres du groupe?
(AmitiŽ, familial, etc.)
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q4Ê: est-ce que la mise en place de rŽseaux de solidaritŽ informels est frŽquente dans
votre milieu?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
314
Q5Ê: est-ce que la prŽsence dÕun professionnel de lÕemployabilitŽ a contribuŽ ˆ la
mise sur pied de votre rŽseau?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q6Ê: ˆ quel(s) autre(s) groupe(s) vous associez-vous ˆ lÕextŽrieur de ce rŽseau?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q7Ê: quel est le principal avantage que vous voyez ˆ vous rŽunir autour du th•me de
la recherche dÕemploi?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q8Ê: quelle est la frŽquence des rencontres de ce rŽseau?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q9Ê: comment qualifieriez-vous vos liens avec les autres membres du groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q10Ê: ces liens ont-ils changŽ au fil des rencontres?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q11Ê: avez-vous dŽveloppŽ un sentiment dÕappartenance ˆ ce groupe?
___________________________________________________________________
315
___________________________________________________________________
Q12Ê: viviez-vous un sentiment dÕexclusion ou de solitude face ˆ votre situation de
ch™meur avant dÕintŽgrer ce groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q13Ê: •tes-vous membre dÕautre(s) groupe(s) de solidaritŽ informel(s)?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q14Ê: quels types de dŽmarches dÕemploi faisiez-vous prŽalablement ˆ votre
adhŽsion au groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q15Ê: est-ce que lÕintensitŽ ou la quantitŽ de vos dŽmarches a changŽ depuis votre
adhŽsion au groupe? (AugmentŽ, diminuŽ ou stable?)
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q16Ê: Žtiez-vous parfois tentŽ dÕabandonner vos dŽmarches avant votre adhŽsion au
groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q17Ê: •tes-vous parfois tentŽ dÕabandonner vos dŽmarches?
___________________________________________________________________
316
___________________________________________________________________
Q18Ê: est-ce que les relations que vous entretenez avec les autres membres du groupe
vous aident dans votre recherche dÕemploi?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q19Ê: est-ce que lÕaide que vous donnez et celle que vous recevez au sein du groupe
est comparable ou la jugez-vous inŽgale?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q20Ê: diriez-vous que ce rŽseau vous offre du support afin de faciliter votre
intŽgration au marchŽ du travail?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q21Ê: sentez-vous que le groupe utilise lÕensemble de ses ressources?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q22Ê: pensez-vous que le groupe tient compte des ressources de chacun de ses
membres?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q23Ê: sentez-vous que le groupe exerce une certaine pression sur vous?
___________________________________________________________________
317
___________________________________________________________________
Q24Ê: pour quelle(s) raison(s) avez-vous dŽcidŽ de participer aux rencontres de ce
groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q25Ê: vous •tes-vous fixŽ un ou des objectifs prŽcis par rapport ˆ votre recherche
dÕemploi?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q26Ê: vous •tes-vous fixŽ un ou des objectifs commun avec le groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q27Ê: croyez-vous atteindre ou •tre en voie dÕatteindre ces objectifs?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q28Ê: pensez-vous que votre participation ˆ ce rŽseau vous permettra dÕatteindre
lÕobjectif que vous vous •tes fixŽ?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q29Ê: trouvez-vous le travail effectuŽ en groupe supŽrieur ou plus efficace au travail
individuel?
