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LisaSwann
ADORE-MOI!
Volume3
1.Lapetitefugueuse
Pendanttroissecondes,Daytonetmoiéchangeonsunregardlourddesens:d’accusationdeson
côté, et d’incompréhension pour ma part. Je reste les lèvres entrouvertes, mais aucun mot ne
s’échappedemabouche.Jesuisoutrée!Sérieusement!J’ailesentimentqu’onnevientpasdevivre
lamêmechosetouslesdeux,àsavoirmacrisedenerfsendirectdansmonappart,pendantlaquelleje
luiaiexpliqué–etilmesemblaitqu’ilavaitcompris!–quej’avaisétémalmenéeetbouleverséepar
ces dernières semaines, entre mon déménagement, le début de notre histoire et les révélations à
répétitionconcernantsavie.Ilm’aditqu’ilm’appréciaitcommej’étais,naturelle,spontanée,queje
nedevaispaschanger!Malgrétout,ilmedemandedem’expliquer,demejustifier.Toutçaàcause
dumotlaisséparuneadomallunéequiabrusquementdécidédemettrelesvoiles!
Maisjen’ysuispourrien!
C’estlemomentdeluirappelercequejesuiseneffet…
–M’expliquersurquoi,Dayton?demandé-jeenreprenantmesesprits.
J’aiencoreàlamainlemotqueSummeralaisséavantdefilerdesonappartementauNouveau
monde.Cemotquisous-entendquejeserais«unefouineuse»etquejeneluilaisseraispasd’autre
optionquecellededéménager.
Daytonmedésigned’unmouvementdetêtelemessagequejeserrenerveusementdansmamain.
–Ça,dit-ilsimplement,leslèvrespincées,lavoixfroide.
Unpetitricanementm’échappe.
–Tuplaisantes,j’espère,Dayton,dis-je,soudaintrèsagacéeparl’injusticedelasituation.
Ilinclinelatête,décontenancé.
–Jemedemandebiencequetuveuxquejet’explique,poursuis-je.Jepeuxbienteraconterma
rencontre assez déplaisante ce matin avec ta protégée. La façon assez impolie qu’elle a eue de me
souhaiter le bonjour alors que je faisais exactement ce que tu m’avais permis de faire, à savoir
prendremontemps,etoui,eneffet,jemesuisbaladéedanstonloft.Pasdequoisefoutredanstous
cesétats!EtceseraitàcausedeçaqueSummerseraitpartie?Tunecroispasquec’estunpeufort,
là?!
Ma tirade le laisse muet. À son expression, je devine qu’il réfléchit. Toujours cette guerre
intérieure qui le tiraille ! Son visage se radoucit et il redevient l’homme dont je suis amoureuse et
dontlephysiquemecoupelesouffle.
–Excuse-moi,dit-ilenseprenantsonvisageàdeuxmains.
Ilrelèvelatête.
–Jesuisinquiet,c’esttout,ajoute-t-il.
– Je peux comprendre, Dayton, mais cela ne justifie pas de m’accuser ou du moins de sousentendre ma responsabilité dans cette affaire, lui dis-je. Je n’y connais pas grand-chose en matière
d’ado,maistoutçasemblejustereleverd’unegrossecrisedejalousie,non?Sanscompterqu’ellea
20ans,pas14.Cen’estpasunbébéperdudanslaville!
Daytonlutteencorecontrel’inquiétudeetleressentiment.Jem’approchedelui.
–Dayton,tumefaisconfiance,non?
Laseconded’hésitationqu’ilaavantdemerépondreprovoqueunedéchargedepaniqueenmoi.
–Oui,oui,biensûr,dit-ilenfin.JevaisallerchercherSummer,Anna,jepensesavoiroùellepeut
être.
Encore une fois, je sens qu’il est sur le point de me planter pour retourner à cette vie parallèle
qu’ilprotègedepuistoutescesannées.Jesecoueénergiquementlatête,etDaytonécarquillesesyeux
bleuintense.Unmincesouriresedessinesurseslèvressensuelles.
–Commentça?fait-il.
– C’est non, Dayton, tu ne me plantes pas là, sous prétexte que c’est ta vie et que tu peux t’en
chargertoutseul,quetuesresponsabledecettefille,etc.C’estnon,jeviensavectoi!
Madécisionestsansappel.S’illefautjem’accrocheraiàsonpantalon,etilvadevoirmetraîner
derrièrelui.Ilestabsolumentinacceptablequelaconfiancequ’ilaenmoisoitremiseenquestionpar
lesaccusationspuérilesdeSummer.
Devantmonattituderésolue,mainscampéessurleshanches,regardgrave,Daytoncapituleetme
gratified’unsourirequipourraitmefaireoubliercegenredecrisesiellenevenaitpasjustedese
produire.
–O.K.,dit-ilenmeprenanttendrementparlebraspoursortirdel’appartementdeSummer.
Jesoupireintérieurementdesoulagement.J’aiétéunpeudirecteetbrutale,maisçaapayé,alors
queçaauraitpucoincer,non?Jen’aipasréfléchisurlecoup,Daytonauraitpuprendreladéfensede
Summeretm’envoyerbalader.Nousnesommesplusdesgamins.Noussommescapablesdevoirce
qui est juste, même au beau milieu d’une crise. C’est la preuve que nous sommes sur la même
longueurd’ondes.
Bonsang,quej’aimeêtresurlamêmelongueurd’ondesquecethomme…
NousquittonsleNouveaumondeetreprenonslaLightninggrisedeDayton,garéenonloin.Nous
sommes en mission, tous les deux marchant d’un pas volontaire pour rejoindre la voiture. Dayton
m’ouvrelaportièreet,avantquejegrimpedansl’habitacle,ilplaqueunbaiserfrancsurmeslèvres,
suivid’unsourirecomplice.
UnefoismêlésàlacirculationdeManhattan,j’osedemanderàDaytonoùnousnousrendons.
– Je pense que Summer est allée directement chez Petra, me répond Dayton, concentré sur sa
conduite.
Petra,tiensdonc…Petra,manouvellesuper-copine!
Petra qui m’a vicieusement conseillée de me comporter avec Dayton exactement comme il ne
fallaitpas,enlefaisantlanguiretennerépondantpasàsesappels.Petraquiatrouvéquelelookde
rockeuse délurée était celui qu’il me fallait pour attiser le désir de Dayton… Grâce à Petra, j’ai
surtoutfailliperdreDaytonenallantàl’encontredemapersonnalité.EtvoilàquePetraseraitcelle
chezquiSummerseraitalléeseréfugier?
–PourquoichezPetra?demandé-jeàDaytonquimanœuvredansleflotdevoituresenfronçant
lessourcils.
–ParcequeSummerestenadmirationdevantPetra,qu’ellessonttouteslesdeuxtrèsproches.On
pourraitdirequ’ellessontmêmebonnescopines,merépondDayton.Petradoitsansdouteincarnerle
genredefemmequeSummervoudraitêtreplustard,jenesaispas.
Voilàencorebienunepreuvedepsychologiemasculine…Ilsuffitdecomparerlatenuebabacool
de Summer aux allures de vamp de Petra pour se rendre compte que la jeune fille n’essaie en rien
d’imitersonaînée.Cedoitêtreautrechose.UnesortedecoalitionfémininepourpréserverDaytonde
toute approche étrangère. En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’on ne veut pas de moi dans les
paragesdeDayton.J’aiconnudesaccueilspluschaleureuxetmoinstordus…
–OnvachezPetra,là?demandé-jeàDaytonenmedisantquec’estpeut-êtrelemomentoujamais
deluilivrermathéorie.
–Oui,répond-il,çan’estpasloin,danslequartierdeNoLita.
– Dayton, il faut que je te dise quelque chose alors, ajouté-je d’une voix soudain un peu moins
assurée.
Aufeutricoloresuivant,ilsetourneversmoiavecuneexpressionsoucieuse.Ilestsursesgardes.
Bon sang, pourquoi ai-je toujours l’impression d’être à deux doigts de perdre cet homme
incroyable?!
–Qu’est-cequ’ilya,Anna?
Savoixestredevenueneutre,àlalimitedelafroideur.Jedéglutisavantdemelancer:
–J’aipassél’après-midiavecPetra.Jel’aicroiséecematinensortantduNouveaumonde,etellea
parutellementcontentedemevoirquej’aiacceptésoninvitationdefairedushoppingplustarddans
lajournée.
LesyeuxdeDaytons’assombrissent.
– Après être tombée sur Summer chez toi, je trouvais que Petra, en comparaison, était super
amicale.J’avaisbesoindeça,tucomprends?C’étaitunemanièrederentrerdanstonmonde.C’était
mêmeplutôtsympaavecPetra,ajouté-je.Lesboutiques,ladiscussion,maismaintenant,j’aicomme
l’impressionquejemesuisfaitmanipuler,Dayton,commesiPetravoulaitmepousseràlafauteavec
toi.AveclemotdeSummer,j’aivraimentlesentimentqu’onmetraitecommeuneintrusequ’onveut
écarterdetoi.
Jesaisquecesaccusationspeuventavoirdegravesconséquencessurnotrerelation.Cettesoirée
est tendue, et nous ne cessons d’aller d’incompréhensions en crises. Je suis raide dingue de cet
homme,maiss’ilfautenfiniraveclesflousartistiques,allons-y!
Dayton hoche la tête sans un mot, puis il pose sa main sur la mienne alors que nous roulons à
nouveau.Cegestetendremerassureau-delàdetouteattente.Jejetteuncoupd’œilauvisagedemon
amant et, même si ses traits sont toujours crispés, je sens qu’il ne m’en veut pas. Il doit bouillir
intérieurementdumauvaistourquim’aétéjoué.
À l’instant même où j’ouvre la bouche pour répondre, nous nous arrêtons devant un immeuble
typiquement new-yorkais en briques jaunes, sur la façade duquel zigzague un escalier de secours
métallique.
– On y est, déclare Dayton. Anna, poursuit-il en rivant ses yeux aux miens, la tête légèrement
penchée,tumelaissesfaire,d’accord?Aprèscequetum’asraconté,jecroisqueSummerestsurses
gardesetquePetran’yestpeut-êtrepaspourrien.Jevaisremettrelespendulesàl’heure.
Jefaisunegrimaceennuyée.
– Oh non, soupiré-je, je ne veux pas qu’il y ait d’histoires, Dayton. Je souhaitais juste que tu ne
doutespasdemoi.JeneveuxpasquetuteprenneslatêteavecPetra,niavecSummer,quoiqu’ilait
pusepasser.
Daytonposeundoigtsurmeslèvrespourmefairetaire.
–Jenevaismeprendrelatêteavecpersonne.Jevaisjusteéclaircirlasituationpouréviterquece
genredechosessereproduise.O.K.?
Sonregardmescrute.Jehochedoucementlatêteetilmesouritavantd’attirermonvisagepour
déposerunlégerbaisersurmeslèvres.
***
QuandDaytonsonneàl’interphone,Petrarépondtrèsvite,commesiellel’attendait.
–Monte,dit-elle,j’étaissûrequetun’allaispastarder.
Daytonn’apasavertidemaprésence.Aussi,quandPetraouvrelaporte,toutsouriredanssatenue
de vamp qu’elle arbore visiblement en toute occasion, sa mine réjouie se décompose très vite dès
qu’ellem’aperçoit.
– Ah, tu n’es pas tout seul, dit-elle comme si elle ne pouvait s’en empêcher. J’aurais cru que tu
auraispréféréréglerçadansl’intimité.
C’estça,commesijefaisaispartiedupetitpersonnel…
Daytonentredansl’appartementplutôtvintagedePetra,quis’écartedevantmoienmelançantun
regardindéchiffrable.Jelafixesanssavoirquoidirejusqu’aumomentoùjenepeuxm’empêcherde
lâcher.
– Finalement le cuir, les talons hauts, tout ça, ça n’était pas trop mon genre, ni celui de Dayton
d’ailleurs…ajouté-jepastropfort.
Petra me toise toujours dans l’entrée. C’est un face-à-face digne d’un western. Je suis certaine
qu’elle se retient de me balancer un commentaire bourré de venin. Je savoure le fait qu’elle soit
obligéedeseretenir.Pourtant,jen’arrivepasvraimentàcomprendrepourquoicettefille,quiatout
pourelle,peutmejalouseraupointdememettredesbâtonsdanslesroues.
Je suis Dayton jusque dans le salon d’où s’échappent les bruits caractéristiques d’un jeu vidéo.
DaytonestdéjàenpleinediscussionavecSummer.Jemepostesurlepasdelaporte.J’aidroitàun
regardnoirdel’adoàdreadlocks.
Heureusementquecesontdesballesàblanc.Aveccesdeux-là,jeseraisdéjàraidemorte…
–C’estn’importequoi,Summer,ditDaytonsurletondusermontrèsadulte.Quit’amisdansla
têtequ’Annaétaitentraindefouillerchezmoi?Tucroisquejenesuispasassezgrandpournepas
savoiràquifaireconfiance?AnnaestchezelleauNouveaumonde.
Ouah,superbonnenouvelle…
– Tu te comportes comme une gamine qui a peur qu’on lui vole ses jouets, poursuit-il. C’est
absurde,ettutefouscomplètementquejepuissemefairedusouci.Tunepensesvraimentqu’àtoi!
poursuitDayton.
C’estétranged’entendreDaytonparleravecletonresponsabledugrandfrèreinquiet.Celalerend
encoreplusirrésistible,etlaleçonal’airdefairesoneffetsurSummer.L’expressionrebelledela
jeune fille trahit une once de culpabilité, et son menton commence même à trembler. Je me recule
pournepasqu’ellesoitgênée.Jel’entendss’excuserauprèsdeDayton.
Danslecouloir,jemarchesurlepieddePetraquejen’aipassentiederrièremoienm’effaçantde
lascène.
–Oups,désolée,soufflé-je,persuadéequePoisonIvyvamedécocheruncouprevanchard.
Mais elle ne dit toujours rien. Elle est vexée et terriblement tendue. Cette situation me gêne et
m’agace.Jen’airienfaitpourmemettredansunetellehistoire.Jenefaisqueréagirauxmanigances
desautreset,malgrétout,c’estmoilaplusembarrassée.Toutcelameparaîtprofondémentinjuste.
– Je crois que tu t’es bien foutue de moi, finis-je par dire à Petra, à voix assez basse pour que
Daytonn’entendepas.
–Onpeuts’amuserunpeu,non?répond-elleenricanant.
–Jenesuispassûrequecelasoitpayantauboutducompte,desemoquerdesgensjustepourle
plaisir.JenesaispassituasenplusinfluencéSummer,maisj’aiparlédetoutçaàDayton.Tucroyais
quej’étaisassezstupidepournepasmerendrecomptedetonpetitjeu?
Bon,àvraidire,j’aiétéàdeuxdoigtsd’êtretrèsstupide…maisellen’apasbesoindelesavoir!
Sonsouriremauvaissefige.Ellenesaitpasquoirépondre,etjesuisassezravied’avoirtrouvéle
culotd’affrontercettepanthèreroussetoutencuir.C’estvraiqu’ilyadeuxheures,jefaisaismoinsla
fière.
QuandDaytonréapparaîtdanslecouloir,Petrachangeaussitôtdevisage.J’ensuissoufflée.C’est
avecunregardcontritetuneminepréoccupéequ’elleseprépareàaffronterDayton.
–Bon,Summervacherchersonsacetsesaffaires,etonyva,meditDaytonavantdesoupirer,
soulagé,etdemesourire.
Ça fait du bien de le voir détendu. Je commence moi-même à retrouver une respiration moins
contrainte.
–Tupeuxnouslaisserdeuxminutes,Petraetmoi,s’ilteplaît?medit-ilens’assurantbienquej’ai
comprisn’avoirrienàcraindredecetteentrevue.
Alorsjem’esquivedanslesalonoùdeuxminutesplustard,Summermerejoint.Nouspartageons
unsilencetrèsembarrassantpendantqu’unediscussionétoufféeunpeunerveusenousparvientdepuis
lecouloir.JefinispartendrelamainàSummerdansungestedésinvolte,enhaussantlesépaules.
–Jen’aimepasm’engueuleraveclesgens,dis-jeenguisedepréambule.Onpeutfairecommesi
riennes’étaitpasséentrenous,Summer?
Larousseauxdreadlocksm’observecommeelleleferaitd’unfauveéchappéd’unecagedezoo.
Jenedoispasêtresieffrayantequeça!
–Allez,Summer,jeneveuxpasempiétersurtonterritoire,tusais?dis-jelamaintoujourstendue.
Çameferaitvraimentplaisirdemieuxteconnaître.
Pascesoir,maisunjour…
AlorsSummercède,aprèsm’avoirlonguementobservéeetmetendlamain.
–O.K.,lapaix,marmonne-t-elle.
J’ai l’impression d’avoir remporté une toute petite manche, comparée à la guerre froide qui se
livredanslecouloir.SummeretmoipatientonsencoreunpeuavantqueDaytonpasselatêteparla
porte:
–Onyva,lesfilles?lance-t-ild’unairjoyeuxcommesiderienn’était.
