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Contratavecunmilliardaire
Découvrez les aventures de Juliette et Darius, le milliardaire aux multiples facettes. Une intrigue
sentimentaleintenseetsensuellequivoustransporterajusqu'auboutdevosrêveslesplusfous.
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Désire-moi!
Lucie Lerner, brillante étudiante en architecture, est sélectionnée pour le prestigieux concours
Goldstein. Elle s'envole pour Malte où ont lieu les épreuves de qualification. Mais les émotions, le
voyage,lachaleur...etlàvoilàquitombe,évanouie,danslesbrasd'unséduisantinconnu...quin'est
autre que Christopher Lord, le parrain du concours. La ravissante jeune fille se laissera-t-elle
envoûterparlecharmemagnétiquedumilliardaire?
SuccombezàlanouvellesagaérotiquedeHannahTaylor,unesériedanslalignéedeCentfacettesde
MrDiamonds,oùunejeunefemmequiignoretoutdel'amourpartàlarencontredesondestin...
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Touteàtoi
TimothyBeresfordestl'undesmultimilliardaireslesplusenvuedelaplanète:jeuneetinsolemment
beau, il est à la tête d'une fleurissante entreprise et s'investit dans l'humanitaire. Sa fortune fait des
envieux, sa société est en danger, et il ne peut faire confiance à personne, à l'exception de Mila
Wieser,unejeuneetambitieuseavocated'affaires,quiseraprêteàremuercieletterrepourl'aider.
Entre les deux jeunes gens, le coup de foudre est immédiat et une relation torride s'installe. Mais
Timothy n'est pas un homme simple, et l'apprivoiser semble tout aussi complexe que déjouer le
complotquivisesesactifs.Heureusement,Milaestd'uneténacitéhorspair.
Découvrezl'universsensuelettrépidantAnnaChastel!
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LoveU
Quand Zoé Scart arrive à Los Angeles pour retrouver son amie Pauline et qu'elle se retrouve sans
portable,sansargentetsansadresseoùallersuiteàlapertedesesbagages,ellen'enrevientpasd'être
secourueparlebeauTerrenceGrant,lastardecinémaoscariséelaplusenvuedumoment!Etquand
quelques jours plus tard Terrence rappelle Zoé pour lui proposer de travailler comme consultante
française sur son tournage, elle pense vivre un rêve. D'autant que l'acteur ne semble pas insensible
auxcharmesdelajeunefille…
Maisl'universdeHollywoodpeutsemontrercruel,etlesapparencestrompeuses.Àquipeut-onse
fier?EtquiestréellementTerrenceGrant?
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Adore-moi!
« Personne ne viendra nous déranger. Rien que toi et moi. Tu ne sais rien de moi, Anna, mais j'ai
compris qu’il fallait que je te dise qui je suis et quelle est ma vie, si je veux avoir une chance de
rentrerdanslatienne.»
JusteavantdequitterlaFrancepourcommencerunenouvellevieàNewYork,AnnaClaudel,25ans,
faitlaconnaissancedeDaytonReeves,leguitaristed'ungroupederock.Attractionanimale,attirance
magnétique…lesdeuxjeunesgensseretrouventbienviteentraînésdansunespiraledesentimentset
d'émotions.QuandAnnaréalisequ'ellenesaitfinalementpasgrand-chosedeDayton,intriguéepar
sontraindevieluxueux,sesmystérieusesabsencesetsessilencesinexpliqués,ilestdéjàtroptard…
EtsiDaytonn'étaitpasceluiqu'ilprétendaitêtre?
LaissezvousentraînerdanslanouvellesériedeLisaSwann,auteuredePossédée,quiadéjàconquis
desmilliersdelecteurs!
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EmmaGreen
CALLMEBABY
Volume2
1.Lepacte
–Sid,ilfautquetutesecoues!Jevaisdevoirutiliserlamanièreforte,siçacontinue…
Lesmotsbraillésparmajumelledepuislacuisineentrentparuneoreilleetressortentparl’autre.
Vivre aux côtés de Joséphine Merlin requiert non seulement beaucoup de patience, mais aussi
d’inventivité. Et en 25 ans, c’est tout ce que j’ai trouvé pour l’empêcher de me rendre folle.
L’entendresansvraimentl’écouter.
– Allo, il y a quelqu’un derrière ce regard de merlan frit et dans ce corps de mollusque
rachitique?insiste-t-elleenmerejoignantdanslesalon.
Jeneprendsmêmepaslapeinedeleverlesyeuxverselle,lesimagesquidéfilentsurnotregrand
écran m’ont comme hypnotisée. Ou alors peut-être est-ce seulement une excuse... Joe soupire
bruyamment,puisdéposedevantmoiuneassietteoùsebattentenduelquelquesfeuillesdebasilicsur
uneénormepiledespaghettis.
–Mangeunpeu,Sidonie.Tucommencesàmefairepeur…
«Sidonie».Lorsquemasœurm’appelleparmonprénom,c’estqu’elleestvraimentinquiète–ou
dansunecolèrenoire,maissavoixdoucem’indiquequecen’estactuellementpaslecas.
–Arrêtedemematerner,Joe.Jevaisbien,meforcé-jeàsourireenfaisanttournermafourchette
danslespâtes.
–Tuparles,çafaitdixjoursquejevisavecunzombie…Turefusesdesortirlesoir,tupassestes
journées à roupiller ou à regarder dans le vide, tu quittes l’appart’ uniquement pour aller courir et
dépenser les calories que tu n’as pas ingérées en écoutant de la musique déprimante, tu n’as pas
trouvédeboulotmalgrétouteslespropositionsdeJasper…Bref,jecontinue?medemande-t-elle,les
sourcilsfroncésetlesbrascroiséssursapoitrine.
Sapoitrine…Onnepourraitpaslarater,justement.Parcequeçaneluisuffitpasd’avoiruncorps
à ce point parfait sans rien faire pour l’entretenir, il faut que ma jumelle s’acharne à parader en
débardeurajouréetmicro-shortenjean.
Jen’auraijamaissonassurance…Nisonsex-appeal…Emmettnel’auraitsûrementpasrenvoyée,
elle…
–Sid!Tuvasyalleràceshootingphoto?reprendlabombeenmefaisantdegrandssignesavec
sesbras.
–C’estpourdelalingerie,Joe!Tusaistrèsbienque…
–Quequoi?Quetun’aspasassezconfianceentoi?Quetuesasseznaïvepourignorerquetuas
uncorpsderêve?Qu’unconnardt’asautée,puisjetéeetquetonegoestpartienfumée?
–Joe!m’étouffé-je,lesyeuxécarquillés.
–Désolée,c’estsortitoutseul,murmure-t-elleenvenants’asseoirtoutcontremoi.J’enaimarre
quetulaissesleshommesterabaisser.Tuvauxmieuxqueça,Sid.TonRochesternet’arrivepasàla
cheville,tuesmillefoismieuxquecetype,maistuestroptorturéepourt’enrendrecompte.
– J’ai merdé, j’ai envoyé sa fille à l’hosto et il m’a virée. Il n’a rien fait de mal, affirmé-je en
prenantbêtementladéfensedel’hommequim’abrisélecœur.
– Ça fait dix jours que tu te lamentes en pensant à lui. Ne me fais pas croire que c’est un saint
homme ! Fais comme moi, Sid : quand ça devient compliqué, quand tu sens que tout va basculer,
prendslesdevantsetpasseausuivant!
–Ahoui?Etçarimeàquoi,toutça?metourné-jesèchementverselle.Tuasunmec,toi?Tuvis
une relation stable et épanouissante ? Depuis quand est-ce que tu es experte en histoires
sentimentales?
–Jen’aipascetteprétention,maisapriori,lesystèmequejemesuisimposéfonctionnemieuxque
letien.Contrairementàtoi,moncœurn’estpasenlambeaux.Etmonegoseporteàmerveille,sifflet-elleenquittantlapièce,vexéecommeunpou.
–Moncœurnet’ariendemandé!Etjenesuispasamoureusedelui!crié-jebêtement,unefois
seule.
Ces dix derniers jours m’ont malheureusement prouvé le contraire… J’ai rêvé de ses cheveux
clairs,desesyeuxsombresetdesavoixrauquechaquenuit.Àchaqueréveil,monesprits’estamusé
à dessiner et redessiner le tatouage qui lui barre le pectoral. Sous la douche, c’est sur ses lèvres
chaudes,salangueavide,sesmusclessaillantsquej’aifantasmé.Etsij’aicouruunsemi-marathon
chaquejour,c’étaitpournepaspenseràtoutlereste.Pournepasledésireraussifort.Pournepas
pleurertoutesleslarmesdemoncorpsenréalisantquejenelereverraijamais.
Nisafille,Birdie…Moncœurseserreàchaquefoisquejecroiseunepetiterouquine…
Depuissachambre,Joem'ordonneànouveaudemebouger.Jeprendsunelongueinspirationet
décided'obtempérer.Pourunefois,lesermondemasœurn’aurapasététotalementvain.Aprèsavoir
avalélamoitiédemonassiette,jelarejoinsdanssachambrepourluicollerunbaisersurlajoue,
puis file sous la douche. Trente minutes plus tard, je suis habillée, coiffée et presque prête à aller
m’inscrire dans l’agence d’intérim du quartier. Secrétaire, serveuse ou femme de ménage : je
prendrai ce qu’on me donnera. J’en suis aux dernières retouches maquillage lorsque la sonnette
criarderetentit.Del’autrecôtéducouloir,Joemeprévientqu’elles’enchargeetjem’attendsdéjàà
voirdébarquerJasper,laboucheencœuretunbonnetenlainesurlecrâne,malgrélachaleurdel'été.
Jenecomprendraijamaiscesgensquicèdentsifacilementauxdiktatsdelamode…
Je frémis et manque de me cogner le front dans le grand miroir lorsqu’une voix familière me
parvient, au loin. Je laisse mon mascara échouer sur le sol et me précipite en direction du couloir,
pour mieux entendre ce qu’il se passe dans l’entrée. Je n’ai pas rêvé. C’est bien la voix d’Emmett.
Moncœurbatàmilleàl’heure,mesmainssontmoites,j’essaied’analyseraumieuxlasituation,sans
vraimentyparvenir.Lessecondess’écoulentetj’hésitetoujoursentrefuiretintervenir.
–Vousvousêtesperdu,MrRochester?Oualorsvousêtesvenuvoirdansquelétatvousavezmis
Sid?C'esttrèsgénéreuxdevotrepartmaisjenesuispascertainequecesoitunebonneidée,entendsjemajumelleluibalancerd'unevoixacide,del’autrecôtédumur.
– Sidonie m’a dit qu’elle avait une sœur, répond-il d’une voix amusée. J’ignorais qu’elle avait
égalementungardeducorps.
–Gardeducorpsoutueuseàgages,toutdépenddutypequej'aienface.Jesuisprêteàtoutpourla
protéger, vous savez… rétorque Joe, d’une voix assassine, avant que je l’interrompe pour éviter le
massacre.
–MerciJoe,jevaism’enoccuper,dis-jed’unevoixneutre,enmeplantantsoudaindevanteux.
Ma jumelle s’éclipse après m’avoir jeté un regard plein de mises en garde et je me perds à
nouveaudanscesyeuxnoirs.Jefaistoutmonpossiblepournepasavoirl’aird’unchatonterrifié.Ou
émoustillé. Ces pupilles sauvages qui me hantent, depuis notre toute première rencontre… Ce
magnétisme qui ne fait qu’une bouchée de ma carapace en titane… Emmett ne dit pas un mot,
également trop occupé à me fixer intensément. Pendant une petite éternité, nous restons immobiles,
paralysés par une force qui nous dépasse. Ses cheveux en bataille, sa mâchoire saillante, sa peau
hâlée…Jepensaisnejamaislesrevoir.
–Tuveuxentrer?demandé-jefinalementenl’invitantàpasserlepasdelaporte.
–Oui.Onpeutparler?Seulàseul?
Son ton est indéfinissable. Est-il en colère, embarrassé ou juste pressé ? Impossible de savoir. Il
passelamaindanssescheveux.Sesyeuxquittentlesmienspourlapremièrefoisetseposentsurma
jumelle,quiestentraindesevernirlesonglesdesorteilssurlecanapédusalon.
–Oui,dansmachambre,fais-jeensentantlerosememonterauxjoues.
Résiste!Nerienlaisserparaître.Resterdigne.Froide.
Le colosse me suit jusqu’à la petite pièce – à peu près rangée, si ce n’est quelques fringues qui
traînentpar-cipar-làetquejerécupèreaupassagepourlescacherdansuntiroir.
–C’estdonciciqueSidonieMerlinpassesesnuits…murmurelemilliardaireenétudiantchaque
muretchaquemeuble.
Levoirici,chezmoi,àquelquescentimètresdemonlitmeprovoquedesfrissonsincontrôlables.
Je tente de prendre une douche froide mentale, mais mes neurones refusent de redescendre en
température. Mon corps, lui, est un cas désespéré. Mais peu importe, j’ai décidé de ne rien lui
montrer.Denepasluifaireceplaisir.
–Emmett,qu’est-cequetufaisici?soupiré-jeenfeignantl’indifférence.
–Àtonavis?sourit-illégèrement,ens’adossantàmapenderie.
Quiseradésormaisérigéeautitred’autelsacré…
Sid!!!
– Pas de jeu. Plus de jeu. Si tu as quelque chose à me dire, je t’écoute, grondé-je en évitant son
regard.
– C’est justement ce que je suis venu te proposer, affirme-t-il en passant la main dans sa barbe
naissante. Birdie ne se remet pas de ton départ et je réalise que je suis peut-être allé trop loin en
rompantnotreaccord.
–…
–Uneréaction?
–Paspourl’instant.
–Unavis?
–Nonplus.
– Très bien, sourit-il, apparemment amusé par mon manque d’éloquence. Je voudrais qu’on
reprennetoutàzéro.Lemêmecontrat,lesmêmesconditions,maisenajoutantunesortedepacte:pas
dejeudeséduction,pasdedérapage,justeduprofessionnalisme,cettefois.PourlebiendeBirdie.
–Etlenôtre,précisé-je.
–Commentça?demande-t-il,soudainintrigué.
–Toietmoi,çan’auraitjamaisdûarriver.J’aiperdumonjobetmafierté,tuasperdutontemps...
dis-je,leplusneutrepossible.
Ses pupilles noires s’agitent, passant de mes yeux à ma bouche. Quelque chose me dit que ma
dernière phrase ne lui a pas plu, mais il garde ses réflexions pour lui et se racle la gorge avant
d’ajouter:
–Pasd'ambiguïté,pasd’insubordination:lesrèglessontfaitespourêtrerespectées.
–Entendu.Jereprendsquand?
–Lundi.
–7heures?
– 7 heures, acquiesce-t-il avant de promener une dernière fois ses yeux aux quatre coins de la
pièce.
Ils s’arrêtent sur le cadre photo posé sur ma table de nuit. Ma mère, Joe et moi, il y a quelques
années.Ilsepenche,tendlebrasets’apprêteàs’enemparer,quandjememetsvolontairementsurson
chemin.
–Emmett,ceseratout?
Lorsqu’illeredresse,sonvisageesttoutprèsdumien.Sestraitsparfaits,sapeauquejedevinesi
douce,sonparfumvirilmanquentdemefairedéfaillir,maisjenebougepasd’uncentimètre.Cette
fois,ilestsurmonterritoireetc’estàmoideluidirequandpartir.Maintenant.
–Oui,ceseratout…souffle-t-ilenmedominantàprésentdetoutesahauteur.
Ses yeux toujours imbriqués dans les miens, il prend une grande inspiration, me décoche un
souriredontlesensm’échappe,puissedirigeenfinverslasortie.
–Jesensqu’onnevapass’ennuyer…fait-ilens’éloignantdanslecouloir.
–Onnes’ennuiejamaisavecBirdie!ricané-jeenrepensantauxfrasquesdelapetite.
– Je parlais de nous, Sidonie, entends-je juste avant que la lourde porte d’entrée se referme
derrièrelui.
Iladéjàoubliénotrepacteoujerêve?!
***
Lundi matin. Ponctualité : parfaite. Présentation : acceptable, si ce n’est le manque de sommeil
causé par le stress. Objectif : remplir mon rôle de nanny de manière exemplaire. Espoir secret et
inavouable:tomberànouveausurmonLordàlasortiedesadouche.
