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Débats du Sénat
2e SESSION
.
41e LÉGISLATURE
.
VOLUME 149
COMPTE RENDU OFFICIEL
(HANSARD)
Le jeudi 24 octobre 2013
Présidence de
l’honorable NOËL A. KINSELLA
.
NUMÉRO 5
TABLE DES MATIÈRES
(L’index quotidien des délibérations se trouve
à la fin du présent numéro.)
Service des débats : Monique Roy, Édifice national de la presse, pièce 831, tél. 613-992-8143
Centre des publications : David Reeves, Édifice national de la presse, pièce 926, tél. 613-947-0609
Publié par le Sénat
Disponible sur Internet : http://www.parl.gc.ca
98
LE SÉNAT
Le jeudi 24 octobre 2013
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
VISITEURS À LA TRIBUNE
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale
la présence à la tribune de Mmes Vera Yuzyk, Vicky Karpiak et Eve
Yuzyk-Duravetz, filles du regretté sénateur Paul Yuzyk. Elles sont
les invitées de notre collègue, la sénatrice Andreychuk.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au
Sénat du Canada.
L’HONORABLE PAUL YUZYK
LA NOUVELLE-ÉCOSSE
LES ÉLECTIONS DE 2013
L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, le 8 octobre
dernier, les Néo-Écossais ont voté pour le changement. Stephen
McNeil, chef du Parti libéral et maintenant premier ministre, a
promis de donner la priorité à la Nouvelle-Écosse. Son programme
a été bien entendu dans toute la province. Il est axé sur le
changement et il reflète les intérêts de tous les Néo-Écossais. Ceux-ci
ont voté en faveur d’un plan progressiste et positif qui propose entre
autres de mettre un terme au monopole de la Nova Scotia Power, de
réduire les tarifs d’électricité et d’encourager les entreprises à
embaucher des diplômés afin que ceux-ci puissent rester dans la
province, y vivre et apporter leur contribution à la collectivité. Les
Néo-Écossais ont appuyé le plan de Stephen McNeil pour l’avenir.
Honorables sénateurs, M. McNeil, qui était appuyé par un
groupe diversifié de 50 candidats et de plusieurs centaines
de bénévoles, a parcouru la province d’un bout à l’autre, du
Cap-Breton à Yarmouth, et d’Amherst à Halifax, pour parler aux
Néo-Écossais et entendre leurs préoccupations. Ses concitoyens ont
cru en lui et au plan du Parti libéral pour la province. Ils ont voté de
façon à donner la priorité à la Nouvelle-Écosse.
Honorables sénateurs, nous parlons ici d’un groupe de députés
provinciaux très diversifié. Dix femmes ont été élues, ce qui
représente près du tiers du caucus libéral. La première femme à
occuper le poste de procureur général de la province a été
assermentée mardi, tout comme le premier ministre et le reste du
Cabinet. Deux Néo-Écossais d’origine africaine ont été élus au sein
du nouveau gouvernement libéral, et l’un d’eux est membre du
Cabinet. L’assemblée législative compte aussi dans ses rangs la
première élue à afficher publiquement son homosexualité. Celle-ci
fait aussi partie du Cabinet. Nous avons donc un groupe très varié
de personnes issues de tous les milieux qui veulent faire de la
Nouvelle-Écosse un endroit meilleur, une province meilleure pour
tous ses citoyens et, par voie de conséquence, un Canada meilleur.
Honorables sénateurs, je suis convaincu que vous vous joignez à
moi pour féliciter le nouveau premier ministre, Stephen McNeil,
ainsi que tous ceux qui ont été élus député provincial. Nous
remercions également tous les candidats qui ont eu le courage
d’inscrire leur nom sur le bulletin de vote et de défendre leurs
convictions. Aux milliers de bénévoles, quel que soit le parti
politique, nous disons merci d’avoir accordé la priorité à la
Nouvelle-Écosse.
LES TIMBRES-PHOTOS PERMANENTS DE POSTES CANADA
L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je
prends la parole pour me réjouir de l’émission d’un timbre
commémorant feu l’honorable Paul Yuzyk, professeur d’histoire,
auteur, leader communautaire et sénateur. Paul Yuzyk a consacré
ses 23 ans de service en cet endroit à promouvoir une identité
canadienne entièrement inclusive, une identité qui reconnaisse les
contributions des Canadiens de toutes les origines ethniques à
l’édification de la nation.
On se souvient de Paul Yuzyk pour ses contributions en tant que
« père du multiculturalisme ». Grâce à la société ukrainienne
d’objets de collection de Toronto, Postes Canada émettra ce
samedi un timbre honorant ses réalisations.
Né de parents immigrants ukrainiens près d’Estevan, en
Saskatchewan, en 1913, Paul Yuzyk tirait sa détermination des
préjudices et de la discrimination qu’il a lui-même vécus. Aspirant à
devenir enseignant, il a été étiqueté comme étant un « étranger » et
s’est vu refuser des emplois pour lesquels il était qualifié. Plutôt que
de dissimuler son patrimoine ukrainien, Paul Yuzyk a décidé de le
faire valoir. Après avoir obtenu son doctorat, il est devenu
professeur d’université et a enseigné l’histoire soviétique, l’histoire
canado-ukrainienne et les relations canado-soviétiques. Il a
également publié de nombreux ouvrages importants.
Il a servi sa communauté à titre de fondateur et président de la
Ukrainian National Youth Federation, de directeur du Conseil
canadien des chrétiens et des juifs, de président du Conseil canadien
des arts populaires et de directeur suprême pour le Canada à la
Ukrainian National Association.
Nommé au Sénat par le premier ministre Diefenbaker en 1963, le
sénateur Yuzyk a décrit sa vision d’un multiculturalisme canadien
dans son premier discours :
En conformité avec les idéaux de la démocratie et dans
l’esprit de la Confédération, le Canada devrait reconnaître et
garantir le principe du partenariat entre tous les peuples qui
ont contribué à son développement et à son essor.
En 1971, cette vision est devenue une politique fédérale.
J’invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour applaudir à la
décision de mettre en circulation un timbre commémorant l’héritage
du sénateur Paul Yuzyk et pour rappeler la contribution d’une
personne remarquable qui a aidé le Canada à embrasser le principe
de « l’unité dans la diversité ».
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
LA NOUVELLE-ÉCOSSE
LES ÉLECTIONS DE 2013
L’honorable Jane Cordy : Comme le sénateur Mercer, je vais
parler des dernières élections en Nouvelle-Écosse.
Honorables sénateurs, le 8 octobre, les Néo-Écossais se sont
rendus aux urnes et, pour la première fois en plus de 100 ans, ils
n’ont pas reporté au pouvoir le gouvernement en fonction pour un
deuxième mandat provincial. Le Parti libéral de la Nouvelle-Écosse,
qui est dirigé par Stephen McNeil, a remporté 33 sièges sur les 51 de
la province et les progressistes-conservateurs en ont obtenu 11. Le
NPD, qui formait le gouvernement sortant, a été relégué au rang de
troisième parti, n’ayant conservé que sept sièges.
Lorsque Stephen McNeil a été élu chef du Parti libéral, en 2007, le
parti était le troisième en importance à la l’assemblée législative.
Lors des élections provinciales de 2009, M. McNeil a réussi à
ramener le Parti libéral dans l’opposition officielle. Maintenant, en
2013, le Parti libéral de la Nouvelle-Écosse forme un gouvernement
majoritaire.
. (1410)
Stephen et son épouse, Andrea, ont deux enfants, Colleen et
Jeffrey. M. McNeil est le 12e d’une grande famille de 17 enfants.
Avant de se lancer dans la politique provinciale, il a possédé une
petite entreprise pendant près de 15 ans. Sa vie de famille et son
expérience à la tête d’une petite entreprise ont façonné sa carrière
politique.
M. McNeil est le 28e premier ministre de la Nouvelle-Écosse et il a
été assermenté mardi dernier par le lieutenant-gouverneur J.J.
Grant. L’assermentation a eu lieu dans la circonscription de
M. McNeil, Annapolis Royal. C’est la première fois depuis
longtemps que l’assermentation du premier ministre de la
Nouvelle-Écosse et des membres du Cabinet se fait ailleurs qu’à
Halifax. Je souligne que près du tiers des membres du Cabinet de
M. McNeil sont des femmes. Diana Whalen a été nommée vicepremière ministre et ministre des Finances. Kelly Regan, dont le
mari est le député Geoff Regan, est ministre du Travail et de
l’Éducation supérieure. Joanne Bernard est ministre des Services
communautaires. Lena Diab est ministre de la Justice et de
l’Immigration et Karen Casey, ancien chef intérimaire du Parti
progressiste-conservateur, est ministre de l’Éducation et du
Développement de la petite enfance.
Je me réjouis que, parmi les 33 libéraux élus, 10 soient des femmes.
Je tiens aussi à féliciter mon nouveau député provincial, Allan
Rowe, qui a été élu dans la circonscription de Darthmouth South. Il
sera un excellent député pour cette circonscription. Les autres qui
représenteront, avec M. Rowe, la région de Darthmouth sont la
députée libérale Joyce Treen, le ministre Andrew Younger, la
ministre Joanne Bernard, le ministre Keith Colwell et le ministre
Tony Ince. En passant, lors des élections, M. Ince a causé la surprise
en battant le premier ministre sortant Darrell Dexter.
Je tiens à remercier tout spécialement l’équipe de bénévoles
libéraux qui ont travaillé sans relâche, pas seulement pendant la
campagne qui vient de prendre fin, mais durant toutes ces années où
le parti s’est employé à se rebâtir. Comme le sénateur Mercer le
disait plus tôt, les bénévoles sont essentiels à la bonne marche de
tout bon parti politique.
99
Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de m’adresser au
Sénat du Canada pour féliciter le premier ministre Stephen McNeil,
les membres de son nouveau Cabinet ainsi que les députés libéraux
provinciaux, tant ceux qui ont été réélus que les nouveaux arrivés.
VISITEURS À LA TRIBUNE
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale
la présence à la tribune d’un groupe de représentants du Conseil
canadien multiculturel asiatique en Ontario. Ils sont les invités des
sénateurs Ngo, Enverga et Oh.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au
Sénat du Canada.
LA SEMAINE DE LA CITOYENNETÉ
L’honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, c’est
avec beaucoup de fierté que j’aimerais vous parler aujourd’hui de la
Semaine canadienne de la citoyenneté, qui nous permet de célébrer
les valeurs que défend le Canada, de faire valoir notre identité
canadienne et d’exprimer la valeur que la citoyenneté canadienne a à
nos yeux.
Honorables sénateurs, notre pays est l’amalgame de plusieurs
nations. C’est un pays d’immigrants venus de loin dans l’espoir de
mener ici une vie meilleure : une vie libre, certes, mais aussi une vie
plus riche sur le plan économique.
Je suis venu au Canada pour offrir un avenir meilleur à mes
enfants. Mon pays m’a donné la possibilité de réussir, et, je sais que
mes enfants auront la même possibilité un jour.
Honorables sénateurs, le Canada n’est pas le symbole de la
diversité, il en est l’incarnation. La diversité croît sans cesse, et avec
43 p. 100 de sa population qui est issue des minorités visibles, il n’y
a pas de meilleur exemple que la ville d’où je viens, Toronto.
Aujourd’hui, les sénateurs Thanh Hai Ngo, Victor Oh et moi
accueillons les délégués du Conseil canadien multiculturel asiatique
en Ontario, qui nous arrivent justement de Toronto. Cet
organisme-cadre à but non lucratif illustre à merveille la mosaïque
extraordinaire qui forme le Canada. Les organismes qui en sont
membres représentent des immigrants venant autant de
l’Afghanistan que du Myanmar, du Laos, de l’Inde, du Japon, de
la Chine, du Vietnam, du Sri Lanka, de la Corée et des Philippines,
pour ne nommer que ceux-là.
Selon l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 réalisée par
Statistique Canada, 6,8 millions de personnes nées à l’étranger
vivent au Canada, ce qui représente plus de 20 p. 100 de la
population, soit la proportion la plus élevée de tous les pays du G8.
Honorables sénateurs, la diversité du Canada nous rend plus forts
puisque nous sommes ouverts à tous. Notre force réside dans notre
capacité à tirer parti des origines diverses de notre peuple pour faire
avancer notre pays.
Honorables sénateurs, la Semaine de la citoyenneté est l’occasion
de nous remémorer l’histoire de notre pays et de rendre hommage à
nos ancêtres qui se sont battus pour jeter les fondements de notre
société stable, démocratique et libre, où nos droits sont protégés en
vertu de la Constitution, des droits dont beaucoup de peuples sont
privés ailleurs dans le monde. De la Confédération en 1867 jusqu’au
rapatriement de la Constitution en 1982, le Sénat s’est fait la voix
des régions et des minorités d’un bout à l’autre du pays.
100
DÉBATS DU SÉNAT
24 octobre 2013
Honorables sénateurs, le Sénat du Canada joue un rôle important
dans le pays diversifié mais ouvert à tous qui est le nôtre. Le rôle de
la Chambre haute du Canada est de défendre les intérêts des régions
et des minorités en leur donnant une voix égale. Le Sénat se fait de
plus en plus le reflet de l’extraordinaire mosaïque qu’est la nation
canadienne.
Honorables sénateurs, si vous n’avez pas pu assister à cette
exposition exceptionnelle hier soir, vous pouvez encore aller la voir
ce soir et demain. Je vous encourage tous à le faire. Merci.
Honorables sénateurs, je suis fier de servir le Canada dans cette
vénérable enceinte et je suis fier d’être Canadien.
LA PRÉSENCE AUX SÉANCES D’UN COMITÉ
L’EXPOSITION DE LA DÉLÉGATION
DE L’IMAMAT ISMAILI
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, une
exposition spéciale sur la vie et l’œuvre de Son Altesse l’Aga Khan a
lieu à la Délégation de l’imamat ismaili à Ottawa.
L’exposition Rays of Light : Glimpses into the Ismaili Imamat
présente l’institution fondée par l’Aga Khan et les efforts que Son
Altesse a déployés au cours 50 dernières années pour servir les gens
de tous les pays, de toutes les religions et de toutes les cultures.
Le Canada est un partenaire important dans bon nombre de ces
initiatives. L’Aga Khan a vu dans le Canada un chef de file pour
promouvoir un cadre éthique commun, qui repose notamment sur
les valeurs communes que sont le pluralisme, la démocratie et
l’engagement civique.
e
Son Altesse l’Aga Khan est le 49 imam héréditaire des
musulmans chiites ismaéliens et il est le dirigeant spirituel
d’environ 15 millions de musulmans ismaéliens. Il est également le
fondateur et le président du Réseau Aga Khan de développement,
qui regroupe plusieurs organismes de développement non
confessionnels travaillant principalement dans les parties les plus
pauvres de l’Asie et de l’Afrique.
L’exposition rend compte du lien étroit qui unit l’Aga Khan et le
Canada. Je pense notamment à la Délégation de l’imamat ismaili et
au Centre mondial du pluralisme à Ottawa, au centre Ismaili de
Burnaby et aux futurs centre ismaélien, Musée Aga Khan et parc à
Toronto.
RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION
L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je veux parler
d’une question qui me préoccupe. En trois jours, deux de nos
collègues ont donné la fausse impression qu’ils n’ont pas accès aux
réunions du Comité de la régie interne.
Dans son intervention ici le 22 octobre, le sénateur Brazeau a
déclaré ceci :
Je demande depuis un bon bout de temps qu’on m’accorde
une réunion ouverte avec le Bureau de la régie interne, car
nous ne savons rien de ce qui se passe derrière les portes closes.
Nous ne siégeons pas à ce comité.
Le sénateur ne fait peut-être pas partie du comité, mais nous
savons tous que, en tant que sénateur, il peut assister aux réunions
de ce comité ou d’un autre comité du Sénat quand il le désire.
Le sénateur Brazeau : Je n’ai pas pu. Je n’ai pas pu.
Le sénateur Tkachuk : Même pas deux jours plus tard — hier soir,
en fait —, la sénatrice Hervieux-Payette, dans une entrevue
téléphonique à CTV...
L’honorable Joan Fraser (leader adjoint de l’opposition) : J’invoque
le Règlement...
Son Honneur le Président : Ce n’est pas le moment de faire un
rappel au Règlement, mais le Président n’est pas sûr que cette
intervention soit conforme aux paramètres des déclarations de
sénateurs. En tout cas, si elle l’est, c’est tout juste.
. (1420)
Le sénateur Tkachuk : J’ai dit des choses bien pires.
En effet, le Canada et le Réseau Aga Khan de développement au
Canada entretiennent une relation remarquable depuis 30 ans. Ce
partenariat a une influence durable. Il a transformé la vie de
1 million de personnes au Pakistan, a soutenu la création d’une
université de réputation mondiale, et a formé la prochaine
génération de chefs de file canadiens en matière de développement
international à l’aide d’un programme de bourses.
La sénatrice Cordy : Vous vous en êtes tiré sans que personne ne
réagisse; estimez-vous chanceux.
Le sénateur Tkachuk : Que se passe-t-il? Le temps est-il écoulé?
Des voix : Oui.
En 2009, Son Altesse est devenu un citoyen honoraire du Canada.
À l’époque, il était seulement la cinquième personne à recevoir cette
désignation. Le premier ministre Harper a dit que l’Aga Khan était
« un phare de l’humanitarisme, du pluralisme et de la tolérance ».
L’exposition Rays of Light montre toutes les dimensions des efforts
de Son Altesse l’Aga Khan pour servir l’humanité avec pour toile de
fond les 1 400 ans d’histoire de l’imamat ismaili.
[ Le sénateur Enverga ]
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le Président, c’est vous qui
décidez.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
101
Des voix : Maintenant.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
LA COMMISSAIRE À LA PROTECTION
DE LA VIE PRIVÉE
LA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS
DE LA CRIMINALITÉ ET LE FINANCEMENT
DES ACTIVITÉS TERRORISTES—DÉPÔT
DU RAPPORT DE VÉRIFICATION
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de
déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de vérification
du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada
concernant le Centre d’analyse des opérations et déclarations
financières du Canada, en vertu de l’article 72.2 de la Loi sur le
recyclage des produits de la criminalité et le financement des
activités terroristes.
Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée,
honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Marshall, avec
l’appui de l’honorable sénatrice Poirier, propose que le rapport soit
adopté.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Traduction]
LES FRAIS DE LOGEMENT
DÉPÔT D’UN DOCUMENT
L’honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, je tiens dans
ma main un document, rédigé dans les deux langues officielles, daté
du 8 mars 2011. Il s’agit d’un courriel dans lequel l’administration
du Sénat confirme que je suis admissible au remboursement des frais
de logement. Je demande donc la permission du Sénat de déposer ce
document.
Des voix : D’accord.
PRÉSENTATION DU DEUXIÈME RAPPORT DU COMITÉ
L’honorable Elizabeth (Beth) Marshall, présidente du Comité de
sélection, présente le rapport suivant :
Le jeudi 24 octobre 2013
Le Comité de sélection a l’honneur de présenter son
DEUXIÈME RAPPORT
COMITÉ DE SÉLECTION
ADOPTION DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ
L’honorable Elizabeth (Beth) Marshall, présidente du Comité de
sélection, présente le rapport suivant :
Le jeudi 24 octobre 2013
Le Comité de sélection a l’honneur de présenter son
PREMIER RAPPORT
Conformément à l’article 12-2(1)a) du Règlement du Sénat,
votre comité informe le Sénat qu’il désigne l’honorable
sénateur Oliver au poste de président à titre intérimaire.
Conformément à l’article 12-2(2) du Règlement du Sénat,
votre comité présente la liste des sénateurs qu’il a désignés
pour faire partie des comités suivants :
Comité sénatorial permanent des peuples autochtones
Les honorables sénateurs Beyak, Dyck, Lovelace Nicholas,
Meredith, Munson, Ngo, Patterson, Raine, Sibbeston,
Tannas, Unger et White.
Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts
Les honorables sénateurs Buth, Callbeck, Dagenais, Eaton,
Maltais, Mercer, Merchant, Mockler, Ogilvie, Oh, Rivard et
Tardif.
Respectueusement soumis,
La présidente,
ELIZABETH MARSHALL
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand
étudierons-nous le rapport?
Comité sénatorial permanent des banques et du commerce
Les honorables sénateurs Black, Gerstein, Greene,
Hervieux-Payette, C.P., Maltais, Massicotte, Moore, Nancy
Ruth, Oliver, Ringuette, Rivard et Tkachuk.
102
DÉBATS DU SÉNAT
Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement
et des ressources naturelles
Les honorables sénateurs Black, Boisvenu, Frum,
MacDonald, Massicotte, Mitchell, Neufeld, Patterson,
Ringuette, Seidman, Sibbeston et Wallace.
Comité sénatorial permanent des pêches et des océans
Les honorables sénateurs Baker, C.P., Beyak, Hubley,
Lovelace Nicholas, Manning, McInnis, Plett, Poirier, Raine,
Robichaud, C.P., Stewart Olsen et Wells.
24 octobre 2013
Comité sénatorial permanent des langues officielles
Les honorables sénateurs Beyak, Champagne, C.P.,
Chaput, Fortin-Duplessis, McIntyre, Poirier, CharrettePoulin, Tardif et White.
Comité permanent du Règlement, de la procédure
et des droits du Parlement
Les honorables sénateurs Batters, Beyak, Braley, Comeau,
C.P., Cools, Enverga, Furey, Jaffer, Joyal, C.P., Martin,
McCoy, Nolin, Smith (Cobourg), C.P., Tannas et Wallace.
Comité mixte permanent d’examen de la réglementation
Comité sénatorial permanent des affaires étrangères
et du commerce international
Les honorables sénateurs Andreychuk, Ataullahjan,
Dawson, Demers, Downe, Fortin-Duplessis, Housakos,
Johnson, Oh, Robichaud, C.P., Smith (Cobourg), C.P. et
Verner, C.P.
Comité sénatorial permanent des droits de la personne
Les honorables sénateurs Andreychuk, Ataullahjan,
Eggleton, C.P., Hubley, Jaffer, Marshall, Meredith, Ngo et
Seidman.
Comité permanent de la régie interne, des budgets
et de l’administration
Les honorables sénateurs Campbell, Cordy, Comeau, C.P.,
Downe, Doyle, Furey, Johnson, Kinsella, Lang, LeBreton,
C.P., Manning, Marshall, Munson, Smith (Saurel) et
Tkachuk.
Comité sénatorial permanent des affaires juridiques
et constitutionnelles
Les honorables sénateurs Batters, Campbell, HervieuxPayette, C.P., Moore, Nancy Ruth, Runciman, Tannas et
Unger.
Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences
et de la technologie
Les honorables sénateurs Bellemare, Chaput, Cordy, Dyck,
Eaton, Eggleton, C.P., Enverga, Ogilvie, Segal, Seidman, Seth
et Stewart Olsen.
Comité sénatorial permanent des transports
et des communications
Les honorables sénateurs Dawson, Demers, Eggleton, C.P.,
Greene, Housakos, MacDonald, Manning, McInnis, Mercer,
Merchant, Plett et Verner, C.P.
Conformément à l’article 12-3(3) du Règlement du Sénat,
l’honorable sénateur Carignan, C.P. (ou Martin) et
l’honorable sénateur Cowan (ou Fraser) sont membres
d’office de tous les comités sauf le Comité permanent sur les
conflits d’intérêts des sénateurs et les comités mixtes.
Respectueusement soumis,
Les honorables sénateurs Baker, C.P., Batters, Boisvenu,
Braley, Dagenais, Frum, Jaffer, Joyal, C.P., McIntyre, Rivest,
Runciman et White.
Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement
Les honorables sénateurs Champagne, C.P., Cools, Mercer,
Charrette-Poulin et Rivard.
Comité sénatorial permanent des finances nationales
Les honorables sénateurs Bellemare, Buth, Callbeck,
Chaput, Day, Doyle, Gerstein, Hervieux-Payette, C.P.,
Mockler, Seth, Smith (Saurel) et Wells.
Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale
et de la défense
Les honorables sénateurs Dallaire, Day, Lang, Manning,
Mitchell, Nolin, Plett, Segal et Wells.
[ La sénatrice Marshall ]
La présidente,
ELIZABETH MARSHALL
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand
étudierons-nous le rapport?
Des voix : Maintenant.
L’honorable Joan Fraser (leader adjoint de l’opposition) :
Honorables sénateurs, nous avons dit que nous ferions cela plus
tard aujourd’hui.
Son Honneur le Président : Y reviendrons-nous plus tard
aujourd’hui? Il faut le consentement unanime du Sénat pour
étudier ce rapport maintenant.
Des voix : D’accord.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, l’étude du rapport est
inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
. (1430)
103
d’employés de bureau et d’autres personnes au besoin, pour les
aider à examiner les projets de loi, la teneur de ces derniers et
les prévisions budgétaires qui leur sont renvoyés.
[Français]
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L’ACCORD SUR LA SANTÉ
PRÉAVIS DE MOTION D’AJOURNEMENT DU SÉNAT LE
MERCREDI 30 OCTOBRE 2013 JUSQU’AU 5 NOVEMBRE 2013
PRÉAVIS D’INTERPELLATION
L’honorable Yonah Martin (leader adjoint du gouvernement) :
Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance
du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera le mercredi 30 octobre, il
demeure ajourné jusqu’au mardi 5 novembre 2013, à
14 heures.
[Traduction]
PRÉAVIS DE MOTION TENDANT À CHANGER L’HEURE
DU DÉBUT DES SÉANCES DU MERCREDI ET DU JEUDI
ET À MODIFIER L’HEURE DE L’AJOURNEMENT
DU MERCREDI
L’honorable Yonah Martin (leader adjoint du gouvernement) :
Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance
du Sénat, je proposerai :
L’honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs,
conformément à l’article 57(2) du Règlement, je donne préavis
que, après-demain :
J’attirerai l’attention du Sénat sur le besoin croissant, pour
le gouvernement fédéral, de collaborer avec les gouvernements
provinciaux et territoriaux, ainsi qu’avec les autres parties
intéressées, en vue d’assurer la pérennité du système canadien
de soins de santé et de mener des négociations en vue de
conclure un nouvel Accord sur la santé qui puisse entrer en
vigueur à l’expiration du Plan décennal pour consolider les
soins de santé de 2004.
LES TRAVAUX DU SÉNAT
PRÉAVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER
LES COMITÉS DES DROITS DE LA PERSONNE,
DES LANGUES OFFICIELLES ET DE LA SÉCURITÉ
NATIONALE ET DE LA DÉFENSE À SIÉGER LES LUNDIS
POUR LE RESTE DE LA PRÉSENTE SESSION
Que, pour le reste de la présente session,
a) lorsque le Sénat siège un mercredi ou un jeudi, il siège à
13 h 30 nonobstant ce que prévoit l’article 3-1(1) du
Règlement;
b) lorsque le Sénat siège un mercredi, il s’ajourne à
16 heures ou à la fin des affaires du gouvernement,
selon la dernière éventualité, à condition de ne pas
dépasser l’heure prévue dans le Règlement, à moins
qu’il ait suspendu ses travaux pour la tenue d’un vote
différé ou qu’il se soit ajourné plus tôt;
c) lorsque le Sénat siège un mercredi après 16 heures, les
comités devant siéger soient autorisés à le faire pour
recevoir et publier des témoignages, même si le Sénat
siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1)
du Règlement étant suspendue à cet égard;
d) si un vote est différé jusqu’à 17 h 30 un mercredi, le
Président interrompe les délibérations au besoin
immédiatement avant l’ajournement sans toutefois
dépasser l’heure prévue au paragraphe b) et suspende
la séance jusqu’à 17 h 30, heure de la tenue du vote
différé, et que les comités soient autorisés à se réunir
durant la suspension de la séance.
PRÉAVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER TOUS
LES COMITÉS À ENGAGER DU PERSONNEL
L’honorable Yonah Martin (leader adjoint du gouvernement) :
Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance
du Sénat, je proposerai :
Que, conformément à l’article 1(2) du chapitre 3:06 du
Règlement administratif du Sénat, tous les comités soient
autorisés, pour le reste de la présente session, à retenir les
services de conseillers juridiques, de personnel technique,
L’honorable Yonah Martin (leader adjoint du gouvernement) :
Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance
du Sénat, je proposerai :
Que, conformément à l’article 12-18(2) du Règlement, les
Comités sénatoriaux permanents des droits de la personne, des
langues officielles et de la sécurité nationale et de la défense
soient autorisés, pour le reste de la présente session, à se réunir
aux heures habituelles approuvées telles qu’établies par le whip
du gouvernement et le whip de l’opposition le lundi précédant
immédiatement un mardi où le Sénat doit siéger, même si le
Sénat est alors ajourné pour une période de plus d’une
semaine.
PÉRIODE DES QUESTIONS
LE SÉNAT
LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC—LA RÉFORME DU SÉNAT
L’honorable James S. Cowan (leader de l’opposition) : Honorables
sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au
Sénat.
Aujourd’hui, la Cour d’appel du Québec a statué, dans une
décision unanime, que la tentative du gouvernement de réformer le
Sénat unilatéralement est inconstitutionnelle et que, contrairement
aux affirmations du gouvernement au cours des sept dernières
années, le consentement des provinces est effectivement nécessaire.
C’est ce que nous, de ce côté-ci de la Chambre, disons depuis des
années. Pendant plus de six ans, nous avons exhorté le
gouvernement à consulter les provinces et à ainsi faire des progrès
104
DÉBATS DU SÉNAT
concrets en vue de la réforme du Sénat. Au lieu de cela, nous ne
sommes pas plus avancés aujourd’hui que nous ne l’étions lorsque le
gouvernement est arrivé au pouvoir en 2006.
Permettez-moi de lire un extrait de la décision rendue aujourd’hui
par la Cour d’appel du Québec :
[...] le projet de loi [C-7], s’il avait été adopté, aurait été
inconstitutionnel sans l’assentiment d’une majorité des
provinces donné conformément au paragraphe 38(1) de la
Loi constitutionnelle de 1982, puisqu’il constituait, par sa
nature véritable, une modification au mode de sélection des
sénateurs et aux pouvoirs du Sénat, et ce, sans respecter le
processus prévu, mais en tentant plutôt de le contourner.
Pouvez-vous me dire quelle est la réaction du gouvernement?
Cessera-t-il enfin de tenter de contourner la Constitution pour la
modifier, et discutera-t-il sérieusement avec les provinces d’une
réforme concrète et efficace du Sénat? Ou bien, au contraire, le
gouvernement croit-il toujours, en dépit de la décision rendue à
l’unanimité par la Cour d’appel du Québec, qu’il peut agir à sa guise
relativement à la réforme du Sénat qu’il propose, sans obtenir le
consentement des provinces ni même les consulter?
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) :
Honorables sénateurs, comme pour toute décision rendue, nous
allons prendre le temps d’étudier cette décision de la Cour d’appel
du Québec.
Comme vous le savez, un renvoi sur le même sujet est actuellement
devant la Cour suprême sur lequel elle devrait se pencher bientôt.
Nous avons hâte de connaître la décision finale de la Cour suprême,
qui débutera ses auditions au cours des prochaines semaines.
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Regrette-t-il de ne pas avoir accepté? Pourquoi a-t-il besoin de la
décision de la Cour suprême alors que nous savons pertinemment
que les provinces doivent faire partie du processus pour apporter des
modifications?
Quelle que soit la décision de la Cour suprême, rien ne changera.
C’est écrit dans la première loi du pays et cette loi ne peut être
changée que par le premier ministre et sept provinces avec une
majorité de 50 p. 100.
Allez-vous procéder dès maintenant ou traîner la question encore
deux, trois ans? Si vous êtes sérieux en ce qui concerne une réforme,
pourquoi ne pas commencer dès maintenant?
Le sénateur Carignan : Écoutez. Je crois rêver. Madame la
sénatrice, nous vous avons entendue à de multiples reprises nous
dire que nous devrions faire un renvoi à la Cour suprême. Nous
l’avons fait; l’audition aura lieu bientôt. La Cour suprême établira
un manuel d’instructions juridiques complet sur la façon dont nous
pouvons procéder pour réformer le Sénat et là, vous nous dites :
« Ne respectez pas la demande de renvoi de la Cour suprême et
commencez à procéder immédiatement. » Franchement, j’ai de la
difficulté à vous suivre.
L’honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j’aurais
une question supplémentaire. Sénateur Carignan, dans sa première
question, la sénatrice Hervieux-Payette faisait référence à l’intention
du premier ministre de modifier les opérations du Sénat. J’ose croire
que ce n’était pas l’intention dans votre réponse de donner votre
assentiment à cette question-là puisque le premier ministre — on le
sait tous — n’a aucun pouvoir sur les opérations de cette Chambre.
Le sénateur Carignan : Écoutez. Je vous remercie de votre
question. Elle me permet de donner des précisions. Je traitais des
questions qui sont actuellement à l’étude dans le renvoi à la Cour
suprême.
[Traduction]
. (1440)
L’ENVIRONNEMENT
L’honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je
voudrais informer mes collègues, qui se sont engagés à siéger au
Sénat seulement pour neuf ans, d’une bonne nouvelle. Si la décision
de la Cour d’appel du Québec est maintenue par la Cour suprême,
vous pourrez siéger selon les termes de la Constitution ou aller de
l’avant avec les modifications, incluant les provinces.
Quand le premier ministre va-t-il s’asseoir avec les premiers
ministres des provinces et commencera-t-il à discuter
sérieusement — s’il est vraiment sérieux — de la modification des
opérations du Sénat?
Le sénateur Carignan : Écoutez. Comme je l’ai déjà dit, nous
attendons la décision de la Cour suprême. La décision de la Cour
suprême constituera un manuel d’instructions juridiques sur la
manière dont nous pouvons procéder à la réforme du Sénat. Le
gouvernement agira dès que la Cour suprême se sera prononcée.
La sénatrice Hervieux-Payette : J’étais leader de l’opposition
lorsque nous avons étudié le projet de loi de modification des règles
qui gouvernent le Sénat et, à ce moment-là, nous nous sommes
rendus jusqu’à l’étape de la troisième lecture. Nous voulions en
référer à la Cour suprême, ce que votre premier ministre a refusé
d’entendre.
[ Le sénateur Cowan ]
LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
L’honorable Grant Mitchell : Chers collègues, on a beaucoup dit
que, avec le discours du Trône, le gouvernement avait essayé de faire
diversion. Or, il a peut-être réussi à mélanger un peu les cartes, mais
la donne reste la même, et les conservateurs n’ont pas d’atout dans
leur jeu. Les changements climatiques ne sont pas mentionnés une
seule fois dans le discours du Trône. Lorsque, dans le discours du
Trône, le gouvernement prétend vouloir enchâsser dans la loi le
principe du « pollueur-payeur », considère-t-il que les émissions de
gaz à effet de serre sont une forme de pollution? A-t-il l’intention de
faire payer les pollueurs dans ce cas?
[Français]
L’honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Écoutez.
Nous n’avons aucune leçon à recevoir de la part du gouvernement
libéral sur les changements climatiques. Contrairement aux libéraux,
qui ont laissé les émissions de gaz à effet de serre augmenter de près
de 30 p. 100, notre gouvernement a réduit les gaz à effet de serre et
protège les emplois canadiens. Nous avons déjà réduit les émissions
prévues de 130 mégatonnes par rapport aux niveaux qui auraient été
atteints sous la gouverne des libéraux. Alors, nous, nous agissons.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
105
[Traduction]
[Français]
Le sénateur Mitchell : La réalisation du projet Keystone XL est
remise en question parce que les États-Unis savent que le Canada est
loin d’en faire assez pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre
et lutter contre les changements climatiques. Tout le monde le sait.
Les États-Unis le savent. Le projet se réalisera à condition d’avoir la
légitimité sociale nécessaire.
L’honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Écoutez.
Le Centre de la sécurité des télécommunications Canada respecte la
loi. Il a un mandat spécifique. Un commissaire est chargé de la
surveillance des activités dans le cadre de la loi, et il n’a pas le droit
de viser les activités ou les communications des Canadiens. Nous
croyons qu’il fait bien son travail.
Lorsque, dans le discours du Trône, le gouvernement affirme
vouloir protéger les emplois et œuvrer dans le domaine de la pêche
avec les gens qui en vivent, lorsqu’il dit vouloir protéger les emplois
et en créer d’autres dans le domaine de la pêche, comment peut-il
honnêtement défendre cette position sans reconnaître qu’il doit
prendre des mesures contre les changements climatiques qui ont déjà
perturbé la pêche et décimé les stocks de poissons du pays?
[Traduction]
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez. Notre gouvernement a pour
engagement continuel de travailler avec les partenaires. Vous avez
parlé de pipeline aux États-Unis. Avec les États-Unis — nos
partenaires internationaux en matière de changements
climatiques —, nous allons continuer d’avoir une approche,
comme celle que nous avons eue avec les véhicules à essence.
Nous allons continuer à prendre des mesures concrètes dans les
différents domaines pour nous assurer d’être le plus efficaces
possible dans le cadre de la réduction des gaz à effet de serre et de ne
pas laisser un bilan comme celui que vous nous avez laissé en
augmentant les gaz à effet de serre de 30 p. 100.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Les États-Unis et leur président savent que
le Canada est loin d’en faire assez pour réduire les émissions de gaz à
effet de serre. Lorsque, dans le discours du Trône, le gouvernement
dit vouloir protéger les 200 000 emplois du secteur forestier et en
créer d’autres, ne sait-il pas que les changements climatiques ont un
effet dramatique sur nos forêts et sur les perspectives d’emplois dans
l’industrie forestière?
Le sénateur Moore : Le Canada a-t-il espionné la société pétrolière
d’État brésilienne ou le ministère de l’Énergie du Brésil?
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez. C’est la même réponse. Le centre
doit respecter le cadre prévu par la loi. Un commissaire est nommé
et est chargé de s’assurer que la loi est respectée dans le cadre de la
surveillance et du rapport d’activité qui est rendu. Nous nous
attendons à ce que le centre respecte la loi.
. (1450)
[Traduction]
Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, j’ai une question
complémentaire.
En juin 2012, le CSTC, c’est-à-dire le Centre de la sécurité des
télécommunications du Canada, a fait une présentation intitulée
« Advanced Network Tradecraft » pour les cinq pays partenaires —
soit le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la
Nouvelle-Zélande — dans laquelle on décrivait une mission de
reconnaissance faisant appel à une technologie appelée « Olympia ».
Cette mission était dirigée contre le ministère de l’Énergie du Brésil.
Si l’on se fie aux articles parus dans les journaux, cet exercice a été
couronné de succès.
Le leader peut-il nous dire ce qu’on a fait des données obtenues
par le CSTC auprès du ministère de l’Énergie et des Mines du Brésil?
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez. Si nous agissons, c’est parce que
nous pensons que l’environnement doit être protégé,
particulièrement en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de
serre. Comme je l’ai expliqué, nous avons déjà réduit les émissions
prévues de 130 mégatonnes par rapport aux niveaux qui auraient été
atteints sous la gouverne des libéraux. Nous allons continuer à
travailler, à faire des efforts avec les différents secteurs et nos
partenaires internationaux.
[Traduction]
LA DÉFENSE NATIONALE
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez. Au niveau du centre de la
sécurité, nous avons étudié la question et sommes satisfaits des
activités du Centre de télécommunications du Canada, qui sont
légales. Toutes les activités du centre font l’objet d’un examen
indépendant, comme je l’ai expliqué, et ce depuis 16 ans. On
rapporte que le centre continue d’effectuer ses activités dans le
respect de la loi. Je ne pourrais pas commenter les activités ou les
capacités spécifiques de collecte de renseignements étrangers.
[Traduction]
L’honorable Wilfred P. Moore : Ma question s’adresse aussi au
leader du gouvernement au Sénat.
Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, la demande d’accès à
l’information a permis d’apprendre que le CSTC avait rencontré des
compagnies actives dans le secteur de l’énergie au Canada. Ces
rencontres avaient pour but de permettre aux entreprises et aux
ministères et agences du Canada d’échanger des renseignements en
privé.
Monsieur le leader, croyez-vous qu’il est temps de charger un
comité parlementaire de surveiller les activités du Centre de la
sécurité des télécommunications Canada?
Le leader peut-il nous renseigner sur la nature des renseignements
que le CSTC pourrait fournir à ces entreprises du secteur de
l’énergie au Canada?
LA SURVEILLANCE PAR LE PARLEMENT DU CENTRE
DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADA
106
DÉBATS DU SÉNAT
24 octobre 2013
[Français]
[Traduction]
Le sénateur Carignan : Écoutez. Le centre a un mandat prévu par
la loi, et on s’attend à ce qu’il soit respecté. Le centre mène ses
activités à l’intérieur de son cadre légal. Il est surveillé par un
commissaire indépendant, et on s’attend à ce qu’il remplisse son
mandat. Si des aspects consistent à informer certaines entreprises
d’éléments de risques pour la sécurité et que c’est dans le cadre de
son mandat, on s’attend à ce que ce soit fait.
L’honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, le leader du
gouvernement pourrait-il me dire, en sa capacité de membre du
Conseil privé et de comités clés du Cabinet, s’il serait disposé à
porter à l’attention de ses collègues le fait que tous les autres pays du
G8 et de l’OTAN ont des organes de surveillance législative dans le
secteur du renseignement et de la sécurité?
[Traduction]
[Français]
Le sénateur Moore : En 2007, le gouvernement du Brésil a
annoncé la découverte des plus grands champs pétrolifères à
l’extérieur de l’APEC. On estime que ces champs renferment 8
milliards de barils de pétrole. Pourtant, lorsque la vente aux
enchères des droits d’exploitation a pris fin tout récemment, aucune
compagnie du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de
l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande — qu’on appelle le Groupe
des cinq — ne s’est manifestée. La question qui se pose est
évidemment celle de savoir pourquoi. Était-ce en raison des
renseignements piratés par le CSTC et partagés avec des
entreprises du secteur de l’énergie au Canada?
On parle de la République française, de la Grande-Bretagne, des
États-Unis, de l’Australie et de tous les autres pays alliés.
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez. L’honorable sénateur semble
faire un lien assez particulier en ce qui a trait aux activités du centre.
Il y a un respect de la loi dans le cadre des activités du centre de
surveillance. Un ancien juge a le mandat de s’assurer du respect des
activités du centre de surveillance. Je ne commenterai pas davantage
ces éléments de sécurité.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Plus tôt ce mois-ci, l’ancien chef du CSTC a
dit qu’il était temps d’accroître le contrôle parlementaire de l’agence,
ajoutant que celle-ci gardait délibérément les Canadiens dans le noir
quant à ses activités.
J’aimerais savoir si le leader appuierait un projet de loi visant à
accroître le contrôle parlementaire du CSTC.
[Traduction]
Ces pays disposent d’un processus législatif assorti d’un niveau de
discrétion approprié qui rend possible la discussion des stratégies et
des plans envisagés.
C’est comme ça que fonctionne le Royaume-Uni depuis 1994. Il
n’y a jamais eu une seule fuite. Les rapports sont soumis directement
au premier ministre du Royaume-Uni, qui les remet au Parlement de
ce pays dans un délai d’un mois et, si certains renseignements sont
supprimés dans l’intérêt de la sécurité nationale, une note de bas de
page le précise.
Voilà ce que font nos alliés. Le Canada est le seul pays à n’exercer
aucune surveillance législative sur ses services de sécurité nationale.
Beaucoup de dirigeants des services de sécurité nationale aimeraient
avoir la chance de parler aux parlementaires des difficultés avec
lesquelles ils doivent composer.
L’honorable leader du gouvernement au Sénat pourrait-il me dire
s’il aurait l’amabilité d’envisager la suggestion, de la présenter à ses
collègues du Cabinet et de faire le point au Sénat dans les meilleurs
délais?
[Français]
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez. La surveillance indépendante du
centre, comme je l’ai mentionné, est sous la responsabilité du
commissaire actuel du centre. C’est l’ancien juge de la Cour d’appel
de la Cour martiale du Canada, l’honorable Jean-Pierre Plouffe, qui
assure déjà une surveillance indépendante, y compris des
vérifications indépendantes, pour faire en sorte que les activités du
Centre de sécurité des télécommunications continuent de s’effectuer
dans l’aspect de la loi. Il y a donc déjà une commission au départ.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, les rapports de
vérification indépendante du seul commissaire de l’agence sont-ils
disponibles pour le public, les autres membres du Groupe des cinq
ou les États plaignants, comme le Brésil?
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez. Le centre et le commissaire
doivent respecter la loi, et ils doivent, dans le cadre de leurs activités,
s’assurer qu’ils sont à l’intérieur de leur mandat. Je ne commenterai
pas.
Le sénateur Carignan : Écoutez. L’actuel commissaire du centre de
sécurité a le mandat clair d’assurer une surveillance indépendante et
de faire des vérifications sur les activités. Je puis vous affirmer que le
centre ne partage pas de renseignements étrangers avec les
compagnies canadiennes pour leur donner un avantage
commercial. Le rôle est joué pleinement.