Pourtant, traverser le couloir sous le regard mauvais de Petra me donne l’impression d’une
baignadedansuncanalgelé.Jeretiensmarespirationjusqu’àlaporte.Daytonaposésamainsurle
creuxdemesreinspoursoulignercertainementquelleestl’équipequ’ilsoutient.
Nous nous serrons tous les trois dans la Lightning et reprenons la route dans un silence que
Daytonneparvientpasàallégerenplaisantant.ChaquefoisqueDaytonposediscrètementsamainsur
macuisse,jereçoiscommeunedoucechaleurdansmoncorps,quetoutescesdernièresheuresonteu
tendanceàglacer.Soncontactmerassureetm’apaise.Malgrétout,jesuisécœurée.Cettesoiréen’a
pas de fin. Elle a commencé sur un malentendu, s’est poursuivie en accumulant crise sur crise…
J’aimeraisqu’onsoittouslesdeuxetqu’onrépareànotremanièretouteslestensions.Voilà,c’estde
çadontj’aienvie:delapeaudeDaytoncontrelamienne,delatendresse,quenoscorpss’emballent
et effacent tout. J’ai envie de ça et de rien d’autre. Malheureusement, ça ne va pas être possible, ne
serait-cequeparcequ’ilyauneadoboudeuseàl’arrièredelavoitureetquejesensqueleremontage
debretellesvacontinuerderetourauNouveaumonde.
–JevoudraisrentreràBrooklyn,lâché-jed’unetoutepetitevoix,auboutdequelquesminutes.
Daytonmelanceunregardpaniqué.Jeneluilaissepasletempsdeprendreledessus.Peuimporte
queSummerpuissenousentendre,çalaconcerneunpeuaussi.
–Dayton,j’aibesoind’êtrechezmoi,aucalme.Lasoiréeaété…animée,etjecroisquevousavez
touslesdeuxbesoindediscuter,non?
Leslèvrespincées,lesmâchoirescrispées,ilmefixemaisneparlepas.
–Commetuveux,fait-ilenchangeantbrusquementd’itinéraire.
Letrajetestplusquetendujusqu’àBrooklyn.Jefermelespaupièresàplusieursreprisesquandla
conduitedeDaytonsefaitplusnerveuse.Ilrestemalgrétoutprudentetnousarrivonsàbonport.Il
descendavecmoipourm’accompagnerjusqu’àlaportedel’immeuble.Jemerendscomptequeje
suisclaquée,riendegrave,maisjustedequoijustifierquelquesbonnesheuresdesommeil.
–Anna,medit-ildoucementalorsquejem’apprêteàrentrer,jesuisdéçumaisjecomprends.
Vusatête,j’endoute,maismercipourl’effort…
–J’aijustebesoind’unebonnenuit,Dayton.Ons’appelledemain,dis-jedansunsouffle.
Avantquelaporteneclaque,jemeretournepourlevoirsedirigerverslaLightningdanslaquelle
Summerestaffalée.
Tuparlesd’unesoiréeromantique…
2.Lavieàbraslecorps
Jetraverselesalon,mâchoiresserrées,sousl’œileffarédeSaskia,vautréesurlecanapédevantla
télévision. Churchill l’imite – ou bien c’est elle qui imite le chat, je ne sais pas trop. Alors qu’elle
ouvrelabouchepourmeparler,jelèvelamainpourl’arrêter.
–S’ilteplaît,non,là,j’aimadose.Onverrademain.
Etjem’enfermedansmachambresansmêmeprendrelapeinedemanger,medéshabilleàlavaviteetmeglissesousmacouette.J’enfouislenezdansmonoreilleretfermeaussitôtlespaupières.
J’aijusteletempsdepenserque,finalement,leprojetdepasserquelquesjourschezlesparentsde
Daytonesttombéauxoubliettes,etjenesuisdéjàpluslà.
***
Quandj’ouvrelesyeuxlelendemain,laviebatdéjàsonpleindanslarue.Jeperçoislesklaxons
des voitures, les bruits de moteur et le brouhaha des gens qui vaquent à leur journée. Je reste un
momentétenduedansmonlit,lesbrasencroix.Jefixeleplafond.J’ail’impressiond’avoirdormi
desjoursetdesnuits.Jesuishébétée,maisreprendsmalgrétoutlefildemespenséesdelaveille.
Finalement,prouveràDaytonquijesuisvraimentestbienpluséprouvantquemondéménagement
etledécalagehorairequej’aifaitmined’ignorerdepuismonarrivéeàNewYork.Moiaussi,j’aima
propreguerreintérieure.Jesuistellementamoureusedecethomme,sisensibleàsaprésence,queje
seraisprêteàtoutpourlui.Pourtant,jerefusedemelaissermalmener,commecelaaétélecasces
derniersjours,etjerefusededevoirexpliqueroujustifiercequejesuis.
Vul’étatdanslequelj’étaishiersoir,j’aipeurquecelaaitétélagoutted’eauquiafaitdéborderle
vase.Daytonétaitdéçuquejenepassepaslanuitaveclui.Ilm’aassurécomprendremais…pff,eton
ditquelesfemmessontcompliquées.
J’allumemonportable.Ilest11heures!
Desmessagesarriventaussitôt.Jonathan,monexquirefused’êtremonex,m’alaisséunmessage.
J’écouteledeuxième,c’estencoreJonathan!Jeleseffaceaussitôt.Jecroyaisavoirétéclaireavanthier,lorsdenotrediscussionsurSkype.
Mes parents aussi voudraient savoir si tout se passe bien. Je m’assieds dans mon lit pour leur
adresser un SMS et les avertir qu’ils peuvent m’appeler dès qu’ils se réveillent. Pas de message de
Dayton…Moncœurseserre.
Bienjouépourhiersoir…Çavalaitlecoupd’êtrefranche!
Jen’arrivepasàmobiliserenmoil’énergiepourmelever.J’aimêmedumalàmeconvaincreque
siDaytonnem’apasenvoyédemessage,ehbien,c’esttoutsimplementparcequ’iln’apasletemps
entresonboulotetSummer!
Voilà!C’esttout!Etmaintenant,jevaismeremuerlesfessesaulieudelarmoyer!
Jenesuispasvenuem’installeràNewYorkpourmetournerlespoucesoumelamentersurmon
sort. C’est vrai quoi, quand on y pense, je n’ai pas trop à me plaindre : mon article pour un
prestigieux magazine masculin a plu et j’ai donc l’espoir de retravailler pour cette rédaction ; mes
trèschèreslectricesvirtuellesattendentdesnouvellesdesaventuresdeTwinkleàNewYork…etje
commencetoutjusteunehistoireamoureusepalpitanteavecl’hommeleplussexydumonde!
Desbruitsdecasserolemeparviennentdepuislacuisinedel’appartement.Jemedécideàsortirde
ma tanière et bute aussitôt contre une masse de poils étalée sur le dos dans un rayon de soleil. La
chosemolleémetunmiaulementcontenté.
–Tuasfaim,j’espère,melanceSaskiadepuislacuisine,parcequejet’aimitonnédeslasagnes
maison!
–Chouette,lancé-jeenrigolant.J’enrêvaispourlepetitdéj’!
Mais j’ai une faim d’ogresse, et il est l’heure de déjeuner. Nous nous attablons autour du plat
fumant. Entre deux bouchées succulentes, je raconte à mon amie la soirée qui a tourné court, la
pseudo-fuguedeSummer,lamiseaupointavecPetra.Saskiam’écouteavecattentionpuis,unefois
nosassiettesvidées,ellem’exposesapensée.
–Anna,toutçavatropviteetc’esttrèscompliqué,maiscetypet’adanslapeau,çasesent.Ettoi,
tuesfolleamoureusedelui.
Jusque-là,jesuisd’accordavecelle.
–Seulement,c’estlapremièrefoisqueturencontresuntelmec,poursuit-elle.Enfin,jeveuxdire,
t’en as rencontrés beaucoup des mecs comme ça, toi ? Beau comme un dieu, riche, brillant,
mystérieux.N’importequellefemmeseraitperturbée.Ettoi,enplus,tuesenpleinchangementdevie.
Çafaitbeaucoup,non?
Maisc’estcequejenecessederépéter:c’esttrop!
–Cequejeteconseille,c’estdeprendredurecul,meconseille-t-elle.Çaneveutpasdirequetune
répondspasautéléphonequandilappelleouquetutefringuescommeunesuper-héroïnedesérieB.
Non,turespires,tusouffles.C’estsavie,paslatienne.Quandtusensquecequ’iltefaitvivrevatrop
vite,tuluidis,maissanspéterlesplombsnonplus.Ilsuffitjusted’anticiper,hein?
Jesecouelatêtecommeunefigurinedechiensurlaplagearrièred’unevoiture.
–J’aiconvoquéuneréunionausommet,ajoute-t-elle.
–Quoi?dis-jed’unairahuri.
– On a rendez-vous avec Gauthier sur Skype. Tu as besoin qu’on te remette les idées en place,
Anna.
Elleselèvepourallerseconnecter,etlevisagedeGauthierapparaîtsurl’écrandel’ordinateur.
SaskiaetmoinousinstallonssurlecanapépourprofiterdusouriredenotreamirestéàParis.
–Coucou!nouslance-t-ildesontonguilleret.
–Tutelèvesouc’estunenouvellecoupedecheveux?demandeSaskiapourletaquiner.
Gauthierarboreunemèchefolleetrebelle,ainsiquedebeauxcernessouslesyeux.
–T’asfaitlafête?hurlé-jepresque.Raconte,raconte!
–Hum,jecroyaisqu’onétaitcenséparlerdetoi,Anna,meditGauthierenprenantuneminegrave.
J’ai oublié mes pensées soucieuses du réveil. Voir mon ami me lave complètement le cerveau.
Malgrétout,Saskia,quialedondelasynthèse,résumelasituationdelaveilleenquelquesphrases
directes.Gauthiernousgratified’unemouesongeuse,quejesoupçonnesurtoutêtrel’expressiondu
mecpasréveillé.
–Hum,jecroisquecetype…
–…s’amuseavectoi,finissons-nousenchœuravantd’exploserderire.
– Hé, change de disque, Lady Gogo ! pouffe Saskia. On voulait ton conseil avisé, pas que tu te
répètes.
–Ahoui?Voussous-entendezdonctouteslesdeuxquejeradotecommeunevieillerombière?
nousdemande-t-ilavecunsourireamusé.
Gauthieradorequ’onl’appelle«LadyGogo».
–Plussérieusement,Anna,tunepouvaispastetrouveruncharmantjeunehommebiensoustous
rapportsetpascompliqué?medemande-t-il.
–TuveuxdirecommeJonathan?réponds-je.
–Non,jeveuxdire,pascommeceténergumènequiressembleàMichaelFassbenderetquitefait
traverserlescinquantenuancesdudouteetdelacrisedenerfs!
– Non parce que question crise de nerfs, le genre qui paraît bien sous tous rapports comme
Jonathanpeutêtresourced’emmerdesaussi,tusais?rétorqué-je.
Gauthierhausselessourcils.
–Jonathant’appelletoujours?demande-t-il.
–M’appeler?réponds-je.Ilmeharcèle,oui.SMS,messagessurrépondeur,e-mails,j’aidroità
toutel’artillerie.J’aifiniparcéderetj’aieuunediscussionavecluisurSkype,maisilneveutrien
entendre.Ilrefused’admettrequec’estfinientrenous.C’estdécidé,dorénavantjefaislamorte!
–Mouais,pascertainqueçalecalme,ditGauthieravecunemouedubitative.
Uneombretraversel’écran,dansledosdeGauthier.Saskiaetmoirestonsbouchebée,muettes.
–Quoi?faitGauthier.Pourquoivousfaitescestêtes?
–Euh,onarêvéouc’estunepairedefessesdénudéesqu’onavupasserderrièretoi?dis-jeen
riantbêtement.
Gauthier se retourne brusquement. On le voit faire quelques petits gestes sur le côté, disparaître
troissecondesdel’écran,puisrevenirlamècheencoreplusfollequ’avant.
–C’estqui?demande-t-onenchœur.
–Quelqu’un,répond-ilavecunpetitsourire.
–Iladesfessesdrôlementbienfaites,commenteSaskia.
–Desfessesdedanseur,non?ajouté-jecommesinousétionsseulementtouteslesdeuxàpapoter.
Gauthierfaitsatêted’énervé,narinesdilatéesetboucheenavant.
–D’accord!J’avouetout!C’estunhomme,dit-il.
–Euh,àvraidire,onsaitencorereconnaîtreunhomme,commenteSaskia.
– C’est Micha ? demandé-je, d’un air innocent. Coucou, Micha, ajouté-je plus fort cette fois, en
agitantlamain.
Saskia et moi voyons le beau spécimen de danseur approcher de l’écran, Gauthier faire une tête
trèscomique,puislaconnexionestcoupée.
Nous rions de bon cœur en nous affalant sur le canapé, ravies d’avoir retrouvé, même
virtuellement, notre ami. Toutes mes interrogations d’hier soir sont maintenant effacées ! Bon, pas
complètement oubliées, d’accord, je ne peux pas m’empêcher de jeter des coups d’œil sur mon
portable pour voir si Dayton m’a envoyé un message… mais je me sens, malgré tout, plus légère,
mêmesijesaisquecen’estqueprovisoire.
Jepeuxfairesemblant,non?!
Jesuismêmed’humeuràécrireunnouveaupostsurmonblog.Jem’ymetsaussitôtetrigoletoute
seuleenrédigeantleprogrammeidéaldurelookingraté,enmefichantgentimentdeTwinkleetdeses
tentatives en cuir moulant. Illustration à l’appui : Twinkle aux cuisses de poulet, juchée sur de
véritablestoursEiffel,al’airauborddelacrisedenerfs.J’intitulel’article:«Commentressembler
àn’importequoi,moded’emploi».
Mes parents appellent, et j’échange joyeusement avec eux. Je ne laisse rien transpirer de mes
aventuresdelaveille,niducafarddudébutdejournée.Jemesensbourréed’énergie.Jerassemble
mesaffairesdedessinetm’apprêteàpartirmepromenerdansmanouvelleville.J’enprofiteraipour
acheterquelquesrevuespourvoirquelleestlatendancedesarticles.Ilfauttoujoursallierplaisiret
travail!
La besace sur l’épaule, les clés en main, je suis arrêtée en plein élan par la sonnerie de
l’interphone.Uneseconde,jem’enveuxd’espérerquecesoitDayton.
–C’estJeffCoolidge,meditSaskiaquis’estprécipitéeavantmoiàlaporte.Lebeaublack,ajoutet-elleaprèsavoiractionnél’ouverturedelaportedurez-de-chaussée.
Ellearboreungrandsourireraviethausselessourcilsd’unairenthousiaste.Jereposemabesace.
Jeffesthabilléenmodecostard-cravate.
BeaucoupmoinssexyqueDayton!
Malgrétout,Saskiaal’airtoutdesuitesouslecharme.
–Jenevoulaispasvousdéranger,Anna,jepassaisjustedanslecoinetjevoulaisprendredevos
nouvelles.
Biensûr,etprendrelatempératureaussi?
Difficiled’oublierqueJeffestlemeilleuramideDaytonetqu’ilestcertainementaucourantdece
qu’ils’estpasséhiersoir.Jefaisl’innocente,lafillecontentederecevoirdelavisite.
– Eh bien, c’est gentil, Jeff, réponds-je sur un ton jovial. Ça va très bien, je m’apprêtais juste à
sortir.MaisvousneconnaissezpasmonamieSaskia?
Impossible d’éviter l’amie en question qui gesticule et supplie à la fois dans le dos de notre
visiteurafinquejefasselesprésentations.JeffseretourneversSaskia,quisetransformetoutdesuite
enfemmeexquise,séductrice,toutmiel.
Quellestarlette,celle-ci!
–Ons’estdéjàcroisés,minaudeSaskiaentendantunemainfrêlequeJeffenfermedanslasienne,
gigantesque.L’autrejour,danslehall…
–Oui,eneffet,répondJeff.Jesuisheureuxdevousrencontrer.Vousêtesplasticienne,c’estça?
EnrésidencedansunegaleriedeBrooklyn?
– Dites donc, vous en savez des choses sur moi, murmure Saskia qui passe en mode timide. On
vousoffrequelquechoseàboire?
TandisqueSaskias’affairederrièrelecomptoir,Jeffessaieavecdiscrétionetélégancedetester
monhumeur,maisjenesuispasdupe.
–Jeff,c’estDaytonquivousenvoie?luidemandé-jesansaucuneagressivité.
C’estétrangecommelacommunicationaétéfaciledèsledébutaveccethomme.Jesensqu’ilpeut
être un allié, que je peux lui faire confiance. Il ne prend pas mal ma question. Il a un petit sourire
ennuyéethausselesépaules.