Connorm’accueillechaleureusement,mefaitsignerlenouveaucontratetm’accompagnejusqu’au
dernier étage – mes appartements – en portant courageusement ma valise bourrée à craquer. Le
majordome en profite pour me faire le résumé des deux semaines passées. Imogen m’a remplacée
quelques heures par jour, Mr Rochester prenant le relais dès que c’était nécessaire. Apparemment,
aucunentretienn’aeulieuàlatownhouse.
Emmettn’apascherchéàembaucheruneautrenanny…?
Je fais de mon mieux pour cacher mon trouble – et ignorer mon cœur qui s’emballe. Mon plus
fidèlealliécontinuesonrécitalorsquejecommenceàrangermesaffairesdansl’immensedressing.
IlmeraconteensoupirantqueCamillaBradfords’estinvitéechaquejouretaenchaînélescaprices
de lady. Que Jude Montgomery a gardé Birdie à deux ou trois occasions – en faisant bourde sur
bourde.Jegrincedesdentsourisdeboncœur,heureused’avoirretrouvécettecomplicitéimmédiate
avecConnor.Avantderetourneràsesoccupations–théetcrumpets–ledouxgéantmeglisseque
pendant mon absence, le maître de maison n’était plus le même. Un sourire polisson plus tard, il
disparaîtenmelaissantseuleavecmesjouescramoisies.
Cet homme est bien informé… Presque trop… Prochaine étape : lui demander ce qui se trame
vraimententreEmmettetCamilla.Quitteàêtregrillée,autantnepasfaireleschosesàmoitié!
Une fois mon uniforme revêtu, je me rends jusqu’à la chambre pour y apporter mes quelques
affairesrestantes.J’aitoujoursdumalàm’yfaire.Vivredanscetespacedémesuré,dansceluxeàla
limitedel’ostentatoire,jenecroispasquej’yarriveraiunjour.Etc’estsûrementmieuxcommeça.
Nepass’habituerauxchosesquinedurerontpas…
Enarrivantdanslapièce,monregardsedirigeimmédiatementverslelitkingsizeoùsontposés
un grand carton noir griffé Chanel et un petit paquet rouge vif. Je m’approche en souriant
intérieurement – s’il y a une chose que je ne dénigrerai jamais, ce sont les cadeaux – et ouvre le
premier.Ilcontientunerobetailleurnoireetblanche–uniformeoblige–d’unraffinementetd’une
élégancerares.Jem’empressedelapasseretm’observedanslegrandmiroirenpied.Courtesans
êtrevulgaire,cintréejustecequ’ilfaut,dansunstyleintemporeletdélicieusementféminin.Audrey
Hepburnn’auraitpasfaitmieux.
Excitéecommeunegaminequivientd’essayerpourlapremièrefoissarobedebaldepromo,je
mejettesurledeuxièmepaquet.J’arrachelepapiersansprendredegants–ça,Audreyn’auraitpas
apprécié–etdécouvreunbouquin.«Nounou,moded’emploi».
Ilsefoutdemoi?...Non,EmmettRochester,jenevaispast’assassinerdanstonsommeil.Maisce
n’estpasl’enviequimemanque.
Trenteminutesplustard,c’estdansmarobeflambantneuvequejerécupèrelemonstredanssonlit
–quilâcheuncridejoieàmavueetmanquedem'étoufferenm'entourantdesespetitsbrasboudinés.
Àsoncontact,uneréactionchimiques’opèreenmoietjememordslesjouesenréalisantquej’ailes
larmesauxyeux.Birdiem’avraimentmanqué.Laretrouverestunréelsoulagement.
Quisuis-je?
Si j’ai décidé de prendre mon rôle de nanny plus au sérieux, la petite, elle, a décidé de ne rien
changer.Capricenuméroun:s’arrêterderespirerlorsquejeluiinterdisdetirercommeuneforcenée
sur le col de ma robe. Caprice numéro deux : tenter de démonter les barreaux de son lit pour
récupérer doudou Lapin – qui est en repos forcé. Caprice numéro trois : gober le babyphone et le
frapperviolemmentcontrelesmursunefoiscetteactivitéterminée.Toutçaengazouillant,couinant,
geignant…auchoix.
–Dodie!Ameterre!meditlapetite,unefoissagementassisesurlamoquette.
«Dodie»adoncremplacé«PasBelle».Unebonnechose…
–Quoi?
–Dodie!Ameterre!Na-hi.
–Jenecomprendspas,Birdie,avoué-je,perdue,enrassemblantsesbouclettesdansunélastique.
–Dodie,hamster,Nanny,résonneunevoixgrave,derrièrenous.
JemeretourneetcroiselesyeuxvifsdeMrRochester,quivientd’entrerdanslachambredesa
fille.Beaucommeundieuettotalementdistantetintouchable,sij’encroissonvisageimpassible.Il
mecontourneenmurmurantunrapide«bonjour»,puisprendlarouquinedanssesbras.Ellehurle
derirelorsqu’ilsemetàluidévorerlesjoues.
–Birdieaunnouveaucompagnon,m’explique-t-ilenfinsanspourautantmeregarder.Unhamster
dunomde«Nanny».Ilestdanslapièced’àcôtéetvousdevrezveillersurlui,touteslesdeux.
–Nanny?C’estuneblague?
–Non,c’estellequiachoisi…sourit-ilinsolemment,toujoursdeprofil,toujourstêteàclaques.
Mesyeuxs’égarentsursasilhouetteetj’aitouteslespeinesdumondeàéloignerlesimagesqui
défilentdansmonesprit.
Soncorpsnuetsculptural,toutcontrelemien,surlemien,souslemien…
Unhurlementstridentmefaitreveniràlaréalité.Birdieluipincelenezetgloussehystériquement
lorsqu’ilfaitsemblantdesouffrirlemartyre.Puisquelquesbaisersetcâlinsplustard,l’enfantatterrit
dansmesbrasetLordDésagréablequittelapièceennoussouhaitantune«journéeproductive».
Ok.Lepacteneluiapaséchappé,cettefois.
Jen’aimêmepaspenséàleremercierpoursescadeaux…empoisonnés.
***
Après une journée harassante – mais étrangement joyeuse – je descends dans la grande cuisine
piedsnus,entee-shirtblancetjeandélavé.Jesuisd’humeurlégère.Birdiedortdéjààpoingsfermés,
ses retrouvailles avec doudou Lapin m’ont évité le douzième caprice de la journée. Je pourrais
aisémentmonterauquatrièmeetm’offrirunesoiréedetranquillité,maisceseraittropdemanderà
moncerveauquirefusedesefaireuneraison.Jen’attendsqueçadepuiscematin:croiserEmmett.
Lesurprendreauretourduboulotetpartagerunmomentd’intimitéaveclui.Boireunverre,«entout
bientouthonneur».ParlerdeBirdie,deNannyoudequiquecesoitd’autre.Touteslesexcusessont
bonnespourpouvoirposermesyeuxsurmonmilliardaire.
Leproblème,c’estqu’ilrisquedesedemandercequejefaissursonterritoire–lemiensesituant
quatreétagesplushaut.Etdesedouterdemonplanpathétique.Jenetienspasàluifaireceplaisir:il
jubileraitdemetrouverlà,àl’attendrecommeuneâmeenpeine.Oupire:ilmeremettraitsèchement
àmaplaceetmerenverraitdansmesappartements–cequ’iln’ajamaisfait,maisjenetienspasà
prendrecerisque.
Puréedecarottes!
Leprétexteesttouttrouvé.Birdieenraffole–unefoissurdeux–etc’estaumenudulendemain.Je
sorsdoncunebottedufrigoetm’installesurleplandetravailleplusproche.Dixcarottesépluchées
etdécoupéesplustard,jesuissurlequi-viveenm’attendantàcequelaported’entréeclaqued’une
minute à l’autre. Mais c’est la sonnerie de mon téléphone qui me fait sursauter. Le nom d’Emmett
Rochesterapparaît.
Attendrelatroisièmesonnerieavantdedécrocher.Avoirl’airdétaché.Posercecouteauavantde
mecouperunephalange.
– Sidonie ? me parvient sa voix avant que j’aie le temps de prononcer « Allo ». Connor est
injoignable, mais finalement c’est plus simple que je passe directement par toi ! Je voulais juste
prévenirquejenerentraispascesoir.
–Ah?Voyaged’affaires?demandé-jeenravalantmadéception.
– Pourquoi cette question ? Mon emploi du temps ne concerne que moi, réplique-t-il durement,
alorsquej’entendsdesbruitsderrièrelui.
Unevoix.Decrécelle.EncoreettoujourscettefoutueCamilla.
–C’estnoté,dis-jeenserrantlesdents.
–Lebabyphonedoitresterallumétoutelanuit.AucasoùBirdieseréveille,précise-t-ilalorsque
leriredelapimbêches’intensifie,enfondsonore.
Jem’apprêteàrépondrequandRochesterraccrochebrutalement.Pasun«merci».Pasun«bonne
nuit».Jebalancemontéléphonesurleplandetravail,entremblantderage.Notrenouveaupactene
stipule pas qu’il peut me manquer de respect de la sorte. Et je compte bien lui faire savoir. À
l’occasion…
Complètement dépitée, je remballe les carottes et regagne mes appartements. Après une douche
rapide sous laquelle je laisse couler quelques larmes – de frustration – je m’installe sur le canapé,
monordinateurportablesurlesgenoux.J’ouvremamessagerieinstantanéeetdécouvrequeJoeest
connectée.
–SOSnannyendétresse!
–J’espèrequetunecomptespasmegâchermasoirée«off»enmeparlantdetamôme!Jet’avais
ditdenepasreprendreceboulot,salairedémentielounon…
–Joe,tacompassionettaloyautésonttouchantes,vraiment.
–Jesais,onmeleditsouvent.Bon,qu’est-cequit’arrive?
–Rien,jevoulaisjustediscuter.Jasperestlà?
–Oui,ilestentraindeprépareruneapplepie.
–Turigoles?
–Non.Jel’aidomestiquéenmoinsd’unejournée!Unvraipetithommed’intérieur.Ilcèdedéjàà
tousmescaprices…
–PauvreJasper,ilnesaitpasdansquoiils’estembarquéenemménageantavectoilasemaine…
–Tuparles!Pasdeloyer,justedestâchesménagères(enpetitetenue,évidemment)!J’appelleça
undeald’enfer,moi!
–Pourtoioui,Machiavel!
– Ne t’inquiète pas sœurette, dès que tu décideras de rentrer et de quitter ton milliardaire et sa
maison de fous, ta place te reviendra. Et au moins, grâce à Jasper, elle sera toute chaude ! (rire
machiavélique).
–Quandjepenseàtouteslesfillesqu’ilvainviterdansmonlit…(rirejaune).
–Non,interdiction!Jeneramènepasdemec,ilneramènepasdenana!Sionveuts’amuser,on
vas’amuserchezlesautres.C’estnotrepacte.
–Pitié,Joe,nemeparlepasdepacte!
Cemotmesortparlesyeux…
Sesyeuxnoirs…Quisontsûrementposéssurelle,àcetinstant…
Camilla…Mêmesonnomm’écœure.
2.Instantsvolés
Àforcedes’agiterfrénétiquement,Birdiealescheveuxcolléssurlefront.Lemoisdejuilletaeu
sonlotdesoleilradieuxetdetempératuresestivales,maiscen’étaitriencomparéàcemoisd’août.
Quatrejoursqu’onfrôlelacanicule.QueLondressetransformepeuàpeuensolariumgéant,oùles
corps assommés et affaiblis par la chaleur se traînent, à la recherche d’un coin d’ombre ou d’une
briseinexistante.
Par chance, la townhouse est climatisée – un supermilliardaire sait faire face à ce genre de
difficultés,mêmelorsqu’ils’agitdedéfiermèrenature!Lejardin,lui,estimpraticableauxheures
ensoleilléesetc’estunproblème.Àforced’accumuleruntrop-pleind’énergie,Birdieestsurlepoint
d’exploser.
Onapprochelesvingtcapricesquotidiens…
MrRochesterétantretenuàdroite,àgauche,enhaut,enbas–partout,saufici,avecmoi–j’aidû
prendre une décision sans le consulter, ce matin. Une décision de la plus haute importance.
CommanderuneJuniorPool,piscinehors-solassezlargemaistrèspeuprofonde.Emmettverrapeutêtre ça comme un acte d’insubordination. Je vois ça comme une nécessité absolue. Il est vital que
Birdiepuisseànouveausedéfoulerdanslejardin.Sansça,jenetiendraipasunjourdeplus.
–Le«paquet»aétélivréetinstallé!m’annoncejoyeusementConnordansl’interphone.
–J’arrive,onestprêtes!Enfinpresque!m’écrié-jealorsquelepetitmonstrevientd’enleverson
maillotpourlasixièmefois–ensixminutes.
Elle gazouille d’impatience et se débat dans mes bras en découvrant le rectangle bleu qui trône
danslecoinreculédujardin–toutprèsd’unegrandehaiequioffreunpeud’ombre.Ilestpresque
17 heures, j’ai tartiné et retartiné sa peau de crème solaire indice 50 : les dangers du soleil sont
maîtrisés.Jeretiremarobelégèreetréajustemonbikini.Lemienestrougeàpoisblancs.Celuide
Birdieestblanc,àpetitescerises.Noussommes–grotesquement–assorties.
C’estensemble,meslongspiedsfinsaccompagnantsespetitspiedsdodus,quenousentronsdans
l’eau, en poussant des soupirs de ravissement. L’eau fraîche me procure une sensation de bien-être
instantané,alorsqueBirdieestdéjàoccupéeàboirelecontenudelapiscine.Jelasoulèvedansmes
brasenriantetm’assiedsdanslepetitbassinenlâchantdespetitscrisstridents.Mevoirenposition
de faiblesse fait glousser la petite peste, qui est apparemment totalement insensible aux chocs de
températures.Meshanches,elles,neparviennenttoujourspasàs’enremettre…
–Oùpapa?medemandelarouquinetrenteminutesplustard,aprèsavoirréussiàviderlamoitié
dubassin.
–Papatravaille,mapuce,ilvarentrertard.Ilviendrat’embrasserquandtudormiras,luidis-jele
plusjoyeusementpossible.
Ellemescrutependantquelquessecondes,semblantsceptique–cettepetiteestbientropmûrepour
sonâge–puislâcheuncrirauqueetretourneàsesoccupations:noyeruneparunechaquefourmi
quial’audacedes’approchertropprès.
Lesinsectessontnosamis,Birdie…
Je l’observe, silencieuse, un peu peinée pour elle. Son père lui manque cruellement, c’est une
évidence.Maissij’encroisleshistoiresfarfeluesqu’elleraconteàhautevoixdeuxminutesplustard
–malgrésonvocabulairelimité–elleestdéjàpasséeàautrechose.Àsontour,monesprits’égareet
revientsurmonsujetdeprédilectiondecesderniersjours.LesabsencesrépétéesdeLordRochester.
Sesyeuxperçantsnesesontpasposéssurmoidepuisuneéternitéetcelas’apparentedésormaisà
delatorture.Sijesuisrevenue,c’estpouruntasderaisons,maisjerefusedemevoilerlaface:c’est
en majeure partie pour lui. Pour ses pupilles noires qui transpercent mon âme. Pour ce sourire
parfois fier, parfois tendre, qui barre ses lèvres. Pour ce corps d’Apollon qui se contracte ou se
détendàmoncontact.Toutça,j’ensuisprivéedepuisdesjours.Etdepuisdesjours,j’imaginequ’il
offrecespetitsinstantsdeluiàd’autres.Ouàuneautre.
Celle-dont-je-ne-veux-pas-prononcer-le-nom.
Où dort-il quand il ne rentre pas à la townhouse ? Avec elle ? Pourquoi ces absences répétées,
prolongées,alorsqu’ilatoujours–àmaconnaissance–étéunpèretrèsdévouéetinvesti?Imogen
m’avaitpourtantassuréqu’Emmettmettaitunpointd’honneuràêtreunparentdignedecenom.Qu’il
pouvaitsemontrertrèsduravecceuxquin’assumaientpasleursresponsabilitésetdélaissaientleurs
enfants.Magorgeseserrelorsquejeréalisequedepuismonretour–dixjoursplustôt–cen’estpas
cerôlequ’ilfuit.C’estmoi.
Clairement,c’estmaprésenceiciquiletientéloigné.Siçanetenaitqu’àlui,jeneseraispaslà.
C’estuniquementparcequeBirdiemeréclamaitqu’ilestvenumechercher…Etjedevraistrouverça
normal.Çanedevraitpasfaireaussimal…
MadernièreconversationavecJoe–quidatedequelquesheuresàpeine–merevientàl’esprit.Ça
donnaitquelquechosecomme:
–Tudevraisprofiterdelavie,detoncélibat,Sid!Tetapertoutcequibouge,justepourlefunet
justepourtesortirtonmilliardairedelatête.Ilnet’apporterajamaiscequeturecherches…
– Je sais que c’est une cause perdue avec lui, mais je ne vois pas l’intérêt de coucher avec
n’importequi,m’étais-jedéfendue.