L’honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma
question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je ne sais
pas pourquoi il débute toutes ses réponses avec « écoutez », car c’est
certainement notre objectif de l’écouter attentivement.
Revenons toutefois à la question. Il ne suffit pas de nous dire
qu’un commissaire est chargé d’examiner cela. Nous avons connu
des commissaires qui examinaient, sans se rapporter à la Chambre
des communes, et des désastres sont survenus sur les plans de la
sécurité et de l’intelligence dans ce pays, qui font la risée de nos
collègues, à un point tel que l’état des communications entre les
différents groupes d’intelligence chez nos alliés, comme on les
appelle, les 5 A, les ABCA et la Nouvelle-Zélande, en a souffert et
que ceux-ci sont réticents à échanger avec nous. Il existe donc un
problème de fond.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Le général John Adam, qui était chef du centre de sécurité, a luimême énoncé le besoin d’un autre outil. Dans ce pays où l’on dit
vouloir une représentation démocratique de gens élus pour assurer
la transparence et l’imputabilité, l’entité qui reflète le mieux ces
valeurs est la Chambre des communes. Or, je ne comprends pas
pourquoi la Chambre des communes — entre autres, car le Sénat
devrait également participer — est tenue à l’écart afin de revoir non
seulement les opérations, mais le budget de toutes nos entités
affectées à l’intelligence. Il faudrait voir également s’il y a
communication entre celles-ci, car on ne sait pas si c’est le cas.
Lorsque le Comité de la défense nationale tente de poser des
questions, il n’obtient aucune réponse, étant donné qu’il n’a droit à
aucun document privilégié qui pourrait répondre à ces questions.
Pourquoi, alors, être réticent à ouvrir le débat sur ce point et
donner le mandat à notre comité de se pencher sur la question?
. (1500)
Le sénateur Carignan : Vous voyez l’importance, pour moi, de
toujours dire le mot « écoutez »; c’est parce que vous revenez avec
les mêmes questions, ce qui m’oblige à vous donner les mêmes
réponses.
[Traduction]
Le sénateur Dallaire : J’aimerais poser une question
complémentaire, si vous le permettez.
Il y a quelques années, lorsque j’étais élève-officier, j’ai dû parader
devant l’instructeur en chef de l’artillerie à l’École de l’artillerie, à
Shilo. Il m’a dit : « Vous êtes désinvolte, jeune homme! » J’ignorais
ce que ça voulait dire. Je ne sais pas si vous le savez, mais vous avez
certainement réagi comme si c’était le cas.
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Dallaire : Je vais essayer de le dire autrement.
Nous n’avons pas obtenu de réponses aux différentes questions
que nous vous avons posées, et il y en a eu beaucoup. On pourrait
répondre par oui ou par non à la mienne, qui revenait à ceci : selon
vous, est-il essentiel que l’organe législatif de notre système de
gouvernance exerce une surveillance sur les réseaux de
renseignement de notre pays pour faire en sorte qu’ils
fonctionnent adéquatement, et non comme une passoire, comme
c’est le cas actuellement?
[Français]
Le sénateur Carignan : Eh bien, je vous dis : écoutez... Il doit y
avoir une surveillance indépendante du centre de sécurité. Il y en a
une, elle est effectuée par l’actuel commissaire du centre, l’ancien
juge de la Cour d’appel de la Cour martiale du Canada, l’honorable
Jean-Pierre Plouffe, qui assure déjà une surveillance indépendante, y
compris des vérifications des activités du centre.
L’honorable Pierre Claude Nolin : Question complémentaire.
Sénateur Carignan, simplifions. Pourquoi le Canada,
contrairement à tous ses alliés principaux, refuse-t-il qu’un comité
parlementaire se penche sur la vérification de ce qui se passe dans
cette agence? Pourquoi? C’est cela la question.
Le sénateur Carignan : Écoutez, comme je l’explique, il y a déjà
une activité de surveillance, un commissaire indépendant qui
s’assure de la surveillance des activités. Le centre respecte la loi.
107
Le sénateur Nolin : Ma question va un peu plus loin. Certains de
nos alliés avaient une opération qui ressemblait à la nôtre — la
Grande-Bretagne. Ils ont décidé d’aller un peu plus loin et de confier
à un comité parlementaire cette surveillance. La question se pose :
pourquoi, au Canada — il doit y avoir une raison — est-ce qu’on
s’entête à ne pas considérer l’exemple de nos alliés et qu’on tente de
conserver une approche qui, pour tous nos alliés, est dépassée? La
question est simple : pourquoi? Où est le raisonnement?
Le sénateur Carignan : Écoutez, je pense que c’est un choix qui est
effectué. Pour nous, c’est un commissaire indépendant. Peut-être
que, dans le cadre de leurs activités à eux, nos alliés, il est préférable
d’avoir une commission. Pour nous, le choix, c’est d’avoir un
commissaire indépendant. Qui sait si nos alliés ne reviendront pas à
un commissaire indépendant? Pour nous, actuellement, cela
fonctionne et nous avons des rapports qui sont faits au niveau des
activités, nous avons une surveillance.
[Traduction]
Le sénateur Segal : J’ai une question complémentaire à poser.
Je respecte tout à fait le point de vue du leader du gouvernement,
selon lequel un commissaire indépendant suffit pour surveiller les
activités du CSTC et notre responsabilité s’arrête là. Cependant,
dans les pays alliés, comme le souligne le sénateur Nolin, la
surveillance de la sécurité touche la sécurité militaire, elle comprend
l’équivalent du SCRS et l’équivalent des activités antiterroristes
menées par la Gendarmerie royale du Canada. Elle offre un large
contexte qui sensibilise les parlementaires et les aide à accomplir leur
travail, c’est-à-dire faire en sorte que les ressources nécessaires soient
allouées à ces organismes afin qu’ils protègent les Canadiens. Le
leader nous dit que « nous avons un commissaire et cela nous
suffit », mais je ne suis pas sûr de comprendre en quoi cela nous
permet de nous acquitter de la responsabilité plus étendue que nous
avons tous envers la sécurité nationale.
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez, cela fait plus de 16 ans que les
rapports sont faits par le commissaire indépendant sur les activités.
Les rapports démontrent que les activités sont conformes à la loi
depuis plus de 16 ans.
Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, chers, collègues, le
monde a changé depuis quelques années. Nous nous trouvons dans
un milieu international beaucoup plus complexe, beaucoup plus
ambigu. Les problèmes de sécurité, pendant la guerre froide, avaient
une orientation très classique. La guerre froide, c’était « nous contre
eux », c’était bien localisé, en Europe, et bien identifié.
Le monde a complètement changé dans le contexte où nous nous
trouvons aujourd’hui. La question de la sécurité a pris énormément
plus d’ampleur et concerne plus de cibles. On voit des éléments
extrémistes qui œuvrent sans égard pour quelque droit humanitaire
que ce soit, pour l’État de droit ou quoi que ce soit d’autre.
Donc, le volet de la sécurité a pris une dimension complètement
différente de ce qu’elle était, et on a investi comme jamais
auparavant — rappelez-vous, on a dépensé 13 milliards de
dollars — dans la sécurité nationale, et créé des entités tout à fait
nouvelles qui œuvrent dans ce domaine.
En dernier lieu, on voit que même notre sécurité interne est
menacée. On a vu des éléments terroristes au sein de notre pays, sans
compter, peut-être, d’autres opérations qui peuvent exister; il y a eu
Oka et d’autres événements qui ont menacé la sécurité des
Canadiens.
108
DÉBATS DU SÉNAT
La nature de la bête a significativement changé et devient de plus
en plus complexe. Je termine cette longue introduction à ma
question en mentionnant que tout le domaine informatique ouvre
également une dimension sans précédent à notre vulnérabilité.
Tout cela nécessite des outils différents. L’actuel commissaire —
comme l’ancien commissaire, Me Paul Gauthier de Québec, que j’ai
connu — a un rôle limité de vérifier si on respecte la loi au sein de
cette entité-là, mais pas au niveau de l’ensemble de la capacité de
renseignement de notre pays.
C’est sur ce volet qu’on appelle votre attention; pas seulement sur
le rôle du commissaire, mais sur cet ensemble qui nécessite, selon
moi, et vu l’investissement massif dont il fait l’objet, que le corps
législatif de notre pays ait son mot à dire, comme c’est le cas chez
tous nos alliés et comme ils en ont exprimé le besoin absolu. Il n’y a
aucune chance que ces pays reviennent à la formule de n’avoir qu’un
commissaire. C’est impossible.
Pourquoi ne pas au moins nous dire que vous allez soulever ce
point, avec le ministre de la Sécurité publique ou peut-être même
avec le premier ministre, afin de nous donner au moins la
satisfaction de savoir qu’on considère d’autres options?
Le sénateur Carignan : Je vous ai écouté.
. (1510)
[Traduction]
24 octobre 2013
MOTION NO 3
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je passe
maintenant au recours au Règlement présenté pendant l’étude de
la motion no 3. Au début du débat sur la motion proposant de
suspendre la sénatrice Wallin, le sénateur Segal a invoqué le
Règlement à propos du bien-fondé de la proposition dont le Sénat
était saisi. Le sénateur Segal a comparé cette motion aux anciennes
procédures reliées aux projets de loi portant condamnation. Il l’a
qualifiée d’arbitraire, soutenant qu’elle portait atteinte aux droits
fondamentaux garantis par la Charte canadienne des droits et
libertés. Il s’est aussi dit troublé par le fait que le Sénat n’avait pas eu
l’occasion d’étudier le rapport du Comité de la régie interne,
présenté en août avant la prorogation de la session précédente. En
outre, il a dit craindre que l’adoption de cette motion puisse avoir
des répercussions sur une enquête policière.
En résumé, le sénateur Segal estimait que cette motion nuit à
l’application régulière de la loi et à la présomption d’innocence, des
principes fondamentaux de justice au Canada. Le Sénat ne devrait
donc pas l’étudier à son avis.
[Français]
Honorables sénateurs, le leader du gouvernement, le sénateur
Carignan, n’était pas d’accord avec le sénateur Segal. À son avis, le
Sénat peut, à sa discrétion, suspendre un sénateur. Ce pouvoir lui est
conféré par l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, et a été mis
en œuvre conformément à la Loi sur le Parlement du Canada. Il a
soutenu que le reproche de négligence grossière fait dans la motion
est complètement différent d’une procédure criminelle et qu’il
représente plutôt, si la motion est adoptée, l’opinion du Sénat sur
le mépris délibéré qui a lésé l’institution.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
DÉCISIONS DU PRÉSIDENT
MOTION NO 2 ET MOTION DE RENVOI À UN COMITÉ
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai une décision
concernant la motion no 2. C’est sur cette motion que porte ma
décision.
Honorables sénateurs, pendant la séance d’hier, un rappel au
Règlement a été soulevé pour savoir si la motion de suspension du
sénateur Brazeau était finale ou si le renvoi à l’article 5-5(i) du
Règlement prévoyait un mécanisme permettant d’en appeler de la
suspension ou de l’annuler.
Aux termes du Règlement, un rappel au Règlement s’entend d’une
« [p]lainte ou question formulée par un sénateur qui estime que les
règles, les pratiques ou les procédures du Sénat n’ont pas été
appliquées correctement ou ont été passées sous silence au cours des
travaux, soit au Sénat ou au sein d’un comité ».
À l’examen des Débats d’hier, il semble que la question n’a pas
trait au Règlement, mais plutôt au débat. Par conséquent, le rappel
au Règlement n’est pas fondé, et le débat peut se poursuivre lorsque
l’article est appelé.
[ Le sénateur Dallaire ]
Après ces interventions, les sénateurs Fraser et Comeau ont tous
deux pris la parole. La sénatrice Fraser a reconnu que le Sénat
pouvait, à la suite d’un examen en bonne et due forme des faits,
suspendre un sénateur, ajoutant toutefois qu’il était difficile
d’examiner adéquatement cette motion à cause du manque de
données. En raison de la prorogation de la session précédente, le
Sénat n’a pas pu examiner le rapport du Comité de la régie interne
sur les dépenses de la sénatrice Wallin, qui a été déposé auprès du
greffier du Sénat le 13 août. Le sénateur Comeau, cependant, a
souligné que le rapport est à la disposition des sénateurs depuis sa
présentation. Il a ajouté que le Comité de la régie interne,
contrairement à d’autres comités sénatoriaux, fonctionne en
permanence et qu’il n’est pas touché par les prorogations.
[Français]
Honorables sénateurs, aux fins de l’examen de cette question, il
convient de préciser une chose : le Sénat possède, entre autres
pouvoirs et privilèges, celui de suspendre un sénateur. Aux termes de
l’article 15-2(1) du Règlement, « [l]e Sénat peut ordonner le congé
ou la suspension d’un sénateur s’il l’estime justifié ». Or, cette
disposition n’est pas à l’origine de ce pouvoir; elle en reconnaît
simplement l’existence. Tout organe parlementaire a le pouvoir
inhérent de réglementer ses propres affaires et de sanctionner ses
membres, la suspension étant l’une des mesures possibles. À la
page 64 de la quatrième édition de l’ouvrage de Bourinot, on peut
lire que « le droit d’un corps législatif de suspendre ou d’expulser
l’un de ses membres lorsqu’il estime avoir une raison suffisante de le
faire ne fait aucun doute. Un tel pouvoir est absolument nécessaire
pour préserver la dignité et l’utilité d’une assemblée ».
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
[Traduction]
109
L’honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, je
propose l’adoption du deuxième rapport.
Au Canada, l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 permet
au Parlement de définir les privilèges, immunités et pouvoirs des
deux Chambres fédérales, ces privilèges, immunités et pouvoirs ne
devant pas excéder ceux de la Chambre des communes du Royaume
Uni. Aux termes de l’article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada,
le Sénat possède les pouvoirs que possédait la Chambre des
communes du Royaume-Uni en 1867, plus les pouvoirs
additionnels définis par la loi.
La Chambre des communes du Royaume-Uni a depuis longtemps
le pouvoir de suspendre ses membres, pouvoir qu’elle a déjà exercé
au moins depuis 1641. L’article 4 de la Loi sur le Parlement du
Canada confère donc au Sénat ce même pouvoir de suspendre un
membre. Ce pouvoir est tout à fait indépendant et distinct des
mesures pénales prises par les autorités compétentes.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs,
d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Cools : Non. Où sont les exemplaires du rapport?
Son Honneur le Président : Le rapport a été lu en entier.
La sénatrice Cools : Où est le rapport? Honorables sénateurs, le
rapport...
Son Honneur le Président : Le rapport a été lu en entier et
distribué. C’est un fait, honorables sénateurs.
[Français]
Il va sans dire que la suspension d’un membre est une mesure
grave. Ce n’est pas une chose qu’on fait à la légère. Le Sénat a
procédé à une suspension une fois seulement, le 19 février 1998,
lorsqu’il a suspendu le sénateur Thompson. L’indemnité de session
du sénateur avait également été touchée en vertu de règlements qui
existent toujours et qui sont encore en vigueur.
[Traduction]
Vous plaît-il d’adopter la motion de l’honorable sénatrice
Marshall, appuyée par l’honorable sénatrice Poirier?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
La décision du Sénat d’exercer ce pouvoir est, bien entendu, une
question importante sur laquelle nous devrons nous pencher
pendant ce débat. C’est au cours des débats que les honorables
sénateurs parviennent à se convaincre les uns les autres de la
pertinence ou non d’une proposition. En fin de compte, c’est le
Sénat lui-même qui décidera s’il est souhaitable ou non de suspendre
un sénateur.
LE SÉNAT
MOTION TENDANT À SUSPENDRE L’HONORABLE
SÉNATEUR PATRICK BRAZEAU—MOTION
SUBSIDIAIRE—SUITE DU DÉBAT
L’ordre du jour appelle :
[Français]
De même, c’est en débattant de la question que les honorables
sénateurs pourront exposer les raisons, les arguments et les faits en
faveur de l’adoption ou du rejet d’une motion de suspension. Si un
examen détaillé ou des preuves plus poussées sont requis, le renvoi
de la question à un comité — proposition qui a déjà été faite dans le
cas de la motion concernant le sénateur Brazeau — est une option
possible.
[Traduction]
Il ne revient pas à la présidence de commenter le fond ou la
pertinence de la motion dont le Sénat est saisi. Le pouvoir de la
présidence se limite à déterminer si la motion est recevable, sur le
plan de la procédure. La décision établit qu’elle l’est. Les
délibérations qui se sont déroulées jusqu’à maintenant ont
respecté le pouvoir, les règles et les pratiques du Sénat. Le débat
sur la question pourra se poursuivre lorsque l’article sera appelé.
. (1520)
COMITÉ DE SÉLECTION
ADOPTION DU DEUXIÈME RAPPORT DU COMITÉ
Le Sénat passe à l’étude du deuxième rapport du Comité de
sélection (composition des comités du Sénat), présenté plus tôt
aujourd’hui.
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur
Carignan, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice
Fortin-Duplessis :
Que, nonobstant toute pratique habituelle ou toute
disposition du Règlement, afin de protéger la dignité et la
réputation du Sénat et de préserver la confiance du public
envers le Parlement, le Sénat ordonne la suspension de
l’honorable sénateur Brazeau pour cause, considérant sa
négligence grossière dans la gestion de ses ressources
parlementaires, et ce jusqu’à l’annulation de cet ordre
conformément à l’article 5-5(i) du Règlement, selon les
conditions suivantes :
a) le sénateur Brazeau ne recevra, pendant la durée de la
suspension, aucune rémunération ou remboursement de
dépenses de la part du Sénat, incluant toute indemnité
de session ou indemnité de subsistance;
b) le droit du sénateur Brazeau d’utiliser les ressources du
Sénat, notamment les fonds, les biens, les services et les
locaux, de même que les indemnités de déménagement,
de transport, de déplacement et de télécommunications,
sera suspendu pour la durée de la suspension;
c) le sénateur Brazeau ne recevra aucun autre bénéfice du
Sénat pendant la durée de la suspension;
110
DÉBATS DU SÉNAT
Que, nonobstant les dispositions de cette motion de
suspension, le Sénat confirme que le Comité permanent de la
régie interne, des budgets et de l’administration conserve
l’autorité, s’il le juge approprié, à poser tout geste relatif à la
gestion du bureau et du personnel du sénateur Brazeau
pendant la durée de la suspension;
Et sur la motion de l’honorable sénateur Cowan, appuyée
par l’honorable sénatrice Fraser,
Que cette motion soit renvoyée à notre Comité permanent
du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement qui,
lorsqu’il sera formé, l’étudiera et rendra compte de ses
conclusions;
Que le sénateur Brazeau soit invité à comparaître; que les
délibérations soient télévisées, compte tenu de l’intérêt public
que suscite la question et conformément à l’article 14-7(2) du
Règlement.
L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j’interviens
aujourd’hui à propos de la motion du sénateur Cowan.
24 octobre 2013
Le sénateur Plett : Je ne suis pas ici pour défendre les actes
répréhensibles commis par un sénateur. Je suis d’abord et avant tout
un conservateur parce que je crois aux principes d’équité et de
justice.
Nous sommes au Sénat du Canada. Au Canada, nous jouissons de
certains droits et de certaines libertés. Surtout, nous avons droit à
l’application régulière de la loi et à la présomption d’innocence. Le
sénateur Carignan a fait valoir que la présomption d’innocence est
un droit accordé dans le cadre d’une enquête criminelle. Toutefois,
c’est aussi un principe fondamental qui guide notre démocratie.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : C’est un principe qui, selon moi, devrait guider
la Chambre de second examen objectif.
Le Comité de la régie interne a confié ces dossiers à la GRC aux
fins d’une enquête plus poussée. Or, voilà que tout à coup nous
jugeons que ces personnes sont coupables et nous leur imposons des
sanctions avant que la police ait pu faire son travail.
L’un de mes plus grands moments de fierté remonte au
15 septembre 2009 : c’est lorsque j’ai prêté serment pour siéger au
Sénat du Canada à titre de représentant du Manitoba. Je suis fier de
l’excellent travail que le Sénat accomplit et c’est en toute humilité
que je sers cette grande institution.
Si nous n’avions pas renvoyé cette affaire à la GRC, je
comprendrais que nous nous sentions l’obligation de proposer des
sanctions après avoir suivi une procédure régulière. Si nous avions
eu suffisamment d’information et si nous avions disposé de tous les
faits, nous n’aurions probablement pas eu besoin de faire appel à la
GRC. Maintenant, nous sommes en train de mettre sérieusement en
péril la possibilité que l’enquête ou les éventuels procès se tiennent
en toute équité.
Honorables sénateurs, cette semaine a été l’une des plus
éprouvantes de ma vie. Pour la toute première fois de ma carrière
politique, j’envisage de voter contre une motion proposée par mon
leader.
Nous considérerions nos collègues comme coupables avant même
qu’ils aient été inculpés.
Je respecte mon leader et je comprends le pourquoi de sa motion.
Je suis convaincu que ses intentions sont louables. Depuis plusieurs
mois, notre institution — une institution qui fait notre fierté à
tous — est constamment remise en question. Je me désole que notre
premier ministre et notre gouvernement soient en butte aux critiques
des médias et des partis de l’opposition ainsi qu’au scepticisme des
Canadiens à cause d’une situation dont ils ne sont pas du tout
responsables.
Je comprends que l’on puisse vouloir faire table rase au Sénat et
repartir à neuf. Le problème, c’est que nous essayons de trop
simplifier une question complexe en y apportant une solution
expéditive au détriment de trois personnes, et ce, avant qu’elles aient
eu la possibilité de se défendre et que nous ayons pu examiner tous
les faits dans chacun de leurs cas.
Nous discutons de l’avenir de trois sénateurs — de trois
collègues — et, comme l’a dit le leader de l’opposition, nous
allons tout leur enlever, sauf le titre de « sénateur ».
Une telle mesure est pour le moins prématurée. Honorables
sénateurs, comme vous le savez, je ne suis pas un avocat. Le sénateur
Carignan a présenté son point de vue relativement aux pouvoirs du
Sénat. On nous a dit que le Sénat est maître de ses affaires.
Honorables sénateurs, même si nous avons le droit de prendre une
mesure, cela ne signifie pas pour autant que c’est la chose à faire.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan, leader de l’opposition au Sénat, a déclaré ce
qui suit à raison. Je crois, sénateur Cowan, que c’est la première fois
que j’emploie l’expression « à raison » concernant vos propos.
Le sénateur Cowan : Je vois un gros changement.
Le sénateur Plett :
[...] que des accusations soient portées ou non et que le
tribunal condamne ou acquitte une personne —, le Sénat aura
toujours le droit d’envisager des sanctions dans le respect de
nos normes.
Ces normes sont complètement différentes de celles du
Code criminel. Le fardeau de la preuve, les règles de la preuve
et la comparution des témoins sont complètement différents.
Cela montre les divergences fondamentales entre une enquête
sénatoriale et une procédure pénale. Cependant, elles ont un
élément en commun : la nécessité d’appliquer les principes
fondamentaux d’équité, de respect des garanties procédurales
et de primauté du droit. Cela ne peut jamais changer.
Le sénateur Cowan a présenté une motion subsidiaire voulant
que, dans l’éventualité où nous ne pourrions pas obtenir le
consensus nécessaire, la motion soit renvoyée au Comité
permanent du Règlement, de la procédure et des droits du
Parlement, les sénateurs en question soient invités à comparaître
devant le comité et, étant donné l’intérêt du public pour l’affaire, les
audiences soient télévisées. Je pense que la motion du sénateur
Cowan concerne le sénateur Brazeau, mais il a précisé qu’il
présenterait des motions semblables pour les autres sénateurs.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Bien que de telles audiences puissent donner à nos collègues
l’occasion de se défendre — et j’envisage d’appuyer cette motion —,
j’ai de sérieuses réserves à ce sujet.
Le comité serait constitué par les deux leaders au Sénat, mais cela
n’en garantit pas le caractère non partisan. Je serais plus favorable à
la motion si les membres du comité étaient élus ou si le dossier était
confié à un comité externe et indépendant pour que nous ne nous
heurtions pas au même problème d’apparence ou de risque de
partialité que nous avons vécu lors des audiences du Comité de la
régie interne.
La sénatrice Wallin a souligné dans son discours l’importance du
droit à un jury sans préjugé. Je ne suis pas sûr que cette motion le
permette.
. (1530)
Deuxièmement, si un tel comité est formé, il faudra évidemment
fixer des limites de temps pour que ces affaires puissent être réglées
d’une manière équitable et opportune pour tous les intéressés.
Je ne suis pas sûr de pouvoir appuyer la motion du sénateur
Cowan, mais je sais aussi que je ne peux pas appuyer la motion de
mon leader dans sa forme actuelle. Par conséquent, si la motion du
sénateur Cowan n’est pas adoptée, je vais peut-être proposer mes
propres amendements.
Lors de ma nomination au Sénat, j’avais demandé à un
fonctionnaire des Finances de préciser les caractéristiques de ce
qui constitue les travaux du Sénat. Il m’avait dit : « Sénateur, les
travaux du Sénat, c’est tout ce qui, à votre avis, relève du Sénat. » À
ce moment-là, j’avais dit que je ne trouvais pas cette situation très
acceptable. Depuis, j’exerce des pressions en faveur de l’adoption de
règles claires et d’un code de conduite au Sénat. Dans toute
institution raisonnable, il y a un code de conduite clair prévoyant
des mesures disciplinaires.
D’autres parlementaires — y compris certains sénateurs l’année
dernière — ont dû rembourser des dépenses qu’ils avaient réclamées
sans y avoir droit. On n’avait pas envisagé alors de leur imposer des
sanctions. Nous n’avons pas défini une norme. Nous n’avons pas
établi une série de règles prévoyant une sanction précise lorsqu’on
doit les montants donnés d’argent ou qu’on a commis un certain
nombre d’erreurs d’une nature particulière. Dans le cas présent,
nous imposons simplement des sanctions, et des sanctions très
graves.
Non seulement ces motions sont-elles sans précédent dans
l’histoire du Canada, mais si nous les adoptions, nous établirions
un très dangereux précédent auquel tous parlementaires seraient
soumis si des doutes étaient exprimés au sujet de leurs dépenses ou
de leur conduite. Nous soumettrions nos collègues à des sanctions
similaires avant qu’ils aient eu la possibilité de se défendre. Sans
contexte historique et sans norme établie, nous créerions un
précédent qui permettrait d’exclure tout parlementaire qui nous
irrite ou nous contrarie ou, comme l’a suggéré le sénateur Segal, qui
est impopulaire.
De nombreuses opinions juridiques ont été exprimées au cours de
ce débat. Comme je l’ai dit plus tôt, je ne suis pas avocat. Toutefois,
ayant pris cette affaire très au sérieux, j’ai essayé d’obtenir un avis
juridique. Il y a une semaine, juste après le dépôt de cette motion,
j’ai dîné avec un juriste manitobain de renom. Je lui ai demandé son
avis sur la conduite à tenir. Il a dit sans hésiter que si une enquête est
en cours, il serait déplacé de prendre des mesures. Si une personne
est accusée de quelque chose, une suspension avec traitement est
111
indiquée. C’est seulement si la personne a été officiellement mise en
accusation ou a été condamnée qu’il conviendrait d’imposer des
sanctions de cet ordre, c’est-à-dire une suspension sans traitement.
Je trouve cette approche raisonnable et équitable et, en toute
franchise, je crois qu’il est difficile de la contester.
Le sénateur Dallaire a déclaré ici qu’il vient d’une organisation où
un système disciplinaire est en place. Si une personne est reconnue
coupable de quelque chose, elle est relevée de ses fonctions. Elle ne
perd pas son traitement, mais elle est déchargée de ses
responsabilités, ce qui est en soi une lourde punition, comme l’a
dit à juste titre le sénateur Dallaire.
Comme plusieurs d’entre vous le savent, le policier torontois
James Forcillo a été officiellement accusé du meurtre au deuxième
degré de Sammy Yatim. Le Service de police de Toronto l’a
suspendu avec plein traitement. Il s’agissait pourtant d’une personne
accusée de meurtre.
Plus tôt aujourd’hui, mon ami, le sénateur Tkachuk, a déclaré que
tous les sénateurs peuvent assister aux réunions des comités, voulant
dire par là qu’ils peuvent ainsi être entendus et se défendre. J’ai de la
difficulté à croire que le fait de permettre à un sénateur d’assister à
une séance régulière de comité et de poser des questions si le
président l’y autorise, sans qu’il ait vraiment la possibilité de se
défendre, de faire une déclaration ou d’être accompagné d’un
avocat, puisse être considéré comme un traitement adéquat.
Honorables collègues, nous devons envisager d’autres options,
comme la suspension avec traitement, ou trouver d’autres moyens
de permettre au moins à ces sénateurs de conserver leurs avantages
jusqu’à ce que nous ayons la certitude qu’un crime a été commis.
Nous proposons de les suspendre sans traitement, et ce, avant
qu’une accusation quelconque n’ait été portée contre eux. Nous
pourrions donc déclarer ces sénateurs coupables sans leur donner
accès à un procès équitable.
La sénatrice Wallin a été invitée à une réunion du Comité de la
régie interne où les témoins étaient ses accusateurs. Elle n’a pas eu
droit à plus de considération qu’aucun autre sénateur. Je m’excuse,
j’ai lu cet énoncé un peu trop tôt. J’aurais dû le lire plus tard. Ni elle
ni son avocat n’ont été autorisés à présenter leur cas. Elle n’a jamais
été convoquée comme témoin devant le Comité de la régie interne et
n’a pu parler et poser des questions que si le président lui donnait la
parole.
Pour justifier cette motion, le sénateur Carignan a invoqué deux
cas qu’il a qualifiés de précédents. Le premier est celui du sénateur
Andrew Thompson. Le sénateur Thompson avait été suspendu pour
absentéisme chronique. Il avait été invité à se présenter — alors qu’il
se trouvait au Mexique, je crois — pour se défendre, mais il avait
décidé de ne pas venir. De toute évidence, il ne voulait plus faire
partie du Sénat. Par conséquent, le Sénat a cessé de lui verser son
traitement à un moment donné.
Se servir de ce cas comme précédent est un peu extrême car il est
difficile de reprocher aux trois sénateurs en cause un manque
quelconque d’assiduité, sans compter qu’ils se sont montrés prêts à
venir ici pour se défendre.
Le second cas cité concernait la Chambre des lords. Le sénateur
Carignan a mentionné que trois membres de cette Chambre avaient
été suspendus à cause de dépenses excessives qui avaient fait
scandale. Je crois qu’il est absolument essentiel de signaler que les
membres de la Chambre des lords ne reçoivent aucune rémunération
pour leurs services.
112
DÉBATS DU SÉNAT
Nous ne pouvons pas comparer directement la présente situation
avec une affaire où le gaspillage dépassait largement les sommes
dont il est question ici et où les sanctions étaient si différentes.
En ce qui concerne la Chambre des lords, personne n’était menacé
de perdre son gagne-pain ou ses bénéfices sur le plan médical. Il est
inadmissible, à mon avis, que l’on retire de façon prématurée les
bénéfices médicaux d’une survivante du cancer, d’une personne qui
souffre de problèmes cardiaques et d’un père de jeunes enfants avant
qu’un processus en bonne et due forme ait été suivi.
Mais voici ce qui est plus important encore, et je cite le sénateur
Segal, qui parlait alors de la Chambre des lords :
Elle a décidé d’étudier de près chacun des cas. Personne n’a
suggéré que la même motion soit présentée, avec le même
libellé pour chaque personne, comme si le cas de tous ceux
concernés était pareil et comme si les problèmes qui leur sont
associés, à tort ou à raison, sont de la même envergure.
Honorables sénateurs, le scandale de la Chambre des lords ne
peut servir de précédent dans le débat sur la présente motion.
J’aimerais remercier personnellement mon leader, le sénateur
Carignan, de ne pas avoir présenté cette motion en tant qu’initiative
ministérielle et de me permettre de voter selon ma conscience sur
cette importante question.
Je ne vote pas et ne voterai pas contre mon gouvernement, et cela
me réconforte. Je crois que la motion a été présentée parce que l’on
croit que les Canadiens sont en colère. Honorables sénateurs, les
Canadiens comprennent et reconnaissent l’importance des principes
de la primauté du droit et du respect des garanties procédurales. Un
seul Canadien m’a écrit depuis la présentation de cette motion, et il
souhaite que la primauté du droit soit respectée et que les jeux
politiques ne fassent pas obstacle à ce qu’il convient de faire.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : Nous devons rendre des comptes aux
Canadiens et faire triompher les principes d’équité et de justice. Il
ne faut pas, honorables sénateurs, politiser la présente affaire et
voter par opportunisme politique.
Mon père m’a initié à la politique lorsque j’avais 15 ans. Il m’a
donné des conseils et il a été mon mentor. Il a été conservateur toute
sa vie mais, d’abord et avant tout, il était un homme respectueux de
l’éthique et intègre. Il m’a enseigné qu’il ne fallait pas laisser la
politique m’empêcher de faire ce qui est juste. Il m’a enseigné à voter
en obéissant à ma conscience. Honorables sénateurs, je vous en prie,
faites ce qui est juste.
. (1540)
Le sénateur Segal : Bravo!
Des voix : Bravo!
L’honorable Marjory LeBreton : Je doute fort de recevoir une
ovation semblable de mes collègues d’en face.
Honorables sénateurs, je voudrais participer brièvement au débat
sur les motions de suspension, et plus particulièrement au débat sur
la motion et l’amendement concernant le sénateur Duffy.
[ Le sénateur Plett ]
24 octobre 2013
Plus précisément, je voudrais répondre directement aux
observations que le sénateur Duffy a faites au Sénat le
mardi 22 octobre. Il a fait plusieurs allusions à moi et également à
certains faits, dont je suis directement au courant pour certains,
mais dont je ne sais absolument rien pour d’autres.
Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que le sénateur Duffy
est un bon communicateur. Nous le savons tous. Après tout, il est
journaliste de profession, et il a eu une longue carrière dans
deux grands réseaux canadiens de télévision. Il a une façon
intéressante et divertissante de se présenter, et il est reconnu pour
ses talents de conteur.
Lorsqu’il travaillait dans les médias comme hôte de l’émission
Mike Duffy Live, son approche de la politique me laissait parfois
perplexe. J’étais parfois exaspérée par son style de journalisme, car
le plus souvent il abusait des commérages et des rumeurs qui avaient
cours, et j’étais parfois dégoûtée au point d’avoir envie de donner un
coup de pied dans le téléviseur. On a souvent dit qu’il aurait été
capable de vendre des climatiseurs en Sibérie.
C’est un compliment qu’on ne vous a jamais fait,
malheureusement, sénateur Munson.
Je me souviens fort bien de ce qu’il me disait, ainsi qu’à d’autres
qui trouvaient à redire à son style propre de journalisme politique :
c’est du spectacle, disait-il. Du spectacle. Combien de fois l’avonsnous entendu dire cela?
Lorsque le sénateur Duffy a pris la parole, je m’attendais à ce qu’il
consacre une partie de son intervention à une défense vigoureuse de
ses actes, je croyais qu’il expliquerait dans ses propres mots
pourquoi il croyait avoir agi correctement. Malheureusement,
toute son intervention a porté sur une présumée conspiration, et il
a employé des mots comme « corruption », « menaces » et
« extorsion ». Je laisse à d’autres le soin de départager ce qui est
digne de foi ou non. Je m’en tiendrai aujourd’hui aux éléments de
l’intervention du sénateur Duffy qui portent sur des faits dont j’ai
une connaissance directe.
Le premier élément que je vais aborder est la description que le
sénateur Duffy a faite d’un échange qu’il a eu avec le premier
ministre et Nigel Wright le 13 février 2012. Le sénateur a dit :
« Ainsi, après la réunion du caucus le 13 février 2013, j’ai rencontré
le premier ministre et Nigel Wright en privé. »
Voilà une formulation adroite qui donne à penser qu’il s’agissait
d’une réunion à part, privée. Ce qu’il aurait dû dire, s’il avait
respecté la vérité des faits, c’est ceci : « À la fin de la réunion du
caucus, le 13 février, j’ai parlé au premier ministre et à Nigel Wright
dans la salle du caucus. » Ce serait là une description plus fidèle de
l’échange au cours duquel le premier ministre lui aurait dit qu’il
fallait rembourser. Les paroles qu’il prête au premier ministre, sa
version de ce que le premier ministre aurait dit ne sont pas exactes.
Hier, le premier ministre a fait la mise au point à la Chambre des
communes, pendant la période des questions. Le sénateur a tout de
même raison sur un point : le premier ministre lui a « ordonné de
rembourser l’argent. »
Il n’y avait rien de nouveau dans cette nouvelle, en dépit de la
jubilation, de la fébrilité et de l’enthousiasme de certains dans les
médias, plus particulièrement l’animateur d’une émission d’affaires
politiques diffusée en soirée, qui n’a présenté que des parties choisies
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
du discours du sénateur Duffy. L’échange à la fin du caucus du
13 février a été rapporté dans les médias plusieurs fois — en avril, en
mai — plusieurs fois, dis-je. Ce fut le seul échange entre le premier
ministre et le sénateur Duffy sur cette affaire et il s’est déroulé dans
la salle de caucus, à l’issue de la réunion du caucus.
113
Honorables sénateurs, permettez-moi maintenant de présenter les
faits réels liés à l’appel téléphonique entre le sénateur Duffy, moi et
Ray Novak, du Cabinet du premier ministre. La description faite
par le sénateur Duffy de cet appel est inexacte.
. (1550)
Poursuivant sur sa lancée, le sénateur Duffy cite le discours qu’il a
prononcé ici, au Sénat :
Des manœuvres complexes ont été négociées par les divers
avocats s’occupant de ce dossier. Ces derniers suivaient les
directives de leurs clients. Il y avait au moins deux avocats du
CPM, un avocat du parti conservateur que je connais et mon
propre avocat. Le CPM a promis, avec le consentement des
leaders au Sénat, que je ne ferais pas l’objet d’une vérification
de la part de la firme Deloitte, que l’on me donnerait un passedroit et que, si cette combine éclatait au grand jour, la
sénatrice LeBreton, qui était le leader du gouvernement à
l’époque, fouetterait les troupes conservatrices afin
d’empêcher mon expulsion du Sénat.
Je répète :
[...] avec le consentement des leaders au Sénat, que je ne ferais
pas l’objet d’une vérification de la part de la firme Deloitte,
que l’on me donnerait un passe-droit et que, si cette combine
éclatait au grand jour, la sénatrice LeBreton, qui était le leader
du gouvernement à l’époque, fouetterait les troupes
conservatrices afin d’empêcher mon expulsion du Sénat.
Honorables sénateurs, ce n’est pas la vérité. C’est faux. Personne,
absolument personne, ne m’a suggéré de procéder ainsi. Je n’ai
jamais entendu parler d’une telle combine. Même que, mardi,
lorsque le sénateur Duffy a tenu ces propos, c’était la toute première
fois que j’en entendais parler. C’était nouveau pour moi. Il n’y a
même pas eu de rumeur à cet effet ici, ce qui montre à quel point
cette allégation est complètement grotesque.
Pour ce qui est de la vérification par Deloitte, comment le
sénateur Duffy a-t-il pu s’imaginer que, à titre de leader du Sénat, je
serais d’accord pour qu’il ne fasse pas l’objet d’une vérification,
pour qu’il ait un passe-droit? C’est là un autre mensonge flagrant.
J’ai déclaré publiquement à maintes occasions que j’approuvais sans
réserve le recours à des vérificateurs de l’extérieur. J’étais d’avis que
la décision prise par le Comité permanent de la régie interne, des
budgets et de l’administration était la bonne. Cette décision illustrait
la volonté du Sénat d’aller au fond des choses. Elle montrait au
public que nous ne nous occupions pas de ces questions à l’interne,
ce qui aurait engendré beaucoup de scepticisme. Les gens se seraient
demandé comment le Sénat pouvait s’autodiscipliner.
Les sénateurs des deux côtés étaient d’accord. Insinuer par la suite
que j’aurais été d’accord pour qu’il ne fasse pas l’objet d’une
vérification, pour qu’il ait un passe-droit — alors qu’en fait
j’appuyais sans réserve le recours à des vérificateurs
indépendants —, n’est que fausseté. En langage familier, je dirais
que c’était vraiment gros comme propos. Je n’ai jamais posé de
questions au sujet de la vérification, sauf en ce qui avait trait aux
échéanciers. Je n’ai jamais rencontré les vérificateurs. Je ne connais
aucun des vérificateurs qui ont étudié le dossier. En outre, j’ai
délibérément évité d’assister aux réunions du Comité de la régie
interne afin de ne pas donner l’impression de faire de l’ingérence. De
l’ingérence? Certainement pas. Je me suis plutôt réjouie de la
décision de faire appel aux vérificateurs.
Voici ce qu’a déclaré le sénateur Duffy dans son discours :
Puis, en mai, après que quelqu’un a dévoilé des extraits
choisis d’un courriel confidentiel que j’avais envoyé à mon
avocat en février, dans lequel je lui mentionnais que je
m’opposais à une telle entente et que j’éprouvais des
inquiétudes à cet égard, le cabinet du premier ministre est
revenu à la charge. L’adjoint principal du premier ministre,
Ray Novak, m’a appelé chez moi, à ma résidence de
Cavendish. Il était accompagné de la sénatrice LeBreton, le
leader du gouvernement au Sénat. La sénatrice LeBreton a été
catégorique : il n’y avait plus d’entente. Si je ne démissionnais
pas du caucus conservateur dans un délai de 90 minutes, on
m’expulserait immédiatement, sans tenir une réunion ou un
vote. En outre, elle m’a dit que si je ne démissionnais pas
immédiatement, je devrais comparaître devant le comité
d’éthique du Sénat, qui aurait reçu des hautes instances du
parti l’ordre de m’expulser du Sénat.
Lors de cet appel de Ray Novak, que mon épouse et ma
sœur écoutaient, la sénatrice LeBreton s’est montrée insistante.
Elle m’a dit : « Mike, c’est ce que tu dois faire. Fais ce que je te
dis. Quitte le caucus au cours des 90 prochaines minutes. C’est
la seule façon de garder ton chèque de paie. »
Honorables sénateurs, je vais maintenant vous dire ce qui s’est
réellement dit lors de cet appel téléphonique. C’était le 16 mai, un
jeudi soir, à l’heure du souper. Ray Novak et moi avons appelé le
sénateur Duffy et lui avons exposé deux scénarios.
Je peux parler uniquement en mon nom et me référer à mes notes,
mais je vous pose la question : de quelle entente parle-t-il lorsqu’il
dit qu’il n’y avait plus d’entente? Voici la chronologie des faits,
honorables sénateurs. Le 9 mai, nous avons fait rapport des
vérifications au Sénat. À notre connaissance, le sénateur Duffy avait
emprunté de l’argent à la Banque Royale et avait remboursé les
dépenses inappropriées au Sénat. Ensuite, nous avons appris qu’il
avait réclamé d’autres dépenses au Sénat et au Parti conservateur
encourues durant la campagne électorale. Le 14 mai, on nous a
informés de la provenance réelle des fonds et cette information a été
confirmée le 15 mai. Remettez donc son affirmation, voulant que
j’aie dit qu’il n’y a plus d’entente, dans son contexte. Cela n’a pas de
sens.
Nous avons donc présenté les deux scénarios suivants au sénateur
Duffy : soit je ferais une déclaration dans laquelle je dirais que le
sénateur Duffy m’avait informée qu’il démissionnait du caucus et
qu’il siégerait désormais comme sénateur indépendant; soit je ferais
une déclaration à savoir que le sénateur Duffy avait été expulsé du
caucus conservateur, étant donné les questions de plus en plus
nombreuses concernant ses agissements.
Après que ces deux options lui eurent été présentées, je lui ai dit, et
je reprends mes mots exacts puisque je les ai notés : « Mike, fais le
bon choix et prends les devants. » Bien entendu, la nouvelle ne
l’enchantait guère. Nous avons eu quelques échanges au sujet de ce
que tout cela impliquait et de la façon dont on ferait cette annonce.
Honorables sénateurs, je savais que le sénateur Duffy était inquiet
et, pour lui assurer que le fait de siéger comme indépendant ne
changeait rien à son rôle de sénateur, je lui ai dit : « Mike, c’est la
114
DÉBATS DU SÉNAT
seule façon d’assurer ton avenir. » Il a proféré des gros mots, puis il
a raccroché. Une fois la poussière retombée, il nous a fait savoir
qu’il ferait une déclaration et annoncerait qu’il quittait le caucus
conservateur pour siéger comme indépendant jusqu’à ce que sa
situation soit réglée.
En terminant, honorables sénateurs, je vais dire quelques mots sur
la multitude de documents auxquels il a fait allusion dans son
discours, et je vais encore lire un extrait de ce discours :
J’ai suivi les règles et j’ai en main une multitude de documents,
y compris une note de deux pages du bureau de la sénatrice
LeBreton, qui le confirment. Je n’ai jamais reçu une seule note
des services financiers ou de la direction du Sénat pour me dire
que quelque chose clochait dans mes frais de déplacement. En
fait, les sénateurs d’en face se souviendront à quel point le
premier ministre a vanté mes mérites...