–Non,Anna.Pourêtrefranc,ilm’aracontélascèned’hier,enfinlespetitsnumérosauxquelsvous
avez eu droit avec Petra et Summer. Je me faisais du souci pour vous. Dayton tient à vous ; je le
connaisassezpournepasendouter.
Ilsecouelatêtecommes’ilnesavaitpascommentexprimercequ’ilasurlecœur.
–LeproblèmeavecDayton,Anna,c’estquesavieestcompliquéeetqu’ellel’atoujoursété.Luia
intégréça,maisiladumalàcomprendrequecenesoitpasaussisimplepourceuxquil’entourent.
Jeluisouris.Cethommeestjuste.Ilestattentionnéetcalme.C’estletypefiableparexcellence.
– Jeff, je crois que vous avez parfaitement résumé la situation, lui dis-je. J’en aurais été bien
incapable.Merci.
Ils’approchedemoietprendmesmainsdanslessiennes.C’estunepoigneforteetrassurante.
–Jesuiscontentdevoirquevoustenezlecoup,Anna,dit-il.Daytonenvautlapeine,etjenedis
pasçaparcequec’estmonamiet…
Commenoussommessurlamêmelongueurd’ondes,jedevineaussitôtqu’ils’apprêtaitàdireque
Daytonestaussisonpatron,mais,d’unrapidecoupd’œilversSaskia,jeluifaiscomprendrequ’il
vautmieuxsetaire.Saskiadébarquejustementavecunplateauetdesverresdecitronnadequ’ellea
préparéeelle-mêmecematin.
Quellemouchel’apiquéepourqu’ellepasselamatinéeencuisine!?
–C’estbiençaqu’onboitauxStates?dit-elled’unairenjoué.
–Oui,danslesvieuxfilms,répondJeffenrigolant.
Nous discutons une dizaine de minutes tous les trois, mais quand Saskia se met à envisager de
transformer Jeff en modèle pour une série de tableaux, j’en profite pour m’éclipser et partir me
promener comme prévu. Après tout, Jeff a l’air de se divertir en compagnie de Saskia. Ses projets
loufoquesnesemblentpasluifairepeur.
***
Jepassel’après-midiàflânerdanslesrues,àobserverdescoursd’école,desterrainsdebasket,à
dessinerdesimmeubles,desdevantures.Jemarchemêmejusqu’audébutdupontdeBrooklynpour
observerManhattandanslesoleil.
DéambulermepermetderéfléchiràmonhistoireavecDayton.LepassagedeJeffàlamaisonm’a
rassurée, mais il n’empêche que je n’ai toujours pas de nouvelles de mon amoureux depuis les
incidentsdelaveille.Jenecomptepasl’appeler.Jen’aipasl’impressiond’avoircommisunimpair.
C’estplutôtmoiquiaiétémalmenéehier.Çan’arienàvoiravecunacterebelleetimbécile.
Ilmemanque…
Sa voix, sa peau, les gestes que nous avons l’un pour l’autre, le plaisir que nous nous donnons,
tout me manque et me revient en bloc, au point de m’en couper le souffle. Pourtant, nous nous
sommesvusilyamoinsdevingt-quatreheures.
Rapidement,lemanquesetransformeenpeur,etjecrainstoutd’uncoupquenotrehistoireaitdéjà
tournécourt,qu’ilnemedonneplusdenouvelles,qu’ilsoitvexé,blesséouencorequejen’arrive
pasàm’adapteràsavie…
Héoh,stop!
Alorsilmesuffitdeleverlesyeuxetdevoirlavieautourdemoi.Jefaispartiedecettevieaussi!
***
Aprèscettelonguebalade,mesjambespèsentdestonnesquandjemontelesdeuxétagesjusqu’à
l’appartement.Jem’arrêtedevantlaporte,carj’entendsdesvoixàl’intérieur.
Dayton?!Maisqu’est-cequ’ilfoutlà?
J’entre sans pouvoir contenir ma surprise. Je n’ai pas envie de faire la gueule, comme les filles
fontsouventalorsqu’ellessonttrèsheureusesderevoiruntypemaisqu’ellesveulentluifairepayer
quelquechose.
Tiens,ilfaudraquej’enparledansundemesposts!
Non.Bizarrement,c’estencoremoiquimesenscoupabled’avoirditcequejeressentais.Là,je
suisjusteheureusequ’ilnem’enveuillepasetqu’ilsoitrevenudelui-même.
Daytonestinstallédansunfauteuil.Ilestpenchésuruncartonàdessinsremplidesesquissesde
Saskia. Mon amie – une seconde, je la traite intérieurement de traîtresse ! – observe Dayton pour
mesurersonappréciation.Ilsontl’airdebiens’entendre.
Jeresteplantéedansl’entrée.DaytonlèvelatêteversmoiquandSaskias’exclame:
–Twinkle,tevoilàderetour!
Daytonm’adresseunsourirelumineux.Sesyeuxbleuspétillent.
Comment puis-je raisonnablement résister à Mr Rock, en tee-shirt gris à motifs arty, jean foncé
slimetConverseblanches…?
Argh,jecraque!
Entre lui et moi, posé à même le parquet dans un colossal vase en verre, un énorme bouquet de
fleurs de la taille d’une table ronde pour quatre personnes embaume toute la pièce. Nos regards se
rencontrentau-dessusdesfleurs.Jeluisouris.
–Bon,jevaispeut-êtrevouslaisser…ditSaskiaquisesentdetrop.
– Non, reste, lui dit Dayton. Dès qu’Anna aura préparé son sac, on file chez mes parents en
Virginie.
Oh,c’estdonctoujoursauprogramme?
Avant de disparaître sans discuter dans ma chambre pour préparer mes affaires, je dépose un
baisersurleslèvresdemonamoureux,etilmeretientcontrelui.Pendantquelquessecondes,nous
nousenlaçonscommesinousnenousétionspasvusdepuisdesjours.Çafaitdubiendelesentir,de
letoucheretdemeréfugierdanssesbras.C’estévidentquemaplaceestbeletbienlà,contremon
amoureux.
***
Enhélicoptère,ilplaisante?
Je me rends compte que j’ai pris l’habitude de suivre Dayton sans lui poser de questions. Je
commenceaussiàavoirl’habituded’êtresurprisechaquefoisquejelesuissansposerdequestions.
Quand nous descendons de voiture à la pointe de Manhattan sur le Pier 6, je marque un temps
d’arrêt devant l’engin volant en face de nous. Les rotors font un bruit d’enfer, et mes cheveux
s’envolent dans tous les sens. Je lève vers Dayton un regard interrogateur, un rien terrorisé. Il est
radieux.
–Quoi?Nemedispasquetun’esjamaismontéedansunhélico?medemande-t-ilavecunpetit
sourireamusé.
Jesecouelatête.
–Alorsceseratonbaptêmedel’air,dit-il.Avecmoi…
Il me prend par la taille et m’entraîne en courant vers l’appareil qui nous attend, pendant qu’un
employédel’héliportportenossacs.Jetremble.Parcequej’ailatrouilleetparcequecettetrouille
merendencoreplussensibleàlaproximitéducorpsdeDayton.Toussesgestes,pourm’harnacher,
poserlecasquesurmatête,s’assurerquejesuisbieninstallée,déclenchentàchaquefoisunfrisson
enmoi.Jenesuisrienentresesmains.Jemelaissefaireetc’esttellementbon…
Lepilotenousannoncequeledécollageestimminent.Savoixrésonnedansnoscasques.Dayton
serremesmainsdanslessiennesetm’embrassetendrement.
Çayest,nousprenonsdel’altitudeetdelavitesse.Moncœurs’emballe.Daytonavraimentledon
dememettredanstousmesétats.Jemesenssoudaintrèscoquineettactile.
–J’aimebienm’envoyerenl’airavectoi,dis-jeavecunpetitregardaguicheur.
–Levoldevraitdurerunpeuplusdedeuxheures,merépondlepilote.Lesconditionsmétéosont
optimales.
Daytonéclatederire.
Lahonte,lepiloteatoutentendu!
–Jecoupelacommunication,ajoutelepilote.Jevoussouhaiteunbonvol.
LamaindeDaytons’aventuresurmacuisse.
–Onvapeut-êtreattendred’atterrirpours’envoyerenl’air,non?medit-ilavantdedésignerla
vueépoustouflantedelavillequis’éloigne.
Levoyageestcaptivant.Jelepassebouchebée,leregardrivéàlavitre.Unmoment,jemetourne
versDaytonetm’aperçoisquesonregard,plusdouxmaintenant,n’apasquittémonvisage.
–Excuse-moipourhier,Anna,memurmure-t-ildanslecasque.Excuse-moidet’avoirbousculée
depuistonarrivée.
J’ailagorgenouée.
–Jeneveuxpasteperdre,Anna.
–Moinonplus,Dayton,réponds-je,lecœurgonflédebonheur.
Le vol prend fin dans les temps annoncés par le pilote. Nous atterrissons au milieu d’une vaste
étendueherbeuse.Danslesoircouchant,jedevinelalisièred’uneforêt.Nousdescendonsavecnos
sacs et nous éloignons pour laisser l’engin reprendre son envol. Les rotors brassent l’air lourd en
nousapportantunpeudefraîcheur.NousvoilàdansleroyaumedeDayton,làoùilvientsemettreau
vert,àquelqueskilomètresdelamaisondesesparents.Jemetournealorsverslabâtissedonnantsur
laclairière.
–Jesupposequec’esttacabane?demandé-jeàDaytonquejesenssourireprèsdemoi.
Unemaisondepierreetdebois,trèscontemporaineetauxvolumesallongéssefonddansledécor
grandiose de la forêt. L’intérieur illuminé laisse deviner une façade presque entièrement vitrée
donnantsuruneterrasseenbois,aussilargequelamaison.
–Viens,meditDaytonenmeprenantlamainpourm’entraînerversl’escaliermenantàlaterrasse.
Laterrassecomporteunepiscinedontl’eauéclairéediffuseunpeudefraîcheurdansl’airlourddu
soir.Mesvêtementscollentàmapeauetmanuqueestmouillée.Laproximitédesboisnepeutrien
contrelatouffeurdelajournéed’étéquiestencorelà.Nouslasentonsautourdenous.Elleposesur
nospeauxunvernistiède,commeaprèsl’amour.Lebassinesttentant,vraiment.
Dayton porte nos sacs à l’intérieur. Je reste sur la terrasse, fascinée par le décor et l’isolement.
Daytonrevientavecungrandverred’eauglacéequ’ilmetend.Jeboissivitequel’eaudévalesurma
gorgeetmouillematunique.Sonregard,surnatureldanslalumièredelapiscine,nemequittepas.Sa
présence est animale dans un tel décor. Comme il est troublant ! Il ne parle pas, me fixe juste, et
lentement fait passer son tee-shirt par-dessus sa tête. Dans la pénombre, le moindre muscle de son
torseestsouligné.Sonsourireestgourmand.Jesuiscommeunebichetétaniséeparlespharesd’une
voiture.
–J’aienvied’unbaindeminuit,dit-ild’unevoixrauque.
Ils’avanceversmoi,mainstendues.Unbrasiers’éveilledansmonventre.
Immobile face à moi, Dayton effleure les contours de mon corps du bout des doigts. Sa caresse
aérienneestcommeunebrisequifaitnaîtredesvaguesdefrissonssurmapeau.Ilrelèvemonmenton
doucement,etseslèvress’avancentverslesmiennes.Saboucheentrouvertecouvresensuellementla
mienne.Jesoupirecontrelui.MalangueflirteaveccelledeDayton,d’aborddefaçontaquine,puis,
soudain,demanièrepluspassionnée.
C’est toujours la même tempête qui nous dévaste, chaque fois que nous commençons à nous
toucher. Nos mains partent à la conquête de l’autre. Je parcours son dos nu, caresse ses pectoraux.
Daytonm’entourelataillepourmecolleràluidansungestesanséquivoque.Samainmaintientmon
menton, et ses doigts se promènent sur mes lèvres alors que nous nous embrassons toujours. Cet
effleurementsurnosbouchesquisedévorentesttrèsexcitant.
Nosrespirationshaletantesseconfondent.Sesmainsdescendentverslatailledemonjeanetm’en
libèrent,puisremontentversmatuniquedontildénouel’ouverturelacée.Soussoncontact,mapeau
secouvredechairdepoule.
–Tuasfroid?medemande-t-il.
–Non,soupiré-je.
Ilsereculepourm’adresserunsourirevorace.
Dévore-moi!
–Tuaslesjouesenfeu,Anna,murmure-t-ild’unevoixrauque,terriblementefficace.
–C’estdoncquejen’aipasfroid,réponds-je,mesyeuxrivésauxsiens.
Jemesensinsolenteetdésirée.J’aienviedeledéfieretdejouer.Jenesaispassic’estledécor,le
vol en hélico, le fait qu’il soit revenu à moi avec ce bouquet de fleurs dans lequel j’aurais pu me
cachertoutentière…Entouslescas,j’aienvied’êtrecequ’ilprovoqueenmoi.
J’ai été surprise, au début, par le désir qu’il a réveillé chez moi, dès notre première rencontre,
notrepremièrenuit.Cetrucanimalquim’embraseetmedonneenviedemesoumettreàmondésir…
Cesoir,peut-êtreparcequenoussommesloindetout,perdusauborddecetteforêt,jemesenspleine
d’initiatives.Jesuisenconfiance,etjeveuxluimontrercombien,moiaussi,j’aienviedelui.
Jenelequittepasdesyeux.Ildoitsentirquejepréparequelquechose.Instinctivement,ilrecule
d’unpas.Jesoulèvemesbrasetôtematunique.
J’ail’impressionquenosyeuxlancentdeséclairsetquenoscorpssontenflammes.
Je laisse tomber ma tunique par terre, puis envoie balader mes ballerines de deux élégants
mouvementsdespieds.Jeluioffreunstrip-teaseimprovisé.
Jefaisglissermonjeansurmescuissesenbalançantleshanchesetenserrantnonchalammentmes
bras pour rassembler mes seins en un décolleté époustouflant. Une fois le jean sur les chevilles, je
m’enextirped’ungracieuxpassurlecôté,surlapointedespieds.Jeprendsuneposeaguicheuseen
stringendentelle,unemainsurlahanche,cambréeetprovocante.Daytonplisselesyeux,sonregard
estcommedumétalenfusion.
J’entrouvrelabouchepourpassermalanguesurmeslèvresenleregardantdroitdanslesyeux.
Daytonesquisseunpetitsourireravi,etjelevoisprendreuneprofondeinspiration.
Çatefaitdel’effet,hein?
Étrangement,àmoiaussi,çafaitdel’effet.Jenemereconnaispas.Savoirqu’ilmeregardeetque
jeluidonneàvoirmoncorpsavecimpertinenceenflammemonventre.
Jeluitournesoudainledosetdégrafemonsoutien-gorge.Puisjefaisvolte-face,mainscroisées
surmesseins,etavanceversluiàpasdevelours,leregardlourddedésir.
Àquelquescentimètresdelui,jem’immobilise,etmesmainsquittentmesseinspourattraperles
côtésdemonstringquejefaisglisserdelamêmefaçonquemonjeanplustôt,mepenchantenavant
danslemêmemouvement.
Noussommestoujourslesyeuxdanslesyeux.LamâchoiresculptéedeDaytonestplusmarquée
danslapénombre.Ledésirletendetredessinecomplètementsonvisage.Ilestencoreplussexy.
Regarde-moi,Dayton…
Enmepenchantpourôtermalingerie,j’effleuresonventredemeslèvres.Jepointeleboutdema
langueentremesdentsettraceuncheminhumideverslatailledesonjean.Daytonpousseunlong
soupir. Je vois les muscles de ses avant-bras jouer sous sa peau. Il résiste. Je suis certaine qu’il
aimeraitmeprendretoutdesuite,maisilaimejouer,jelesais,etmoi-mêmej’yprendsgoût.
Le string finit sur la terrasse en teck et moi, à genoux devant le maître des lieux. Toujours
impassible, il se contient, même si cela semble devenir difficile pour lui, d’après ce que j’ai à
quelquescentimètresdemesyeux.Sonjeanesttendu.
Daytoncreuseleventrequandilvoitmesmainsseleververslui.
–Tuesserrélà-dedans,jevaistedéshabiller,dis-je.
Mavoixmesurprend.Elleestchaude,rauque.
Voilàunenouvellechosequejedécouvre:l’espècedefemmesauvagequisecacheenmoi.Cela
seraitimpossible,jecrois,siDaytonn’étaitpascethommeaccompliquiaconfianceensondésiret
dans le plaisir qu’il peut donner. Je veux le surprendre. Je veux lui montrer que j’ai faim de lui.
Tellementfaim.
JedélassesesConverse®,etils’enlibèrededeuxmouvementsrapides,puismesmainsremontent
lelongdesescuissespuissantes.Macaressen’estpaslégère.Jeveuxsentirsaforcesousmesdoigts,
sachaleurautraversdelatoiledujean.Arrivéeàlataille,jeledéboutonne,puislèvelatêteverslui.