___________________________________________________________________
318
___________________________________________________________________
Q30Ê: comment Žvalueriez-vous votre niveau dÕestime de vous-m•me face ˆ vos
dŽmarches dÕintŽgration au marchŽ du travail?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q31Ê: comment qualifieriez-vous votre niveau de confiance personnelle depuis votre
intŽgration au rŽseau?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q32Ê: comment qualifieriez-vous votre niveau dÕautonomie depuis votre intŽgration
au rŽseau?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q33Ê: est-ce quÕun mode de fonctionnement tel que celui adoptŽ dans votre rŽseau
vous permet de profiter de lÕexpŽrience des autres membres?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q34Ê: est-ce quÕun mode de fonctionnement tel que celui adoptŽ dans votre rŽseau
vous permet de jouer un r™le diffŽrent par rapport ˆ lÕensemble des membres du
groupe ou est-ce que vous exercez toujours les m•mes fonctions?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
319
Q35Ê: que croyez-vous apporter aux autres membres du groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q36Ê: est-ce que la nature de votre participation a changŽ depuis votre adhŽsion au
groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q37Ê: est-ce que votre adhŽsion au rŽseau a changŽ votre perception du marchŽ du
travail?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q38Ê: quel type dÕinformation Žchangez-vous durant vos rencontres?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q39Ê: est-ce que tous les membres contribuent ˆ alimenter le rŽseau en informations
diverses sur le marchŽ du travail?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q41Ê: est-ce que votre participation ˆ ce groupe augmente la quantitŽ dÕinformations
dont vous disposez pour votre recherche dÕemploi?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
320
Q42Ê: de quels milieux (ou secteurs dÕactivitŽ) proviennent les informations ŽchangŽes
au sein de votre rŽseau?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q43Ê: est-ce que ce rŽseau pourrait constituer votre principale technique de recherche
dÕemploi dans le cadre de votre dŽmarche?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q44Ê: est-ce que ce rŽseau pourrait constituer votre seule technique de recherche
dÕemploi dans le cadre de votre dŽmarche?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q45Ê: les informations partagŽes au sein du rŽseau sont utilisŽes par combien de ses
membres?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q46Ê: vous arrive-t-il de faire des dŽmarches conjointes avec dÕautres membres du
rŽseau?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q47Ê: divisez-vous le travail au sein du rŽseau?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
321
Q48Ê: lÕinformation partagŽe est-elle rendu disponible ˆ lÕensemble des membres du
groupe?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q49Ê: procŽdez-vous ˆ un type dÕŽchange dÕinformations entre vous?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q50Ê: ce groupe vous donne-t-il acc•s ˆ de nouvelles informations?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q51Ê: ce groupe vous donne-t-il acc•s ˆ de nouveaux types dÕinformation?
(entrevues, programmes de formation...)
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q52Ê: ce groupe vous donne-t-il acc•s ˆ de nouvelles sources dÕinformation? (privŽes,
gouvernementales...)
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
Q53Ê: avez-vous dŽveloppŽ, au sein de votre rŽseau, de nouveaux moyens ou des
fa•ons originales et novatrices de faire de la recherche dÕemploi?
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
APPENDICE D
FORMULAIRES UTILISƒS LORS DE LA COLLECTE DE DONNƒES
323
FORMULAIRE DE CONSENTEMENT
Les jeunes ch™meurs et leurs rŽseaux de solidaritŽ informels
Par la prŽsente, jÕaccepte de participer de mani•re anonyme ˆ la recherche dirigŽe par
Marie-Chantal Girard dans le cadre de ses Žtudes de doctorat en sociologie ˆ
lÕUniversitŽ du QuŽbec ˆ MontrŽal (UQAM).
Oui __________
Non __________
JÕaccepte que mon tŽmoignage soit enregistrŽ pour lÕusage exclusif de la chercheure.
Oui __________
Non __________
Toutes les informations livrŽes durant cette ou ces entrevue(s) sont confidentielles et
seront enregistrŽes dans la recherche sous le code suivantÊ: _________
Signature de la chercheure :
_______________________ DateÊ: _______
Signature du participant : _____________________________ DateÊ: _______
324
FORMULAIRE DE REMERCIEMENT
MontrŽal, dŽcembre 1999
Objet :
projet de recherche intitulŽ les jeunes ch™meurs et leurs rŽseaux informels.
Madame, Monsieur,
Votre contribution ˆ cette recherche fut des plus prŽcieuses et je vous en remercie.
Vos propos mÕont permis de mieux comprendre le mode de fonctionnement au sein
dÕun rŽseau de solidaritŽ informel chez les jeunes ˆ la recherche active dÕun emploi.