– Coucher, embrasser, flirter : peu importe jusqu’où tu te sentiras prête à aller ! dit-elle. Joue,
amuse-toi, prends conscience de l’effet que tu leur fais, ressens cette petite étincelle encore et
encore…C’estbonpourlemoraletbonpourl’ego,sœurette.
–Peut-être,maisçanemeressemblepas.J’auraisl’impressiond’êtrequelqu’und’autre.
– Tu crois vraiment qu’il bosse jour et nuit depuis dix jours, lui ? m’avait-elle demandé, d’une
voixdouce.
–Non.
–Ilatouteslesfemmesdelahauteàsespieds,Sid.Ouvrelesyeux…
Aïe.L’argumentdetrop.Quinepassepas.Dutout.
–Jedoistelaisser,Birdievientdeseréveiller,avais-jementipourécourtercetteconversation.
–Ok.Tunousrejoinsaubardemainsoiroujeteretrouveplustardàl’appart?Jetepréviens,je
risquederentrertard.Levendredi,c’esttoujourslafolie.
–Ilfaitbeaucouptropchaudpourpicoleretdanser,jecroisquejevaispasserlasoiréedansla
baignoire…
–Tusaisvraimentcommentt’éclater,toi…s’était-ellemoquéeavantderaccrocher.
***
Ilestpresqueuneheuredumatinquandjeréalisequemontéléphoneportablemanqueàl’appel.
J’enfileunenuisettequitraînaitlàpourpartiràsarecherche.Jemeconcentreuneminute,passeen
revue mes derniers déplacements et émets seulement deux possibilités : mon smartphone se trouve
soit sur la table basse du grand salon, soit sur un plan de travail de la cuisine. Je quitte mes
appartements sur la pointe des pieds – nus – et m’engouffre en territoire ennemi. La maison est
plongéedanslesilence,pasuneâmeéveillée.J’ignoresiEmmettestrentré,jen’airienentendu–les
écouteurs qui étaient logés dans mes oreilles y sont sûrement pour quelque chose. Le parquet frais
craque sous mes pas, je parviens à ne rien renverser sur mon passage, malgré l’obscurité. J’arrive
enfindanslesalon:rien.Aucunetracedemontéléphone.Unpeuagacée,jeprendsladirectiondela
cuisineentirantrapidementsurmanuisette.
Elleestvraiment,vraimentcourte…
Jepresselepasenréalisantcequeletissucouvre–etnecouvrepas,surtout–etpénètredansla
grandepièceauxplacardschromés.Uninstantplustard,moncœurmanqueunbattementetjelâche
un cri bestial. Le frigo américain est ouvert, une lumière bleutée s’en échappe. Derrière la grande
porte, le profil d’Emmett apparaît. Sa mâchoire est crispée, je le vois d’ici. Je tire sur la dentelle
comme une gourde alors que ses yeux vifs se tournent vers moi. Un verre de lait à la main, il
m’observemeliquéfiersurplace.SespupillesmepassentauxrayonsX,dehautenbas,puisdebasen
haut.Jecroisd’abordpercevoirl’esquissed’unsourire–gourmand,joueur–sursonvisage,puisses
yeuxsefontplusdurs,plusfroidsànouveauetc’estunsoupirmécontentquis’échappedesabouche.
Cethommeestdéstabilisantaupossible.C’estdufeuetdelaglacequicourentdanssesveines.Une
minuteilmedéshabilleduregardetsembleprêtàmefaireleschoseslesplusinavouables,laminute
d’aprèsjel’exaspèreetneluiinspirequedumépris.
Untraducteur,s’ilvousplaît!
–Tuassoif?finit-ilparmedemanderenmemontrantlabriquedelait.
–Non,merci,jecherchejustemon…
–Ilestlà,mecoupe-t-ilenfaisantglisserletéléphoneversmoi,surleplandetravail.
Sabarbeadisparu,maissescheveuxdorésontpoussédepuisnotrepremièrerencontreetcecôté
coiffé-décoiffélerendencoreplusirrésistible.Plusviril,plusanimal.Àenjugerparsatenue,ilvient
derentrer.Sonpantalondecostardn’apasbougé,maissacravateestdénouéeetsachemiseblanche
déboutonnéeauniveauducou.Unfantasmeenchairetenos.
Il s’adosse au réfrigérateur refermé et étire son cou à droite, puis à gauche, une jambe
nonchalamment croisée devant l’autre. La pose que prendrait un top model pendant un shooting
photo.Laposequejenepeuxm’empêcherdescruter,lesyeuxhappéspartantde…perfection.
–Autrechose?lâche-t-ilsoudainenfixantsonverre.
–Non…Enfinsi.Tuaseumonmessage?
–Pourlapataugeoire?Oui.Tuasbienfait.
–Jenevoulaispasquetupensesquejem’autoriseàprendredesdécisionsàtaplace,ajouté-jeen
faisantclairementduzèle.
– Je ne pense rien, Sidonie, je n’ai pas le temps pour ce genre de futilités. Tu fais très bien ton
travail,Birdienejurequepartoi,jen’airienàredire.
Pendantuneseconde,sontons’estadouci,puissesyeuxsesontposéssurlebasdemanuisetteet
sonagacementestréapparu.
–Ilesttard,tudevraisallertecoucher,conclut-ild’unevoixautoritaire,avantdevidersonverre
d’untrait.
– J’ai perdu ma mère il y a quelques mois, je n’ai jamais vraiment eu de père, mais je sais une
chose:jen’aipasbesoindetoipourmedirequoifaire,réponds-jeenserrantlesdents.
–Tuesmonemployée,riposte-t-ilenplissantlesyeux,pourmieuxlireenmoi.
– Oui, employée. Pas esclave. Ce que je fais la nuit me regarde. Birdie est censée être ta
responsabilitéàcetteheure-ci.Enfinça,c’étaitlorsquetutesouvenaisqu’elleexiste.
Mavoixsifflanteetassassinevientdelefrapperenpleinvisage.Jeledéfieunedernièrefoisdu
regard – le sien est insondable, mélange de choc, de colère et… d’une autre émotion, que je ne
sauraisdéfinir.Niune,nideux,jefaisdemi-touretprendslasortie,lesjambesflageolantes.
–Sidonie,reviensici!entends-jederrièremoi.
Pourmefairevirersurlechamp…oupire?Nonmerci!J’aiétédure,maisaprèstout,ilnel’apas
volé!
–Bonnenuit,MrRochester,lâché-jeenaccélérantlepasdansl’escalier.
Six heures plus tard, je me retiens de balancer mon radio-réveil par la fenêtre du 30 St George
Street. Après ma confrontation musclée avec Emmett, j’ai mis une petite éternité à m’endormir, ne
sachantplusoùj’enétais.Quelquesheuresdesommeilplustard,rienn’avraimentchangé.J’ignoreà
quellesaucejevaisêtremangéelorsdenotreprochainerencontre.J’ignoresijevaisconservermon
jobetsic’estd’ailleurscequejesouhaite.LapropositiondeJoemeparaîtétrangementséduisante,
toutàcoup:quitterlatownhouseetmerallierà«sacause».Envisageruntoutautrefutur,faitde
petitsboulots,deflirtsàlachaîne,debièresfruitéesetdetotaleinsouciance.
Insouciance?Pourmajumelle,peut-être…Moi,j’appelleçadel’incertitude.Etjelavistrèsmal.
Uniforme:enplace.Chignon:hautperché.Maquillage:justecequ’ilfautpourcachercesvilains
cernesetdonnerunpeud’éclatàmesyeuxternisparlafatigue.IlestpresquehuitheuresetBirdiene
s’esttoujourspasmanifestée.J’éteinslebabyphoneetl’allumeànouveau,justeaucasoù.Toujours
rien.Jedécided’enprofiterpourpréparermonsacenvueduweek-end.Cesoir,jeserailibre.Que
j’opte pour la baignoire remplie d’eau glacée ou pour le Crazy Monkey rempli de mecs chauds
commelabraise,j’échapperaiaucontrôledeMrRochester.Àsesyeuxaussifascinantsqu’indiscrets,
àsesmanièresaussiexcitantesqu’horripilantes.
Jenesuispasfolle:n’importequiseraitintimidéfaceàcecolosse!
Correction:n’importequisaufJoe.
Impression que le sol s’échappe sous mes pieds. Birdie n’est pas dans son lit. Après quelques
secondes de totale panique, mon cerveau tente de dresser une liste de possibilités – certaines plus
plausiblesqued’autres.Imogenestpeut-êtredepassage?Connoravoulum’offriruneheurederépit
enlasortantdulit?DoudouLapinadécidédeserebelleretaengloutilapetite?Emmettm’adéjà
remplacée,unenouvellenannyestentraindeluipréparersonbiberon?
J’appelle à l’interphone, personne ne répond. J’arpente les deux premiers étages à une vitesse
record,enprêtantattentionàchaquerecoin:aucunetracedeBirdie.Personnedanslejardin.Ventde
panique. Il ne me reste plus qu’une chose à faire. Me rendre au troisième étage – l’étage de Lord
Rochester, où je ne mets plus les pieds depuis l’incident de la serviette – et le fouiller de fond en
comble. Mon cœur bat à tout rompre, mon inquiétude grimpe un peu plus à chaque pas. Qu’est-il
arrivéàlarouquine?
Àmarouquine…
Troisième niveau : me voilà. Personne dans le couloir. Ni dans le grand bureau, la petite
bibliothèque, la salle de télévision. J’inspire un grand coup avant d’ouvrir la prochaine porte, qui
mène à la suite parentale. Je pénètre dans l’étroit couloir, passe l’impressionnant dressing, la
clinquantesalledebains…Plusqu’uneporteetjedébarqueraidanslachambred’Emmett.Jenemele
permettraisjamais,d’ordinaire,maislàc’estdifférent.
RetrouverBirdie,c’esttoutcequicompte.
J’ouvre la double porte au ralenti et les découvre là, à quelques mètres de moi. Je ne suis pas
rassurée,jesuisbienplusqueça.Émue,jecroisquec’estlemot.Profondémentendormis,lepèreet
sa poupée occupent chacun un côté du grand lit aux draps foncés. Au centre, leurs mains se
rejoignent, posées l’une sur l’autre. Les petits doigts entremêlés aux grands. J’observe ce tableau
pendantdelonguessecondes,totalementsouslecharme,lorsquelesyeuxsombresd’Emmettcroisent
les miens. Un sourire paresseux se dessine sur ses lèvres alors qu’il articule silencieusement un
« Désolé pour cette nuit ». Je lui adresse un petit clin d’œil, puis fais lentement demi-tour pour les
laisserseréveillerdoucementetprofiterdecemoment–quejedevinetroprare.Justetouslesdeux.
Ils me rejoignent un quart d’heure plus tard, dans la grande cuisine du rez-de-chaussée. Connor
vientjustementdequitterlapièceaprèsavoirbusonEarlGreyculsec–unepannederéveil,pourlui
aussi.JetendssonbiberonàBirdie,quimel’arrachepresquedesmainsetsedébatlorsquesonpère
tentedel’installerdanssachaisehaute.Sansjamaishausserleton,ilparvientfinalementàsefaire
obéir.
Etmoiquiaioséletraiterdemauvaispère…
–Jemeursdefaim!medit-il,toutsourire.Œufs,baconettoastspourdeux?
–Oui,maissanslecholestérolquivaavec,sipossible…ris-jedoucement,soulagéedelevoirde
sibonnehumeur.
Ilvavraimentcuisinerpourmoi?
–Avecousanstomates,lesœufs?mepropose-t-ilenouvrantlefrigo.
–Surprends-moi…murmuré-jeavantderegretterl’ambiguïtédemaréponse.
Latensionestpalpable,entrenous.Sesyeuxsombresm’interrogentl’espaced’uneseconde,puis
ilsdescendentsurmeslèvresavantdesedétourner.Emmettseraclelagorge,passeunemaindans
sescheveuxetselancedanssamission.Ils’emparedesdifférentsingrédients,metlebaconàcuire,
casse les œufs, les bat, coupe une tomate en petits dés et jette le mélange dans la poêle légèrement
huilée.Jeleregardefaire,obnubiléeparsaconcentrationetparlesmusclesquiroulentsoussapeau
tendueàchaquemouvement.Legéantblondprépareundemi-toastaupassageetletendàsafille,qui
s’empresse de le porter à sa bouche – en se repeignant la frimousse de beurre. Il rit en voyant le
résultat et l’embrasse sur le bout du nez. En polo noir et jean brut, il semble être un autre homme.
Toujoursaussibeau,aussimagnétique,maisplusaccessible,plus…humain.
N’enprofitepaspourjoueraveclefeu,Sid…
Osera,oserapas?
Ohetpuismer**!
–Jesaisàquoim’attendremaintenant,commenté-je,unsourireencoinsurmeslèvres.
Rochestercoupelefeu,puissetourneversmoiens’appuyantsurlereborddel’évier.
–Cequiveutdire?sourit-ilenplissantlesyeux,commepourmemettreengarde.
–Quejet’aienfinanalysé.OursmalléchélanuitetPapaOursaupetitmatin.
Son regard reste plongé dans le mien, son sourire ne s’élargit pas, rien ne semble se passer. Le
silenceduredelonguesetpéniblessecondes,puis,nepouvantplusleretenir,monmilliardairelaisse
enfinéchapperunrirefrancetguttural.
–Tun’aspastoujoursditçademoi,lanuit…souffle-t-ilenremplissantmonassiette.
Ilfaitréférenceà…à…cettesoiréeoùtoutadérapé?
–Emmett…rougis-jeenallantm’asseoiràl’autreboutdelatable.Lepacte,souviens-toi…
–Justement,tut’ensouviensuniquementquandçat’arrange,decepacte,plaisante-t-ilenpoussant
leplatversmoi.Mange,maintenant.
–Encoreunordre…soupiré-jethéâtralementenprenantunepremièrebouchée–succulente.
–Dodie!Papa!Bisous!lâchetoutàcoupBirdieenembrassantsontoastmâchouillé.
Sonpèreetmoinousregardons,interdits,avantd’éclaterderire.
–Elleestdanssapériodebisous,expliqué-je.Hier,elleademandédixfoisàConnord’embrasser
Nanny.
–Laquelle?sourit-ilétrangementensemordantlajoue.
–Nannylehamster,soufflé-jeensentantmesjoueschauffer.
–Jepréfèreça.Personnen’embrasseNannySidonie,danscettemaison,gronde-t-ilenselevantde
sachaise.
–BeudiebisouDodie!s’agiteànouveaularouquine.
– Pas même toi ! grogne-t-il en attrapant sa fille pour la faire sauter en l’air – ce qui est une
excellenteidée,justeaprèsunrepas.
Jepourraislescontemplerpendantdesheures.Voircesdeux-làsiproches,sicomplices,sifous
l’undel’autre,çamemetdubaumeaucœur.Etçamefaitunpeumal,aussi.J’aimaismamèreàla
folieetellememanqueatrocement.Cespetitsinstantsdejoiepartagéeetdetendressememanquent
plusquetout.Laviemelesavolés.
–Ilyaquelqu’un?Allo,allo?s’impatienteunevoixinsupportableetguindée,unpeuplusloin.
La tête – de pimbêche – de Camilla passe la porte de la cuisine et le soufflé retombe. La magie
s’envole,jedégringoledemonpetitnuage.Danssarobemoulantedecréateur,ellem’adresseàpeine
unregard,fixeBirdied’unairpresquedégoûté,puisdirigesesyeuxdebicheversEmmett.
–Pasdecostume?Tucroisvraimentquetuvasimpressionnernosconcurrentsdanscettetenue?
sourit-ellebêtement,trèsfièredesaremarque.
–Jepassaisdutempsenfamille,Cam’.Laisse-moijustedixminutespourmechanger,rétorque-tilenposantsafilleparterreetenfilantàgrandesenjambées.
«Enfamille…»J’enfaispartie?
Lasnobinardeaussiatiqué,sij’encroissonairdeyorkshireconstipé.