Ilalesyeuxbaisséssurmonvisage.Ilguettelemoindredemesgestes.
Jefaisglisserlejeanlelongdesesjambes,puisc’estleboxer-shortquisuitlemêmechemin.Je
laisseDaytonsortirdesesvêtementsplisséssursespieds,puisjemeremetsenpositiond’adoration
devantlui,lesdeuxmainsaccrochéesàsescuisses.
Bonsang,quelspectacleimpressionnant…
Ma gorge est serrée. Je sens mon sexe se mouiller et gonfler d’excitation. Rien que la brise du
soir,fraîchesurmapeau,agacemesseinsquisetendent.Jemeredressepourlesfrotterdoucement
contrelescuissesdeDayton.Sesmainsseposentsurmescheveux.Cegestemefaitfrissonner.Jesuis
lafemmequilecontente,etilesttellementvulnérabledevantmoi.
–Jen’aipasfroid,chuchoté-je.J’aifaimdetoi.
C’est comme un avertissement. Aussitôt, je sors ma langue pour lécher son sexe sur toute sa
longueur.Mesmainssontmaintenantagrippéesàseshanches,etjemeredresseetm’abaisseaugré
de mes mouvements sur son sexe. Il grogne de plaisir quand ma bouche coiffe son gland et que je
l’aspireavecavidité.J’adoresongoût,latexturedesapeaufinecontremalangueetmonpalais.J’en
ai l’eau à la bouche, et mon sexe est immédiatement inondé de la même moiteur. En bas aussi, j’ai
faim.
Soncorpsestbrûlant.J’ensenslachaleurcontremonvisagequand,d’unemain,j’empoigneson
sexepourlesuceravecplusdepassionencore.
Daytonplielégèrementlesjambesetavancesonventreverslesattentionsquejeluiprodigue.Ses
doigtsemmêlentmescheveux,etilgrognedeplaisir.J’aivéritablementl’impressionquetoutecette
naturequinousentoureattiselasauvagerieennous.Jenemeposepaslaquestionqu’onpuissenous
surprendre. Nous sommes seuls au monde. Je mets tant d’énergie à dévorer son érection qu’on
pourrait croire que ma survie en dépend. Je m’excite à le sucer. Mes hanches se mettent à rouler
malgrémoi.Jenemecontrôleplus.
–Attends,dit-ilsoudainenécartantmonvisagedesonsexe.
Jelèveunregardétonnéetinnocentverslui.
Tropd’émotions,MrRock?
Ilsaitàquoijejoueetsonpetitsourireenditlong.
–Tum’asl’airbienénervée,Anna.Onn’avaitpasparléd’unbaindeminuit?metaquine-t-il.
Sansquej’aieletempsderéagir,ilsebaisseetmeprenddanssesbras.Puis,entroisenjambées
énergiques,noussautonsdanslapiscine.J’aijusteletempsdepousseruncridesurpriseetd’effroi
enanticipantl’eaufraîchesurmapeaubrûlante.Nousrefaisonssurfaceaumilieudesremous.Dayton
afficheuneexpressiondeguerriervainqueur.
O.K.,tuasgagnélapremièremanche…
Nouséclatonsd’unfourirepleindedésir.L’eaunousarriveàlatailleàcetendroitdubassin.
Daytonnem’apaslâchéeetmeserrefortcontresoncorpsnu.Sonexcitationaàpeinefaibli.Je
sensànouveausonérectionpoussercontremonventrealorsquenousnousdévoronslabouchede
baisers. Ses mains dérapent sur mes seins, déjà durcis par la température de l’eau. Il met dans ses
caressesuneénergiepresqueincontrôlable.Ilenglobemesseins,puisenpincelesbouts.J’écarteles
cuissesparréflexe.Cethommefaitdemoiunefemmeimpatiente.
–Tuveuxjouer,mabelle?memurmureDaytonenmemordillantleslèvres.Tuveuxjouer,c’est
ça?
Jerejettelatêteenarrière,lescheveuxdanslesyeux.C’estàpeinesijepeuxvoir.Jemenoiesous
sescaressesetsesbaisersgourmands.
Unenouvellefois,ilmesurprendenmesoulevantd’uncouphorsdel’eau,àboutdebras,eten
me déposant sur le bord de la piscine. Mon dos épouse le bois, encore plein de la chaleur de la
journée.
–Moiaussi,jeconnaisunjeu,medit-ilenserapprochant.
Il m’écarte les cuisses. Mes fesses sont juste posées sur le bord du bassin, et il plonge le visage
versmonsexeoffert.Jemecambresanspouvoirmecontrôlerquandsabouchesecolleàmavulve
pourenaspirerlamoiteur.Daytons’amuseavecmonclitoris.Ilalternesuccionetcoupsdelangue.Je
suistraverséededéchargesélectriques,lesreinsclouéscontreleboisparsesmains.
Enm’entendantgémir,Daytonseredresseetsecollecontrelebord.Unemainremonteversmon
sein tandis que l’autre presse contre mon sexe, en en écartant les lèvres. Je remonte les genoux et
soulèvemesreinspourm’offrirdavantageàsacaresse.
–Tuaimesjouer,Anna?medemande-t-ildesavoixgrave.
–Oui,oui,réponds-jeengeignant.
Leplaisirvoyaged’unboutàl’autredemoncorps.Ilestfluctuantetélectrique.
–Tuaimescequejetefaisoutuenveuxplus?medemande-t-ilencore.
–Oui,oui,répété-je,haletante.
Sesmainsm’abandonnent.Ilsehissesansaucuneffortsurlebordetmesoulèveànouveaudans
ses bras. Nous nous éloignons de quelques mètres de la piscine. Je retrouve vite le contact du teck
chaud contre mon corps. Dayton fouille dans la poche de son jean resté au sol et en sort un
préservatif.Sesgestessontprécisetrapides.Jeleregardel’enfilersursonsexedresséetjetrouveça
tellement excitant parce que je sais ce que ça veut dire… Il est debout, le regard baissé sur moi,
allongée.J’attends.J’attendsqu’ilsepenchesurmoietqu’ilmecouvrecommeunfauve.Ils’abaisse
etm’écartedenouveaulescuissesavantdesemettreàgenouxentremesjambespliées.
–Onnejoueplus,Anna,chuchote-t-il.
Ilpassesonavant-brassousmesfessesetmerelèvecontresonventre.Jemeretrouveappuyéesur
lesépaulescontrelebois,complètementetvolontairementàsamerci.Nousreprenonsnotreéchange
deregardsbrûlants.Sesyeuxmedisent:«Jevaisteposséderettefairejouir.».Lesmiensrépondent
sanshésitation:«Prends-moi.».
De sa main libre, il caresse d’abord doucement mon sexe, qui se gorge d’une nouvelle moiteur.
Lentement, il introduit un doigt, puis deux en moi. Il va et vient doucement, dessine des ronds qui
élargissent mon vagin. Je pousse sur mes épaules, rehausse encore plus mon bassin. Je n’en peux
plus…
Alors,d’uncoup,ilmepénètreets’enfoncecomplètementenmoi.J’enailesoufflecoupé.Ilne
bouge plus, son sexe englouti dans la chaleur du mien. Ma respiration saccadée contraste avec son
soufflecalme.Ilm’observe,medévisage.J’aienviedeluimontrercombienjemesensvulnérableet
fragilequandilmeprendcommeça.
Memaintenantfermementrelevéeentresesmains,ilcommencealorsàalleretvenirdetoutela
longueurdesonmembre.Letempsqu’ilprendàs’enfoncer,puisseretirerestcruellementdélicieux.
Toutes mes sensations sont exacerbées. Il accélère progressivement le rythme, et bientôt, c’est à
grandscoupsdereinsqu’ilmepilonne,monbassintoujoursensuspensau-dessusdubois.Messeins
tressautentàchaquepousséeénergiqueenmoi.Ilponctuesesélansderâlesrauquesquim’excitent.
Nosgémissementsseperdentdanslanuit.Laforêtavoisinantelesétouffe.Enflamméeparsesrâles,
mes petits cris se font de plus en plus vifs, jusqu’à ressembler à ceux d’une bête sauvage. Aux
réactionsdel’un,l’autrerépondaussitôt.PlusDaytonmepilonneetplusjecrie.Plusjecrie,plusses
mouvementssonténergiques.Lesvibrationsdesesassautsfontgrimperleplaisirchaquefoisunpeu
plus.Moncœurs’emballeetmonventresetend.JeserremonsexeautourdeceluideDaytonpour
mieuxlesentir,amplifiernotreplaisir.
Quandildevinequejevaisvenir,àmarespirationsoudainstoppée,àmeslèvresentrouverteset
mesyeuxgrandsouverts,Daytonrepassesonavant-brassousmesreinspourselibérerunemain.Je
suisàlisièredel’orgasme,maisc’estluiquidécide.Ilestmeilleurjoueurquemoi.Cuissesécartées,
sexeouvertetremplidelui,jecapituleenfinquand,desamainlibre,ilsemetàagacermonclitoris.
Jem’arque,commeprisedeconvulsions,etlanceuncriquidéchirelecielétoilé.C’estensuiteque
lavaguedechaleurserépanddemonventreàtousmesmembres,lesvidantdeleurtension.
Dayton me repose alors sur le bois et s’allonge sur moi. Nos corps, plus détendus, s’adonnent
alors à une danse proche de celle des vagues. Mes mains, posées sur son dos, perçoivent le
mouvement de houle de ses reins, puis il se tend une dernière fois entre mes cuisses et râle, tête
rejetéeenarrière,avantderetomberavecdouceurcontremoi.
Enlacés,collésl’uncontrel’autresurtoutelalongueurdenoscorps,nousreprenonsdoucement
notre souffle. Dayton a niché son visage dans le creux de mon cou et, très vite, je sens ses lèvres
déposerdetendresbaiserssurmapeau.
Biensûrqueçan’estpasqueduplaisirsauvage,uneattirancefolle,maisc’estindéniablequenous
sommescommepossédésl’unparl’autre.
3.Homesweethome
Quelquesgouttesd’eauperlentencoresurnospeauxaprèsnotrebaignadepassionnée.Jerepose
souslecorpsnudemonamant.Jesuisbienincapabledecomprendreetdedécrirecequimeprend
toutlecorpsquandDaytonestprèsdemoietquandjesensqueledésirs’emparedelui.Noussavons
que nous nous désirons. Nous connaissons la force de notre plaisir, et plus rien ne peut alors nous
arrêter.
La fraîcheur se pose sur nous peu à peu à présent que nous sommes immobiles, allongés sur le
boisdelaterrasse.LesmainsdeDaytoncaressentmonvisage.Nousnousdévisageonsensilence,et
celangagedesyeuxnoussuffit.Soncorpscouvrelemienetleprotègedelanuit.Jefermelesyeux.
Jesuisheureuse.
***
J’aimeassezlaconceptiondeDaytond’unbaindeminuit…C’estbeaucoupmoinsdéplaisantque
fairedeslongueurs.N’empêche,nousavonsdûbrûlerpasmaldecalories!
Lafraîcheurdelanuitquis’installemeréveille.Nousnoussommesassoupisdanslesbrasl’unde
l’autre,encorebrûlantsdenotreétreintesensuelle.
Quand j’ouvre les yeux, blottie contre Dayton, j’ai l’impression d’être une héroïne de contes de
fées endormie dans une clairière et se réveillant, couverte de rosée. Les bruits de la forêt voisine
plongéedanslenoirsontàlafoisapaisants…etterrifiants.
Çadoitêtrepleindegrossesbêtesaffamées,non?Toutnussurlaterrasse,ondoitjusteressembler
àdesgrossnacksàconsommersurplace!
Je remue gentiment l’épaule de Dayton. Je viens d’entendre des mouvements tout près, un
bruissementdefeuilles.J’aitellementlatrouillequejen’arrivepasàprononcerunmot.
Jesecoueànouveaumonamoureuxquidortprofondément,enespérantqu’ilseréveilleàtemps
pournoussauverdelabestiolehostilequis’apprêtesûrementàbondirsurnous.
Ilouvrelespaupièresetmesourit.
Ah,c’estpaslemoment.Onvacreverdans5minutes!
–Dayton,parviens-jeàarticulerd’unevoixétouffée.Ilyauntrucquibouge.
– Comment ça ? répond-il. J’avais pourtant l’impression de dormir profondément et d’avoir été
toutàfaitcontenté.
Jefaisdesyeuxronds.Ils’écartedemoipourjeteruncoupd’œilverssonbas-ventre.
–Non,cen’estpasmoiquibouge,ajoute-t-ilpourmetaquiner.
–Rhoo,cen’estpaslemomentderigoler,dis-jeenappréciantmalgrétoutsontraitd’humour.Y’a
untrucquibouge,jetedis.Ilyadespumasoudesoursdanslecoin?
Daytons’assiedavantdeseleveretdemetendrelamainpourm’aideràmeredresser.Nudansla
nuitétoilée,ilestunpeucommelepremierhommesurTerre.
Bonsang,sitousétaientàsonimage,quelbordelilyaurait!
–Lesgensducruracontentavoirvuunecréaturelégendaire,dugenremonstre,unloup-garou,je
crois,poursuit-ilenprenantl’airgrave,maiscenesontquedesrumeurs.Àmoinsque,attends…où
estlalune?dit-ilentournantlesyeuxetenportantsoudainlesmainsàsoncou.Jesensqu’ilsepasse
dedrôlesdetrucsenmoi.
Jesoupire.Malgrétout,jesuissoulagée.Apparemment,riennel’impressionne.Nousramassons
nosaffairesrestéessurlaterrasseetpénétronsdanslamaisonilluminéeentenued’AdametEve.
–Oui,c’estvrai,jesensunebêtesauvageseréveillerenmoi,memurmure-t-ilenmeprenantpar
latailleetenm’attirantàlui.
Déjà?Encore?
–Tusaiscequ’onvafaire?ajoute-t-ilenmemordillantl’oreille.Jevaisallumerlefeudansla
cheminéeetnousallonsprendreunedouchepourvoirsil’enviedetedévorermereprend.
Jemetortilledeplaisiranticipéentresesbras.
Aprèsnotredouchetorride,noussortonslesvictuaillesquinousattendaientdansleréfrigérateur
etdînonsàlalumièredesflammes.Lasoiréeseprolongeamoureusementdevantlefeu.Cedoitêtre
lacampagne,l’isolement,lecalme,jen’ensaisrien,maisnoustrouvonslemoyendenousrendormir
àmêmelesol,surletapisdelainemoelleuxdevantlesbraisesrougeoyantes.
***
LejourestlàdepuisunbonmomentquandDaytonsortdelamaisonpourvenirmerejoindredans
laclairièreoùjemesuisinstalléepourfairedel’aquarelle.Enville,onn’apasbeaucoupl’occasion
d’avoirdetelsdécorsàpeindre.
Ilmetendunmugfumant.
–Tuesunefemmeàthé,toi,j’ensuissûr,medit-ilens’asseyantprèsdemoisurlacouvertureque
j’aiétaléesurl’herbe.
Jeluisouris,ravie,enreniflantl’odeurduthénoiràlabergamote.
–Bonjour,hommedesbois,dis-jeenfuretantdumuseaudanssoncoupourl’embrasser.
Il sent bon, il est beau partout, en toutes circonstances, c’est juste fou. Beau en costard Mr
Business, beau en Mr Rock quand il joue de la guitare sous les projecteurs, beau en pleine nature,
piedsnusetlescheveuxébouriffés,plissantdesyeuxdanslesoleil.
Neserais-jepasoutrageusementamoureusedecethomme,moi?
Ilpassesonbrasautourdemesépaulesetjetteuncoupd’œilappréciateursurmespeintures.
– Tu sais tout faire, Anna. Tu regardes autour de toi et tu es capable de tout traduire en traits et
couleurs.Jesuisadmiratif,dit-ildoucement.
Jerougis.
–C’estcommetoipourlamusique,réponds-je.Çaveutdirequ’onaunecertainesensibilité,non?
–Eneffet,répond-il.
Ilsouritcommes’ilseréjouissaitintérieurementdecetraitquenouspartageons,puisilsortdesa
rêveriepourreprendreuntonpluspratique.
–Ilfaudraitnepastroptarderàpartir,dit-il.J’aiprévenumesparentsquenouspasseronstoutela
journéechezeux.
***
Comme le réfrigérateur était plein quand nous avons eu faim, une voiture nous attend dans le
garage de la maison de campagne de Dayton quand nous partons pour rejoindre la demeure des
Reeves.
Ildoitavoirdespetitslutinsquitravaillentlanuitpourlui…
Jemontedansle4x4genrebaroudeurdeDayton,etjecomprendsvitequecen’estpasjustepour
lestylequ’ilacegenredevéhicule.Pasuneseulefoisaucoursdutrajetjusqu’àlafermerestaurée
desReevesnousn’empruntonsunevoiegoudronnée.