Je dois admettre, par ailleurs, que Mike Duffy est un orateur
intéressant. Je dois également reconnaître qu’il a accepté beaucoup
d’invitations de notre caucus parce qu’il était célèbre et que les gens
voulaient l’entendre. Le premier ministre l’a louangé, comme il a
louangé beaucoup d’autres membres du caucus qui avaient fait du
bon travail.
J’en viens maintenant à la note de deux pages. Quelle note de deux
pages? J’ai cherché partout, j’ai fouillé mes dossiers, mais je n’ai
trouvé aucune note dans laquelle j’aurais approuvé la demande du
sénateur Duffy concernant l’utilisation de sa propriété de l’Île-duPrince-Édouard comme résidence principale pour lui permettre de
réclamer des frais de logement à Ottawa. Pensez-y un instant,
honorables sénateurs. Cette note de deux pages aurait été écrite
début janvier 2009, deux ou trois semaines avant l’ouverture du
Parlement et la présentation du nouveau discours du Trône, c’est-àdire deux ou trois semaines avant que Mike Duffy ne prête serment
comme sénateur.
C’est insensé. Le leader du gouvernement au Sénat ne dirige pas le
Sénat. C’est le Sénat lui-même qui s’administre par l’entremise du
greffier et du Comité de la régie interne. À ce moment, en 2009, les
libéraux formaient la majorité au Sénat ainsi qu’au Comité de la
régie interne, dont ils assumaient la présidence. Le leader du
gouvernement au Sénat répond aux questions au nom du
gouvernement. Il ne s’occupe pas des dépenses des sénateurs et
n’approuve pas les demandes de remboursement. Prétendre que
cette note mystérieuse autorisait le sénateur Duffy à réclamer le
remboursement de frais plusieurs semaines avant qu’il ne prête
serment est vraiment difficile à croire. Comme je l’ai dit, je n’ai
aucune idée de ce que veulent dire le sénateur Duffy et son avocat,
M. Bayne.
Par conséquent, je me joins notre collègue, la sénatrice Ringuette,
pour demander le dépôt de ces documents.
En conclusion, honorables sénateurs, je voudrais dire, une fois de
plus, que je ne peux présenter les faits qu’au sujet des questions dont
je suis au courant. Honorables sénateurs, j’en ai encore pour
quelques minutes.
Des voix : D’accord.
La sénatrice LeBreton : Je voudrais simplement ajouter que
l’histoire que le sénateur Duffy a racontée ici ne se fonde pas sur des
faits. On est sûrement en droit de se demander de quoi il parlait et à
quoi il pouvait bien penser.
[ La sénatrice LeBreton ]
24 octobre 2013
Honorables sénateurs, ce n’est pas de gaieté de cœur que je songe
à cette affaire. Le sénateur Duffy a eu la possibilité d’expliquer ici
pourquoi il estimait que ses demandes de remboursement étaient
justifiées. Il ne l’a pas fait. Par conséquent, honorables sénateurs, je
félicite le leader du gouvernement au Sénat d’avoir présenté cette
motion et d’avoir proposé que le Sénat règle lui-même cette affaire.
Je crois que c’est la bonne chose à faire. Je crois que c’est ainsi que
nous devons agir. Dans le monde réel, les gens ne continuent pas à
recevoir leur traitement quand de graves questions se posent,
comme c’est le cas pour le sénateur Duffy et d’autres. Je dirai
simplement, honorables sénateurs, que j’applaudis la direction du
Sénat. J’appuie les excellents arguments que le sénateur Carignan
nous a présentés. Je voterai donc contre la motion du sénateur
Cowan et en faveur de la motion du sénateur Carignan.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Nous en sommes à la période des
questions et observations.
L’honorable Art Eggleton : Sénatrice LeBreton, vous avez dit que,
lors de votre discussion avec le sénateur Duffy au sujet de son départ
du caucus conservateur pour siéger comme indépendant, vous lui
avez dit en substance : « Mike, fais le bon choix. » Je crois que c’est
l’une de vos citations. Plus tard, vous avez ajouté : « Tu devrais le
faire pour assurer ton avenir », ou quelque chose du même ordre.
Est-ce que je me trompe?
Vous avez ensuite dit qu’en fin de compte, il avait compris la
situation et avait agi en conséquence en quittant le caucus. Vous lui
aviez en quelque sorte laissé entendre que tout irait bien à l’avenir
s’il le faisait. Pourtant, aujourd’hui, vous dites que vous comptez
appuyer la motion du sénateur Carignan, qui constitue une punition
aussi sévère que ruineuse.
Comment pouvez-vous concilier ce que vous aviez alors dit au
sénateur Duffy et la motion dont nous sommes saisis?
La sénatrice LeBreton : Eh bien, comme je l’ai signalé, sénateur
Eggleton, la situation au 16 mai était très différente de celle qui
existait au Sénat le 9 mai, moment où nous pensions que l’affaire
Duffy était en fait classée. L’argent avait été remboursé. Il n’y avait
plus rien à ajouter au sujet du sénateur Duffy.
. (1600)
Toutefois, le 16 mai, il y avait beaucoup d’autres éléments
d’information, comme nous le savons maintenant, y compris
l’allégation selon laquelle il avait réclamé au Sénat le
remboursement de dépenses au cours de la campagne électorale,
ce qui n’est pas permis et que nous évitons tous très soigneusement.
En même temps, il était payé par le Parti conservateur.
La vraie source de l’argent remboursé a fait l’objet d’une émission
d’actualités à la télévision nationale dans la soirée du 14 mai et a été
confirmée le 15 mai. Le 16 mai, compte tenu de tous ces nouveaux
renseignements et des graves préoccupations qu’ils avaient suscitées
parmi nos collègues du caucus, aussi bien ici que dans la Chambre
élue, nous avons estimé qu’il valait mieux, dans l’intérêt de tous et
surtout dans l’intérêt du sénateur Duffy, qu’il quitte le caucus en
attendant que l’affaire soit réglée.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
115
À ce moment-là, je n’avais aucune raison de croire que l’affaire ne
serait pas réglée. J’envisageais une situation dans laquelle tous les
nouveaux renseignements pouvaient être expliqués, ce qui aurait
permis au sénateur Duffy de garder ses fonctions.
Dans le cas du sénateur Brazeau, nous avons suivi nos anciennes
règles lors de la dernière session parlementaire. Une motion a été
présentée pour ordonner le congé du sénateur, et elle a été adoptée
par le Sénat.
Je l’ai donc rassuré en lui disant que le fait de quitter le caucus et
de siéger comme indépendant n’aurait d’effets ni sur son traitement
de sénateur ni sur les ressources dont il peut user à ce titre.
Si nous examinons le début de cette motion sur le sénateur
Brazeau qui a été présentée lors de la session parlementaire
précédente, nous pouvons y lire que, conformément
à l’article 15-2(1) du Règlement, afin de protéger la dignité et la
réputation du Sénat et de préserver la confiance du public envers le
Parlement, le Sénat ordonne le congé du sénateur.
Beaucoup d’autres renseignements ont été révélés depuis. Vous me
demandez d’appliquer ce que nous savons aujourd’hui à ce que je
croyais alors et à la situation que nous devions affronter le 16 mai.
La sénatrice Cools : Je voudrais poser une question.
Le sénateur Munson : Non. Nous poursuivons le débat.
Son Honneur le Président : C’est très bien. Le problème,
honorables sénateurs, c’est que le temps supplémentaire est aussi
écoulé. Nous poursuivons donc le débat. La sénatrice Dyck a la
parole.
L’honorable Lillian Eva Dyck : Je vous remercie, monsieur le
Président.
Je prends la parole pour appuyer l’amendement du sénateur
Cowan, mais je n’appuie pas la motion du sénateur Carignan. Cette
motion survient trop tard dans le processus et elle est
fondamentalement injuste. De plus, la sanction qu’elle prévoit est
beaucoup trop sévère.
Ce que nous faisons équivaut essentiellement à changer nos règles
en cours de route, et ce, uniquement pour ces trois cas. Nous
sommes peut-être en droit de le faire, mais cela ne veut pas dire que
ce soit approprié.
J’aimerais vous lire quelques passages de la motion, que j’ai
étudiée attentivement. À mon avis, elle contient une faute de
logique.
Cependant, les motions dont nous sommes saisis maintenant
ordonnent, entre autres, une suspension sans solde et sans avantages
pour les sénateurs. Ce sont des sanctions beaucoup plus sévères.
Pourquoi changeons-nous la motion concernant le sénateur
Brazeau? Rien n’a changé dans cette affaire. C’est incohérent,
illogique et inadmissible.
Nos règles nous permettent clairement d’ordonner le congé d’un
sénateur quand il est accusé d’une infraction criminelle. C’est ce que
le sénateur Carignan a confirmé en réponse aux questions que j’ai
posées hier. Je vais lire ce qu’il a dit :
Le leave of absence a été créé dans l’optique où des
accusations criminelles sont portées.
Il a aussi dit ceci :
Il va donc se terminer si la personne est déclarée coupable; elle
va devoir tomber à ce moment-là dans l’autre section, qui est
la partie concernant la suspension.
C’est une catégorie complètement différente. Le sénateur apporte
la précision suivante :
C’est le cas où on a des accusations criminelles qui sont
portées. Mais, dans une situation où le Sénat exerce son
pouvoir disciplinaire, peu importe la raison, c’est le mot
« suspension ».
La motion du sénateur Carignan commence ainsi :
Que, nonobstant toute pratique habituelle ou toute
disposition du Règlement...
Comme on l’a indiqué auparavant, il y a eu des accusations
criminelles portées contre le sénateur Brazeau, mais pas contre les
sénateurs Duffy et Wallin.
Nous savons tous que les dispositions de dérogation permettent
de transgresser une règle en vigueur. Nous allons donc contrevenir à
l’une de nos règles.
Rien n’a changé dans le cas du sénateur Brazeau. Pourquoi
maintenant sommes-nous saisis d’une motion proposant qu’on le
suspende avec salaire? Nous devrions présenter la même motion.
La motion dont nous sommes saisis propose donc de transgresser
l’une de nos règles afin de punir des sénateurs qui ont contrevenu à
d’autres règles administratives. Nous transgressons une règle; eux,
ils ont contrevenu à des règles administratives. Comment peut-on
réparer une injustice par une autre injustice?
En proposant de suspendre sans salaire les trois sénateurs, nous
enfreignons nos propres règles intentionnellement, surtout
l’article 15-5(1), où il est question de la suspension des sénateurs.
Vous nous demandez de transgresser nos propres règles pour
punir ces sénateurs. C’est absurde. Comment la transgression de nos
propres règles peut-elle être considérée comme un moyen de
protéger la dignité et la réputation du Sénat? Comme je l’ai dit,
on ne peut pas réparer une injustice par une autre injustice.
Le sénateur qui est déclaré coupable d’une infraction
criminelle par mise en accusation et qui reçoit une sentence
autre qu’une absolution est suspendu du Sénat dès la réception
de sa sentence.
Tout au long du débat, il a été précisé clairement que nous
pouvions contrevenir à nos propres règles, mais cela ne veut pas dire
que c’est approprié de le faire.
L’article 15-5(1) se lit comme suit :
Lorsqu’un sénateur est déclaré coupable d’une infraction
criminelle, on peut le suspendre. C’est clair que c’est le cas. Quand
un sénateur est déclaré coupable d’une infraction criminelle, il ou
elle peut être suspendu.
116
DÉBATS DU SÉNAT
Dans un des cas, le sénateur a été accusé. Selon notre Règlement,
nous pouvons mettre cette personne en congé, ce que nous avons
fait.
Jusqu’à présent, les trois sénateurs n’ont pas été déclarés
coupables d’une infraction criminelle. Si nous les suspendons,
nous contrevenons à notre propre Règlement. La motion dont nous
sommes saisis, qui vise à suspendre les trois sénateurs en question,
va à l’encontre de notre propre Règlement. Il est conforme au
Règlement d’ordonner un congé, mais pas une suspension sans
salaire.
Comment une telle motion peut-elle rétablir la confiance du
public envers le Parlement, alors que la Chambre de réflexion
enfreint délibérément son propre Règlement?
Si l’intention de la motion est d’imposer une amende
administrative, il est alors injuste d’imposer la sanction
qu’entraînerait une condamnation au criminel.
La situation est injuste pour les trois sénateurs. Les motions dont
nous sommes saisis visent non seulement à les suspendre, mais aussi
à les priver de leur salaire et de leurs avantages sociaux. Le
Règlement du Sénat ne permet la retenue du salaire d’un sénateur
que s’il a été reconnu coupable d’une infraction criminelle. Il s’agit
de l’article 15-3(4), qui porte sur la suspension des indemnités. Cet
article se lit comme suit :
Lorsqu’un verdict de culpabilité est prononcé à l’endroit
d’un sénateur qui était accusé d’une infraction criminelle pour
laquelle il pouvait être poursuivi par voie de mise en
accusation, le Comité permanent de la régie interne, des
budgets et de l’administration peut ordonner que soit retenue
conformément à l’alinéa [article15-3](1)a) la partie de
l’indemnité de session qui serait payable comme si le
sénateur faisait l’objet d’une suspension.
. (1610)
Honorables sénateurs, les gens s’attendent à ce que les trois
sénateurs subissent certaines conséquences pour avoir apparemment
utilisé à mauvais escient des fonds publics. Les gens sont en colère.
J’étais en colère. On nous a tous mis dans le même panier.
Cependant, l’intense couverture médiatique a provoqué une réaction
exagérée et elle continue de l’alimenter. Évitons de tomber dans le
panneau en agissant de façon inappropriée et en enfreignant nos
propres règles. N’oublions pas le principe fondamental énoncé à
l’article 15-4(5) du Règlement du Sénat.
24 octobre 2013
Cette partie de la motion me porte à croire qu’elle cherche à
retirer au Comité de la régie interne le pouvoir d’avoir imposé la
sanction tout en lui rendant le pouvoir de prendre les mesures
administratives qu’il juge indiquées. Est-ce acceptable? À mon avis,
non.
À mon sens, la motion a usurpé le rôle du Comité de la régie
interne. Toutefois, le paragraphe 19.6(1) de la Loi sur le Parlement
du Canada, intitulé « compétence exclusive », dit que le comité, soit
le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de
l’administration :
[...] a compétence exclusive pour statuer, compte tenu de la
nature de leurs fonctions, sur la régularité de l’utilisation —
passée, présente ou prévue — par les sénateurs de fonds, de
biens, de services ou de locaux mis à leur disposition dans le
cadre de leurs fonctions parlementaires, et notamment sur la
régularité de pareille utilisation au regard de l’esprit et de
l’objet des règlements pris aux termes du paragraphe 19.5(1).
À mon avis, cela signifie que la Loi sur le Parlement du Canada
accorde au comité la compétence exclusive, que la présente motion a
usurpé cette compétence, en quelque sorte, et qu’elle propose une
règle différente, prenant le contrôle du processus.
C’est comme si l’on faisait marche-arrière dans les cas des
sénateurs Brazeau et Duffy. Nous avons déjà adopté des motions
sur les conséquences qu’ils devraient assumer. Pourquoi revenonsnous en arrière maintenant? Dans le cas de la sénatrice Wallin, c’est
comme si l’on brûlait des étapes. Nous n’avons même pas encore
pris connaissance du rapport la concernant.
À mon avis, la motion cherche à changer le cours normal des
affaires au Sénat, et ce, en réponse aux protestations et aux
pressions du public.
Adopter cette motion afin de suspendre les trois sénateurs sans
rémunération ni autre indemnité n’est pas une solution juste. Et son
adoption ne rétablira pas la confiance du public à l’égard du Sénat.
La motion ne rétablira ni la dignité ni la réputation du Sénat. Elle
fera exactement le contraire. Les Canadiens constateront que nous
avons réagi de façon excessive aux pressions de l’opinion et manqué
aux principes de l’équité, de la démocratie et de la justice. Par
conséquent, je refuse d’appuyer la motion du sénateur Carignan.
Permettez-moi de le citer :
Il est entendu que le Sénat confirme le droit du sénateur
accusé d’une infraction criminelle d’être présumé innocent tant
qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un
tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public
et équitable. On ne peut attribuer au Sénat, du fait de
l’application du présent article, l’intention d’émettre un
commentaire ou un jugement à l’égard d’un sénateur.
En terminant, j’aimerais faire quelques brèves observations sur le
processus. Si nous lisons la motion dont nous sommes saisis, nous
voyons vers la fin qu’il y a une autre disposition de dérogation. Elle
se lit comme suit :
Que, nonobstant les dispositions de cette motion de
suspension, le Sénat confirme que le Comité permanent de la
régie interne, des budgets et de l’administration conserve
l’autorité, s’il le juge approprié, à poser tout geste relatif à la
gestion du bureau et du personnel du sénateur Brazeau
pendant la durée de la suspension.
[ La sénatrice Dyck ]
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il des sénateurs qui
souhaitent poser des questions?
L’honorable David P. Smith : Oui, j’aurais une question à poser.
Sénatrice Dyck, vous vous êtes reportée à l’article 15-5(1) du
Règlement et vous l’avez cité :
Le sénateur qui est déclaré coupable d’une infraction
criminelle par mise en accusation...
Selon vous, l’infraction dont le sénateur Brazeau est inculpé, et
qui n’a aucun lien avec les dépenses, fait-elle l’objet d’une procédure
sommaire et non d’une mise en accusation? C’est votre
interprétation? Cela donnerait-il plus de force au point que vous
faites ressortir?
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
La sénatrice Dyck : Comme je ne suis pas juriste, je ne saurais
répondre à cette question.
Le sénateur D. Smith : Je crois qu’en fait, il s’agit d’une accusation
par procédure sommaire, ce qui renforcerait votre point de vue.
La sénatrice Dyck : Oui. Je vous en remercie.
L’honorable Jane Cordy : Je ne suis pas juriste non plus, et ma
question n’aura donc rien de juridique.
Merci beaucoup de ce qui a été un excellent discours. Estimezvous, comme j’en ai eu l’impression pendant votre intervention, que
voter en faveur de la motion équivaut à prononcer une peine avant
même le verdict, puisque l’enquête de la GRC n’est pas encore
terminée?
La sénatrice Dyck : Oui, j’ai l’impression que la motion équivaut à
une peine. C’est inadmissible. Les sénateurs ont droit à l’application
régulière de la loi. Il faut respecter leur droit. Peu importe si le
public est indigné ou si je le suis, les sénateurs ont le droit à
l’application régulière de la loi.
L’honorable Anne C. Cools : L’honorable sénatrice accepterait-elle
de répondre à une question?
On nous rappelle sans cesse que le Comité de la régie interne a fait
appel à la GRC. Avait-il le pouvoir de le faire? J’aurais été portée à
penser que la décision devait être prise par le Sénat.
La sénatrice Dyck : Je crois que la Loi sur le Parlement du Canada
autorise le comité à agir de la sorte, mais il se peut que je me trompe.
Je ne connais pas tous les tenants et aboutissants cette loi, mais peu
importe qui possède ce pouvoir. Le fait demeure que la motion nous
invite à enfreindre nos règles. La motion inflige une peine à ces
sénateurs avant qu’ils aient eu l’occasion de se défendre. Cette
question sur le pouvoir est excellente sur le plan juridique, mais le
résultat demeure le même.
La sénatrice Cools : Je suis tout à fait d’accord avec vous. C’est
simplement qu’on en parle sans cesse. Il me semble que si le pouvoir,
censément, d’adopter cette motion de suspension est revendiqué en
vertu du pouvoir que le Sénat et les sénateurs possèdent à l’égard les
uns des autres, ce même pouvoir aurait exigé que le Sénat lui-même
prenne la décision sur l’intervention de la GRC.
C’est une réflexion qui m’est venue en vous écoutant. Il demeure
que c’est une chose horrible, absolument horrible, qui est en train de
se passer ici.
Son Honneur le Président intérimaire : L’honorable sénateur Nolin
a la parole pour la suite du débat. Ce sera ensuite le sénateur
Dallaire.
[Français]
L’honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, dans un
premier temps, je crois comprendre que nous sommes à débattre de
la motion d’amendement du sénateur Cowan. Ai-je raison?
Son Honneur le Président intérimaire : Oui.
117
Le sénateur Nolin : Je voudrais prendre la parole sur la motion
principale, mais, si je dois faire tout ensemble, je suis prêt à le faire.
Je veux premièrement soulever la question de la motion
d’amendement
Honorables sénateurs, cela fait plus de 20 ans que je suis ici et j’ai
un énorme respect pour le droit à la dissidence qui s’exerce la
plupart du temps en cette Chambre. Je ne le remets pas en question,
au contraire. Je voue un énorme respect à mes collègues, de quel
côté qu’ils soient, qui décident d’exprimer leur dissidence face à une
majorité, quelle qu’elle soit.
Ceci étant dit, plus tôt aujourd’hui, le Président, à l’invitation du
sénateur Segal hier, a rendu sa décision. Malheureusement, j’étais
absent hier, mais j’ai pris le soin de lire dans le compte rendu des
débats d’hier l’étendue du rappel au Règlement de notre collègue. Je
remercie le Président d’avoir rendu sa décision aussi rapidement. Il
était bien éclairé de le faire parce que cette décision va nous
influencer sur le rejet, malheureusement, de la motion quel côté du
sénateur Cowan.
. (1620)
Son Honneur le Président a très bien saisi l’importance de la
motion principale qui est devant nous. Il a aussi relevé et accepté les
arguments qui ont été soulevés dans son réquisitoire par le sénateur
Carignan, selon lequel personne d’autre que cette Chambre n’a
l’entière autorité de trancher sur la motion présentée par l’honorable
sénateur Carignan. Le Président, dans sa décision, nous dit et nous
rappelle le pouvoir qui nous vient du privilège parlementaire,
pouvoir que nous partageons avec nos collègues de la Chambre des
communes de la Grande-Bretagne, que nous avions en 1867 et que
nous avons toujours. C’est ce pouvoir — et je cite le texte de la
décision prononcée un peu plus tôt aujourd’hui — qui est tout à fait
indépendant et distinct des mesures pénales prises par les autorités
compétentes.
J’ai beaucoup de respect pour mes collègues qui soulèvent le droit
à l’aide d’un avocat, le droit à la procédure pénale, mais ce n’est pas
ce dont on parle. Nous sommes confrontés à une question et nous
avons à décider, nous-mêmes, et personne d’autre, si la motion
présentée par le sénateur Carignan est recevable ou non. Certains
vont argumenter pour et d’autres contre. Toutefois, en bout de
ligne, c’est cette Chambre uniquement qui devra décider qu’elle a
entendu suffisamment d’arguments pour ou contre et trancher.
Le Président nous a clairement identifié ce pouvoir. Personne
d’autre que nous n’a ce pouvoir. Il revient maintenant à ceux qui ont
des arguments contraires à ceux qui furent adéquatement et, d’après
moi, habilement présentés par le sénateur Carignan lors de son
réquisitoire, de déposer devant cette Chambre, comme l’a fait un
peu plus tôt aujourd’hui par l’honorable sénateur Brazeau, une ou
des documentations qu’il ou elle juge appropriées pour que le débat
soit fructueux. Toutefois, en bout de ligne, la décision doit être prise
par nous, et personne d’autre.
Il ne faut pas tomber dans le piège. Je respecte cet argument du
due process, mais nous ne sommes pas en matière pénale. Nous
sommes en matière disciplinaire. Nous sommes une Chambre
parlementaire, nous avons la responsabilité de nous discipliner et
personne ne peut nous contester. Même les tribunaux ne peuvent
contester l’exercice de ce pouvoir. La seule façon dont ce pouvoir
pourrait nous être enlevé, c’est par un amendement constitutionnel
en bonne et due forme. Je préviens ceux ou celles qui décideront de
faire la promotion d’un tel amendement qu’ils ou elles devront se
lever tôt. Ce pouvoir, nous l’avons depuis 1867 et nous avons bien
l’intention de l’exercer adéquatement, dans le respect des droits de
chacun. La décision doit toutefois être prise par cette Chambre.
118
DÉBATS DU SÉNAT
Honorables sénateurs, par conséquent, je m’oppose à la motion
d’amendement du sénateur Cowan, et je me réserve le droit de
prendre la parole sur la motion principale, soit dit en passant, que je
juge adéquate et recevable.
[Traduction]
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il des questions à
poser à l’honorable sénateur Nolin?
Le sénateur Segal : Sénateur Nolin, accepteriez-vous de répondre
à une question?
Le sénateur Nolin : Absolument.
Le sénateur Segal : En guise d’introduction, je dirai que je ne
conteste pas le droit du Sénat de discipliner ses propres membres.
J’ajouterai par contre que, si nous nous engageons dans la voie du
régime disciplinaire des professions, comme le leader du
gouvernement le laisse entendre, il y a des règles à respecter dans
ce genre de démarche. Il y a des règles à respecter lorsque le Barreau
du Québec convoque un avocat pour lui imposer des mesures
disciplinaires, il y a des règles à respecter lorsque le Barreau du
Haut-Canada fait la même chose. Il y a aussi des règles au collège
des dentistes et au collège des médecins. Ces règles supposent que,
même dans le domaine de la discipline imposée par les ordres
professionnels, situation dans laquelle nous sommes, d’après le
leader du gouvernement, des normes très exigeantes s’imposent
lorsqu’il s’agit d’appliquer l’équivalent de la peine capitale, du point
de vue professionnel, à trois de nos collègues. Voilà ce que nous
faisons. La norme très sévère de l’application régulière des règles
s’impose à nous autant qu’à tout le monde. Je ne remets pas en
question notre droit de mettre ces principes de côté. Voici ma
question : si on accepte qu’il existe un droit constitutionnel d’être
arbitraire, injuste, mesquin et cruel, soutenez-vous que nous devons
défendre ce droit et nous comporter en conséquence?
[Français]
Le sénateur Nolin : Nous avons le privilège parlementaire de
prendre la décision que nous jugeons appropriée compte tenu des
faits présentés.
Encore une fois, j’aimerais vous citer le texte de cette décision
rendue un peu plus tôt aujourd’hui par Son Honneur le Président.
Premièrement, le Président nous rappelle que la suspension d’un
membre est une mesure grave — et vous venez d’élaborer sur les
conséquences d’une telle décision. Il n’en reste pas moins, et j’ai cité
un peu plus tôt ce passage de la décision, que ce pouvoir est tout à
fait indépendant et distinct des mesures pénales prises par les
autorités compétentes.
Un peu plus loin, le Président dit ce qui suit :
La décision du Sénat d’exercer ce pouvoir est, bien entendu,
une question importante sur laquelle nous devrons nous
pencher pendant ce débat.
« Nous devrons nous pencher pendant ce débat ».
C’est au cours des débats que les honorables sénateurs
parviennent à se convaincre les uns les autres de la pertinence
ou non d’une proposition. En fin de compte, c’est le Sénat luimême qui décidera s’il est souhaitable ou non de suspendre un
sénateur.
[ Le sénateur Nolin ]
24 octobre 2013
Je ne demande pas à cette Chambre d’avaliser une mesure illégale.
Au contraire, je demande de respecter le droit parlementaire de cette
Chambre, qui est de trancher sur le droit et la décision de suspendre
ou non un de nos collègues. Le Président nous l’a rappelé, c’est
une décision grave — j’ajouterais même très grave. C’est à nous de
soupeser les faits et les preuves. On a abondamment entendu le
sénateur Carignan, un peu plus tôt cette semaine, présenter ses
arguments, ce que j’appelle son réquisitoire. J’ai lu les interventions
de mes trois collègues identifiés dans ces trois motions. Je crois qu’ils
ont soulevé des arguments qui méritent d’être approfondis.
Toutefois, cela doit être fait dans un débat ici et nulle part
ailleurs. Il nous revient de trancher.
[Traduction]
Le sénateur Segal : J’accepte la prémisse de votre intervention,
ainsi que votre réponse mûrement réfléchie : nous avons la
responsabilité et le droit.
[Français]
Comme on dit au Québec, nous avons le droit de trancher la chose
nous-mêmes, comme institution dans la Constitution fédérale et en
tant qu’institution du Parlement du Canada.
[Traduction]
Quand vous dites que vous avez le droit, cependant, d’exposer les
faits et de parvenir à une décision, dites-vous — et je serais étonné
que vous disiez jamais chose pareille — que la façon de s’y prendre
et le processus utilisé à cette fin importent peu?
[Français]
Le sénateur Nolin : J’ai trop de respect pour votre compétence
pour ne pas tomber dans le piège d’une question suggestive aussi
bête et méchante que celle que vous posez. Au contraire, c’est notre
responsabilité de juger.
Lorsque le Président nous rappelle l’importance de notre rôle, ce
n’est pas juste de dire oui ou non. Il s’agit justement d’évaluer les
propositions, les faits qui sont présentés, et d’analyser les contrearguments et les contrefaits.
Nous avons entendu quelques-uns de ces faits. Je n’étais pas ici,
mais je les ai lus dans le compte rendu des débats. Il revient à chaque
sénateur d’évaluer s’il ou elle désire pencher d’un côté ou de l’autre.
Nous avons entendu l’honorable sénateur Plett dire qu’il va voter
contre. C’est son droit. Je vous ai parlé, au début, de mon respect
pour le droit à la dissidence. Je respecte ce principe. Je suis le
premier à respecter ce droit. Toutefois, loin de moi l’idée de
prétendre que cette Chambre veut avaliser un déni de justice. Au
contraire, j’estime qu’il nous incombe de prendre nos responsabilités
et à personne d’autre.
. (1630)
[Traduction]
Le sénateur Segal : Je voudrais simplement demander ceci à mon
collègue. Je crois qu’il souhaite que le processus soit équitable,
qu’on respecte la procédure établie et que les faits soient groupés et
discutés de différentes façons. Il s’oppose à l’amendement proposé
par le sénateur Cowan, qui permettrait à un comité spécial de le faire
en présence d’avocats et dans le cadre d’une présentation ordonnée
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
des faits. Croit-il vraiment — en fait, il nous a dit que c’était le
cas — que nous pouvons le faire sans comité spécial, sans accorder
le droit d’être accompagné par un avocat, que nous pouvons agir
comme nous le faisons maintenant sans nous soucier de
l’application régulière de la loi? À titre de membre distingué du
Sénat, ne voit-il aucun inconvénient à ce que nous procédions de la
façon dont nous le faisons maintenant?
119
Son Honneur le Président intérimaire : Honorable sénateur Nolin,
demandez-vous au Sénat de vous accorder plus de temps?
Le sénateur Nolin : Oui, bien sûr.
Son Honneur le Président intérimaire : Accordez-vous plus de
temps, honorables sénateurs?
[Français]
Des voix : D’accord.
Le sénateur Nolin : C’est ce que j’appelle une question insidieuse.
Je suis l’idée principale de votre question, mais j’ai un problème avec
l’idée secondaire.
Notre Chambre a tous les pouvoirs. Le Président nous a rappelé la
procédure à suivre et nos responsabilités. C’est à nous de décider si
notre procédure est adéquate ou pas, et le Président reconnaît que
notre procédure est adéquate.
Le Président nous a dit, à la toute fin de sa décision, que si la
Chambre en vient à la conclusion que nous manquons
d’information, on décidera à ce moment-là. Donc, à la limite, la
motion de l’honorable sénateur Cowan est prématurée puisque nous
n’avons pas terminé le débat sur la motion principale. Ce sera la
Chambre qui devra décider si les arguments qui ont été présentés
pour la motion et ceux qui ont été présentés contre la motion
méritent d’être explorés un peu plus à fond.
Pour le moment, je crois que c’est, à la limite, prématuré. Je ne
pense pas que cette motion soit recevable pour le moment, parce que
nous avons devant nous suffisamment d’information, et ceux qui
sont contre l’information ont tout le loisir de venir présenter, dans
cette Chambre, comme l’honorable sénateur Brazeau vient de le
faire un peu plus tôt aujourd’hui, de la documentation qui devrait
nous aider sur réfléchir à une décision sans appel.
[Traduction]
L’honorable James S. Cowan (leader de l’opposition) : Je voudrais
formuler un commentaire, puis poser une question si possible.
Sénateur Nolin, je vous ai écouté et je suis d’accord avec vous. Je
crois que nous sommes tous d’accord. Le sénateur Carignan a décrit
en long et en large tous les pouvoirs que nous avons, comme le
pouvoir de discipliner nos collègues. J’ai dit la même chose dans
mon discours. Je ne sais pas si vous étiez présent lorsque j’ai pris la
parole, mais je suis sûr que vous avez eu l’occasion de lire mon
discours. Là n’est pas le problème. Le problème est celui que soulève
le sénateur Segal, c’est-à-dire le processus dont vous vous servez
pour parvenir à une décision.
Je vais vous lire une partie de l’amendement que je propose. Il est
semblable à chacune des trois motions présentées par le sénateur
Carignan. Il propose que chacune des trois motions soit renvoyée au
Comité du Règlement pour étude et rapport. J’aimerais vous
demander si vous convenez avec moi que rien, dans le libellé de cet
amendement, ne vise à limiter en quoi que ce soit le pouvoir ultime
qu’a le Sénat de prendre une décision.
Je vous affirme, en espérant que vous en conviendrez et en vous
demandant si vous l’êtes, que cette motion ne serait qu’un moyen de
nous aider à en arriver à une solution et à une décision, en
permettant à ceux d’entre nous qui ne disposent pas de
renseignements suffisants pour voter sur la motion du sénateur
Carignan de trouver ces renseignements. C’est une simple question
de processus. J’estime — j’espère que vous êtes d’accord et je vous
demande si vous l’êtes — que c’est le meilleur moyen d’aboutir à la
décision qui, nous en sommes tous conscients, doit être prise par le
Sénat.
Son Honneur le Président intérimaire : Cinq minutes.
Le sénateur Nolin : Sénateur Cowan, je crois que nous devrions
nous en tenir à la décision rendue plus tôt aujourd’hui par le
Président. Le Président nous montre en détail comment procéder. Si
nous aboutissons en définitive à la conclusion qu’il nous manque
certains renseignements ou éléments de preuve, nous déciderons ou
devrions décider de nous en remettre à un comité. Toutefois, il est
encore trop tôt pour prendre cette décision.
Personnellement, je crois que nous sommes assez qualifiés pour
examiner les arguments proposés par le sénateur Carignan et pour
les peser par rapport aux arguments et éléments de preuve que nous
ont présentés certains de nos collègues. À la fin du processus, si nous
nous apercevons que nous avons besoin de plus de renseignements,
il appartiendra au Sénat d’en décider. Pour le moment, je suggère
humblement au Sénat que votre motion est appropriée.
L’honorable Elaine McCoy : Je crois que j’en suis à peu près au
même point que les sénateurs Segal et Cowan qui m’ont précédée.
J’ai moi aussi beaucoup de respect pour vous, sénateur Nolin. J’ai
pu constater au fil des ans votre connaissance approfondie du droit
ainsi que le cœur avec lequel vous jugez habituellement les choses.
J’estime moi aussi que la question n’est pas de savoir si nous
avons le pouvoir d’agir. Je l’ai dit plus tôt cette semaine. Nous avons
de grands pouvoirs, qui entraînent de grandes responsabilités.
Je pourrais peut-être vous poser la question suivante : en nous
acquittent de nos responsabilités, croyez-vous que nous devons faire
preuve d’un soin particulier ou même respecter des normes de
conduite dans notre comportement et les appliquer les uns envers les
autres? Y a-t-il des principes quelconques qu’à votre avis, nous
devrions appliquer en prenant une décision?
Le sénateur Nolin : Vous avez parfaitement raison : nous avons de
grandes responsabilités.
Tout d’abord, je vous remercie de vos commentaires. Il est
toujours important pour un sénateur de recevoir toutes ces fleurs,
d’autant plus qu’il y a des gens qui nous écoutent.
Vous avez raison. Il nous appartient de décider si nous appliquons
ces principes de justice et de respect des droits fondamentaux. Il
nous appartient de décider si le processus convient. J’estime que
notre Règlement nous confère les pouvoirs nécessaires et que nous
avons un Président qui est là pour superviser le débat et veiller au
respect des règles. Chacun de nous a le droit d’invoquer le
Règlement pour assurer l’application de ces dispositions par un
sénateur ou un groupe de sénateurs.
J’en arrive à votre question. Oui, absolument, nous avons le
pouvoir. Il nous appartient, et à personne d’autre, de décider de la
façon de nous comporter pour aboutir à la conclusion que nous
demande le sénateur Carignan.
120
DÉBATS DU SÉNAT
La sénatrice McCoy : Avez-vous des propositions à cet égard? Le
chapitre 15 du Règlement traite des congés et des suspensions. Je l’ai
relu une fois de plus. Je suppose que cela fait double emploi, n’est-ce
pas? Il est question de congé en cas d’inculpation, de mise en
accusation. Le congé dure jusqu’à la condamnation ou à
l’acquittement. Le Règlement ajoute qu’il y a suspension en cas de
déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation. Il énumère
ce qui peut arriver ensuite. Soit il y a appel et le sénateur est jugé
innocent en appel, soit la condamnation est remplacée par une
libération ou « le Sénat décide si le siège du sénateur doit devenir
vacant en raison de sa condamnation ». Cette règle reflète
évidemment les dispositions constitutionnelles. J’ai oublié l’article
en question. Ce doit être l’article 33 de la Loi constitutionnelle de
1867.
Le Règlement porte en fait sur ceci : une inculpation au criminel,
une infraction par mise en accusation et ce qui se passe jusqu’à ce
que l’affaire soit réglée, ainsi que les diverses étapes qui vont du
congé à la suspension. Rien de tout cela ne s’applique en l’espèce,
pas même dans le cas du sénateur Brazeau. J’ai posé la question plus
tôt aujourd’hui pour confirmer mon interprétation. Son inculpation
au pénal est une accusation par procédure sommaire.
24 octobre 2013
Vous me demandez s’il y a des règles ou des procédures que nous
devrions adopter. J’estime que tout se trouve déjà dans le Règlement
et les coutumes. N’oublions pas que le Sénat s’inspire du vieux
processus parlementaire britannique, ce que la sénatrice Cools nous
rappelle. J’aime bien ses interventions, car elle nous explique que
nous avons derrière nous une très longue histoire de coutumes.
Toutes ces coutumes s’appliquent, sous la gouverne éclairée du
Président, lorsque nous sommes appelés à prendre des décisions très
graves, après nous être prononcés sur les trois motions du sénateur
Carignan.
Nous avons toutes les règles et, s’il nous en manque une, c’est à
nous de la créer, mais je ne vois pas quelle règle que nous devrions
avoir nous fait défaut.
La sénatrice Fraser : La période de questions est terminée.
Le sénateur D. Smith : Pourrais-je avoir cinq minutes?
La sénatrice Fraser : Il en a eu plus de cinq.
. (1640)
En fait, aucune de nos règles ne s’applique pour le moment. Nous
sommes en territoire inconnu, mais cela ne veut pas dire que nous
n’avons pas le pouvoir de faire le débat et de parvenir à une
conclusion sur la motion dont nous sommes saisis, la motion du
sénateur Carignan.
Diriez-vous qu’il y a pour nous des principes de conduite ou des
principes de droit que nous devrions appliquer, ou encore des
principes de procédure et d’application régulière de la loi auxquels
nous pourrions faire appel dans l’étude de cette affaire?
[Français]
Le sénateur Nolin : Dans un premier temps, monsieur le Président,
je dois redemander la permission à mes collègues de poursuivre le
débat pour cinq minutes supplémentaires, si c’est possible.
Des voix : D’accord.
[Traduction]
Le sénateur D. Smith : Il m’a donné la parole.
La sénatrice Fraser : Votre Honneur, nous avons accordé cinq
minutes, et elles ont pris fin juste après la dernière question de la
sénatrice McCoy, et, de ce côté-ci, nous avons permis au sénateur
Nolin de répondre.
Le sénateur Smith veut participer au débat, maintenant?
Formidable.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je croyais que
nous en étions toujours au temps de parole du sénateur Nolin,
puisqu’on lui accordé plus de temps. Je sais que d’autres sénateurs
ont des observations à faire ou des questions à poser. Je croyais que
le sénateur Smith voulait faire un commentaire ou poser une
question, mais on me dit maintenant qu’il veut intervenir dans le
débat.
Le sénateur D. Smith : Si je peux poser une question au sénateur,
je le ferai. Sinon, je ferai ma propre intervention.
Des voix : D’accord.
Le sénateur Nolin : La réponse est la suivante : le Règlement
prévoit déjà ce pouvoir. D’abord, il faut lire correctement ce que le
sénateur Carignan nous demande et la partie du Règlement qu’il
invoque. En somme, il cite l’article 15-2(1) :
Le Sénat peut ordonner le congé ou la suspension d’un
sénateur s’il l’estime justifié.
Son Honneur le Président : Vous avez parfaitement le droit de
participer au débat. Pourquoi ne vous réservez-vous pas, de façon
que le sénateur Eggleton puisse poser une question?
Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, il y a un autre
élément dont il a été question hier, et cela ne concerne ni la question
du pouvoir ni celle du droit du Sénat de se prononcer en la matière.
Il s’agit plutôt de savoir s’il est sage d’agir comme nous le faisons,
compte tenu de l’enquête de la GRC qui se poursuit.
Voilà ce que le sénateur Carignan nous demande. Il ne s’agit pas
d’approche pénale, de procédure sommaire ni de condamnation.
C’est le piège que nous devons éviter et dont je parlais tout à l’heure.
Il ne s’agit pas d’une accusation au pénal, et le Président nous l’a
rappelé dans sa décision. Il n’y a rien de pénal. C’est une affaire
disciplinaire. Cela est du domaine de ce qu’on demande au Sénat,
aux termes de l’article 15-2 du Règlement.
Hier, le sénateur Baker a cité une abondante jurisprudence qui
montre qu’il s’agit ici d’un processus judiciaire qui, en fait, risque
d’entraver la capacité de la GRC de mener son enquête et de saisir
les tribunaux. Le sénateur s’est expliqué longuement, et peut-être
avez-vous lu son intervention.
Il nous appartient de décider si nous avons le pouvoir. Sauf
erreur, nous convenons tous que nous l’avons.
Que pensez-vous de cet aspect, du fait de s’ingérer dans l’enquête
policière et peut-être d’empêcher les policiers de faire leur travail?
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Le sénateur Nolin : Sénateur Eggleton, ce n’est pas nouveau. Vous
et moi aimons notre profession d’avocat : moi au Québec, et vous en
Ontario.
Une voix : Il n’est pas avocat.
Le sénateur Nolin : Il n’est pas avocat? Désolé. Certains d’entre
nous ont ce privilège et nous sommes habitués à nous faire poser des
questions de nature disciplinaire. Vous ne voulez pas ça et vous
essayez de faire en sorte que cela n’arrive pas, mais cela pourrait se
produire lorsque la police fait enquête sur ce que vous avez fait avec
votre compte en fiducie, ou sur ce que vous n’avez pas fait en
défendant vos clients. Il n’est pas rare de voir les deux coexister : le
volet disciplinaire et le volet pénal. Les êtres humains et les juges —
les Parlements sont composés d’êtres humains — sont, je l’espère,
capables de faire la distinction entre des droits, des responsabilités,
des accusations criminelles et des mesures disciplinaires. C’est ce qui
fait que nous sommes des êtres humains. Je pense que les gens qui
sont ici sont tout à fait capables d’évaluer les conséquences des
décisions qu’on nous demande de prendre.
Si l’on demande aux tribunaux de trancher, ce que je ne souhaite
pas, ceux-ci vont le faire en se fondant sur les éléments de preuve
dont ils disposeront.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous reprenons
le débat. Le temps accordé au sénateur Nolin, même avec les
quelques minutes supplémentaires, est écoulé.
L’honorable Joan Fraser (leader adjoint de l’opposition) :
Honorables sénateurs, je ne veux en aucune façon interrompre le
débat. Je sais qu’un bon nombre de sénateurs souhaitent encore
prendre la parole, mais je veux mentionner quelques points.
Premièrement, je veux dire très clairement qu’au moment où le
Comité de la régie interne a rédigé ses rapports originaux sur les
trois sénateurs, j’étais un membre substitut du comité. J’ai voté en
faveur des rapports. Je les ai appuyés sans réserve. J’ai voté en
faveur de deux de ces trois rapports au Sénat — à savoir les deux qui
ont été présentés au Sénat — et je me suis exprimée en faveur de ces
documents. Je pense qu’il est essentiel que l’argent qui a été réclamé
à tort — des deniers publics, l’argent des contribuables — soit
remboursé avec les intérêts. Je ne changerai jamais d’idée sur ce
point.
Comme tout le monde, je suis d’avis que le Sénat a le droit et
même le devoir de sanctionner les sénateurs qui ont commis des
actes qu’ils n’auraient pas dû commettre.