Consciente que le temps est une valeur de plus en plus rare, votre contribution est
dÕautant plus apprŽciŽe.
Soyez assurŽ que je vous ferai parvenir copie des rŽsultats de la recherche. Il me fera
dÕailleurs plaisir de vous mettre au courant du dŽroulement de la recherche si vous en
manifestez lÕintŽr•t. NÕhŽsitez pas ˆ me joindre, le cas ŽchŽant, par tŽlŽphone ou par
courriel.
Veuillez agrŽer, Madame, Monsieur, lÕexpression de mes sentiments les meilleurs.
Marie-Chantal Girard
DŽpartement de sociologie, UQAM
TŽlŽphoneÊ: (450) 928-3181
TŽlŽcopieurÊ: (450) 928-9882
CourrielÊ: [email protected]
APPENDICE E
DƒFINITIONS ET CONCEPTS
326
DƒFINITIONS ET CONCEPTS
Un rŽseau de solidaritŽ informel se dŽfinit tout dÕabord par trois sous-concepts
distincts. En sciences sociales, on dŽfinira le rŽseau comme Žtant un ensemble
spŽcifique de relations entre un ensemble dŽfini de nÏuds
(personnes,
organisations...) (Mitchell, 1969) Dans le contexte de cette recherche, le rŽseau sera
plut™t dŽfini comme une organisation formŽe par un certain nombre dÕacteurs
qui sont en relation directe ou indirecte les uns avec les autres et servant de
voie de communication ou de soutien dans leur recherche d'emploi.
Nous Žtablirons une distinction supplŽmentaire en nommant les rŽseaux personnel et
social dÕun acteurÊ: le rŽseau dÕŽmergence ou primaire; et en nommant le rŽseau
de solidaritŽ informel constituŽ de jeunes ch™meursÊ: le rŽseau informel
dÕemployabilitŽ.
Pour Flament (1965) et Proulx (1995), tous les processus de la vie d'un groupe
peuvent •tre ŽtudiŽs ˆ partir des communications ŽchangŽes dans le groupe, ou du
moins, sans rŽfŽrence aux processus de communication qui les accompagnent. L'Žtude
des communications et de la circulation de lÕinformation se trouve donc enti•rement ˆ
la base des recherches liŽes ˆ lÕensemble des processus de groupe.
Toujours selon Flament (1965Ê: 14), l'analyse des processus de communication serait
insuffisamment approfondie si on se contentait de les lier uniquement au mode sociopsychologique. La communication est un Žchange de significations, mais aussi une
transmission matŽrielle des messages. Un processus de communication, comme on
en retrouve ˆ l'intŽrieur d'un rŽseau, suppose donc une infrastructure matŽrielle sans
laquelle toute communication est impossible. Un rŽseau de communication est donc
un ensemble de possibilitŽs matŽrielles de communication. Il ajoute que le rŽseau est
327
un ensemble matŽriel, physique, la structure, un ensemble de communications; le
rŽseau est une possibilitŽ de communication, une rŽalitŽ de communication.
La communication est effectivement au cÏur de nos prŽoccupations dans le type de
rŽseau de solidaritŽ informel que nous ciblons, communication des informations
concernant les possibilitŽs d'embauche, l'Žchange de noms d'employeurs potentiels,
etc. Ainsi, les contraintes physiques auxquelles se plie nŽcessairement toute
communication, peuvent dŽterminer, au moins partiellement, la nature des relations ˆ
l'intŽrieur du groupe. Par exemple, la frŽquence des communications dŽpendante de
leur facilitŽ matŽrielle plus ou moins grande et de leur canalisation prŽfŽrentielle entre
certains individus va dŽterminer le niveau de cohŽsion du groupe, sa structure et ses
divisions en sous-groupes plus ou moins interdŽpendants.
Il faut enfin Žtudier ces rŽseaux de solidaritŽ informels chez les jeunes en fonction de
la proximitŽ et l'ouverture de leurs fronti•res face ˆ d'autres rŽseaux institutionnels
(bureaux d'emploi), communautaires (services d'intŽgration) ou personnels (famille,
amis).