– D’ailleurs, Camilla, tu ferais bien de maîtriser ton dossier, cette fois ! crie-t-il, au loin. Tu as
faillinouscoûtersoixantemillions,hier…
Quelarepartiedecethommeestsavoureuse,quandellenem’estpasdestinée…
***
Neuf minutes plus tard, Birdie est de retour dans sa chaise haute – l’heure tant redoutée de la
compote a sonné. Emmett est dans l’entrée et ne semble pas spécialement pressé de quitter la
townhouse–malgrélesremarquesacidesdeson«associée»quiapréféréallerl’attendredansla
berline. J’observe le colosse blond depuis le couloir. Alors qu’il passe la main dans ses cheveux,
réajuste sa montre et ferme son attaché-case, je tente le tout pour le tout. Sa cravate n’est pas
parfaitement droite et je compte utiliser ce prétexte pour l’interroger sur un sujet… sensible. Très
sensible.Cemystèremerendfolle.Jedoissavoir.
–ToietCamilla,vousêtes…?demandé-jeenattrapantsacravatesansluidemandersonavis.
Sessourcilss’écarquillent,ilmeregarderesserrerletissugrissourisensouriantlégèrement.Ce
souriredesalegossequimedonneenviedeluiarrachersesvêtements,plutôtquelesajuster.
–Onest…riches,beauxetcélèbres,répond-ilenfaisantsoninnocent.
–Trèsmalin,tusaistrèsbienoùjeveuxenvenir,râlé-jeenreculantd’unpas.
–Oui,jesaisparfaitement,murmure-t-ilenmeramenantsoudainversluipourdéposerunbaiser
surmeslèvres.
Moncœurfaitunbond,moncerveauestensurchauffe,toutemapeaufrémit,maisc’estdéjàfini.
Quand la porte de la townhouse se referme derrière lui, je sens encore l’empreinte de ses lèvres
doucesetbrûlantessurlesmiennes.
3.Évidemment
Évidemment,j’aipenséàcebaiservolétoutleweek-end.Évidemment,Joes’estrenducomptede
monétatsecondetm’afaitpasseruninterrogatoireenbonneetdueforme.Évidemment,lacanicule
s’estprolongéeetmesfantasmesbrûlantsontmanquéd’incendiertoutelaville.Évidemment,Camilla
étaitlà,lorsquejemesuispointéeàlatownhousecematin,mapetitevaliseàboutdebras.
Lundimatin.7h45.Jetrouveladivaconfortablementinstalléedanslecanapédusalon,unmugde
thé à la main et le Financial Times relevé devant son visage. La brune aux yeux perfides daigne
baissersonjournalpourvoirquipasseparlà,laisseapparaîtresonairrenfrognépendantunedemisecondeenconstatantquec’estmoi,puis–sansunmot–lèveànouveausonrempart.
Charmant…Qu’est-cequ’ellefaitlàsitôt?A-t-elledormiici?«Dormi»avecousanslui?Làest
laquestion…
Emmettenestprobablementàsatroisièmetassedecaféserrélorsquejem’invitedanslacuisine.
Danssachemiseblancheetsoncostumenoircorbeau,ilressembleàunegravuredemode.Sacravate
fine ne fait que souligner sa carrure élancée. Ses cheveux blonds sont encore humides après la
douche,sapeauestraséedeprès,ilsentdiablementbon.Etquandsesyeuxnoirsseposentsurma
bouche,unflash-backdenotredernierbaisermemonteaucerveau.
Fairecommesiçan’étaitjamaisarrivé.Lepacte.Lepacte.Lepacte…
–Birdiedorttoujours?
Sa voix grave et chaude me saisit, j’acquiesce d’un signe de tête, attrape un biberon et le rince
plusieursfois,justepourmasquermontrouble.Àquelquespasdemoi,ilsouritencoin,commes’il
étaitparfaitementcapabledeliredansmespensées.
– Je prie secrètement pour qu’elle découvre les joies de la grasse matinée… marmonné-je en
dosantsonlaitenpoudre.
–Cen’estplussecretsitumeledis,faitremarquerleblondténébreux,ens’approchantdemoi.
– Vous avez passé un bon week-end ? lâché-je soudain en reculant d’un pas, pour éviter que la
conversationnedérape.
–Vous?
–Birdieettoi,lefusillé-jeduregard.
– Piscine, zoo, La Petite Sirène et parrain Jude. Week-end au top, sourit-il, très fier de son
insolence…etdesessous-entendus.
Camillaapeut-êtrepassélesdeuxderniersjoursici…Iladoreça,merendrejalouse.Jepeuxjouer
àcepetitjeu,moiaussi…
–Pendantquej’ypense,jevaisavoirbesoind’unsoir«off»cettesemaine,dis-jeenmeplantant
faceàlui.
–Lequel?
–Jeudi.
–Jepeuxsavoirpourquoi?medemande-t-ilenplissantlégèrementlesyeux.
–Unanniversaire.
–Tesréponsesmériteraientd’êtreapprofondies,Sidonie,grogne-t-ilenpassantlamaindansses
cheveuxrebelles.L’anniversairedequi?
Çateregarde,Rochester?Puisquetuestropcurieux,jevaistefairetournerenbourrique…
–D’un…ami,soufflé-jeavecleplusd’hésitationpossible.
Jasperseraravidesavoirquejemesersdeluiàdesfinstoutàfaitrépréhensibles…
Clairement,maréponseneconvientpasàEmmett,quisoupireetseraiditens’adossantauplande
travailderrièrelui.Ilcroiselesbrassursapoitrineetmescrutedesonregardperçant.
–Ok,alorsfaisonsundeal,lâche-t-ildesavoixautoritaire.
–Undeal?répété-je,méfiante.
–Jevaisavoirbesoindetoileweek-endprochain.J’organiseunegarden-partydansleDorsetetje
nepourraipasgérerBirdieseul,avectouslesinvités.
–Leweek-endentier?
–Oui,tuserasévidemmentrémunéréeenconséquence.
–Ilmesemblequelesalaireestdoubléleweek-end,non?souris-jeenpapillonnantdesyeux.
– File de là avant que je baisse ton actuel salaire de moitié, femme vénale ! rigole-t-il en me
chassantdelamain.
–Emmett,onvaêtreenretard!ronchonneunevoixdecrécelle.
Inutiledepréciserquellegrandeperchesetientjustederrièremoi…
***
Mardimatin.Assisedanssachaisehaute,larouquineestentraindemâchouillerlatétinedeson
biberon quand Camilla Bradford s’incruste une nouvelle fois, à la recherche d’un dossier. En la
voyantfaireletourdelacuisine,Birdiefroncelessourcils,lâchesonpetitdéjeuneretluiadresseune
ribambellede«Pasbelle»,«Méchante»et«Va-t'en».Autantdirequejejubileintérieurement,alors
que la Pimbêche Royale la regarde, estomaquée, une moue de dégoût sur les lèvres. Elle finit par
mettrelamainsurlefameuxdossieretprendlafuiteenmaugréant:
–Sylvie,vousserezgentillededireàEmmettquejel’attendsdanslavoiture.
Camilla,tuserasgentilledetomberdansuntrouetdenejamaisenressortir.
Rochester se pointe quelques minutes plus tard. Son petit monstre a déjà réussi à parsemer mon
chignondeporridgeàlabananeetausucrerouxetjesuisentraindemerecoifferlorsqu’ilposeles
yeuxsurmoi,amusé.
–Nanny,onnet’ajamaisditqu’onnejouaitpasaveclanourriture?medemande-t-ilenfaisantun
clind’œilàsafille.
–Ilmesemblaitque«Nanny»étaitréservéàlabouledepoilsquivitdansunecage,aupremier?
riposté-je.
–Hmmm…Çadépenddesjours,sourit-ilenseservantdecafé.
–Tonombret’attenddanslaBMW.
–Monombre?
–Tusais,cettechosenonidentifiablequitesuitpartout,oùquetuailles.
–Sidonie,faisattentionàcequetudis,mefixe-t-ilenseretenantderire.Camillaest…Camilla.
–Jen’auraispasditmieux,ironisé-jeennettoyantlafrimoussedeBirdie.
Quandest-cequ’ilvaenfinsedécideràmedirecequ’ilsfontensemble?Ilssontcollègues,mais
encore ? Amis ? Amants ? Amoureux ? Et pourquoi est-ce que ces deux dernières éventualités me
retournentl’estomac?
Enessayantdechassercespenséesécœurantes,jelibèrelapetitedesachaiseetluiprendslamain
pour l’emmener dans sa chambre. Tout près de la sortie de la cuisine, Emmett se penche pour
embrasser sa fille, puis, en se redressant, il approche son visage tout près du mien. Je déglutis
difficilementalorsquesespupillesnoiressondentmesyeuxbleus.
– Sidonie, tu vas vraiment nous abandonner, jeudi soir ? murmure-t-il d’une voix faussement
peinée.Cet«ami»envautvraimentlapeine?
Je me contente de glousser et m’éloigne de cet homme manipulateur et buté, qui – si je ne me
trompepas–sembleinquietàl’idéequejeluiéchappejusteunesoirée.
Inquietet…jaloux?IlnesepasserajamaisrienentreJasperetmoimaisaprèstout,s’ilveutse
fairedesfilms,c’estsondroit…C’estbeaucoupplusamusant,danscesens-là!
***
Mercredi.Lachaleuresttelle,àseulementhuitheuresdumatin,quejemesuisaccordéunepetite
liberté. Débardeur blanc – jusque-là ça va – et… short en jean... noir, pour faire plaisir à Mr
Rochester.D’unelongueurquirisquedenepasfairel’unanimité…
Pas de Camilla dans les parages, pour une fois. Je sirote paresseusement un café glacé en
compagnie de Connor qui, contrairement à moi, supporte parfaitement son uniforme par trente et
quelques degrés. Je m’apprête à aborder la question qui me taraude depuis des jours, voire des
semaines–EmmettetCamilla:unpeu,beaucoup,pasdutout?–quandcefoutubabyphoneretentit.
Dix minutes plus tard, je suis de retour dans la grande cuisine déjà baignée de lumière, le petit
paquet grincheux dans les bras, mais le majordome ne s’y trouve plus. Une occasion ratée. Encore
une…
–Onétouffe!râleEmmettennousrejoignant.Etcetteclim’quin’enfaitqu’àsatête…Birdies’est
réveilléequatrefoiscettenuit,ellecrevaitdechaud!
Jeluisersungrandverredecaféglacéetluitends,engardantmesregardsgourmandspourmoi.
Soussonpolobeigeprèsducorps,jepeuxentrapercevoirsesmusclesparfaitementdessinés.C’estla
premièrefoisquejelevoisenpantalonléger.Dulin,j’imagine.Luinonplusn’apaseulecourage
derevêtirsonuniforme…
–Connoraappelél’entreprisededépannagepourlaclim’,fais-jeendonnantsasaladedefruitsà
Birdie.Ilssontcenséspassercematin.
– Tant mieux. J’imagine que vous allez passer la journée à barboter dans la piscine, toutes les
deux?sourit-ilenfin.
–Évidemment!Onluttepournotresurvie,dansnotre«JuniorPool»!ris-jeenpiquantunefraise
àBirdie.
Rochestermeregardefixement,puissesyeuxbaladeursdescendentjusqu’àmonshort.Jedécide
del’ignoreretcroquedanslefruitdélicieusementsucré.
– D’ailleurs, je ne suis pas certain qu’Imogen aurait validé l’uniforme « micro-short ». Ni le
« mini-bikini rouge à pois blancs ». Aussi agréables pour les yeux soient-ils… murmure-t-il en se
mordantlalèvre.
J’écarquillelesyeuxetnetrouverienàluirépondre.Apriori,c’étaitl’effetescomptépuisquele
milliardairesecontentedericaner,avantdequitterlapièce.
Ilnem’ajamaisvuedanscebikini!Àmoinsqu’ilsoitpasséenmilieudejournée,jenesaisquand,
etqu’ilnousaitobservées.Moienparticulier,j’imagine…
***
Jeudisoir.Birdiedortàpoingsfermésdepuisprèsd’uneheure,cequim’adonnétoutletempsde
mepomponner,toutlà-haut.Lorsquej’arrivedansl’entréedelatownhouse,jejetteundernierregard
danslegrandmiroir.Mapeauestbronzée,mescheveuxsontbrillantsetsententlemonoï,marobe
vertpâleestsexysansl’êtretrop,mestalonssontcompensés,pourplusdesécurité.
–Jenesaispasquiestcet«ami»,maisj’espèrequ’ilsauraappréciercequ'ilvoitautantquemoi,
commenteEmmett,plantéderrièremoi.
Jemeretourneetfaistoutmonpossiblepourlefusillerduregard–mêmesisoncomplimentvient
déjàd'illuminermasoirée.
–Lepactem'obligeàignorercequejeviensd'entendre,dis-jeenlefixant.
–Pacteounon,tuesbelleàcrevercesoir,sourit-ilsimplementenportantsonverredevinblancà
seslèvres.
Ceregardsisombre…Dudésir.Pur.Dur.Etréciproque.
–Etc’estprofessionnel,ça?mebraqué-jebêtementensentantmoncœurs’emballer.
–Non.Maistonabsencecesoirnel’estpasnonplus.Etjeneparlepasdecetterobe…
Il serre la mâchoire. Ses yeux étincelants se promènent sur mon corps, en particulier sur mes
jambesnues.Unechaleurselogeaucreuxdemesreinsetjecomprendsqu’ilesttempspourmoide
décamper.Rapidement.Avantqueçanetournemal.
Ouatrocementbien…
–Ilsm’attendent,jesuisdéjàenretard,balbutié-jeenmerapprochantdelaportedesortie.
–Monchauffeurestdisponible,jepeuxl’appeler,propose-t-ilsansbouger.
–Non,cesoirjesuislibre.Tesespionsn’irontnullepartavecmoi,souris-jeendevinantsonplan
caché.
– Dis-moi au moins où tu vas, que je sache où tu es en cas de problème, insiste-t-il, d’une voix
douce.
–Birdiedort,laclim’fonctionne,ilnesepasserarien.
–Jeparlaisdetoi,Sidonie,mecorrige-t-ilenpassantlamainsursabarbedisparue.S’ilt’arrive
quelquechose…
–Masœurseralà.C’estmongardeducorps,tutesouviens?blagué-jeavantdeluifaireunsigne
delamainetdedisparaîtrederrièrelaporte.
Mes talons claquent en rythme sur le pavé. Je rejoins la grande avenue la plus proche et lève la
mainenespérantintercepteruntaxi.Mespenséess’affolent…Mathiasnonplusnesupportaitpasque
jesortesanslui.Maisc’étaitjusteparégoïsme.Emmett,lui,chercheàmeprotéger.Etjenesaispas
commentjedoisleprendre…
Saloperie de cœur qui se met à battre éperdument dès qu’un minuscule espoir surgit en moi !
L’espoirquepourluicommepourmoi,cenesoitpasjusteunjeu…
***
–JoyeuxanniversaireJazz!crié-jeenmejetantsurJasper,trenteminutesplustard.
Évidemment,lebeaubrunporteunbonnetrayéetunfoulardbariolé,mêmepartrente-cinqdegrés.
Évidemment, pas une goutte de sueur ne s’échappe de son front parfait alors que tous ceux qui
l’entourent – moi y compris – se consument à petit feu. Évidemment, je n’ai qu’une chose en tête :
EmmettRochester.
– 26 ans, tu te rends compte ? Le début de la fin, ma blonde ! titube-t-il en m’embrassant sur la
joue.
Joenousrejoint,ensefrayantunpetitcheminaumilieudubarbondé.Enmevoyant,majumelle
lâcheunlongsifflementetmedemandedetournersurmoi-même.
–Cepetitcul,jemisetoutdessus!sourit-elleenmetendantunebièreglacée.
–Cepetitculreprendleboulotdemainmatinà7h30etvafairedesheuressupp’pendantdeux
joursdansleDorset!Doncjevaisyallermollo,ris-jeenlevantmonverrepourtrinqueravecelle.
–Cepetitcul,jepourraisluifairedeschosesindécentes,unjour?demandeJasper,unpeuivre.
–Non!!
Joeetmoiavonsréponduàl’unisson.Jemecontentedefaireunegrimace,alorsquemasœurlui
donneuncoupdepoingdansl’épaule.
– C’est bien ce que je pensais, je voulais juste en avoir confirmation. À plus, Polly et Pocket !
ricanelebeaugosseenselançantàl’assautd’ungroupedefilles,nonloindelà.
L’ambiance est explosive, dans le bar de Camden Town. La musique fait trembler les murs,
l’alcoolcouleàflots,lescorps–plusoumoinssobres–s’agitent,secherchent,sefrôlent.Jesuis
accostéeàplusieursreprisespardeshommes,plusoumoinsjeunes,plusoumoinsbeaux,plusou
moinslourdingues.Jemedébarrassedechacund’entreeux,enayantparfoisrecoursàmonargument
choc:JoséphineMerlin,toujoursprêteàsortirlesgriffesetsouventplusdissuasivequemoi.