J’étais d’accord avec le sénateur Cowan le printemps dernier
lorsqu’il disait regretter que le Comité de la régie interne n’ait pas
proposé de sanctions. À mon avis, cela aurait été le moment
approprié de le faire. Cela dit, je crois comprendre pourquoi le
comité ne l’a pas fait. À l’époque, le comité, qui a fait une étude
minutieuse et réfléchie, ne s’est pas préoccupé des circonstances
entourant les réclamations qui n’auraient pas dû être approuvées. Il
ne s’est pas non plus arrêté aux motifs. Je ne vais pas utiliser
l’expression mens rea, parce que je ne veux pas parler d’affaires
criminelles. Quoi qu’il en soit, le Comité de la régie interne ne s’est
pas penché sur cet aspect. Il a seulement tenté de déterminer si des
montants avaient été réclamés alors qu’ils n’auraient pas dû l’être, et
si ces montants devraient être remboursés. Les vérificateurs et le
comité se sont uniquement intéressés à cet aspect. Je peux
comprendre pourquoi le comité n’a pas imposé de sanctions.
121
C’est là où nous en étions le printemps dernier et, comme certains
l’ont mentionné, cette façon de faire correspondait à ce qui s’était
fait par le passé.
Voilà maintenant que, plusieurs mois plus tard, trois motions
identiques prévoyant des sanctions surgissent de nulle part. Ce sont
des motions identiques, même si les trois cas sont différents. Les
circonstances de chacune de ces affaires ne sont pas les mêmes, les
comportements recensés par les vérificateurs ne sont pas les mêmes
et les montants d’argent ne sont pas les mêmes, mais qu’à cela ne
tienne, à la dernière minute, on nous propose une approche unique
en ce qui concerne les sanctions.
. (1650)
Si je peux m’exprimer ainsi, il s’agit d’une toute autre façon
d’envisager la politique relative aux peines minimales obligatoires.
En fait, on pourrait même faire valoir qu’on instaure ainsi des peines
maximales obligatoires, car comme vous le savez, chers collègues, la
suspension sans salaire arrive au second rang des sanctions les plus
sévères que le Sénat peut imposer, la plus sévère consistant à
déclarer un siège vacant. La suspension sans salaire est la seconde
sanction la plus sévère. Elle est rarement imposée, et elle ne devrait
l’être qu’après qu’on eut très bien pesé la situation, car le fait
d’imposer une suspension sans salaire, et plus particulièrement une
suspension de durée illimitée, comme on le propose dans les cas qui
nous occupent, pourrait créer un précédent très dangereux. En effet,
une majorité de sénateurs — et je ne parle pas nécessairement d’une
majorité de sénateurs de la même allégeance, mais bien d’une
majorité de sénateurs déterminés et en colère — pourrait imposer
une sanction à n’importe quel sénateur si elle juge que sa conduite
est répréhensible, et ce, même si le sénateur ne faisait qu’exercer son
droit à la dissidence, comme le sénateur Nolin l’a dit de façon si
éloquente plus tôt. C’est un précédent dangereux.
Oui, nous avons le pouvoir légal de procéder de cette façon, mais,
pour paraphraser ce que le sénateur Plett a dit plus tôt, ce n’est pas
parce qu’une chose est légale qu’elle est correcte. Je dois dire que les
Canadiens suivent de près nos délibérations et que mon bureau
reçoit beaucoup de courriels, qui indiquent précisément que nous ne
devons pas porter de jugement hâtif dans cette affaire.
Dès le départ, j’ai appuyé la motion du sénateur Cowan, qui
consiste à renvoyer la question au Comité du Règlement afin qu’il
l’étudie soigneusement. J’étais déjà convaincue qu’il était nécessaire
que le comité étudie ces motions, et cette conviction a été renforcée
après les débats qui ont eu lieu jusqu’à maintenant, qui d’ailleurs se
poursuivront. Cela dit, cette semaine, nous avons déjà entendu des
déclarations selon lesquelles on aurait confirmé par écrit à certains
de ces sénateurs que les dépenses pour lesquelles ils réclamaient un
remboursement étaient admissibles. Dans un tel contexte, on peut
facilement comprendre pourquoi une personne a agi comme elle l’a
fait, même si, par la suite, on a appris que ces dépenses n’étaient
finalement pas admissibles.
Nous avons entendu des affirmations carrément contradictoires à
propos de ces déclarations. La sénatrice LeBreton a carrément dit
que certains des propos du sénateur Duffy et de la sénatrice Wallin
étaient faux. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons trancher
dans cette enceinte. Nous tenons pour acquis que les sénateurs,
lorsqu’ils prennent la parole au Sénat, disent la vérité. Peut-être
croient-ils tous dire la vérité, mais nous ne pouvons pas tirer cela au
clair simplement en débattant ici.
L’essentiel, c’est d’étudier très attentivement les arguments que le
sénateur Baker a soulevés hier dans son discours percutant sur les
ramifications juridiques de ce que nous envisageons de faire. Je sais
que les juristes ne partagent pas tous son avis, mais j’en connais tout
de même certains qui sont d’accord avec lui. Il est inconcevable
122
DÉBATS DU SÉNAT
de même envisager d’entreprendre au Sénat une procédure qui
pourrait compromettre une enquête criminelle. Ce n’est pas ainsi
qu’on fait les choses dans ce pays. Il faudrait nous assurer autant
que possible que nos actions ne pourraient pas avoir une telle
conséquence. Là encore, c’est quelque chose qui ne peut se décider
qu’au moyen d’un examen du comité, avec l’aide de témoignages
d’experts.
J’ai aussi été frappée par une suggestion que le sénateur Carignan
a formulée, mardi, dans son discours-fleuve, à savoir que les trois
sénateurs en cause avaient commis un outrage au Parlement. Le
discours-fleuve évoluait surtout en terrain connu, mais, sur ce point,
il nous a proposé un élément de réflexion encore inédit. En fait, cela
tend à me conforter dans mon opinion : il faut renvoyer la question
au Comité du Règlement, car l’outrage s’apparente à une question
de privilège, quelque chose qui relève habituellement du Comité du
Règlement. Cependant, il y a d’autres éléments à considérer.
À l’avant-plan, il y a l’intérêt public, dans le meilleur sens du
terme, mais aussi en ce sens que la population s’intéresse à ce
dossier. Il est nettement dans l’intérêt public de trancher ces
questions de manière équitable, après les avoir étudiées comme il se
doit, mais sans retard indu. Je constate que le Comité du Règlement
n’existe pas encore, mais il risque d’exister à la fin de la séance
d’aujourd’hui.
Oh, il existe, mais il n’a pas encore tenu sa réunion d’organisation.
Il faudra du temps. Rien ne sera fait avant la semaine prochaine,
mais surtout, le Comité du Règlement n’a aucun élément
d’appréciation par rapport à ces dossiers. Il partirait de zéro.
Par contre, on pourrait soutenir que le Comité de la régie interne a
déjà effectué la moitié du travail dans ces dossiers. Et il existe déjà. Il
a déjà tenu une réunion depuis la prorogation.
Je conclus, par conséquent, que, tout bien considéré, il serait dans
l’intérêt du public que l’affaire soit confiée au Comité de la régie
interne. J’estime, par ailleurs, que les membres de ce comité dont la
conduite a été directement en cause dans ce débat devraient se
récuser. Je pense que le Comité de la régie interne pourrait achever
le travail qu’il a entrepris avec tant de rigueur l’hiver dernier. Par
conséquent, je propose un amendement.
MOTION D’AMENDEMENT
L’honorable Joan Fraser (leader adjoint de l’opposition) : Par
conséquent, honorables sénateurs, je propose :
Que la motion soit modifiée par remplacement des mots
« du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement »
par les mots « de la régie interne, des budgets et de
l’administration ».
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs,
d’adopter la motion d’amendement?
Ce sous-amendement peut maintenant être débattu. Le sénateur
Segal voudrait poser une question à la sénatrice Fraser.
L’honorable Hugh Segal : Sénatrice, vous avez indiqué avoir pris
part aux débats, ici et au comité, sur deux des trois rapports en cause
concernant la question des dépenses. J’ai eu l’occasion d’assister à la
troisième série de réunions, qui ont eu lieu les 12 et 13 août et se
rapportaient à la sénatrice Wallin. Même si je crois fermement
[ La sénatrice Fraser ]
24 octobre 2013
à l’intégrité et à la bonne foi de tous ceux qui ont siégé à ce comité, y
compris vous, je suis persuadé — et j’exposerai mon point de vue
quand la motion concernant la sénatrice Wallin sera appelée — que
la structure et le processus général d’examen du comité manquaient
totalement d’objectivité.
Mon problème — j’aimerais savoir ce que vous en pensez — est le
suivant : si on renvoie au même comité, dont on exclut une ou deux
personnes, une proposition au sujet de laquelle certains d’entre nous
seront d’avis qu’ils n’ont aucunement fait preuve de mauvaise foi,
mais dont la façon de procéder a donné un résultat qui, selon moi,
manque sérieusement d’impartialité, n’engendre-t-on pas une
situation qui rendra encore plus difficile de découvrir la vérité, car
le comité maintiendra les conclusions auxquelles il était parvenu
auparavant, même s’il était mal informé et que la manière dont il y
est arrivé était erronée et injuste?
La sénatrice Fraser : Sénateur Segal, après mes observations, vous
aurez compris que je ne suis pas d’accord pour dire qu’ils ont
travaillé de façon biaisée. Je pense qu’ils ont voulu se prononcer sur
des faits, ce qui est très différent de l’étude dont nous discutons
relativement à l’amendement du sénateur Cowan. Ils ont tenté de
déterminer si des dépenses ont été réclamées alors qu’elles n’auraient
pas dû l’être. Ils ne se sont pas penchés sur la question des sanctions.
Par conséquent, ils n’ont pas cherché à savoir s’il existait des motifs
ou des circonstances atténuantes ou aggravantes. Ils ont simplement
regardé les faits, comme les agents du fisc. Les agents du fisc ne se
préoccupent pas de savoir pourquoi vous avez présenté une
réclamation à laquelle vous n’aviez pas droit. Ils rendent
uniquement une décision. C’est ce qu’a fait le Comité de la régie
interne.
. (1700)
L’étude dont je parle maintenant est très différente, et je crois
savoir que c’est le genre d’étude à laquelle le sénateur fait allusion.
J’essaie simplement de concilier tout cela. Je crois vraiment qu’il est
dans l’intérêt public de régler ce dossier équitablement et sans retard
inutile.
Je soutiens que le Comité de la régie interne, qui a déjà examiné
les faits, serait en mesure de terminer l’étude. Après avoir vu le
comité à l’œuvre et avoir compris sa démarche à l’époque, je crois
qu’il est parfaitement capable de mener cet exercice. Je pense que
n’importe quel comité du Sénat, particulièrement lorsqu’il s’agit
d’un dossier aussi important, travaillerait avec diligence et ferait
tous les efforts possibles pour assurer l’équité. Toutefois, ce dont
nous discutons maintenant n’est pas la même chose que ce dont
parlait le comité le printemps dernier, ce qui peut expliquer la
frustration ressentie par certains sénateurs qui ont participé au
processus à ce moment-là.
Le sénateur Segal : J’ai une question complémentaire.
Dois-je comprendre que l’objet de votre amendement est de faire
en sorte que le comité, moins une ou deux personnes, se penche sur
le libellé des motions qui nous ont été présentées par le leader du
gouvernement, afin de pouvoir examiner librement des expressions
comme « négligence grossière », par opposition à « négligence »? Le
comité serait libre d’examiner les horribles sanctions prévues dans la
motion et de dire s’il estime que ces sanctions sont appropriées. Il
pourrait aussi obtenir des avis juridiques, comme l’a proposé le
sénateur Cowan, relativement à des considérations telles que les
options, la latitude, l’équilibre et l’équité dans le cadre de son
fonctionnement. Ces aspects seraient abordés et, selon vous, même
si ce n’est pas ce que fait le comité dont nous parlons maintenant, la
proposition dont vous parlez garantirait aux personnes la possibilité
d’avoir recours à un avocat et d’être pleinement représentées afin
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
de donner leur version des faits. Évidemment, une telle façon de
faire pourrait nécessiter un renvoi distinct du Sénat au comité.
J’aimerais avoir votre avis éclairé là-dessus, puisque vous êtes ici
depuis bien plus longtemps que moi.
La sénatrice Fraser : Je suis plus âgée que vous également!
Je ne veux pas me mettre à donner des conseils aux comités sur la
méthode précise qu’ils doivent employer pour faire leur travail. Je
prétends que, ce qu’il faut, c’est procéder à une étude approfondie et
attentive de la question, sans qu’elle soit retardée indûment.
Le sous-amendement que je propose donnerait au Sénat le droit
de choisir entre deux comités. Je ne peux imposer ni l’un ni l’autre.
Je fais une suggestion de bonne foi.
Son Honneur le Président : Honorable sénateurs, la période
accordée à la sénatrice Fraser est écoulée. Toutefois, plusieurs
sénateurs ont indiqué qu’ils souhaitaient formuler d’autres
observations ou poser des questions. C’est à la sénatrice Fraser de
décider si elle veut demander davantage de temps.
L’honorable Gerald J. Comeau : Cinq minutes?
Son Honneur le Président : Est-ce d’accord?
La sénatrice Fraser : Oui.
Son Honneur le Président : Le sénateur Comeau a la parole.
123
La sénatrice Fraser : Oui.
La sénatrice McCoy : Je commencerai par un commentaire. Je
pense que le Comité du Règlement sera prêt à commencer ses
travaux assez rapidement, mais passons rapidement sur ce
commentaire. Je me demande si cette proposition a été mûrement
réfléchie parce que, comme vous l’avez mentionné, et je pense que
vous avez parfaitement raison, il s’agit d’une question d’intérêt
public très importante, et ce, dans les deux sens du terme, comme
vous l’avez aussi souligné. Je me demande si le comité sera considéré
comme étant suffisamment impartial, étant donné qu’il est déjà
intervenu dans ces dossiers et vu l’intérêt que le public a porté à la
façon dont ces dossiers ont été traités dans certains cas. Je me
demande simplement si, ainsi, nous ne poussons pas le public au
cynisme.
La sénatrice Fraser : D’une certaine façon, sénatrice McCoy, vous
reprenez quelques-unes des observations que le sénateur Plett a
formulées plus tôt aujourd’hui.
Je répète que nous avons maintenant le choix entre deux comités,
et les sénateurs peuvent certainement choisir l’un ou l’autre. Mais
j’ajouterais que la nature même du Sénat fait en sorte qu’il est
composé en grande partie de politiciens partisans, bien que ce ne soit
pas votre cas. Selon mon expérience dans cette enceinte, les
sénateurs s’acquittent de leur mandat avec beaucoup d’attention et
de sérieux lorsqu’ils sont saisis de graves questions d’actualité, et, ce
qui compte, c’est la qualité du travail que nous faisons.
Il y aura toujours des sceptiques et des détracteurs, mais je crois
que le travail des sénateurs dans cette enceinte et dans l’un ou l’autre
des comités sera fait de manière juste et équitable.
Le sénateur Comeau : Merci beaucoup. Je ne dirai pas si j’appuie
votre sous-amendement ou non.
La sénatrice McCoy : Je n’ai aucune objection à me fier aux
talents de nos sénateurs. C’est également ce que mon expérience m’a
permis de constater.
Je vous sais gré des dernières observations que vous avez
formulées à propos du travail du comité, en réponse à la question
du sénateur Segal. À mon avis, le comité est composé des personnes
les plus compétentes avec lesquelles j’ai eu l’honneur de travailler au
fil des ans, et je ne souscris pas à l’idée qu’elles soient le
moindrement partiales. J’apprécie le bon travail que ces personnes
ont effectué au nom du Sénat et je les en félicite.
Je vous remercie de reconnaître mon indépendance. Vous savez à
quel point j’abhorre les jeux politiques qui, à mon avis, sont
surabondants au Sénat; toutefois, j’ai vu de l’excellent travail
s’effectuer au sein des comités. C’est la force du Sénat, et je continue
de féliciter chaque sénateur qui participe de cette façon.
Au début de vos observations, sénatrice Fraser, vous avez
mentionné que le sénateur Cowan avait été déçu que le Comité de
la régie interne n’ait pas prévu de sanctions. Je me demande si le
sénateur sait que le comité n’a pas l’autorité nécessaire pour le faire
et qu’il s’en est strictement tenu aux pouvoirs prévus dans le cadre
de son mandat, qui consistaient à faire une analyse des demandes
d’indemnités fondée sur les faits, et qu’il ne pouvait pas se lancer
dans la question des sanctions. Je me demandais si vous étiez au
courant de cela.
J’ai une question complémentaire. D’ailleurs, le sénateur Segal
s’en allait dans cette direction. Je n’ai pas bien compris le mandat de
l’étude que vous confieriez au comité. Le sénateur Comeau a
mentionné le mandat officiel du comité. Selon le Règlement du
Sénat, le Comité de la régie interne est notamment chargé « de
prendre des mesures à l’égard des questions financières et
administratives, de donner son avis et de statuer sur la régularité
de l’utilisation des ressources du Sénat », alors que le Comité du
Règlement est chargé notamment d’examiner les pratiques du Sénat
et donc, implicitement, des sénateurs. N’est-ce pas là un facteur
auquel il faut réfléchir davantage?
La sénatrice Fraser : Si j’ai dit que je pensais que le comité aurait
dû imposer des sanctions, je me suis mal exprimée, mais je crois que
le mandat du comité lui permettait de formuler dans son rapport à
l’intention du Sénat des recommandations concernant des sanctions.
La sénatrice Fraser : Puis-je répondre brièvement, chers collègues?
Son Honneur le Président : La sénatrice Fraser a la parole pour
une brève réponse.
Le sénateur Cowan : C’est aussi ce que j’ai dit.
L’honorable Elaine McCoy : Sénatrice Fraser, accepteriez-vous de
répondre à une question?
La sénatrice Fraser : Sénatrice McCoy, à mon avis, un ordre de
renvoi du Sénat, car c’est ce dont il s’agirait, a préséance sur tout
mandat permanent énoncé dans le Règlement. Il arrive que nous
124
DÉBATS DU SÉNAT
confiions une étude à un comité qui n’est pas le choix le plus évident,
mais il y a de bonnes raisons de le faire dans les circonstances.
Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat. La sénatrice
Champagne a la parole.
. (1710)
[Français]
L’honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, je
voudrais avoir votre permission pour prendre trois minutes de
notre temps, pas davantage, pour tenter d’alléger un peu
l’atmosphère qui nous entoure depuis 48 heures. À certains et
certaines d’entre vous, je rappellerai des souvenirs de collège, mais, à
mon avis, ce texte s’avère un conseil amical qui devrait être lu à tous
les parlementaires le jour de leur assermentation.
Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites !
Tout peut sortir d’un mot qu’en passant vous perdîtes;
Tout, la haine et le deuil!
Et ne m’objectez pas que vos amis sont sûrs et que vous
parlez bas.
Écoutez bien ce ci :
Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l’oreille du plus mystérieux
De vos amis de cœur ou si vous aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d’une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu.
Ce mot — que vous croyez que l’on n’a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre —
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l’ombre;
Tenez, il est dehors! Il connaît son chemin;
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l’aigle!
Il vous échappe, il fuit, rien ne l’arrêtera;
Il suit le quai, franchit la place, et caetera;
Passe l’eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l’étage; il a la clé,
Il monte l’escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive
Et railleur, regardant l’homme en face dit :
« Me voilà ! Je sors de la bouche d’un tel. »
Et c’est fait. Vous avez un ennemi mortel.
Je n’ai pas écrit ce texte, il est de Victor Hugo. Je m’excuse auprès
de nos interprètes, que j’ai dû amener dans des chemins bien
tortueux.
24 octobre 2013
L’honorable David P. Smith : Merci, Votre Honneur.
Mon avis sur ce sous-amendement est très clair. Je reviens à
l’argument avancé par le sénateur Nolin, qui croit fermement que
nous sommes les maîtres de notre propre Chambre et de sa
procédure.
Supposons que ce soit juste. L’autre jour, j’ai cité quelques
dispositions de la Charte des droits — une phrase ou deux seulement
— selon lesquelles tout inculpé — on ne parle pas d’infraction
criminelle, pas plus qu’on ne se limite à ce genre d’infraction — a le
droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable,
conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à
l’issue d’un procès public et équitable.
Si nous allons de l’avant, et je ne m’y opposerai pas, je tiens à ce
que nous exercions ces droits conformément à des principes
d’éthique, et ceux inscrits dans la Charte me paraissent tout à fait
convenables. Je ne débattrai pas en long et en large de l’applicabilité
de la Charte, mais je crois que l’article 32 démontre qu’elle
s’applique au cas qui nous occupe.
Prenons l’exemple du processus mené par le comité précédent. Si
on veut un procès public et équitable mené par un tribunal
indépendant et impartial, il me semble qu’on devrait avoir droit aux
services d’un avocat, compte tenu de la sévérité de ces sanctions...
Le sénateur Moore : Cela ne fait aucun doute.
Le sénateur D. Smith : — qui sont beaucoup plus lourdes que les
peines associées à bon nombre d’actes criminels —, ainsi que le droit
d’avoir recours à un avocat et celui de poser des questions aux
témoins qui ont fourni les éléments de preuve sur lesquels se fondent
la conclusion que vous avez enfreint les règles.
Voilà le genre de cadre boussole éthique qui me rassurerait. Oui,
nous pouvons être maîtres chez nous, mais je ne voudrais pas qu’on
devienne une bande de lyncheurs. Je veux pouvoir compter sur une
boussole morale. S’il m’apparaît que nous pourrons en créer une,
alors d’accord. Je crois fermement qu’une personne qui fait face à
des accusations aussi graves... Le Canada est-il vraiment un pays où
on respecte les droits de la personne et la procédure établie? Eh bien,
prouvons-le.
Des voix : Bravo!
L’honorable John D. Wallace : Sénatrice Fraser, accepteriez-vous
de répondre à une ou deux questions?
La sénatrice Fraser : Oui. Donnez-moi un instant pour placer mon
écouteur.
Son Honneur le Président : Sénateur Wallace, nous poursuivons le
débat. Souhaitez-vous y participer?
[Traduction]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je précise que
l’intervention du sénateur Smith portera sur l’amendement proposé
par la sénatrice Fraser.
Le sénateur Mercer : Le sous-amendement.
[ La sénatrice Fraser ]
Le sénateur Wallace : Nous avons devant nous deux propositions
concernant l’amendement de la motion, l’une soumise par le
sénateur Cowan, l’autre par la sénatrice Fraser. Je me pencherai
d’abord sur la proposition de la sénatrice Fraser. Je crois qu’en fait,
elles reposent toutes les deux sur la même question fondamentale,
celle de l’application de la procédure établie.
Le sénateur Moore : Exactement.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Le sénateur Wallace : La sénatrice Wallin nous a parlé avec
beaucoup de conviction de ses préoccupations à l’époque où son
dossier, ce même dossier que nous étudions aujourd’hui, était entre
les mains du Comité permanent de la régie interne. Si je me souviens
bien, elle a fortement critiqué la façon de procéder adoptée par le
Comité et indiqué qu’on ne l’avait pas laissée comparaître aux
moments où elle l’aurait souhaité ni faire appel à un avocat. Est-ce
exact ou non, je ne saurais le dire, mais je crois que nous avons tous
entendu ces remarques.
Compte tenu de cela, je pense que ce serait une grave erreur de
proposer, dans l’intérêt du respect des règles et de la transparence,
que la question soit à nouveau renvoyée au bureau de la régie
interne; en effet, la sénatrice Wallin a déjà fait savoir au Sénat que
des garanties procédurales ne lui avaient pas été accordées jusqu’à
présent. Il ne nous suffit pas de veiller ou de chercher à veiller au
respect de toutes nos procédures, mais il faut qu’il y ait clairement
perception, surtout de la part des personnes directement concernées
par ces procédures, en l’occurrence les trois sénateurs, de nos efforts
en ce sens.
J’aimerais également ajouter que le bureau de la régie interne a
joué un rôle essentiel dans les motions principales concernant ces
trois sénateurs.
Les motions présentées par le sénateur Carignan sont très
sérieuses et prévoient de graves sanctions à l’endroit de nos
collègues. Lorsque nous les étudierons, nous devrons bien
connaître les règles en vigueur au Sénat et la façon dont elles
s’appliquent, en l’occurrence.
Il est tout aussi important, toutefois, de prendre connaissance des
faits se rapportant à chacun des cas, de comprendre comment les
règles s’appliquent dans ces circonstances et de soupeser le tout par
rapport aux sanctions qu’on nous demande d’imposer aux termes
des motions du sénateur Carignan.
Nous avons pris connaissance des faits dans le rapport du bureau
de la régie interne et des rapports de Deloitte que le comité avait
commissionnés. À mon avis, le bureau de la régie interne et la firme
ont fait leur travail et chacun d’entre nous aura l’occasion de juger
leur travail ainsi que les faits qu’on nous a présentés. La sénatrice
Wallin, par exemple, a exprimé ses opinions à ce sujet, et je suis sûr
qu’on en reparlera davantage à une date ultérieure.
Cela dit, les faits ayant été présentés, seul le Sénat a le pouvoir de
se prononcer sur les sanctions visant les trois sénateurs qui sont
proposées dans les motions du sénateur Carignan.
. (1720)
125
En conclusion, je vous dirais que, ayant déjà demandé au Comité
de la régie interne de procéder à l’examen nécessaire et fort utile des
motions du sénateur Carignan, de formuler une opinion et de se
prononcer sur les questions mêmes auxquelles nous devons répondre
en cette enceinte — à savoir : Les sanctions sont-elles appropriées?
Y a-t-il eu faute grave? Les actes commis constituent-il des fautes
graves? — et compte tenu des procédures suivies et des faits dont
nous disposons, il serait tout à fait déplacé de demander au Comité
de la régie interne de s’en mêler. Merci.
La sénatrice Fraser : Le vote!
L’honorable Patrick Brazeau : Est-ce que le sénateur Wallace
accepterait de répondre à une question?
Le sénateur Wallace : Certainement.
Le sénateur Brazeau : Sénateur Wallace, je vous remercie de votre
intervention, bien que je ne sois pas vraiment surpris. Vous avez dit
que vous aviez hâte de voir le document que j’ai déposé ici
aujourd’hui et cela ne me surprend pas. Je me suis entretenu
personnellement avec un grand nombre de nos collègues ici et ils
n’étaient pas au courant de certains faits que j’ai présentés, y
compris du document que j’ai mentionné aujourd’hui.
En fait, j’ai parlé de ce document pour la première fois lorsque j’ai
comparu devant le sous-comité de la régie interne, et j’ai aussi
mentionné son existence aux médias, au printemps dernier.
Nous parlons beaucoup des droits et des pouvoirs dont cette
Chambre dispose et qui lui permettent de décider de la suite des
événements dans trois affaires tout à fait différentes et distinctes,
mais ce qui me préoccupe d’abord et avant tout et fait l’objet de
nombreuses questions de ma part est le processus, et ce, depuis le
tout début.
J’ai comparu devant le sous-comité. J’ai demandé à plusieurs
reprises de pouvoir comparaître devant le Comité de la régie interne,
car je ne savais même pas quels étaient les faits qu’il avait utilisés
pour tirer ses conclusions dans mon cas. Je ne peux pas parler au
nom de mes deux autres collègues.
J’ai demandé qu’on me dise précisément quelles étaient les règles
que j’avais enfreintes. Je n’ai pas eu de réponse.
J’ai demandé qu’on me dise précisément à quel endroit on pouvait
lire, dans le rapport de la firme Deloitte, que j’avais enfreint une
quelconque règle. Je n’ai pas eu de réponse.
C’est nous qui devons prendre la décision, à la lumière de toute
l’information factuelle qui aura été présentée pour chaque motion
visant un sénateur. Les faits sur lesquels sera fondée notre décision
nous seront fournis par le travail du Comité de la régie interne, le
rapport de Deloitte et toute autre information factuelle qui sera
transmise au Sénat par les trois sénateurs.
J’ai écrit à chacun d’entre vous pour vous demander de me
permettre de comparaître devant le Comité de la régie interne ou
une autre instance afin que je puisse défendre mes arguments, car
chaque fois que j’ai formulé cette demande, j’ai essuyé un refus.
Le sénateur Brazeau, par exemple, a déposé un document, que j’ai
bien hâte de voir, et je suis certain que nous en tiendrons tous
compte. D’autres faits seront présentés.
Il est question de l’application régulière de la loi. Croyez-vous
que, en ce qui me concerne, on a assuré l’application régulière de la
loi?
126
DÉBATS DU SÉNAT
Le sénateur D. Smith : Non, ce n’est pas ce qu’on a fait.
Le sénateur Wallace : Sénateur, le sénateur Carignan a dit que,
dans cette enceinte, nous pouvons exercer un contrôle sur les
procédures et déterminer si elles sont appropriées. Lorsque vous
parlez d’application régulière de la loi, on peut faire la comparaison
avec un contexte judiciaire, et dans ce cas, je crois qu’il est
probablement juste de dire que le processus qui a été suivi jusqu’à
maintenant ne respecte pas les mêmes normes. Cela dit, la réalité,
c’est que dans cette enceinte et aux comités, nous avons le pouvoir
de faire ce qui a été fait.
Vous avez posé une question. Il ne doit pas y avoir de confusion
quant au rôle que nous sommes appelés à jouer en lien avec les
motions présentées par le sénateur Carignan. Je ne pense pas que
notre rôle en tant que sénateurs consiste à faire office d’instance
d’appel pour les décisions du Comité de la régie interne. Ses
membres ont fait ce qu’ils croyaient et jugeaient être juste. Ils nous
ont fourni ces renseignements. Ce que nous devons faire ici, dans
cette enceinte, c’est prendre ces renseignements en compte afin de
déterminer s’il existe des preuves à l’appui des allégations de
négligence grossière faites à votre encontre, si la suspension
proposée dans la motion constitue une sanction appropriée et si
les autres conséquences de la motion — en l’occurrence la
suspension de votre salaire et tous les autres avantages dont vous
bénéficiez — constitue une sanction appropriée.
En somme, nous devons trancher la question au Sénat. C’est notre
responsabilité. Nous sommes saisis de l’affaire, et nous devons la
régler. Tous les points que vous allez soulever, ayez l’assurance que,
pour ma part, je vais en tenir compte tout à fait sérieusement pour
parvenir à ma propre conclusion sur la question que le Sénat doit
trancher. Il ne s’agit pas de revenir sur la décision du bureau de la
régie interne.
Le sénateur Brazeau : J’ai une question complémentaire.
Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénateur
Wallace?
Le sénateur Wallace : Certainement.
Le sénateur Brazeau : En toute déférence, je ne pense pas comme
vous que nous ne devrions pas revenir sur les décisions initiales qui
ont été prises. Je viens de dire que j’ai présenté antérieurement des
renseignements au sous-comité de la régie interne. Par la suite, je
suis sûr que le Comité de la régie interne a examiné le rapport du
sous-comité, que je n’ai pas encore vu, et le comité a présenté le
rapport au Sénat, ce qui veut dire que ceux qui ont voté en faveur de
ce rapport — et j’ai appris cette semaine que le vote en faveur du
rapport a été unanime —, comment ont-ils donc pu se prononcer sur
un rapport avant que tous les faits ne leur soient présentés?
Le sénateur Wallace : Sénateur, vous avez déduit de mes propos
que nous ne devrions pas revenir en arrière et examiner le rapport
qui, dans votre cas, est venu du bureau de la régie interne. Si c’est
bien ce que vous avez retenu de mes propos, je peux vous dire que
c’est faux. Vous pouvez avoir l’assurance que j’ai étudié de long en
large le rapport de la régie interne et les rapports de Deloitte. Je
peux vous assurer que les observations que je pourrai faire à partir
de chacun de ces rapports influenceront grandement la conclusion
que je tirerai à propos de la motion du sénateur Carignan.
24 octobre 2013
S’il y a des questions sur lesquelles vous ou l’un ou l’autre des
sénateurs visés par la motion du sénateur Carignan voulez attirer
notre attention, je dirai que vous devez nous présenter cette
information, comme vous l’avez fait aujourd’hui. Continuez à le
faire. Nous ne voulons pas d’à-peu-près. Nous voulons que la
décision se fonde sur des faits.
Le sénateur Brazeau : J’ai une question complémentaire. Je ne
veux pas insister trop lourdement. On m’a donné cette semaine la
possibilité de commencer à donner cette information qui, de toute
évidence, vous était inconnue. Si j’ai déjà présenté cette information
au sous-comité, pourquoi celui-ci ne l’a-t-il pas transmise au bureau
de la régie interne, qui a ensuite présenté un rapport sur lequel, je
présume, vous vous êtes prononcés favorablement sans connaître
tous les faits? C’est une question d’application régulière des règles.
Voilà ce que je veux dire.
Nous devrions revenir sur ces décisions et permettre un processus
équitable, ce qui nous donnerait la possibilité de présenter cette
information. La simple présentation d’un document tel ou tel jour à
l’ensemble du Sénat ne permettra de rendre justice à personne.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Wallace : Je ne vois pas au juste quelle est la question,
mais j’ai entendu votre point de vue.
Le sénateur Brazeau : Êtes-vous d’accord?
Le sénateur Wallace : Sénateur, vous m’avez adressé cette
observation, et j’ai pensé que vous disiez que je siégeais au bureau
de la régie interne et que j’ai vu cet échange. Ce n’est pas le cas.
. (1730)
Comme je l’ai dit, ce que j’ai examiné attentivement, c’est le
rapport du bureau de la régie interne. J’ai observé le processus que
ses membres ont suivi, d’après ce que j’ai compris, pour obtenir les
renseignements dont ils disposent. Je vais prendre tout cela en
considération lorsque je prendrai ma décision. Tout ce que je puis
dire, c’est que c’est au Sénat qu’il incombe de décider quelle doit être
l’issue des motions du sénateur Carignan. Si vous ou les autres
sénateurs possédez de l’information que, à votre avis nous devrions
connaître, je vous recommande de nous la divulguer, aussi difficile
cela soit-il.
La sénatrice Fraser : Peut-on préciser quelque chose?
Son Honneur le Président : Sénatrice Fraser, demandez-vous que
le sénateur Wallace apporte une précision?
La sénatrice Fraser : Je voudrais préciser quelque chose qu’a dit le
sénateur Wallace. Il sait combien je le respecte, mais il a commis un
lapsus qu’on fait trop souvent dans cette enceinte. Le bureau de la
régie interne, c’est à l’autre endroit. Ici, nous avons le Comité
permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Peut-être est-ce par déformation professionnelle à la suite des
longues années que j’ai passées comme rédactrice pointilleuse, mais
je n’ai pu m’empêcher de le souligner.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Le sénateur Wallace : Sénatrice Fraser, je suis désolé d’avoir
employé le mauvais nom lorsque j’ai fait allusion au comité.
Le sénateur Cowan : Sénateur Wallace, croyez-vous sincèrement
que, en demandant à des sénateurs de déposer ce document, comme
le sénateur Brazeau l’a dit, aujourd’hui, et un autre document
auquel il a fait allusion, demain, nous aurons une autre occasion
d’examiner les sanctions à prendre? Nous avons suivi le débat, et il
n’y a rien eu de tel. Ne convenez-vous pas que ce qui est le plus
approprié, c’est de reconnaître et d’accepter que la décision revient
au Sénat — et nous sommes tous d’accord, je n’ai pas entendu
personne exprimer son désaccord? Ne convenez-vous pas que la
procédure que nous appliquerons pour décider du sort de ces
sénateurs est extrêmement importante?
Le sénateur Wallace : Oui, j’estime que le processus est important.
En fait, nous examinons les motions du sénateur Carignan en nous
fondant sur les rapports du bureau de la régie interne — je sais que
je n’emploie pas le nom exact et je m’en excuse; nous savons de qui il
s’agit — et les rapports de la firme Deloitte. Voilà ce que nous
devons étudier. S’il y a des documents supplémentaires pour étayer
le tout, je suggère, comme je l’ai déjà dit, de les remettre au Sénat.
Son Honneur le Président : Nous poursuivons le débat. Le
sénateur Dallaire a la parole.
L’honorable Roméo Antonius Dallaire : Je voudrais avoir une
précision, Votre Honneur. Nous poursuivons le débat sur
l’amendement, pas sur le sous-amendement. Est-ce exact?
127
Je soupçonne que quelqu’un a dit : « Nous pourrions aussi bien
régler tout cela d’un coup et nous pouvons peut-être le faire plus
rapidement. Nous pourrions rendre les choses moins difficiles pour
nous, au Sénat, mais aussi pour tous les journalistes et pour le reste
du pays qui suivent cette histoire. »
Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de justice. Cela ne me poserait
pas de problème si le gouvernement avait présenté sa motion pour
sanctionner l’une de ces personnes, puis que nous ayons suivi
l’application régulière de la loi, ici ou en comité, au sujet de laquelle
certains ont probablement une opinion. Ensuite, une décision serait
prise au sujet de cette personne. Puis, ultérieurement, la deuxième
personne serait appelée, une motion serait proposée et nous
étudierions l’affaire. Enfin, nous procéderions de la même façon
pour la troisième personne.
Évidemment, il y aurait potentiellement des répétitions, et alors?
Cela prendra du temps. Et alors? C’est ainsi que même une
institution disciplinaire fonctionne, j’en sais quelque chose puisque
je viens d’une organisation qui comporte un aspect vraiment
disciplinaire et administratif, et un aspect judiciaire ou juridique
ou même criminel. Nous avons même eu la peine capitale jusque
pendant les années 1990, je suis donc très conscient de la distinction
entre les deux aspects. Même dans de telles circonstances, on ne
précipite pas le jugement des gens au cours d’un même exercice. On
ne fait tout simplement pas cela. Comment expliquer que l’une des
institutions les plus importantes du pays — nous participons en fait
à l’approbation des lois du pays — procédera d’une manière qui va
absolument à l’encontre de toutes les règles fondamentales de justice
sur lesquelles chaque personne peut compter? Je dirais que ce que
nous faisons ici est terriblement inapproprié.
Son Honneur le Président : Oui, c’est bien cela.
Le sénateur Dallaire : Merci beaucoup.
Chers collègues, j’ai déjà dû porter des accusations contre
109 soldats pour consommation de drogues. Chacun des soldats,
qui faisaient partie du même régiment, a eu un procès distinct. Ils
ont pu plaider individuellement leur cause devant le commandant.
Chaque soldat était accompagné d’un officier désigné qui devaient
aussi défendre le soldat en exposant les faits. Après avoir été
reconnu coupable, le soldat avait ensuite la possibilité de faire valoir
des circonstances atténuantes. Cette étape a bien sûr eu une
incidence sur la peine imposée par le commandant.
J’ai aussi participé à une cour martiale chargée de juger un groupe
de soldats impliqués dans un réseau de trafic de drogues dans
l’Ouest. Leur crime étant semblable, les soldats ont d’abord
comparu ensemble devant la cour martiale, mais on les a ensuite
déférés à quatre cours martiales distinctes parce que chacun avait
joué un rôle différent. Ce fut prouvé. La première cour martiale a
donc été annulée; les soldats ont subi des procès différents devant
quatre cours martiales distinctes. Ils ont présenté leur point de vue
devant le juge. Puis, quand ils ont été reconnus coupables, leur
conseiller juridique a pu faire valoir des circonstances atténuantes.
On leur a ensuite imposé des sanctions.
Nous assistons ici aujourd’hui à ce qui me semble être une justice
précipitée. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut être en
présence de trois affaires comme celles-ci, et qu’on ne tienne pas les
personnes responsables de la même façon. L’interprétation des faits
comporte des différences importantes. Comment est-il possible que,
bien que nous soyons saisis de trois motions, nous les traitions
toutes les trois ensemble et, de surcroît, ce qui m’a vraiment pris par
surprise, les trois personnes visées se voient imposer la même peine?
La même chose pour les trois personnes. C’est comme si on tenait
trois cours martiales en même temps.
Le sénateur Nolin et le Président nous ont dit avec beaucoup
d’éloquence que, sur le plan juridique, nous avions le droit de
procéder de cette manière. Je ne prétends pas le contraire. Toutefois,
on a aussi dit que, même si notre façon de procéder est légale, ce
n’est pas forcément la bonne chose à faire. Permettez-moi d’avoir
recours à un exemple personnel pour bien me faire comprendre.
Il y a 20 ans, j’ai reçu l’ordre légal de me retirer d’un pays aux
prises avec une situation catastrophique. J’ai reçu l’ordre d’une
autorité légale, soit le secrétaire général des Nations Unies,
d’abandonner une mission, un pays et sa population. Cependant,
j’ai refusé d’obéir à cet ordre légal. J’ai refusé parce que cet ordre
était immoral et contraire à l’éthique. Il était tout simplement
inacceptable parce que, à cette époque, quelque 30 000 personnes se
trouvaient sous notre protection. Si nous nous étions retirés du pays,
ces gens auraient été massacrés comme tous les autres. Nous avions
la preuve que cette situation s’était produite parce qu’un contingent
était parti sans en avoir reçu l’ordre. C’était légal, mais immoral.
C’était inacceptable. J’ai refusé d’obtempérer à l’ordre parce qu’il
était contraire à l’éthique.
Si je cite cet exemple, c’est simplement parce que nous devons
faire face à une situation analogue ici. Il est vrai que ce que nous
faisons est légal et que nous avons la pleine autorité de prendre ces
décisions, comme l’ont signalé si clairement un grand nombre de
sénateurs. Cependant, nous devrions nous poser les questions
suivantes : est-ce que nous procédons correctement? Est-ce la
bonne voie à suivre?
. (1740)
J’aimerais d’abord dire que je ne voterai jamais en faveur de ces
motions parce que je crois que le Sénat n’a pas procédé correctement
en les présentant de manière expéditive et en les regroupant dès le
début.
128
DÉBATS DU SÉNAT
Je voudrais maintenant vous lire un extrait d’un ouvrage.
Je préférerais que ce soit du gin, mais bon!
Le sénateur Mercer : C’est ce que nous préférerions tous!
Le sénateur Dallaire : Je lirai maintenant un extrait d’un ouvrage
à propos d’une des éminences grises du parti d’en face, Eugene
Forsey. Je vais lire un extrait qui, d’après moi, cherche à mettre en
contexte ce que nous faisons. On n’y précise pas si nos gestes sont
légaux ou non, mais on les situe plutôt dans le contexte de nos
responsabilités à l’égard de l’institution et des responsabilités dont
est investie cette institution dans notre système de gouvernance,
ainsi qu’envers les Canadiens.
Le projet d’Eugene Forsey était essentiellement un projet
conservateur. Comme pour la plupart d’entre nous, ses premières
opinions politiques sont largement demeurées inchangées et ont
orienté toute sa vie.
On fait état de ses titres de compétences. Il est ensuite question de
ce qu’il a fait, et ce qui suit provient de ses écrits.
Les structures, les pratiques et les contraintes qui encadrent le
pouvoir politique sont le reflet des objectifs et des valeurs qui
rendent le pouvoir tolérable et nécessaire à l’ère moderne de la
liberté.
Pensez à ce que nous faisons.
La société politique canadienne est organique et a été façonnée
par des besoins et des contextes précis qui correspondent à nos
valeurs fondamentales. Lorsque nous cherchons à résoudre
des problèmes ou à faire des gains politiques en nous éloignant
des règles constitutionnelles...
— ou des règles que nous avons établies afin de pouvoir faire notre
travail correctement —
... nous risquons de perdre les liens essentiels et fondamentaux
de l’État avec la légitimité et l’histoire. Le conservatisme de
M. Forsey favorise la création d’un environnement politique
propice à l’adoption de politiques audacieuses, réformistes,
innovatrices et, surtout, sensibles à nos besoins en constante
évolution.
Le conservatisme d’Eugene Forsey était au centre de ses
valeurs et de son identité politique, tout comme sa vision de ce
que le Canada pouvait faire pour ses citoyens.
Nous trafiquons les règles, nous hypothéquons l’avenir de cette
institution et nous nous comportons comme des cow-boys.
Je suis en faveur de l’amendement proposé par le leader de
l’opposition au Sénat, qui propose de renvoyer la question dont
nous sommes saisis depuis quelques jours au Comité du Règlement,
de la procédure et des droits du Parlement, afin qu’il prenne une
décision appropriée.
La crise actuelle testera les limites de la confiance du public dans
le gouvernement, et si elle est mal gérée, elle risque par surcroît
d’ébranler le cœur institutionnel de notre démocratie.
[ Le sénateur Dallaire ]
24 octobre 2013
Le Sénat a toujours sa raison d’être, même si on veut le réformer.
Beaucoup de sénateurs sont en faveur de réformes, mais contre la
destruction. Pas besoin de faire éclater une bombe nucléaire au
Sénat pour régler le problème. À cet égard, je vous demande de tenir
compte de ce qui suit avant de décider comment vous allez voter sur
l’amendement et la motion, dont je vous parlerai plus tard.
Cette semaine, le leader du gouvernement au Sénat a déclaré que
cet exercice n’était pas de nature judiciaire et qu’il n’avait rien à voir
avec les procès sommaires. Je ne suis pas d’accord. Ce que nous
faisons, ce qu’on nous demande de faire, c’est de prononcer une
sentence pour trois de nos collègues sans d’abord examiner de
manière réfléchie et responsable les faits pertinents à leur
condamnation, en considérant chaque cas individuellement, avec
tous les faits en main et, bien entendu, avec la participation des
personnes concernées, afin qu’elles puissent intervenir et s’objecter
aussi librement.
