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PRATIQUE
Mairie et associations
Subvention, appel
d’offres, appel à projets,
COMMENT VOUS REPÉRER ?
Les règles du jeu entre subvention et marché public, entre appel d’offres
et appel à projets se clarifient en droit. Dans la réalité, les frontières ne
cessent de se brouiller. Comment être sûr de ne pas être en faute ?
■ ÉRIC LANDOT, Cabinet Landot & associés avocats au barreau de Paris
L
es collectivités peuvent décider de subventionner
des associations : le projet est alors supposé émaner
de l’association, quitte à ce que celle-ci réponde à un
« appel à projets » lancé par la collectivité. Mais parfois, la
collectivité exige des services très précisément définis.
On glisse vers la passation d’un marché public avec une
procédure plus lourde.
concrètes de ce qui devra être accompli : schématiquement, l’association doit rester libre de ses mouvements
quotidiens. Depuis 2007, le juge admet désormais clairement que l’on se trouve dans cette hypothèse même si le
projet, initialement purement associatif, a été ultérieurement qualifié de service public par la collectivité qui aide
l’association1.
Quand l’association propose
Association et service public
Lorsque la relation est celle d’un subventionnement classique (avec quelques obligations comme la signature d’une
convention d’objectifs au-delà de 23 000 euros par exemple), les négociations entre partenaires peuvent porter sur
des objectifs généraux et des modalités de contrôle a posteriori pour la collectivité, mais pas sur les modalités très
Si l’association gère un service public ou effectue des prestations pour la collectivité dans un secteur concurrentiel,
s’impose un formalisme particulier (marché public ou
délégation de service public selon les cas), très lourd sauf
dans les cas nombreux où des textes particuliers prévoient des dérogations comme celles prévues dans les
quinze paragraphes de l’article 3 du Code des marchés
publics par exemple, ou à tout le moins des modalités très
souples de mise en concurrence (cas de très nombreux services culturels, sportifs ou sociaux : article 30 du Code des
marchés publics ; cas des petits montants2).
QUAND LA COLLECTIVITÉ POUSSE À LA FAUTE
Il n’est pas rare, pour mieux contrôler les dépenses publiques,
que les communes soient les premières à lancer des appels à
projets qui pourraient, en cas de contentieux, être requalifiés
de marchés publics.
Dans ce cas, le mieux est de faire plusieurs vérifications :
- soit la prestation est assurée « hors marché concurrentiel » : en
ce cas, l’exception ci-contre permet de recourir à cette formule
et il n’y a pas lieu de s’inquiéter ;
- soit les montants sont faibles (en dessous de 20 000 euros HT
surtout) ou sont supérieurs mais portent sur des domaines
sanitaires, sociaux, culturels ou sportifs (etc. : voir article 30 du
CMP) et en ce cas, l’appel à projets peut suffire en terme de
procédure même si celui-ci venait à être requalifié en marché
public ;
- soit on est dans un autre cas et le mieux consiste, en prenant
garde à ne pas passer pour un enquiquineur, à demander
gentiment à la collectivité si elle a pensé à éviter tout risque de
ce point de vue. Car ce type d’illégalités peut même parfois
constituer un délit (article 432-14 du Code pénal : deux ans
d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende).
Il peut aussi en aller ainsi si le service confié ne peut être
réalisé que par un prestataire déterminé pour des raisons
techniques… Mais ce cas doit être manié avec précautions car le juge veille à ce que cette porte-là reste presque
toujours fermée. C’est ainsi qu’une mise à disposition
d’équipements sportifs peut être annulée parce que
requalifiée en délégation de service public en raison des
clauses qui y figuraient, notamment en terme d’encadrement des scolaires3. De même, un contrat par lequel une
communauté urbaine confie à une association la confection d’un plan de déplacement urbain est un marché
public4.
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Numéro 114 Décembre 2009
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Marchés non concurrentiels
Si l’association peut, sans conteste, être considérée comme
n’étant pas un « opérateur sur un marché concurrentiel »,
on peut rester dans le domaine de l’exonération de mise
en concurrence et de publicité depuis une innovation
jurisprudentielle de 2007. Nombre d’activités associatives bénéficient de cet assouplissement. Mais attention
aux activités qui pourraient être aussi pratiquées par des
professionnels sur le marché concurrentiel (association
d’insertion ; activités d’enseignement ou de formation ;
portage de repas…). Dans l’attente de précisions jurisprudentielles, la prudence doit, sur ce point, prévaloir.