Desoncôté,majumelledonnedesapersonne,sanscompter.Littéralement.Jenecompteplusles
mecs avec qui elle a dansé, ceux qu’elle a allumés, voire embrassés. Joe n’a aucun mal à susciter
l’attentiondelagentmasculine.Elleestbelle,s’assumeetn’apeurderien.Maiscequesesflirtsd’un
soirignorent,c’estquemasœurs’embraseets’éteintaussivitequ’uneallumette.Lorsqu’ilscroient
quec’estdanslapoche,enréalité,leurquartd’heuredegloireestdéjàpassé.Labruneincendiairea
déjàlesyeuxrivéssurlaproiesuivante.
Joeauncœurquibat,elleestcapabledes’attacher,des’émouvoir,maislenierestdevenusonjeu
préféré.Elleaconfianceenelleetças’arrêtelà:ellen’aconfianceenpersonned’autre.Etsicette
attitudelaprotègedes«enfoirésaffectifs»–telsqueMathiasqui,d'aprèselle,enétaitleroi–elle
pourraitaussilapriverdugrandamour.
Versminuit,unserveurapporteunimmensegâteaud’anniversairesurnotretableetquasimenttout
lebarsemetàchanterenl’honneurdeJasper.Toutfou,lehipsterquiatropbupeineàéteindreses
bougies,puisremerciel’assemblée,lalarmeàl’œil.Joeetmoiéchangeonsunsourire,etunfrisson
meparcourt.Jeréalisequ’onestenfincheznous,iciàLondres.Etquenotremèreseraitheureusede
savoirquenotrenouveaudépartest…réussi.
Unseulregardversmasœuretjesaisqu’ellepenseàlamêmechose.
***
Pitié,pasdegueuledebois.C’estlapremièreréflexionquejemefaisentapanthystériquementsur
mon réveil, le lendemain matin. Je m’étais promis de ne pas dépasser les deux bières. Je m’étais
promisderentreràuneheureconvenable.Bref,j’aimerdé.Latêteenfarinéeetleteintgrisâtre,jeme
traîne sous la douche et réalise que la température a baissé. Il fait doux, juste doux, pas étouffant.
J’enfilemonuniforme–chemisierfinetjupenoire–enroulemonchignon,tapotemesjouesetétire
monvisageavantdequittermonétage.
Birdien’estpasdanssonlit,maiscettefois,unpetitmotm’indiquequ’elleestdanslacuisine,en
compagniedesonpère.Sonpère,dontjecrainsdéjàlesremarques.Sait-ilquejesuisrentréeàtrois
heuresdumatin?Etdansquelétat?
Toutnierenbloc,siaccusée.Oum’excuseretjurerqueçanesereproduiraplus.Ouretournerme
coucherpouréviterderépondreàcedilemme…
–Nanny,vousvoilà!mefaitsursauterlavoixodieusedeCamilla,àl’entréedelacuisine.Vous
avezunemineaffreuse…
–Jevousrenvoielecompliment…marmonné-jeenfrançaisenmerendantjusqu’àlamachineà
caféd’unedémarcherobotique.
–Jevousdemandepardon?s’offusque-t-elle.
–Rien.Emmettn’estpaslà?soupiré-jeencaressantlajouedeBirdie,installéedanssachaise.
–Ilaprisduretardàcausedevous.Vousêtescenséel’aider,pasluicompliquerlavie,voussavez,
m’explique-t-elledesonairparfaitementcondescendant.
Jem’éclipseendirectiondel’entrée,justepouréchapperàcettedonneusedeleçons–ouéviterde
lui tordre le cou. Mais au bout de seulement quelques pas, je tombe face à face avec Emmett. Son
costumegrifféestderetour,sabarbenaissanteaussi.Sonvisageestfermé,pasunsourire,pasunmot
niungesteamical.
MrFreezeisback…
–Touts’estbienpassé,hiersoir?medemande-t-ilfroidementsansmêmemeregarder.J’enétais
àmedemandersituallaisrentrer…
–Désolée,jen’aipasvuletempspasser…
–Ahoui?Ils’estpasséquelquechose?seramèneCamilla,attiréeparl’odeurduscandale.
La pimbêche s’approche tout près – trop près – d’Emmett et s’applique à replier le col de sa
chemise.C’estidiot,maiscedétailmehérisseinstantanémentlepoil.Leurproximitém’exaspère.Je
voudrais qu’il la repousse, qu’il la remette à sa place, mais il n’en fait rien. Pire : il lui sourit…
tendrement.
–Oui,ils’estpasséquelquechoseetmaviesexuelleneregardequemoi,lâché-jesansréfléchir,
avantdeleurjeterunregardarrogantetdem’enfuirendirectiondelacuisine.
Évidemment,ilfallaitquej’ailletroploin…
Jeregrettedéjàamèrementlemensongequivientdes’échapperdemeslèvres,lorsquelavoixde
Rochesterretentitquelquesmètresderrièremoi,assassine,méprisante,humiliante:
–J’espèrequemafilleauraplusdejugeotequeça,quandelleseragrande…
–BirdieRochester,unefillefacile?Jamaisdelavie!ajoutejoyeusementCamilla.
Je me stoppe net, espérant entendre une réaction d’Emmett. Son caniche vient de me traiter de
«fillefacile»etiln’ariendit.Ilnem’apasdéfendue.Commes’ilvalidaitlesproposinjustesqui
viennentdem’assommer.
Lajalousievousrendcon,MrRochester.Etjepeuxendireautantpourmoi…
4.Dorsetetcompagnie
Emmettaconsacrélamatinéeàsesaffaires,pendantquejepréparaismavaliseetcelledeBirdie.
Puis,commeprévu,ilestrevenuauxalentoursdemidipourlancerlegranddépart.L’idéederespirer
le bon air de la campagne anglaise pendant les trois prochains jours me ravissait, mais ça, c’était
avant. Avant que ma langue trop bien pendue ne passe par là. Avant que je m’invente une aventure,
justepourfaireenragerRochester.Etqueçamarcheàlaperfection.
L’atmosphèreestpesante–c’estpeudire–dansl’énormeSUVseptplaces,encedébutdevoyage.
Unpeuplusdedeuxheuresnousséparentdel’arrivéeetj’aibienpeurqu’ellesnousparaissentune
éternité.Emmettachoisides’installertoutaufondduvéhicule,pour«travaillerenpaix».Depuis
quelemoteurestenmarche,jesenssonregardfurieuxseposersurmanuqueetsonsouffleenragé
dansmondos…
Pasdedoute,iln’atoujourspasdigéréma«confession»…
– J’attends une cinquantaine d’invités, demain, finit-il par m’apprendre, de sa voix glaciale. Ils
arriverontenfind’après-midietresterontpourledîner.
–Cetteréceptionsefaitenquelhonneur?
– En l’honneur de nos plus gros clients, qui seront tous là. Et du RMG qui a encore doublé son
chiffred’affaires,cetteannée.
–LeRMG?répété-jebêtement.
–LeRochester&MontgomeryGroup.
Sontonétaitcassant.Commes’ilfallaitêtreladernièredesidiotespourignorerlasignificationde
cestroislettres.
– En quoi consistent vos activités, exactement ? demandé-je d’une voix encore plus timide,
honteusedenepasm’êtrerenseignéeavant.
–Tunet’intéressesàçaquemaintenant?ricane-t-ild’unairdédaigneux.
Je me retourne et ose enfin le fixer, sans baisser le regard lorsque mes yeux rencontrent ses
pupillesnoires.Monaudacesemblel’adoucir,pendantuneseconde.Oujusteunefraction.
– Il y a presque dix ans, Jude et moi avons créé une entreprise de consultants financiers dans le
secteurduluxe.Çaatrèsvitedécolléetnoussommesmaintenantàlatêted’ungrandgroupequis’est
diversifié,maisleconsultingrestenotreactivitéprincipale.
–Ungrandgroupe?Plutôtunempire…murmuré-jeenréfléchissantàhautevoix.
Àencroiresesyeuxrivéssurunebrochure,ladiscussionestclose.Jemeremetsdanslesensdela
routeetm’adosseànouveauàmonsiège.Lesquartsd’heuredéfilentetjemelaissealleràunedouce
torpeur.
Aprèsunenuitdequatreheures,cetrajetvapeut-êtremefairedubien,finalement.
Enapprochantdenotredestinationfinale–Bournemouth,charmanteetpittoresquevillecôtièredu
Dorset–jedécouvreunecampagnevallonnéeetluxurianteoùsurgissenticietlàdejolisvillagesaux
âmespaisibles.Alorsqu’Emmetttapedestasdechosessursatablettetactileengardantfarouchement
lesilence,Birdiesomnoleàmescôtés,doudouLapinaucoindelabouche.Connor–quiestassisà
l’avant,àcôtéduchauffeur–s’amuseàjouerleguidetouristique.Ilmeraconteleslégendesdela
région, me décrit les cités historiques et vante les charmes de la côte classée au patrimoine de
l’humanité.
Dorset,nousvoilà!
La voiture – ou le tank, selon les points de vue – se gare après avoir franchi le grand portail.
J’ouvre la portière et laisse s’échapper la rouquine, qui a décidé de ne plus quitter Connor d’une
semelle.Àquelquesmètresdemoi,ledouxgéantseplieendeuxpourlaprendredanssesbras,puis
disparaîtendirectiondujardin.Unjardin?Unparc,oui!
Lechauffeurouvrelecoffrepourensortirlesvalisesetmefaitgentimentsignedenepasl’aider.
Je sens la présence d’Emmett dans mon dos et panique à moitié. Je voudrais simplement qu’on me
donne quelque chose à faire, pour m’éviter de rester plantée là, comme une potiche. Lorsque je
réalisequejen’aiaucuneéchappatoire,jefinisparmetournerverslamaison.Matêteselèvevers
l’immensebâtisse,monvisagesefigeetpendantdelonguessecondes,jeparviensàignorersesyeux
quimedétaillent.
Cen’estpasunemaison,c’est…unmanoirvictorienquiatoutd’unchâteau.Onyabriteraitune
ville entière. Une ville réservée à l’élite et aux grands de ce monde, si j’en crois les demeures de
millionnairescroiséessurlechemin.Mesyeuxquittentlafaçadeetseperdentsurl’incroyableallée
circulairepavéedebriques,aucentredelaquelles’élèveunefontaine.Lesjetsd’eautourbillonnentet
sifflentdanslesairsavantd’atterrirdansunbassinenmarbreclair.Unpeuplusloin,dechaquecôté
de la demeure, les pelouses sont parfaitement tondues, les massifs ont été taillés en formes
géométriques, les fleurs sont blanches, rose pâle, orangées. L’impression de sérénité se mêle au
raffinementetauluxe,évitantaulieudetomberdansl’ostentation.Souslecharme.Amoureuse.C’est
lemot.
JemecroiraisdansunromandeJaneAusten…
Emmett met fin à ma rêverie et me fait signe de le suivre. Je m’exécute et monte la dizaine de
marches qui mène à la somptueuse porte d’entrée. À l’intérieur, le plafond démesuré forme une
coupole où se dessinent d’impressionnantes moulures. Une fois entrée dans le corridor, je retiens
monsouffle.Monregardsepromènesurlescolonnesquisesuivent,departetd’autredelapièce.
Mais le clou du spectacle, dans cette maison d’un autre temps, d’un autre monde, c’est le double
escalierquiseplantefaceàmoi.
– De grands bals avaient lieu ici, aux siècles derniers, résonne la voix de mon milliardaire. Cet
escalier permettait aux jeunes gens de faire une entrée remarquée en descendant d’un côté ou de
l’autre.Ouauxcouplesdeseséparerpourmieuxseretrouver,surcepalieràmi-hauteur.
–Tuprendsàdroite,jeprendsàgauche?dis-jesansréfléchir.
–Pourquoidonc?sourit-ildoucement,avantdeserenfrognerànouveau.
–Pourquoipas?haussé-jelesépaules.
–Sidonie...soupire-t-il,agacé.Qu’est-cequit’afaitchoisir?
–Unréflexe.Mamèremedisaittoujoursdechoisirlagauche,avoué-jeenfin.
Sesyeuxmesondent,cherchantàcomprendre.
–Lecœurhumainsesitueàgauche,précisé-jeenmesentantrougir.
Ilréfléchituninstant,puisunrictussedessinesurseslèvres.
–Trèsbien.Jetelelaisse,dit-ilengrimpantunepremièremarchedel’escaliersituéà…droite.
Salopard…
***
Jem’écroulesurmonlitvers22heures,épuiséeetsoulagéedemeretrouverseuledansmabulle.
L’après-midin’apasétédetoutrepos.Pendantqu’Emmettfaisaitunpointavecsonstaffenvuedela
grande fête de demain, Connor, Birdie et moi sommes allés voir la mer. La petite casse-cou est
ensuitemontéepourlapremièrefoissurunponey–c’étaitçaouuncapriceintersidéral.Nousavons
frôlélacatastrophelorsqu’elleadécidédesemettredeboutsurlaselle.Ledîneraétévitepliépour
elle:refusantd’avalerquoiquecesoitdesolide,elles’estenfiléunbiberonavantderejoindresonlit
–sanspleurer!Demoncôté,j’airapidementgrignotéunesaladecomposéeavantderejoindremes
quartiers.D’aprèsConnor–quisaittoujourstoutsurtout–Emmettapréférédînerdanssachambre,
situéejusteàcôtédelamienne.Del'autrecôtédumur...
Ilestjustelà,àquelquesmètres…
23heures.Malgréunétatavancédefatigue,jenetrouvepaslesommeil.Jetourneetmeretourne
dans ce grand lit qui sent le linge frais, fixe le plafond, observe les moulures, remonte la couette
jusqu’à mes épaules, la repousse jusqu’à mes pieds… Impossible de fermer l’œil. Pas tant qu’il ne
saurapaslavérité.J’attrapemontéléphoneposésurmatabledenuitettapeuntextosansmelaisser
letempsdechangerd’avis.
[C’est probablement le dernier de tes soucis, mais ce que j’ai dit ce matin était faux. Je n’ai
rencontrépersonnehiersoir.Désoléepourlequiproquo.Bonnenuit,Sid.]
[Vraioufaux,peuimporte.Souviens-toi:taviesexuelleneregardequetoi.E.R.]
Ouch…
J’éteins mon smartphone et me retiens de le balancer contre le mur – si seulement il pouvait le
traverserets’écraseraumilieudesonvisageenluicassantuneoudeuxdents.
Troploin,Sid!
Jedoisreconnaîtrequejenel’avaispasvuevenir,celle-là.Finalement,ilauraitpeut-êtremérité
quejelelaissemarinerquelquesjoursdeplus…
Uneidéedegénie,devouloirjouerlacartedelasincérité…
***
Ledosencompote–aprèsavoirgigotétoutelanuit–jem’efforcedegarderlesourireenjouant
à cache-cache avec Princess Rochester. Je la retrouve finalement planquée derrière un rideau de la
grandesalleàmanger,oùsetientuneréuniond’urgence.
–Leprestataireafaituneerreur,entends-jel’unedesgouvernantesexpliqueraugrandpatron.Il
vanousmanquerdeuxpersonnesderrièrelebar.
– C’est une plaisanterie ? Les invités commenceront à arriver dans cinq heures ! Réglez ce
problèmeMary,jeneveuxplusenentendreparler!s’emporte-t-ilenfaisantdegrandsgestes.
–J’aipeut-êtreunesolution,tenté-jeenavançantdansleurdirection.
–Sidonie,cen’estvraimentpaslemoment!s’impatienteEmmett.
– Ma sœur et son colocataire peuvent sûrement se libérer, si la paye vaut le détour, insisté-je en
ignorantsessoupirs.Ilssontbons.Trèsbons.
–Tasœurestbarmaid?
–Oui,çat’étonne?
Mon ton était défiant. Il peut dire tout ce qu’il veut, mais qu’il ne touche pas à Joe. Ni à Jasper,
d’ailleurs.Sesyeuxnoirsfinissentparsedétournerdesmiensetilcapitule.
–Ok,dis-leurdedébarquerdèsquepossible.Jerembourselesfraisdedéplacementetlesalaire
estconséquent.Enéchange,ilsdevrontêtreirréprochables.JeneplaisantepasSidonie,jejouegros,
là…
–Et?
–Etquoi?