Le deuxi•me concept ˆ Žtudier est celui de solidaritŽ. Nous l'avons dŽfini comme un
Žtat ou un sentiment liant des femmes et des hommes ‰gŽs, de 18 ˆ 35 ans,
ayant pris conscience d'une communautŽ d'intŽr•ts qui entra”ne une
obligation morale d'entraide et d'assistance.
Que l'on parle de rŽseaux de solidaritŽ Žmergeant d'une communautŽ (sens amŽricainÊ:
community), d'une famille, d'une institution scolaire ou gouvernementale, des r•gles
Žcrites (formelles) ou tacites (informelles) sont toujours appliquŽes. Ainsi, selon
Durkheim (1893), la plupart de nos relations sociales sont de nature contractuelle.
Toutefois, les liens de solidaritŽ qui nous unissent ne reposent pas enti•rement sur
328
les conditions de ces contrats. Les rŽseaux ainsi construits sont habituellement assez
faibles et temporaires. En somme, la pulsion de dŽpart est toujours intŽressŽe ou
contractuelle, mais il arrive que nous dŽpassions les limites de ces ententes et que
nous collaborions volontairement parce que nous le souhaitons vraiment.
Selon Romeder, quatre indicateurs caractŽrisent le concept de solidaritŽÊ: la rŽsonance,
la gratuitŽ et la libertŽ ainsi que la capacitŽ de sÕadapter en tant quÕ•tres Žgaux. Le
concept de rŽsonance quÕil explique comme le fait de ressentir des sentiments
semblables par rapport ˆ un vŽcu commun (1989Ê: 28) fait Žtroitement rŽfŽrence ˆ un
des ŽlŽments de dŽfinition du petit groupe chez Saint-Arnaud (1978Ê: 20). Un
sentiment de forte interdŽpendance et dÕunion morale des membres du groupe en
dehors des rŽunions et des actions communes caractŽrise cette solidaritŽ.
Le type de rŽseaux de solidaritŽ auxquels nous faisons ici rŽfŽrence sÕassocie
davantage aux concepts de communities et dÕassociation volontaire que lÕon retrouve
couramment dans la littŽrature amŽricaine (Granovetter, 1985 & 1982; Boyer et
Hollingsworth, 1994), et spŽcifiquement chez Theodore Caplow (1991). Ces auteurs
la dŽfinissent comme une solidaritŽ que lÕon rencontre dans les communautŽs
constituŽes dÕarrangements institutionnels basŽs sur la confiance, la rŽciprocitŽ ainsi
quÕun sentiment dÕobligation et nÕŽmergeant pas de stratŽgies individualistes ou
Žgo•stes (Boyer et Hollingsworth, 1994Ê: 10). Tandis que Caplow (1990Ê: 73) parle
de groupes formellement constituŽs mais qui excluent toutes prŽoccupations
Žconomiques. Notre choix sÕarr•te donc sur une dŽfinition qui souligne le caract•re
informel de ces rŽseaux, de la communautŽ dÕintŽr•ts et du sentiment dÕentraide qui
unit ses membres.
329
Le concept de solidaritŽ se trouve donc Žtroitement liŽ avec celui dÕinformalitŽ. Les
rŽseaux de solidaritŽ informels ont en effet une structure et un mode de
fonctionnement fondamentalement diffŽrents des rŽseaux formels ou institutionnels.
Dans le cas qui nous occupe, l'informel ne se conjugue pas en termes Žconomiques,
mais fait plut™t rŽfŽrence ˆ la qualitŽ communautariste de ses Žchanges, cÕest-ˆ-dire
les personnes avec qui un individu Žchanges des biens, des services, des rencontres, et
vers lesquelles il peut se tourner en cas de besoin (Caplow, 1990Ê: 46). Nous
dŽfinissons donc lÕinformel comme Žtant l'Žtat d'une organisation, d'une
rencontre ou d'un document qui ne peut •tre rŽpertoriŽ, classŽ ou reconnu par
une structure institutionnelle ou des r•gles formelles et qui est sans caract•re
officiel.