Nous roulons, vitres baissées, dans la forêt traversée de puits de soleil. Ça sent la terre un peu
humideetlesfeuillesvertes.Jerespireprofondément.Daytonconduit,unemainsurmacuisseetme
lancedetempsàautreunregardtrès…
amoureux?
–Jesuiscontentdeteprésentermesparents,dit-il.Chezeux,c’estunvraihavredepaix,tuvas
voir. J’ai eu de la chance d’y être placé. C’est pour ça aussi que j’ai décidé de faire construire ma
cabanedanslecoin.J’aimebienvenirm’yressourceretcomposerdanslecalme.
Jenerépondsrien.Jeleregardebéatementetsavourecesconfidencesintimesqu’ilmefaitsans
que je le pousse à l’aveu. C’est un autre Dayton que je découvre : simple, joyeux et enthousiaste.
Malgré les changements d’humeur et de lieux, notre complicité semble toujours la même. Forte et
naturelle.
Auboutd’unedemi-heure,nousdébouchonsducouvertdesarbresetcontournonsunegrangeen
boispeinteenrougepouratteindreunefermetypique,entouréed’unegaleriecouverte.Jem’attends
presqueàvoirsurgirungaminensalopetteenjean,tachesderousseuretbrindepailleaubec,pieds
nusdanslapoussière,TomSawyerquoi…Mais,enguisedesalopette,jevaisdevoirmecontenterde
cellevertpommedeSummer,installéesurlabalancelleavecunbouquin.
Enentendantlavoitureapprocher,lajeunefilleselèveetdisparaîtàl’intérieurdelamaison.
Bonjourl’accueil!Çapromet…
–CommentestvenueSummer?demandé-jeàDaytonquandilsegare.
–Lechauffeurl’aconduitehier,répond-ilavantdemelancerunclind’œil.Tuesprête?
–Toujoursprête,c’estmadevisedescout!réponds-jeavecunrictusnerveux.
Ouhlà,jesuisstressée,moi.Onn’estpaspotes,nonplus!
–Oui,ça,jelesaisquetuestoujoursprête,chuchote-t-ilensepenchantpourmemordillerlelobe
del’oreille.
Çafaitaussitôt«boum»dansmonventre.Moncœurseprendlespiedsdansletapis,etlespointes
demesseinssetransformentenbétonarmé.
Euh,c’estpeut-êtrepaslemomentdemechauffer…
Jesorsàtoutevitessedelavoitureavantd’enflammerl’habitacle.
AlorsqueDaytonetmoinousdirigeonsverslamaison,uncoupledanslasoixantaineapparaîtsur
lepalier.CeseraitunevéritablepublicitépourlaviesaineàlacampagnesiSummernesetrouvait
pasjustederrièreeuxavecsesdreadlocksetsespiercings.
LajoiedeKathyetGrahamReevesestvisiblesurleursvisages.Daytonétreintchaleureusement
sesparentsadoptifs,avantdesetournerversmoietdem’attireràlui,unbrasautourdesépaules.
–Jevousprésente,Anna,dit-il.
Jenoteaussitôtlasurpriseagréabledansleregarddesesparents.
– Anna est française, mais sa mère est américaine alors, vous allez voir, son anglais est
impeccable. Elle vient de s’installer à New York pour lancer sa carrière de journaliste. Elle est
bourréedetalents!
Toutçamegênebeaucoup.KathyetGraham,toutsourire,m’accueillentd’unefranchepoignéede
mains.
–Noussommesravisdeterencontrer,Anna,meditKathyenfaisantdurerlecontact.
Euhoui,cen’estquemoi,hein,riend’exceptionnel…
Uninstant,jetrouvequeleurenthousiasmeestvraimentexagérépourlacirconstance.Daytonest
bel homme – sorry, super bel homme ! – et je ne suis certainement pas la première conquête qu’il
présenteàsesparents.
Apparemmentjemetrompe,etjelecomprendsvitealorsquejefileuncoupdemainàKathypour
mettrelatable.
–Tusais,Anna,c’estlapremièrefoisquenousrencontronsuneamiedeDayton,meconfie-t-elle
en posant gentiment la main sur mon bras. Nous commencions à croire qu’il ne tenait pas à vivre
quoiquecesoitdesérieux.
Voyantmamineahurie,ellepoursuit:
–Oh,Summernousparleparfoisdesfemmesqu’ilapufréquenter,mais,selonelle,ilnefaitque
lesfréquenter…Cesontdesfemmesqu’ilneprésentepas,m’explique-t-elle.
– Je suis heureuse de vous rencontrer aussi, Kathy, dis-je, embarrassée. Cela me semblait
importantpourcomprendrequiestDayton.C’estunhommetrès…mystérieux.
Kathy acquiesce. La discussion tourne court quand Dayton, Graham et Summer entrent dans la
pièce.
–Mmm,çasentbon,faitDaytonensefrottantlesmainsetenprenantsamèredanssesbras.
Lerepassedérouledanslabonnehumeurgénérale.LesparentsdeDaytonnesontnicurieux,ni
invasifs. On croirait qu’on se connaît tous depuis toujours. Même Summer paraît transformée. Elle
plaisante–àsamanièreunpeubourrue,certes!–,etonsentqu’elleestchezelle,àl’aiseetenpaix.
Elleestmêmecapabledephrasesdeplusdetroismotsnecomprenantpassonmaudit«benouais».
JelasurprendsplusieursfoisàposerunregardaffectueuxsurKathyetGraham.
Kathy nous apprend que la jeune fille a prévu de rester quelques jours à la campagne avant la
rentréeàlafac.
Trèsbien,unpeud’airpournous…
Jem’enveuxaussitôtdepenserunechosepareille.Cequ’elleadûvivreavantd’atterrirchezles
Reevespuisd’êtrechaperonnéeparDaytonexpliquesansaucundoutesoncomportementméfiant.
C’estlemomentaussiderencontrerlapetitepensionnairedelamaison,unefillettede2ansqui
marche tout juste et parle encore moins. Elle a été placée chez Kathy et Graham le temps de
l’imbrogliojudiciairedontellefaitl’objet.
JesuistouchéeparlesgestesattentionnésdeSummeretDaytonvis-à-visdelapetitefillecraintive.
Àtable,là,aumilieudetoutescespersonnesquirientetdiscutent,jesongequ’elleaeudelachance
detomberdansuntelfoyer.
–Nousnesommesplustoutjeunes,déclareKathyaveclafillettedanslesbras.Tonpèreetmoi
n’avonspluslamêmeénergie.Ceseracertainementladernièreenfantquenousprendronsici.
Après le repas, Graham sollicite Dayton pour venir l’aider à quelques travaux de bricolage. Je
soupçonne une manœuvre pour que Kathy et moi puissions rester seules. La mère de Dayton
m’entraînedanslegrandpotagerpourrécolterdestomates.
Kathyestunefemmetrèsfacileetcordiale.Jesensenelleunepatienceetunedouceurénormes.
Lesenfantsdoiventsesentirensécuritéauprèsd’elle.
Alorsquenousdiscutons,surtoutdemoietdepetitsriens,depuisquelquesminutesenchargeantle
panierdefruitsparfumés,jemelance:
–Kathy,celavousdérangeraitdemeparlerdeDayton?
Ellelèveversmoiunregardinterrogateurcommesimaquestionétaitunpeuvague.
–Ehbien,poursuis-je,enfait,jeneleconnaispasdepuistrèslongtempsetilm’arévélétellement
dechosesétrangessursaviequejesuisparfoisunpeudéboussolée.
Nousnousfixonstouteslesdeuxbêtement.
Bon sang, de quoi ai-je le droit de parler au juste ? Sait-elle à propos de DayCool ? Ce serait
étonnantqu’ellenesoitpasaucourant…Ohmerde,Dayton,sitavieétaitunpeuplussimple,jen’en
seraispaslà!
–Tusaisàproposdesasociété,Anna?medemandeKathyenmedévisageant.Maisoui,tusais,
sinonDaytonnet’auraitpasamenéeici.Ilgardetoutsecret.C’esttoutourienaveclui.J’aiapprisà
composeraveccetraitdecaractèrechezmonfils.
Jesoupire,soulagée.
–Oui,jesais,dis-je.Enfait,ilm’aunpeutoutbalancéenvrac.Jen’aiapprisqu’avant-hierqu’il
avaitétéadopté,maisjenesaisriendescirconstancesdecetteadoption.Peut-êtrenesouhaitez-vous
pasenparler,Kathy?
– Viens t’installer là, me dit Kathy en se dirigeant vers un muret au bord du potager, à l’ombre
d’unpêcher.
Jelasuisetmelaissebercerparladoucemusiquedesesconfidences.Kathygardeleregardperdu
auloin,danslesarbres,commesil’histoiredesonfilsyétaitinscrite.
– Dayton nous a été confié à l’âge de 4 ans, commence-t-elle. Il avait été retrouvé à Charleston,
déposédevantunpostedepoliceavecriend’autrequequelquesvieuxvêtementssurlui,uneguitare
pour enfant, un tatouage bizarre sur le bras et une note spécifiant qu’il s’appelait Dayton et que sa
mamannepouvaitplusl’élever.Ilétaitmaigreàenpleurer.
Ma gorge se serre. C’est difficile à imaginer quand on voit Dayton aujourd’hui, cet homme
accomplietsûrdelui.
–Daytonatoutd’abordétéplacédansunfoyer,maiscelas’estmalpassé.Ilarefusédesenourrir.
Il refusait de parler aussi. On a voulu lui enlever sa guitare, et, aussi incroyable que cela puisse
paraître,ilaessayéd’attenteràsesjours,à4ans!Dieusaitcommentilaputrouverl’idéedesefaire
dumal.Jesuisterrifiéequandj’essaied’imaginercequ’ilapuvivredanssapetiteenfance.Çava,
Anna?medemande-t-elleenposantunemainsurlamienne.
Jehochelatête.
–Mais,parfois,ilarriveunmiracleaumilieudelatragédie.Ilsetrouvequel’assistantesociale
responsabledesondossierétaituneamie.Elleapenséquenouspourrionsluifairedubien.Graham
et moi n’accueillions alors que des enfants de manière provisoire. Il fallait s’occuper d’eux, leur
apporter de la stabilité, sans se substituer aux parents. C’était la première fois que nous avions un
enfantabandonnéetjecroisque,naturellement,nousluiavonsdonnétoutnotreamour.
Kathyestémue.Àvoirsesyeuxbriller,leslarmesmeviennentpresque.Jesourisetluipressela
mainàmontour.
– Ça n’a pas été simple au début, tu sais, Anna, poursuit-elle. Dayton avait de terribles terreurs
nocturnes.Ilhurlaittouteslesnuitsetfinissaitpardormirparterredansuncoindesachambre.Nous
nepouvionsl’approchersansqu’ilsemetteàtremblerouqu’ilseprotègedesesbras.Mais,ils’est
passéquelquechoseentreGrahametlui.C’estarrivéparlamusique.Grahamécoutaitcequecepetit
bonhommegrattaitsursoninstrumentetilreproduisaitlesnotesaupiano.Puis,Grahams’estmisà
inventerdesparoles,etDaytonàaccepterdemettredesmotssurlesnotesqu’iljouait.C’estàpartir
delàqu’ils’estsentimieux.J’aipuàmontourl’approcher.Chanterétaitimportant.Jemesouviens,il
seblottissaitdansmesbraspendantquejefredonnaistoutcontresonoreille.
Kathy secoue la tête et porte la main à sa bouche pour réprimer un sanglot. Je la prends
naturellementparlebraspourluiassurerquecetteémotionmetouche.
–Nousavonssupresqueaussitôtquenousl’adopterions.Ilétaitlefilsquenousn’avonsjamaispu
avoir.C’étaitledestinquinousl’avaitamenépourquenousluidonnionstoutnotreamour,pourque
nousleguérissionsdesespeursetdesatristesse.
–Etcequevousluiavezdonné,Kathy,afaitdeluiunhommeexceptionnel.Çasevoit,luidis-je
doucement.
–Ilagrandiensuitecommen’importequelautreenfant,ilmesemble,continuelamèredeDayton.
Jemesuistoujoursdemandés’ilessaieraitderetrouversesparents.Çan’apasloupé.Sapassionpour
l’informatique était certainement motivée par l’envie de découvrir la vérité. Il a fait des bêtises,
comme n’importe quel adolescent. Il a essayé d’atteindre des informations dans le serveur des
servicessociaux,mais,nonseulementiln’arienapprisdeplusquecequ’ilsavaitdéjà,mais,enplus,
ils’estfaitpincer.C’étaitstupidedefaireça,maiscommentluienvouloir?reconnaîtKathy.Ceque
tu connais de lui aujourd’hui, Anna, c’est vraiment lui. Ce fou de technologie et de musique, qui
jongleentresesdeuxpassionstoutenvoulantrestersecret.Jecroisqu’ilnefautpasoublierquesa
naissanceestunsecret,unmystère.Ilgarderatoujourscetteambivalence,explique-t-elle.
– Je crois avoir en effet senti cette guerre qui se livre en lui, Kathy, dis-je. C’est parfois
déconcertant,maisjecroisquec’estplusfortquelui.
–TuascomprisbeaucoupdechosessurDaytonenpeudetemps,Anna.C’estunhommegénéreux
etbon.Tupeuxenêtreconvaincue.Commejetedisais,ilapufairedeserreurs,maisilaeulachance
d’avoir,sursonchemin,despersonnesquiontsul’aideretl’accompagner.
–JesupposequevousparlezdeJeffCoolidge?demandé-je.
Kathyacquiesce.
–Jeffestunhommedeconfiance.TupeuxtefieràluisiDaytontebouleverseparfois.Jetedis
toutça,Anna,parcequejesensquetuesunepersonnehonnête.Daytonnet’auraitpasamenéeicis’il
nelepensaitpasaussi.EtSummerm’aparlédetoiégalement.
Tiensdonc,ellem’arhabilléepourl’hiveràvenir?
Devantmonairsurpris,Kathysourit:
–Oh,jesaisqueSummerestloind’êtresimple.Ellepeutmêmeêtretrèsdéplaisante,mais,comme
Dayton,elleaeusonlotdemalheurs.Onpourraitdirequ’ellen’apasdechancecarellesaitd’oùelle
vient.Etcen’estpasfacileàvivretouslesjourspourelle.
–Vouscroyezqu’ellem’enparlera,Kathy?Parcequ’eneffet,ellen’estpasfacileàcerner,avouéje.
–Summerestarrivéecheznousàl’âgede10ans,aprèsavoirétéretiréeàsesparentsdrogués.Il
fautoublierd’oùellevientetlaprendrecommeelleest.Ellesebatelle-mêmepours’ensortir,mais
c’estencoreuneenfantet,commesouventlesenfants,ellesecroitresponsabledetouteslesmisères
queluiontfaitsubirsesparents.Paslapeined’ensavoirplus.Daytonlaprotègecommeungrand
frère.Ilparaîtêtreleseulàpouvoirgérerseshumeurscapricieuses,etellelerespecte.Situaimes
Dayton,elleterespecteraaussi.
Jenesaispasquoirépondreàça.Daytonmesauveenapparaissantauboutduverger.
–Anna!m’appelle-t-ild’unairenjoué.
Jesuissubjuguéeparcethomme.Ils’approched’unbonpas,arrachantunegrandeherbefolleau
passage, sa chemise en jean largement déboutonnée, véritable gravure de mode pour Levi’s®. Mes
yeuxnelequittentpasetungrandsouriresedessinesurmeslèvres.J’aijusteenviedememettreà
courirverslui.
–Ohoui,tul’aimes,Anna,çasevoit,meditdoucementKathyquim’observe.
Elletapotegentimentmamainenselevant.
–Etj’aicommel’impressionquec’estréciproque,ajoute-t-elle,avantqueDaytonnousrejoigne.
***
Lajournéesefinitparunelonguepromenadeàchevaldanslesétenduessauvagesdesalentours.
Dayton m’a tout d’abord proposé de m’apprendre à monter car les Reeves possèdent quelques
chevaux. J’ai accepté en faisant mine de découvrir à quoi ressemblait un équidé. Je me suis bien
gardéedeluiavouerquej’avaispratiquél’équitationdansmajeunesse.
J’aitousmesGalops®,moi!
Daytons’estefforcédem’expliquergentimentlesrudiments.Aprèstout,c’étaitsiagréablequ’il
s’occupedemoiavecautantdepatience,pourquoim’enpriver?
Mais, quand j’ai enfourché mon destrier, c’est lui qui a été sacrément surpris ! Je suis partie au
petit trot enlevé, et comme ma monture m’avait l’air assez bien dressée, je lui ai fait dessiner
quelquesfiguresquiontlaisséDaytonsurlesfesses.
Puisilaéclatéd’ungrandriredegosse.
–Tum’aseu,Anna!m’a-t-illancéalorsquejepartaisaugalop.
–Tumeprendsvraimentpourunetruffe,DaytonReeves!ai-jecriéenriant.
Aprèsunecourseeffrénéeponctuéedefousrires,nousarrêtonsnoschevauxsurunecollineprès
desbois.Daytonsepenchesursasellepourserapprocherdemoietmevolerunbaiser.