–«MerciSidoniedem’avoirsortidecepétrin.Enéchange,jem’engageàmecomportercomme
un être humain chaleureux et courtois pendant tout le week-end. », récité-je d’une voix lente et
appuyée.
–Onverraplustard,pourlesmercis,grogne-t-ilens’enallantàgrandesenjambées.
J’airêvéouilaesquisséunmicro-sourire?
Ma jumelle et son inséparable hipster arrivent à peine trois heures plus tard, au volant d’une
berlineprêtéepourl’occasion.
–TonRochesternerigolepas!s’exclameJoeenmeserrantdanssesbras.T’asvucettecaissede
ministre?Etilvoulaitmêmenousfilerunchauffeur!Aveclacasquetteettout!
–Tunem’enveuxpasdet’avoirtraînéejusqu’ici,alors?demandé-je,pastrèsrassurée.
–Non,heureusementpourtoi,tonmilliardaireestgénéreux.Jevaismefairedeuxmoisdesalaire
en une soirée ! Mais tu aurais vu notre boss du Crazy Monkey… Il était paniqué quand on lui a dit
qu’onavaittouslesdeuxlagastro!
–Évitedefairetournercetterumeur,cesoir…ris-jeenlesamenantjusqu’àlasalledesuniformes.
Voilàvostenues,vouscommencezdansuneheure!
–C’est…C’est…HugoBoss…bafouilleJasperenmemontrantl’étiquettedesongilet.
–Situfaistonboulotcorrectement,tupourrasmêmerepartiravec!gloussé-jedeplusbelleen
retournantm’occuperdeBirdie.
Lesfestivitéscommencentlorsquelespremiersinvitésseprésententaumanoir.Depuislaterrasse,
j’observeEmmettserrerdesmainsetéchangerdessourires,toutengardantunœilsurBirdied’un
côté,JoeetJasperdel’autre.Trèsrapidement,leterrainparfaitemententretenu,fleuri,décoré,dela
demeuregrouilledemonde.Debeaumonde.
Je refuse plusieurs fois les coupes de champagne que me tendent les serveurs en tenues de
pingouin, mais me venge sur les petits-fours. Du côté du bar, ça ne chôme pas. Secondée par son
collègue–quiadaignélaissertomberlebonnetpourl’occasion–majumelleseplieenquatrepour
répondre aux exigences des convives de la haute. Je la vois s’emparer de bouteilles, secouer des
shakers,remplirdesverres,toutçaaveclesourire.Unsourireforcé,certes,maisquiferal’affaire.
–JevaisallercoucherBirdiemoi-même,mefaitsursauterEmmettensortantdenullepart.
Danssoncostumeouvertbleumarine–sanscravate–ilest…outrageusementbeau.Ilattrapesa
filleparlamain,puisfaitminedes’éloigner,avantdechangerd’avis.
–Ilsfontdubonboulot,ajoute-t-ilenregardantendirectiondubar.Tasœurestétonnante.C’est
foucommevousvousressemblez…sansvousressembler.
–Onnousleditsouvent,souris-je.
–EtJasper…C’estluiton…«ami»?Jel’aientenduparlerdesonanniversaire.
–Oui,c’étaitlesien.Etoui,cen’estqu’unami.
–Çanemeregardepas.
–Situledis…
–Pardon?rétorque-t-ilenplongeantsesyeuxdanslesmiens.
–Çaal’airdebeaucouptetravaillerpourquelquechosequineteregardepas.
–Ouais,peut-être,lâche-t-ilnonchalamment.Entoutcastuestrèsbelle,cesoir.Presquetrop.
Etçarecommence.Illâchecesmotsquimefontl’effetd’unebombe,puisfaitvolte-facesansme
laisser l’occasion de réagir. Alors que mes joues s’empourprent, je le regarde s’éloigner, sa fille
hilaredanslesbras.Despapillonsdansleventre,jemerapprochedubaretassisteàunescèneplutôt
comique–vued’ici,entoutcas.JoeetJudesontentraindesechamaillersanschercheruneseconde
às’encacher.
–J’aidemandéunvirginmojito,pasunesoupeàlamenthe,rigolelemeilleuramid’Emmetten
posantsonverredevantmasœur.
–Sivousn’aimezpaslamenthe,ilsuffisaitdeledire,riposte-t-elleens’agrippantaubar.
–J’adoreça.Mais,apparemment,pasquandelleestpasséeentrevosmains…
Lesdeuxinconnussejaugentduregard.Sesyeuxàluisepromènentsurlevisagedemajumelle,
puisdescendentplusbas.Ilsembleappréciercequ’ilvoitetpatiente,unsourireencoinsurleslèvres.
– Vous comptez rester planté là longtemps ? balance Joe en repoussant une mèche brune qui lui
barrelefront.
–Vouscomptezmelaissermourirdesoifjusqu’àquand?répondledandyenposantsescoudes
surlecomptoir.
– Ok, j’ai la solution, sourit insolemment ma sœur en débouchant une bouteille de Perrier et en
s’emparantd’unbacàglacevide.
Elleleremplitpuisletendàsonadversaire,trèsfièred’elle.
–Unlitreetdemirienquepourvous.Çadevraitétanchervotresoifpendantaumoinsdeuxbonnes
heures,non?
Jemeretiensd’exploserderire,maisledandyselâche.Sonriredoits’entendreàdixkilomètresà
laronde.Enattiranttouslesregardsdel’assemblée.Touché:majumellenel’avouerajamais,mais
elleestgênée.
–Alorsàdansdeuxheures,Joséphine,finit-ilparconclure,enfaisantdemi-tour.
–Joe!Jem’appelleJoe!enrage-t-ellealorsqu’ilestdéjàloin.
Cesdeux-làn’ensontpasàleurderniersketch…
Quelques minutes plus tard, Emmett est de retour. Avec Camilla. Je serre les dents et avale mon
verrederoséculsec.
Birdieestcouchée,jepeuxenfinmedétendre,non?
Colléeàsesbasques,lacoquetteledévoredesyeuxetfaittoutsonpossiblepourmonopoliserson
attention.Raté.NonseulementRochesteresttrèsoccupéparsesinvitésetassociés,maisenplusilne
cessedemechercherduregard.Etlorsquenosyeuxseretrouvent,ilsfontdesétincelles.
Lanuitestdéjàbienavancéelorsquejem’invitedanslarondedesderniersinvités.JoeetJasper
ontpresqueterminéleurservice,lasoiréetoucheàsafin.Enm’approchantdugroupe,jeremarque
qu’unebrindilles’estcoincéedanslatressequifaitletourdematête.Jelaretireetaumilieudemon
geste,jeréalisequ’Emmettalesyeuxbraquéssurmoi.Ilmesourit…différemment.Pourlapremière
fois,jecroispercevoirdelatendressedanssonregard.Puislaconversationreprend,lesriresfusent
et je participe distraitement à cette animation – en évitant soigneusement de poser les yeux sur
Camilla.
Qu’est-cequ’ilpeutbienluitrouver?...
– Dis, Rochester, il faudra que tu me dises où tu l’as dénichée, celle-là ! lâche un quarantenaire
ivre,enmemontrantdudoigt.
–Jenelesaispastropmoi-même,souritEmmett,unpeugêné.
–Mafemmeauraitditnon,detoutefaçon.Elleauraitflairéledanger…Unejoliefillecommeça,
mêmeenuniformedenanny,c’estledivorceassuré!s’acharneleclient.
Allô?!Quelqu’unréagit?
Camillapouffe,savoisinerousseboitunegorgéedechampagnepourmasquersagêne,lesautres
nebougentpasd’uncil.J’hésiteàm’enfuir–etàpasserpourunegaminesusceptible–ourester–et
entendrecethommeinfectparlerdemoicommed’unobjetconsommable.
–Unpetitcafé,Mark?proposemonmilliardaire,enmevoyantmedécomposer.
–Nonmaissérieusement,tul’astestée,j’espère!
–Mark,çasuffit!s’élèvelavoixgraveetmenaçanted’Emmett.Excuse-toi!Surlechamp!
J’aileslarmesauxyeux,moncorpsestprisdetremblements,laphraseprononcéeparlepervers
étaitd’uneviolenceinouïe.C’estentoutcascommeçaquejel’airessentie.J’ail’impressiond’avoir
étésalie.
– Je plaisantais… ronchonne l’homme en question. Pardonnez-moi mademoiselle mais
comprenez-moi,vousêtesunplaisirpourlesyeux…
Plaisir.Danssabouche,cemotmedonnelanausée.
–Nevousexcusezpas,monsieur,rétorqué-je,follederage.Jesuisunboutdeviandeàvosyeux,
maisfinalement,çanousfaitunpointcommun.Parcequevousêtesunporc.
Le vieux dégueulasse reste bouche bée, Camilla s’étouffe à moitié, suivie par tous les autres.
Certainsrient,d’autreschuchotent,unechoseestsûre:marepartiecinglanteafaitsensation.J’aijuste
letempsdecroiserleregardpeinéd’Emmettavantdelesplanterlà,enpartantencourantendirection
duparc.
***
Je suis adossée à un arbre, dans la pénombre, à des centaines de mètres de là, lorsque j’entends
quelqu’uns’approcher.Celadoitbienfairetrenteminutesquejesuisseule,perduedansmespensées.
Lespasserapprochent:jemeretourneetdécouvreMrRochester,unelampedepocheàlamain.
–Jet’aicherchéepartout!s’écrie-t-ilenseplantantfaceàmoi.
–Cen’étaitvraimentpaslapeine…sifflé-je,d’unevoixacide.
–Sidonie,jesuisdésolé.Jepeuxt’assurerqueMarkvapasserunsalequartd’heure,lundimatin,
quandilauradécuvé…
–Jen’aipasperdumonjob?
–Pourquoi?
–Jel’aiinsulté…C’estl’undetesplusgrosclients…
–Unseulmotdéplacédeplusetjeluicassaislagueulemoi-même…murmurelecolosseblonden
parcourantladistancequinoussépare.Maisjedoisavouerquetutedéfendstrèsbientouteseule…
–Jenesuispassifragilequej’enail’air,souris-jeensentantmoncœurs’emballer.
Seslèvressontprèsdesmiennes…Siprès…
– Alors comme ça tu t’inventes une vie, parfois ? susurre-t-il tandis que l’oxygène vient à me
manquer.
– Alors comme ça je croyais que ça ne regardait que moi... l'imité-je. Je ne sais pas ce qui m’a
pris…Je…Je…
Son index barre mes lèvres, m’obligeant au silence, ses yeux me parcourent, pleins de fougue,
d’ardeur. Puis sa bouche se pose délicatement sur la mienne et je gémis – de surprise, de
soulagement,dejoie,dedésiretdetantd’autreschosesencore.Quandsalanguefaitsonentrée–sans
forcer,toutendouceur–j’inclinelégèrementlatêteetmepressecontrelui.Sesmainss’aventurent
dans mon dos, descendent sur mes reins, épousent la forme de mes fesses alors que nos lèvres se
lancentdansunedanseenivrante,sensuelleetlibératrice.Exactementcedontj’avaisbesoin.
Cettefois,jecroisquenotrepactevientvraimentdepartirenfumée…
Cequecethommesaitfaireavecsalangue…
Notrebaisers’intensifie,nosrespirationss’accélèrent,noscorpss’emballentetmatêtecommence
àtourner.Entreseslèvres,Emmettlaisseéchapperungrognementsourdetjenepeuxréprimerun
gémissement aigu et ridicule – entre le miaulement maladif et le couinement plaintif. Je suis le
mouvement,melaissedéporterenarrièreetmeretrouvefinalementplaquéecontrelegrandchêne.
Lasurfacerêchemegriffelégèrementlapeau–uneidéedegénie,cetterobedosnu–etjegémisà
nouveau. Ses paumes quittent ma cambrure et se perdent dans mon cou, pour emprisonner mon
visage.Lesoufflecourt,monLordromptnotrebaiseruninstantpourmedétailler,puisilsepenche
versmoi.Impatientedegoûterànouveauàseslèvres,jefermelesyeuxetentrouvrelabouche.Mais
déjà,lasiennem’échappe,poursusurrerquelquesmotsaucreuxdemonoreille:
– Je vais te donner le temps de reprendre tes esprits, me prévient sa voix rauque. Au cas où tu
changesd’avis…
–Non,viens,je…
– Rendez-vous dans une heure là-haut, me coupe-t-il en me montrant le plus grand arbre de la
propriété,situéderrièrelamaison.Sic’esttoujourscequetuveux…
Jeplisselesyeuxetremarquelalumièrequis’échapped’uncôtédel’arbre,àunecinquantainede
mètres.Peuàpeu,mesyeuxs’habituentàl’obscuritéetlesformessedessinent.J’aperçoisquelque
chose,enhauteur.Commeunepetitemaisonnetteronde.
–Unecabane!réalisé-jeenhaussantlessourcils.
Ilm’abienregardée?
–Ettucomptesyfairequoi,aujuste?ironisé-jeentirantsurmarobe.Grillerdeschamallowsen
racontantdeshistoireseffrayantes?Mefairechanteraucoindufeu?
–Tefairechanter,non.T’entendremesupplier,tefairesoupirer,gémir,jel’espère…sourit-ilen
coinavantdedéposerundernierbaisersurmeslèvres.
Jeluimordslalèvreparexcitation,maisaussipourlepunirdesoneffronterie.Raté:ilsefaitplus
fougueuxencore.Mesmainssefaufilentdanssescheveuxauxrefletsdorés,lessienness’immiscent
sous ma robe… Finalement, alors que nous sommes tous les deux essoufflés et sur le point de
déraper,Emmettmerepousseetfaitvolte-facesansajouterunmot.Moncœurnes’esttoujourspas
remis. Ses baisers enflammés m’ont fait perdre la tête, encore une fois. Et cette chaleur logée au
creuxdemonventrequinedisparaîtpas…
J’observesescheveuxenbataille,sondoscarréetsesjambesinterminablesalorsqu’ils’éloigne
d’une démarche pleine d’assurance – voire d’arrogance. La pelouse ne lui résiste pas, à lui. Aucun
bout de bois ne se met en travers de son chemin. Malgré l’obscurité, malgré les dénivelés, il ne
trébuchepas.Pasuneseulefois.Non,décidément,MrRochestern’estpashumain.
Etnon,décidément,jenepeuxpasluirésister…Jeseraiauxpiedsdecettefoutuecabane,dansune
heure.
«Foutuecabane»,cen’estpasleterme.Lorsquejem’enapproche,àl’heureconvenue–etaprès
avoir pris un bain frais, qui n’a pas suffi à me faire redescendre en température – je découvre une
sortedeniddouilletmoderne,cachédanslesbranches.Jel’observed’enbas,lesbrascroiséspour
metenirchaud.Entopnoiretjupeassortie,j’aiunpeufroid.
Etjeressembleàuncambrioleur…sexy.
J’attends quelques minutes aux pieds de l’escalier en bois, puis n’y tiens plus. Je grimpe jusqu’à
l’entrée de la maisonnette en forme de sphère et y pénètre, laissant mes yeux traîner partout. À
l’intérieur,lasurfacedoitapprocherlestrentemètrescarrésetlesmursincurvésontdûêtreconçus
par un éminent architecte. Mais c’est la décoration qui me laisse bouche bée. Même dans ce petit
repèreclandestin,danscettebullenoyéedanslavégétation,leluxeestomniprésent.Partoutsurles
murs, des guirlandes lumineuses diffusent une douce lumière blanche. Le mobilier mélange les
influencesdesignetrustique–etaprobablementcoûtéunefortune.Aucentredelapièce,ungrandlit
rondauxtissusclairsestilluminéparunlustresurlequeltrônentdesoiseauxenferforgé.
JereconnaisbienlatoucheRochester…Iln'apasappelésafille«Birdie»pourrien...
Jecontinuemavisiteetposelesyeuxsurunetablehauteetfine,oùsontposéstroiscadresphoto.
Emmett plus jeune – déjà terriblement beau – entouré d’un homme et d’une femme distingués. Ses
parents, j’imagine. Emmett avec une jolie rousse : Robyn, son épouse. Emmett, encore et toujours,
avecBirdie.
Qu’est-cequejefouslà?C’estleurbulleici,paslamienne…
Jesuissurlepointdefilerendoucequandjelâcheuncrid’effroi.Jeviensdecroisersespupilles
ardentes.Ilsetientlà,adosséàl’ouverturedelaporte,depuisjenesaiscombiendetemps.Sonnoir
estenvahiparunelueurnouvelle.Lerefletdesguirlandeslumineuses,peut-être.Oul’ardeurdeson
désir…
Ilm’apriselamaindanslesacentraindefouiner.Etiln’estpasencolère?