JusquÕˆ prŽsent, lÕinformel a tr•s largement ŽtŽ associŽ ˆ ce qui est non structurŽ, non
dŽclarŽ, dissimulŽ, submergŽ, clandestin, parall•le, gris, marginal, invisible, illŽgal,
secondaire, occulte, noir, irrŽgulier, non enregistrŽ, souterrain, etc. Quoique ce type
de dŽfinition ne corresponde pas parfaitement ˆ la nature des rŽseaux que nous
Žtudions, Lauthier (1991Ê: 14) soul•ve une rŽalitŽ qui sÕav•re nŽanmoins pertinente
pour toute structure informelle. Selon lui, l'informel a des formes, si l'on entend par
lˆ, des rapports sociaux structurŽs et structurants, m•me s'ils ne sont pas prescrits
par la loi. Les relations commerciales, les rŽseaux fondŽs sur le voisinage, la
communautŽ des origines ou la religion en sont des exemples. La preuve en est que si
le secteur informel Žtait non structurŽ, il n'y aurait pas d'organisation interne efficace.
Il serait donc possible que lÕabsence de r•gles ou de registres cause cette apparente
dŽsorganisation alors que les rŽseaux informels sont tout ˆ fait structurŽs, mais
diffŽremment (1991Ê: 15 ˆ 22).
330
Dans la m•me perspective, il est tout ˆ fait possible de penser ˆ de nouveaux rŽseaux
de solidaritŽ de jeunes prenant racines au sein de structures ÒorganisŽesÓ ou
institutionnelles comme des services d'intŽgration ˆ lÕemploi ou des institutions
scolaires et qui, pour diffŽrentes raisons, ne jouissent dÕaucune reconnaissance sociale
et Žconomique.
L'informel demeure un concept difficile ˆ cerner et ˆ dŽfinir en dehors de son utilitŽ
Žconomique ou politique. Par ailleurs, des auteurs tels que Albert Rees de l'UniversitŽ
de Chicago (1966Ê: 559) qui s'intŽressent ˆ la transmission de l'information sur le
marchŽ du travail, ont dŽcrit l'informel comme une source de rŽfŽrence, soit pour des
employeurs, des employŽs, des connaissances ou autres. Nous choisissons donc de
positionner ces rŽseaux de solidaritŽ informels en parall•le des ressources
institutionnelles et communautaires, ce qui veut dire quÕils prennent leur source dans
la communautŽ tout en Žtant axŽs sur la prise en charge collective par des individus de
leur cadre de vie. Une philosophie basŽe sur un mode de vie alternatif (mais
ŽphŽm•re), qui prŽdispose ˆ des apprentissages complŽmentaires et ˆ des
expŽrimentations innovatrices (Proulx, 1995Ê: 86).
Les rŽseaux de solidaritŽ informels peuvent, ˆ plusieurs Žgards, avoir les m•mes
fonctions et les m•mes objectifs que les groupes dÕentraide. GŽnŽralement associŽs au
secteur de la santŽ et du bien-•tre, Romeder donne la dŽfinition suivante de ces
groupesÊ:
Les groupes dÕentraide sont de petits groupes autonomes et ouverts qui se rŽunissent
rŽguli•rement. Victimes dÕune crise ou dÕun bouleversement commun dans leur
existence, les membres de ces groupes partagent un vŽcu commun et un sentiment
dÕŽgalitŽ. Leur activitŽ primordiale est lÕentraide personnelle qui prend souvent
forme de soutien moral, par le partage dÕexpŽriences et dÕinformation, et par la
discussion. Souvent aussi les membres ont des activitŽs orientŽes vers les
331
changements sociaux. Leur activitŽ est bŽnŽvole, autrement dit gratuite et libre
(1989Ê: 34).