Bien que le Comité de la régie interne, des budgets et de
l’administration ait examiné leurs dépenses et découvert quelques
exemples d’actes répréhensibles, il n’a pas établi que la suspension
sans salaire constituait la sanction appropriée. Nous en avons
discuté précédemment et le sénateur Comeau a présenté ses
arguments en cette enceinte.
Si on demande au Sénat de se prononcer et d’imposer une
sanction à nos collègues, alors le Sénat devrait être celui qui examine
les faits et entend les témoins liés aux graves accusations qui sont
faites. Convoquons les témoins. On le fait bien en d’autres
circonstances. Amenons les témoins à la barre afin qu’on leur
pose les questions que nous jugeons nécessaires pour bien
comprendre toute l’ampleur des accusations et des comptes qu’on
demande à ces personnes de rendre. Nous serons alors en mesure de
prendre pour chaque cas les décisions appropriées concernant la
sanction, car c’est de sanction dont il s’agit. Se prononcer sans que
les faits pertinents soient complètement expliqués et défendus va à
l’encontre des principes fondamentaux de justice et est indigne de
cette auguste institution. Dans l’armée, on nous accusait de dire,
lors des procès sommaires : « Sergent-major, faites entrer le
scélérat. »
Nous tentons de régler les nombreuses questions qui continuent à
orienter la mission et à agir sur les fondements de notre institution,
mais pour répondre à de tels enjeux, aujourd’hui et à l’avenir, il faut
non pas réagir au moyen d’exercices de relations publiques
impromptus, mais avec le souci réfléchi et délibéré de clairement
faire comprendre aux Canadiens quels sont notre mission et le rôle
que tient encore notre institution dans l’élaboration de politiques
publiques au Canada. Tout en cherchant à mener à bon terme un
exercice aussi fondamental d’analyse de l’utilisation appropriée des
deniers publics dans le cadre de nos fonctions, nous devons nous
garder de tomber dans la mascarade politique grandiloquente.
Toute cette histoire se complique au fur et à mesure que de
nouveaux éléments sont révélés. Les sénateurs se sont exprimés.
Certains ont dit que les membres du Comité de la régie interne font
de leur mieux et qu’ils sont des gens probes et responsables. D’autres
se sont félicités mutuellement en déclarant avoir un immense respect
pour l’opinion et les propos de leurs homologues. Cependant, tout à
coup, parce que trois personnes accablées tentent de s’expliquer, leur
opinion devient suspecte, perd toute crédibilité et n’est plus prise en
considération dans le débat.
Puis-je avoir encore cinq minutes?
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables
sénateurs, d’accorder cinq minutes de plus?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Dallaire : Il y a encore trop d’inconnues. Si les
nouvelles allégations sont véridiques, il pourrait falloir excuser le
Comité de la régie interne, par exemple, en ce qui concerne le sousamendement, compte tenu du rôle qu’il aurait malencontreusement
joué dans toute cette histoire. Peut-être les membres du comité ne
devraient-ils même pas se joindre aux délibérations, étant donné leur
engagement très concret dans le processus initial.
À l’analyse de ces motions, le Sénat doit se garder de succomber à
quelque pression que ce soit. Si l’on veut que toute l’histoire soit
tirée au clair, il faut examiner la question attentivement, sous tous
les angles juridiques et techniques possibles.
. (1750)
J’aimerais dire un mot sur les circonstances atténuantes. Les
motions réclament la même peine pour les trois personnes en cause.
Elles ne donnent pas de grandes explications, mais indiquent
simplement que ces personnes sont privées de leur salaire et de leurs
avantages, tout en conservant le titre de sénateur.
Quelle sorte de charabia ou de jargon de la Colline est-ce là? Si ces
personnes conservent le titre de sénateur, peut-être qu’on pourra
leur permettre de revenir à la fin de la session. Prendre une mesure
aussi draconienne que de priver quelqu’un de ce qu’il lui faut pour
vivre, de saisir son salaire et de supprimer les avantages dont
jouissent sa famille et lui, c’est imposer une peine passablement
sévère. Il faut cependant aller jusqu’au bout. Là où j’étais avant, la
cour martiale aurait imposé une telle peine, mais il y aurait aussi pu
y avoir une peine administrative prévoyant le congédiement de
l’armée.
Les deux sont donc possibles. Le sénateur Nolin l’a expliqué.
Dans ces circonstances, on aurait cependant la possibilité, une fois
la personne déclarée coupable, de faire valoir les circonstances
atténuantes — en s’appuyant sur des éléments techniques ou autres
— afin de discuter de la peine possible.
Je pense à la sénatrice Wallin. J’étais vice-président de son comité.
Nous avons passé de bons moments et nous en avons passé de moins
bons dans l’exercice de nos fonctions. Elle représente le pays depuis
des décennies, chez nous et à l’étranger. Elle s’est employée avec
énergie à faire en sorte que cette institution ne soit plus ignorée, mais
qu’on commence à se rendre compte qu’elle existe. Il faut
certainement tenir compte d’un tel engagement dans la
détermination de la peine, advenant le cas où la sénatrice serait
trouvée coupable.
Je connais moins les sénateurs Duffy et Brazeau, mais je suppose
qu’eux-mêmes, ou quelqu’un d’autre, pourraient faire valoir leur
point de vue, dans leur défense, et, en fin de compte, influer sur la
détermination de la peine.
Par conséquent, chers collègues, cet exercice était vicié dès le
début. Ce n’est pas ainsi que l’on rend justice. Il s’agit de justice à la
manière forte.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Dallaire : Il ne s’agit là pas du niveau de
responsabilité auquel ces personnes devraient s’astreindre. Je ne
débattrai même pas de la question de savoir s’ils sont coupables, ni
des faits. Cet examen reste à faire. Nous n’avons pas utilisé la bonne
129
méthode, voilà ce que je veux dire. Grâce à la solution que le
sénateur Cowan propose, nous pourrions faire en sorte que les
sénateurs plaident séparément leur cause et que tous les faits soient
examinés; ainsi, ils pourraient présenter une défense pleine et
entière, puis le Sénat pourrait se saisir des rapports. Soit dit en
passant, le 37e rapport du Comité de la régie interne, qui est daté du
13 août, n’a pas encore été adopté au Sénat.
Le sénateur Segal : Bravo!
Le sénateur Dallaire : Nous allons tout de même crucifier
quelqu’un sur le fondement d’un rapport qui n’a pas encore été
adopté. J’ai déjà essayé, et je me suis fait rabrouer.
J’appuie entièrement la première étape, le renvoi au comité, et la
deuxième étape, soit que le Sénat soit saisi de nouveau de chaque cas
individuellement afin qu’il prenne les décisions qui s’imposent,
quelles qu’elles soient.
Son Honneur le Président intérimaire : J’ai le regret de vous
informer que votre temps de parole est écoulé. Y a-t-il d’autres
interventions?
Le sénateur Dallaire : Je suis prêt à répondre à des questions.
Son Honneur le Président intérimaire : Souhaitez-vous plus de
temps? Acceptez-vous de lui accorder plus de temps, honorables
sénateurs?
Des voix : D’accord.
[Français]
Le sénateur Nolin : Sénateur Dallaire, nous avons beaucoup de
respect pour votre expérience militaire. Au début de vos remarques,
vous avez fait référence à la cour martiale et à des mesures qui ont, à
votre connaissance, été prises.
Ces mesures étaient animées par le non-respect d’une loi fédérale,
une loi criminelle. C’est pour cette raison que vos officiers se sont
permis d’accuser ces militaires d’avoir enfreint des lois fédérales.
Est-ce bien la situation qui s’est produite?
Le sénateur Dallaire : Oui, il n’y a pas de doute. C’est une loi
fédérale dans le contexte des Ordonnances et règlements royaux
applicables aux Forces canadiennes, lesquels ont été promulgués. De
ce fait, c’est une loi fédérale.
Cependant, que pensez-vous que l’on fait ici? Nous mettons en
place des lois fédérales. Nous abordons des questions relatives à la
fédération. Nous sommes une institution fédérale. Alors, je ne vois
pas vraiment la différence, sauf le fait qu’un cas est criminel et
l’autre disciplinaire. Il s’agit tout de même de la même institution.
Le sénateur Nolin : Vous m’ouvrez la porte pour une deuxième
question. Vous l’avez bien résumée. Ce que vous nous avez présenté
comme une expérience fort importante relève du droit criminel. Ces
militaires ont été accusés par vos officiers d’avoir enfreint des lois
criminelles canadiennes. Ce n’est pas ce qui se passe ici. Ce n’est pas
ce que le sénateur Carignan nous demande de faire. C’est pour cette
raison que je vous ai demandé de préciser si votre expérience se
situait dans un contexte criminel. La réponse est oui. Ce n’est pas
disciplinaire. Il existe, sur le plan militaire, tout un cadre
disciplinaire qui n’a rien à voir avec le droit criminel, mais tout à
voir avec l’efficacité militaire.
130
DÉBATS DU SÉNAT
Le sénateur Dallaire : Rappelez-vous que j’ai donné comme
premier exemple les 109 soldats que j’ai accusés. Dans ce contexte,
ce n’était pas en vertu du Code criminel que je les trouvais
coupables; c’était en vertu des Ordonnances et règlements royaux
applicables aux Forces canadiennes, qui me permettaient de rendre
un jugement.
Je ne commencerai pas à en débattre, car on l’a fait en comité.
Toutes les accusations portées par le ministère de la Défense
nationale ne sont pas d’ordre criminel, et on ne veut justement pas
que ce soit le cas. Elles peuvent être d’ordre administratif et elles
peuvent engendrer une punition afin de rééduquer l’individu en
cause. Il y a aussi toute une série d’accusations beaucoup plus graves
qui sont de nature criminelle, que ce soit pour les membres de la
Défense nationale ou pour le public en général.
Le sénateur Nolin : Vous serez d’accord avec moi. Consommer du
cannabis — parce que je présume que c’est ce que vos militaires
avaient fait — est une infraction à une loi criminelle. Je comprends
que ce n’est pas dans le Code criminel, et on pourrait lancer tout un
débat sur le fait que cela ne le soit pas. Il s’agit d’une loi fédérale de
nature criminelle, et vos 109 militaires ont été accusés d’avoir posé
un geste criminel. Ils ont été accusés et peut-être trouvés coupables.
Le sénateur Dallaire : J’ai passé 36 ans dans l’armée et je pourrais
vous donner plusieurs autres exemples que celui-là. Ce que j’essaie
de dire, c’est que chaque individu, lors d’un procès par voie
sommaire ou devant une cour martiale, que ce soit d’ordre criminel
ou même disciplinaire — j’aime bien le terme, parce que vous avez
fait la différence —, donc non administratif, a le droit d’être traité de
façon individuelle, de comparaître individuellement devant
l’autorité, d’être individuellement défendu afin qu’il soit,
ultimement, reconnu coupable ou non, et qu’il subisse sa peine.
Mon point, c’est que ce n’est pas ce qu’on est en train de faire ici.
[Traduction]
L’honorable George Baker : Permettez-moi de vous poser la
question suivante. Est-il vrai que, avant que la cour martiale ne soit
autorisée, en 2002, à se saisir d’accusations prévues au Code
criminel, de nombreuses causes en matière disciplinaire ont été
intentées au titre des Ordonnances et règlements royaux applicables
aux Forces canadiennes? Pourrait-il le vérifier?
. (1800)
Est-ce qu’il voudrait également vérifier si les décisions rendues par
ces tribunaux disciplinaires pouvaient faire l’objet d’un appel —
contrairement aux mesures que nous étudions actuellement —, et s’il
existe un ensemble de règles en droit administratif qui ont trait non
pas à la criminalité, mais à des mesures disciplinaires fondées sur les
principes d’équité procédurale et de justice naturelle, qui, si elles
étaient appliquées à cette motion, entraîneraient son rejet?
Des voix : Bravo!
24 octobre 2013
. (2000)
(Le Sénat reprend sa séance.)
Son Honneur le Président : À l’ordre!
Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
Le débat porte sur la motion d’amendement proposée par la
sénatrice Fraser.
Nous poursuivons le débat.
Le sénateur Carignan : Le vote!
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts
à se prononcer?
Des voix : Non.
Le sénateur Munson : Je souhaite ajourner le débat.
(Sur la motion du sénateur Munson, le débat est ajourné.)
[Français]
MOTION TENDANT À SUSPENDRE L’HONORABLE
SÉNATRICE PAMELA WALLIN—SUITE DU DÉBAT
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur
Carignan, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Poirier,
Que, nonobstant toute pratique habituelle ou toute
disposition du Règlement, afin de protéger la dignité et la
réputation du Sénat et de préserver la confiance du public
envers le Parlement, le Sénat ordonne la suspension de
l’honorable sénatrice Wallin pour cause, considérant sa
négligence grossière dans la gestion de ses ressources
parlementaires, et ce jusqu’à l’annulation de cet ordre
conformément à l’article 5-5(i) du Règlement, selon les
conditions suivantes :
a) la sénatrice Wallin ne recevra, pendant la durée de la
suspension, aucune rémunération ou remboursement de
dépenses de la part du Sénat, incluant toute indemnité
de session ou indemnité de subsistance;
b) le droit de la sénatrice Wallin d’utiliser les ressources du
Sénat, notamment les fonds, les biens, les services et les
locaux, de même que les indemnités de déménagement,
de transport, de déplacement et de télécommunications,
sera suspendu pour la durée de la suspension;
Son Honneur le Président : À l’ordre. À l’ordre.
Le sénateur Dallaire : Si c’était le cas, personne d’autre ne
porterait un uniforme.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est
18 heures, la séance est suspendue jusqu’à 20 heures.
(La séance est suspendue.)
c) la sénatrice Wallin ne recevra aucun autre bénéfice du
Sénat pendant la durée de la suspension.
Que, nonobstant les dispositions de cette motion de
suspension, le Sénat confirme que le Comité permanent de la
régie interne, des budgets et de l’administration conserve
l’autorité, s’il le juge approprié, à poser tout geste relatif à la
gestion du bureau et du personnel de la sénatrice Wallin
pendant la durée de la suspension.—(Décision du Président)
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
L’honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) :
Honorables sénateurs, nous en sommes à la motion concernant la
sénatrice Wallin.
Son Honneur le Président : À l’ordre! Cette motion est déjà
proposée par le sénateur Carignan, et, avant que le Président
n’ordonne l’ajournement pour réfléchir à sa décision sur le rappel au
Règlement, le sénateur Cowan était prêt à prendre la parole, n’est-ce
pas?
131
Le sénateur Cowan : Il est déjà en train d’entendre un recours au
Règlement.
Une voix : Oh, oh!
Le sénateur Mercer : Ce n’est pas votre Chambre, c’est celle de
tout le monde.
[Français]
[Traduction]
Le sénateur Cowan allait intervenir. Si j’ai bien compris, la
motion a été proposée par le sénateur Carignan, et celui-ci souhaite
poursuivre le débat. Est-ce bien cela?
Le sénateur Carignan : Monsieur le Président, vous avez rendu
votre décision et j’entends un sénateur qui la remet en question. Ce
n’est pas la façon de remettre en question la décision du Président.
[Traduction]
Le sénateur Carignan : Oui.
Le sénateur Munson : Oui, monsieur. Quelques mots.
[Français]
Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, quelques mots pour
résumer le dossier concernant la sénatrice Wallin. Il s’agit du
27e rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et
de l’administration.
[Traduction]
RECOURS AU RÈGLEMENT
L’honorable Hugh Segal : J’invoque le Règlement.
Son Honneur le Président : Le sénateur Segal a la parole pour un
recours au Règlement.
Le sénateur Segal : Puisqu’il a été établi par la sénatrice Fraser
que le Sénat n’a jamais été saisi du 27e rapport — celui-ci a été
diffusé par d’autres moyens, mais il n’a jamais été déposé au Sénat
— est-il approprié que le sénateur Carignan en cite des passages
comme si le Sénat en avait été saisi alors que le rapport en question
n’a jamais été déposé et n’a jamais fait l’objet d’un débat ou d’une
discussion en cet endroit? Je pose simplement la question de sorte
que nous soyons bien éclairés.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il a été indiqué
dans le cadre du débat, je crois par le sénateur Comeau, que le dépôt
du rapport avait été approuvé par le Sénat, mais qu’il venait d’être
déposé quand la prorogation a été annoncée. Cependant, cela ne
signifie pas que les sénateurs ne sont pas au courant du contenu du
rapport, surtout qu’il a été publié dans tout le pays il y a quelque
temps de cela. Je n’ai donc aucune objection à ce qu’on puisse le
citer comme document public.
Le sénateur Segal : Monsieur le Président, si je puis me permettre,
le rapport a été soumis au Comité permanent de la régie interne, des
budgets et de l’administration, et il y a eu des séances les 12 et
13 août pour en discuter. Il y a des comptes rendus de ces séances,
même si le comité s’est réuni à huis clos.
Une voix : J’invoque le Règlement, Votre Honneur.
Le sénateur Cowan : Il est en train d’entendre un recours au
Règlement!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le rapport
auquel le sénateur Carignan a fait référence est du domaine public
depuis un certain temps. Voilà ma décision.
Je ne serai
vous voulez
décision du
question aux
pas offensé si ma décision est contestée. Toutefois, si
que je demande formellement aux sénateurs si la
Président devrait être maintenue, je mettrai cette
voix. Est-ce que c’est nécessaire?
Le sénateur Segal : Non, monsieur le Président.
Son Honneur le Président : Bien.
Le sénateur Segal : J’accepte évidemment votre décision, mais
j’étais sur le point de soulever une autre question, si vous me le
permettez.
Son Honneur le Président : Absolument.
Le sénateur Segal : Merci.
Le rapport de Deloitte dont le sénateur Carignan a parlé a été
présenté le 12 et le 13 au comité qui se penche sur les dépenses. Il y a
de nombreux échanges pendant les séances entre les représentants de
Deloitte et ceux qui siègent au comité. La transcription de ces
échanges ne peut pas être rendue publique. Ce dont il a été question
à ces séances, ce qui a été dit — les échanges, quoi — ne peuvent
aucunement être utilisés dans le présent débat.
Je me demande, en toute bonne foi, s’il est approprié de citer un
rapport qui pourrait être, en fait, du domaine public, alors que le
comité en a débattu à huis clos et alors que les sénateurs n’ont pas
accès aux transcriptions pour déterminer la véracité ou la pertinence
des conclusions dont on pourrait débattre ou pour se prononcer sur
ce qui s’est passé au comité.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je serais
heureux d’entendre vos observations et vos préoccupations
concernant cette question.
132
DÉBATS DU SÉNAT
[Français]
L’honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je sais
que le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets
et de l’administration a les pouvoirs d’agir lorsqu’il y a prorogation,
mais quels sont ces pouvoirs? Je crois qu’ils sont limités à une
certaine administration des affaires du Sénat.
Concernant le rapport qui nous a été soumis, il n’a pas été discuté
ni adopté en Chambre. Cela fait un certain temps qu’il est devant
nous et l’on nous a dit, hier, qu’on avait reçu des copies, mais le fait
est quand même que la différence entre ce rapport et les deux autres,
c’est que les deux autres ont été soumis et adoptés. Celui-ci n’a pas
été débattu et n’a pas été adopté. Il pourrait bien y avoir des choses
dans ce rapport qui auraient poussé certains sénateurs à voter contre
le rapport, et peut-être même l’ensemble des sénateurs. Je crois qu’il
s’agit quand même d’un point litigieux. Monsieur le Président, je ne
crois pas vous avoir aidé énormément, mais c’est ma vision. Je vous
remercie.
. (2010)
Le sénateur Carignan : Je vous réfère au 27e rapport du Comité
sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de
l’administration.
Le 29 novembre 2012, un sous-comité de ce Comité a
ordonné la tenue d’un examen externe des habitudes de
déplacements inusitées de la sénatrice Pamela Wallin. Ces
habitudes consistent en de fréquents arrêts à Toronto, ainsi
que des trajets de retour entre Ottawa et Toronto et entre la
Saskatchewan et Toronto. Les déplacements des sénateurs
entre Ottawa et la province ou le territoire qu’ils représentent
pour qu’ils puissent retourner à leur domicile sont pratique
courante et constituent en fait le fondement du système des
points de déplacement. Toutefois, les déplacements vers
d’autres destinations au Canada que la province ou le
territoire de résidence ne peuvent être remboursés que si le
sénateur participe à des activités parlementaires à ces
destinations.
Un marché a été officiellement conclu avec Deloitte le
3 janvier 2013. Deloitte devait, d’une part, effectuer un
examen des demandes de remboursement de la sénatrice
Wallin et des pièces justificatives fournies afin de déterminer si
elles sont soit conformes aux pratiques du Sénat, soit sujettes à
remboursement au receveur général ou soumises à
l’interprétation et à la décision du Comité permanent de la
régie interne, des budgets et de l’administration et, d’autre
part, examiner les dépenses de subsistance engagées par la
sénatrice Wallin dans la région de la capitale nationale (RCN).
Les conclusions contenues dans le Rapport de Deloitte en
annexe portent sur les habitudes de déplacement de la
sénatrice Wallin et la conformité de ses dépenses
La période d’examen s’étendait de janvier 2009 au
30 septembre 2012. Les habitudes de déplacement inusitées
visées par l’examen consistaient en des arrêts fréquents à
Toronto, où la sénatrice Wallin possède une résidence.
Deloitte a conclu que, au cours de la période d’examen, la
sénatrice a effectué 94 voyages entre la Saskatchewan et
Ottawa, et que 75 d’entre eux comportaient un arrêt d’une nuit
ou plus à Toronto. Dans les cas où il a été prouvé que l’arrêt
était motivé par des activités parlementaires ou effectué pour
éviter une arrivée tardive à la destination finale, Deloitte a
déterminé que la demande de remboursement était conforme.
Dans les cas contraires, les surcoûts engendrés par les arrêts
ont été désignés comme remboursables. D’autres frais
24 octobre 2013
de déplacement ont été désignés comme entièrement
remboursables. Le montant total à rembourser s’élève à
121 348 $. De ce montant, la sénatrice Wallin a déjà
remboursé 38 369 $, d’après les conclusions d’un examen
qu’elle a elle-même effectué. À titre de comparaison, 390 182 $
du total des frais de déplacement, soit 532 508 $, ont été
désignés comme conformes (73 p. 100).
Deloitte a également désigné certains frais de déplacement
et activités comme étant soumis à l’interprétation et à la
décision du comité directeur du Comité permanent de la régie
interne, des budgets et de l’administration. Ces frais s’élèvent à
20 978 $.
Au cours de son examen, Deloitte a relevé des manques de
cohérence entre les renseignements fournis par la sénatrice
Wallin et son adjointe de direction et les renseignements
subséquemment obtenus par des recherches et dans les
sauvegardes du calendrier Outlook. Les divergences citées
dans le Rapport Deloitte soulèvent de sérieuses
préoccupations et le comité estime que celles-ci ne peuvent
être réglées à l’interne.
En ce qui concerne les frais de subsistance, Deloitte a
indiqué dans son rapport que la sénatrice Wallin a présenté
une déclaration concernant ses résidences principale et
secondaire le 26 mars 2009. Celle-ci contenait les
coordonnées d’une résidence privée à Ottawa (la preuve de
propriété a été présentée le 26 juin 2009) et celles de sa
résidence principale à Wadena, en Saskatchewan. La résidence
de la sénatrice Wallin dans la RCN est demeurée la même
jusqu’au 25 juin 2011, date où elle a présenté une nouvelle
déclaration indiquant qu’elle ne possédait plus de résidence
privée à Ottawa. À partir de ce moment, les demandes de
remboursement des frais de subsistance de la sénatrice visaient
des frais d’hébergement commercial. Au cours de cette période
de 26 mois, du mois d’avril 2009 au mois de juin 2011, la
sénatrice a reçu au total 22 960 $ en remboursement de
dépenses de subsistance, conformément aux dispositions sur le
remboursement des dépenses d’hébergement privé.
Dans le cadre de son analyse des demandes de
remboursement des frais de subsistance, Deloitte a effectué
un examen exhaustif de la localisation de la sénatrice Wallin,
empruntant la même méthodologie que celle utilisée pour
l’examen des dépenses de subsistance des sénateurs Brazeau,
Harb et Duffy. Des documents du Sénat, comme le registre des
présences du Sénat et les demandes de frais de déplacement
(appuyées par des reçus de transporteurs commerciaux, etc.),
et des documents de tierces parties comme les factures de
service de téléphonie cellulaire et des relevés de carte de crédit
ont été utilisés pour déterminer l’emplacement de la sénatrice
Wallin au cours de la période d’examen, qui s’étendait de
janvier 2009 au 30 septembre 2012. Deloitte a été en mesure
d’établir avec certitude la localisation de la sénatrice Wallin —
c’est-à-dire Ottawa, sa résidence principale déclarée en
Saskatchewan ou ailleurs — pour 93 p. 100 des jours de la
période d’examen.
Deloitte a déterminé qu’au cours des 1 369 jours de la
période d’examen, la sénatrice Wallin a passé 22 p. 100 de son
temps à Ottawa pour affaires du Sénat; 27 p. 100 de son temps
en Saskatchewan; et 35 p. 100 de son temps à Toronto, dont
une partie pour des activités parlementaires. Elle a passé le
restant de son temps dans d’autres lieux, dont 6 p. 100 pour
des affaires du Sénat et 9 p. 100 pour des affaires privées.
Compte tenu des habitudes de déplacement de la sénatrice,
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
du fait qu’elle ne possédait pas de résidence à Ottawa au cours
de 19 des 45 mois de la période d’examen et du fait qu’elle a
rarement passé du temps à Ottawa pour des affaires autres que
celles du Sénat, Deloitte a pu conclure que la résidence
principale de la sénatrice se trouvait à plus de 100 km de la
RCN et que les demandes de remboursement des frais de
subsistance semblaient conformes.
En conclusion, votre comité est d’accord avec l’analyse
présentée par Deloitte dans son rapport. Nous tenons à
souligner que, dans le cadre de son examen, Deloitte a
appliqué les principes et le cadre stratégique du Sénat avec
rigueur et que la firme a tenu compte, lorsque nécessaire, des
pratiques générales du Sénat.
Par conséquent, votre comité détermine et recommande :
. Que les demandes de remboursement des frais de
déplacement présentées par la sénatrice Wallin jusqu’à
ce jour ont été reçues adéquatement;
. Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets
et de l’administration ordonne à la sénatrice Wallin de
rembourser les montants additionnels relevés dans le
Rapport Deloitte, et que le Sénat ordonne le
remboursement des intérêts au taux préférentiel plus
1 p. 100;
. Que les montants désignés comme « soumis à
l’interprétation et à la décision du Comité » soient
examinés et que l’on avise dans les plus brefs délais la
sénatrice Wallin de tout remboursement supplémentaire
découlant de cet examen;
. Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets
et de l’administration suspend le droit de la sénatrice
Wallin d’utiliser les ressources du Sénat pour les
déplacements de la façon suivante :
. sont uniquement admissibles les vols directs ou avec
correspondances immédiates entre Saskatchewan et
Ottawa pour participer à des affaires du Sénat;
. tout autre itinéraire doit être approuvé au préalable
par le Sous-comité du programme et de la procédure
(directeur);
. les frais de déplacement réclamés par la sénatrice
Wallin continueront de faire l’objet d’un contrôle
constant pour une période d’au moins un an suivant
la date d’adoption du présent rapport;
133
. Que, suite à l’adoption par votre Comité, ce rapport soit
déposé auprès du greffier du Sénat et, de ce fait, soit
réputé avoir été déposé à la Chambre, et que son étude
soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du
Sénat, conformément à l’ordre du Sénat du 20 juin 2013.
Honorables sénateurs, le rapport du Comité de la régie interne
était accompagné du rapport d’examen des frais de déplacement et
de subsistance de la sénatrice Wallin effectués par la firme Deloitte,
présenté en août 2013. Je dois souligner que c’est un rapport qui est
volumineux et qui représente une étude complète. J’attire d’ailleurs
votre attention sur la page 1 du rapport de Deloitte; au deuxième
paragraphe, on dit :
Nommée vers la fin décembre 2008, la sénatrice Pamela
Wallin voyage régulièrement à destination et en provenance de
la Saskatchewan avec des arrêts et des séjours à Toronto. Elle
justifie le plus souvent ses demandes de frais en invoquant les
« affaires du Sénat ». Comme ces demandes semblent
conformes aux règles, elles sont traitées comme telles par les
services financiers du Sénat. Fin 2012, les demandes de frais de
la sénatrice Wallin ont été soumises à examen après que le
Sénat eut appris que, bien que la sénatrice les ait présentées
dans les formes, le but de ses déplacements et ses habitudes de
voyage ne cadraient peut-être pas avec les politiques et lignes
directrices du Sénat.
Le mandat a été donné à Deloitte — je cite le même rapport,
paragraphe 1.2 :
La période d’examen s’étendait à l’origine du 1er avril 2011
au 30 septembre 2012, mais après un compte rendu des
résultats provisoires de notre examen, le Sénat nous a
demandé d’examiner toutes les demandes présentées par la
sénatrice Wallin entre le 1er janvier 2009 et le 30 septembre
2012, y compris les demandes de frais de subsistance dans la
Région de la capitale nationale.
Deloitte, comme dans les autres rapports, cite les politiques et
lignes directrices sur les frais de déplacement et de subsistance des
sénateurs.
Au paragraphe 1.3 du rapport :
Les sénateurs se font rembourser leurs frais de bureau et de
déplacement conformément à la Loi sur le Parlement du
Canada et aux politiques et lignes directrices du Sénat. Ils
indiquent sur la demande de remboursement qu’ils ont engagé
les frais pour « affaires parlementaires » ou « affaires du
Sénat » sans avoir à donner de plus amples justifications aux
services financiers du Sénat pour démontrer le bienfondé des
demandes de remboursement. Ils doivent conserver dans leurs
dossiers pendant sept ans les détails relatifs à la nature des
affaires parlementaires invoquées.
. (2020)
. Nonobstant la pratique usuelle du Sénat, que le Comité
permanent de la régie interne, des budgets et de
l’administration demande aux autorités compétentes
d’examiner les questions faisant l’objet du Rapport
Deloitte et les renseignements connexes, et que le Comité
renvoie les documents qu’il juge appropriés aux autorités
compétentes aux fins de son enquête;
On cite ensuite l’article 1 du chapitre 4 du Guide sur les ressources
pour les sénateurs :
Les sénateurs ont le droit de voyager aux frais du Sénat
pour leurs fonctions parlementaires dans leur région, à
destination ou en provenance d’Ottawa, et ailleurs au
Canada [...]
134
DÉBATS DU SÉNAT
On cite également l’alinéa 2.1.1 de la Politique sur les
déplacements, adoptée le 5 juin 2012, qui va dans le même sens, et
l’annexe A de cette politique qui donne des exemples. On nous dit :
Pour évaluer les demandes de frais de déplacement de la
sénatrice Wallin [...]
— donc, on l’a rencontrée —
[...] nous avons obtenu d’elle et d’autres sources des
renseignements sur la nature de ses engagements et le but de
ses déplacements. Pour déterminer si ces engagements cadrent
avec ses « fonctions parlementaires », nous nous sommes
référés aux documents suivants :
. L’annexe A de la Politique régissant les déplacements des
sénateurs. Bien qu’elle soit entrée en vigueur le 5 juin
2012, nous avons appliqué les exemples qui s’y trouvent
à l’ensemble de la période d’examen car ils nous
paraissent mettre en lumière les principes directeurs
existants.
Certains frais engagés concernaient des engagements personnels
que la sénatrice avait contractés avant sa nomination au Sénat.
Donc, il est apparu que des frais pour des engagements effectués
avant d’entrer Sénat, mais qui se sont produits après son arrivée au
Sénat, avaient également été réclamés.
On mentionne également les frais engagés lorsque la sénatrice
revenait à Ottawa d’un voyage pour affaires personnelles; les frais
engagés pour donner des conférences ou participer à des activités
sans lien avec les affaires du Sénat; et, finalement, des frais reliés à
des activités partisanes, par exemple des activités de collecte de
fonds.
Il y a aussi des frais additionnels de 31 025 $. Il s’agit de frais que
la sénatrice a engagés lorsque, entre Ottawa et la Saskatchewan, elle
faisait un arrêt à Toronto. Deloitte a quantifié ces frais à
rembourser au receveur général, en précisant toutefois que ces
frais pourraient sans doute être imputés au Sénat dans certaines
circonstances, à savoir dans les situations où — page 3 du rapport :
. la sénatrice se trouvait à Toronto au moment de l’arrêt
pour affaires du Sénat;
. la sénatrice devait se trouver à Ottawa ou en
Saskatchewan pour affaires du Sénat à des moments
de la journée où un vol direct ou de correspondance à
destination ou en provenance de la Saskatchewan
n’aurait pas été raisonnable étant donné qu’une fois
arrivée là-bas, elle doit faire deux heures de route pour se
rendre à Wadena.
On nous dit ici que l’annexe A de la politique, qui donnait des
exemples, a servi à titre de guide parce qu’elle mettait en lumière des
exemples de principes directeurs qui existaient avant l’adoption de la
politique du 5 juin.
. Les observations du comité directeur de la Régie interne
sur les points mis en évidence par Deloitte à l’issue de
notre examen de la première période.
Suite à l’examen, la somme des frais réclamés par la sénatrice qui
ont donné lieu à une demande de remboursement au receveur
général s’élevait à 121 348 $, et celle des frais soumis à
l’interprétation du comité directeur de la régie interne, à 20 978 $.
On explique également la démarche employée :
La sénatrice Wallin justifie la plupart de ses demandes de
frais de déplacement en invoquant les « affaires du Sénat »
comme il est d’usage, semble-t-il, au Sénat. Dans un nombre
limité de cas, elle ajoute à la demande remise aux services
financiers du Sénat un supplément d’information sur le but du
déplacement.
On a également fait appel aux ressources suivantes :
. la sénatrice Wallin et son actuelle adjointe de direction;
. les calendriers de la sénatrice Wallin;
. la recherche sur Internet et auprès de tierces parties.
On nous détaille les frais sujets à remboursement au receveur
général, soit 90 323 $, et on nous explique que les différents frais
étaient, entre autres, des frais remboursés parce que la sénatrice
estimait les avoirs engagés pour des affaires personnelles.
Donc, pour un certain nombre de frais, la sénatrice a admis qu’il
s’agissait de frais pour affaires privées.
[ Le sénateur Carignan ]
24 octobre 2013
La section de la page 5 du rapport recense une série de documents
examinés et d’entretiens réalisés.
. (2030)
Je vous en fais la nomenclature pour vous montrer jusqu’à quel
point l’étude de Deloitte a pris en compte une quantité importante
de faits et de documents.
Le premier document est une lettre datée du 24 août 2012 par
Alison Stodin. C’est une ancienne employée du bureau de la
sénatrice Wallin. Cette lettre a été adressée à la sénatrice Stewart
Olsen en sa qualité de membre du Comité sénatorial permanent de
la régie interne, des budgets et de l’administration. C’est une
employée qui est demeurée à l’embauche de la sénatrice Wallin pour
deux mois, juillet 2012 et août 2012.
Nous avons le compte rendu d’un examen des dépenses de la
sénatrice, dressé par les services financiers du Sénat en octobre 2012
et les politiques et lignes directrices du Sénat en vigueur au
1er janvier 2009 jusqu’au 30 septembre 2012. Donc, tous les
documents d’application et d’interprétation pour cette période en
vigueur ont été examinés, entre autres, le Règlement administratif du
Sénat, la Politique régissant les déplacements des sénateurs, les
Lignes directrices régissant les déplacements des sénateurs, le Guide
des ressources pour les sénateurs, les Lignes directrices sur les frais
de subsistance des sénateurs dans la RCN.
Comme documents supplémentaires, nous avons les demandes de
frais de déplacement de la sénatrice Wallin et pièces justificatives, de
janvier 2009 à septembre 2012; la description de déplacements et
d’activités et les calendriers mensuels Outlook fournis par le bureau
de la sénatrice Wallin à l’appui des demandes de frais de
déplacement; les rapports médiatiques et bulletins du bureau
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
de la sénatrice Wallin faisant état de sa participation à diverses
activités; les réponses du bureau de la sénatrice Wallin aux
demandes de renseignement de Deloitte concernant ses demandes
de frais de déplacement et les activités auxquelles elle a participé, et
les pièces justificatives afférentes; les recherches sur Internet
relatives aux activités auxquelles a participé la sénatrice durant la
période d’examen; des notes de bureau de la sénatrice Wallin
adressées aux services financiers du Sénat concernant les
remboursements de ses frais de déplacement; les rapports de
présence et justificatifs de congés de maladie; les renseignements
reçus des associations de circonscriptions de Saskatchewan et de
certaines associations de circonscriptions de l’Ontario concernant
les activités auxquelles a participé la sénatrice Wallin; un résumé
public de la sénatrice Wallin remis au Bureau du conseiller
sénatorial en éthique; ses relevés de téléphone cellulaire pour la
période d’examen; ses états de compte Visa pour la période
d’examen; sa déclaration de résidence principale et les pièces
justificatives; les versions électroniques des calendriers Outlook de
la sénatrice Wallin sauvegardés le 30 septembre 2011, le 27 décembre
2012 et le 28 juin 2013; et, finalement, un résumé dressé par le
greffier principal adjoint des comités des réunions des comités
prévus au calendrier et la participation de la sénatrice Wallin aux
réunions de comité durant la période d’examen.
Vous pouvez donc voir qu’il y a eu une étude exhaustive de
l’ensemble de la documentation et des pièces justificatives du bureau
de la sénatrice Wallin.
Nous avons également, des entretiens de la sénatrice Wallin avec
son adjointe Renée Montpellier, adjointe de la sénatrice depuis
octobre 2012; Helen Krzyzewski, adjointe de la sénatrice Wallin, de
septembre 2009 à octobre 2010; Sabrina Hamilton, adjointe de
direction de la sénatrice de décembre 2010 à juin 2012; Alison
Stodin, adjointe de direction de la sénatrice de juillet 2012 à août
2012 environ; , des discussions avec le greffier, M. O’Brien, avec Jill
Anne Joseph, notre directrice de la vérification interne et de la
planification stratégique; des discussions et rencontres avec les
agents des services financiers du Sénat, dont Mme Nicole Proulx,
Bonnie Marga, Maggie Bourgeau et Mélissa Lalande, et Peter
Feltham, chef d’exploitation des réseaux au Sénat du Canada.
Honorables sénateurs, il y a une quantité importante de
documentation et de pièces justificatives. Il y a eu plusieurs
rencontres avec les employés de la sénatrice, entre elle-même et les
services administratifs, et il y a l’ensemble des documents qui sont
pertinents pour faire une évaluation complète.
Parmi ces documents, nous retrouvons un tableau, à la page 9, qui
résume les différents outils d’application pour les périodes
pertinentes. J’attire votre attention, particulièrement sur la page 9,
à la section 3.2, où on dit que :
Durant la période d’examen, le droit des sénateurs à se
déplacer aux frais du Sénat était encadré par le Guide des
ressources pour les sénateurs et, après son entrée en vigueur le
5 juin 2012, par la Politique régissant les déplacements des
sénateurs.
Et on cite le Guide des ressources pour les sénateurs, au chapitre 4,
où il est dit :
Les sénateurs ont le droit de voyager aux frais du Sénat
pour leurs fonctions parlementaires dans leur région, à
destination ou en provenance d’Ottawa, et ailleurs au Canada.
135
Le paragraphe 2.1.1 de la Politique régissant les déplacements des
sénateurs dit :
Conformément à la présente politique, les déplacements
font partie intégrante des fonctions parlementaires des
sénateurs. Les fonctions parlementaires sont généralement
exercées à Ottawa et les sénateurs doivent se déplacer afin
d’assister aux séances du Sénat et aux réunions des divers
comités. Les sénateurs assument également ces fonctions
parlementaires dans leur région et, de temps à autre, ils
peuvent être appelés à se rendre ailleurs au pays et dans le
monde, au service du Sénat.
On identifie, au paragraphe 2.7.1, le système de 64 points pour
l’exercice des fonctions parlementaires.
Honorables sénateurs, je ne vous remontrerai pas une autre fois la
formule pour réclamer des frais de déplacement. Vous la connaissez
bien et vous l’avez vue. Vous la complétez. C’est toujours le même
formulaire de frais de déplacement où on doit justifier la notion de
fonction parlementaire et les différents montants ou les différentes
réclamations.
Au cours de son enquête, la firme Deloitte a identifié une
problématique de calendriers. Ils ont fait une section, à la page 15,
qui s’intitule, au numéro 4.2.1, Renseignements contradictoires et
inscriptions aux calendriers Microsoft Outlook. Il semble qu’il y avait
trois versions différentes du calendrier Outlook et qu’ils aient amené
certaines non-concordances entre les différentes inscriptions. Je
n’entrerai pas dans le détail de chacune de ces non-concordances.
Vous pouvez les trouver, le document est public. Cela va de la
page 15 à la page 17 du rapport, où on démontre qu’il y a des nonconcordances entre les versions des différentes sections du
calendriers.
. (2040)
Vous avez une lettre de l’avocat de la sénatrice Wallin. Elle était
aussi représentée par l’ avocat dans cette démarche de vérification. Il
y a une lettre de l’avocat qui est jointe et qui explique la raison des
différentes versions du calendrier.
Honorables sénateurs, j’aimerais aller de façon plus détaillée dans
les différentes demandes de remboursement. Et j’ai fait un
décompte...
[Traduction]
L’honorable Anne C. Cools : J’invoque le Règlement.
Son Honneur le Président : La sénatrice Cools invoque le
Règlement.
La sénatrice Cools : Je ne suis pas certaine de bien comprendre
pourquoi nous sommes encore ici alors qu’il est 21 heures. Je ne
comprends vraiment pas. Il serait peut-être bon qu’on nous explique
pourquoi.
J’aimerais savoir jusqu’à quelle heure je peux m’attendre à siéger,
ce soir. Je n’appartiens à aucun caucus, alors je ne reçois jamais
l’information donnée aux caucus. Vous avez l’obligation de nous
expliquer. Nous sommes ici depuis pas mal longtemps. Je n’ai pas la
moindre idée du calendrier des séances. Je viens d’apprendre par
hasard que nous siégeons demain matin.
136
DÉBATS DU SÉNAT
Pensez-vous vraiment cela, madame la sénatrice LeBreton? Je
crois que ce qui se passe actuellement dans cette enceinte est
absolument honteux. C’est un scandale terrible. Vous êtes en train
de ruiner la vie des gens. Quel déshonneur! Nous sommes au Sénat
du Canada. Je veux savoir quand nous allons siéger.
Son Honneur le Président : À l’ordre, honorables sénateurs.
La sénatrice Cools invoque le Règlement pour soulever une
question importante. Elle voudrait savoir si quelqu’un est capable
de lui indiquer combien de temps nous siégerons ce soir et de lui
indiquer aussi si nous allons siéger demain matin.
Je sais qu’il est toujours plus prudent de porter le chapeau de
l’historien que celui du prophète, mais le Règlement dit que nous ne
pouvons siéger plus tard que minuit ce soir. À minuit, le Règlement
prévoit que la séance sera levée. Si nous ne sommes pas capables de
nous entendre sur le moment de la reprise de nos travaux, alors ce
sera à neuf heures demain matin. C’est ce que prévoit le Règlement.
Débat. Le sénateur Carignan a la parole.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’aimerais continuer avec les différentes
réclamations. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, j’ai fait un
décompte de la quantité de réclamations qui étaient qualifiées de
recevables par rapport aux fonctions parlementaires, celles qui
étaient partiellement ou complètement irrecevables et celles qui
touchaient les activités personnelles.
Pour la période de janvier 2009 jusqu’à septembre 2012, les
réclamations qui ont été effectuées, qui sont en tout ou partiellement
sans lien avec les affaires du Sénat, étaient au nombre de 78.
Il y avait 43 demandes qui ont occasionné un coût supplémentaire
dû au fait qu’il y avait un arrêt; ce sont surtout des arrêts à Toronto
qui étaient plus longs qu’une journée et qui amenaient une
surcharge, et que cet arrêt n’était pas justifié par des affaires
parlementaires. Cela fait un total de 121 réclamations qui, en tout
ou partiellement, n’étaient pas reliées aux affaires parlementaires de
la sénatrice.
À cela s’ajoutent 31 autres réclamations que la firme Deloitte
n’était pas capable de trancher parce qu’ils trouvaient qu’il leur
manquait de l’information; ils avaient besoin de l’expérience des
sénateurs. C’est nous qui exerçons, en tant que sénateurs, la fonction
parlementaire, donc on la connaît davantage, et Deloitte a demandé
l’interprétation du Comité de la régie interne. Il y a 31 réclamations
qui ont dû être tranchées par le Comité de la régie interne.