–Tuesunefemmesurprenante,Anna,etj’aimeça.
–Onnepeutpasvraimentdirequetuesmonsieur-tout-le-mondenonplus,luiréponds-je.
Jeluirendsunbaiserencorepluspassionné,enéquilibreentrenoschevaux.
–Etçanemedéplaîtpasnonplus,ajouté-je.
Nous nous fixons ensuite sans un mot. Beaucoup de choses se bousculent en moi quand je le
regarde ainsi : le désir de son corps avec de nombreuses images de nous très troublantes, un
sentiment aussi, quelque chose que je n’ose pas appeler de l’amour, parce que ça fait peur. Et puis,
désormais,quandjeleregarde,jevoisaussi,entransparence,unpetitgarçonmaigreetapeuréqui
fredonneenjouantdelaguitare.
J’aienvied’aimerl’hommeetlepetitgarçon.
4.IwanttobeapartofitNewYork,NewYork
Nouspassonspresquetroisjoursloindutumultedelavienew-yorkaise.Jedis«presque»,car
noussommesobligésderentrerunpeuprécipitamment,Daytonestappeléparletravail.
–Riendegrave,medit-il,maisonabesoinquejesoislà.
Etjen’ensauraipasplus.Ilfautmerésoudreàcetypedesituation.Jenesaispeut-êtrepastout,
mais j’ai compris qu’il me cache certaines choses pour me préserver, et pas juste pour me faire
enrager.ÇaneremetpasencauselaconfiancequeDaytonaenmoi.
En presque trois jours, j’ai compris pas mal de trucs. Primo, je suis très amoureuse de Dayton.
C’est maintenant une certitude. J’avoue que ça fait peur, mais l’intensité des moments que nous
partageonssurpassemagrossetrouille.
Deuzio, je ne vais pas avoir le choix, il va falloir que je compose avec la tendance au secret de
monamoureux.Ilnechoisitpastoujourssessecrets,ça,jel’aicomprisaussi.Sapetiteenfanceest
plusqu’uneénigme;c’estunesortedegouffreobscur,bienqu’ilaittentéd’ensavoirplus.Envain,
commemel’aexpliquéKathy.Tertio,ilssontdeuxenlui:l’hommeassuréetl’enfantabandonné,et
jecroisquejelesaimetouslesdeuxaveclamêmeinfinietendresse.
BonO.K.,plussauvagementpourl’hommeaccompli!
Jepensemaintenantàl’énormeconneriequej’aifaiteensuivantlesconseilsdelavicieusePetra.
«Fais-lelanguir.Nerépondspasàtoussesappels.»,m’avait-ellesuggéré.Ouais,c’estça,vraiment
très intelligent de faire vivre ça à un homme qui a été abandonné pendant son enfance. Et même si
Petran’estpeut-êtrepasaucourantdupassédeDayton–etaprèstoutjem’enfous–,leconseiln’était
detoutefaçonpastrèsjudicieux.
Ildoitconstammentavoirpeurqu’onl’abandonneencore…C’estcommeunemalédictionquipèse
surlui.
Enconclusionetd’unemanièregénérale,ilvafalloirquejem’adapteàlui;cequej’aidéjàfait
avecplusoumoinsderéussitejusque-là.
C’estvrai,jepourraisrâler,parcequ’onenrevienttoujoursaumêmeproblèmequinousadéjà
valuquelquesexplications,àsavoirquec’esttoujoursmoiquidoism’adapteràsavieetàcequ’il
est,etpasl’inverse.D’unautrecôté,aurais-jesouhaitéavoirlamêmeenfancequelui,quiexplique
touscescomportementsquim’ontparuaberrants?
Àcôtédelui,jesuisuneenfantgâtéepourrie!
Voilàoùj’ensuisdansmesréflexions,deretouràBrooklyn,prêteàmeremettreautravaildevant
cequivientdem’êtrelivréilyaunepetiteheure:ladernièretablettegraphiquetoutjustesortiesur
lemarché…Bref,latablettedemesrêves.Lepaquetestaccompagnéd’unpetitmotdeDayton:«Tu
méritescequ’ilyademeilleur.Mercipourcettemerveilleuseescapade.».
Évidemment,jeluiaiaussitôtrépondupourleremercier.Jenesaiscommentréagiràcescadeaux
qu’il me faits. Il n’essaie pas de m’acheter, je l’ai bien compris. Je crois qu’il a envie de m’aider
commeilmesemblequ’ilaenvied’aiderlemondeentier,etça,justeparcequ’ilestconscientdela
chancequ’ilaeuedes’ensortir.Ilyaquelquechosed’infinimentbonchezluiquieffacetoutesles
réactions imprévisibles qu’il peut avoir. O.K., j’aime bien mon matériel d’antiquité, mais travailler
aveclesderniersoutilstechnologiques,çachangetout.
Aprèsm’êtrefamiliariséeaveclamanipulationdemonnouveaujoujou,jemelanceetdessineles
portraitsdeKathyetGrahamReevesquej’envoieensuitepare-mailàDayton.Encoreunpetitsigne
pourluisignalerquejesuisheureuseducadeauqu’ilm’afait.
Je repense à l’accueil chaleureux de ce couple qui a consacré sa vie à accueillir et aimer des
enfantsperdus.Ondiraitunroman,maisc’estuneréalitétrèstouchante.Oui,Daytonaeubeaucoup
dechancedelesavoir.
Jem’occupedemonblogetposteunnouvelarticledanslequeljenedévoileriendemonséjourà
lacampagneavecDayton.C’étaittellementmerveilleuxquejelegardepourmoi.Àlaplace,jefais
dansl’humouretmecachederrièremongroschatanglaisquejedéguiseetfaissepromenerdansles
rues de sa nouvelle vie. Je l’intitule : « Les vacances de Mr Churchill », à la manière d’autres
vacancesd’uncertainMonsieurHulot,avecdespéripétiestoutdroitinspiréesdelaréalité.
Pendantmestroisjoursd’absence,Saskiaalaissémonmonstreàpoilssefaufileràl’extérieurde
l’appartement. Et même si elle ne m’en a rien dit sur le coup, elle a vécu des heures d’angoisse
insoutenables en imaginant la tragédie à venir si le gros matou était effectivement perdu. Au final,
elle l’a retrouvé chez la voisine du 3e, une vieille dame aux cheveux roses, accro au télé-achat…
Notre Anglais obèse semblait très à l’aise au milieu des bibelots et gadgets. Là, il récupère de ses
émotionsentransformantlavestenoiredeSaskiaenmanteaudefourrure…
Lescommentairesamusésfusentdèslapublicationdemonpost.J’aiparfoisl’impressionquemes
lectricesattendentdemesnouvelles.Celienvirtuelestvraimentétrange.
Jecontinuemajournéeencrayonnantdesillustrationsdecommandepourdesbrochures,touten
songeantàlachancequej’aidepouvoirtravaillerdepuisn’importeoùdanslemonde.
Saskiaestàl’ateliertoutelajournée.Jelasoupçonned’ailleursdetramerquelquechoseavecJeff
Coolidge,d’aprèscertainscroquisquej’aipuapercevoir.Bon,aprèstout,cesontleurshistoires.Elle
m’enparleraquandellejugerabondelefaire.
Enfind’après-midi,monportablem’annoncel’arrivéed’unSMSdeDayton:
[Toctoc]
Je me lève aussitôt de ma table de travail et me précipite vers la porte en espérant ne pas avoir
encoreaffaireauchauffeurdeDayton!L’interphonesonne.
–C’estmoi!
Aucun doute possible, je reconnaîtrais cette voix chaude et sensuelle au milieu d’un brouhaha.
J’attendsDaytonsurlepalier,lecœurcognantcommesic’étaitlapremièrefois.
Ceseratoujourslapremièrefois!
Lorsqu’ilapparaîtdansl’escalier,enMrBusiness,jemejettelittéralementdanssesbraspourun
baiserpassionné.Quandils’écarte,sonsourireestàlafoisamuséetpresqueenivré.
–Euh,sijemerappellebien,onnes’estpasvusdepuis24heuresseulement,non?
Dans l’appart, je commence par me comporter comme une hystérique qui s’agite dans tous les
sens. Je lui raconte l’histoire du chat fugueur, je lui montre comment je me sers de ma nouvelle
tablette,etilfinitparmecoinceretmefairetaireenm’embrassantànouveau.
–J’avaisenviedetevoir,Anna,mechuchote-t-il.ÀquelleheureSaskiaest-ellecenséerentrer?
Samainsefaitpluscaressanteetplusaventureuse.
D’accord,messagereçucinqsurcinq!
Sansrépondreàsaquestion,jel’entraîne,avecunsourirecoquin,verslaportedemachambre.
***
–Jedoisrépéteraveclegroupecesoir,medit-ilalorsquenousnousprélassonsdansmonlit.On
aunconcertdansquelquesjoursdansunclubdeManhattan.
Jesoupire,contentée,danssesbras.
–Onvasûrementfinirtard.Onrisquedepasmalrépétercesprochainsjours,poursuit-ilenme
caressantl’épauleentredeuxbaisers.Jevaisêtreunpeupris.Tunem’enveuxpas?
– Non, réponds-je en souriant aux anges. Je pourrai me contenter de quelques visites-surprises
danscegenre…Moiaussi,jerisqued’êtreoccupée.MarédactriceenchefdeParis,Claire,estàNew
York, et on a rendez-vous demain avec la direction du magazine masculin qui a commandé
l’interviewdeJeff…aveclecoupdepoucequ’onconnaît…
Ilaunpetitsourirefierdelui.
– Ça valait plutôt le coup de manigancer, non ? remarque-t-il en plongeant son regard dans le
mien.
–Jedoisreconnaîtrequeoui,plutôt.Cequin’empêchequej’aiunpeuletracquandmême,confiéje.
–Tuasdutalent,Anna,etjen’aipasbesoind’intervenirpourquelesautreslecomprennent.Ceci
étant,j’aipeut-êtrequelquechosequipourraitteporterchance,dit-ilensepenchanthorsdulitpour
fouillerdanslapochedesaveste.
Ilmetendunepetitebourseentissucoloré.
–Encoreuncadeaupourmoi?dis-je,unrienembarrassé.
–Non,c’estpourtonaffreuxchatanglais…répond-ilavecunsourire.Ouvre!J’aipenséqu’ilte
fallaitunesortedelienavecl’espritdulieupourconquérirlaville.
Je le fixe avec un air ahuri et je détache le nœud fermant la pochette de tissu pour en sortir un
braceletindienencequimesembleêtredel’argent,delaturquoiseetdel’ivoire.
–C’estunbijoualgonquin,delatribuLenapeplusprécisément.Cesonteuxlespremiershabitants
del’îledeManhattan,àl’époqueoùc’étaitencoreManna-Hata.
Descoursd’histoirecommeça,j’enveuxbientouslesjours!
Jepasselebraceletaupoignetetm’approchedeDaytonpourl’embrasser.
–Merci,susurré-jeamoureusement.
– C’est moi qui te remercie, Anna. J’ai été très touché par les portraits que tu as faits de mes
parents.
Ilrépondàmonbaiseravecpassionetjecroiscomprendrequ’ilaencoreunpeudetempspour
moi.
***
Paris ou New York, ma rédac’ chef est toujours aussi tendue et pète-sec. Claire Courtevel m’a
donné rendez-vous le lendemain dans le bar d’un hôtel voisin des bureaux du magazine masculin
OptiMan.
Finalement,quandjelarejoins,jemerendscomptequeClairenedénotepasaumilieudelafoule
deworking-girlsaffairéesetpressées.
C’estpeut-êtreàçaqu’elleveutressembleràParis…etpersonnenepige.Dommage…
–Ah,Anna,dit-elleenselevant.
Elle consulte sa montre, sûrement pour s’assurer que je suis en retard, et prend l’air vraiment
étonnéquandelleconstatequecen’estpaslecas!Ducoup,elletrouveautrechose:
–Tuauraispufaireuneffortvestimentairequandmême,dit-ellesèchementendétaillantmatenue.
J’aifaitdeseffortsvestimentaires,ellesefichedemoiouquoi?!Unpantaloncigarettenoir,des
ballerinesàpetitstalonscompensésetuntopsimplesousunevestecintréeverte…Ilyadeuxheures,
j’étaisencoredansmonshortenjeanfrangéavecuntee-shirtKeithHaring!
Je m’assieds en face de Claire et commande un jus de tomates. Quand je vois la mine atterrée
qu’elleaenportantsatassedethévertauxlèvres,j’aienviedelarassurer.Oui,jevaisfaireattention
denepasmepointerenrendez-vousavecunemoustacherouge.
Elle me briefe en quelques minutes. Le type qu’on rencontre, c’est « le type qu’il faut
rencontrer!»,pourreprendresesmots.Alorsmieuxvautnepasdéconner.
– Il va falloir être percutante, me dit-elle. Du genre Marines, go go go Anna, se met-elle à
m’encourager.
Jetournelatêtedanstouslessens.
Onvapasserpourdescinglées!
MaisilenfautpluspourlesNew-yorkais.Clairecontinue:
–L’articlesurJeffCoolidgem’aplu,medéclare-t-elle.Maintenant,jeveuxvoircequetuasdans
leventre.Jecroisentoi,etilyadubusinessàlaclé,beaucoupdebusiness,s’enflamme-t-elle.Tu
connaisSexinthecity,non?Ehbien,lajournaliste,çapeutêtretoi!
Euh…pastrop.Aucuneenviedeparlerdesexedanslaville,etfranchement,jen’aipassataillede
guêpe.Sanscompterquejesuisbienincapabledemarchersurdestalonsaiguilles!
Quandl’heureestarrivée,j’ail’impressiond’êtreunboxeurselevantdanslecoinduringsousles
encouragementsagressifsdesonentraîneur.Jevaistoutarracher!
***
Sanstoutarracher,ilfautavouerquej’aiassuré,mêmesic’estunpeumalgrémoi.D’abord,j’ai
beau avoir fait des efforts pour m’habiller, quand j’arrive dans les locaux du journal, je me sens
commeUglyBetty débarquant dans Le diable s’habille en Prada… Beaucoup de femmes dans cette
rédactiondemagazinepourhommes,maisilyatoutdemêmedebeauxspécimensdemâles.Jefais
attentionànepasmeprendrelespieds…dansmespieds.
Quant au « type qu’il faut rencontrer », je veux bien le rencontrer partout, à la boulangerie, au
supermarché,etc.Ilestjustecanon.Enplus,ilesttrèssympa,pasdutoutméprisant.Jesenstoutde
suitequ’ils’estpenchésurmoncasquandilmeparledemondernierpostsurChurchill,quidatede
laveille!
Jesuisimpressionnée,maiscommeilestenthousiaste,jen’aiqu’àrépondreàsesquestionssans
bafouiller. Je ne m’en sors pas trop mal apparemment, puisque je ressors du bureau avec une
commandedereportage,maispasque…
–Lesaccrosaujeu,çavousdit?melance-t-il,visiblementpersuadéqueriennemefaitpeur.
Jehausselesépaules.
–Ok,çaroule,onvousdonneunmois.Grosreportage,hein,etdansvotrestyleàvous.Onaime
ça, votre côté décalé. Nos journalistes sont parfois trop sérieux. Et le coup d’illustrer vos articles
avecdescroquis,c’estunplusoriginaldansnotreparution.
Jehochelatête,jedis«oui»àtout.Clairetapedespiedsnerveusementàcôtédemoi;elleest
surexcitée.
–Vousnousfaitesaussiunepropositiondepagebimensuelle,dustyledevotreblog,oualorsune
paged’illustrations,c’estcommevousvoulez.OnpourraitalternerunefoisdansOptiManetl’autre
dans OptiWoman. Claire a pensé que vous pourriez assurer un bon rythme et vous renouveler
facilement.Lecôté«FrenchTouch»,onn’estpascontrenonplus.
Àforcedetaperdupied,Clairevafaireuntroudanslesoletseretrouveràl’étagedudessous.
Finalement,«letypequ’ilfautrencontrer»lancepourconclurenotreentretien:
–Évidemment,onparled’unboulotfixe,unpermanentcontract.Onvousintégreraitàlarédaction
commesalariée,pascommepigiste…
Unmoment,jesensquemarédac’chefnevapaspouvoirseretenirdehurler«Yes ! », avec le
mouvementdupoingapproprié.
Sur le trottoir, devant l’immeuble, j’ai du mal à retrouver mes esprits. Claire me submerge de
paroleshystériques.
–Tuparlesd’undébutdecarrièreàNewYork,Anna!J’espèrequetuterendscomptedelachance
quetuas.Tunevaspaslalaisserfiler,hein?UnCDIdansunedesplusgrandesrédactions,àpeine
dixjoursaprèstonarrivéeici?!J’espèrequetuvasaccepterleurproposition!
Jelafixeavecdesyeuxrondscommedessoucoupes.
–Jenel’aipasdéjàfait?luidemandé-je.