–Jenesaispaspourtoi,maisjeprendraisbienunverre…murmure-t-ilensefaufilantàcôtéde
moipourtournerlescadres.
– Tout ce que tu veux, tant que ce n’est pas du champagne, soupiré-je en essayant un trait
d’humour.
C’estça,parfait,passepourunesalecapricieuse…
– Gin ? Scotch ? Vodka ? me propose-t-il en ouvrant un placard que je n’avais même pas
remarqué.
–Baileys!m’écrié-jeenreconnaissantlabouteillenoire.
Ilricane,attrapelafameusebouteille,deuxverresetserapproched’unepetitetableronde,unpeu
plusloin.
–Unproblème?Monchoixneteconvientpas?demandé-jeensuivantchacundesesgestesdu
regard.
–Aucun,bienaucontraire.C’estavecçaquej’aidraguémespremièrescopines…semarre-t-ilen
metendantmonverre.
–C’estavecçaquetulesassaouléespourqu’ellescouchentavectoi,c’estça?
–Qu’est-cequiteditquecenesontpasellesquionttoutfaitpourquejecèdeàleursavances?
rétorque-t-il,d’unevoix…aguicheuse.
Nos regards restent imbriqués pendant de longues secondes et ma volonté s’envole. Que cet
endroitsoitleurbulleoulamienne,jeréalisequejevaisyvivreunenuitinoubliable.Aveclui.Une
chaleurinsidieuseserépandànouveauaucreuxdemesreins,j’aidumalàdéglutir.L’intensitéqu’il
mecommuniquemedonnedesfrissons.Finalement,lefeuauxjoues,jecapituleetmedétourne,en
portantleverreàmeslèvres.Derrièremoi,jesenssesyeuxmeparcourir.Emmettsaitparfaitement
dansquelétatilmemet.Etilenjoue…
–Tuashésitéàvenir?medemande-t-ilsoudain,d’unevoixprudente.
–Non.Ettoi?
–C’estmoiquiposelesquestions,sourit-ilalorsquejemeretournepourluifaireface.
–Pourchanger…soupiré-jeenposantmonverre.
À quelques mètres de moi, il m’imite, puis me fixe à nouveau en passant la langue sur sa lèvre
inférieure,toutenlamordant.Jesuisàlafoisirritéeetterriblementexcitée.Ils’estchangé,luiaussi,
et son polo griffé sculpte ses muscles saillants à la perfection. À chaque mouvement, je vois ses
bicepsetsespectorauxsemouvoirsoussapeau.Etjefondsunpeuplus.
–Emmett,qu’est-cequetuveux,aujuste?
Commesisaréponseallaitm’étonner…
Elle m’étonne, par son absence. Rochester choisit l’action plutôt que la parole. En quelques
enjambées, son corps massif se plaque contre le mien, ses lèvres retrouvent leur chemin jusqu’aux
miennes, ses mains se perdent le long de ma silhouette. Je gémis bruyamment lorsque ses bras me
soulèventetmedéposentavecfracassurlacommodeenboisblanchi.L’animalquisommeillaitenlui
vient de se réveiller. Le mien n’attendait que ça. Je ne sens plus que sa langue. Sa langue qui me
cherche,quimegoûte,quimedonneenvied’arrachertoussesvêtements–etlesmiens–justeparla
pensée.
Sans crier gare, ses mains s’insinuent partout. Le contact de ses doigts sur ma peau brûlante me
rapprocheunpeuplusdel’extase.Alorsquejefaispassersonpolopar-dessussatêteetquejepeineà
déboutonner son pantalon fluide, il fait disparaître mon tee-shirt et me soulève les cuisses pour
atteindre ma jupe et ma culotte en dentelle. Elles ne font pas long feu et rejoignent le sol dans un
grognementviril.Nosbouchess’aimantentànouveau,seslèvresavidesachèventdemerendrefolle,
ses mains glissent sous mon soutien-gorge et frôlent mes tétons. Le tissu fin noir vole quelques
secondesplustard,nouvellevictimecollatéraledenotrejeudangereux.
Jemelaisseallercontrelemurfrais,Emmettsedébarrassedesesderniersvêtementspuisglisse
lentementverslebas,enpromenantseslèvresetsesmainsdansmoncou,entremesseins,surmon
nombril,mesflancs.Jehalètebruyammentalorsqu’ilposeungenouausoletapprochesonvisagede
ma féminité gonflée de désir. J’ai à peine le temps d’admirer ses épaules larges et musclées qu’il
m’arrachedéjàunrâledeplaisir.Ilm’écarteunpeupluslesjambes,suçotel’intérieurdemacuisse,
puisatteintmonintimité.Desétoilesmulticoloresdéfilentdansmesyeux.
Sonnezfinetracéeffleuremonclitoris,jegémisenarquantledos.Salanguecontournemonpetit
bouton,letitille,jelesaisisparlescheveux,toutetremblante.Ilgrogned’excitation,dedouleuret,
pendantuneseconde,sespupillescroisentlesmiennes.Jelisundésirdémentdanssesyeuxetdécide
deluirendrelecompliment.Jemecambredavantageetluiouvreunpeuplusmescuisses,comme
pourl’encourageràreprendresabesogne.Cequ’ilfait,sansattendreetsansbroncher,aprèsm’avoir
décochéunsourirediabolique.
Cettefois,salangues’insinuedansmafente,enressort,s’insinueànouveau…Jetremblecomme
unefeuille,incapabledecontrôlerlesvaguesdeplaisirquimesubmergent.Emmettgémitcontrema
féminité, puis soulève ma cuisse pour la poser sur son épaule. Je renverse la tête en arrière et me
retiensdepousserdescrislorsquesalangues’attaqueànouveauàmonclitoris,lorsqueseslèvresle
capturent, le pincent, le malmènent à une cadence infernale. La boule de feu progresse dans mon
ventre,mestétonssontdeplusenplusdurs,mapeaudeplusenplussensible.
Undoigt,puisundeuxièmedisparaissentenmoi.Jesoupired’extase,m’accrocheàsesépaulesde
titan,enlesentantallerenmoi,deplusenplusloin.Unsentimentd’urgences’emparedemoi,toutà
coup.Jeglissemesmainsdanssoncouetlèvesonvisageversmoi,pourqu’ilmeregardedansles
yeux.
–Emmett…haleté-je.Jeteveux…Maintenant…
C’estviscéral.Jeveuxqu’ilmeprennelà,jeveuxlesentirenmoi,sansattendreuneseuleseconde
deplus.Moncorpsnesupporteraitpascemanquedelui.Sousmesyeux,monamantterriblepassela
languesurseslèvres,puisentamesaremontéeenlâchantdesbaisersardentssursonpassage.Mon
clitoris,l’intérieurdemacuisse,mahanche,monaisselle,laparcelledepeauentremesseins,mon
cou,monoreille,puis…meslèvresaffaméesquiselanguissentdeluidepuistroplongtemps.
Àmontour,jecaressesontorse,sonpectoralbarréd’untatouage,leVdesonbas-ventre,puisson
sexebandétoutensuccombantàsesbaisers.J’imprimequelqueslentsva-et-vientenluimordillantla
lèvreinférieureetl’entendsgémiràplusieursreprises.Toutenluiprocurantduplaisir,jeportesa
mainjusqu'àmonintimité–quis’impatientededésir.Maismonmilliardairedécideden’enfairequ’à
sa tête – pour changer. Il se penche pour attraper quelque chose – un emballage rouge – dans une
poche de son pantalon. Il le déchire entre ses dents, enfile le préservatif alors que je frémis
d’impatience.Jelâcheunpetitgrognementdesatisfaction,ils’emparedemesdeuxpoignetspourles
plaquercontrelemur,au-dessusdematête.
–Toutdoux,Baby…murmure-t-ilentremeslèvres.
Sespupillesnoiresplongéesdanslesmiennes,Rochesterpasseàlavitessesupérieure.Sonsexe
droitcommeunientrebrusquementenmoietjelâcheuncriintense,bestial.Enfin,jemesensemplie
delui.Savirilitécoulisselentemententremeschairsetjeserrelesdentsenfaisanttoutmonpossible
pour soutenir son regard. Emmett lâche un petit sourire en coin et augmente la cadence. Son basventreclaquecontrelemien,messeinspointéssursautentàchaquealléeetvenueetjenecroispas
avoirjamaisvuquelquechosedeplusérotiquequenous.Deplusscandaleux.
Scandaleusementbon…
Jem’étaisjuréedenepluscéderàsanoirceur,àsonmagnétisme,àsabeautéinfernale.Jem’étais
juré d’être plus forte, plus digne, plus intouchable. À cet instant, je remercie le ciel, la terre, les
éléments,ledestin,d’avoirlaissélederniermotàmoninstinctprimaire.D’avoirdonnéraisonàmon
désir.D’avoirmissurmoncheminunhommetelquelui.Àquionnerefuserien.
–Regarde-moi,susurre-t-ilenremontantmonmenton.
Je m’exécute, me noyant délibérément dans ses yeux de braise. Cette intensité… J’en perds
littéralement mon souffle. Les mains libres mais tremblantes, je repars à la conquête de sa peau, je
dessine maladroitement ses contours du bout des doigts alors que nos sexes se rencontrent, se
découvrent, s’apprivoisent, encore et encore. La chaleur entêtante qui tourbillonne dans mon basventreetremontelelongdemacolonnevertébralemefaitperdrel’équilibre.
Notrecorps-à-corpssefaitplusdoux,commesiEmmettlisaitclairenmoi.Jenichematêtedans
soncouetcroisemesjambesderrièresescuisses.Ilpassesesmainssousmesfessesetmesoulève,
toujourslogéaufonddemoi.Quelquessecondesplustard,ilmedéposeavecprécautionsurlelit,la
fraîcheurdutissuapaiseuninstantmasensationdebrûlure.Puisànouveau,j’enveuxplus,j’enveux
encore. Je place mes mains sur son fessier rond et musclé et le presse contre moi, pour qu’il
comprenne.Lerythmes’accélère,sespousséesm’électrisent,jegémisbruyammentàchaqueva-etvient.
–Assezjoué...Àprésent,jevaistefairejouircommetun’asjamaisjoui…murmuremonamant
avantdem’embrasserpassionnément.
Sapeauclaquecontrelamienne.Emmettmepénètreencadence,encoulissantprofondément,ses
yeuxsombresimbriquésdanslesmiens.Puisils’attaqueàmesseins,lèchemestétons,lescontourne,
lesmordilleetlerythmeaugmenteànouveau,sespercéesm’attisantunpeuplusàchaquecoupde
reins.J’empoignelesdraps,gémis,râle,tournelatête,criedanssoncou,luigriffeledos:toutce
plaisir,jenesaisplusquoienfaire,j’aibesoinqueçacontinue,j’aibesoinqueças’arrête.J’aibesoin
dejouir,desortirdemoncorps,d’imploser,d’exploser.
Àpeineuneminuteplustard,monsouhaitdevientréalité.Emmettsepenchesurmoi,emprisonne
monvisageentresesavant-bras,medévoreduregardetmepistonneencoreunefois,deuxfois,trois
fois…Etjedécolle.Jem’abandonneàunejouissancestupéfiante,enlâchantdescrisrauquesqueje
n’entendspas.Magorgetremble,mescordesvocalesfonctionnentbien,maisjen’entendsplusrien.
Mesyeuxsontouverts,maisjenelevoispas.Pendantunepetiteéternité,jedécrochetotalementdela
réalitépourm’évaderdansunmondeoùseulsmonplaisiretlesienexistent.Lorsqu’Emmettatteint
l’orgasme,àsontour,ilmerejointdanscettebullequenousvenonsdecréeràforcedelèvresavides,
decaressesetdecorpsofferts.
Cettefois,cettebulle,c’estbienlamienne.Lanôtre.
Ma respiration revient peu à peu à la normale. Allongée à ses côtés, je savoure le contact de sa
peaubrûlantecontrelamienne.J’aidumalàréaliser.Sonbrasestcolléaumienetilnelebougepas.
Nous venons de nous envoyer en l’air et il ne cherche pas à fuir. Il ne condamne pas ce que nous
venonsdefaire.Touteslesrèglesquenousavonsignorées.Jetourneparesseusementlatêteverslui
et croise son regard. Le feu ne s’y est toujours pas éteint. Un sourire se dessine sur ses lèvres et
s’élargitlorsqu’ilcontemplemoncorpsnu.
Ilveutremettreça?Déjà?Jenesuispascertained’enavoirlaforce…L’envie,parcontre…
Emmett appuie sur le bouton de la télécommande reliée au lit et juste au-dessus de nous, le toit
s’ouvre…pourlaisserentrerlesétoiles.
–Ellessemblentbrillerplusqued’ordinaire,cesoir…murmuremonmilliardaireencaressantma
paumeduboutdesdoigts.
5.Jamais
J’ouvreunœil,unelégèredouleurseravivedansmondos.Lespetitesécorchuresqueleboisa
creusées sur ma peau. Tout me revient. Cette nuit d’une intensité incomparable. Ce corps-à-corps
démentiel.Cesmusclesquiroulaientsoussapeauetsurlamienne.Jusqu’àcemomentoùEmmettet
moiavonsdûnousséparer,aprèsavoirdiscuté,rietredessinélacartedesétoilesdanslecielanglais.
Quelquechoseachangédepuis.Maisquoi?
Je m’étire longuement mais sans réel résultat : mon corps groggy m’ordonne de m’enfouir à
nouveau sous la couette pour ne jamais en ressortir. Comme si j’avais le choix… Je m’assieds au
borddulit,meforçantàmereconnecteraveclemondeextérieur.Cederniernesemblepasbeaucoup
plusmotivéquemoi.Àpartquelquespiaillementsd’oiseaux…rien.Lagrandedemeuredortencore.
Lecalmeplatrègnedanslescouloirsdumanoirlorsquejem’approchedelachambredeBirdie.
Lebabyphonenes’estpasdéclenché,maisjetiensàvérifierparmoi-même.J’enroulemaqueue-decheval en chignon – déformation professionnelle – une fois face à la porte où sont accrochées des
jolieslettressubtilementcolorées.Jebaisselapoignéeleplusdiscrètementpossibleetentredansla
pièce sombre à pas de loup. Surprise – et mini-crise cardiaque : deux grands yeux marron bien
ouvertsmedévisagent,l’airfâché.
–Dodieretard!m’envoielapetite,déjàdeboutetprêteàsortirdesonlitàbarreaux.
Je la prends dans mes bras en riant, elle attrape le pendentif qui brille dans mon cou, comme
chaque matin. Deux petites cerises toutes fines, en argent. Des fruits de juin : c’est notre mois de
naissance, à Joe et moi. Ma jumelle a le même pendentif, puisque c’est le cadeau que nous a fait
Hélène,notremère,pournos18ans.Lebijouleplusprécieuxquej’aieaumonde.
Dansl’immensecuisinedurez-de-chaussée,BirdieetmoiretrouvonsConnoretMary,enpleine
scènedeménage.Lemajordomem’ajuréqu’ilnes’acoquinaitpasaveclagouvernanteencachette,
maisj’aidesdoutes.Cesdeux-làsechamaillentbeaucouptroppourêtreinnocents…
– Je vous rappelle que vous n’êtes pas à Londres, vous êtes dans le Dorset, sur mon territoire !
Maispuisquevousvouscroyezicichezvous,jevouslaissevousoccuperdel’intendance,çamefera
desvacances!luibalancelajolierondeletteavantdequitterlapièced’unedémarche...chaloupée.
– Elle roule de l’arrière-train quand elle est fâchée, rigole le géant en me faisant un clin d’œil.
J’adorevoirça…
–Connor,sivouspouviezéviterdepoussermonstaffàladémission…semarreàsontourMr
Rochesterennousrejoignant.
Ilmesouritetmefixedesesyeuxnoirs,puismecontourneetvaembrassersafille–quin’aque
fairedelui,labouchevisséesursonbiberon.Enl’observant,jelisserapidementletissudemajupe
noiretaillehaute.Contrairementàmoi,lecolosseblondsembled’unefraîcheurabsolue.Ilabonne
mine,sentlegeldoucheetlamousseàraser,porteunechemiseblancheauxmanchesretrousséeset
unjeanbrut…Unappelàmesinstinctslesplusprimaires,enquelquesorte.Maiscen’estnilelieu,ni
lemoment.Mêmepaslorsquesespupillessombressondentlesmiennesetquesonsourires’élargit,
commesimontroubleetmessentimentspourluiselisaientpartoutsurmonvisage.
– Je vous prépare quelque chose, Mr Rochester ? Sidonie ? nous propose le majordome,
clairementamusé,ennousforçantàdétournerleregard.