Vous avez entendu la question de l’interprétation, à savoir que la
notion de fonction parlementaire n’est pas clairement définie, qu’elle
dépend des activités de chacun. Quand on fait plus d’activités, c’est
plus difficile à déterminer. Un sénateur actif rencontre plus de gens.
Les fonctions parlementaires peuvent être assez diverses.
On peut avoir des problèmes d’interprétation, ce qui fait que,
selon la sénatrice Wallin, il y a 121 réclamations qu’elle a faites en
pensant que c’était des fonctions parlementaires, mais qui ont été
rejetées par le Comité de la régie interne suite à la recommandation
du rapport Deloitte.
[ La sénatrice Cools ]
24 octobre 2013
J’aimerais attirer votre attention sur 31 réclamations. Je ne parle
pas des 31 qui ont été tranchées par le comité; c’est le même nombre,
mais ce ne sont pas les mêmes réclamations. La sénatrice Wallin a
elle-même admis que 31 réclamations étaient de nature privée. Suite
à la révision de ces dossiers, lorsque la vérification et l’enquête ont
commencé, il y avait 31 réclamations distinctes qui étaient, en tout
ou en partie, de nature complètement privée, ce que la sénatrice
Wallin a elle-même admis, et qui ne prêtaient donc pas à
interprétation.
Pour la réclamation no 5382, du 9 au 13 février 2009, au montant
de 1 077 $ pour un vol de Toronto-Ottawa, Ottawa-Toronto, il a été
jugé qu’un montant de 505,85 $ devait être remis au procureur
général. D’après la version de la sénatrice Wallin, elle a pris l’avion
d’Ottawa à Toronto, le 13 février 2009. Son bureau a déclaré qu’il
s’agissait d’un déplacement concernant des intérêts privés antérieurs
à sa nomination. Il a ajouté que pendant cette période de transition,
la sénatrice croyait qu’elle était autorisée à honorer ses engagements
antérieurs à sa nomination au Sénat. Elle a admis que c’était une
activité de nature privée.
La réclamation no 5387, du 16 au 20 mars 2009, au montant de
114,11 $ : la sénatrice Wallin a pris l’avion d’Ottawa à Toronto
dans la soirée du 20 mars 2009. Le bureau de la sénatrice a déclaré
qu’il agissait d’un déplacement concernant des intérêts privés
antérieurs à sa nomination au Sénat. Je m’excuse, ce montant
n’est pas 114 $ mais bien de 3 843,71$.
La réclamation no 5388, du 23 au 26 mars 2009 : la sénatrice
Wallin a pris l’avion de Toronto en direction d’Ottawa; il s’agissait
de son vol de retour. Dans ce document, un peu plus bas, on nous
dit : « La sénatrice a pris un vol d’Ottawa. Son bureau a indiqué que
ce voyage avait été fait dans le cadre d’intérêts privés qui existaient
avant sa nomination. »
Ce sont donc trois réclamations de nature privée qui, semble-t-il,
avaient été prises avant la période de nomination.
. (2050)
Au numéro 5394, du 3 au 8 mai, 5 519,02 $, un vol TorontoCalgary — la motivation : toujours affaires du Sénat. La sénatrice
Wallin a pris l’avion de Toronto à Calgary le 3 mai 2009. Son
bureau a indiqué que ce voyage était motivé par les intérêts privés de
la sénatrice et que les dépenses afférentes n’auraient pas dû être
défrayées par le Sénat. La somme de 4 794,90 $ a donc dû être
remboursée le 9 mai 2013.
La somme au complet est 5 519,02 $, et la somme est de
4 794,90 $. Vous me direz que c’est une somme entre le mois de
février, mars; on est rendus à mai, cela fait trois ou quatre mois, et
nous sommes au mois de mai, on est à la quatrième demande qui est
de nature privée, un montant de 4 754,74 $, et elle admet elle-même
que c’est de nature privée. Donc, cela ne prête pas à interprétation.
Du 22 au 26 juin 2009, 2 856,05 $ — la motivation : toujours
affaires du Sénat. Et on nous indique que la sénatrice a pris l’avion
d’Ottawa à Calgary, le 23 juin 2009. Son bureau a indiqué que ce
déplacement avait été motivé par des intérêts privés et que les
dépenses afférentes n’auraient pas dû être payées par le Sénat. Donc,
un remboursement de 2 561,50 $.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Au mois de juillet, du 21 au 26 juillet, une autre réclamation
motivée « affaires du Sénat ». La justification : la sénatrice Wallin a
fait un voyage à Calgary du 22 au 26 juillet. Son bureau a indiqué ce
qui suit : « voyage pour raisons personnelles aux frais de la
sénatrice, du 22 au 25 juillet, à Calgary ». Certaines indemnités
quotidiennes ont été réclamées à tort. Erreur administrative. La
sénatrice a obtenu du Sénat un remboursement d’indemnité
quotidienne.
Les 16, 21 et 22 janvier 2010, une réclamation de 1 769,95 $,
Ottawa-Toronto, Ottawa-Toronto. Justification : affaires du Sénat.
On nous dit que la sénatrice Wallin a pris l’avion d’Ottawa à
Toronto le 16 janvier 2010 et est retournée à Ottawa le 21 janvier
2010. Son bureau a indiqué que le 19 janvier 2010, la sénatrice avait
été invitée à prendre part à un déjeuner de l’Empire Club au cours
duquel le président et chef de la direction de la compagnie aérienne
Porter devait intervenir comme conférencier invité. Le calendrier
Outlook de 2013 contient une nouvelle entrée « Empire Club
event » et l’indication suivante : « déjeuner, septième cérémonie du
p.d.g. de l’année Porter ». Donc, une somme qui avait été justifiée
aussi sous « affaires du Sénat » et qui devait être remboursée, pour
une somme de 1 281,95 $.
La réclamation du 3 au 12 mai 2010, 707,78 $, pour affaires du
Sénat. Justification : la sénatrice a pris l’avion Toronto-Ottawa, le
10 mai 2010. Selon son bureau, comme elle revenait d’un voyage
d’affaires privé, elle n’aurait pas dû se faire rembourser les frais
engagés. Remboursement de la somme.
Le 16 juillet 2010, 99,23 $, non précisé. Entrevue pour le Sénat.
Selon son bureau, la sénatrice s’est occupée d’affaires personnelles
du 14 au 16 juillet 2010, et elle n’aurait pas dû réclamer ce montant.
Du 2 au 13 décembre 2010, 1 252,71 $, un vol Ottawa-TorontoOttawa justifié « affaires du Sénat ». La sénatrice a pris l’avion
Ottawa-Toronto le 2 décembre 2010. Selon son bureau, le
déplacement était pour affaires personnelles et n’aurait pas dû se
faire aux frais du Sénat. Remboursement de la somme.
Le 5 septembre 2011, 1 779,62 $, Toronto-Ottawa-Toronto,
« affaires du Sénat » comme justification. La sénatrice Wallin a
pris l’avion. Le bureau de la sénatrice a fait savoir qu’il s’agissait
d’affaires privées et que les frais connexes n’auraient pas dû être
réclamés au Sénat.
La semaine d’après, du 7 au 14 septembre 2011, une réclamation
encore, affaires du Sénat. Une partie de 723,83 $, on nous dit que le
bureau de la sénatrice a effectué des vérifications à l’issue desquelles
la sénatrice a remis la somme de 738 $ qu’elle avait réclamée pour
ses dépenses et qu’elle avait remboursée à tort.
Le 31 octobre 2011, une autre réclamation, 1 251,17 $, justifiée
« affaires du Sénat ». La sénatrice Wallin a pris l’avion d’Ottawa
pour se rendre à Toronto. Le bureau de la sénatrice a fait savoir
qu’il s’agissait d’affaires privées et que les frais connexes n’auraient
pas dû être réclamés.
Quelques jours plus tard, le 1e novembre 2011, 1 861,77 $,
justification « affaires du Sénat ». On nous dit que la sénatrice
Wallin a pris l’avion d’Ottawa pour se rendre à Toronto, le
1er novembre 2011, dans la soirée. Le bureau de la sénatrice a fait
savoir qu’il s’agissait d’une affaire privée et que les frais connexes
n’auraient pas dû être réclamés. Remboursement du montant.
137
Le 2 novembre 2011, 1 251,17 $, Toronto-Ottawa-Toronto,
toujours la même justification. La sénatrice, après avoir effectué
des vérifications à l’issue desquelles la sénatrice a remis la somme de
763 $ qu’elle avait réclamée pour ses dépenses et qui lui auraient été
remboursée à tort.
Du 9 au 13 novembre 2011, 1 703,03 $, « affaires du Sénat »
comme justification. La sénatrice a pris l’avion d’Ottawa pour se
rendre à Toronto le 13 novembre. Le bureau de la sénatrice a fait
valoir qu’il s’agissait d’affaires privées et que les frais connexes
n’auraient pas dû être réclamés. Remboursement de 1 128,34 $.
Du 14 au 20 novembre 2011, une autre réclamation justifiée
« affaires du Sénat », remboursement d’une partie des sommes en
disant que le bureau de la sénatrice a effectué des vérifications à
l’issue desquelles la sénatrice a remis la somme de 761,78 $ qu’elle
avait réclamée pour ses dépenses et qui lui avait été remboursée à
tort.
Du 21 au 27 décembre 2011, 5 130,94 $, affaires du Sénat. La
sénatrice Wallin a pris l’avion à Saskatoon pour se rendre à Toronto
le 27 décembre 2011. Le bureau de la sénatrice a fait savoir qu’il
s’agissait d’affaires privées et que les frais connexes n’auraient pas
dû être réclamés au Sénat. Remboursement de 2 492,81 $.
Du 7 au 17 janvier 2012, 5 300,89 $ de réclamation, affaires du
Sénat. Le bureau de la sénatrice a effectué des vérifications à l’issue
desquelles la sénatrice a remis la somme de 2 790 $ qu’elle avait
réclamée pour ses dépenses et qui lui avait été remboursée à tort.
Du 27 février au 2 mars 2012, 1 573,01 $, réclamation.
Justification : affaires du Sénat. La sénatrice Wallin a signalé qu’il
s’agissait d’affaires privés et que les frais connexes n’auraient pas dû
être réclamés au Sénat. Remboursement de la somme : 1 516,16 $.
Du 4 au 8 mars 2012, c’est la même chose.
. (2100)
Ensuite, du 7 au 9 mai 2012, 10 mai 2012, du 11 au 13 juin 2012,
du 13 au 14 juin 2012, du 18 au 22 juin 2012, du 25 au 29 juin 2012,
du 9 au 13 juillet 2012, du 26 au 29 juillet 2012, du 20 au 23
septembre 2012, du 23 au 25 septembre 2012; ce sont toutes des
réclamations qui ont été remboursées en tout ou en partie en
justifiant « affaires privées » et réclamées à tort.
Vous vous rappelez de la formule selon laquelle on doit certifier
que les montants réclamés respectent le Règlement administratif du
Sénat, le guide et les politiques, qu’on a fait la vérification et que
tout est conforme. Comment peut-on savoir, trois ans après, qu’il
s’agissait d’affaires privées et ne pas le savoir 30 jours plus tard? On
a un maximum de 60 jours pour soumettre nos réclamations.
Normalement, on se souvient de la nature de la demande qu’on a
faite. Si on est capable de savoir trois ans plus tard que c’était de
nature privée, on devait nécessairement le savoir 30 jours après la
réclamation.
Comme je l’ai dit pour les autres sénateurs, ce sont des sommes
importantes, ce ne sont pas des montants qui prêtent à
interprétation. La sénatrice a elle-même admis que c’était de
nature privée. Ce n’est pas : « J’ai rencontré le président Untel
dans le cadre de mes fonctions », ou « J’ai rencontré l’ambassadeur
dans le cadre de mes affaires étrangères », ou « Je suis allée manger
avec tel président de compagnie, puis je pense que c’est dans le cadre
de mes fonctions parlementaires »; ce sont des événements qui ont
été désignés comme n’étant pas des fonctions parlementaires. Ce
sont des admissions de sa part que l’évènement était de nature
privée.
138
DÉBATS DU SÉNAT
Quand on a 31 réclamations claires, qu’elle a elle-même admises et
qu’elle a signées comme étant des fonctions parlementaires,
manifestement, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le
bureau ou dans l’apposition de sa signature. Il y a eu quatre
secrétaires différentes, donc on ne peut pas dire que c’est l’erreur
d’une secrétaire en particulier qui ne savait pas comment appliquer
la règle. De toute façon, la sénatrice l’atteste avec sa signature.
Donc, 121 réclamations qui, selon l’interprétation du Comité de la
régie interne et de Deloitte, n’étaient pas, en tout ou en partie,
associées à des fonctions parlementaires; 31réclamations qu’elle a
elle-même admises, et 121, de janvier 2009 à septembre 2012.
Environ deux, trois par mois qui sont jugées non conformes.
Honorables sénateurs, il apparaît manifeste qu’à répétition, la
sénatrice Wallin a signé des réclamations en ne faisant pas le
minimum requis pour s’assurer que la demande était justifiée.
Quand on sait trois ans plus tard qu’une réclamation était de nature
privée, on devait sûrement le savoir 30 jours après la réclamation ou
la dépense qu’elle était de nature privée.
On nous a dit — on l’a su par les médias — que la sénatrice
prétendait ne pas avoir eu la chance d’expliquer sa position. Ici, le
rapport est clair. Selon ce dernier, il y a eu plusieurs rencontres de sa
part. La position de la sénatrice est inscrite sur chacune des
réclamations, de même que la position du vérificateur ou la
recommandation du vérificateur. Le rapport a été étudié par le
Comité de la régie interne le 13 août 2013, auquel la sénatrice a pu
faire valoir son point de vue au cours des heures qui ont précédé la
rédaction du rapport.
Il peut, honorables sénateurs, y avoir quelques erreurs ponctuelles
qui se glissent en produisant des réclamations. Cependant, comme je
le disais, les réclamations sont produites dans les 60 jours qui suivent
les dépenses. Avoir autant d’erreurs démontre un sérieux problème
de gestion, d’imprudence et d’insouciance. Lorsqu’on appose notre
signature et qu’on atteste que tout est conforme au Règlement, cela
doit être vrai, surtout quand la conséquence de la réclamation fait en
sorte — comme je l’ai dit pour les autres — de transférer de l’argent
public dans notre compte privé. Un minimum d’attention de la
sénatrice aurait permis d’éviter cette quantité d’erreurs. C’est
d’autant plus important quand on occupe des fonctions de la
nature de celles qu’exerce la sénatrice Wallin.
Je suis d’avis, et c’est assez évident, qu’il y avait une incurie, une
imprudence de sa part lorsqu’elle complétait ses formulaires. Quand
on réclame 4 500 $ et que ces dépenses sont de nature privée, on doit
prêter une attention sérieuse. Il m’apparaît évident que cela n’a pas
été fait et qu’il y a eu une grossière négligence dans la gestion de ses
affaires et de ses comptes de dépenses.
C’est pour cette raison que je vous invite à appuyer la motion que
j’ai déposée.
L’honorable Pierre Claude Nolin : Sénateur Carignan, vous avez
parlé d’un montant total de 121 348 $. Est-ce exact, après avoir
examiné toute la documentation et les pièces justificatives, que
toutes les réclamations totalisent 121 348 $?
Le sénateur Carignan : Oui. Je n’ai pas refait le calcul, mais cela
semble correspondre, sinon il y aurait une différence de quelques
dollars, mais cela me paraît conforme.
[ Le sénateur Carignan ]
24 octobre 2013
Le sénateur Nolin : Est-ce que tous ces documents que vous avez
consultés et que vous avez cités pendant votre allocution sont des
documents en provenance du Comité de la régie interne ou qui ont
été soumis au Comité de la régie interne par les vérificateurs?
Le sénateur Carignan : Écoutez, plusieurs de ces documents sont
des documents du Sénat comme les règlements, les politiques, les
directives. Plusieurs de ces documents ont été fournis par la
directrice des finances, Mme Proulx, à la firme comptable. Mais
est-ce que le Comité de la régie interne a examiné les comptes Visa?
Ou est-ce plutôt Deloitte? À mon avis, c’est plutôt Deloitte. Je n’ai
pas assisté à cette réunion précise du Comité de la régie interne.
J’étais à l’extérieur du pays. Je me suis fait remplacer par le sénateur
White, cette journée-là. Les éléments du rapport en font état, mais la
sénatrice Wallin a obtenu ce rapport et a pu faire des commentaires,
et peut toujours faire des commentaires s’il y a des éléments
d’inexactitude quant aux chiffres.
. (2110)
Le sénateur Nolin : Tout au long de votre examen, avez-vous vu
ou lu ou demandé un document qui aurait pu, d’une façon ou d’une
autre, atténuer la demande que vous nous faites suite à votre
motion?
Le sénateur Carignan : Franchement, non.
Le sénateur Nolin : Non? Je vous remercie.
L’honorable Roméo Antonius Dallaire : Si je ne fais pas erreur,
hier, nous avons eu une réunion avec des vérificateurs qui nous ont
expliqué ce qui va se passer dans le futur pour nous tous. On leur a
demandé de nous donner la définition de « fonction parlementaire »
et ils n’ont pas été capables de nous répondre. Ils ne se sont même
pas engagés à s’enquérir de l’information auprès de parlementaires
pour répondre à notre question ultérieurement.
Dans le rapport du Comité sénatorial permanent de la régie
interne, des budgets et de l’administration, pouvons-nous y trouver
une définition de « fonction parlementaire »? Y retrouve-t-on un
guide afin de nous aider à comprendre exactement de quoi il s’agit?
Le sénateur Carignan : Écoutez... Écoutez, il va vraiment falloir
que je casse cette habitude; je m’y engage d’ici la fin de la session.
La notion de « fonction parlementaire » est définie aux termes du
Règlement administratif du Sénat, à l’article 1.03(1), et à la
politique 1.5(3), la politique de frais de déplacement, et elle
s’étend aux obligations et activités se rattachant à la charge du
sénateur. Où commence notre charge? Où se termine-t-elle? Il peut y
avoir des zones grises, et c’est pour cela que la politique de 2012
comporte un guide, une annexe qui comprend certains exemples de
« fonction parlementaire » et de « fonction non parlementaire ».
Après avoir entendu les différents commentaires, arguments et
critiques que la sénatrice Wallin a faits par rapport aux déclarations
publiques sur le contenu, j’ai décidé de me concentrer sur les plus
faciles. Il y a 31 réclamations. Je me suis dit, oublions-les toutes, je
vais lui donner 100 p. 100 raison sur toutes les autres.
Je vais me concentrer sur les 31 réclamations qui ont fait l’objet
d’une admission de sa part en me disant que si, selon elle, c’est de
nature privée trois ans plus tard, normalement, 30 jours plus tard,
elle devrait arriver à la même conclusion. S’il y en a juste 31, et que
c’est évident que c’est de nature privée, elle-même l’a reconnu, pour
moi, il y a un problème, il y a un sérieux problème.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Le sénateur Dallaire : La charge de parlementaire, c’est nébuleux.
Ensuite, dans l’analyse faite par le Comité de la régie interne ainsi
que dans celle des vérificateurs, est-ce que « nature privée » en 2009
et « nature privée » en 2013 ont la même définition? On sait que les
choses changent, les traditions changent ainsi que les
interprétations. On est aussi très fort avec le Monday morning
quarter backing. Des révisions se font couramment. J’essaie de
m’assurer que la définition de « nature privée » était la même au
moment des vérifications et en 2009.
Le sénateur Carignan : Écoutez, si vous regardez le document,
pour ce qui est des fonctions parlementaires qui sont contestées, sur
la notion de « fonction parlementaire », la position de la sénatrice
est toujours écrite. Chaque fois, elle précise qu’elle considère que
c’est une fonction parlementaire parce qu’elle a rencontré monsieur
X, qui est président de telle entreprise. Je donne un exemple comme
cela, parce qu’il y a 121 réclamations. Elle a fait valoir son point de
vue sur chacune des réclamations. Et lorsque la firme était en
désaccord, elle le justifiait et le disait chaque fois. Je tiens donc pour
acquis que lorsqu’elle a dit que c’était de nature privée, c’était
vraiment de nature privée, parce que lorsqu’elle a contesté les
différentes réclamations, sa position était très bien écrite et la
décision ou la recommandation de la firme l’était aussi; ce qui a
permis au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des
budgets et de l’administration de trancher et de recommander la
même interprétation ou la même application que la firme Deloitte.
Le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et
de l’administration aurait pu dire à Deloitte qu’il n’était pas
d’accord avec leur interprétation de « fonction parlementaire », que
ce n’est pas comme cela qu’on l’entend dans notre pratique de tous
les jours. Cela n’a pas été le cas, et il y a une trentaine de mille
dollars qui ont été soumis à interprétation; je crois que
17 000 dollars ont été tranchés, qu’elle devait rembourser en plus.
L’autre partie, on a considéré que c’étaient des affaires
parlementaires, justement. Cela a très bien été identifié : « nature
privée », « affaire parlementaire » selon la sénatrice Wallin,
« affaire non parlementaire » selon Deloitte et une autre zone, une
zone grise qui a été déterminée par le Comité de la régie interne.
Le sénateur Dallaire : C’est important, parce que c’est la seule
chance qu’il semble que nous aurons de poser des questions par
opposition à l’option proposée d’un comité qui pourrait poser ces
questions. En 2009, quand elle a fait une activité privée,
l’administration, le service des finances avait le rôle de réviser,
tout de même? Selon mon expérience, le service des finances doit
faire une certaine révision des demandes de remboursement des
dépenses. Ils ne remboursent pas aveuglément parce qu’un sénateur
a signé. Ils ont la responsabilité de faire le suivi des règlements. En
2009, la définition d’« affaire privée » était-elle la même que cet été?
. (2120)
Le sénateur Carignan : Dans le rapport il semble que toutes les
réclamations de la sénatrice avaient la justification générale
« fonction parlementaire » ou « affaires du Sénat ». À quelques
reprises, l’administration a demandé des précisions ou des
justifications supplémentaires lorsqu’ils voyaient une indication
qui pouvait leur permettre d’avoir un doute ou de creuser un peu
plus, mais c’est notifié dans chacune des réclamations lorsque
l’administration a requis un complément. Vous le savez, ces
réclamations sont beaucoup sur l’honneur. On réclamait
« fonction parlementaire ». Si à première vue pour
l’administration rien ne cloche, si le sénateur nous a dit que
c’étaient des fonctions parlementaires, on tient pour acquis
139
que c’étaient des fonctions parlementaires. Si je vais manger avec
mon fils et que j’écris « fonction parlementaire », l’administration
ne le sait pas. Ils voient une facture « fonction parlementaire », ils
ne savent pas avec qui j’ai mangé, il suffit que quelqu’un d’autre
m’ait vu avec mon fils pour savoir que ce n’était pas une « fonction
parlementaire », mais une « fonction parentale ». L’administration
a besoin d’indices pour pouvoir aller creuser et pousser plus loin,
mais lorsque c’est général, c’est plus difficile.
Le sénateur Dallaire : Quand la personne a écrit ce que vous nous
avez dit et que cela n’a pas été une activité parlementaire, êtes-vous
en train de dire que le document a été falsifié de façon délibérée ou
est-ce une interprétation de l’individu à ce moment-là? Je sais que
vous en avez plusieurs. C’est pour cette raison que je vous pose la
question. Vous avez une meilleure connaissance du dossier que
nous.
Le sénateur Carignan : Ce n’est pas possible de le savoir. C’est une
des raisons pour lesquelles le Comité de la régie interne en a référé
aux autorités compétentes pour voir s’il s’agissait d’une série
d’imprudences ou s’il y avait une intention frauduleuse. Ce n’était
pas possible de le déterminer et cela a été transféré aux autorités
compétentes pour qu’ils puissent faire une enquête pour savoir si
c’était de cette nature.
Le comité ne peut pas, et je crois que nous ne pouvons pas tirer la
conclusion que c’était de cette nature-là, et c’est pour cette raison
que le Comité de la régie interne a demandé une enquête à l’externe
pour cette partie-là. Mais le Comité de la régie interne, comme je l’ai
expliqué hier, a le pouvoir de trancher si c’est conforme au
Règlement ou non. C’était tellement non conforme que même la
sénatrice Wallin a admis que ce n’était pas conforme au Règlement.
[Traduction]
L’honorable Terry M. Mercer : Sénateur Carignan, j’ai écouté
avec intérêt votre discours. Vous avez parlé tout à l’heure des allersretours de la sénatrice Wallin à Toronto et en Saskatchewan, et du
pourcentage du temps qu’elle passait à chaque endroit. Tout cela est
très intéressant, mais pourriez-vous me dire le pourcentage de temps
que les sénateurs doivent passer dans la province ou le territoire
qu’ils représentent? Quel est le point de référence? Quel est le
pourcentage qu’ils doivent respecter pour pouvoir dire qu’ils font
leur travail et qu’ils représentent leur province ou leur territoire?
[Français]
Le sénateur Carignan : Cette question ne se posait pas dans le cas
de la sénatrice Wallin, contrairement aux sénateurs Brazeau et
Duffy. Pour le sénateur Brazeau, la question était une question de
résidences; résidence principale, résidence secondaire. Pour le
sénateur Duffy, il y avait deux questions; résidence principale,
résidence secondaire, à savoir un litige sur cet aspect-là en plus des
49 jours qui ont été réclamés alors qu’il n’était manifestement pas à
Ottawa à cette période. Tandis qu’ici, la question de la résidence
secondaire était claire, elle était à l’extérieur des 100 kilomètres pour
ce qui est de sa résidence principale. Quand la sénatrice Wallin vient
à Ottawa, c’est évident que sa résidence principale n’est pas dans la
RCN. Elle avait et elle a droit au remboursement de subsistance
dans la capitale. Le litige n’est pas de savoir où est sa résidence
principale pour les frais de subsistance. Cela a peut-être joué pour
Toronto parce que son pourcentage de temps à Toronto est plus
140
DÉBATS DU SÉNAT
élevé que son pourcentage de temps en Saskatchewan ou à Ottawa,
mais cela n’avait pas de pertinence directe sur le plan des fonctions.
Elle aurait pu exercer sa fonction parlementaire à Charlottetown;
cela dépend de la nature de la demande et des personnes présentées
compte tenu de ses tâches ici, au Sénat.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Vous n’avez pas répondu à la question. En
fait, selon le Règlement, les sénateurs pourraient n’avoir passé qu’un
seul jour dans la région ou le territoire représenté pour respecter la
condition qui demande d’y être allé.
Le problème — il faudrait d’ailleurs que nos amis des médias le
reconnaissent —, c’est qu’il n’y a rien d’écrit nulle part. Dans notre
édifice, il y a 413 personnes qui n’ont pas de description de travail :
105 au Sénat et 308 à l’autre endroit. Il n’y a pas de descriptions de
travail pour ce que nous faisons, en l’occurrence légiférer, et il ne
devrait pas y en avoir parce que nous avons tous des intérêts très
différents à défendre et des façons différentes de faire notre travail.
Votre façon de travailler, sénateur Carignan, est complètement
différente de la mienne. Je respecte cela et j’espère que vous
respectez aussi ma façon de travailler.
Je ne suis pas ici pour défendre les sénateurs Wallin, Duffy ou
Brazeau, je suis ici pour défendre le Sénat. Je pense qu’il est
important que les gens reconnaissent qu’il n’existe pas de description
de travail universelle pour la fonction de sénateur. On ne peut pas
définir précisément le travail d’un sénateur. La manière de travailler
du sénateur Dallaire, de la sénatrice Wallin ou du sénateur Segal
diffère de la mienne. Une telle description de travail n’existe tout
simplement pas.
Par conséquent, je pense qu’il n’est pas du tout pertinent de
continuer à discuter du nombre de jours passés ou non à Toronto,
de souligner que la sénatrice Wallin n’a passé que tant de jours en
Saskatchewan ou que le sénateur Duffy n’a passé que tant de jours à
l’Île-du-Prince-Édouard. Aucune ligne directrice ne stipule que le
sénateur Andreychuk doit passer tant de jours en Saskatchewan ou
que je dois passer tant de jours en Nouvelle-Écosse. J’essaie d’y
passer autant de jours que je peux, mais cela m’a valu d’être critiqué
dans les médias. Je pense qu’il est très important que nous
comprenions cela. Je ne comprends pas pourquoi vous continuez
à dire que la sénatrice Wallin et le sénateur Duffy ne passent pas
assez de temps dans leur région ou qu’ils ne s’y rendent pas assez
souvent — par contre, je comprends pourquoi vous ne dites pas la
même chose pour le sénateur Brazeau. Il n’existe aucune ligne
directrice à ce sujet. Vous ne pouvez pas reprocher à quelqu’un
d’avoir enfreint des règles qui n’existent pas. Il n’existe aucune règle
à ce sujet.
Le sénateur Dallaire pourrait aller à Québec une ou deux fois par
année et quand même remplir ses obligations de sénateur. Je
pourrais aller en Nouvelle-Écosse une fois par an et remplir les
miennes.
24 octobre 2013
À la page 10 du rapport de Deloitte, elles sont citées au
chapitre 1 :03.1 du Règlement administratif du Sénat et la politique
« fonctions parlementaires » :
« « Fonctions parlementaires » s’entend des obligations et
des activités se rattachant à la charge de sénateur, où qu’elles
soient exécutées, y compris les engagements publics et officiels
et les questions partisanes, mais qui ne comprennent pas les
activités relatives :
a) à l’élection d’un membre de la Chambre des communes
lors d’une élection tenue en vertu de la Loi électorale du
Canada,
b) aux intérêts privés d’un sénateur ou d’un membre de sa
famille ou de son foyer. »
Donc, quand c’est relatif à vos intérêts privés, cela ne fait pas
partie du travail de sénateur.
. (2130)
Il y a également la définition d’« engagement public », prévue au
chapitre 1:03.1 du Règlement administratif du Sénat, qui prévoit :
« Engagement public » Tous les engagements qu’un
sénateur exerce à des fins publiques, qu’ils soient ou non
autorisés par le Sénat ou le gouvernement du Canada,
notamment les engagements officiels, les fonctions de
représentation, les activités partisanes et les déplacements
connexes, mais à l’exclusion des engagements liés à ses affaires
personnelles.
Il y a donc une définition, un encadrement qui donne une certaine
marge de manœuvre. Et c’est pour cela que je ne voulais pas
nécessairement entrer dans les 90 autres réclamations qui ont été
jugées non recevables, en tout ou en partie, et que je me suis
concentré sur les 31 réclamations qui sont de nature privée, admises
par la sénatrice Wallin elle-même.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Vous avez mal compris la question. La
question portait sur le fait que vous avez parlé de ce que nous ne
pouvons pas faire, et je suis d’accord. Je connais ces règles et je
m’efforce de les respecter. Toutefois, certains concepts ne sont pas
définis. Le terme « fonctions parlementaires » n’est pas défini
clairement. Les fonctions parlementaires du sénateur Dallaire, du
sénateur Robichaud, du sénateur Segal ou du sénateur Greene sont
différentes de celles du sénateur Mercer, puisque nous faisons tous
notre travail différemment. Il n’existe pas de description de tâche ici.
Le sénateur Dallaire se déplace pour parler des enfants soldats. Je
passe beaucoup de temps dans le monde des sociétés à but non
lucratif à parler aux organismes et aux gens du mouvement caritatif.
Le sénateur Munson s’investit dans la question de l’autisme et parle
aux gens de ce milieu. Ces choses-là ne sont écrites nulle part. Le
vérificateur général aura beaucoup de difficulté avec cela; lui et son
équipe auront beaucoup de mal à définir ces activités.
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez, je veux juste vous référer. Il y a
des normes. Si vous ne les connaissez pas, il y a un vérificateur
général qui va nous rencontrer. Vous êtes peut-être mieux de les lire
avant qu’il se présente devant nous.
[ Le sénateur Carignan ]
Mais revenons à ma question : combien de temps les
105 sénateurs doivent-ils passer dans leur région pour répondre
aux exigences? Une journée? Est-ce dix jours? Est-ce 10 p. 100? Estce 15 p. 100? Est-ce 60 p. 100? Il n’existe pas de ligne directrice sur
cette question, sénateur Carignan, et vous le savez. Il vous est
impossible de citer une directive qui porte là-dessus.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
[Français]
Le sénateur Carignan : Je vais répondre à votre question, mais
avant, je veux revenir sur votre introduction à votre question. Les
« affaires parlementaires », ce n’est pas n’importe quoi. Ce que vous
dites m’inquiète et vous devez commencer à avoir une petite
nervosité, parce que, en ce qui concerne les affaires privées, quand je
retourne chez moi et que je vais faire des activités à la fondation de
l’hôpital de Saint-Eustache, je n’y vais pas à titre de sénateur, c’est
mon intérêt privé d’aider la fondation; cela n’a rien à voir avec mes
fonctions de sénateur. Même si je n’étais pas sénateur, j’irais quand
même.
Le test est de savoir si j’irais si je n’étais pas sénateur. Oui. Donc,
pour moi, c’est de nature privée. Si je suis sénateur et qu’il y a une
activité ou une rencontre, c’est un premier test, une première
question que je me pose.
Je vous invite, si vous n’êtes pas certains de vos fonctions, à
demander au Comité de la régie interne de vous donner leur
opinion. C’est leur rôle exclusif de le faire lorsque vous n’êtes pas
certain si une dépense est de nature parlementaire. Je ne sais pas si
cela pourra vous aider rétroactivement.
Sur la question du pourcentage que vous devez utiliser pour être
considéré comme résidant dans la province, ce sont des points
d’attache, ce sont des points de rattachement au niveau de la
résidence. Mais ici, ce n’était pas pertinent pour le calcul de la
réclamation qui a été faite.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : C’est pertinent, sénateur Carignan, parce
que nos amis des médias s’intéressent à la quantité de temps que
passe, ou non, le sénateur Duffy à l’Île-du-Prince-Édouard. Ils
parlent aussi du temps que la sénatrice Wallin passe, ou non, en
Saskatchewan.
Le problème, c’est que je ne pense pas que vous compreniez le
genre de travail que nous faisons ici, au Sénat.
Après ma nomination au Sénat, j’ai pris un avion pour rentrer à
Halifax. À bord, j’ai rencontré Bill Casey, qui était alors député
progressiste-conservateur de Cumberland-ColchesterMusquodoboit Valley. C’est un type bien. Il a été député très
longtemps. Vous l’avez expulsé du caucus parce qu’il avait eu le
courage de tenir tête au premier ministre.
Bill Casey m’a dit ceci : « Terry, félicitations pour votre
nomination. Vous avez un gros avantage par rapport à moi. » Je
lui ai demandé pourquoi. Il a répondu : « En tant que membre d’un
caucus important à la Chambre des communes, je ne peux pas faire
grand-chose à cause de mes fonctions et du fait que je dois me faire
réélire tous les trois ou quatre ans. Vous... » — il faisait allusion à
mes fonctions de sénateur — « ... pouvez accomplir beaucoup de
choses, car vous pouvez choisir vos causes. » On peut penser ici à la
cause des enfants-soldats, au travail réalisé pour le secteur caritatif,
à la lutte contre l’autisme, à la lutte antitabac — une cause qu’a
épousée le sénateur Kenny —, ou encore à la question de la
drogue — un enjeu qu’a approfondi le sénateur Nolin. Il m’a dit que
nous pouvions accomplir quelque chose, car notre mandat est long
ici, nous ne sommes pas obligés de nous faire réélire tous les quatre
ans. Nous pouvons commencer à travailler sur une question dès
aujourd’hui. Il se peut que cela nous prenne quatre ou six ans. Il est
parfois nécessaire de se vouer à une cause pendant 20 ans avant
d’atteindre ses objectifs, mais nous disposons de cet avantage.
141
Nous nous intéressons tous à des choses différentes, mais il ne
s’agit pas d’intérêts personnels. Il s’agit d’intérêts publics, car nous
travaillons au nom de la population partout au pays. Quand je
rentre dans mon village de Mount Uniacke, en Nouvelle-Écosse, je
ne voyage évidemment pas pour les affaires du Sénat. Si j’assiste à
certaines réunions à Halifax, cela ne fait pas partie de mes activités
sénatoriales. Toutefois, si je vais rencontrer divers groupes pour
essayer de comprendre des enjeux dans des domaines qui
m’intéressent en tant que sénateur, je pense que ces activités font
partie de mes fonctions de sénateur.
[Français]
Le sénateur Carignan : La définition d’« affaires parlementaires »,
comme je l’ai dit, est dans le Règlement. Je ne suis pas certain que
l’on ait la même définition. Cela m’inquiète, pas pour moi, mais cela
m’inquiète de vous entendre parler ainsi et de me poser des
questions de cette nature. Depuis le temps que vous êtes ici, vous
devriez savoir que les fonctions parlementaires c’est ce qui se
rattache au Sénat, et on doit faire une distinction avec nos intérêts
privés ou les éléments qui nous touchent de façon particulière.
La zone peut quand même être assez bien délimitée. C’est ce qui
fait qu’on doit être prudent et, lorsqu’on n’est pas certain, on peut
demander une opinion à notre conseiller juridique ou au Comité de
la régie interne qui nous diront si, selon eux, ce sont des fonctions
parlementaires ou non avant d’engager des dépenses.
Le vérificateur général va sûrement pouvoir vous aider plus que
moi et vous aurez peut-être des remboursements à faire.
Le sénateur Robichaud : Vous allez m’écouter! On voit, dans le
rapport qui a été soumis par le Comité de la régie interne au sujet de
l’honorable sénatrice Wallin, un montant de 121 348 $.
Si je comprends bien les reportages que j’ai entendus, le montant
total plus les intérêts ont été remboursés au Sénat par l’entremise du
receveur général du Canada, n’est-ce pas?
. (2140)
Le sénateur Carignan : Oui, le montant a été remboursé parce
qu’il y a eu une ordonnance du Comité de la régie interne.
Cependant, le montant remboursé volontairement, si je peux dire,
est un montant de 38 369 $. Ce qui laisse un montant net de 82 979 $
qui a été remboursé par la sénatrice Wallin. Il ne semble toutefois
pas qu’elle ait admis devoir ces montants, parce que, quand elle est
sortie du Comité de la régie interne, elle a tenu des propos plutôt
désobligeants que je n’oserais pas citer. Je n’ai donc pas senti qu’elle
était d’accord avec la décision.
Le sénateur Robichaud : Honorables sénateurs, je ne crois pas que
l’on doive faire l’interprétation des propos d’une personne qui sort
d’une réunion. En fait, le montant a été remboursé, n’est-ce pas?
Le sénateur Carignan : Oui.
Le sénateur Robichaud : Lorsque vous avez considéré les
conditions de suspension, avez-vous tenu compte de ce
remboursement?
Le sénateur Segal : Pas du tout.
Le sénateur Robichaud : Parce qu’en fait, les conditions de
suspension sont les mêmes pour les trois sénateurs en question. Je
trouve un peu curieux qu’on ait tous la même punition, si on peut
dire ainsi, sans savoir la gravité ou les montants en question
142
DÉBATS DU SÉNAT
des trois personnes. Lorsqu’on veut faire en sorte qu’une personne
est punie — et j’emploie un terme qui n’est pas le bon — que l’on
tienne compte de ce qui a été fait et ce qui a été remboursé. Je ne nie
pas que des choses ont été réclamées et qui n’auraient pas dû l’être.
Je crois qu’on aurait tout de même dû tenir compte du fait que les
montants ont été remboursés.
Le sénateur Carignan : Oui, mais il y a une différence entre un
montant de 38 369 $, qui a été remboursé dès le début, lors de
l’enquête, lorsqu’elle a réalisé que c’étaient des éléments de nature
privée, et l’autre, où elle a été forcée de rembourser parce qu’il y
avait une décision du Comité de la régie interne qui lui disait : « tu le
paies, sinon on le prend sur ton salaire », qui est la conséquence,
comme ce qui est arrivé avec le sénateur Brazeau.
Vous dites que je propose la même sanction même s’il s’agit de
trois situations différentes. Ce sont trois situations graves, selon
moi, qui nécessitent la même sanction, mais pour des raisons
différentes. Dans le cas, par exemple, du sénateur Brazeau, le
montant est moins élevé. Il n’a jamais admis qu’il devait le montant
ou accepté qu’il avait induit en erreur en faisant sa déclaration. Il le
conteste. Il nous a amené un document qui explique que
l’administration lui avait dit, en 2011 — on l’a vu et il a été
déposé — que oui, il pouvait se louer un logement. Si je lui avais
répondu : « Oui, tu peux te louer un logement et tu vas y avoir droit
si c’est ta résidence secondaire, pas si c’est ta résidence principale ».
Toutefois, il est à 133 kilomètres. Vous comprendrez que lorsque
vous avez une résidence supposément secondaire à Ottawa avec,
supposément, une résidence principale à Maniwaki, située à
133 kilomètres, et que vous passez seulement 10 p. 100 de votre
temps à votre résidence principale et 80 quelque p. 100 à votre
résidence secondaire, il y a une intention qui est beaucoup plus forte.
Dans le cas du sénateur Duffy, nous sommes devant deux
situations. Il y a la question de la résidence principale versus la
résidence secondaire. Je vous ai cité un cas identique à Londres où
une suspension a eu lieu jusqu’à la fin de la session. S’ajoutent en
plus les 49 jours où il a réclamé en disant : « Je suis à Ottawa », alors
qu’il était à Charlottetown, qu’il était en Floride ou qu’il était ici.
Dans cette situation, on a 121 réclamations non conformes. On peut
estimer qu’il y a eu autour de 230 ou 240 réclamations au maximum.
Donc, plus de la moitié des réclamations ne sont pas conformes à la
notion de fonctions parlementaires, en tout ou en partie, et 31 de ces
réclamations sont de nature complètement privée.
Par conséquent, compte tenu de l’importance des montants, si la
réclamation complète est de 5 500 $, que les évènements sont de
nature privée, que j’appose ma signature et que je dis qu’il s’agit de
fonctions parlementaires, la situation est grave, très grave. C’est
pourquoi je demande la suspension jusqu’à la fin de la session.
Rappelez-vous les journaux qui suggéraient qu’il devrait
rembourser 80 000 $, alors que seule l’enquête comptable a coûté
100 000 $. Le simple remboursement, sans me rappeler du montant
exact, est de plus de 100 000 $.
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Qui a appuyé cela? Où voulez-vous en venir?
La sénatrice Fraser : Les formalités administratives coûtent cher.
[ Le sénateur Robichaud ]
24 octobre 2013
[Français]
Le sénateur Carignan : Je dis donc que la faute du sénateur
découle non seulement du fait d’avoir remboursé, mais aussi du fait
que cela a amené des dépenses pour le Sénat liées aux enquêtes et
aux vérifications. Un coût se rattache donc à tout cela pour notre
institution.
Sénateur Robichaud, vous vous êtes promené tout l’été. Disiezvous à tout le monde, avec fierté, que vous étiez sénateur? Vous vous
êtes fait achaler combien de fois par des personnes qui vous
disaient : « Ah! tu es sénateur? Toi, je te connais. Tu es bon, tu es
gentil, mais toute la gang, ça fait dur chez vous, hein? » Vous vous
l’êtes fait dire et on se l’est tous fait dire. On était indigné. Les gens
sont indignés. Voilà ce que signifie porter une atteinte à la dignité de
l’institution.
Le sénateur Robichaud : Oui, je me suis promené chez nous, mais
je n’ai jamais hésité à dire que j’étais sénateur. Comme vous le dites,
on me regardait avec un petit sourire en disant : « Bien, peut-être
que tu n’es pas pareil, mais tout le reste de la gang... » C’est
peut-être arrivé à tout le monde. Je ne conteste pas qu’il y a eu des
choses qui n’auraient pas dû être remboursées, ou réclamées et
ensuite remboursées. Ce que je trouve curieux, c’est la mesure dont
vous vous êtes servie pour arriver à comparer ou à considérer les
trois cas avec la même gravité où on impose, en fait, les mêmes
conditions de suspension. C’est là où je suis très mal à l’aise.
Le sénateur Carignan : Ce sont trois situations qui ont des
éléments de similarité. D’autres ont des facteurs différents, mais tous
aussi graves les uns que les autres. Nous avons eu un cas, par le
passé, qui est le cas Thompson, pour le défaut d’un ordre du Sénat.
Je crois que le sénateur Plett a indiqué qu’il avait été suspendu parce
qu’il n’assistait pas aux séances du Sénat. Je ne veux pas corriger
mon collègue, mais ce n’est pas tout à fait exact. C’est parce qu’il
avait reçu un ordre du Sénat qu’il n’avait pas respecté.
Le sénateur Segal : Cela n’a rien à voir.
Le sénateur Carignan : C’est le précédent que l’on a au Canada, au
Sénat, d’outrage au Parlement. C’est le seul cas que nous avons.
À la Chambre des lords, j’ai cité le cas où il était question
d’allocation, comme le cas du sénateur Duffy, et où on avait imposé
une suspension jusqu’à la fin de la session. Or, il n’y avait pas le
facteur aggravant dont j’ai parlé tout à l’heure en ce qui a trait aux
49 jours.
Les trois cas sont graves et méritent une sanction sévère.