Etlà,jefaisuntrucfouquiressembleplusàTwinklequ’àAnnaClaudel.Jerentreànouveaudans
l’immeuble,meprésenteàl’accueil,déclareàlaréceptionnistequej’aioubliédedirequelquechose
aumonsieuravecquij’étaisenrendez-vousetjeremontedanssonbureau.J’ouvrelaporte.Letype
prendunairsurprisetjelance:
–Jecroisquej’aioubliédevousdirequec’étaitoui,j’acceptevotreproposition!
Alorsmonfuturpatronselèvepourvenirmeserrerlamainetmefilerunegrandetapeamicale
dansledos.Etvoilà!
Quandjeressors,Claireesttellementàcranquej’aipeurqu’ellefasseunecrisecardiaque.Alors,
moiaussi,jelaprendsdansmesbraspourluifilerunetapeamicaledansledosetjelaremerciepour
sonsoutien.Quandjelaregardepartirdesonpaspressé,jemedemandesiellenevapasretraverser
l’Atlantiqueenmarchantsurl’eau.Elleenseraitcapable!
***
J’ai du mal à contenir ma joie et j’appelle aussitôt Dayton sans même penser que je peux le
déranger.Ilal’airplutôtagréablementsurprisderecevoirmoncoupdefil.
–Hum,laisse-moideviner,dit-ildesavoixsuave,tonrendez-vouss’estbienpassé?
Etilajouteaussitôt:
–Sic’estlecas,sachequejen’ysuispourrien.
Ehoui,jepeuxréussiraussidestrucsparmoi-même!
Impossibledemaîtrisermonexcitationetmavictoire.
–J’aiuncontrat,hurlé-jepresque.Jesuisembauchée.Uncontratpermanent!
Uncourtsilence,puislavoixdouceetcalmedeDaytontrancheparrapportàmontonhystérique.
–Tusaiscequeçaveutdire,Anna?
–Quej’aidubol?
–Jenediraispasça,jecroisquetuasdutalentetquetuméritescequit’arrive.Non,jepensais
surtout au fait que tu vas pouvoir rester ici plus longtemps et même envisager que ce soit du long
terme.
Jecomprendstoutdesuitecequesesparolesimpliquent,cequ’ilsous-entend.Engros,Daytonest
entraindemedirequecelanouslaissedutemps,qu’onvapouvoirpenseràplusloinquesixmois,
quenousneseronspascontraintsparlecouperetdemonvisa.
–Jevaispouvoirfaireunedemandedecarteverte,dis-je,pensive.
–J’espèrebien,répond-il.Maintenantquej’ypense,commentsefait-ilquetun’aiespasladouble
nationalitéavectamèreaméricaine,mademoiselle?demande-t-ilenfinissantsaphraseenfrançais.
Jesourisenécoutantsonaccentcraquantquimerappellenotrerencontre.Jeluirépondsaussidans
malanguenatale.
–Aucuneidée,monsieurReeves.Franchement,jenesaispasgrand-chosedelafamilleaméricaine
demamère,nidesavieauxÉtats-Unis.UneAméricainequirencontreunFrançaisàPhiladelphie,ça
merappelleuneautrehistoire…
–TupensesàuneFrançaisequiauraitrencontréunAméricainàParis?
Maisladiscussiontournecourtparcequ’eneffet,Daytonestaubureauetestoccupé.Nousnous
donnons rendez-vous plus tard, comme des amoureux dans une histoire simple qui se construit
doucement.
***
C’est vrai ça, pensé-je de retour à Brooklyn, pourquoi n’ai-je pas la double nationalité ? Je ne
serais pas emmerdée avec ces histoires de visa. Il aurait été bien plus simple pour mes parents de
m’obtenirunpasseportaméricain,comparéàcequejevaisdevoiraffrontercommedémarchespour
avoircettefichuecarteverte.
O.K.,onn’estpasàunjourprès,maiscommejemeursd’envied’annoncerlabonnenouvelleau
mondeentier,j’appellemesparents.Jeménagemoneffetetbavardeunpeudetoutetderien,avantde
lancerl’heureusebombedelajournéeàmamère.
–J’aidécrochéunboulotfixe,Mum.Jevaisêtresalariéepourunjournal.
–Super!Félicitations,machérie,répondmamère.Quelsuccès!Dansquelquessemaines,tunous
annoncesquetuesmairedeNewYork,non?ajoute-t-elleenriantdeboncœur.
Labonnehumeurestcontagieuse,maisdecourtedurée.
–Mum,jevaisfairemademandedecarteverte,tupeuxm’envoyerassezrapidementlelivretde
familleparFedEx®?
Là,unsilence,puisdesmurmures.Mamèresembledirequelquechoseàmonpèreprèsd’elle.
–Oh,tusais,jepeuxm’enoccuperd’ici,machérie,dit-ellequandellerevientenligne.Jecrois
que c’est même plus rapide. Tu n’auras qu’à me renvoyer les papiers signés. Tu es déjà bien assez
occupéecommeça,non?
– Mum, je peux me débrouiller toute seule. Non, attends… je tiens à me débrouiller toute seule.
Vousaveztoujoursprisenchargecegenredepaperasseàmaplacesousprétextequejen’étaispas
organiséeoujenesaisquoid’autre.J’étaissurtoutunegrosseflemmarde.Jecommenceunenouvelle
vieresponsable,jem’occupedetoutmaintenant!
Nouveausilence.
Merde,c’estquoi,leproblèmeaujuste?Jegrandis,c’estça?Jen’aiplusbesoindemamômanet
demonpôpa?
–Mum,tum’envoieslelivretdefamille,O.K.?
C’estmonpèrequimerépond.
–Oui,machérie,ont’envoieçarapidement.Tufaisattention,hein,c’estlegenredepapiersqu’il
nefautpasperdre,dit-ilavecunevoixunpeucrispée.
Nonmaisjerêve!
– Oui, oui, réponds-je parce que je n’ai pas envie d’argumenter, ni de gâcher la joie d’avoir
décrochéunjob.
JejuresurlatêtedeChurchillquejeferaiextrêmementattention,puisj’ajoute:
–Mais,aufait,papa,pourquoijen’aipasladoublenationalité?Finalement,celaauraitétéplus
simpleavecmamanquiestaméricaine.
Monpèreseraclelagorge.
Pourquoiai-jel’impressionquejelesemmerdeavectoutesmesquestions?
–Oh,jenesaispas,jenemerappelleplus.Jesupposequ’onn’yapaspensé,finit-ilparrépondre.
C’estunpeucourt,ça,papa…
Bon,aprèstout,j’aidécidéquerienneviendraitternirmajoieetjen’aiabsolumentaucuneenvie
dem’engueuleravecmesparents.
Lepassé,c’estlepassé!
5.Lavéritésurmoi
Lesjourssuivants,uncertainrythmes’installeentrenous.OnneparlepasderoutineavecDayton
Reeves,parcequeçafaittriste,non?Etquelaroutineaveccethomme,çan’estjustepaspossible.
Depuis que Dayton Reeves est entré dans ma vie, c’est un peu comme une comédie romantique à
succès,lecontedeféesdeCendrillonrevisité,Prettywomanpuissance10,parceque,sansdéconner,
DaytonestmillefoisplussexyqueRichardGere,mêmesijenesuispasJuliaRoberts…
Depuis notre séjour chez ses parents, notre relation est plus détendue, mais pas moins animée…
Heureusementquej’aiunboulotprenantetdesperspectivesexcitantesquim’empêchentd’attendreles
coups de fil et les manifestations de l’homme séduisant et mystérieux qui a ravi mon cœur et mon
corps.
ManouvellevieàNewYork,c’estmonboulot,mesamis,monchat–pourl’instant,riendebien
différentdecelleàParis,hein?–et…Dayton.Pasvraimentendernièrepositionmaisplutôtlacerise
surlegâteau.Uneceriseenrubisoulemustdelagourmandise.
–Ettonboulot?medemandeGauthieraucoursd’unedenosdiscussionsquasi-quotidiennessur
Skype.
Aujourd’hui,ilestseuldevantl’écran,aucunepairedefessesenarrière-plan,etilesttoutaffairé,
comme moi, à sa table de travail. C’est une conversation de bureau entre collègues virtuels en
somme.
–Tuparlesdemonarticlesurlesdépendantsaujeu?réponds-jetoutengriffonnant.
–Entreautres,oui.
–Ehbien,c’estexcitantpuisquejeneconnaisrienàcesujet.Ducoup,çam’occupetoutl’esprit.
J’aicontactédesgroupesdeparoleetd’échangespourlesdépendantsetrepentis.C’estvraimentun
monde à part. J’ai aussi rendez-vous avec des psychologues spécialisés dans cette addiction. Non,
sérieux,c’estpassionnant.Ettoi?
–Jepoursuismonidéefixe,répondGauthieravecunpetitsouriresecret.Vousrejoindrebientôt,et
jedoisdirequeMichaestunsérieuxatout.Jet’endiraiplussimespistesaboutissent.
–J’endéduisqu’avecMicha,çavaplutôtbienalors,dis-je,soulagéequemonamipuissesefixer
dansunehistoire.
–C’estmeeerveilleux,répondLadyGogoenprenantsonaccentdistinguéàoutrance.
J’éclatederire.Cespetitesdiscussionsmefontdubien,maisj’aihâtequeGauthiernousrejoigne.
C’étaitquandmêmechouettedel’avoirsouslamain,commevoisinetconfident.
–EtavecDayton?Toutsepassebien?medemande-t-ilensuite.
Jesaisqu’iln’approuvepastropcettehistoire,qu’ilpensequecetypevam’enfairevoirdetoutes
lescouleurs,maisbon,Daytonfaitdorénavantpartiedemavie,etGauthiernepeutpascomplètement
l’ignorer.
–Oui,oui,réponds-jeennevoulantpasparaîtrel’hystériquefolleamoureuse.Tusais,luiaussiest
trèsoccupé.
L’agendademonamoureuxesteneffetbienchargé,entresesobligationsdeMrBusiness,lepro
delaprotectioninformatique,etcellesdeMrRock,quirépèterégulièrementavecsongroupeenvue
desfutursconcerts.
–Ontrouvequandmêmedesmomentspoursevoir,ajouté-jesansdonnerdesdétailsquiferaient
rougirmonamiqui-ne-veut-rien-savoir.
Pas assez à mon goût, peut-être, mais des moments chauds, oui, furtifs et inattendus, des quarts
d’heuresauvages!
–Entoutcas,jenemedemandeplusoùilest,cequ’ilfaitetavecqui,etça,c’estplutôtreposant.
Accessoirement,le«qui»pourraitêtreunefemme,unedangereuserivaledustyledePoisonIvy
–Parfait!s’exclameGauthier.Tusaisquej’ailatrouillequecetypeteplanteoutefassedumal,
Anna.Commejenesuispasprèsdetoipourtesurveiller,jemecomportecommeunemèrepoule
inquiète.
Jesouris.
–Tusais,Daytonsaitvraimentmefaireplaisir.Ondiraitqu’ilaçadanslesang.Ilestcommeun
animalquidevinetoutcequejeressens.Ilavraimentdesattentionssurprenantes.
J’adore surtout quand il laisse des petits commentaires à double sens sur mon blog ou qu’il
débarqueàl’improvisteavecdesenviestrèssensuelles.
–Ducoup,jemesurprends,moiaussi,poursuis-je.Jeluifaisplaisiràmafaçon.Jeluicuisinedes
petitsplatsfrançais,cegenredetrucs.
Oujeluiréservelaprimeurd’unefabuleusepetiteculotteendentellehypersexy!
–Tum’envoisravi,Anna,parcequej’avaisl’impressionqu’ontemettaitplutôtdesbâtonsdans
lesroues.
–TupensesàSummeretPetra?dis-je.
– Pourquoi ? Ne me dis pas qu’il y a d’autres conspiratrices dans son entourage ! répond Lady
Gogoenfaisantlesgrosyeux.
–Paspourlemoment,entoutcas,réponds-jeencroisantlesdoigtssouslatable.Jenecroiseplus
PetraauNouveaumonde.Elledoitsefairediscrète.Jenem’enplainspas.Pourmoi,ledossierest
clos.EncequiconcerneSummer,ehbien,çavaplutôtmieuxentrenous.Onfaittouteslesdeuxdes
efforts,tusais.Hier,onestpartiesenviréechezlesvieuxdisquairesetonestrentréesauNouveau
mondelesbraschargésdevieuxvinyles.OnapassélasoiréeavecDaytonàlesécouter,enrigolantet
ennousbourrantdepop-corn.Tuvois,toutdevientplussimple.
–Pourvuqueçadure!répondGauthierquimemontre,lui,clairementqu’ilcroiselesdoigtspour
moi.
***
Desoncôté,Saskiabossetrèssérieusementdanssonateliersurunnouveauprojet.Unmatin,je
passeluirendrevisitesursonlieudetravail.
– Ah, je me disais bien, dis-je en contemplant deux toiles presque achevées et une tripotée de
croquispunaisésaumur.
–Ah,tutedisaisbienquoi?réagit-ellesuruntonunpeuagacé.
–Qu’ilsetramaituntrucavecJeff.Jemetrompe?
Difficile de ne pas reconnaître le meilleur ami de Dayton dans des mises en scène décalées. Sur
unetoile,Jeffyapparaîtencostard-cravatesurunring,lespoingslevésenpositiondeboxeur.Sur
uneautre,ilestassisentenuedesport–trèspeuvêtumême–àunbureaud’hommesd’affaires.
–D’autrescommentaires?medemandeSaskiaquim’observe,l’airpincé.
–Euhnon,réponds-jepournepaslafroisser.C’estintéressant,cesmisesenscène.
Puisjemetourneverslescroquis.
–Jerêveoutul’asfaitposernu?ajouté-jeavecunpetitsouriretaquin.
–C’estpourlespeintures,Anna,m’assure-t-elleavecuneexpressionoffusquée.
Jeluisouris.Jelaconnaisbien,etonnemelafaitpas.
– Tu crois que Francis Bacon a couché avec le Pape quand il a fait sa série sur les papes ?
commence-t-elleenagitantlesbrasdanstouslessens,ouquePicassos’esttapétouteslesdemoiselles
d’Avignon?
–C’estdéjàplusprobable,non?réponds-jeavecunemouetaquine.
Jemetourneànouveauverslescroquis.
–Entouslescas,ilestsacrémentbienfoutu,non?Reconnais,Saskia!
–O.K.,j’avouetout,jeletrouvesuper-sexy,commence-t-elleenserrantlespoings,toutexcitée.Je
n’ai jamais vu une telle musculature, une telle prestance. Il est fascinant à peindre, et en plus, il est
partantpourtout.
–Pourtout?Vraiment?
Nouséclatonsderire.
–Ilnes’estencorerienpassé…d’intimeentrenous,admetSaskia,maisjeneseraispascontre,et
jecroisqueluinonplus.Quivivraverra!
Personnellement, je préfèrerais la voir fréquenter Jeff que des types sans attaches et pas très
sérieux comme Julian, le bassiste du groupe de Dayton. Saskia et moi avons eu l’occasion de le
recroiserlorsd’unesoiréeauNouveaumondeet,àlesregarderseparlertouslesdeux,jamaison
n’auraitpuimaginerque,dansleursébats,cesdeux-làavaientsaccagéunechambred’hôtelàParis
quelquessemainesplustôt.
Tantmieux!SaskiaetJeff,j’adorecegenredecoupleimprobable!
***
Finalement,laseuleombreautableaudecettevieidylliqueàNewYork,c’estencoreettoujours
Jonathanquicontinuedemeharceler.Jefaistoujourslamorte,maisc’estépuisant.Franchement.Je
neveuxpasbloquersonnuméroetsonadressee-mail,jetrouvequec’estlâche.Jepréfèreendureren
espérantquesonpetitjeus’arrêteetqu’onpuissereveniràdesrelationsplussaines.
Leproblème,c’estqu’ilappelleSaskiaetGauthier,maintenantqu’ilacomprisqu’iln’avaitaucune
chancedemejoindre.SiSaskial’adéfinitivementbloqué–«IlmeprendpourSainteRitaouquoi?»
–,Gauthierestpluspatientettolérant.Lepasséestlepassé,O.K.JenebannispaspourautantJonathan
de ma vie ; je ne veux pas à tout prix oublier, mais j’aimerais juste qu’il se comporte de manière
raisonnable.C’esttout!Ilseraittempsqu’ilprennesavieenmain.Aprèstout,jevisbienlamienne,
non?
Ce soir, par exemple, Saskia et moi retrouvons Dayton à la galerie du Nouveau monde pour le
vernissagedel’expositiond’undesesprotégés.QuandSaskiamevoitsortirdemachambre,sapée
commeunegravuredemode,elleémetunsifflementappréciateur.
–Disdonc,tunet’emmerdespas,Twinkle?lâche-t-elle.Oùas-tudégotécesfringues?
–Hum,onmelesalivrées,enfait.C’estuncadeaudeDayton,avoué-je,embarrassée,enbaissant
lesyeuxsurmatenue.