Misàpartlepetitgloutondedeuxans,personnedanscettepiècen’estdupe.
– Merci Connor, mais Nanny, Birdie et moi allons faire un tour. Ce serait un crime de ne pas
profiterdelacampagneanglaiseetdecetempsmagnifiqueavantderentrer,luirépondsonpatronen
metendantunetassedecafé.
–Nannyafaittoutletrajetavecsespetitespattes,depuisLondres?ironisé-jeenfaisantréférence
aurongeurquiaéténomméaprèsmoi.
– Non, la boule de poils n’a pas pu quitter sa cage, elle, me sourit Emmett. D’ailleurs, Birdie a
décidédel’appeler«Saucisse»àpartirdemaintenant.Histoired’éviterlesconfusions…
–Cetteenfantadécidémentbeaucoupdejugeote…grogné-jeavantdevidermonmugd’untrait.
Bananeécraséeetfromageblanc.Unquartd’heureplustard,Birdieaavalégoulûmentlecontenu
desonassiette,chaussésespetitesbasketsentoile,enfilésonbobetnouspousseendirectiondela
sortie.Apparemment,jesuislaseuleàtraînerdespiedsenempruntantlepetitchemindeterreentouré
de vertes prairies. Partager un moment de complicité avec Emmett ne me dérange pas – bien au
contraire–maistoutcegrandairetcesoleilradieux,est-cevraimentnécessaire?
Commentfait-ilpouravoirunetelleénergie,aprèsquatreheuresdesommeil?!
Petitàpetit,jemelaissegagnerparlachaleurambianteetcespaysagesenchanteurs.Emmettnous
faitemprunterdespetitscheminsqueluiseulconnaîtetpendantdeuxheures,noussommesseulsau
monde.Birdiecourt,trébuche,sautesurlesfleurs,lesboutsdebois,metireparlamain,répondaux
oiseaux, se repose dans les bras de son père, puis repart à nouveau. Mr Rochester et moi rions
souvent,fort,àl’unisson.Voilàcequiachangé.Notrecomplicité.Elleexistevraiment,désormais.
Un peu avant midi, nous prenons le chemin du retour – évidemment, à ce stade, je ne veux plus
rentrer!–etc’estàcemoment-làqueletéléphonedumilliardairesonne.Àquelquespasdemoi,il
décroche, salue Camilla – je serre les dents – formule quelques réponses vagues, puis raccroche.
Soudain,unsilencepesants’installeentrenous.J’attendsdesexplicationsetjecroisqu’illesait…
–Camillavientdepartir.Lesaffaires…lâche-t-ilenfinenseraclantlagorge.
–Undimanche?
–Oui.LeRMGneprendpasde«dayoff»,lui,mesourit-il.
Jen’ajouterienmaisjesenssonregardsurmoi,curieux,concentré.
– Il n’y a rien entre elle et moi. Il n’y a jamais rien eu. Juste une grande amitié, souffle-t-il en
passantlesmainsdanssescheveux,sanss’arrêterdemarcher.
–J’avouequej’aidumalàcomprendre…murmuré-je,terriblementsoulagée.
–C’estquelqu’undebien,touteslesannéesquej’aipasséesprèsd’ellemel’ontprouvé.Elleest
justesurladéfensiveavectoi…
–Pourquoi?
–Sûrementparcequ’elleestpossessive,parcequ’elleveutmeprotéger.Etelleatoutdesuitesenti
notre…attirance.
– Elle pense que tu n’as pas le droit d’être heureux avec une autre ? demandé-je soudain, juste
avantderegrettermonmanquedetact.
Emmettnerépondpas.Ilpresseunpeupluslepasettendlesbrasverssafille,quis’amuseàle
fuir. Finalement, quand la petite décide de déchiqueter un arbuste fleuri, Rochester me fait signe
d’allerm’asseoirsurlebancquisetrouvelà,toutprès.Ilfaitdemêmeet,sansquej’aiebesoindele
provoquer,ils’ouvre:
–Cettemaison,ceparc,toutçaappartenaitàmesparents,dit-ilenpointantdudoigtlemanoir,qui
sedessineauloinetquejereconnaisenfin.Ilssontmortsilyaunedizained’annéesetj’aihéritéde
tout.J’avaisàpeine20ans.
Jesoupirelégèrement,ilcaressemajouependantuninstant.Uninstantquisuffitàfairebattremon
cœurcommejamais.
–RencontrerRobyn,c’estcequim’apermisdegarderlespiedssurterre.Elleétaitentière,droite,
ambitieuse,déterminée.Toutcequejen’étaispasàl’époque.Elleadoraitvenirici,elledisaitqu’elle
senourrissaitdelanature,qu’ellesesentaitdanssonélément,bienplusqu’àLondres.
Savoixestfluide,jen’ydécèleaucuneincertitude,commes’ilcherchaitàmasquersesémotions.
– Je parle rarement d’elle. Parce que ça fait tout remonter. Et parce que je refuse de passer le
restant de mes jours à haïr celui ou celle qui me l’a enlevée. Et à me détester pour ne pas l’avoir
sauvée.
La colère commence à monter en lui, ses mains tremblent légèrement, son regard est perçant,
pointéversl’avant.
– Birdie est trop jeune pour comprendre, continue-t-il en se radoucissant. Un jour, elle saura. Et
j’espèrequ’elleneserapasforcéedegrandirtropvite,àcausedeça.
–D’icilà,tuaurassûrementrefaittavie,murmuré-jesimplement,sansarrière-pensées.Ettafille
aimerauneautrefemme,sanspourautantoublierquiétaitsavraiemère.
Moncœurseserreenm’entendantprononcercettephrase.Jerepousselesimagesquitraversent
monesprit,refusantdemêlermonproprepasséàtoutça.
– Ça n’arrivera pas. Jamais, lance-t-il en me forçant à le regarder dans les yeux. Je ne suis plus
capabledevivretoutça.D’aimer.Dememettreendanger.J’aiététerrasséparlechagrin,ceserala
seulefois.
–…
–Pasderéponsephilosophique?Pasdeproverbeàlaconsurl’amouretlesensdelavie?souritilpresque,étonnéparmonmanquederepartie.
–Non.Chacunsavisiondeschoses,fais-jeensentantlatristessem’envahir.
–Sidonie,situaspeur…Situpensesquejevaistefairesouffrir…Ilfautpartir…susurre-t-ilen
mefixantd’unregardquimebouleverse.
–Jen’aipaspeur!protesté-jeenmelevantd’unbond!Jenet’airiendemandéEmmett,rien!
Menteuse…Amoureuse…
La balade s’est terminée comme elle avait commencé : mon milliardaire et Birdie dix mètres
devant, à sautiller et crier dans le vent, moi derrière, à trottiner pour les rattraper. J’ai retenu mes
larmes comme un bon petit soldat, ai fait tout mon possible pour oublier cette conversation – ou
plutôt, pour la ranger dans un petit coin de ma tête, histoire de la débriefer plus tard avec mon
gourou,aliasmajumelle.
Quatre heures plus tard, nous prenons la route, direction La City. Je vois la façade du grand
manoirs’effacerpetitàpetitdanslerétroviseuretjeréalisequejen’ymettraipeut-êtreplusjamais
lespieds.Pincement.Birdiefinitsasiesteàl’arrière,Emmettestauvolantetjesuisinstalléesurle
siège passager. Connor est rentré avec le chauffeur en début d’après-midi, afin de préparer la
townhouse.
–MrRochestersaitdoncconduire…memoqué-jedoucement.
– J’adore ça, c’est l’un de mes petits plaisirs, me répond-il en augmentant le volume pour faire
retentirMilesDavisdanstoutl’habitacle.
–Birdiedort!m’écrié-jeenlebaissant.
–Baby,jesaiscequejefais:lespremiersmois,leseulmoyendelafairedormir,c’étaitderouler
aveclamusiqueàfond…
«Baby»…
–Toutvabien?s’inquiète-t-ilenmevoyant,livide.
–Tunem’appellescommeçaquequandon…Tusais…Quandon…bredouillé-je.
–Onquoi?
–Tusais!
–Oui,jesais,ricane-t-ilenfixantlaroute.
Saloperie!
–Tuasrepenséàcequejet’aidittoutàl’heure?continue-t-ilenreprenantsonsérieux.
–Àquelsujet?
–Tusaistrèsbiendequoijeparle…
–Oui.Jemepermetsjustedeteprouveràquelpointtonpetitjeuestagaçant.
–Ok,c’estchosefaite,grogne-t-ilenmettantsesRay-Ban.Donc?
–Doncj’aimemonjobetjenecompteallernullepart.
–Et…pourlereste?insiste-t-il.
–Ons’amuse,onsefaitdubien,onnefaitriendemal,si?dis-jed’unevoixlégère–etforcée.
–C’estvraimentcequetupenses?meregarde-t-ilintensémentàtraverssesverresteintés.
–Lesyeuxsurlaroute!ris-je.Etoui,c’estcequejepenseetjeneveuxrienchanger.
–Ok,j’aideuxrègles.
–Pitié…soupiré-je.
–Un:notre«relation»restesecrète.Personnenedoitsavoir!
–Masœurestaucourant…
–Personned’autre,gronde-t-ilpourmefairetaire.
–Ok.
–Deux:jenepartagepas.
–Traduction?demandé-je,méfiante.
–Onestexclusifs.TunefaispaslesyeuxdouxàtonJasperouàaucunautre,d’ailleurs.Enretour,
jenemeconsacrequ’àtoi.
–C’estsijolimentdit,ironisé-jeenposantunpiedsurlaboîteàgants,àl’autreboutdutableaude
bord.
–Parterrelesjambes,situveuxlesgarder!ordonne-t-ildesavoixrauque–etexcitante.
–J’adorequandtumeparlesmal…ris-jedeplusbelle.
– Sidonie, ne me cherche pas trop… me menace-t-il en se retenant de sourire. Tu acceptes ma
deuxièmecondition?
–Oui.Àvotreservice,MrRochester.
–J’aimemieuxça,rigole-t-ileneffleurantmacuisse–dénudée–duboutdesdoigts.
***
Lemoisd’aoûtestpasséàunevitessefolle.
Emmettetmoiavonsjouéauchatetàlasouris.Soufflélechaudetlefroid,justepourleplaisirde
se provoquer, se tester, se faire désirer. Et ça a marché, si j’en crois les séquences interdites aux
moins de 18 ans qui ont eu lieu dans la townhouse de Mayfair. Rien que d’y penser, ma peau se
réveille…Neresteplusqu’àmaîtrisermoncœurquis’emballeunpeutropàchaqueregard,chaque
baiser,chaqueétreinte.
J’ai repris la pilule et après en avoir discuté, nous sommes allés au labo pour faire des tests, le
mêmejourmaispasàlamêmeheure–discrétionoblige.Nosrésultatssontarrivésquelquesjours
plus tard et ce soir-là, pour la première fois, nous nous sommes envoyés en l’air en toute
insouciance.
Birdie et moi avons consolidé un peu plus le lien très spécial qui nous unit. Je l’ai laissée
martyriserConnor,sespoupées,boudersescarottes,mepousserdanslapiscine,mevernirlespieds
–paslesongles–etenéchange,elleadivisésescapricespardeux.Ennombreetenintensité.
Joe et moi avons débattu encore et encore de ma relation avec Emmett. Sans jamais réussir à
trouverunterraind’entente.Ellem’abalancél’argument«Mathias»àlafigureunebonnedizainede
foisetj’aiprissurmoipournepasluiraserlatêtedanssonsommeil.
Lefrigorosebonbonarendul’âme.Puiss’estremisàmarcher.JudeMontgomerym’ainterrogée
plusieurs fois sur ma jumelle, qui lui a apparemment tapé dans l’œil. Jasper a cassé ma lampe de
chevet.Etnel’apasremplacée.Connorm’aavouéqu’ilétaitgay.Oubi.Jenesuispassûred’avoir
trèsbiencompris.Camillas’estpointéeunpeumoinssouvent,maistoujoursaveccetairarrogant.
Arrogance, c’est justement le premier mot qui me vient à l’esprit lorsqu’elle débarque à la
townhouse à vingt heures passées, une fois de plus sans avoir été invitée. Et en interrompant notre
dîner.Entêteàtête…
–Uneurgence?Outuveuxtejoindreànous?luidemandeimmédiatementEmmettenlavoyant
seplanteràcôtédenous–etenvoulantprobablementsauverlesapparences.
Etvoilà,soiréegâchée!
– Non, je n’ai pas le temps, merci. Par contre tu ne m’as pas répondu pour le dossier Gold &
Brown.Jel’aidéposésurtonbureaucematin!
–Paseuletemps.
–Tupeuxyjeterunœil?Ilsattendentuneréponsedansl’heure!
Emmett me lance un rapide coup d’œil – je devine qu’il s’excuse secrètement – et se lève pour
quitterlapièceàpetitesfoulées.Mêmededos,ilestàtomber.Iln’estpaspartidepuistrentesecondes
quejemeprendslagifledusiècle.Verbale.
–Çanevousdérangepasdevouscomportercommeunetraînée?medemandeLadyCamillade
savoixlaplusacide.
–Pardon?m’étouffé-je,choquée.
–Jenesuispasidiote,jesaistrèsbiencequevousfaitesdansvotrecoin,touslesdeux.Cesontses
abdosenacierousesmilliardsquivousmotiventàécarterlescuisses?siffle-t-elledeplusbelle.
–Camilla,sortezd’iciouvouspourrezdireadieuàvotrepetitnezbiendroit…lamenacé-je.
–Pasdeçaentrenous,voyons.J’aiapprisquelquechosedepassionnant,hiersoir.J’étaisàParis,à
undînermondainorganiséparmonamiécrivainArmandDelatour.
–Qu’est-cequeçapeutme…
–Vousnedevinerezjamaisquij’yaicroisé,mecoupe-t-elleensouriantdetoutesacruauté.
–Lesuspenseaassezduré,Camilla…grogné-jeenmelevant,prêteàendécoudre.
–UncertainMathiasPrévost.Ilestplutôtbelhomme…Etextrêmementbavard,ricane-t-elleenme
voyantblêmir.
–Pourquoiest-cequevousmefaitesça?murmuré-jeenretenantmeslarmes.Qu’est-cequevous
voulez?
–Jesaistout,Sidonie.Jesaiscequevousavezfait.Jesaisquelgenredefemmesvousêtes.
Son ton est non seulement cassant, mais je lis du dégoût dans ses yeux. Mes larmes salées
atteignentmeslèvres.
–Sij’apprendsquevousposezlepetitdoigtsurEmmettuneseulefoisdeplus,jeluidéballetout.
Danslesdétails.Etnonseulementilnevoudraplusdevouscommemaîtresse,maisilnevoudraplus
devouscommenanny.Àpartirdemaintenant,gardezvossalespattesloindelui.Compris?
–…
–Compris?répète-t-elle,unpeuplusfort.
–Oui.
–Luietvous,c’estfini.Dites-le!
–Luietmoi,c’estfini…sangloté-jeenquittantlacuisinepourmeprécipiterdanslesescaliers.
Unefoisarrivéeaudernierétage,jetournebrusquementlaclédanslaserrurepourm’enfermer
dansmesappartements.Jemelaisseglissercontrelagrandeporteetéchoueausol,tremblante,les
joues trempées, le cœur en vrac. Comment vais-je faire pour rester loin de lui ? Pour résister à ce
regard,àceslèvres,àcettepeauquim’animent,quimedonnentplusquejamaislasensationd’être
vivante?
Jel’ignore,maisjevaisdevoirtrouverunmoyen.
Ilnedoitpassavoir.Ilnedoitjamaissavoir.
Àsuivre,
nemanquezpasleprochainépisode.
Egalementdisponible:
BeautifulParadise
Solveig s'apprête à vivre un nouveau départ, direction les Bahamas, l'île de Cat Island, où son
excentriquetantepossèdedeschambresd'hôtes.Soleil,plagedesablefinetpalmiers,c’estdansce
cadreparadisiaquequeSolveigrencontrelemultimilliardaireWilliamBurton,etlecoupdefoudre
estimmédiat!Ununiversmerveilleuxs'offrealorsàlajeuneParisienne.Seuleombreautableau,le
mystérieuxjeunehommecachequelquechose,sonpasséesttrouble.Entreunirrépressibledésiretun
impalpable danger, la jeune fille acceptera-t-elle de suivre le beau William ? A-t-elle seulement le
choix?
DécouvrezlanouvellesériedeHeatherL.Powell,unesagaquivousemporteraauboutdumonde!
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