Le sénateur Robichaud : Lorsque vous avez dit, honorable
sénateur, que l’on n’a qu’un seul exemple d’outrage au Parlement,
ce n’est pas le cas. Il s’en est produit un à la Chambre des communes
il n’y a pas si longtemps.
Le sénateur Carignan : Nous allons étaler la jurisprudence.
Malheureusement, nous sommes les premiers. Est-ce parce que
nous sommes les premiers à le faire que l’on doive être gentil, en
disant que le vérificateur s’en vient, il est possible qu’il y ait d’autres
cas, je ne veux pas me faire taper sur les doigts, je vais donc être
gentil avec lui parce que si c’est moi, je veux qu’il soit gentil? Non.
Alors la question...
Des voix : Oh, oh!
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
. (2150)
Le sénateur Carignan : Sénateur, c’est moi qui parle ou c’est vous?
Si c’est vous qui parlez, je vais m’asseoir, puis allez-y!
Le sénateur Segal : Écoutez avec une perspective.
Le sénateur Nolin : Il n’y a pas de « écoutez », c’est l’ordre.
Le sénateur Carignan : C’est une situation extrêmement sérieuse.
On doit prendre cela au sérieux. Le sénateur Mercer a donné un bon
exemple tout à l’heure quand il parlait du député qui lui disait :
« T’es chanceux toi, t’es sénateur, puis tu peux agir sur une plus
longue période ». Oui, t’es sénateur, mais ça n’amène pas juste une
chance, ça amène aussi des responsabilités. Contrairement à la
Chambre de l’autre côté qui, chaque quatre ans, est obligée d’aller
en élections, s’il y a quelqu’un qui fait quelque chose de pas tout à
fait correct, et on en a vu des situations, bien, il démissionne assez
vite. Et s’il ne démissionne pas, le chef du parti ne signe pas sa lettre,
il ne sera pas candidat pour le parti.
Donc, tous les quatre ans, il y a un certain renouvellement qui se
fait pour que ces gens soient responsabilisés. Nous, on n’a pas
d’élections. Comme on n’a pas d’élections, si on veut s’assurer que
l’on soit responsable dans notre gestion, on doit, lorsqu’il arrive des
évènements comme ceux-là, des infractions flagrantes à notre
Règlement à répétitions, discipliner nos membres. Et les meilleures
personnes qui sont ici pour déterminer quelle est la meilleure
sanction, c’est nous, les pairs.
En matière disciplinaire, dans les comités de discipline, qui
discipline? Ce sont les pairs. Pourquoi? Parce que nous sommes les
mieux placés pour connaître les standards de la profession ou les
standards du groupe. C’est pour cela que les sanctions disciplinaires
sont toujours jugées par les pairs. Et les pairs, c’est nous, ici en cette
Chambre.
Le sénateur Dallaire : Oui, mais pas toute la gang, là!
143
Je sais que vous le savez fort bien, mais dans le cas des fonctions
parlementaires, ou ce qui est désigné ici comme les « affaires du
Sénat », aucune information n’est fournie pour indiquer de quoi il
est question exactement. Il s’agit de ce qu’on désigne sous le terme
« fonctions parlementaires » dans le Règlement administratif du
Sénat et qui sont définies comme les « obligations et activités se
rattachant à la charge de sénateur, où qu’elles soient exécutées, y
compris les engagements publics et officiels et les questions
partisanes ». Toutefois, « ne sont pas comprises dans les fonctions
parlementaires les activités liées à l’élection d’un député » ou « aux
intérêts commerciaux privés d’un sénateur ». Les fonctions
parlementaires comprennent donc les engagements publics et
officiels.
Dans le Règlement administratif du Sénat, « engagement public »
comprend « tous les engagements qu’un sénateur exerce à des fins
publiques, qu’ils soient ou non autorisés par le Sénat ou le
gouvernement du Canada », et il englobe les activités partisanes.
Le Règlement ne définit pas ce qu’est une activité partisane.
Quand j’examine la description des activités auxquelles les
sénateurs peuvent participer, il me semble qu’il y a des zones
grises. C’est ce que je crois, et je vous demanderai votre opinion à ce
sujet d’ici peu.
J’imagine que vous êtes au courant de ce rapport. Dans le
Rapport annuel sur les vérifications internes de 2009-2010, il y avait
un rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et
de l’administration — je crois que c’est le nom du comité —, daté de
décembre 2010. Dans le cadre de cette vérification, on trouve
quelques observations intéressantes faites par Ernst & Young, un
cabinet national de comptables très réputé que je sais que vous
connaissez. À la page 3 du rapport, on trouve la déclaration
suivante.
Les vérifications ont fait ressortir le caractère désuet ou inadéquat
de certaines politiques administratives, voire l’absence de certaines
politiques. On a ainsi découvert que, dans certains cas, il y avait un
problème au niveau de la communication des politiques ou de la
compréhension de celles-ci par leurs utilisateurs.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Sénateur Carignan, accepteriez-vous de
répondre à une question?
[Français]
Le sénateur Carignan : Mais oui, je réponds à tellement de
libéraux, ça va me faire plaisir de répondre à un conservateur.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Sénateur, j’ai écouté très attentivement ce
que vous aviez à dire, en particulier au sujet de la façon dont vous
avez catégorisé les demandes de remboursement qu’a faites la
sénatrice Wallin et du fait que 121 d’entre elles ont été rejetées. J’ai
cru comprendre que les demandes se classent en deux catégories :
celles qui pouvaient être contestée sur la base de ce qui constitue les
« affaires du Sénat », ou ce qui est désigné par le terme « fonction
parlementaire » dans le Règlement administratif du Sénat, et celles
qui ont trait à des activités personnelles.
Tout d’abord, j’aimerais vous poser une question concernant les
fonctions parlementaires, ou les « affaires du Sénat », et sur la façon
dont vous interprétez ces termes. Je dirai ensuite quelques mots sur
la façon dont ces termes ont été examinés lors d’une vérification il y
a quelques années.
À la page 4, il est écrit ceci : « Le Sénat devrait établir des critères
et des directives clairs pour préciser quelles activités sont considérées
comme fonctions parlementaires. »
À la page 8, on lit ce qui suit :
Comme le RAS donne une définition assez générale des
fonctions parlementaires, il se peut que les sénateurs ne
différencient pas clairement les dépenses admissibles au titre
d’une fonction parlementaire et celles qui ne le sont pas.
À la page 9, le rapport dit : « Il peut y avoir un manque
d’uniformité dans l’application et dans la compréhension des
politiques d’un bureau de sénateur à un autre. »
À la page 11, on affirme ceci :
Les fonctions parlementaires sont définies dans le RAS,
mais il n’y a pas de lignes directrices ou de critères clairs
précisant quelles activités correspondent à une fonction
parlementaire. Par exemple, aucune directive claire ne
permet de faire la différence entre les activités partisanes
liées aux activités sénatoriales (dépenses admissibles) et les
activités partisanes menées pour un parti politique, activités
dont les dépenses peuvent ne pas être admissibles. Cette lacune
a une incidence sur le personnel de la Direction des finances
144
DÉBATS DU SÉNAT
chargé du traitement des demandes de remboursement ainsi
que sur le degré de compréhension des règles par les bureaux
des sénateurs et entraîne un manque d’uniformité dans
l’interprétation et le traitement des demandes de
remboursement.
La réponse du Comité permanent de la régie interne, des budgets
et de l’administration au rapport de la firme Ernst & Young se
trouve à la page 18 de la version anglaise. Voici ce qu’on peut y lire :
Il y a lieu de souligner que le comité ne souscrit pas à la
recommandation selon laquelle le Sénat devrait envisager
d’instaurer un second échelon d’approbation des demandes de
remboursement des sénateurs. Le comité est d’avis que le
processus d’examen de ces demandes est suffisamment
rigoureux et qu’il existe des mécanismes efficaces permettant
d’atténuer les risques typiques associés aux demandes de
remboursement.
Monsieur le sénateur, j’aimerais que vous me donniez votre
opinion et que vous me disiez si vous pensez qu’on a clairement
établi en quoi consistent les fonctions parlementaires ou les travaux
du Sénat, ou si cela demeure nébuleux, car je crois qu’il s’agit d’une
question très importante, surtout dans le cas de la sénatrice Wallin.
[Français]
24 octobre 2013
a trait au 31 réclamations pour des dépenses relatives à des affaires
que la sénatrice reconnaît comme étant de nature personnelle,
comme vous dites, une explication a-t-elle été fournie? A-t-on
demandé précisément à la sénatrice Wallin ou à son personnel pour
chacune de ces 31 demandes de remboursement : comment cela a-t-il
pu arriver? Comment se fait-il que des réclamations ont été
effectuées pour des dépenses relatives à des affaires personnelles?
[Français]
Le sénateur Carignan : Dans chaque cas il y a une justification,
soit de la sénatrice, soit de son bureau. Or elle a fait un chèque pour
le rembourser; donc j’imagine qu’elle convenait, dans ce cas, que
c’était pour des affaires personnelles et qu’elles n’auraient pas dû se
faire aux frais du Sénat. J’ai ici un exemple de demande, du 2 au
13 décembre, pour un montant de 1 652,71 $; c’était le montant au
complet. C’est assez clair, pour ce qui est de la justification, pour
chacun des cas.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Nous avons effectivement entendu qu’elles
avaient été remboursées; la sénatrice Wallin l’a reconnu. Je crois que
la question que chacun d’entre nous se pose, c’est comment cela a-til pu arriver? Était-ce une erreur administrative? Comment cela a-t-il
pu se produire dans son bureau?
Le sénateur Carignan : C’est pour cela, sénateur Wallace, que j’ai
attiré l’attention sur ses affaires privées, parce qu’elles ne prêtent pas
à interprétation. La sénatrice est certaine. Elle l’a elle-même admis.
C’est une partie du sens. Je ne voulais pas vous présenter cela en
vous disant : regardez, c’est discutable.
Certains diront peut-être que l’intention n’a pas d’importance. Les
demandes ont été remplies inadéquatement, un point c’est tout.
L’intention n’a aucune pertinence. Eh bien, elle en a pour moi.
A-t-on demandé à la sénatrice pourquoi 31 réclamations pour des
dépenses personnelles ont été présentées? Y avait-il un problème
administratif ou quoi?
. (2220)
[Français]
Si on se lance dans des questions d’interprétation, chacun disant :
« Moi, je pense que ce sont des fonctions parlementaires », c’est
certain qu’il y en a énormément. Je suis conscient que, dans
certaines situations, il peut y avoir des discussions sur la nature de la
fonction. Sauf que, si on se concentre sur les affaires privées, c’est
assez facile de savoir c’est privé ou non. Donc, si on se concentre sur
les 31 demandes pour affaires privées, cela enlève toutes ces
questions de possible interprétation.
Le sénateur Carignan : Je suis content que vous posiez cette
question, sénateur Wallace. C’est justement pour cela qu’il est
important que nous puissions en débattre ici. La sénatrice Wallin est
ici, elle a un droit de parole, elle peut l’exercer pour nous expliquer,
pour chacune des situations, ce qui s’est passé pour qu’elle fasse des
réclamations pour des affaires de nature privée. Comme vous, je me
demande comment il se fait que, pour des questions de nature
personnelle, cela a été réclamé. La sénatrice a la possibilité de
s’exprimer et de nous expliquer pourquoi elle a réclamé des sommes
pour des frais de nature privée, et de les décortiquer chacune, les
31 réclamations. Je suis certain qu’on va lui donner une extension de
temps si elle a besoin de plus de 15 minutes, et on pourrait traiter de
cette situation-là.
Je vous signalerai aussi que les politiques et les lignes directrices
régissant les déplacements des sénateurs ont été adoptées le
26 juin 2009, et il y a eu des modifications qui sont entrées en
vigueur le 26 novembre 2009. C’est à peu pendant dans la période
dont on parle dans le rapport. Je ne sais pas s’il y a eu un
recoupement des lignes prêtant à interprétation compte tenu des
dates dont vous parlez. Mais une chose est certaine, la notion de
nature privée, elle, est claire.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Je vous remercie de votre réponse.
D’après ce que vous avez dit, 121 réclamations ont été rejetées par
Deloitte et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de
l’administration parce qu’elles visaient des activités non
parlementaires ou non reliées aux fonctions parlementaires.
Je comprends que vous mettiez l’accent sur les 31 réclamations
pour affaires privées, mais il me semble que d’autres demandes de
remboursement en cause sont pertinentes pour permettre à
l’administration et aux sénateurs de bien distinguer ce qui
constitue une activité admissible à un remboursement des
dépenses et ce qui constitue une activité inadmissible. En ce qui
[ Le sénateur Wallace ]
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Vous inventez cela au fur et à mesure.
Le sénateur Wallace : Sénateur Carignan, si je peux me permettre,
je crois que la sénatrice Wallin devra le faire — en fait, c’est libre à
elle, mais je suppose que c’est pour cela que nous sommes ici. C’est
pourquoi, au Sénat...
Le sénateur Mercer : C’est ce que nous voulons faire : lui donner
la chance de parler.
Le sénateur Wallace : Je croyais que c’était moi qui avais la
parole.
Nous aurons cette possibilité; elle l’aura dans cette enceinte.
Comme je l’ai fait remarquer plus tôt, c’est à cela que sert le Sénat.
Nous n’avons pas à déléguer la responsabilité de recueillir les faits.
Nous les obtiendrons ici.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Pour vous répondre, oui, nous allons trouver cela ici. Il serait
étonnant d’apprendre que Deloitte et le Comité permanent de la
régie interne, des budgets et de l’administration n’aient pas demandé
pourquoi ces réclamations ont été faites. Nous allons donc le
découvrir ici. Je serais surpris que dans une vérification de ce genre
de ses dossiers, cette information n’ait pas été trouvée. En tout cas, il
semble qu’elle ne l’a pas été. Je n’en dirai pas plus.
Rapidement, vous avez parlé de trois réclamations présentées par
la sénatrice Wallin au sujet de vols qui ont eu lieu avant sa
nomination. Quand j’y pense, je trouve cela absolument aberrant. Je
n’arrive pas à comprendre comment ces réclamations auraient pu
être traitées par le service des finances du Sénat.
Nous le savons : quand nous présentons des réclamations pour
des vols, nous devons fournir tous les détails concernant les vols en
question. Nous présentons nos cartes d’embarquement, de sorte que
la date du vol est clairement consignée dans le dossier, afin que le
service des finances puisse donner son approbation.
Comment a-t-il pu approuver et traiter ces réclamations en
constatant que les dates auxquelles elles se rapportaient étaient
antérieures à la nomination de la sénatrice? Je faisais partie du
groupe des 18 sénateurs qui, en janvier dernier, avec la sénatrice
Wallin...
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur Wallace, si c’est ce que vous avez
compris, c’est soit que je me suis mal exprimé, soit que vous ne
m’avez pas compris. Ce sont des voyages en avion qui ont eu lieu
après sa nomination, mais pour des engagements qu’elle avait pris
avant sa nomination. Les vols ont eu lieu quand elle était sénatrice.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Merci. Maintenant, je comprends.
Sénateur, parmi les diverses réclamations qui ont été rejetées, y en
avait-il de la sénatrice Wallin qui concernaient des voyages effectués
en partie dans le cadre de fonctions parlementaires et en partie pour
des affaires privées?
[Français]
Le sénateur Carignan : Oui. Il y en a quelques-unes. C’est justifié à
chaque fois. Dans les chiffres que je vous ai donnés, vous voyez la
réclamation, et lorsque le montant est remboursé au complet, c’était
parce que c’était de nature complètement privée; et lorsque c’est
partiellement remboursé, c’est parce que c’était partiellement
admissible et partiellement privé. On a les deux situations.
. (2210)
[Traduction]
Le sénateur Wallace : J’aimerais poser une dernière question, si
possible. Un certain nombre de demandes concernent des voyages
que la sénatrice Wallin a effectués entre Ottawa et Toronto, et entre
Toronto et le lieu de résidence principal de la sénatrice, en
Saskatchewan. Le caractère approprié de certaines de ces
demandes a été remis en question, et certaines ont été rejetées par
le Comité de la régie interne.
Vous faites allusion à des habitudes de voyage ou à un
comportement qui sont inhabituels ou qui sortent de l’ordinaire.
Ce pourrait être le cas pour la plupart d’entre nous. Je sais que, avec
tous les délais d’attente entre les vols que j’ai dû prendre, il aurait
peut-être mieux valu que mes voyages se fassent en plusieurs jours
au lieu d’un seul.
145
Cette tendance aurait été évidente depuis le début. Lorsque le
service des finances du Sénat s’est penché sur les demandes de
remboursement concernant ces voyages entre Ottawa et Toronto, et
entre Toronto et la Saskatchewan, je crois qu’il aurait remarqué
cette tendance, et qu’il l’aurait jugée un peu inhabituelle; il y avait
peut-être une raison.
Le service des finances du Sénat a-t-il déjà interrogé la sénatrice
Wallin au sujet de cette tendance que vous jugez inhabituelle et
anormale?
[Français]
Le sénateur Carignan : Elle s’est fait poser la question par la firme
Deloitte, à la page 21. Vous avez le tableau 4 « Résumé des
déplacements entre la Saskatchewan et la Région de la capitale
nationale ». Vous avez des données, pour chacune des périodes, soit
du 1er janvier 2009 au 31 mars 2009; ensuite du 1er avril 2009 au
31 mars 2010; du 1er avril 2010 au 31 mars 2011; 1er avril 2011 au
31 mars 2012; et 1er avril 2012 au 30 septembre 2012.
Vous avez les directions entre la Saskatchewan et Ottawa; le
nombre de vols; le nombre de vols avec correspondance à Toronto
sans arrêt; le nombre de vols avec une visite d’une nuit à Toronto; et
le nombre de vols avec visite de plus d’une nuit à Toronto. On a 11
vols directs entre Ottawa et la Saskatchewan; un vol pour toute la
période de quatre ans ou quatre ans et demi; un vol avec
correspondance à Toronto direct; 43 vols où on a un arrêt d’une
nuit à Toronto; et 32 vols avec un arrêt de plus d’une nuit. La
sénatrice a donné des explications lorsqu’il y avait des fonctions
parlementaires qui demandaient un arrêt plus long.
La firme Deloitte a considéré que si c’était justifié et qu’il y avait
un vol de correspondance et que la sénatrice demeure une nuit parce
que la correspondance était trop serrée ou qu’elle était pour arriver
plus tard, ils l’ont considérée justifiée. Lorsqu’il y avait une fonction
parlementaire qui était exercée au niveau de la correspondance, ils
l’ont considérée justifiée. Par contre, lorsqu’il n’y avait pas
d’attestation de fonction parlementaire ou de rencontre en
particulier, ou lorsque c’était plus qu’une journée, ils ont
considéré que ce n’était pas justifié et ils ont réclamé seulement la
surcharge, donc la différence du prix entre un prix régulier et le prix
plus élevé qui a été appliqué en considération de l’arrêt plus long.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Sénateur, nos politiques et lignes directrices
prévoient-elles des dispositions concernant les escales de plus d’une
journée?
[Français]
Le sénateur Carignan : Il y a 32 escales à Toronto qui ont duré
plus d’une journée.
[Traduction]
Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Dallaire
invoque le Règlement.
Le sénateur Dallaire : C’est un recours au Règlement ou une
question de procédure. Je vous demande pardon; je suis sénateur
depuis huit ans seulement, et je suis encore en apprentissage.
J’ai entendu le sénateur Carignan dire que la sénatrice Wallin aura
droit au temps de parole habituel de 15 minutes, avec possibilités de
prolongation, pour répondre. Je ne vois aucun inconvénient à ce
146
DÉBATS DU SÉNAT
qu’on m’accorde un temps de parole de ce genre, mais si cette
auguste assemblée lui demande d’expliquer tous ces renseignements,
son temps de parole ne se limitera certainement pas à 15 minutes et
quelques prolongations, n’est-ce pas?
Son Honneur le Président intérimaire : Elle devra demander aux
sénateurs de lui accorder davantage de temps, et la décision leur
reviendra.
Le sénateur Dallaire : La Chambre n’est pas reconnue pour sa
générosité à ce chapitre. C’est au compte-gouttes qu’elle accepte de
prolonger le temps de parole de cinq minutes. Je me dis simplement
que, dans le cadre du processus évoqué initialement — à savoir qu’il
ne s’agit pas même pas d’un procès sommaire —, si quelqu’un
obtient toutes sortes de renseignements auprès de toutes sortes de
sources, la procédure devrait lui permettre de disposer d’autant de
temps de parole qu’il le juge nécessaire, ou quelque chose du genre,
afin de pouvoir y réagir, au lieu de se faire dire simplement qu’il
n’est qu’un sénateur parmi d’autres et que, comme tout autre
sénateur, son temps de parole est limité à 15 minutes. Je ne vois pas
où est la justice dans tout cela. Cela me semble tout simplement
injuste.
Son Honneur le Président : Le sénateur Dallaire a invoqué le
Règlement. Le débat se déroule très bien, tout à fait dans les règles,
et la présidence fera tout en son pouvoir pour que cela continue.
Je dois dire qu’il est à l’honneur de tous les sénateurs que le débat
se soit si bien déroulé jusqu’à présent et je suis tout à fait convaincu,
compte tenu de la mosaïque de compétences dont vous faites
bénéficier la Chambre, qu’il demeurera aussi sain, rigoureux et
harmonieux qu’il l’a été jusqu’à présent.
Je vous remercie, sénateur Dallaire, mais cette affaire, ces
délibérations complexes et quelque peu historiques, se déroule très
bien.
L’honorable Joan Fraser (leader adjoint de l’opposition) : J’ai ce
que je considère comme une question très sérieuse. Elle me taraude
depuis le début de la semaine, mais particulièrement depuis que j’ai
écouté vos observations de ce soir, sénateur Carignan.
Dans les longs discours que vous avez prononcés cette semaine —
en fait, je ne sais pas où vous puisez votre endurance — vous avez
fourni énormément de détails. Vous nous avez lu de très longs
extraits détaillés des rapports de Deloitte. Vous avez cité la
jurisprudence de l’affaire Stockdale à nos jours, et j’ai peut-être
manqué une référence plus ancienne encore, mais deux siècles de
jurisprudence c’est déjà beaucoup et je pense que vous avez cité à
peu près tous les exemples. Vous avez cité des lois, des fondements
législatifs...
Le sénateur Carignan : Non, ce n’est pas vrai.
La sénatrice Fraser : Je pense que si. Vous avez cité un fondement
législatif relatif à la discipline que nous pouvons imposer aux
membres de notre caucus. Si j’ai tort, je vous prie de m’excuser, mais
je pensais vraiment que vous l’aviez cité.
Par contre, vous ne nous avez pas fourni le fondement détaillé et
comparable des critères qui sous-tendent votre conclusion que les
sanctions que vous proposez dans vos motions sont appropriées
dans ces cas-ci.
Pouvez-vous nous expliquer ces critères et nous donner leur
fondement?
[ Le sénateur Dallaire ]
24 octobre 2013
[Français]
Le sénateur Carignan : Il y a des précédents sur lesquels on peut se
fier. On en a un ici, qui est la cause Thompson, qui est la seule
décision que nous ayons. On en a quelques-uns à la Chambre des
lords, comme je l’ai expliqué. Et le cas qui était semblable au niveau
de la résidence donnait un an de suspension.
Normalement, les critères pour établir une peine sont la gravité de
l’offense, la répétition, le fait pour la personne de s’amender ou de
reconnaître qu’elle a commis une faute et la gravité de l’acte par
rapport à son statut, à sa fonction, au devoir qu’elle a.
. (2220)
Il s’agit de différents critères.
Je peux présenter de la jurisprudence en matière de sanction
disciplinaire. On peut s’inspirer du droit disciplinaire, mais je vous
dirais qu’il nous revient d’établir nos propres balises.
On peut s’inspirer des critères qui existent pour les corporations
professionnelles. Par exemple, les juges sont nommés et, en principe,
ils sont indépendants, inamovibles et nommés jusqu’à 75 ans. On
peut regarder la jurisprudence qui concerne les juges. Si un juge
effectuait à répétition des réclamations de cette nature-là, je ne sais
pas quelle serait la recommandation du Conseil de la magistrature.
J’ai l’impression qu’il y aurait une recommandation de destitution
ou que le juge aurait démissionné avant.
Je pense que la fonction qui se rapproche le plus de la nôtre, c’est
celle d’un juge. Je peux vérifier et revenir, lors d’une autre séance,
avec des décisions du Conseil de la magistrature qui pourraient nous
guider, les juges ayant un poste garanti et étant inamovibles jusqu’à
l’âge de 75 ans. Cependant, je ne pense pas que cela va être à
l’avantage de nos collègues.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : Vous pensez peut-être que ce ne sera pas à
l’avantage de nos collègues, mais moi, je crois que ça pourrait leur
être très utile. Nous examinons ici un cas dont la gravité est sans
précédent.
Laissez-moi vous expliquer davantage l’une des raisons pour
lesquelles je suis si troublée. Dans la plupart des cas — nous avons
certes entendu cela souvent au Comité sénatorial permanent des
affaires juridiques et constitutionnelles, auquel j’ai siégé pendant
quelques années aux côtés de certains d’entre vous —, les peines ou
les sanctions sont censées être proportionnelles à l’infraction
commise. Dans ce cas, vous proposez d’imposer une sanction qui
arrive au second rang des sanctions les plus sévères que le Sénat peut
imposer, la plus sévère consistant à déclarer un siège vacant. Je l’ai
dit cet après-midi et je le répète tout simplement pour ceux d’entre
vous qui étaient peut-être assoupis pendant mon discours, cet aprèsmidi.
Par conséquent, quelle peine ou sanction réserveriez-vous aux
infractions que la plupart des gens considèrent comme étant
beaucoup plus graves? Il existe des infractions que la majorité de
la population pourrait considérer comme étant plus graves, comme
le fait d’enfreindre les lois électorales, par exemple. Cela dit, comme
nous avons pu le constater, de telles infractions ne font pas toujours
l’objet d’une mise en accusation, et par conséquent, elles ne sont pas
visées par le chapitre 15 du Règlement.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Selon vous, serait-il plus grave qu’un sénateur, par exemple un
avocat de formation, soit reconnu coupable d’avoir détourné des
fonds d’une fiducie? De toute évidence, le barreau imposerait des
mesures disciplinaires à l’avocat, mais dans le cas qui nous occupe, il
est question d’un sénateur.
Quel type d’infraction serait à votre avis plus grave que celle
commise par ces sénateurs, et parmi les sanctions que nous avons le
pouvoir d’imposer, laquelle serait encore plus lourde que celle que
nous avons l’intention de leur imposer?
[Français]
Le sénateur Carignan :Une sanction plus lourde pourrait être
l’expulsion. C’est un élément qui mériterait une étude approfondie.
Je pense qu’on a le pouvoir de procéder à l’expulsion. C’est certain
que cela demeure la sanction la plus sévère. La Constitution prévoit
des cas d’expulsion, à l’article 31, dans le cas de perte de
qualification. Ce sont des cas qui sont documentés. Dans le cas
des crimes infamants, si un jour quelqu’un décide de rouvrir la
Constitution, on devrait mettre à jour les éléments où on doit
disqualifier un sénateur. Je pense que les termes devraient être
modernisés, tout comme l’institution d’ailleurs. Mais la sanction la
plus grave, c’est l’expulsion.
Il y a évidemment la possibilité d’être plus sévère. Après avoir
consulté des collègues, j’ai fait une recommandation qui venait un
peu d’un consensus. Plusieurs suggéraient l’expulsion. Je trouvais
que la suspension pour la session était plus appropriée et que
l’expulsion était peut-être trop sévère. Certaines des personnes que
j’ai consultées étaient tellement indignées qu’elles songeaient aussi à
requérir l’expulsion. Cela peut être amendé si des gens veulent
demander l’expulsion, mais je pense que la suspension jusqu’à la fin
de la session est sévère.
147
[Traduction]
Son Honneur le Président : Le sénateur Cowan veut-il prendre la
parole?
Le sénateur Cowan : Non. Allez-y. Je m’incline toujours devant le
sénateur Plett.
L’honorable Donald Neil Plett : J’aimerais demander...
Le sénateur Tkachuk : Vous l’appelez un « ami ».
Le sénateur Plett : En bien, sénateur Tkachuk, j’espère que vous
aussi me considérer comme un ami.
Monsieur le leader, accepteriez-vous de répondre à une question?
Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais n’ayant pas le même
bagage juridique que vous, ou d’autres, pourriez-vous me donner la
définition de « consensus », s’il vous plaît?
[Français]
Le sénateur Carignan : Je n’ose pas sortir une étymologie latine
devant le Président, mais c’est ce qui converge, ce qui va dans le
même sens. Ce sont différents points de vue qui sont exprimés et qui
vont dans la même direction. Cela ne veut pas nécessairement dire
que la direction est une ligne fine. Cela peut parfois être un peu plus
large et avoir une certaine flexibilité, mais c’est aller dans la même
direction.
. (2230)
[Traduction]
Par contre, j’ai parlé de l’article 5-5i) du Règlement, qui figure
dans la motion, et qui permet de reconsidérer la sanction dans les
mois à venir si un sénateur voulait revenir sur la question.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : Je ne pensais pas que j’aurais l’occasion de
vous féliciter dans le cadre de ce débat, mais je vous félicite d’avoir
refusé d’envisager l’expulsion dans ces cas, même si on vous a pressé
de le faire. Il s’agit de situations où les torts causés ont été réparés.
Personne — sauf peut-être les sénateurs eux-mêmes — n’a subi de
préjudice. Je suis convaincue qu’on aurait causé un scandale
d’importance historique si on avait procédé à l’expulsion de ces
sénateurs.
J’ai hâte que vous indiquiez, sénateur, les critères que vous avez
appliqués pour parvenir à la décision de demander ces sanctions,
que je considère excessives. Je regrette que, d’après ce que j’en
déduis, vous soyez opposé à ce que le comité étudie cette question,
car j’ai en tête quelques éléments dans ces dossiers qu’il conviendrait
davantage d’étudier en profondeur au comité que les pénalités qu’il
y a lieu d’imposer pour diverses entorses au Règlement et, plus
particulièrement, pour ces transgressions. Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Est-ce que c’était une question?
La sénatrice Fraser : C’était un commentaire.
L’honorable George Baker : Honorables sénateurs, je pense que le
fait que nous soyons en train d’établir un précédent constitue à
l’heure actuelle l’un des problèmes les plus graves, et nous n’avons
aucun texte qui établit comment nous devrions interpréter la notion
de « négligence grossière » dans les circonstances.
J’aimerais poser la question suivante au sénateur Carignan — je
ne sais pas s’il souhaitera y répondre. D’après ce que j’ai compris des
dernières interventions, le fardeau de la preuve pourrait être inversé.
Les réponses que vous avez données aux questions du sénateur
Wallace, qui était un juriste accompli dans une autre vie, m’ont
donné à penser qu’il y a ici inversion du fardeau de la preuve. En
outre, je suppose que, si les sénateurs pouvaient fournir des éléments
de preuve, ces derniers seraient appréciés selon la prépondérance des
probabilités. Je ne sais pas si le sénateur souhaite répondre.
Les choses se corsent même davantage, parce que, si l’on consulte
la jurisprudence — et je suis certain que le sénateur Carignan sera
d’accord —, pour établir qu’il y a eu « négligence grossière », il faut
prouver dans une certaine mesure la mens rea. Autrement dit, il faut
que les circonstances démontrent s’il y a eu négligence grossière de
manière délibérée ou non.
Les tribunaux ont établi que, si la mens rea, l’intention coupable,
n’est pas prouvée, alors l’accusation est réduite et il s’agit seulement
de négligence. Il est question ici de lois fédérales telle la Loi de
l’impôt sur le revenu. Je vous cite un extrait de la décision Boileau c.
Ministre du Revenu national : « [...] l’application du paragraphe en
question exige que l’on fasse la preuve d’une intention ou d’une
conduite coupable. »
148
DÉBATS DU SÉNAT
24 octobre 2013
Puisqu’on nous demande de nous pencher sur une question très
complexe, puisqu’il n’y a aucun texte sur lequel nous pouvons nous
fier, comme la Loi de l’impôt sur le revenu, et puisqu’il n’y a aucun
précédent pertinent concernant la grossière négligence, avez-vous
quelque chose à dire à ce sujet? Vous avez parlé de cette notion au
regard de décisions qui ne portaient pas sur la négligence grossière.
Il est donc difficile de définir cette notion en fonction des décisions
que vous avez citées.
Est-ce intentionnel? Si c’est intentionnel, ce n’est pas de la
négligence grave. Si c’est intentionnel, c’est un autre type d’acte.
C’est une enfreinte à notre Règlement, mais c’est aussi une autre
enfreinte à une Loi du Parlement qui sera sanctionnée et enquêtée
par une autre autorité. Pour ce qui est de l’enfreinte à la dignité et à
l’intégrité, de l’outrage au Parlement, c’est à nous de juger au niveau
des standards de la profession.
Avez-vous des commentaires à cet égard? Car, en vérité, nous
devons connaître ce que vous appelez communément en droit les
éléments constitutifs de l’infraction. Quels sont ces éléments? Vous
avez dit que l’intention n’en faisait pas partie.
Nous écrivons ici, comme vous le dites, et c’est nouveau. En
adoptant ces décisions — si on les adopte, évidemment — on va
créer une jurisprudence qui créera un standard, on va créer un
précédent. Et si cela se reproduit dans deux ans, 10 ans ou 15 ans,
dépendamment comment le Sénat existera à ce moment-là, ce sera
un standard.
Si je vous ai bien compris — je n’en suis pas certain, car je me fais
vieux, mais il me semble que c’est ce que vous avez dit — la
négligence n’est pas nécessairement un facteur. Vous me faites signe
que non. D’accord, je retire mes paroles.
Qu’est-ce que ça prend alors? Quels seraient, selon vous, les
éléments essentiels de l’infraction? S’agit-il, selon vous, des mêmes
éléments de l’infraction qui s’appliquent à la notion de « faute
lourde » dans la Loi de l’impôt sur le revenu? Y a-t-il, en fait, une
inversion du fardeau de la preuve dans le cas présent et quelle serait
la norme de preuve pour une personne accusée de négligence
grossière? Je ne sais pas si vous avez des commentaires sur l’une ou
l’autre de ces questions.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Par rapport à l’application de la Loi sur le
Barreau?
Le sénateur Nolin : Par rapport à la question que vous venez de
poser.
[Français]
[Français]
Le sénateur Carignan : C’est certain que je vais commenter.
L’infraction est l’outrage au Parlement. Ce sont des gestes, des faits,
une imprudence, une violation au Règlement de la Chambre qui
porte atteinte à la dignité et à l’intégrité du Parlement. Un peu
comme en matière disciplinaire ou en matière d’éthique, l’infraction,
par exemple, peut être dans le comportement d’un avocat qui
portera atteinte à la dignité et à l’intégrité de la profession. Qui sont
les meilleures personnes pour juger de l’atteinte à la dignité ou à
l’intégrité de la profession? Ce sont les pairs, parce qu’ils connaissent
les standards, ils sont les experts dans ce milieu, ils savent ce qui est
correct ou non. Je suis avocat. J’ai une bonne idée, pour un avocat,
de ce qui constitue un conflit d’intérêts ou non. Dans le cas d’un
médecin, je suis un peu moins bon, et c’est la même chose ici.
L’infraction est donc d’avoir un comportement négligent grave, à
un point tel qu’il porte atteinte à la dignité et à l’intégrité du Sénat et
du Parlement. Comment on le voit? C’est ce que nous vivons. C’est
pourquoi, au cours de l’été, la gêne que vous avez éprouvée et dont
je parlais plus tôt avec le sénateur Robichaud, les commentaires
désobligeant qui ont été portés à notre connaissance nous ont
permis de mesurer l’impact de cette atteinte à la dignité, à l’intégrité
et à l’honneur. Notre expérience et notre expertise, en tant
qu’individus et sénateurs, nous permet de juger de cette atteinte à
la dignité.
C’est un peu technique, mais il n’est pas question de « hors de tout
doute raisonnable ». Nous ne sommes pas en matière criminelle. Je
vous suggérerais la prépondérance de la preuve. Si j’avais à plaider
en sanction disciplinaire, ce serait le cas. C’est à ce niveau que, selon
moi, cela doit s’appliquer.
Comme je vous l’ai expliqué, la négligence grossière, dans le sens
de ma motion ici, est une incurie, une imprudence. Dans les faits que
je vous ai présentés, on regarde et on n’a pas de réponse logique
autre, de conclusion, qu’il s’est passé quelque chose pour que l’on
réclame 31 fois des affaires privées alors qu’on a inscrit que c’était
une fonction parlementaire.
[ Le sénateur Baker ]
Le sénateur Nolin : Sénateur Carignan, le sénateur Baker soulève
un point fort intéressant. L’intention coupable qui soulève
l’infraction criminelle est-elle nécessaire? J’entends dans votre
réponse que vous parlez de l’intention sans la qualifier d’intention
criminelle. Est-ce que vous voyez là une nuance, qui m’apparaît
importante, pour répondre au sénateur Baker? Parce qu’on est en
matière disciplinaire.
Le sénateur Carignan : On est en matière disciplinaire, mais on est
dans une rédaction de négligence.
Le sénateur Nolin : Il y a une notion d’intention, mais peut-être
pas criminelle.
Le sénateur Carignan : C’est de l’insouciance ici. Je ne prétends
pas que nos collègues avaient l’intention de frauder. J’ai dit le
contraire depuis que nous débattons de cette décision. Ce sont
d’honorables collègues, et je ne peux pas croire que c’est la situation.
Je n’ai pas d’éléments pour me démontrer cela, le Comité de la régie
interne non plus. C’est pour cela que le comité a dit que cela ne
faisait pas partie de son champ de compétence, que ce n’était pas à
lui de juger des lois de nature criminelle et qu’il enverrait cela à une
autre autorité qui fera enquête. Si c’est cette nature, elle prendra des
poursuites, car ce n’est pas dans le champ de compétence du comité.
. (2240)
Notre champ de compétence, c’est notre Règlement et de juger de
l’outrage au Parlement. Je n’ose pas vous réciter le premier discours
que je vous ai fait, mais les auteurs citaient que les outrages au
Parlement se créent à mesure que l’histoire avance, parce que ce
n’est pas défini comme acte, parce que c’est ce qui porte atteinte à la
dignité et à l’intégrité du Parlement.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Toute conduite inappropriée ou inconduite peut constituer un
outrage au Parlement, qu’il se crée à l’intérieur de la Chambre ou
même à l’extérieur complètement du Parlement. Je résume et
paraphrase, mais c’est le contenu de ce que les auteurs en privilège et
en immunité parlementaire ont donné dans la doctrine.
149
C’est large. Donc oui, il y a des situations particulières qui sont
citées une par une pour prévoir des obligations particulières, mais si
cela n’entre pas dans ce contexte, on y va avec la ligne générale. Je
vous le dis, parce que j’en ai rédigé des plaintes disciplinaires. On a
donc cet aspect qui est jugé par les pairs.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Je suppose donc que ce qui distingue la
négligence grossière de la simple négligence, c’est son ampleur.
Pourriez-vous préciser ce point?
Le second point se rapporte à l’exemple que vous avez donné
concernant le barreau dont vous faites partie. J’ai eu plusieurs fois
l’occasion de lire son règlement au fil des ans. Lorsqu’une plainte
interne ou externe est déposée concernant une faute disciplinaire, le
Barreau du Québec lance une enquête. Ensuite, s’il y a lieu, si le
comité du barreau qui procède à l’enquête conclut que la plainte a
un certain fondement, un tribunal est constitué. C’est ce qu’on
appelle un tribunal disciplinaire.
Lorsqu’un avocat comparaît devant ce tribunal, il est accompagné
d’un conseiller juridique. Il faudrait être fou pour se présenter seul.
Ce conseiller représente le barreau devant le tribunal disciplinaire, et
l’infraction dont l’avocat est accusé pourrait être n’importe quelle
infraction de la liste que contient le code de déontologie des avocats
du Barreau du Québec. Je regrette, mais dans certains cas, ces
infractions sont très explicites. Elles se rapportent à des
circonstances particulières qui se sont déjà produites ou elles sont
tirées du code de déontologie de l’Association du Barreau canadien,
que doivent suivre les avocats des autres provinces et territoires du
Canada.
Ensuite, le tribunal fait un compte rendu au barreau, qui décide
ensuite s’il mettra en œuvre la mesure disciplinaire. Le barreau
établira alors les peines qui pourraient être appliquées : il
déterminera le montant de l’amende ou encore la sanction qui
sera imposée.
Vous dites que, normalement, une enquête est menée par le
Bureau du syndic qui arrive à une conclusion et qui décide de porter
plainte contre un avocat qui n’aurait pas respecté ce devoir d’agir
dans la dignité et dans l’intégrité. C’est un peu ce que je reproche ici,
dans ma motion : qui a porté atteinte à la dignité et à l’intégrité du
Parlement? Vous voyez le parallèle? Donc, il y a enquête, plainte et
présence devant le comité de discipline composé de pairs.
Ici, pour les infractions d’outrage au Parlement, qui est le
tribunal? C’est nous. Quelle est la procédure? Nos procédures. Et
nos procédures font en sorte qu’il y a eu une enquête faite par le
Comité de la régie interne, qui a le pouvoir exclusif de déterminer si
une dépense est conforme ou non, qui a pris une décision et qui a dit
que ces dépenses sont non conformes. Qui peut porter plainte? Nous
tous, en tant qu’individus, en tant que sénateurs, pouvons porter
plainte contre un autre membre pour dire : vous avez porté atteinte
à l’intégrité et à la dignité de mon institution. Comment on le fait?
Par une motion qu’on introduit sur préavis, comme je l’ai fait, en
disant pourquoi je pense que vous avez porté atteinte à la dignité et
à l’intégrité. Le tribunal, c’est nous. La jurisprudence, c’est nous qui
allons la déterminer, c’est nous qui avons à établir les critères pour
la sanction.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Je donne la parole au leader de
l’opposition s’il souhaite poser une question.
Le sénateur Cowan : Merci, monsieur le Président.
Il s’agit d’un processus ouvert où les éléments de preuve sont
clairement énoncés et où vous savez à quoi vous devez répondre. On
vous dit de quoi vous êtes accusé, puis une audience entière et
complète qui dure plusieurs jours a lieu devant un tribunal. Ce
dernier fait un compte rendu au barreau, qui, à son tour, prend une
décision. De plus, la Loi sur le Barreau du Québec prévoit une
protection. Vous pouvez interjeter appel à la Cour supérieure du
Québec. Puis, si vous n’êtes pas satisfait de sa décision, vous avez le
droit d’interjeter appel à la Cour d’appel du Québec. Enfin, si vous
n’êtes toujours pas satisfait, vous pouvez interjeter appel à la Cour
suprême du Canada, si elle accepte d’entendre la cause.
Autrement dit, des mesures de protection sont prévues
explicitement au cours de l’affaire à laquelle la personne doit
répondre. Conviendrez-vous avec moi que le processus suivi dans la
situation qui nous intéresse n’atteint pas la norme du barreau que
vous avez mentionnée?
[Français]
Le sénateur Carignan : Votre question est intéressante. J’aimerais
faire un parallèle. Premièrement, en ce qui concerne l’infraction, le
Code de déontologie des avocats du Barreau du Québec prévoit, à
l’article 2.00.01, ce qui suit :
L’avocat doit agir avec dignité, intégrité, honneur, respect,
modération et courtoisie.
Sénateur Carignan, j’éprouve un grand respect à votre égard — je
partage d’ailleurs l’admiration de la sénatrice Fraser envers votre
vigueur — et j’ai écouté attentivement vos propos et vos réponses
aux questions pendant près de sept heures au cours des trois derniers
jours. J’attendais que vous abordiez ce que je considère comme les
sujets essentiels. Je les ai abordés brièvement pendant mon discours
l’autre jour, et j’y reviendrai peut-être parce que, à mon avis, il n’en
a pas été question. Nous avons écouté vos réponses ou plutôt, avec
tout le respect que je vous dois, l’absence de réponse aux questions
de la sénatrice Fraser, du sénateur Dallaire, du sénateur Eggleton
l’autre jour et d’autres sénateurs à propos des critères sur lesquels
vous vous êtes fondé pour en arriver à la conclusion que la sanction
que vous avez choisi d’inclure dans vos motions était appropriée.
Cependant, fondamentalement, je me demande pourquoi nous
sommes ici à faire cela. Je me demande pourquoi — à part,
évidemment, pour plaire à votre base politique et pour étouffer le
débat et priver les personnes concernées de l’occasion d’affronter les
accusations qui pèsent contre elles, dans le respect des principes de
l’application régulière de la loi et de la primauté du droit au pays —
je me demande, dis-je, ce qui vous a amené à proposer que nous
soyons saisis de ces trois motions à ce moment-ci?
Le sénateur Mercer : Bonne question.
150
DÉBATS DU SÉNAT
. (2250)
[Français]
Le sénateur Carignan : Nous avons pris la décision à la première
occasion. Nous avons reçu le rapport de la sénatrice Wallin à la miaoût, et nous devions aussi décider du maintien ou non du congé qui
était accordé au sénateur Brazeau.