Lesvêtementssemblentavoirétécousussurmoi,etjen’aipourtantpaslataillemannequin.Une
jupedroitenoire,fenduesurlecôté,unevestedetailleurenpeausouple,untopendentelleajourée
super-sexy et des escarpins pas trop hauts, ni trop pointus, le tout d’un goût excellent et griffé,
évidemment.
–Jenesuispascertainedemesentiràl’aise,admets-jeenhaussantlesépaules.
– Hum, je me demande juste si ta besace ne va pas jurer un peu avec ta tenue de vamp newyorkaise.
–Euh,Daytonapenséàtout,réponds-jeensortantunepochetteensatinnoirdederrièremondos.
Saskia,bouchebée,considèrelepetitaccessoireluxueux.
– D’accord, mais tu mets quoi là-dedans ? demande-t-elle, rigolarde. Juste ton rouge à lèvres
Chaneletunsoulierdevairpointure28?
***
La galerie est remplie de la foule branchée qui fréquente habituellement ce genre d’événements.
Au moment où nous entrons, mon portable – oui, j’ai pu glisser mon portable dans ma pochette
couture!–semetàsonner.Prèsdemoi,Saskiasoupire.
–Àtaplace,jecouperaistoutdesuiteouilvanousemmerdertoutelasoirée.Etcen’estpasce
donttuasenvie,n’est-cepas,Anna?
Maisjemesenscoupable.Alors,plutôtquedecoupertoutsimplementmontéléphone,jelelaisse
enmodevibreur.
Daytonnousaccueillechaleureusement,moibeaucoupplusqueSaskiaévidemment…Monamie
partaussitôtdécouvrirlesœuvresdecetartistequialliecollageethuilesurdestoilesgrandformat.
–Tuestrèsbelle,Anna,mechuchoteDaytonenpassantlebrasautourdematailledansungeste
propriétaire.
– Tu as très bon goût, réponds-je en me rendant compte qu’il pourrait mal comprendre mes
propos.
Etj’ajouteaussitôt:
–Enfinpourlesvêtements,jeveuxdire.Tulesasparfaitementchoisis.Jenesous-entendaispas
quetuavaisbongoûtjusteparcequenousétionsensemble!
Ilmedévisageavecungrandsourireamusé.
–Tumeregardesm’enfoncer,c’estça?demandé-je.
– Non, je savoure ta spontanéité. J’adore quand tu t’emmêles les pinceaux. Je trouve ça très
touchantetaussi…trèsexcitant,murmure-t-ilensepenchantversmoi.
J’ai coincé sous mon bras ma pochette noire dans laquelle je sens mon portable vibrer sans
relâche.
Bonsang,maisilvamelâcherouquoi?!
Daytonestsollicitédetoutesparts.C’estunhommeconnudanslemilieu,etlesgensviennentle
féliciterpouravoirdénichéunartisteaussitalentueux.
Deloin,jerepèreSaskiaengrandeconversationavecJeff.
–JevaissaluerJeff,dis-jediscrètementàDaytonquiestendiscussionavecd’éventuelsacheteurs.
–O.K.,merépond-ilaprèss’êtreexcuséuneminuteauprèsdesesinterlocuteurs.Vavoircettetoile
aufonddelagalerie.J’aipenséqu’elleiraittrèsbiendanstachambre.
Quoi?Encoreuncadeau?
–Troptard,elleseralivréecheztoidemain,ajoute-t-ilenlisantmespensées.Tiens,prendsune
coupedechampagne,Anna,medit-ilenmetendantcellequ’iltientàlamainetqu’iln’apasencore
bue.
Etcommeilmevoitempotéeavecmapochettenoired’unemainetlacoupedansl’autre,ilsourit.
–Donne-moiça,jetelagarde,dit-ilenmeprenantlapochette.
Évidemment,avecmabesace,jen’auraispascegenredeproblème;j’auraislesmainslibres!
Je retrouve Saskia et Jeff, et nous admirons tous les trois la toile qui ornera donc ma chambre
demain.Jesensentreeuxuneincontestableattirance.Ilssontdéjàcomplices,c’estévident.D’unautre
côté,poserdansleplussimpleappareilpouruneartistedoitcréercertainsliens…
J’aime la présence rassurante de Jeff, son calme à toute épreuve. Je suis heureuse que ma
tumultueuseSaskiasoitattiréeparcethomme.Jenesuispasnonplusétonnéequ’elleplaiseàJeff.
Nousbavardonsdemesprojetsencourset,quandjeparledel’articlesurlesaccrosaujeuetde
maméconnaissancecomplètedusujet,Jeffprendunairintéressé,presquesoucieuxetmeconfiequ’il
pourraitpeut-êtremefilerquelquestuyaux.
Jen’aipasletempsdem’interrogersursapropositionparceque,deloin,jevoisDaytonsortir
montéléphonedemapochetteetconsulterl’écranavecunairagacé.Jeplantemesamisetmedirige
d’unbonpasversDayton.
– Ton téléphone n’a pas cessé de vibrer, Anna, me balance Dayton en me tendant la pochette.
Désolé,maisj’aifiniparregardersic’étaiturgent.TupeuxmedirequiestJonathan?
Lapremièrechosequimevientàl’esprit,c’estdeluirépondrequejenesaispas,maisjenecrois
pas qu’il appréciera ma spontanéité, là. D’autant que je réalise tout à coup que, à part lors de la
premièresoiréequenousavonspasséeensembleoùj’aipeut-êtreabordérapidementlesujetdema
relationfinissanteavecJonathan,jen’enaitoutbonnementjamaisparléàDayton!
Daytonattendtoujoursuneréponse.Jecommenceàbafouillern’importequoi,etmontéléphone
vibre encore une fois. Saskia apparaît alors à mes côtés. C’est ça les vraies copines ! Elles sentent
quandçachauffe.
–Unproblème?demande-t-elleensedoutantbienquemontéléphoneestaucœurdel’affaire.
JeregardemonportableetletourneversDaytonquiconsultel’écranavecunregardnoir.
–C’estGauthier,dis-jeavantdeprendrel’appel.
Gauthiern’yvapasavecledosdelacuillère.
–Anna,onauntrèsgrosproblème!dit-il.
–Quoi?
–JeviensderecevoiruncoupdefildeJonathan.Cettefois,c’estsérieux,ilparledesuicide,etj’ai
bienpeurqu’ilpasseàl’acte.Jeparschezluivoircequ’ilsepasse.Jetetiensaucourant.
Tout se déroule ensuite à toute vitesse et presque sans aucune parole. À mon expression, Saskia
comprend tout de suite que quelque chose cloche vraiment. Je déclare à Dayton que nous devons
partirsurlechamp,monamieetmoi.Ilrestesansvoixdevantmaréaction,maissesyeuxlancentdes
éclairsdecolèrefroide.
Jem’enfous,jen’aipasletempsd’expliquer!
SaskiaetmoisautonsdansuntaxietfilonsversBrooklyn.Pendantletrajet,jeracontetoutàmon
amie, y compris que je n’ai jamais parlé de Jonathan et de son harcèlement à Dayton. Saskia n’en
revientpas.
–Tuplaisantes,Anna?T’esvraimentbizarreparfois.Cen’estpastoiquiasreprochéàDaytonde
tecacherdestrucsetdetouttebalancerenvrac?Tufaisvraimentn’importequoi!
–Jesais,jesais!hurlé-jepresquedansletaxi.
JerepenseàlatêtedeDayton,àsaquestionàlaquellejen’aipasrépondu,àtoutcequ’ilpeutêtre
en train d’imaginer. Mais, avant toute chose, je dois régler cette histoire de suicide de Jonathan. Je
suisresponsable.Toutça,c’estmafaute!
De retour dans l’appart, je me connecte à ma messagerie électronique et découvre que Jonathan
m’a adressé une vidéo par e-mail. Tétanisées devant l’écran, Saskia et moi regardons mon ex me
fairesesadieuxéplorésainsiqu’unedéclarationd’amourquirisquedememarqueràjamaissi,en
effet, il met fin à ses jours. Vu son état, je ne doute pas une seconde qu’il passe à l’acte. Il a l’air
tellementbarréetmalheureuxqu’ilnepeutêtreentraindejouerlacomédie.
Nous essayons de joindre Gauthier sans succès. Commence alors une nuit angoissante à guetter
nos téléphones et compter les minutes. Entre deux projections d’horreur du suicide de Jonathan, je
penseàDayton,quin’apascherchéàmejoindredepuisquenousavonsfuidelagalerie.Ilapeutêtresesraisonsvumondépartbrutaletsansexplication…Qu’est-ilentraind’imaginerluiaussi?
M’en veut-il ? Le contraire serait étonnant, étant donné ma conduite. Ai-je perdu sa confiance en
quelquesminutesdesilenceettantdejoursdenon-ditsausujetdemonex?J’essaiedemetrouver
desexcuses:jecommençaisunenouvellevie,c’étaitlogiquequejen’aiepasenviedem’encombrer
de cette histoire qui, pour moi, était finie, alors que j’étais emportée dans la passion avec Dayton.
Sans compter que j’avais déjà bien assez à gérer avec les révélations de Dayton pour ne pas
surchargernotrehistoire…Jesuispitoyable.Mesexcusessontvraimentbidons.J’auraisdûenparler,
voilàtout!Toutcommej’auraisdûaffronterlesappelsdeJonathanetnepasmevoilerlaface.Voilà
oùmalâchetém’aconduite.
Danslamerde,toutsimplement.
Monexachoisilamortàcausedemoiet,toujoursàcausedemoi,monamoureuxvacontinuersa
viesanslamienne.
À trois heures et demie, Gauthier nous rappelle enfin. Saskia et moi manquons presque nous
percuterlatêteennousruantsurletéléphone.
– Je suis à l’hôpital. Mon Dieu, ça a été épique, nous dit-il. Jonathan ne voulait pas me laisser
entrer chez lui. J’ai dû appeler les pompiers. Le temps qu’ils arrivent, il avait ingurgité assez de
saloperiespourassommerunmammouth.Onluiafaitunlavement,maisilestcomplètementout.Là,
j’attendsqu’ilseréveille.Allezvouscoucher,jesuissûrquevousn’avezpasfermél’œildelanuit,
lesfilles.
Jenediraispasquenoussommessoulagées,parcequelasituationnelepermetpasvraiment,mais
quandmêmeunpeu.L’histoireauraitpuvraimentmalseterminer.
Épuisée,jemelaissealleràquelqueslarmessurlecanapéetm’endorsenfin,levisagedeDayton
imprimésurmespaupières.
***
Jesuisréveilléepardeschuchotements.Quandjetented’ouvrirmesyeux,Churchillmedénonce
aussitôtenémettantunmiaulement.JemeredressetoutàfaitsurlecanapépourdécouvrirSaskiaet
Daytonenpleinemessebasseprèsducomptoirdelacuisine.
–Jesuisréveillée,dis-jed’unevoixrauque.
Dayton se tourne vers moi et me fixe d’un regard que je n’arrive pas à déchiffrer : colère,
surprise,compassion,reproche?Jenesaispas.
–Excuse-moi,jet’enprie,Dayton,lancé-jesansréfléchir.
Ils’approchedemoienmedévisageantcommes’ilnemereconnaissaitpas.Defait,jemetouche
levisageetsensmespaupièresgonfléessousmesdoigts.
C’estdoncpourçaquejenevoisrien…
–Jen’aiaucuneexcuse,malheureusement,continué-je.J’aiétélâche,idiote,égoïste.
Dayton s’assied près de moi sur le canapé et me scrute toujours comme si j’étais quelqu’un
d’autre.Jesensqu’ilm’enveut,maisqu’ilfaitcequ’ilpeutpourmecomprendre.Ildemeurefroid
malgrétout.
–Unhommeavoulusedonnerlamortàcausedemabêtiseet,toi,tudoiscertainementtedire
qu’onnepeutpasmefaireconfiance,melamenté-je.
Ilsecouelatête,maisrestetoujourssilencieux,lesyeuxrivéssurmonvisagegonflé.
L’interphonesonneetSaskiavarépondre.Unelivraisonapparemment,puisqu’ellerevientdansle
salonetposediscrètementdevantmoi,surlatablebasse,uneenveloppemarquéeFedEx®.
–Jenecomprendstoujourspaspourquoitunem’aspasparlédetonex,commenceDayton,qui
pose la main avec précaution sur les miennes jointes. Je ne comprends pas comment tu as pu me
cacher qu’il te harcelait, et je t’en veux, oui. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, Anna. Je t’en veux
d’avoirdissimulétoutça.C’estpresqueunmensonge.
Jerelèvelatêtepourprotester,maisoui,ilaraison.
– Je t’en veux de ne pas m’avoir fait assez confiance pour m’en parler, poursuit-il. Je ne peux
m’empêcherdemerappelercequetum’asreproché,lefaitdetecachercertainsaspectsdemavie.
Finalement,tuasfaitlamêmechose.
Jesecouelatête,malàl’aise.
– Je te fais confiance, Dayton, dis-je, des sanglots dans la voix et le menton qui commence à
trembler. C’est juste que… j’étais tellement bien avec toi que j’ai fait comme si Jonathan n’existait
pas.Ilnevoulaitrienentendre.Luiparlerneservaitàrienetj’étaisentraindevivredesmoments
fabuleuxavectoi.C’étaitcommedansunrêve.
Les larmes dévalent sur mes joues jusqu’à mon menton. Dayton passe le bras autour de mes
épaules.
–Jem’enveux,poursuis-je,parcequej’aifaitdumalàJonathan,parcequejet’aifaitdumalàtoi.
Jetienstellementàtoi,Dayton,chuchoté-je,uneénormebouledanslagorge,enleregardantdansles
yeux.
Puis je me love dans ses bras. Je m’abandonne complètement à son étreinte. Nous restons ainsi
enlacés quelques minutes, l’un contre l’autre, à nous réapprivoiser après cette discussion
douloureuse.Jenepeuxpasmepermettredeleperdre.
–Mesparentsontdûm’envoyerlelivretdefamillepourmademandedecarteverte,murmuré-je
d’unepetitevoix,contreletorseprotecteurdeDayton.C’estquelquechosedepositif,aumoins,non?
Je me redresse en essuyant les larmes sur mes joues, puis je prends l’enveloppe FedEx® posée
devantmoietl’ouvre.Ellecontientlelivretdefamille,ainsiqu’unelettremanuscritepliéeentrois
surlaquellejecroisreconnaîtrel’écrituredemamère.Jelametsdecôtépourplustardetprendsle
livretquejecommenceàfeuilleter.Jem’arrêtesurladoublepagedel’étatcivildemesparents.Ce
sontdesdétailsdemavie,monhistoire,làoùj’aicommencéenfait,leurrencontre,leurmariage.Je
tournelapagedulivretpourmevoir,meraccrocheràuneréalitéadministrative.Moi,monnom,ma
datedenaissance.J’ysuisbien,eneffet,surlapagededroite,celledusecondenfant.
Surlapagedegauche,cellequifaitfaceàlamienne,jelis:«Prénomdel’enfant:Alex».Ilya
unedatedenaissance,sixansavantlamienne,etunedatededécès.Alexestmortà3ans.Ilestnéet
décédéàPhiladelphie.
Jefixelapagesanscomprendre.
Unfrère?Maisjen’aipasdefrère!
Je suis sous le choc de cette découverte. Ma respiration se fait plus rapide, plus forte. Des
fourmillementss’emparentdemesmains.Mesdoigtssecontractentetsetordentcommedesgriffes.
Le livret de famille tombe au sol. Mon corps se tend entièrement. Je bascule sur le côté avec
l’impression d’être prise dans un ciment qui m’alourdit et m’étouffe. Je me mets à trembler
violemment.
Avant que le noir se referme sur moi, j’entends la voix de Dayton appeler plusieurs fois :
«Anna!».Puisjenesuispluslà.
Àsuivre,
nemanquezpasleprochainépisode.
Egalementdisponible:
Toi+Moi:l’uncontrel’autre
Toutlesoppose,toutlesrapproche.QuandAlmaLancasterdécrochelepostedesesrêvesàKing
Productions,elleestdéterminéeàallerdel’avantsansseraccrocheraupassé.Bosseuseetambitieuse,
elleévoluedanslecercletrèsferméducinéma,maisn’estpasdugenreàsefairedesfilms.Son
boulotl’accapare;l’amour,ceserapourplustard!Pourtant,lorsqu’ellerencontresonPDGpourla
premièrefois–lesublimeetcharismatiqueVadimKing–,ellereconnaîtimmédiatementVadim
Arcadi,leseulhommequ’elleaitvraimentaimé.Douzeansaprèsleurdouloureuseséparation,les
amantsseretrouvent.Pourquoia-t-ilchangédenom?Commentest-ilarrivéàlatêtedecetempire?
Etsurtout,vont-ilsparveniràseretrouvermalgrélessouvenirs,malgrélapassionquileshanteetle
passéquiveutlesrattraper?
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