La jeunesse, les jeunes, voilˆ le cÏur de notre objet de recherche. Nous dŽfinissons
ces jeunes comme Žtant des personnes peu avancŽes en ‰ge soit entre 18 et 35
ans, et en expŽrience sur le marchŽ du travail. Cette dŽfinition permettra
dÕinclure ˆ la fois les jeunes qui tentent de sÕintŽgrer pour la premi•re fois de mani•re
permanente sur le marchŽ du travail, et les jeunes qui ont dŽjˆ intŽgrŽ ce marchŽ, mais
qui connaissent une pŽriode de ch™mage allant jusquÕˆ 18 mois.
Par le passŽ, la jeunesse se terminait la plupart du temps ˆ 18 ans ou 21 ans, ‰ge de la
majoritŽ lŽgale, co•ncidant avec la fin des Žtudes. Aujourd'hui, l'allongement de la
scolaritŽ et les dysfonctionnements du syst•me d'emploi prolongent cette pŽriode.
Ainsi, devant des perspectives d'emploi peu encourageantes, plusieurs jeunes ont fait
le choix de retourner ˆ l'Žcole ou d'y demeurer plus longtemps. On observe d'ailleurs
que depuis 1988, la proportion de jeunes qui frŽquentent l'Žcole ˆ temps plein a
augmentŽ de pr•s d'un tiers au QuŽbec (gouvernement du QuŽbec, 1996). Voilˆ
pourquoi nous avons choisi d'inclure dans notre dŽfinition les jeunes ‰gŽs de 20 ˆ 35
ans.
Pour Madeleine Gauthier et Jean-Pierre Simard ( 1990), l'‰ge charni•re dans le
comportement des jeunes face ˆ l'emploi qui Žtait de 20 ans, a tendance ˆ se dŽplacer
dans les deux sens. Les jeunes sont proportionnellement plus nombreux ˆ entrer sur
le marchŽ du travail d•s l'‰ge de 16 ans. Par contre, l'entrŽe de mani•re stable dans la
vie serait repoussŽe jusque dans la trentaine pour un grand nombre d'individus. Ces
derniers verraient se prolonger diverses expressions de la prŽcaritŽ de l'emploi qui
Žtaient autrefois le lot des 16-19 ans qui entraient sur le marchŽ du travail (emplois de
332
courte durŽe, ˆ temps partiel, faiblement rŽmunŽrŽs, sans perspective de carri•re,
etc.) (Gauthier & Simard, 1990Ê: 7- 8).
Leur enqu•te longitudinale appuie cette hypoth•se du moratoire dans l'installation en
emploi sur deux points en particulier. Premi•rement, une tr•s grande prŽsence sur le
marchŽ du travail mais dans des emplois dont la durŽe, le rŽgime de travail, les
conditions et les avantages sociaux ont les caractŽristiques de la prŽcaritŽ, en
particulier lorsqu'on les compare ˆ ce qui se trouve chez les gŽnŽrations a”nŽes.
Deuxi•mement, la combinaison Žtudes-emploi devenue le genre de vie de pr•s du tiers
des 20-24 ans. Certains Žcarts entre les 25-34 ans et les 35-44 ans laissent penser que
l'intŽgration dans un emploi stable se poursuit encore jusqu'ˆ l'aube de la trentaine,
comme en tŽmoigne le pourcentage de ceux qui ont un revenu de travail sans
avantages sociaux, par exemple (Gauthier, SimardÊ: 13 & 14).
Le concept de ch™mage est ici fondamental puisque qu'il existe plusieurs types de
ch™mage et de ch™meurs. Dans le contexte de cette recherche, nous dŽfinissons le
ch™mage comme Žtant une pŽriode variant de 3 mois ˆ 18 mois d'inactivitŽ
professionnelle pour des travailleurs et des travailleuses ‰gŽs entre 18 et 35
ans et cherchant activement un emploi. Compte tenu de notre dŽfinition des
jeunes, celle du ch™mage inclura ˆ la fois les jeunes qui tentent de sÕintŽgrer pour la
premi•re fois de mani•re permanente sur le marchŽ du travail, ainsi que les jeunes
lÕayant dŽjˆ intŽgrŽ, mais qui connaissent un arr•t professionnel et qui cherchent un
nouvel emploi.