On avait à décider si on renouvelait ou non le congé du sénateur
Brazeau. Comme on avait un rapport dans le dossier de la sénatrice
Wallin au cours de la mi-août, et que la Chambre ne siégeait pas, je
croyais qu’il était approprié — et je crois qu’il est toujours
approprié — de se pencher sur ces trois dossiers à la première
occasion.
Comme la juge McLachlin l’a dit dans son jugement de la Cour
suprême, dans Harvey, nous sommes tenus d’agir. Lorsqu’on
considère qu’il y a eu une atteinte à la dignité et à l’intégrité du
Parlement, nous sommes tenus d’agir. Nous sommes les seuls à
pouvoir agir. Si nous ne le faisons pas, cela ne viendra pas de
l’externe. Nous sommes les seuls à avoir ce pouvoir et nous avons
une obligation constitutionnelle de le faire.
Je l’ai donc déposé.
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Nous avons déjà discuté de tout cela,
sénateur Carignan. Personne ne nie que c’est à nous qu’il incombe
d’agir. Nous en avons l’obligation. On l’a répété à maintes et
maintes reprises. Personne ne remet cela en question.
Ce que vous dites, au sujet de la sénatrice Wallin, c’est que vous
nous saisissez de cela maintenant parce que c’est la première
occasion qui se présente depuis que nous avons reçu le rapport,
déposé à la mi-août. Qu’est-ce qui a changé dans les situations des
sénateurs Brazeau et Duffy depuis, et pourquoi voulez-vous agir...
Une voix : Oh, oh!
Le sénateur Cowan : Sénateur Tkachuk, c’est au sénateur
Carignan que je pose ces questions. Vous aurez peut-être
l’occasion de prendre la parole à un moment donné, mais pas ce
soir. Puisque vous n’avez pas très bien su répondre aux questions
qui vous ont été posées avant, vous devriez être attentif.
Pourquoi jugez-vous que le moment est maintenant bien choisi
pour agir à leur endroit? Pourquoi sont-ils dans la même situation
que la sénatrice Wallin?
[Français]
Le sénateur Carignan : Je l’ai expliqué hier. Le processus, pour
moi, s’est établi particulièrement dans le dossier du sénateur Duffy,
parce que le sénateur Brazeau était déjà en congé avec solde. Le
processus s’est établi plus au niveau du sénateur Duffy, le 28 mai,
lorsqu’on a eu l’audience et qu’il a demandé avec son avocat à ce
que l’audience soit publique. Et j’ai été particulièrement choqué par
son absence et par la nature des découvertes qu’on a faites. Je vous
ai lu les transcriptions, tous les membres du Comité de la régie
interne étaient vraiment, vraiment fâchés. Et je l’étais aussi.
24 octobre 2013
J’ai commencé ma réflexion à ce moment-là, et il y avait le dossier
de la sénatrice Wallin qui était en cours. Comme cela arrive assez
peu fréquemment dans l’histoire d’un Parlement, parce qu’il n’y a
pas de cas qui ont été cités, il m’apparaissait approprié de pouvoir
traiter les trois dossiers en même temps pour pouvoir faire une
bonne balance de la situation de chacun.
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Une autre question fondamentale que je me
pose et que j’ai soulevée dans mon discours l’autre jour — et à
laquelle d’autres ont fait référence également, en particulier mon
collègue le sénateur Baker —, a trait à un aspect qui nous préoccupe
tous. Je suis certain qu’aucun d’entre nous, ni d’un côté ni de l’autre
de la Chambre, ne veut prendre quelque mesure que ce soit qui
nuirait aux enquêtes policières ou les compromettrait de quelque
façon que ce soit.
Hier, lorsqu’on vous a questionné à ce sujet, vous avez dit que
avez un goût pour la recherche, particulièrement en droit, et que
vous étiez capable de vous faire votre propre opinion juridique. Je
ne doute nullement de vos capacités et de vos compétences en tant
que juriste et chercheur en droit, mais comme nous devons tous
nous faire notre propre opinion et que nous devons avoir la
conscience tranquille sur des questions fondamentales, je vous
demande donc une nouvelle fois ceci : êtes-vous prêt à déposer au
Sénat — si ce n’est pas dans votre intérêt, car peut-être n’en avezvous pas besoin, mais dans l’intérêt de tous les autres sénateurs —
aujourd’hui ou avant que nous soyons tenus de voter sur ces
motions, les opinions juridiques que vous avez reçues ou que vous
pouvez obtenir qui nous donneraient une garantie absolue que, si
ces motions sont adoptées, elles ne nuiront pas aux enquêtes
policières en cours ou aux accusations qui pourraient être portées à
la suite de ces enquêtes et qu’elles ne les compromettront pas? Êtesvous prêt à faire cette promesse?
[Français]
Le sénateur Carignan : Ce n’est pas à moi de vous donner des
opinions juridiques. Nous avons accès à des juristes, vous comme
moi, auxquels vous pouvez poser une opinion juridique. Et si vous
croyez qu’il y a un risque ou que cela peut être le concept de
« autrefois acquit, autrefois convict », comme le disait le sénateur
Baker, hier — je ne suis pas en accord avec l’application de ce
principe ici —, vous pouvez les déposer si vous en avez.
J’ai dit hier que je me suis fait ma propre opinion, que j’ai basée
sur ma propre recherche et celle de mon équipe, de mon personnel
direct et non pas provenant de l’extérieur. On m’a d’ailleurs posé la
question si j’avais eu accès à une opinion juridique provenant de
BCO, et la réponse est non.
Mon opinion juridique, celle que j’ai, je vous l’ai lue dans ma
plaidoirie, la première journée.
[Traduction]
RECOURS AU RÈGLEMENT
L’honorable Joan Fraser (leader adjoint de l’opposition) : J’invoque
le Règlement.
Son Honneur le Président : La sénatrice Fraser invoque le
Règlement.
La sénatrice Fraser : J’ai attendu pour invoquer le Règlement. Je
voulais consulter les autorités et, surtout, obtenir confirmation du
greffier que j’avais bien compris ce que le sénateur Carignan avait
dit en français. Veuillez donc me pardonner si je vous ramène
quelques minutes en arrière.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
À plusieurs reprises ce soir et, plus particulièrement, dans une de
ses réponses au sénateur Baker, le sénateur Carignan a parlé
d’outrage au Parlement dans ces affaires. Plus précisément, il l’a dit
quand le sénateur Baker a demandé quels étaient les éléments
communs dans les infractions présumées. Peut-être que le sénateur
Carignan a raison. Je ne juge pas d’avance. Je pourrais, mais je ne le
fais pas dans ce cas. Il me semble qu’il a sauté aux conclusions un
peu vite, de manière plutôt grave. L’outrage au Parlement est chose
extrêmement grave. Il est traité comme le privilège qui, comme nous
le savons tous, a préséance sur toute autre question dans le
Règlement. Ce n’est pas une chose qu’un sénateur peut affirmer,
établissant, ce faisant, qu’il y a eu outrage.
J’ai parcouru rapidement la deuxième édition de l’ouvrage
d’O’Brien-Bosc et j’ai trouvé intéressant de voir que, dans une
série de notes en bas de page commençant par la note 123 à la
page 84 et se poursuivant jusqu’à la page 88 de cette édition, on
mentionne et présente divers cas d’outrage au Parlement. Et dans
chaque cas, d’après ce que je comprends, soit un comité d’abord, ou
peut-être la Chambre seulement, ce n’est pas très clair — mais
certainement pas un seul sénateur — un comité sous l’autorité de la
Chambre ou la Chambre elle-même, dis-je, détermine après enquête
et débat s’il y a eu violation de privilège.
. (2300)
Je crois qu’il est antiréglementaire de la part du leader du
gouvernement au Sénat de faire une telle affirmation durant un
débat aussi important, et je vous demande humblement de trancher.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme la
question est survenue durant le débat, il serait utile que le sénateur
dont l’allocution est remise en question nous dise si l’expression
« outrage au Parlement » ou « contempt of Parliament » a été
employée dans son sens non équivoque, ou s’agissait-il d’une
expression ambiguë qui aurait pu être remplacée par d’autres mots?
Ce serait utile, et peut-être que la question pourrait être réglée sur le
champ, si le sénateur Carignan pouvait nous donner quelques
explications à cet égard.
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez, je faisais une suggestion. Je vous
dirais que ce qui est reproché ici en termes exacts, c’est une atteinte à
l’intégrité et à la dignité du Parlement.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Je crois en avoir assez entendu sur ce
point, honorables sénateurs, pour conclure qu’il s’agit d’un choix
terminologique. Je remercie la sénatrice Fraser d’avoir soulevé la
question parce que cela aurait pu causer une autre sorte de
problème.
La présidence estime satisfaisante l’explication fournie par le
sénateur Carignan. Merci.
Autres questions?
[Français]
L’honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je
suis le débat depuis le début et j’avoue que je suis surpris de voir à
quel point les sénateurs de ce côté-ci participent au débat en grand
151
nombre comparativement aux sénateurs de l’autre côté qui, à
quelques exceptions près, alors qu’ils sont deux fois plus nombreux,
ne s’expriment à peu près pas. Cela me met mal à l’aise.
Encore une fois, la procédure qui est utilisée présentement me met
mal à l’aise, car j’ai l’impression que plusieurs de nos pairs attendent
impatiemment que cela finisse pour pouvoir voter. Peut-être sont-ils
déjà bien à l’aise avec cette méthode et qu’ils n’ont pas de
problèmes? Si c’est le cas, c’est peut-être nous qui ne faisons que
retarder le processus? Ou c’est peut-être autre chose.
Dans un autre ordre d’idée, le sénateur Baker a mentionné
l’exemple de notre province, le Québec, qui suit une procédure bien
établie lorsqu’une personne porte outrage à une profession, qu’il
s’agisse des médecins ou autres. Dans cette procédure, il est prévu
que ce sont des pairs expérimentés qui recevront les informations et
débattront ultimement pour prendre une décision. Par contre, si je
prends l’exemple du Barreau du Québec, ce ne sont pas tous les
membres du Barreau qui écoperont de cette tâche, mais bien une
entité qui les représentera. Ces gens sont nommés, je crois, pour
siéger à ce comité spécial qui analyse la problématique et remet son
rapport au Barreau. Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas
faire la même chose au Sénat.
Quand un général est accusé d’outrage ou d’indiscipline, on ne
parade pas les 74 généraux pour étudier la problématique, on a une
méthodologie bien établie. Des pairs sont nommés pour faire ce
travail. L’accusé peut se défendre, il a un droit d’appel et ultimement
la décision est prise. Je ne comprends pas pourquoi vous, qui
confirmez que cette décision fera jurisprudence, vous refusez de
vouloir établir cette procédure. On semble être exceptionnellement
réticent à vouloir utiliser une méthode plus juste, pour nous
permettre ultimement de prendre une décision.
Nous avons bénéficié d’un tout petit discours de la part de la
sénatrice Wallin et des sénateurs Brazeau et Duffy et nous sommes
censés rendre un jugement aussi fondamental que de retirer le salaire
et les privilèges à une personne et sa famille pour peut-être deux ans
et demi. Aucune organisation dans notre pays ne ferait une action
semblable, qu’elle ait été insultée ou non. Je trouve la méthode
utilisée ici horriblement irresponsable. Je ne me sens pas en mesure
de prendre une décision de cette envergure avec l’information que
j’ai reçue et la méthode utilisée. Non seulement vous avez mis les
trois sénateurs dans le même bateau, vous passez de l’un à l’autre
quasiment d’une minute à l’autre, mais en plus, on ne nous donne
aucun outil au-delà du Comité de la régie interne, aucun outil qui
nous permettrait de faire une révision complète du dossier.
Pourquoi refusez-vous de reconnaître qu’on peut établir cette
jurisprudence? On nous dit qu’on va traiter la sénatrice avec une
certaine dignité, alors qu’on lui accorde 15 minutes de parole. Si cela
nous convient, on va peut-être lui en donner plus. On ne lui donne
pas une période de temps raisonnable pour se préparer. J’ai passé 36
ans dans une institution qui a des règles pour envoyer des gens en
prison, réduire leur carrière ou même rendre des décisions de vie et
de mort dans certains cas; je trouve que c’est tout à fait
irresponsable et cela va porter atteinte à notre dignité beaucoup
plus que de mettre ces sénateurs sur la sellette, comme vous êtes en
train de le faire, à leur enlever des privilèges et ultimement leur
salaire. Pourquoi? Pourquoi cette h âte? Pourquoi cette
méthodologie quasi irresponsable vis-à-vis de l’un de nos pairs ou
trois de nos pairs? Je ne leur pardonne pas, mais je vous demande
seulement d’être justes à leur égard.
152
DÉBATS DU SÉNAT
Le sénateur Carignan : Premièrement, concernant votre
commentaire disant que les gens de ce côté-ci ne posent pas de
questions : comme je le dis souvent, ils écoutent. Cela ne veut pas
dire qu’ils sont inactifs. Je vous dirais que c’est une question de
responsabilité. On peut prendre la responsabilité puis l’exercer ou on
peut refuser de la prendre. On a accepté un mandat de l’État, selon
la Constitution, pour adopter des lois, exercer nos fonctions puis
nos obligations constitutionnelles.
. (2310)
Nous pouvons décider d’exercer nos responsabilités. Exercer ses
responsabilités cela veut dire parfois prendre des décisions difficiles,
qui ne nous plaisent pas nécessairement, mais que l’on doit prendre.
On peut ne pas les prendre, balayer la question en dessous du tapis,
faire semblant que le problème n’existe pas. On va dire « ça va
bien », mais à un moment donné cela nous rattrape. Cela nous
rattrape tellement, que la plus grosse crise de l’histoire de ce Sénat-ci
se produit actuellement, probablement parce que des responsabilités
n’ont pas été prises auparavant.
Présentement, je vous demande, à l’ensemble de la Chambre, de
régler cette crise en prenant nos responsabilités, en tranchant cette
question, en arrivant avec une sanction appropriée, si c’est le cas; et
par la suite que nous faisions notre travail. Si nous ne prenons pas
nos responsabilités — nous sommes les seuls à pouvoir prendre cette
décision — et nous allons perdre le respect des gens. Et quand nous
allons aller nous promener dans la rue et aller parler aux médias —
qui sont encore ici à cette heure avancée — et leur dire « regardez
comme on est bons au Sénat, regardez comment on fait un bon
travail; et puis, n’abolissez pas le Sénat, on est tellement utiles! », on
va avoir quoi comme crédibilité? Ils vont dire « on le sait bien, vous
autres, vous ne réglez pas les problèmes, et puis c’est la doctrine du
‘‘tout m’est dû’’ ». Combien de journalistes ai-je entendus, dans
leurs commentaires, dans leurs analyses, dire que c’est la doctrine du
« tout m’est dû »?
Ce n’est pas la doctrine du « tout m’est dû ». Nous avons des
obligations; ce n’est pas notre argent, c’est l’argent du public. Et
quand vous signez avec votre stylo, et que cela amène de l’argent du
public dans votre compte de banque, vous devez être prudents. Je
l’ai souvent dit, on a vu parfois des avocats surcharger avec un stylo;
et j’ai surpris un stagiaire à faire cela. J’ai dit « tu ne peux pas faire
ça; que ce soit avec un couteau ou avec un stylo, c’est un vol pareil;
tu n’es pas mieux que celui qui va voler au dépanneur parce que tu
voles avec un stylo ».
Le sénateur Dallaire : Dommage que nous ne soyons pas assez
nombreux pour applaudir de mon côté aussi; en tout cas nous ne
sommes pas là pour répondre aux applaudissements mais pour
répondre à nos devoirs. Je suis certain que vous ne pensez pas que,
moi et d’autres de mes collègues, avons peur de prendre une
décision. Nous en avons vu bien d’autres. Et ce n’est pas parce que
je me fais écœurer sur la rue par des gens qui, premièrement, trop
souvent ne connaissent même pas notre job, mais qui, en plus,
confondent les méfaits de certains individus avec la valeur de
l’institution dans son ensemble — et même les journalistes le font —,
ce n’est pas parce qu’il y a quelques pommes pourries que toute
l’organisation ne vaut pas un clou et qu’on ferme la boutique.
Certainement ce n’est pas cela qui est supposé nous influencer, ici
dans cette enceinte.
Ce n’est pas que je craigne de prendre une décision, ultimement. Je
veux le faire avec le sens de responsabilité qu’on attend de moi et de
nous tous, s’agissant de rendre justice à un de nos pairs. On ne parle
pas de l’huissier du bâton noir, par exemple; encore moins d’un
enfant à qui on serait en train de demander des comptes. On parle ici
de l’un de nous. Et dans ce contexte, nous n’avons pas, non plus, le
24 octobre 2013
droit d’agir en réaction à l’opinion publique ou autre; nous devons
agir pour assurer que l’institution ne se verra pas dire « quelle est
cette assemblée qui prend des décisions avec si peu d’information, si
peu de méthodologie, et d’une façon qui n’est dans la nature
d’aucune autre institution dans notre pays? »
Nous ne sommes pas les seuls à être payés par le public. Les
policiers sont payés par le public, les procureurs sont payés par le
public, les juges sont payés par le public; un grand nombre de
personnes sont payées par le public. Et ils ont établi des méthodes.
Nous avons la chance de pouvoir établir une méthode. Ce n’est
pas que je veuille que cela prenne trois ou quatre mois, pendant
lesquels nos collègues continueraient de recevoir leur paye tandis
que nous continuerions à examiner leur cas pour déterminer s’ils
ont, oui ou non, commis une faute fondamentale. Ils n’ont pas
encore été trouvés coupables. Nous pourrions choisir une
méthodologie. Pourquoi, au lieu de faire cela tous ensemble ici,
maintenant, ne pas avoir un groupe choisi de nos pairs qui iraient
dans le menu détail et nous reviendraient avec un rapport? Cela
nous permettrait, à la Chambre, de prendre cette décision, et cela
permettrait à nos trois collègues de se défendre devant leurs pairs.
Parce que, ce qui est prévu ici, ce n’est pas vraiment pour eux de
pouvoir se défendre devant leurs pairs.
Le sénateur Carignan : Écoutez, le Règlement prévoit des
dispositions particulières. La sénatrice Wallin aurait pu
m’interroger pendant trois heures de temps, comme vous le faites
actuellement.
Le sénateur Dallaire : J’essaie.
Le sénateur Carignan : C’est comme cela que nous fonctionnons
dans nos délibérations. Le Règlement prévoit que le Sénat peut
suspendre lorsqu’il l’estime justifié. Le Sénat c’est nous; quand on
parle de nous individuellement, c’est l’esprit collectif qui finit par
sortir de l’ensemble; « du choc des idées vient la lumière » — ou
quelque chose du genre. C’est par le cumul de ces délibérations que
nous allons en arriver à une décision juste. C’est une décision
collégiale. C’est la façon établie au Sénat. Nous avons une méthode,
c’est celle-là. Elle n’est pas peut-être parfaite. Elle est peut-être
perfectible, mais pour l’instant c’est celle que nous avons.
Les sénateurs qui sont visés par les trois motions, car nous avons
trois motions indépendantes, peuvent poser des questions, peuvent
amener des éléments. Je suis sûre que la sénatrice connaît mieux le
rapport que moi. Elle a travaillé dessus, sa version est toute annotée.
Elle a fourni des pièces, des documents. Elle peut me contredire sur
un tas de choses, j’imagine, si ce qu’il y a là-dedans n’est pas vrai.
Elle peut me le dire.
Compte tenu du dossier, compte tenu de la sagesse qu’on trouve
en cette Chambre et compte tenu de la situation, il est certain que si
un sénateur demande plus que 15 minutes de temps de parole, on va
dire « oui, prenez le temps qu’il vous faut, une, deux, trois heures »;
ce n’est pas un problème.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Le sénateur Carignan fait constamment un
parallèle avec le barreau. Je ne connais aucune procédure
disciplinaire prévue par une loi provinciale touchant les avocats et
les procédures disciplinaires adoptées par les barreaux qui ne
déclenche pas aussi l’application de la Loi sur les enquêtes. En fait,
je ne connais aucune réglementation au Canada qui ne déclenche
pas l’application de la Loi sur les enquêtes.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Autrement dit, si un tiers a un intérêt dans une affaire faisant
l’objet d’une procédure disciplinaire du barreau, il a le droit de
présenter une demande d’intervention auprès de l’instance, et les
règles régissant cela se trouvent dans les lois provinciales sur les
enquêtes. Bref, le tribunal a les mêmes pouvoirs que ceux dont sont
investis les commissaires par la Loi sur les enquêtes. Ainsi, dans le
cas d’une procédure disciplinaire mettant en cause un avocat, une
tierce partie peut adresser une lettre au président du tribunal
disciplinaire, comme ça s’appelle, citant tel ou tel article de la loi
provinciale sur les enquêtes pour demander le droit d’intervenir,
c’est-à-dire la qualité d’intervenant. Au Québec, on utilise un terme
différent, quelque chose comme « partie intéressée dans une
affaire ».
. (2320)
On demande ensuite à cette personne, et à toutes les autres
personnes concernées, de présenter un exposé établissant d’abord
leur droit d’intervenir au tribunal, puis les raisons pour lesquelles on
devrait leur accorder un statut d’intervenant afin qu’elles puissent
participer à l’enquête.
Ce que je veux dire, c’est que ce ne sont pas que le barreau et la
procédure complexe suivie lors de l’audition des témoins qui sont en
cause. Pour l’audition des témoins, on procède comme avec toute
autre procédure judiciaire, comme toute demande initiale soumise à
une cour supérieure. Autrement dit, on présente une demande, par
exemple : l’avocat untel contre le Barreau du Québec. On expose les
faits, et on présente ses arguments. Même les tiers sont autorisés à
participer à ces procédures, si elles présentent pour eux un intérêt,
quel qu’il soit.
À l’échelle provinciale, les dispositions de la Loi sur les enquêtes
sont assez générales. L’intérêt de la personne peut être de nature
financière, juridique ou scolaire. La procédure suivie par les
barreaux est plus complexe que cette procédure judiciaire.
Je ne veux pas dire que cette procédure judiciaire comporte des
failles suffisamment importantes pour qu’elle soit invalidée, mais
que, même dans le cas d’une enquête menée par le vérificateur
général, on fait appel à la Loi sur les enquêtes, et aux commissaires
nommés aux termes de cette loi. Je veux dire que, peu importe la
nature de l’enquête, quel que soit le tribunal disciplinaire, et quels
que soient les avocats en cause, cette procédure est bien plus
complexe que celle qui nous intéresse.
Je ne sais pas si le sénateur Carignan croit nécessaire d’élargir
l’organe décisionnel dans le cas qui nous occupe. Il a dit assez
clairement qu’il juge la procédure adéquate en soi. Elle ne
s’apparente pas à une audience disciplinaire du barreau, mais elle
est suffisamment adaptée à ses fins. Est-ce exact?
[Français]
Le sénateur Carignan : Écoutez, je ne peux pas élargir le corps
décisionnel plus que je le fais maintenant. Le Sénat au complet
compte 99 sièges et six sièges vacants. Nous sommes 99 à décider.
De plus, les personnes visées par la motion peuvent aussi participer.
Il est assez rare que la personne poursuivie participe à la rédaction
du jugement. Voyez-vous, c’est particulier, mais c’est comme cela un
parlement. Vous ne pouvez pas avoir plus grande justice naturelle
que de participer à la rédaction du jugement. Nous nous entendons
là-dessus. C’est le fonctionnement en décision collégiale.
Lorsque vous me parlez des éléments de l’infraction, il ne faut pas
oublier que la première partie de l’élément est comprend les
réclamations faites jugées non conformes au Règlement. Un
153
comité a décidé. Ce comité a le pouvoir exclusif de décider a
rencontré la sénatrice Wallin. Deloitte a eu plusieurs rencontres avec
les trois sénateurs visés. La sénatrice Wallin a eu la chance de
présenter son point de vue. Tellement, qu’elle avait 532 508 $ en
réclamation et 390 000 $ pour lesquels on lui a donné raison. Elle a
gagné deux tiers de sa cause et il est resté 121 348 $. C’est pour cette
partie des réclamations qu’elle n’a pas réussi à convaincre le comité
qu’elles étaient conformes. Selon le comité, un peu moins du quart
des réclamations n’étaient pas conformes. Elle a gagné le trois
quarts de sa cause devant le Comité de la régie interne.
Il y a eu des étapes ultérieures. Il y a eu des évaluations de la
balance de la preuve qui ont été faites, mais le Comité de la régie
interne a décidé et pris la décision de demander le remboursement de
121 000$.
La partie de la violation du Règlement est déjà établie. Quelle est
la partie qui manque? Atteinte à la dignité et à l’intégrité. Qui est le
mieux placé décider de cela? Nous.
[Traduction]
Le sénateur Segal : Je souhaite poser une question au leader du
gouvernement et j’aimerais qu’il réponde à titre de leader du
gouvernement au Sénat et non à titre de procureur de l’État, un rôle
qu’il doit se sentir obligé de jouer, j’en suis sûr. Je comprends, tout
comme lui, la différence entre les deux. Je comprends la complexité
de la situation et le fait qu’il doit porter les deux chapeaux ne me
trouble pas du tout.
Je ne pose donc pas la question au procureur de l’État, mais bien
au leader du gouvernement au Sénat. Il a un devoir plus vaste que
celui d’un procureur, chose qu’il comprend mieux que personne.
Les rencontres qui ont eu lieu les 12 et 13 août concernant la
sénatrice Wallin se sont déroulées à huis clos. Je crois savoir qu’il
aurait normalement dû y assister, mais qu’il en a été incapable. Un
remplaçant a siégé pour lui. J’ai eu moi-même le privilège d’y être et,
en voyant le leader du gouvernement au Sénat se fier au rapport de
ce comité et à celui du vérificateur, je me suis rendu compte de ce qui
y manquait. Ceux qui ont assisté à ces rencontres l’ont, mais ceux
qui n’y étaient pas ne l’ont pas, parce que ce dont je parle ne paraît
pas dans le rapport. Je parle des échanges entre les vérificateurs
concernant les règles utilisées pour arriver à une décision et s’ils
avaient vérifié de manière indépendante les règles qui avaient été
utilisées. Je ne vais pas entrer dans le détail de ce qu’ils ont dit; ce
n’est pas à moi d’en faire rapport. La question concernant les
commentaires attribués aux vérificateurs — ce qu’ils ont vivement
nié, et de façon officielle, par surcroît — rien de tout cela n’existe
ailleurs que dans les comptes rendus secrets de ce comité.
N’a-t-il aucun remords de conscience? Non pas en tant que
procureur, parce que je sais que les procureurs cherchent à faire
condamner les gens; c’est leur travail. En tant que chef du
gouvernement au Sénat, ne ressent-il pas une pointe de regret à la
pensée que personne, dans cette Chambre, à part ceux qui se
trouvaient à la réunion du comité, n’a la moindre idée de ce qui s’est
passé et des échanges qui ont eu lieu? Pour aider les sénateurs de
tous les partis à voter selon leur conscience, comme il les invite à le
faire, ne voudrait-il pas, en tant que leader du gouvernement au
Sénat, communiquer avec l’administration du Sénat afin que les
transcriptions confidentielles des réunions des 12 et 13, de la réunion
du comité où on a décidé quoi dire aux vérificateurs au sujet des
règles à suivre et de toutes les réunions qui ont eu lieu entre des
154
DÉBATS DU SÉNAT
membres du comité directeur et les vérificateurs soient déposées au
Sénat pour que les sénateurs puissent les consulter et se faire une
opinion? Ne voudrait-il pas réfléchir à cette possibilité et voir en son
for intérieur si l’absence de cette information ne lui cause pas, en
tant que leader du gouvernement au Sénat, quelques remords de
conscience?
Des voix : Bravo!
[Français]
24 octobre 2013
par le Sénat. Il est prêt à invoquer cette assise factuelle limitée pour
forcer tout le monde à voter selon leur conscience sans disposer de
toute l’information. Je comprends pourquoi il protège le principe du
huis clos. Il est difficile de changer rétroactivement la décision de
tenir une réunion à huis clos, mais, comme nous sommes en train
d’établir un précédent et d’imposer une sanction jamais imposée
auparavant, il faudrait peut-être invoquer la nécessité de la
transparence non après avoir envoyé des gens à l’échafaud, mais
pendant que la procédure a lieu, c’est-à-dire au moment où il nous
invite à prendre une décision aussi grave dans cette enceinte.
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur Segal, vous remettez en cause
deux principes importants. Le premier, c’est le huis clos. Pourquoi
avoir un huis clos dans ces situations-là? Le Règlement nous le
permet. Le huis clos permet de protéger la vie privée des individus.
Toutes les décisions prises au Comité de la régie interne lors de
rencontres à huis clos qui touchent du personnel, des individus ont
pour but de protéger leur vie privée. Donc, si c’était à huis clos, ce
n’était pas pour cacher des choses, mais pour protéger l’individu.
. (2330)
L’individu est là. Il assiste et a droit à toute l’information. Nous,
en tant que sénateurs, pouvons tous assister à cette rencontre.
D’ailleurs, vous étiez là, même si vous n’étiez pas membre du
Comité de la régie interne. C’est un principe que l’on a et que l’on
peut revoir, si vous voulez.
Vous m’avez posé la question comme leader du gouvernement. À
ce titre, je veux ouvrir les portes de cette institution, je veux qu’on
soit plus transparent et qu’on ait plus d’ouverture. Je suis très ouvert
à ce qu’on discute des éléments, au Comité de la régie interne, pour
donner plus de publicité. Ce n’est pas parce que les choses se passent
à huis clos qu’elles sont fausses. C’est notre méthode qui est ainsi. Le
Comité de la régie interne décide toujours de cette façon. On a le
27e rapport. Est-ce que cela signifie que les 26 autres rapports ne
sont pas bons? C’est toujours ainsi que l’on fonctionne. On ne remet
pas en cause notre Règlement et notre façon de fonctionner. Les
rapports sont là, les sénateurs sont présents et peuvent poser des
questions.
La sénatrice Wallin aurait pu demander que la séance soit
publique. Le sénateur Duffy l’a fait, le 28 mai. Il a demandé que ce
soit public. Or, il ne s’est pas présenté. Le fait que ce soit public m’a
permis d’obtenir la transcription, que j’ai pu utiliser hier dans la
motion du sénateur Duffy. Je me base sur ce qui fait autorité ici au
Sénat, actuellement, soit la décision du Comité de la régie interne,
qui a le pouvoir exclusif de déterminer si les règles ont été respectées.
L’autorité, pour moi, ce sont les 15 collègues qui siègent au Comité
de la régie interne, et je leur fais pleinement confiance.
[Traduction]
Le sénateur Segal : Je veux être sûr de bien comprendre. Je crois
que le leader a répondu avec clarté et précision. Je le crois même s’il
a dit dans cette enceinte, ce soir, que nous sommes en train d’établir
un énorme précédent dans notre traitement des gens qui se montrent
négligents. Même s’il a dit, en réponse au sénateur Baker, que la
grossière négligence était une forme d’outrage au Parlement, ce qui
ne semble pas problématique aux yeux de la sénatrice Fraser,
comme elle l’a clairement indiqué. Il a eu la bonne idée de faire
marche arrière à cet égard. Le leader pense toujours qu’un rapport
qui ne précise pas le contenu de la réunion et qui n’indique pas
quelles questions y ont été posées et comment le vérificateur y a
répondu est suffisant pour établir un tel précédent. Selon lui, c’est
suffisant pour imposer les sanctions les plus sévères jamais imposées
[ Le sénateur Segal ]
Le sénateur Carignan : Nous touchons aux droits individuels
chaque fois que nous prenons des décisions. On prend toujours de
telles décisions. Au Comité de la régie interne parfois on donne des
contrats, on en enlève et on affecte les droits. Dans toutes nos
décisions on affecte les droits. Au Comité de la régie interne on
affecte les droits, dans nos décisions individuelles. En cette
Chambre, on affecte les droits collectifs et individuels. On adopte
des lois, on fait le droit, on affecte toujours les droits. Ce sont nos
règles, on les adopte et on les affecte avec les règles qui sont ici. On
ne fait que respecter notre fonctionnement. C’est notre façon de
fonctionner. Et si la sénatrice Wallin est en désaccord, elle peut nous
le dire. Elle est là. Elle a une chance. Le vérificateur général n’est pas
ici. En droit, je vais avoir un témoignage contre un document écrit
par quelqu’un d’autre qui n’est pas là pour certifier. Techniquement,
elle a une chance de plus qu’elle n’aurait pas dans un procès.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Il est tard, et nous commençons peut-être à
avoir de la difficulté à nous concentrer. J’espère sincèrement que
nous ajournerons nos travaux sous peu.
Je suis très impressionnée, toutefois, par la teneur des questions et
du débat en général. Nous attachons à juste titre de l’importance à
notre conduite dans cette affaire. Je crois que c’est très important. Je
suis heureuse de voir que cette tendance ne semble pas faiblir.
Mais — et peut-être que mon commentaire devrait s’adresser
plutôt au sénateur Baker — je veux revenir à la comparaison qui a
été établie avec les audiences disciplinaires d’un barreau. L’exemple
concernait le Barreau du Québec même si, pour ma part, comme on
se l’imagine, je connais mieux le Barreau de l’Alberta. J’étais
d’accord avec l’essentiel de ce qu’a dit le sénateur Baker. Oui, c’est
vrai, il y a toutes ces procédures. Mais j’ai eu l’impression que
l’analogie n’était pas parfaite. Ce n’était pas une analogie complète,
pour ainsi dire. Même si, pour mon plus grand bonheur, je n’en ai
jamais été l’objet, j’ai déjà assisté à de telles procédures — ou, du
moins, je m’y suis intéressé — lorsque je pratiquais le droit en
Alberta.
Selon ce que je comprends, une procédure disciplinaire — tout
comme, vraisemblablement, une procédure civile — n’est enclenchée
que lorsque toute possibilité de procédure criminelle a été écartée. Je
crois qu’il faut garder ce point à l’esprit pendant le débat, même à
une heure aussi tardive, non pas parce qu’il s’agit d’un facteur
déterminant, mais simplement parce qu’il faut chercher à ne pas
perdre de vue qu’il y a toutes sortes de démarches en cours. Je pense
qu’il faut aussi tenir compte de cela pour décider de la manière dont
nous procéderons et du moment où nous le ferons.
Je crois cependant que, chez nous du moins, un avocat ne
continuerait pas à pratiquer le droit. Je crois qu’il serait suspendu,
pour ainsi dire, tant qu’une procédure criminelle serait envisagée,
avant même que des accusations soient portées, quoi que le barreau
pourrait remettre toute audience disciplinaire jusqu’à ce que l’issue
de ces démarches soit décidée.
24 octobre 2013
DÉBATS DU SÉNAT
Je vous laisse réfléchir à cela. Si vous désirez répondre, sénateur
Carignan, allez-y, mais c’est un commentaire plus que n’importe
quoi, bref, quelque chose à cogiter d’ici au débat de demain matin.
. (2340)
[Français]
Le sénateur Carignan : Sur la question de la discipline versus
l’action criminelle, les mêmes faits, qualifiés avec différentes lois,
peuvent créer des infractions distinctes. Donc, la situation factuelle
qualifiée du droit civil va donner une responsabilité civile; les mêmes
faits qualifiés avec le Code criminel donneront un acte criminel; les
mêmes faits qualifiés avec une disposition disciplinaire donneront
une faute disciplinaire.
Les trois constituent des fautes pour une même situation factuelle,
et la condamnation au civil n’a pas nécessairement un impact sur la
faute éthique. Pourquoi? Parce que dans la discipline, c’est le lien
avec la dignité et l’intégrité de la profession. Il y a un élément qui se
rattache qui est différent; dans l’un, au niveau du civil, c’est en
fonction du Code civil, et dans l’autre, les conditions sont
différentes. C’est beaucoup au niveau de la mens rea, qui est
l’intention criminelle et le niveau de la preuve qui est hors de tout
doute. L’un n’empêche donc pas l’autre.
[Traduction]
L’honorable Pamela Wallin : Je veux juste faire quelques
commentaires et je pense qu’ils se solderont par une question qui
vous est adressée. Vous m’avez, à plusieurs reprises, exhortée à vous
poser des questions, comme si cela pouvait constituer une défense.
J’ai rédigé environ neuf pages de notes, de questions et
d’observations que je veux formuler concernant des éléments qui
constituent, à mon avis, une déformation des faits ou une mauvaise
compréhension de la façon dont les choses se sont vraiment passées.
155
On a des règles, des façons de présenter notre point de vue. Vous
avez souvent présenté votre point de vue ici. Vous avez sûrement la
possibilité, aussi, de pouvoir présenter votre point de vue sur le
rapport, sur les éléments qui y ont été soulevés, et nous dire si,
effectivement, dans le cadre, par exemple, des 31 réclamations où
vous avez admis que c’était de nature privée, c’était de nature privée.
Et nous dire pourquoi vous avez écrit que c’était pour une fonction
parlementaire.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Je pense que le sénateur Segal marque un
point concernant la publication des transcriptions de ces deux
réunions. Sans vouloir divulguer tout le contenu de cette réunion —
et pourquoi pas d’ailleurs? — il se rappelle probablement que j’étais
préoccupé. Nous sommes réunis en instance judiciaire. Si on dit telle
chose devant une instance judiciaire, autrement dit le comité, et
qu’on tient ensuite des propos contradictoires devant une future
instance judiciaire dans le but d’induire en erreur, on enfreint
l’article 135 du Code criminel et on risque une peine
d’emprisonnement de 14 ans. Les transcriptions de ces réunions
sont importantes.
J’ai dénoncé le fait que, dans leur rapport, les juricomptables
avaient inscrit textuellement ce que leur avait dit l’Administration
du Sénat au sujet des règles qui s’appliquaient, sans poser de
questions. J’ai cité un extrait des normes de l’association des
juricomptables du Canada. À la règle générale .001, on dit qu’il ne
faut pas prendre les dires du client au pied de la lettre. Il faut plutôt
adopter une approche — je crois que le mot utilisé était
« prudente » —, poser des questions et mener une enquête
approfondie afin de déterminer si ce que dit le client est
absolument véridique. J’ai lu les sections dans le sommaire. Je
pense qu’il est intéressant et très important de le souligner.
Je trouve bizarre qu’on m’autorise à me présenter dans cette
Chambre ou même devant le Comité de la régie interne pour me
défendre en posant des questions à mes collègues. Cela me semble, à
tout le moins, injuste. Comme je l’ai mentionné dans les déclarations
que j’ai faites hier, ce que je veux et que j’ai demandé, c’est un
processus et une audience justes et équitables, un jury ouvert d’esprit
et du temps pour répondre aux accusations.
Je suis d’accord avec le sénateur Segal pour dire que les
délibérations de ces réunions devraient être communiquées aux
autres sénateurs.
Je réfute l’idée selon laquelle c’est un processus productif, sensé ou
équitable. Nous siégeons depuis 20 heures, cela fait donc quatre
heures d’accusations et d’observations. Même si je disposais de
15 minutes, auxquelles s’ajouteraient cinq autres minutes, pour vous
poser des questions, on ne peut pas dire que le processus et
l’audience sont justes et équitables. Je n’arrive pas à croire que vous
puissiez penser le contraire.
Sommes-nous prêts à poursuivre le débat? Le sénateur Cowan a la
parole.
[Français]
Le sénateur Carignan : La façon de fonctionner dans une
Chambre délibérante, comme un parlement, c’est de pouvoir
débattre, d’émettre son point de vue, de poser des questions, et
d’arriver avec des documents, comme le sénateur Brazeau l’a fait ce
matin, en déposant un document.
Son Honneur le Président : Y a-t-il d’autres questions ou
observations à l’intention du sénateur Carignan?
Le sénateur Cowan : Je vous remercie, monsieur le Président. Je
souhaite évidemment répondre au sénateur Carignan. J’avais
préparé quelques notes, mais j’aimerais d’abord examiner ce que
le sénateur Carignan et d’autres collègues nous ont dit ce soir. Étant
donné l’heure, je demande que le débat soit ajourné à mon nom sur
la promesse solennelle que, demain, mon discours sera plus court
que celui prononcé par le sénateur Carignan ce soir.
(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)
(La séance est levée, et le Sénat s’ajourne à demain, à 9 heures.)
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 24 octobre 2013
PAGE
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Nouvelle-Écosse
Les élections de 2013.
L’honorable Terry M. Mercer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
L’honorable Paul Yuzyk
Les timbres-photos permanents de Postes Canada.
L’honorable A. Raynell Andreychuk . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
La Nouvelle-Écosse
Les élections de 2013.
L’honorable Jane Cordy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
La Semaine de la citoyenneté
L’honorable Tobias C. Enverga, Jr. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
L’exposition de la Délégation de l’imamat ismaili
L’honorable Mobina S. B. Jaffer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
Régie interne, budgets et administration
La présence aux séances d’un comité.
L’honorable David Tkachuk . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
L’honorable Joan Fraser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
AFFAIRES COURANTES
La Commissaire à la protection de la vie privée
La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité
et le financement des activités terroristes—
Dépôt du rapport de vérification.
Son Honneur le Président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Les frais de logement
Dépôt d’un document.
L’honorable Patrick Brazeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Comité de sélection
Adoption du premier rapport du comité.
L’honorable Elizabeth (Beth) Marshall . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Présentation du deuxième rapport du comité.
L’honorable Elizabeth (Beth) Marshall . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
L’honorable Joan Fraser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Les travaux du Sénat
Préavis de motion d’ajournement du Sénat
le mercredi 30 octobre 2013 jusqu’au 5 novembre 2013.
L’honorable Yonah Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Préavis de motion tendant à changer l’heure du début des séances
du mercredi et du jeudi et à modifier l’heure de l’ajournement
du mercredi.
L’honorable Yonah Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Préavis de motion tendant à autoriser tous les comités
à engager du personnel.
L’honorable Yonah Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
PAGE
L’accord sur la santé
Préavis d’interpellation.
L’honorable Catherine S. Callbeck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Les travaux du Sénat
Préavis de motion tendant à autoriser les Comités des droits
de la personne, des langues officielles et de la sécurité
nationale et de la défense à siéger les lundis pour
le reste de la présente session.
L’honorable Yonah Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
PÉRIODE DES QUESTIONS
Le Sénat
La Cour d’appel du Québec—La réforme du Sénat.
L’honorable James S. Cowan . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Claude Carignan . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Céline Hervieux-Payette . . . . . . . . . .
L’honorable Pierre Claude Nolin . . . . . . . . . . . . .
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104
104
L’environnement
Les émissions de gaz à effet de serre.
L’honorable Grant Mitchell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
L’honorable Claude Carignan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
La défense nationale
La surveillance par le Parlement du Centre de la sécurité
des télécommunications Canada.
L’honorable Wilfred P. Moore . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Claude Carignan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Hugh Segal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Roméo Antonius Dallaire . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Pierre Claude Nolin . . . . . . . . . . . . . . . . .
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ORDRE DU JOUR
Décisions du Président
Motion no 2 et motion de renvoi à un comité.
Son Honneur le Président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Motion no 3.
Son Honneur le Président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Comité de sélection
Adoption du deuxième rapport du comité.
L’honorable Elizabeth (Beth) Marshall . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Le Sénat
Motion tendant à suspendre l’honorable sénateur
Patrick Brazeau—Motion subsidiaire—Suite du débat.
L’honorable Donald Neil Plett . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Marjory LeBreton . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Art Eggleton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Lillian Eva Dyck . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable David P. Smith . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Jane Cordy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Anne C. Cools . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Pierre Claude Nolin . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable James S. Cowan . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Elaine McCoy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Joan Fraser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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PAGE
Motion d’amendement.
L’honorable Joan Fraser . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Hugh Segal . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Gerald J. Comeau . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Elaine McCoy . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Andrée Champagne . . . . . . . . . . . .
L’honorable David P. Smith . . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable John D. Wallace . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Patrick Brazeau . . . . . . . . . . . . . . .
L’honorable Roméo Antonius Dallaire . . . . . . . .
L’honorable George Baker . . . . . . . . . . . . . . . . .
Motion tendant à suspendre l’honorable sénatrice
Pamela Wallin—Suite du débat.
L’honorable Claude Carignan . . . . . . . . . . . . . . .
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. . . . . . . . . . . . . 131
PAGE
Recours au Règlement.
L’honorable Hugh Segal . . . . . . . . . .
L’honorable Fernand Robichaud . . . .
L’honorable Anne C. Cools . . . . . . . .
L’honorable Pierre Claude Nolin . . . .
L’honorable Roméo Antonius Dallaire
L’honorable Terry M. Mercer . . . . . .
L’honorable Donald Neil Plett . . . . . .
L’honorable George Baker . . . . . . . . .
Recours au Règlement.
L’honorable Joan Fraser . . . . . . . . . .
L’honorable Roméo Antonius Dallaire
L’honorable Pamela Wallin . . . . . . . .
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Publié par le Sénat
Disponible sur Internet : http://www.parl.gc.ca