Si l’association est « transparente » vis-à-vis de la collectivité, ce qui veut dire qu’elle en est le prolongement (cas
de nombreux comités des fêtes, comités d’expansion,
associations de gestion d’équipements culturels, etc.), le
juge en 2007 a admis que celle-ci peut assurer des prestations de services pour la collectivité sans mise en concurrence. Mais attention : l’association doit alors respecter le
même droit – ô combien contraignant – que celui qui
s’impose à cette collectivité publique : droit comptable,
droit de la commande publique, voire peut-être droit de la
fonction publique. Les ennuis
qui reviennent en boomerang
sont alors pires que les problèmes qu’il s’agissait d’éviter5.
Enfin, il est à noter qu’il est
illégal de confier à une association la conception même – et
non son exécution – d’une mission de service public6.
Attention aux activités
qui peuvent être
pratiquées par
des professionnels
Mixité
Nombre d’associations assurent, d’une part, des missions
sur subventionnement avec une grande autonomie et,
d’autre part, des prestations à la commande, sur mesure,
contre une rémunération spécifique, dans des domaines
qui pourraient être considérés comme relevant du secteur
concurrentiel au sens large. Pour éviter une requalification
en marché public, le mieux est alors de distinguer ces
deux activités en :
- envisageant un assujettissement à la TVA (à étudier au
cas par cas) pour les prestations de services sur-mesure
(pour éviter que cela ne soit imposé sur le tout) ;
- assurant une comptabilité analytique qui démontre que
les cotisations ne payent pas les prestations à la demande
(sinon cette pratique est anticoncurrentielle) et réciproquement7 ;
- changeant les conventions conclues et les méthodes de
travail pour bien « sécuriser » chacune des deux activités ;
- défendant un minimum d’indépendance lorsque l’on est
en subventionnement.
Peut-on participer
en amont ?
Dans un appel à projets (subventions ou autres aides), l’association peut participer à la définition des besoins, voire à la
rédaction du texte, à la condition
que la collectivité en aval donne
ensuite un temps suffisant et des
informations assez complètes aux autres associations.
Participer en amont à la rédaction d’un marché public
auquel on va répondre est un exercice qui, en revanche,
s’avère bien plus dangereux. Le juge a admis que l’on
puisse faire des propositions spontanées ou que l’on
réponde à un marché qui fait suite à des études que l’on a
pilotées. Mais attention : la collectivité se trouve en réalité, alors, dans l’obligation de changer substantiellement
son cahier des charges par rapport à ce qui était proposé… et de laisser pas mal de temps et d’informations
aux candidats pour rétablir l’équilibre entre candidats. ■
1. Source : CE, 6 avril 2007, Aix-en-Provence, n° 284776.
2. Voir article 28 du Code des marchés publics et, surtout, article L. 1411-12
du CGCT.
3. CAA Paris, 24 juin 2009, 09PA01921, association Paris J. Bouin.
4. CAA de Bordeaux, 19 mars, 2002, M. Teisseire, req. n° 98BX02208,
Dr. Adm. juillet 2002, n° 123.
5. CAA Nancy, 15 avril 1993, Marne, n° 91NC00026 ; CE, 21 mars 2007,
Boulogne-Billancourt, n° 281796 ; CE, 2 juin 1989, UAI CdC, n° 103556 ;
CAA Marseille, 14 septembre 2004, Martin-Metenier, 00MA00560, JCPACT 2004, n° 1707.
6. CE, 27 mars 1995, Ch. d’agric. des Alpes-Maritimes, Rec. p. 142 ; CAA
Marseille, plén., 21 janvier 1999, département des Pyrénées-Orientales,
n° 96MA11805, RGCT, 1999, p. 155, concl. L. Benoît, note A.-S.
Mescheriakoff.
7. Sur ce critère, voir CE, 6 juillet 1990, CODIAC, req. n° 88224.
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