Dans l'introduction de ce texte, nous avons dŽjˆ traitŽ en profondeur de cette notion.
Les analyses de Bernard Landry (1986), de Margaret Maruani et d'Emmanuelle
Reynaud (1993) y sont d'ailleurs rapportŽes. Par contre, nous dŽsirons spŽcifier ˆ ce
moment-ci que nous nous intŽresserons au ch™mage global chez les jeunes, sans
333
considŽrations distinctes pour diffŽrents types de ch™mage comme le ch™mage
frictionnel, saisonnier, structurel, technologique et technique.
On dŽfinit traditionnellement la notion dÕemployabilitŽ comme Žtant le potentiel
dÕune personne ˆ occuper un emploi et ˆ rŽpondre aux exigences des employeurs.
Certains mentionneront Žgalement lÕadŽquation entre certaines caractŽristiques de
cette personne et la nature des emplois disponibles sur le marchŽ (Provost, 1989Ê:
76). Nous dŽfinirons ce concept comme Žtant les possibilitŽs des individus ˆ
intŽgrer le marchŽ du travail suivant leurs connaissances, leur formation
ainsi que leurs capacitŽs physiques et intellectuelles. Les services formels
d'intŽgration ˆ lÕemploi se consacrent donc au perfectionnement et ˆ caractŽrisation
des capacitŽs des individus ˆ la recherche d'un emploi venant les consulter.
Au QuŽbec, et gŽnŽralement en Occident, il faut demeurer tr•s prudent car les
recherches produites sur ce sujet ont ŽtŽ commandŽes par lÕƒtat, qui Žvaluent ses
propres programmes.
Le concept d'efficacitŽ des rŽseaux de solidaritŽ informels est au centre de notre
deuxi•me hypoth•se de recherche. Une dŽfinition classique de ce concept seraitÊ: la
capacitŽ de produire un maximum de rŽsultats, donc de placements de jeunes sur le
marchŽ du travail, avec un minimum d'efforts et de ressources.
L'efficacitŽ est un concept dŽjˆ beaucoup ŽtudiŽ en sociologie du travail. Cependant,
l'angle de traitement des chercheurs est la plupart du temps le m•me, soit l'efficacitŽ
en termes de rendement, de productivitŽ, de profits et de rŽmunŽration. Le th•me de
l'efficacitŽ liŽ ˆ la recherche d'emploi, a tout de m•me intŽressŽ quelques auteurs. Ces
recherches pourront •tre tr•s utiles malgrŽ le fait qu'elles se concentrent sur
l'efficacitŽ des programmes de placement gouvernementaux ou institutionnels. Les
334
travaux des auteurs Lyse Marcil Fabri (1990) et Pierre Pinac (1989) sont de bons
exemples d'Žvaluation de placements de client•le suite ˆ un passage dans un
programme gouvernemental ou une stratŽgie de recherche d'emploi dispensŽe par un
groupe d'employabilitŽ.
LorsquÕil sÕagit de rŽseaux de solidaritŽ informels ŽtudiŽs ˆ la fa•on de Granovetter,
White ou Rees, leur efficacitŽ se mesure en termes de placement sur le marchŽ du
travail et de cožts reliŽs ˆ ce type de dŽmarches. Dans le cas dÕune analyse portant
sur la nature des relations et la circulation de lÕinformation, il sÕagit plut™t dÕopposer
le concept dÕefficacitŽ aux objectifs ainsi quÕau mobile (pulsion de dŽpart) qui ont
provoquŽ leur crŽation et enfin, mesurer qualitativement le contenu de ces relations.
Notre dŽfinition de lÕefficacitŽ est axŽe et met lÕaccent sur lÕŽtat dÕun rŽseau qui
brise lÕisolement de ses membres, soutient leur motivation et leur permet
dÕaccro”tre leur employabilitŽ.
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